Nations Unies

CCPR/C/SR.2725

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

2 août 2010

Original: français

Comité des droits de l’homme

Quatre-vingt-dix-neuvième session

Compte rendu analytique de la 2725 e séance*

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le lundi 19 juillet 2010, à 15 heures

Président:M. Iwasawa

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties conformément à l’article 40 du Pacte (suite)

Quatrième rapport périodique du Cameroun

La séance est ouverte à 15 h 5.

Examen des rapports soumis par les États parties conformément à l’article 40du Pacte (point 6 de l’ordre du jour) ( suite)

Quatrième rapport périodique du Cameroun (CCPR/C/CMR/4; CCPR/C/CMR/Q/4, CCPR/C/CMR/Q/4/Add.1)

1. Sur l’invitation du Président, la délégation camerounaise prend place à la table du Comité.

2.M. Nkou (Cameroun), présentant le quatrième rapport périodique du Cameroun (CCPR/C/CMR/4) dit qu’il ne doute pas que son examen sera l’occasion d’échanges fructueux avec le Comité et permettra de consolider les relations de confiance qui ont toujours existé entre celui-ci et le Cameroun et de continuer à renforcer la protection, la promotion et la défense des droits de l’homme dans le pays.

3.Certes le Cameroun n’est pas exempt de problèmes dans le domaine des droits de l’homme mais dans une Afrique en proie à toutes sortes de turbulences et d’incertitudes, il apparaît comme un modèle de paix et de stabilité. L’état de droit, les droits de l’homme, les libertés individuelles et collectives et la bonne gouvernance sont aujourd’hui des valeurs solidement ancrées dans la démocratie camerounaise. Le pays compte plus de 200 partis politiques et plusieurs centaines d’organisations non gouvernementales et d’associations très actives dans le domaine de la défense des droits de l’homme. Les syndicats sont nombreux et veillent au respect des droits des travailleurs. Les médias sont très diversifiés, avec pas moins de 600 périodiques, 200 radios et une douzaine de chaînes de télévision. En outre, le Cameroun a ratifié tous les principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme.

4.Le pouvoir exécutif est incarné par le Président de la République, le Gouvernement et les collectivités locales. Le pouvoir législatif est exercé par l’Assemblée nationale au sein de laquelle siègent de nombreux députés membres des partis de l’opposition. Le Sénat, dont la mise en place n’est pas encore effective, viendra prochainement compléter ce dispositif. Le pouvoir judiciaire fonctionne en toute indépendance.

5.Depuis l’examen du précédent rapport, le Cameroun a ratifié la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, son Protocole additionnel visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants et son Protocole additionnel contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer. Le cadre juridique de l’application du Pacte a également été renforcé avec l’adoption en 2004 et en 2005 de plusieurs textes importants, notamment la loi portant organisation et fonctionnement du Conseil constitutionnel, la loi portant création, organisation et fonctionnement de la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés et son décret d’application, la loi portant statut des réfugiés et la loi relative à la lutte contre le trafic et la traite des enfants. Le 1er janvier 2007, un nouveau Code de procédure pénale fondé à la fois sur les systèmes romano-germanique et anglo-saxon, est entré en vigueur. Il renforce sensiblement la protection des garanties d’une procédure régulière. Parmi les dispositions les plus importantes à cet égard, on peut citer celles qui concernent le droit de tout suspect d’être assisté par un conseil dès l’ouverture de l’enquête et d’être examiné par un médecin, le droit de garder le silence, l’obligation incombant au juge d’instruction de déterminer la durée de la détention provisoire, la fixation d’une durée maximale pour la détention provisoire, l’action en habeas corpus ou libération immédiate, le droit de demander des dommages-intérêts en cas de garde à vue ou de détention provisoire abusive, la possibilité d’une libération avec ou sans caution à tous les stades de la procédure et l’inadmissibilité des aveux obtenus par la torture. Le nouveau Code de procédure pénale reprend en les modernisant les dispositions de la loi de 1964 relative à l’extradition, modifiée en 1997, et élargit le champ des motifs de refus de l’extradition. Ainsi, au risque d’être soumis à la torture, il ajoute celui de subir des traitements cruels, inhumains ou dégradants dans l’État requérant. La discrimination fondée sur les opinions politiques, les convictions religieuses, la race ou la nationalité constitue également un motif de refus.

6.À l’occasion de l’examen du précédent rapport périodique du Cameroun en 1999, le Comité avait soulevé des préoccupations au sujet du système pénitentiaire, et plus particulièrement du contrôle des lieux de détention, de la tutelle de l’administration pénitentiaire et de la surpopulation carcérale. Comme suite aux recommandations du Comité, l’administration pénitentiaire, qui relevait auparavant du Ministère de l’administration territoriale, a été rattachée en 2004 au Ministère de la justice. Toutes les organisations humanitaires qui en font la demande peuvent obtenir des accréditations qui leur permettent d’accéder librement aux prisons du pays. La Commission nationale des droits de l’homme et des libertés a d’ailleurs effectué de nombreuses visites dans les lieux de détention à la suite d’une requête ou de sa propre initiative. Elle se rend en outre régulièrement dans les commissariats de police et les brigades de gendarmerie où les chefs de parquet font également des contrôles de routine. Le Comité international de la Croix-Rouge se rend lui aussi régulièrement dans les prisons et les lieux de détention. Par exemple, entre le 19 et le 23 février 2007, il s’est rendu dans les prisons centrales de Yaoundé et de Bamenda après avoir obtenu les autorisations requises, délivrées par le Président de la République. Après les émeutes de février 2008, une délégation du CICR s’est rendue à la demande du Gouvernement, dans les prisons centrales de Yaoundé, Douala, Bafoussam et Buéa, où elle a pu s’entretenir avec les détenus conformément à la pratique habituelle du CICR. Elle a bénéficié à cette fin de la collaboration sans réserve des autorités pénitentiaires. Des programmes de visites régulières dans les prisons régionales du Cameroun sont également mis en œuvre par plusieurs ONG et font l’objet de rapports périodiques. La ratification, en juillet 2010, du Protocole facultatif se rapportant à la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants constitue dans ce domaine un progrès considérable et témoigne de la volonté du Gouvernement de combattre efficacement la torture et les traitements cruels ou dégradants en mettant en place un dispositif de prévention et de protection permanent.

7.Les mesures envisagées ou mises en œuvre pour lutter contre la surpopulation carcérale comprennent la construction de six nouvelles prisons de 300 places chacune, le transfèrement des détenus des établissements les plus peuplés dans d’autres établissements et l’application des mesures de substitution à l’emprisonnement prévues par le Code de procédure pénale telles que la mise en liberté sous caution et la libération conditionnelle. Les nombreuses grâces accordées par le Président de la République, suivies immédiatement de la libération des détenus qui en bénéficient contribuent également à désengorger les prisons. D’autres mesures ont été prises pour améliorer les conditions de détention. Un plan de recrutement triennal qui prévoit le recrutement de 1 500 agents pénitentiaires supplémentaires, a été lancé pour renforcer les capacités d’encadrement des détenus. Le programme d’enseignement de l’École nationale d’administration pénitentiaire a été modifié de manière à faire une plus grande place aux droits de l’homme. Enfin, les fonds budgétaires alloués à la santé et à l’alimentation des détenus sont régulièrement augmentés.

8.En ce qui concerne les mécanismes d’inspection des prisons, il y a lieu de signaler que des contrôles ponctuels sont effectués à l’initiative du parquet ou de l’Inspection générale de l’administration pénitentiaire et que les contrôles trimestriels des détentions préventives font l’objet d’un rapport dont copie est adressée au Ministère de la justice par les différents parquets. En outre, les administrateurs des prisons établissent des relevés mensuels sur les détenus qu’ils ont l’obligation de transmettre aux parquets territorialement compétents.

9.À l’occasion de l’examen du précédent rapport périodique, le Comité avait noté avec préoccupation que des journalistes étaient poursuivis et condamnés pour publication de fausses nouvelles. Il avait recommandé au Cameroun de veiller à ce que toute loi restreignant la liberté d’expression réponde aux conditions énoncées au paragraphe 3 de l’article 19 du Pacte. D’importantes mesures ont été prises comme suite à cette recommandation. En application du décret no2000/158 du 3 avril 2000, des licences ont commencé à être délivrées aux entreprises privées de communication audiovisuelle; une commission nationale d’examen des demandes d’admission à bénéficier de l’aide privée à la communication a été créée et la censure a été supprimée. Il existe cependant chez les journalistes camerounais une tendance regrettable à publier des nouvelles erronées qui portent atteinte aux droits et à la réputation d’autrui. Les délits de presse sont toujours passibles de sanctions pénales, et ce dans le but de promouvoir la responsabilité et le respect de la déontologie par les journalistes et de protéger les droits des citoyens et l’ordre public, conformément à l’article 19 du Pacte. Il est intéressant de noter que la plupart des poursuites contre des journalistes ne sont pas engagées par le ministère public mais font suite à des plaintes de particuliers. Nombre d’articles contenant des informations fausses ou non fondées dirigées contre le Gouvernement ou les institutions de l’État ne donnent lieu à aucune poursuite. Le Comité sera satisfait d’apprendre qu’actuellement, aucun journaliste n’est détenu au Cameroun.

10.Le 13 avril 2010, l’Assemblée nationale a adopté trois textes de loi importants. Le premier modifie les dispositions régissant le fonctionnement de l’organisme chargé de l’organisation, de la gestion et de la supervision de l’ensemble du processus électoral et référendaire (Élections au Cameroun − ELECAM), de manière à renforcer l’impartialité de cet organisme en garantissant la participation à son fonctionnement des partis politiques, de la société civile, des administrations de l’État et des services judiciaires. Le deuxième renforce la promotion et la protection des droits des personnes handicapées, il définit notamment des mesures relatives à l’accompagnement psychosocial des personnes handicapées, à leur accès à l’éducation, aux sports et aux loisirs, et à leur intégration dans le monde du travail. Le troisième enfin modifie les dispositions de la loi no2004/016 du 22 juillet 2010 relative à la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés de manière à établir que les membres qui représentent les administrations publiques au sein de la Commission n’ont pas voix délibérative mais seulement voix consultative, conformément aux Principes de Paris.

11.En ce qui concerne la mise en œuvre des constatations du Comité relatives à des communications mettant en cause le Cameroun, des négociations sont en cours avec MM. Afuson Njaru et Gorji-Dinka en vue de déterminer le montant de l’indemnité qui leur sera versée. Si aucun accord n’est conclu d’ici à la fin de l’année, le Gouvernement le fixera lui-même en fonction des ressources disponibles. Une indemnisation de 100 millions de francs CFA a été accordée à M. Mukong et des démarches ont été entreprises pour prendre contact avec les ayants droit de M. Titiahonjo. En ce qui concerne l’affaire Engo, les modalités juridiques et pratiques de la mise en œuvre des constatations du Comité sont encore à l’étude.

12.Le Président remercie le chef de la délégation camerounaise et invite les membres du Comité à faire leurs observations.

13.M me  Majodina dit qu’il faut reconnaître que le Cameroun a su dépasser les difficultés inhérentes à toute société postcoloniale caractérisée par une grande diversité ethnique et linguistique, et que la paix et la stabilité qui y règnent, comme l’a à juste titre souligné le chef de la délégation, sont d’autant plus remarquables qu’elles sont rares dans la région. L’examen du quatrième rapport périodique est l’occasion pour le Comité d’évaluer la manière dont l’État partie met en œuvre le Pacte et de le guider, sans le juger, afin qu’il s’acquitte plus efficacement de ses obligations au regard du Pacte. De ce point de vue, il est dommage que toutes les préoccupations soulevées par le Comité dans la liste de points à traiter n’aient pas été traitées suffisamment dans les réponses écrites.

14.L’État partie établit clairement dans son rapport et dans ses réponses écrites que les instruments internationaux, et par conséquent le Pacte, font partie intégrante de l’ordre juridique interne à compter de leur ratification. Les juges sont par conséquent libres d’invoquer et d’interpréter les dispositions du Pacte. À l’occasion de l’examen en 1999 du précédent rapport de l’État partie, celui-ci avait expliqué que le Pacte n’avait jamais été invoqué par les tribunaux parce qu’il était encore mal connu, et il avait reconnu qu’il devait intensifier ses efforts pour sensibiliser les juges, les magistrats et les responsables de l’application de la loi en général aux dispositions du Pacte. Le fait qu’une seule affaire soit mentionnée dans les réponses écrites de l’État partie pour illustrer l’invocation des dispositions du Pacte par les tribunaux conduit à se demander si de réels progrès ont été faits dans ce domaine. Si la délégation a connaissance d’autres affaires dans lesquelles des tribunaux ont fondé leur décision sur le Pacte, le Comité souhaiterait qu’elle lui en fasse part. L’État partie n’a pas répondu à la question de savoir quelles dispositions du Pacte n’avaient pas encore été appliquées en droit pénal, en dehors de l’interdiction de la torture. Toute précision que la délégation pourra apporter à ce sujet sera la bienvenue.

15.Les mesures prises pour diffuser le Pacte auprès des chefs traditionnels sont louables et les informations communiquées par l’État partie à ce sujet appréciables, mais il faudrait savoir dans quelle mesure les tribunaux coutumiers tiennent compte des dispositions du Pacte dans leurs jugements (question no 4). L’État partie indique dans son rapport (par. 327) que le Gouvernement désapprouve certaines pratiques utilisées par les chefs traditionnels pour rendre la justice, mais envisage-t-il de les interdire?

16.S’il est vrai que la Constitution consacre le principe de l’égalité de tous les êtres humains en droits et en devoirs, force est de constater que dans les faits, les femmes ne jouissent pas des mêmes droits que les hommes. La persistance de la discrimination à l’égard des femmes s’explique en partie par le fait que dans de nombreuses régions du pays le droit coutumier, dont certaines règles sont clairement discriminatoires à l’égard des femmes, notamment en ce qui concerne le droit à la propriété et les droits successoraux, a davantage de poids que le droit écrit. Il serait intéressant d’entendre la délégation sur ces questions. Deux exemples d’affaires dans lesquelles des femmes victimes de pratiques coutumières discriminatoires ont obtenu réparation devant les tribunaux sont cités dans les réponses écrites, mais les faits datent d’il y a plus de vingt ans; des informations sur des affaires plus récentes seraient souhaitables. L’État partie n’a pas répondu à la principale préoccupation du Comité qui était de savoir s’il avait adopté ou prévoyait d’adopter une loi interdisant la discrimination à l’égard des femmes; la délégation pourra peut-être apporter des éclaircissements à ce sujet.

17.L’État partie a choisi d’incorporer le projet de loi sur la prévention et la répression de la violence envers les femmes et de la discrimination sexiste dans le Code pénal plutôt que d’en faire une loi distincte. Il serait intéressant de connaître les raisons de ce choix. Le Code pénal punit le viol mais pas le viol conjugal. D’après une source non gouvernementale, les plaintes pour viol donnent rarement lieu à des enquêtes et à des poursuites. En 2010, 14 cas de viol ont été signalés. Il serait intéressant de savoir si une enquête a été ouverte et si des suspects ont été identifiés. Il n’existe pas de loi qui réprime expressément la violence dans la famille. Les atteintes à l’intégrité physique sont punies d’emprisonnement et du versement d’une amende mais lorsqu’il s’agit d’actes commis dans le cercle familial, ces peines sont rarement appliquées. La violence au foyer continue d’être légitimée par la société et elle est généralement considérée par la police comme une question d’ordre privé qui de ce fait donne rarement suite aux plaintes. Pourtant, d’après une ONG sise à Douala, 39 % des femmes mariées ou vivant en concubinage sont victimes de violences de la part de leur partenaire. La délégation pourrait-elle commenter ces informations et indiquer notamment si la violence au foyer est couverte par les dispositions relatives à la prévention et à la répression de la violence envers les femmes qui seront incorporées dans le Code pénal? Des données détaillées sur le nombre de plaintes reçues pour violence dans la famille, les éventuelles poursuites auxquelles elles ont donné lieu et, le cas échéant, les peines prononcées seraient utiles. Il serait également intéressant de savoir s’il existe des structures d’accueil pour les victimes de violence au foyer et si des campagnes de sensibilisation sont menées pour faire comprendre à la population que ce type de violence est inacceptable et constitue une infraction.

18.La pratique des mutilations génitales féminines est une source de préoccupation que le Comité a soulevée à maintes reprises, y compris à l’occasion de l’examen du rapport précédent de l’État partie. En dehors du plan d’action national de lutte contre les mutilations génitales féminines, quelles mesures sont prises pour faire en sorte que ceux qui pratiquent ces mutilations soient poursuivis et condamnés? Il faudrait également savoir quels recours sont ouverts aux victimes.

19.Le Comité national des droits de l’homme et des libertés est devenu aujourd’hui une Commission nationale des droits de l’homme et des libertés conforme aux Principes de Paris. Mme Majodina se demande toutefois si l’indépendance de cette institution, qui est une condition essentielle de sa légitimité et de sa crédibilité, est pleinement garantie. Ainsi, il est important de savoir à quelle autorité la Commission rend compte. Il semble qu’à l’origine c’était au Président de la République, mais est-ce encore le cas aujourd’hui? Dans l’affirmative, cette situation n’offrirait pas les garanties d’indépendance nécessaires. La meilleure solution serait certainement que la Commission rende compte au Parlement. En outre, la Commission ne devrait en aucune circonstance accepter des instructions du Gouvernement, et la loi devrait l’interdire expressément. Le mode de nomination des membres de la Commission est un autre aspect essentiel pour l’indépendance de l’institution. Il est très important en effet que les membres ne soient pas désignés par le pouvoir exécutif ou le Président de la République, et que le processus de nomination soit ouvert et transparent. Enfin, l’indépendance est aussi assurée par le mode de financement, et la Commission ne devrait en aucun cas accepter des fonds du pouvoir exécutif. Mme Majodina serait heureuse d’entendre la délégation camerounaise sur tous ces points.

20.M. Salvioli note qu’il est dit dans les réponses écrites que les décisions du Comité concernant les communications mettant en cause le Cameroun sont directement exécutoires; or dans aucune des communications concernées elles n’ont été appliquées dans leur intégralité. Dans ces conditions, le Gouvernement camerounais prévoit-il de mettre en place un mécanisme permettant de donner pleinement effet aux constatations du Comité?

21.M. Salvioli s’associe aux questions posées par Mme Majodina concernant le droit à la non-discrimination et voudrait savoir en outre si les autorités envisagent d’adopter une définition légale de la discrimination qui prenne en compte tous les aspects couverts par le droit international des droits de l’homme et soit en particulier conforme aux dispositions du Pacte. La discrimination à l’égard des femmes est quasiment licite au Cameroun, et d’autres organes conventionnels, notamment le Comité des droits de l’enfant, ont déjà eu l’occasion de le relever, notamment en ce qui concerne la question des mariages précoces. M. Salvioli demande quelles mesures l’État partie prend pour lutter contre la pratique des mariages précoces et s’il envisage de fixer le même âge du mariage pour les hommes et les femmes.

22.La polygamie, comme la monogamie, est un système matrimonial laissé au choix des futurs époux, et le projet de code des personnes et de la famille n’envisage pas d’abolir ce système matrimonial. M. Salvioli s’interroge sur la compatibilité de ce double régime avec les dispositions des articles 2 et 26 du Pacte, et il serait heureux d’entendre la délégation camerounaise sur ce point.

23.M. Salvioli a pris note des mesures prises pour garantir l’accès des femmes à l’éducation et améliorer les possibilités d’emploi pour les femmes. Beaucoup de difficultés demeurent cependant, en particulier les femmes sont victimes de harcèlement sexuel sur le lieu de travail, et M. Salvioli demande à la délégation camerounaise de donner, si possible, des statistiques sur les poursuites engagées et les condamnations prononcées pour ce type d’affaires.

24.D’après les informations dont le Comité dispose, un homme qui a commis un viol peut être exempté de poursuites judiciaires s’il se déclare prête à épouser la victime. On ne sait pas si l’avortement en cas de grossesse résultant d’un viol est autorisé et, plus généralement, comment est assurée la compatibilité de la législation dans ce domaine avec les dispositions du Pacte. En outre, l’avortement constitue apparemment une infraction pénale, tout en étant autorisé dans un certain nombre de circonstances, sans que l’on sache lesquelles, et M. Salvioli souhaiterait des informations complémentaires sur tous ces points. Les informations dont le Comité dispose font état d’un grand nombre de décès à la suite d’avortements pratiqués le plus souvent dans de mauvaises conditions d’hygiène, et là encore les commentaires de la délégation camerounaise seraient bienvenus.

25.En ce qui concerne l’homosexualité, ce qui est dit aux paragraphes 79 à 83 des réponses écrites montre que la situation n’est pas compatible avec les dispositions du Pacte. Les autorités camerounaises affirment qu’il n’est pas refusé aux personnes homosexuelles le bénéfice d’un droit ou d’une prestation en raison de leur orientation sexuelle présumée, mais le droit de choisir leur orientation sexuelle ne semble pas garanti. Cela a des conséquences dans la pratique, puisque de nombreux homosexuels, hommes et femmes, sont soumis à des traitements inhumains dans les commissariats, où ils sont souvent détenus simplement parce qu’ils sont soupçonnés d’homosexualité. L’explication donnée par l’État partie dans les réponses écrites s’appuie sur une interprétation de la Déclaration universelle des droits de l’homme que ne partage aucun des organes conventionnels de l’ONU. De la même façon, M. Salvioli voudrait savoir sur quelles normes du Pacte les autorités camerounaises s’appuient pour qualifier d’infraction pénale les relations sexuelles dans un cadre privé entre adultes consentants du même sexe, ce qui porte atteinte au droit à la vie privée reconnu dans le Pacte. Il voudrait également savoir combien de plaintes ont été formées par des personnes détenues au motif de leur orientation sexuelle et quelle en a été l’issue. Il souhaiterait enfin savoir si l’État partie envisage de modifier l’article 347 du Code pénal et quelles mesures il prend pour lutter contre les préjugés sociaux en matière d’homosexualité.

26.M. Thelin regrette, compte tenu des questions soulevées par le quatrième rapport périodique du Cameroun, que la délégation ne compte pas de responsables de la force publique ni de l’administration pénitentiaire, même s’il est conscient que la raison en est peut-être l’insuffisance de ressources financières et autres.

27.M. Thelin comprend bien les problèmes que pose la protection des droits de l’homme dans un pays comme le Cameroun, qui a hérité de son passé colonial un système juridique fondé sur deux sources de droit, la common law et le droit romain, et dans lequel cohabitent quelque 250 groupes ethniques, mais il ne peut que noter que la situation des droits de l’homme est encore loin d’être satisfaisante. Plusieurs rapports récents d’organisations non gouvernementales soulignent que les violations des droits de l’homme sont courantes au Cameroun, que les autorités arrêtent et détiennent arbitrairement des individus pour des motifs divers, et imposent des restrictions à la liberté d’expression, la liberté de la presse, la liberté de réunion et la liberté d’association. Selon ces organisations, les journalistes et les défenseurs des droits de l’homme sont victimes de harcèlement, la corruption est généralisée au sein de l’État, et il existe de nombreux cas de violence exercée par la société, de discrimination à l’égard des femmes et des homosexuels, et de traite des êtres humains. La diversité des croyances culturelles des différents groupes ethniques est à l’origine d’une discrimination généralisée et de multiples violations frappant les femmes, notamment les femmes mariées, divorcées ou veuves.

28.La peine de mort n’a pas été appliquée depuis 1997, ce qu’il convient de saluer. L’État partie n’a cependant toujours pas indiqué au Comité quels crimes emportent cette peine, qui continue d’ailleurs d’être prononcée régulièrement par des tribunaux. L’État partie n’a pas indiqué non plus s’il avait l’intention d’instaurer un moratoire officiel sur les exécutions. Certes, il est expliqué qu’il existe un recours en grâce, mais il serait bon de savoir si un mécanisme a été mis en place qui offrirait un recours spécifique en cas de condamnation à mort. En outre, il serait utile de savoir quelles garanties particulières sont prévues pour éviter que des mineurs ne soient condamnés à mort.

29.Les réponses écrites ne mentionnent qu’un seul cas d’exécution extrajudiciaire, datant de 1997. Les explications données à ce propos sont bienvenues, mais elles ne rendent pas compte de l’ampleur des exécutions extrajudiciaires. M. Thelin demande si ce phénomène constitue une préoccupation pour les autorités, combien de cas d’exécutions extrajudiciaires ont été recensés et s’il existe un mécanisme permettant d’enquêter pleinement sur les allégations dans ce domaine. En particulier, des organisations non gouvernementales ont dénoncé en juin dernier cinq cas dans lesquels les forces de sécurité auraient été impliquées, et M. Thelin voudrait savoir si des enquêtes ont été ouvertes à ce sujet. Toujours d’après les organisations non gouvernementales, la violence exercée par la société a fait de nouvelles victimes en 2009 et 2010, en particulier plusieurs personnes qui étaient simplement soupçonnées de vol ont été exécutées sommairement. Ces actes de violence collective ont rarement donné lieu à des poursuites et le nombre des victimes a augmenté en 2010 par rapport à l’année précédente. La violence collective est en grande partie due au sentiment de frustration que ressent la population face à l’inefficacité de la police du fait qu’un grand nombre de personnes ayant commis des violations graves des droits de l’homme sont remises en libertés sans être inculpées. Par exemple, le «fon de Balikumbat», qui avait été condamné à quinze ans de prison pour homicide, a été libéré sous caution sans justification, et beaucoup de gens au Cameroun considèrent qu’il a été libéré simplement parce qu’il était un membre actif du parti au pouvoir. M. Thelin souhaiterait entendre les commentaires de la délégation sur tous ces points.

30.Enfin, le Comité avait posé une question concernant l’affaire des «neuf disparus de Bépanda» et M. Thelin est satisfait de la réponse qui y a été apportée par écrit. Il note toutefois que l’État partie fait mention d’un Bataillon d’intervention rapide et il voudrait savoir s’il s’agit de ce qui est appelé dans le rapport «l’Unité spéciale des antigangs». S’il s’agit de deux structures distinctes, il voudrait connaître la composition et l’organisation de chacune, et savoir aussi qui les commande et quel mécanisme est chargé de leur supervision.

31.M. Pérez Sánchez-Cerro relève que, bien que la Constitution consacre le principe de l’égalité entre hommes et femmes, un certain nombre de problèmes se posent dans ce domaine au Cameroun. En particulier, il n’existe pas de définition légale de la discrimination et la protection des femmes en ce qui concerne les affaires familiales est apparemment très insuffisante. Un grand nombre de filles sont mariées par leur famille dès l’âge de 12 ans et un rapport de l’ONU datant de 2004 indiquait que 36 % des filles âgées de 15 à 19 ans étaient déjà mariées, divorcées ou veuves, ce qui ne laisse pas d’inquiéter. Quant aux violences physiques exercées contre les femmes, elles sont d’autant plus répandues que la loi ne réprime pas la violence dans la famille. En outre, le viol entre époux n’est pas considéré comme un motif de divorce.

32.Pour ce qui est de l’accès des femmes à l’éducation et à l’emploi, la situation n’est pas satisfaisante non plus. D’après les statistiques officielles, les femmes représentent 51 % de l’ensemble de la population camerounaise, mais leur accès à l’éducation et à l’emploi reste très limité. Les seuls emplois décents auxquels les femmes peuvent prétendre sont ceux du secteur non structuré, du fait qu’elles n’ont pas pleinement accès à l’éducation. Les mesures, notamment d’ordre législatif, ne sont pas suffisantes pour corriger cette situation. Les droits politiques des femmes sont limités et les possibilités de participer à la vie politique du pays sont faibles; M. Pérez Sánchez-Cerro voudrait savoir quelles mesures l’État partie envisage de prendre pour améliorer la situation.

33.Un taux élevé de mortalité maternelle et infantile est souvent dû à l’insuffisance des structures sanitaires et à une pénurie de personnel médical approprié, surtout dans les régions rurales. Le Cameroun est très certainement dans ce cas et, même si l’avortement est autorisé par le Code pénal en cas de grossesse résultant d’un viol ou s’il est justifié par la nécessité de sauver la mère d’un péril grave pour sa santé, les interventions sont souvent pratiquées dans des conditions sanitaires déplorables et s’apparentent à des avortements clandestins. M. Pérez Sánchez-Cerro demande quelles mesures l’État partie envisage de prendre pour remédier à cette situation.

34.L’incrimination de l’homosexualité et les lourdes peines encourues sont clairement contraires au Pacte et à d’autres instruments ratifiés par le Cameroun, dont la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples. Même si certaines autorités affirment que les homosexuels ne sont pas inquiétés, les cas d’arrestation et d’emprisonnement d’homosexuels, jugés sur simple déclaration de tiers, sont nombreux. Cette réalité est généralement reconnue. Ainsi le 7 juillet dernier la Cour suprême du Royaume-Uni a rendu une décision en faveur de l’octroi de l’asile à un homosexuel camerounais, au vu des risques qu’il courait s’il retournait dans son pays. De plus, les arrestations d’homosexuels sont relatées dans la presse, ce qui stigmatise les intéressés et les expose à des violences en prison. Il y a donc lieu de dépénaliser l’homosexualité et M. Salvioli voudrait savoir si l’État partie prend des initiatives en ce sens.

35.M. Amor dit que la situation du Cameroun appelle tout d’abord des remarques sur la question du rapport entre culture et droits de l’homme. Au Cameroun un certain nombre de principes très importants sont affirmés, y compris au niveau constitutionnel, relativement à l’égalité hommes-femmes et à la non-discrimination. Pourtant la condition de la femme suscite des interrogations. Ainsi, une décision de justice a condamné fermement le lévirat mais cette pratique est toujours une réalité, dont on ne connaît pas l’ampleur. Pour la polygamie, que le Comité a qualifiée dans son Observation générale no 28 de pratique attentatoire à la dignité de la femme, l’Etat donne le choix. L’Etat condamne les mutilations génitales féminines, mais n’a pas légiféré à ce sujet. Il en va de même pour le remboursement de la dot et les droits du mari sur sa femme, que l’Etat condamne sans les interdire par la loi. On peut comprendre que, face à une réalité difficile, l’Etat camerounais souhaite établir un équilibre en composant avec les cultures et les mentalités. Mais en aucun cas ce nécessaire équilibre ne doit faire oublier les obligations fondamentales. S’il est vrai que les mentalités ne changent pas du jour au lendemain, les cultures peuvent assurément évoluer grâce à des mesures volontaristes de l’État, qui passent par la sensibilisation et l’information certes, mais avant tout par le droit.

36.La peine capitale existe encore mais, étant donné qu’aucune exécution n’a eu lieu depuis 1997, M. Amor demande si l’État partie n’envisagerait pas de l’abolir par la loi.

37.M. Bouzid dit qu’il ressort du rapport périodique et des réponses écrites de la question nº 4 que le Gouvernement camerounais s’est efforcé de sensibiliser les autorités traditionnelles aux droits protégés par le Pacte et que les tribunaux traditionnels tiennent compte de ses dispositions. Il aimerait en savoir plus sur les résultats des campagnes de sensibilisation, sur l’activité judiciaire que ces autorités exercent, en particulier dans les domaines du respect de la liberté d’expression, de l’intégrité physique des personnes, ou de la non-discrimination.

38.M. O’Flaherty note tout d’abord que lors de l’examen périodique universel, devant le Conseil des droits de l’homme, la délégation était beaucoup plus nombreuse et se demande quelle en est la raison. Il relève aussi que la délégation compte très peu de femmes. Il relève aussi que la délégation comporte très peu de femmes.

39.Comme d’autres membres du Comité, M. O’Flaherty relève avec étonnement que l’Etat partie fait valoir, dans sa réponse à la question no 9, que l’incrimination de l’homosexualité trouve un appui dans l’article 29 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et demande des éclaircissements sur cet argument qu’il entend pour la première fois. Il voudrait aussi comprendre comment l’interdiction de l’homosexualité contribue à préserver et à renforcer «les valeurs culturelles africaines positives», comme il est affirmé dans les réponses écrites. Contrairement à ce qui se passe dans d’autres pays, ce ne sont pas les relations sexuelles entre personnes du même sexe qui sont réprimées mais l’homosexualité elle-même. Se pose donc la question de savoir comment on établit qu’une personne est homosexuelle. Une telle interdiction est la porte ouverte à tous les abus et il faudrait savoir quelles garanties existent pour que des individus ne soient pas l’objet de plaintes ou de dénonciations calomnieuses. Enfin M. O’Flaherty voudrait savoir si l’État partie organise une information de santé publique à l’intention de la communauté homosexuelle et plus particulièrement en ce qui concerne la prévention du VIH/sida ou d’autres maladies infectieuses.

40.M. El-Haiba dit qu’il convient de féliciter l’État partie d’avoir su gérer sa très grande diversité ethnique et culturelle, qui est source de richesses mais aussi, en ce qui concerne les droits de l’homme, de contradictions et de problèmes. La Commission nationale des droits de l’homme et des libertés (CNDHL), a été accréditée par le sous-comité d’accréditation du Comité international de coordination des institutions nationales de promotion et de protection des droits de l’homme qui lui a donné le statut A, ce qui est très positif; on peut toutefois se demander pourquoi le rapport de cette institution et ses rapports thématiques ne sont pas rendus publics. Il serait notamment intéressant de disposer des recommandations que la CNDHL fait à la suite de ses visites dans les établissements pénitentiaires. Selon les informations reçues, la Commission a été saisie de 729 requêtes mais n’en a traité que 19, ce qui appelle des explications.

41.Concernant le rôle des chefs traditionnels (question nº 4 de la liste des points à traiter), M. El-Haiba a noté les efforts d’éducation consentis par l’État et souhaiterait des détails sur le rôle des radios communautaires, qui touchent un public important et auxquelles les chefferies ont largement accès. Il demande si l’État partie n’envisage pas d’adopter un plan national d’action dans ce domaine pour lutter contre les débordements des chefs traditionnels en ce qui concerne les droits de l’homme.

42.À propos de la question nº 5 relative à la lutte contre la discrimination à l’égard des femmes, M. El-Haiba demande pour quelles raisons le projet de loi sur la famille, qui a été élaboré en tenant compte des propositions de tous les secteurs de la société civile, n’a pas encore abouti. En outre, l’État partie envisage-t-il d’adopter une loi spécifique sur la discrimination à l’égard des femmes. Même si certaines lois protègent la femme contre des traditions préjudiciables, la pratique l’emporte très souvent et les femmes veuves continuent de subir des violations. Il serait donc nécessaire d’assouplir les moyens de recours pour qu’ils soient accessibles aux femmes en milieu rural et en milieu urbain. Des mesures de sensibilisation ont certes été prises mais les mesures institutionnelles font encore défaut et l’Etat a le devoir de réviser sa législation de façon à garantir que seules les pratiques fondées sur des valeurs positives soient conservées et à lutter contre celles qui reposent sur des valeurs contraires aux droits fondamentaux et à la dignité de la femme.

43.M. Bhagwati souhaite savoir comment les membres de la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés sont nommés, quels sont les pouvoirs et les compétences de cette Commission et quelle est la nature des plaintes dont elle est saisie. Quelle est la procédure selon laquelle elle rend des décisions et comment est-il donné effet à ses décisions?

La séance est suspendue à 17 h 5; elle est reprise à 17 h 25.

44.M. Nkou (Cameroun) remercie les membres du Comité pour leurs remarques et leurs questions constructives. Il salue la présence de représentants des ONG, dont il a accueilli avec intérêt le rapport parallèle. À ce sujet, il tient néanmoins à mettre en garde contre l’action de certaines ONG politisées, qu’il a pu constater notamment au sein du Conseil des droits de l’homme dont le Cameroun est membre jusqu’en 2012. Ces ONG, qui sont en réalité le porte-voix de mouvements politiques qui n’ont pas pu être reconnus comme tels, s’emploient à dénigrer systématiquement l’action du gouvernement, donnant une image déformée de la réalité.

45.L’homosexualité est un sujet délicat, qui a déjà été abordé à plusieurs occasions, notamment dans le cadre de l’Examen périodique universel. L’homosexualité est contraire aux coutumes et aux valeurs de la société camerounaise et sa dépénalisation n’est pas envisageable pour le moment. Dans tous les pays où cette mesure a été prise, elle avait été portée par les hommes politiques; au Cameroun, un candidat qui défendrait cette cause aurait très peu de chances d’être soutenu, encore moins élu. Cet état de fait ne doit cependant pas occulter toutes les actions menées dans le pays pour promouvoir les droits de l’homme et lutter contre la pauvreté et la maladie, notamment. La réalité demeure que les fondamentaux d’une véritable démocratie sont en place au Cameroun.

46.Grâce aux progrès considérables de la scolarisation des filles, qui sont aujourd’hui presqu’aussi nombreuses que les garçons à tous les niveaux de l’enseignement, la femme camerounaise est libre et connaît ses droits. Les femmes sont aussi le plus grand vivier politique car elles sont les plus nombreuses et font preuve d’un grand dynamisme. En ce qui concerne les mutilations génitales, il faut souligner que ces pratiques ne font pas partie de la culture camerounaise mais qu’elles ont été importées par les très nombreux réfugiés qui vivent dans le pays.

47.M. Mahouve (Cameroun) souligne les efforts du Cameroun pour honorer ses engagements internationaux, qui se sont traduits par de nombreuses avancées sur le plan normatif. Certes, les mesures législatives ne suffisent pas mais c’est en commençant par elles que le pays pourra aller de l’avant et faire évoluer les mentalités et les pratiques. La ratification récente du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture, qui avait été recommandée dans le cadre de l’Examen périodique universel, illustre bien les progrès accomplis sur le plan normatif. De même, la ratification du Protocole de Maputo, relatif aux droits de la femme en Afrique, témoigne de la volonté de progrès du Cameroun. La difficulté réside à présent dans la mise en œuvre effective de ces instruments, qui doit passer par un travail d’éducation et de sensibilisation.

48.Le droit camerounais, qui applique le système moniste, reconnaît la primauté du droit international. Il est vrai que les juges se réfèrent plus spontanément à la législation nationale et ne font appel à la norme internationale que lorsqu’il existe un vide juridique, ou en cas de contradiction entre les normes en vigueur. Un aspect essentiel du rôle de la Direction des droits de l’homme est précisément de sensibiliser les magistrats aux normes internationales. Un séminaire s’est tenu récemment à l’École nationale d’administration et de magistrature (ENAM) sur l’applicabilité des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme par les juges camerounais.

49.La coexistence entre les juridictions de droit coutumier et les juridictions de droit moderne ne pose pas de réel problème. Dans une certaine mesure, elle permet même de pallier les insuffisances de la carte judiciaire. En effet, si la loi de 2006 portant organisation judiciaire prévoit à terme un tribunal de première instance dans chacun des 422 arrondissements du pays, le nombre de ces tribunaux est actuellement de 67 seulement. Les juridictions coutumières, souvent présidées par des magistrats professionnels, ne règlent que certains contentieux commerciaux et civils et n’empiètent donc pas sur la compétence des juridictions ordinaires. En outre, elles ont intégré le principe selon lequel la loi doit l’emporter à chaque fois qu’une coutume lui est contraire.

50.Il est vrai que les traditions persistent et que les mentalités évoluent lentement, en particulier dans les zones rurales et en ce qui concerne les droits des femmes. Des progrès considérables ont déjà été accomplis sur le plan de la scolarisation des filles et du recul des grossesses précoces. Les activités de sensibilisation dans ce domaine doivent continuer. Il est difficile à ce stade de dire si une loi spécifique sera adoptée relativement aux différentes formes de violences et de discrimination à l’égard des femmes. Tout dépendra des résultats des chantiers législatifs en cours, qui sont la refonte du Code pénal et l’élaboration d’un nouveau Code civil uniformisé.

51.Le Président remercie la délégation et invite le Comité à poursuivre le débat à la séance suivante.

La séance est levée à 18 heures.