Quatre-vingt-douzième session

Compte rendu analytique de la 2516e séance

Tenue au Siège, à New York, le mercredi 19 mars 2008, à 15 heures

Président  :M. Rivas Posada

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties en vertu de l’article 40 du Pacte (suite)

Rapport initial du Botswana (suite)

La séance est ouverte à 15 h 10.

Examen des rapports présentés par les États parties en vertu de l’article 40 du Pacte (suite)

Rapport initial du Botswana (suite) (CCPR/C/BWA/1; CCPR/C/BWA/Q/1)

À l’invitation du Président, les membres de la délégation du Botswana prennent place à la table du Comité.

M. Khalil, mentionnant le nombre relativement faible de cas dans lesquels la peine capitale a été commuée en peine d’emprisonnement à perpétuité, demande un complément d’information sur la peine capitale et la loi sur la commutation des peines. Il est important que les activités de la Commission des grâces soient transparentes, car beaucoup d’accusés dans le besoin n’ont pas les moyens de payer un avocat et ne reçoivent pas l’assistance à laquelle ils ont droit en vertu de l’article 14 du Pacte (CCPR/C/BWA/1, par. 147).

M. Khalil espère que la délégation, de retour au Botswana, expliquera l’importance attribuée par le Comité à un examen attentif du retrait de la réserve du Botswana à l’article 7 du Pacte. En 2005, la mission de l’Union africaine a également soulevé la question du châtiment corporel, faisant observer qu’il était dégradant et inhumain. Le châtiment corporel enfreint en outre l’article 10 du Pacte. Curieusement, des responsables ont cherché à le justifier en prétextant qu’il était plus efficace que l’emprisonnement et qu’à vrai dire beaucoup de personnes le préféraient à ce dernier. Le travail d’intérêt général, suggéré comme peine de remplacement par l’Union africaine, a été mis à l’essai, mais il n’a pas donné satisfaction en raison du manque de personnel pour encadrer les délinquants. M. Khalil demande instamment aux autorités de remédier à cette situation.

S’agissant de la question 9, M. Khalil accueille avec satisfaction l’intention du Gouvernement de fournir prochainement des statistiques sur les plaintes pour torture et mauvais traitements formulées à l’encontre de policiers ou du personnel pénitentiaire. Faisant référence au paragraphe 178 du rapport, il dit que le mécanisme consistant à interroger « normalement » les personnes arrêtées ne semble pas approprié. Il devrait exister en toutes circonstances un mécanisme d’enquête plus clair et plus efficace en ce qui concerne les plaintes pour torture. En effet, il n’est pas dit de façon explicite (par. 185) de quelle manière ou à qui les victimes présumées de la torture peuvent porter plainte alors qu’elles sont en détention et qui est autorisé à mener une enquête en pareil cas. La composition de l’équipe d’enquête n’est pas précisée. Au cas où la police est impliquée dans une telle accusation, M. Khalil se demande si l’équipe comprend des policiers et, si tel est le cas, comment l’enquête peut vraiment être indépendante.

D’après le paragraphe 158 du rapport, la torture en elle-même n’est pas une infraction. En revanche, les actes qui y conduisent en sont. M. Khalil demande si l’État partie envisage d’adopter la définition de la torture qui est donnée dans la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

S’agissant de la question 11, M. Khalil se demande pourquoi les demandes de visite de prisonniers déposées par les organisations non gouvernementales n’ont pas toutes été approuvées. Faisant référence au paragraphe 221 du rapport, il pose la question de savoir quelles mesures ont été prises pour combler l’important retard pris dans l’examen des affaires, à cause duquel un grand nombre d’affaires ne peuvent pas être entendues dans un délai raisonnable.

S’agissant de la question 12, M. Khalil demande quelles mesures sont prises pour remédier au problème de la surpopulation carcérale, hormis la construction de nouvelles prisons, qui ne constitue pas nécessairement la meilleure solution. La mise en liberté sous caution est une autre manière de réduire cette surpopulation.

S’agissant de la question 13, bien qu’il comprenne les raisons invoquées par le Ministre au sujet des mesures prises, il rappelle le point de vue du Comité, à savoir que le secret entourant la date de l’exécution et le lieu de l’enterrement a pour effet de punir les familles des personnes exécutées et constitue un traitement inhumain.

M me Palm remercie la délégation d’avoir établi un rapport complet tout en constatant que celui-ci se rapporte principalement à la législation, et non à la pratique courante. S’agissant de la question 10, elle se félicite de l’adoption de la loi sur la violence familiale. En effet, ce type de violence relevait précédemment du domaine privé et, dans bien des cas, aucune mesure n’était prise pour protéger les victimes, qui étaient principalement des femmes. Elle souhaiterait toutefois en savoir plus sur la teneur de ce texte et sur l’incidence de la violence familiale au Botswana. Elle suppose que la loi a été adoptée parce qu’on a considéré, comme dans la plupart des pays, qu’il y avait là un grave problème.

Il y a, semble-t-il, une prise de conscience croissante de la violence faite aux femmes. Dans ce contexte, les mesures prises par la police consistent notamment à prêter davantage d’attention aux menaces proférées par les partenaires. MmePalm souhaiterait recevoir davantage de renseignements sur les mesures concrètes prises dans tout autre domaine que la législation pour prévenir la violence familiale, venir en aide aux victimes et leur permettre d’obtenir réparation. Le Comité souhaiterait en outre disposer d’un exemplaire du texte de la loi.

M. Amor demande à connaître la place du Pacte dans le système juridique du Botswana. La délégation devrait également expliciter la relation entre le droit interne et le droit international, et plus particulièrement entre le droit interne et le droit international relatif aux droits de l’homme. À la lecture du rapport, il a constaté avec préoccupation que le droit coutumier dépendait des modes de comportement des communautés (par. 62), ce qui pourrait rendre difficile la tâche consistant à y incorporer les conventions internationales. Le Pacte doit être appliqué indépendamment des structures nationales ou des pratiques culturelles propres aux pays, et l’État doit veiller à ce qu’il prime le droit interne. Il espère que la délégation lui fournira davantage de renseignements sur la compatibilité entre le droit coutumier et le Pacte.

M. Amor souhaite en outre savoir quelles initiatives ou mesures ont été prises par le Botswana pour prévenir les meurtres rituels et y mettre fin. Rien ne peut en effet justifier de tels actes. Il souhaiterait en savoir plus sur le contexte sociologique, l’attitude de l’État et les sanctions et mesures préventives existantes.

M. Lallah se dit préoccupé par l’application de l’article 14 du Pacte relatif au droit à un jugement équitable et demande des éclaircissements sur la compétence des tribunaux coutumiers. Il désire savoir si ces derniers peuvent imposer de lourdes amendes ou ordonner des emprisonnements et s’il existe des limites à leur compétence dans ces cas.

L’application des dispositions fondamentales relatives à l’égalité des droits entre les hommes et femmes le rend perplexe. Faisant référence aux articles 3 et 15 de la Constitution, ayant trait à la non-discrimination, il demande si le terme « personne » s’applique aux hommes et aux femmes, dans la mesure où le texte fait uniquement référence au pronom « il », et si l’on considère que les femmes ne font pas partie de la catégorie des personnes, sachant qu’un certain nombre de dispositions permettent apparemment à l’État d’adopter des lois discriminatoires. Il souhaite savoir comment les tribunaux du Botswana ont interprété ces deux articles. Il demande également si une femme peut être élue Présidente du Botswana et si des femmes peuvent faire partie de l’Assemblée des chefs, et si tel est le cas, combien de femmes y siègent. Comme cette assemblée dispose de pouvoirs importants en ce qui concerne la désignation, l’approbation et le retrait des droits des chefs, ainsi que l’administration des tribunaux coutumiers, le droit coutumier, l’organisation des tribus et la propriété tribale, il est très important que les femmes n’en soient pas exclues.

Aux paragraphes 49 et 51 du rapport, il est question des tribunaux et de la Commission de la magistrature. Le chef de la magistrature, qui est le Président de la Haute Cour, a apparemment un statut supérieur à celui du Président de la Cour d’appel d’après l’ordre dans lequel ceux-ci sont mentionnés. M. Lallah se demande lequel des deux a le plus d’autorité dans la pratique, car il paraît inhabituel que le juge rendant une décision d’appel relative à un jugement de la Haute Cour n’ait pas davantage de pouvoir que le juge de cette instance.

M me  Wedgwood présume que la tutelle des femmes est uniquement une pratique relevant du droit coutumier. Celui-ci doit toutefois être évalué par rapport au Pacte, de la même manière que le sont le droit écrit et la common law, malgré les problèmes de mise en œuvre, de persuasion ou d’application effective. Dans un grand nombre de pays, c’est le droit coutumier qui a le plus de poids dans la pratique.

S’agissant de la peine capitale, la famille de la personne exécutée devrait au moins avoir la possibilité de récupérer le corps en vue de l’inhumer. Il n’y a certainement aucune intention de lui infliger une peine supplémentaire en lui refusant le droit de se recueillir sur la tombe. La peine capitale étant irréparable, la procédure doit être irréprochable. Le fait que les condamnés à la peine capitale ne bénéficient pas d’une assistance juridique appropriée est une bonne raison de suspendre l’application de cette peine, tout au moins jusqu’à ce que l’on puisse remédier à la situation.

De l’avis du Comité, les principes d’égalité s’appliquent aussi bien à l’orientation sexuelle qu’au sexe. Bien que l’homosexualité soit illégale au Botswana, les pratiques homosexuelles sont inévitables en prison. Si ce pays a vraiment l’intention de lutter contre le VIH/sida, il doit autoriser l’usage de préservatifs dans les prisons. Certains prisonniers se trouvent dans une situation très vulnérable et n’ont pas forcément le choix de refuser d’avoir des rapports sexuels. Bien qu’il soit catholique, l’évêque Belo du Timor a lui-même approuvé l’usage de contraceptifs pour des raisons épidémiologiques.

M me Wedgwood demande s’il y a des femmes parmi les dikgosi (chefs traditionnels des tribus). Étant donné que l’État confère à ces derniers un statut juridique, il pourrait veiller à ce que les femmes puissent en faire partie, ce qui est également un droit au titre de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. La contribution des femmes sur le plan économique est essentielle, et la reconnaissance de leurs qualités de chef dans le domaine de la politique pourrait avoir des effets d’entraînement sur la façon dont elles sont traitées au foyer. Il est donc très important pour le Botswana qu’elles prennent part à l’exercice traditionnel du pouvoir coutumier.

Sir Nigel Rodley engage vivement l’État partie à réexaminer la nécessité de sa réserve à l’article 12, paragraphe 3 du Pacte, car cette dernière ne rend pas justice à l’attitude par ailleurs sérieuse du Botswana à l’égard de ses obligations. Elle choque par son ampleur au regard d’un besoin aussi limité. En outre, elle entre en conflit avec l’article 7, ne tient pas compte du jus cogens de l’article 14 et de toute façon ne protégera le Botswana.

S’agissant de la peine capitale, les chiffres utiles mentionnés au paragraphe 151 du rapport, bien que non cohérents, indiquent qu’en moyenne il y a eu une exécution par an. Il ne devrait donc pas être difficile pour la délégation de fournir des statistiques plus détaillées, notamment le nombre de condamnations prononcées et d’exécutions effectives année après année, ce qui permettrait au Comité d’évaluer dans quelle mesure des circonstances atténuantes ont été prises en compte par les tribunaux ou de saisir les raisons pour lesquelles il n’a pas été possible dans certains cas d’atténuer la peine. Sir Nigel Rodley se demande également si la commutation approuvée en 1975 (voir par. 153 du rapport) a été la seule application de la prérogative de grâce depuis 1966. La délégation a affirmé que le Botswana envisageait d’abolir la peine de mort lorsque l’opinion publique serait prête, ce qui signifie que l’abolition n’aura jamais lieu, car partout dans le monde l’opinion publique ne fait que suivre les dirigeants politiques. La peine capitale était auparavant la norme en Afrique. Toutefois, cette situation a peu à peu changé dans tout le continent et aujourd’hui le Botswana est une sorte d’îlot de conservatisme entouré de pays abolitionnistes, ce qui est guère compatible avec sa bonne gouvernance. Si le Botswana s’accroche à la peine capitale en raison de sa valeur dissuasive, il doit savoir que la plupart des études, y compris celles menées par l’Organisation des Nations Unies, ont réfuté cet argument. Sir Nigel Rodley demande instamment à l’État partie de se demander plus attentivement s’il est vraiment indiquer de conserver la peine capitale.

M. Skelemani (Botswana), faisant remarquer que démocratie et dogmatisme ne vont pas ensemble, dit qu’il n’a pas l’intention de défendre une position pour la simple raison que son gouvernement l’a adoptée. Il a été favorablement impressionné par les observations du Comité et apprécie les nobles objectifs du Pacte. Il peut légitimement exister des points de vue différents et le débat doit se poursuivre pour que tous en soient éclairés, et le Botswana souhaite évidemment trouver pour son peuple les solutions les plus sages.

Constatant qu’aucune définition de la torture ne figurait dans le Pacte, le Gouvernement botswanais n’a pas érigé celle-ci en infraction. Néanmoins, comme le suggère le rapport (par. 158), les sévices physiques ou psychologiques graves, ou les actes inacceptables pouvant être considérés comme des actes de torture, ont bien été érigés en infractions soit dans le Code pénal, soit dans d’autres textes de loi. Bien que ces actes n’aient pas été qualifiés d’actes de torture, ils n’en sont pas moins interdits. Il faut considérer les différents textes législatifs pour savoir comment le Botswana protège les personnes privées de leur liberté contre de mauvais traitements.

Si la question de la traite des êtres humains n’est pas abordée dans le rapport, c’est en raison d’une omission. M. Skelemani ne doute pas de l’existence de ce phénomène, car des arrestations ont eu lieu, principalement dans l’est du pays, près de la frontière avec l’Afrique du Sud. Le Gouvernement botswanais est informé par l’intermédiaire d’INTERPOL et des chefs de la police de la Communauté de développement de l’Afrique australe et maintient sa vigilance.

La brièveté des réponses initiales aux questions posées s’explique par une interprétation erronée des instructions. La délégation avait compris qu’il était essentiel de donner au Comité autant que possible des renseignements exacts.

Il est vrai que le Botswana n’a pas transposé dans sa législation nationale tous les traités internationaux auxquels il est partie, contrairement à ce qui est prévu dans l’Interpretation Act. Il en est ainsi notamment parce qu’on n’a pas jugé utile de donner force de loi à des textes qui n’étaient pas différents de la Constitution du Botswana.

Il ne fait aucun doute que le Pacte constitue une obligation pour les États parties et que celle-ci est valable au regard du droit coutumier comme de la co m mon law. Le Botswana a ainsi continué de modifier ou d’adapter sa législation de façon à modifier certains aspects du droit coutumier, lequel est un droit non écrit essentiellement identique pour toutes les tribus, bien que des nuances existent. La question n’a toutefois pas fait l’objet d’un débat public, car il a été décidé d’adopter une démarche graduelle afin d’éviter de soulever un tollé pour ingérence dans les affaires des communautés locales. En politique, il est toujours épineux de gérer les aspirations contradictoires du peuple et de la communauté internationale. M. Skelemani demande au Comité d’accepter le fait que son gouvernement est conscient de la situation et désire accompagner le peuple botswanais sur la voie du progrès.

À titre d’exemple, en vue d’améliorer la condition des femmes dans le droit coutumier, et pour leur attribuer des droits fonciers, le Botswana a discrètement acquis des terres qu’il a mises à la disposition de toutes les femmes non mariées de plus de 18 ans, et a exigé des hommes qu’ils apportent la preuve du consentement de leur épouse avant de céder des terres. Nul n’a contesté ces décisions. Aujourd’hui toutefois, le Gouvernement doit encourager les femmes à faire valoir leurs droits, et le reste suivra. Le Gouvernement s’emploie également à inciter les femmes à refuser la polygamie, même si dans ce domaine les Botswanais eux-mêmes ont compris qu’il n’était plus viable financièrement d’épouser un grand nombre de femmes et abandonnent cette pratique. Il faudra mettre fin à l’inégalité manifeste entre les sexes dans le droit coutumier, tout particulièrement en sensibilisant les femmes elles-mêmes et les jeunes, qui sont déjà moins attachés aux traditions.

Le rapport n’est pas à jour en ce qui concerne la loi sur le mariage et la loi sur les affaires matrimoniales (par. 382 et 397). En effet, la législation récente a annulé les conditions de résidence pour les femmes qui intentent une action en divorce devant la Haute Cour et a attribué aux femmes la même capacité juridique que les hommes au regard de la common law. Dans le cas des mariages coutumiers, les demandes de divorce sont soumises au chef local, sans passer par les tribunaux. L’union libre n’est cependant pas réglementée de façon appropriée, et il reste à prendre une décision à la suite du rapport sur la question publié en 2003 par une commission parlementaire. Dans tous les cas où le droit coutumier et la common law se recoupent, il est à l’évidence nécessaire de tenir compte tôt ou tard du droit coutumier, et la référence demeure alors le jugement rendu en 1992 par la Haute Cour dans l’affaire Unity Dow (par. 104 du rapport).

Le Bureau de l’Ombudsman a été établi parce qu’on avait recensé un nombre excessif de plaintes relatives à des services publics mal gérés. L’Ombudsman agit en toute indépendance et choisit les enquêtes qu’il désire mener. Il a eu l’occasion de contester des décisions prises par l’exécutif. Il serait également très utile d’établir un organisme national de défense des droits de l’homme, mais cela coûte cher et il ne sert à rien de mettre en place une institution sans la faire fonctionner. Il convient d’attendre le moment propice et de faire en sorte que ce type d’organisme s’occupe des questions qui ne sont pas traitées par l’Ombudsman ni les tribunaux.

S’agissant de la question de la discrimination, les articles 3 et 15 de la Constitution prévoient effectivement des restrictions. Cela ne signifie pas pour autant que le Gouvernement n’ait jamais pris de décisions privant les Botswanais de leurs droits fondamentaux. En matière d’emploi, il est évident que le Gouvernement désire avantager les Botswanais par rapport aux étrangers dans les secteurs où la main-d’œuvre botswanaise est suffisante. Le Gouvernement a cependant reconnu que les réfugiés qualifiés devaient avoir le droit d’occuper un emploi rémunéré au Botswana et de contribuer aux activités économiques.

Le Gouvernement n’a pas organisé de stages d’information sur les dispositions du Pacte et d’autres traités internationaux relatifs aux droits de l’homme à l’intention des magistrats ou des policiers. Quoi qu’il en soit, ces textes doivent être appliqués, car ils font partie de la législation nationale. Des stages sont néanmoins proposés dans la région, et le Botswana y enverra autant de juges et de policiers qu’il pourra. Le Botswana lui-même dispose d’une école de police ouverte à tous les Africains, qui bénéficie d’une aide internationale et devrait pouvoir organiser des stages sur les droits de l’homme.

S’agissant de la question 6 sur les relations homosexuelles, M. Skelemani dit que leur interdiction est antérieure à la pandémie de sida et que les Botswanais s’y opposent pour des raisons d’ordre moral. Il est incontestable que la maladie se transmettra par la pratique de la sodomie si l’on ne fournit pas de préservatifs aux prisonniers. M. Skelemani admet qu’il existe une contradiction entre le désir du Gouvernement de prévenir la propagation de la maladie et son refus de mettre des préservatifs à la disposition des prisonniers.

S’agissant de la question 7 relative à la peine capitale, M. Skelemani fait observer qu’il y a eu beaucoup d’affaires où l’accusé encourait la peine capitale au cours des 42 années de l’histoire du Botswana. À partir de 1973 cependant, lorsqu’il a commencé à travailler pour les tribunaux, dans 99 % des cas, des circonstances atténuantes ont été retenues et les tribunaux ont refusé de prononcer cette peine. Un faible nombre d’affaires ont ainsi été portées devant la Commission des grâces, car une fois qu’une circonstance atténuante avait été retenue, l’affaire ne pouvait pas lui être renvoyée. La qualité de l’assistance juridique dont peuvent bénéficier les condamnés à mort continue de faire problème. Il est arrivé dans certains cas que l’avocat ne consulte pas son client de façon appropriée. M. Skelemani se demande si des honoraires plus élevés motiveraient un avocat sans scrupules à agir dans le respect de l’éthique. Rien ne prouve que la justice botswanaise rende possibles un verdict de culpabilité et une condamnation à mort sans qu’il y ait eu un examen approfondi des faits dans les affaires où les juges sont bien formés, même si les avocats sont médiocres. Une représentation en justice est proposée aux personnes sans ressources dans les affaires pénales portées devant la Haute Cour. En ce qui concerne les peines pouvant être longues ou la peine capitale, un avocat est commis d’office. La délégation s’est efforcée d’expliquer le fonctionnement de la Commission des grâces. Celle-ci ne recherche pas des éléments d’information n’ayant pas été examinés précédemment par les tribunaux, mais s’emploie plutôt à comprendre comment la personne jugée a pu commettre le crime qui lui est reproché, sans pour autant que cette compréhension serve à justifier l’acte lui-même.

S’agissant de la réserve du Botswana à l’article 7 du Pacte, M. Skelemani fait remarquer que l’alinéa 2 de l’article 7 de la Constitution a pour objet de maintenir des formes de châtiment qui étaient légales dans le pays avant l’indépendance, y compris le châtiment corporel, qu’il juge préférable à la prison, dont on sait qu’elle endurcit les délinquants. Il ne partage pas l’avis de ceux qui pensent que le châtiment corporel n’a pas sa place dans une société civilisée. De son point de vue, ce dernier peut être bénéfique si l’on n’en abuse pas, car il vise à corriger, mais en aucun cas à tuer. La question de son remplacement par un travail d’intérêt général demeure ouverte. Actuellement, les prisons sont pleines. Les personnes pour lesquelles le châtiment corporel est une barbarie devraient se placer dans le contexte de la société botswanaise. Il se peut néanmoins que les générations à venir adoptent une autre position.

S’agissant de la question 9 relative aux plaintes pour mauvais traitements formulées à l’encontre de policiers ou du personnel pénitentiaire, M. Skelemani se demande si une commission d’enquête comprenant des représentants de la police pourrait en toute indépendance établir les faits dans un cas de brutalité policière. En effet, il se pourrait que des membres de la commission tentent de protéger des collègues prêts à tout. Son expérience le porte à croire qu’il existe des policiers honnêtes pour s’occuper de ceux qui ne le sont pas. Dans un certain nombre de cas, des policiers ont été poursuivis pour des infractions. Il arrive également qu’on fasse appel à des enquêteurs indépendants pour examiner certaines affaires. En ce qui concerne l’utilisation du mot « normalement » au paragraphe 178 du rapport, M. Skelemani comprend que les plaintes sont examinées et que les personnes sont informées de leurs droits.

Un exemplaire de la loi sur la violence familiale sera mis à la disposition du Comité. Des progrès considérables ont été accomplis en ce qui concerne la prise en compte des agressions physiques, mais aussi des traumatismes psychologiques subis par les épouses. Le comportement de certains Botswanais laisse beaucoup à désirer, ce qui a conduit à l’adoption de la loi à l’unanimité. Pour que celle-ci soit efficace, il est indispensable que les organisations non gouvernementales informent les populations de leurs droits, en particulier les femmes qui sont issues de milieux dans lesquels on pratique le droit coutumier et qui pensent être impuissantes parce que les hommes sont les chefs de famille.

Dans le système juridique du Botswana, le droit coutumier ne l’emporte pas quand il est en conflit avec la common law. Le Pacte étant censé s’appliquer à toutes les questions concernant le pays, le droit coutumier ne peut pas y échapper. Ce dernier est souple dans la mesure où il s’appuie, non pas sur des textes, mais sur le consensus d’un groupe social. Par conséquent, lorsqu’une disposition est dépassée, il suffit que le groupe prenne la décision de la modifier. Si l’on veut modifier le droit coutumier plus rapidement, il convient d’adopter à son égard une attitude plus dynamique.

La pratique des meurtres rituels est liée à la croyance selon laquelle le fait de retirer des parties du corps d’un être humain alors que celui-ci est en vie et de les mélanger à des herbes procure davantage de force et d’honneur à celui qui ingère la mixture. M. Skelemani ne cache pas son dégoût pour cette pratique cruelle et ne voit aucun inconvénient à ce que l’on voue à la pendaison l’auteur de tels crimes. Pour ce qui est de savoir si la pendaison a un effet dissuasif ou si elle sert uniquement à venger la société, il se demande qui peut venger la société sinon les vivants. Certaines autres formes de châtiment telles que la prison pour les voleurs ne dissuade pas d’autres individus de commettre des vols. Bien qu’aucune étude n’ait été menée sur la valeur dissuasive des exécutions, on sait que les Sud-Africains ont dit à une époque que les auteurs de meurtres rituels dans leur pays devraient être envoyés au Botswana pour y être pendus.

À propos du droit coutumier, il estime que puisqu’il s’applique à la plus grande partie de la population, il devrait être aligné sur toutes les dispositions des traités auxquels le Botswana est partie. La compétence des tribunaux coutumiers dépend de la compétence qui leur est attribué, ce qui signifie qu’ils peuvent juger certaines affaires seulement. D’aucuns pensent que ces tribunaux envoient trop de personnes en prison.

L’article 15 de la Constitution indique que le pronom « il » désigne à la fois les hommes et les femmes. Dans les nouvelles lois, les deux pronoms, masculin et féminin, sont employés. Dans certaines tribus, les femmes peuvent être chef. En outre, une femme peut être nommée au sein de l’Assemblée des chefs par le Président. Compte tenu de la participation croissante des femmes à tous les domaines de la vie publique, il est tout à fait concevable qu’une femme puisse un jour devenir Présidente du Botswana.

Le chef de la magistrature est chargé de veiller au fonctionnement quotidien de l’appareil judiciaire, c’est-à-dire de s’assurer que des tribunaux sont constitués et que des magistrats sont nommés. Comme il est responsable de l’appareil judiciaire, son rang est supérieur à celui du Président de la Cour d’appel. Le cumul des deux postes nécessiterait une modification de la loi.

M.  O’Flaherty note avec satisfaction que le Botswana, par l’intermédiaire de sa délégation, reconnaît subir lui aussi le phénomène de la traite des êtres humains, tout comme la plupart des autres pays, et invite la délégation à fournir davantage de renseignements sur la façon dont le Gouvernement traite cette situation. Il serait bon d’examiner les moyens de réprimer la traite tout en faisant une large place aux droits des victimes et en sollicitant à cet effet la participation des ministères chargés de la protection sociale et de l’enfance.

M. O’Flaherty constate également avec satisfaction qu’une formation aux droits de l’homme est dispensée aux membres de la police et de l’appareil judiciaire. Il est loisible au Gouvernement de s’adresser au Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, directement ou par l’intermédiaire des organes nationaux et régionaux compétents, afin de demander son assistance. La délégation a indiqué que le Gouvernement était disposé à envisager l’établissement d’une commission des droits de l’homme, mais qu’il s’inquiétait de son coût. Une telle initiative, dans la mesure où elle répond aux critères internationaux, constitue un investissement appréciable pour une démocratie et peut profiter des conseils du Haut-Commissariat.

La réserve du Botswana à l’article 7 du Pacte est formulée de façon si générale et si vague qu’elle semble se rapporter à un domaine du jus cogens, ce qui la frappe automatiquement de nullité. Elle donne l’impression que le Gouvernement revendique le droit de pratiquer la torture en toute impunité. Il serait bon de retirer au plus vite cette réserve afin d’éliminer une réserve qui ternit inutilement la bonne réputation de ce pays.

M.  Iwasawa dit avoir noté les propos de la délégation selon lesquels l’alinéa 1 b) de l’article 7 de la loi sur les affaires matrimoniales avait été annulé et le Gouvernement était disposé à réexaminer la question de la pénalisation des pratiques homosexuelles.

Le Pacte ne condamne pas les mesures qui établissent des distinctions en fonction de la nationalité, à condition qu’elles aient un objet légitime et que les distinctions soient raisonnables. Cependant, il n’est pas compatible avec l’alinéa 4 de l’article 15 de la Constitution, selon lequel l’interdiction de la discrimination ne s’applique pas aux non-citoyens. Un grand nombre des dispositions du Pacte s’appliquent à toutes les personnes, indépendamment de leur nationalité. Par exemple, il est dit dans l’article 7 que nul ne sera soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

M.  Amor demande combien de meurtres rituels ont été signalés au cours des trois dernières années et si la délégation estime que le nombre véritable est supérieur. La délégation a indiqué que le meurtre rituel était érigé en infraction criminelle. M. Amor désire savoir comment les médias traitent la question et ce que le Gouvernement fait, au moyen de campagnes de sensibilisation, de programmes scolaires et de programmes de formation, pour changer les traditions qui en sont à l’origine.

M.  Skelemani (Botswana) dit que les enfants sont les principales victimes de la traite des êtres humains, mais que les femmes et les hommes la subissent également le long de la frontière orientale du pays. Il n’existe pas de programme national dans ce domaine, mais les chefs de la police ont reçu pour instruction de rester vigilants. Son gouvernement examinera la possibilité d’une assistance de la part du Haut-Commissariat aux droits de l’homme, y compris dans la perspective de l’établissement d’une commission des droits de l’homme.

Il comprend que la réserve du Botswana à l’article 7 puisse être considérée comme une question relevant du jus cogens, tout en sachant que son retrait nécessitera une interdiction du châtiment corporel, lequel, bien qu’il s’apparente en partie à la torture, constitue une pratique établie et très avantageuse afin de ne pas avoir à incarcérer un certain nombre d’individus.

La délégation botswanaise espère pouvoir fournir au Comité à sa prochaine séance le texte de l’article révisé de la loi sur les affaires matrimoniales.

Si l’interdiction de la discrimination ne s’applique pas aux non-citoyens dans la Constitution, c’est parce que le législateur a voulu s’assurer que les citoyens botswanais seraient toujours prioritaires dans leur propre pays. Aucun gouvernement n’autorise les non-citoyens à entrer en concurrence avec les citoyens pour des emplois rares.

M.  Skelemani ne dispose pas de statistiques sur le nombre de meurtres rituels commis au cours des trois dernières années, mais fait observer qu’il n’y en a pas eu beaucoup. L’un des obstacles auxquels on se heurte est qu’en l’absence de preuve évidente qu’un meurtre a été commis, il n’est pas illégal d’être pris en possession d’organes humains. Il faut également savoir qu’un grand nombre d’allégations relatives à ces crimes ont par la suite été réfutées. En outre, on sait que même des personnes instruites et des chrétiens, y compris des évêques, ont participé à des meurtres rituels. Aucune campagne de sensibilisation n’est en cours actuellement, mais il se pourrait qu’une sensibilisation des jeunes contribue à affranchir la population de la croyance répandue dans le pouvoir du meurtre rituel.

Le Président invite la délégation à répondre aux questions 14 à 21.

M me Mogami (Botswana), répondant aux questions 14 à 16, dit que le Président peut nommer des juges uniquement sur recommandation de la Commission de la magistrature, qui est un organe indépendant. Les juges sont inamovibles conformément à la Constitution et doivent obligatoirement partir en retraite à l’âge de 70 ans. Leur salaire est fixé par le Parlement et ne peut pas être révisé à la baisse en cours de carrière. Ils peuvent être relevés de leurs fonctions pour incapacité à s’acquitter de celles-ci, mais uniquement sur la base d’une recommandation d’un tribunal qui est nommé par le Président et qui doit comprendre au moins deux magistrats en fonction ou l’ayant été. Les juges ne peuvent être poursuivis par des personnes ayant été mêlées aux affaires qu’ils ont jugées. Ils perçoivent une bonne retraite et bénéficient d’avantages substantiels et d’un appui administratif considérable. Tous les juges de la Haute Cour sont égaux en droits et sont membres de droit de la Cour d’appel, où ils peuvent être amenés à siéger.

Les accusés sans ressources qui risquent la peine capitale bénéficient de l’assistance d’un avocat commis d’office très qualifié. Une étude est actuellement menée au sujet de la mise en place d’un système d’aide judiciaire.

La loi sur les tribunaux coutumiers énonce les infractions pour lesquelles ces tribunaux ne sont pas compétents, à savoir, notamment, la trahison, le meurtre, la bigamie, la corruption, l’extorsion et le viol. Dans ces tribunaux, la représentation n’est pas autorisée, car les avocats risquent de compliquer la procédure en présentant des arguments fondés sur des dispositions de la common law échappant à la compréhension des présidents. Néanmoins, toute personne souhaitant être représentée peut s’adresser à la Cour d’appel coutumière afin de lui demander de se dessaisir de son affaire au profit d’un tribunal de common law. Dans le cas où cette requête est rejetée, la personne peut s’adresser à la Haute Cour, en invoquant le déni du droit à une représentation en justice. Ce type de dessaisissement se produit, mais uniquement lorsque la personne concernée est informée de ses droits en la matière. La procédure judiciaire est appliquée dans l’ordre par les tribunaux inférieurs, puis par les tribunaux supérieurs et la Cour d’appel coutumière. Au-delà de cette instance, les recours sont déposés devant la Haute Cour (instance appliquant la common law) et la Cour d’appel, qui est l’instance suprême.

M. Outlule (Botswana), répondant aux questions 17 à 19, dit que le Botswana a accompli des progrès considérables depuis son indépendance. On y trouve aujourd’hui, en plus du journal officiel, qui est gratuit, au moins neuf journaux privés qui ont une plus large diffusion que ce dernier. La Commission nationale de l’audiovisuel a autorisé trois stations de radio privées à émettre, en plus des deux stations publiques que sont Radio Botswana 1 et Radio Botswana 2. La chaîne de télévision nationale, GBCTV, a connu des difficultés financières, mais sa situation est stable aujourd’hui. Quant aux services d’information en ligne, ils fonctionnent sans ingérence des pouvoirs publics.

L’alinéa 1 de l’article 12 de la Constitution régit la liberté d’expression. Il s’applique aux médias publics et privés, qui jouissent d’une grande liberté à condition de ne pas enfreindre les droits d’autrui. Dans une affaire jugée en 2001, le tribunal a établi que les journaux et les stations de radio privés étaient libres d’exprimer leurs points de vue et a reconnu que cette liberté était essentielle dans une société démocratique. Le tribunal a estimé que la décision du Gouvernement de faire passer des annonces publicitaires dans les journaux publiés par le requérant était assimilable à une atteinte à la liberté d’expression, car son unique raison était le mécontentement du Gouvernement après des articles qui lui semblaient irresponsables. Un grand nombre des jeunes journalistes du pays s’expriment de façon tout à fait directe. Pourtant, aucun journaliste n’a encore fait l’objet d’une interdiction d’exercice de la profession en vertu du Code pénal.

Le Botswana reconnaît deux types de mariage. Comme les mariages célébrés selon les règles de la common law sont enregistrés, les autorités n’ont aucun mal à vérifier si l’âge minimum pour le mariage est respecté. Les mariages célébrés selon les règles du droit coutumier ne sont cependant pas enregistrés et se déroulent selon les pratiques des différents groupes ethniques. On modifie actuellement la loi sur le mariage afin de s’assurer que tous les mariages seront enregistrés et que l’âge des futurs époux sera vérifié.

M me Mogami (Botswana), répondant à la question 20, dit que la polygamie est interdite dans la co m mon law, mais autorisée dans le droit coutumier. Les pouvoirs publics n’ont pas encore ouvert de débat dans la perspective d’une interdiction totale de cette pratique. Les femmes non mariées jouissent de la pleine capacité juridique. En outre, le statut de la femme a été renforcé en 2004 par l’adoption d’une loi mettant fin au principe de la prérogative maritale dans la common law et instituant le régime de la communauté réduite aux acquêts. La tutelle des femmes non mariées est une pratique culturelle de nombreux groupes ethniques. Les pouvoirs publics observent actuellement les changements sociaux qui ont lieu dans ce domaine.

M. Mokgothu (Botswana), répondant à la question 21, dit que les maigres fonds publics du Botswana, qui est un pays en développement, doivent être alloués en priorité aux activités ayant un intérêt direct pour la majorité des citoyens. Le Gouvernement estime que le financement public des partis politiques entraînera leur prolifération et ne servira en aucun cas l’intérêt général. Toutefois, la question fait encore l’objet d’un débat. Les partis politiques ont accès aux médias publics, y compris à la presse écrite, à la radio et à la télévision. Dans la plupart des cas, un calendrier est établi de façon à donner à un nombre maximal de partis la possibilité de présenter leur plateforme au public. Durant les campagnes électorales, les activités des partis sont médiatisées largement et de façon impartiale.

La séance est levée à 18 heures.