NATIONS UNIES

CCPR

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr.GÉNÉRALE

CCPR/C/SR.254117 juillet 2008

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME

Quatre-vingt-treizième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 2541e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le lundi 7 juillet 2008, à 15 heures

Président: M. RIVAS POSADA

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE (point 6 de l’ordre du jour)

Sixième rapport périodique du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord

La séance est ouverte à 15 heures.

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE (point 6 de l’ordre du jour)

Sixième rapport périodique du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord (CCPR/C/GBR/6; CCPR/C/GBR/Q/6, CCPR/C/GBR/Q/6/Add.1)

1. Sur l’invitation du Président, M me Collins ‑Rice , M.  Kissane , M. Preston, M me Hardy, M.  Finch , M me Vass, M.  Nye , M.  Bramley , M me Pettifer , M. Lynch, M me Moore, M. Williams, M me Akiwumi , M.  Barrett , M.  McLean , M me Elliot, M.  Daw , M me Revell , M me Dickson, M me Cameron, M me Upton , M me Ashby et M. Burton (Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord) prennent place à la table du Comité.

2.MmeCOLLINS-RICE (Royaume-Uni), présentant le sixième rapport (CCPR/C/GBR/6), dit que le Ministère de la justice, dont elle dirige le service juridique, est responsable de la politique du Royaume-Uni dans le domaine des droits de l’homme. À ce titre, il joue un rôle de premier plan dans le respect par le Royaume-Uni des obligations qui lui incombent en vertu du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. La délégation, composée entre autres de représentants du Ministère de la justice, du Ministère de l’intérieur, du Bureau pour l’Irlande du Nord et du Ministère des affaires étrangères et du Commonwealth, est heureuse de l’occasion qui lui est donnée de débattre avec le Comité de la manière dont le Royaume-Uni s’acquitte de ses obligations en vertu du Pacte.

3.Le Royaume-Uni accorde une très grande valeur aux travaux du Comité des droits de l’homme et des autres organes conventionnels. La surveillance qu’ils assurent est un élément essentiel de la promotion et de la protection des droits de l’homme à travers le monde et a un effet catalyseur sur la réalisation de progrès dans ce domaine. Le Gouvernement britannique est attentif aux conseils dispensés par le Comité des droits de l’homme au sujet de la mise en œuvre du Pacte et en tient pleinement compte dans l’élaboration des politiques touchant aux droits civils et politiques.

4.Les observations finales formulées par le Comité à l’issue de l’examen du précédent rapport, en 2001 (CCPR/CO/73/UK et CCPR/CO/73/UKOT), ont été dûment prises en considération. Les mesures qui ont été adoptées pour y donner suite sont exposées dans le sixième rapport périodique. Celui-ci a été établi après de vastes consultations avec la société civile et reflète en grande partie les suggestions que celle-ci a faites pour en améliorer le contenu. Le Gouvernement est convaincu que ces consultations ont été bénéfiques pour la qualité du rapport et constituent un atout pour le processus de suivi dans son ensemble.

5.Le Comité a posé un grand nombre de questions. Des réponses écrites préliminaires, établies elles aussi en consultation avec la société civile, lui ont été communiquées (CCPR/C/GBR/Q/6/Add.1). Après l’envoi du sixième rapport périodique, plusieurs faits nouveaux sont survenus dans le domaine des droits de l’homme et ne sont donc pas mentionnés dans les réponses à la liste des points à traiter; aussi pourrait-il être utile d’en donner un rapide aperçu au Comité.

6.On considère traditionnellement que la liberté selon la loi est la base même de la Constitution du Royaume-Uni. Il n’existe pas au Royaume-Uni de charte des droits au sens moderne du terme ni de constitution écrite se présentant sous la forme d’un document unique. Toutefois, la possession de droits, libertés et responsabilités constitutionnels est attachée à l’appartenance à la société britannique. Le Royaume-Uni prend les obligations qui lui incombent en vertu du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et des autres principaux instruments relatifs aux droits de l’homme très au sérieux. La loi de 1998 sur les droits de l’homme a rendu directement applicables en droit interne les droits fondamentaux garantis par la Convention européenne des droits de l’homme.

7.L’une des tâches les plus difficiles qui incombe aux gouvernements à l’heure actuelle est celle de protéger la sécurité publique tout en préservant les droits individuels. Il y a trois ans que les attentats terroristes ont fait 52 morts et 700 blessés dans le métro londonien. La menace terroriste continue de peser sur la sécurité du Royaume-Uni et, comme tous les gouvernements confrontés à cette situation, le Gouvernement britannique a la lourde responsabilité de protéger sa population et d’envisager tous les moyens possibles pour y parvenir. Même, ou peut-être surtout, lorsqu’il est confronté à des problèmes d’une telle gravité, le Gouvernement britannique reste ferme dans sa volonté de protéger les droits de l’homme. Il est résolu à encourager la promotion et la protection des droits fondamentaux sur son territoire comme à l’étranger. Lorsqu’il a étendu la durée de la détention avant inculpation dans les affaires de terrorisme, le Gouvernement a veillé à offrir les garanties nécessaires à la protection des droits fondamentaux des personnes soupçonnées de terrorisme et détenues pour ce motif.

8.Le Gouvernement britannique continue de voir dans la loi sur les droits de l’homme un instrument déterminant de la transformation de la culture politique britannique et de l’amélioration des services publics. Il est fait état dans le sixième rapport de l’examen de l’application de la loi, effectué en juillet 2006 et dont la nécessité est apparue parce que certaines indications montraient que des agents de l’État manquaient d’assurance pour appliquer la loi sur les droits de l’homme dans le cadre de leurs activités courantes. À l’issue de l’examen, il est apparu qu’il fallait mettre en place sans tarder un programme de formation et de sensibilisation aux droits de l’homme. À ce jour, le Ministère de la justice a distribué 100 000 exemplaires d’un nouveau manuel relatif aux droits de l’homme intitulé Human Rights : Human Lives (Droits de l’homme: vie des hommes) aux autres ministères, aux organismes qui en relèvent et à d’autres organisations du secteur public. Les réactions des fonctionnaires montrent que le manuel leur est utile et les aide à s’acquitter de leur mission. Depuis son entrée en vigueur, en 2000, la loi sur les droits de l’homme a suscité des réactions hostiles de la part de certains médias, qui en ont donné une image erronée. Une étude réalisée à la demande du Gouvernement en 2006 a montré que 84 % des personnes interrogées estimaient qu’une loi visant à protéger les droits de l’homme était nécessaire mais que 43 % pensaient que trop de personnes exploitaient ses dispositions de manière à en tirer des avantages indus. Depuis lors, un nouveau réseau d’attachés de presse spécialisés dans les droits de l’homme a été créé pour permettre aux ministères de répondre plus efficacement aux idées fausses ou trompeuses véhiculées par les médias sur les questions afférentes aux droits de l’homme, notamment en recensant et en réfutant les histoires erronées ou mensongères relatées dans la presse et d’autres médias.

9.En association avec des spécialistes de l’éducation et des droits de l’homme, le Gouvernement a mis au point de nouveaux matériels pédagogiques sur la protection des droits de l’homme à l’intention des enfants de 11 à 14 ans, qui ont été lancés le 1er juillet 2008. Le Gouvernement est convaincu que donner aux jeunes la possibilité de connaître leurs droits et ceux des autres et d’apprendre à les respecter est indispensable pour instaurer une culture plus vaste du respect des droits de l’homme.

10.Pour favoriser la réalisation de cet objectif général, le Gouvernement a créé le 1er octobre 2007 une commission permanente pour l’égalité et les droits de l’homme qui regroupe les fonctions des trois commissions sur l’égalité précédentes (la commission pour l’égalité raciale, la commission pour l’égalité entre les sexes et la commission relative aux droits des handicapés). Cette commission s’intéresse également aux nouveaux motifs de discrimination traités dans la loi, sur l’orientation sexuelle, la religion ou les convictions. Elle a pour mandat de défendre l’égalité et les droits de l’homme pour tous, de lutter contre la discrimination, de réduire les inégalités, de veiller aux bonnes relations entre les communautés et de garantir à chacun une chance de participer à la société. Elle est habilitée à faire appliquer la législation relative à l’égalité et à prendre des mesures pour favoriser le respect de la loi sur les droits de l’homme.

11.Le Parlement écossais a adopté en novembre 2006 une loi portant création d’une commission écossaise des droits de l’homme, dont la constitution est en cours et qui devrait être opérationnelle avant fin 2008. Son principal objectif est de promouvoir les droits de l’homme et d’encourager les meilleures pratiques dans ce domaine. La Commission sera habilitée à examiner la législation écossaise ainsi que les politiques et pratiques appliquées par les autorités écossaises et à recommander d’éventuelles modifications. Elle pourra aussi recueillir des informations, inspecter les lieux de détention et intervenir dans des procédures judiciaires afférentes à des violations des droits de l’homme.

12.Si le Royaume-Uni n’a pas de charte des droits, ni de constitution écrite unique, tous les droits fondamentaux et les libertés qui caractérisent la société britannique sont garantis et ont servi de modèle à de nombreuses autres démocraties, et bon nombre de droits et de responsabilités constitutionnels sont désormais reconnus par un texte législatif. Le Gouvernement réfléchit actuellement à la question de savoir si une codification plus poussée des droits et responsabilités constitutionnels serait bénéfique pour la société et la vie politique du pays. En 2007, il a engagé des consultations en vue de déterminer s’il fallait adopter une charte des droits et obligations. Le Gouvernement souhaite encourager le débat sur la manière dont les obligations correspondant à l’exercice des droits individuels pourraient être définies dans une telle charte, comme elles le sont dans le Pacte. Les ministres cherchent à élargir la base de la protection des droits de l’homme en y incorporant par exemple les droits à l’éducation, à la santé et à la bonne administration de la justice, droits que la loi sur les droits de l’homme ne suffit pas à garantir entièrement. Diverses possibilités sont à l’étude et il se pourrait que des approches différentes soient finalement retenues en fonction des types de droits visés. Le Gouvernement espère rendre publiques ses propositions concernant la charte dans un avenir proche.

13.Avant l’examen du rapport, la délégation a répondu aux questions du Comité portant sur différents thèmes, notamment des questions relatives à la législation et à la constitution ainsi que concernant la poursuite des efforts déployés par le Gouvernement pour donner pleinement effet aux droits constitutionnels de chacun des membres de la société et assurer la protection de la société dans son ensemble.

14.M. KISSANE (Royaume-Uni), répondant à la question de savoir si le Royaume-Uni envisage d’adopter une législation pour incorporer dans son droit interne le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (question no 1), dit que plusieurs sources de droit sont reconnues au Royaume-Uni et, qu’en général, les traités et instruments internationaux ne sont pas incorporés directement dans le droit national. Dans la pratique, le Gouvernement n’a pas constaté dans la protection prévue par la législation interne de lacune que l’incorporation du Pacte permettrait de combler. Il estime donc que celle-ci n’est pas nécessaire mais il reste néanmoins saisi de la question.

15.Pour ce qui est des intentions du Royaume-Uni concernant le premier Protocole facultatif se rapportant au Pacte, le Gouvernement a accordé une grande attention au mécanisme permettant à des particuliers de soumettre des requêtes aux organes conventionnels à l’occasion de l’étude des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme qu’il a effectuée en 2004. Le Gouvernement avait alors décidé d’adhérer au Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes afin de recueillir des données empiriques sur le fonctionnement du mécanisme de plaintes émanant de particuliers. Il dresse actuellement le bilan de l’expérience acquise au cours des trois dernières années dans le cadre de ce protocole et espère rendre ses conclusions avant la fin de l’été 2008.

16.Les territoires d’outre-mer ont leur propre constitution et législation et bon nombre d’entre eux jouissent de pouvoirs étendus pour ce qui est de la conduite des affaires internes. De nouvelles constitutions sont entrées en vigueur dans certains de ces territoires et toutes contiennent un chapitre sur les droits fondamentaux, qui reflète les dispositions du Pacte et de la Convention européenne des droits de l’homme, critère obligatoire pour que le Royaume-Uni les approuve.

17.Le Comité souhaite savoir si le Royaume-Uni envisage de retirer les réserves qu’il a émises à l’égard de divers articles du Pacte (question no 2). Hormis la réserve à l’article 11 dont le retrait, demandé par le bailliage de Jersey, est en cours, le Gouvernement n’a l’intention de retirer aucune des réserves émises à l’égard des articles du Pacte. La réserve à l’article 10 continue de s’imposer car il peut être nécessaire, à titre exceptionnel, de placer un jeune détenu dans un établissement pour adultes pour des raisons de sécurité ou pour répondre aux besoins du mineur. Il est également nécessaire de maintenir cette réserve en Écosse où les mineurs âgés d’au moins 16 ans sont détenus dans des établissements pour jeunes délinquants avec des jeunes de 21 ans au maximum, bien que dans la mesure du possible, les personnes de moins de 18 ans soient placées dans des quartiers séparés. La réserve à l’égard des paragraphes 1 et 4 de l’article 12 reflète les dispositions applicables aux habitants des territoires d’outre-mer, qui ont droit à un passeport britannique et à la protection consulaire britannique mais qui, à moins d’avoir également la nationalité britannique, n’ont pas le droit de résider au Royaume-Uni. Le Gouvernement interprète les dispositions de l’article 20 dans l’esprit des droits conférés par les articles 19 et 21 du Pacte. Il considère que la législation actuelle maintient un juste équilibre entre la préservation du droit à la liberté d’expression et la protection de toute personne contre la violence et la haine. Pour ce qui est de la réserve au paragraphe 3 de l’article 24, il existe plusieurs restrictions légales à la possibilité qu’ont les mineurs d’acquérir la nationalité britannique, qui sont toutes compatibles avec les obligations incombant au Royaume-Uni en vertu de la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie. La réserve est nécessaire pour faire faire en sorte que toute obligation contractée par le Royaume-Uni en vertu du Pacte international relatif aux droits civils et politiques − et du paragraphe 3 de son article 24 en particulier − n’aille pas plus loin que ses obligations au titre de la Convention de 1961. Le Gouvernement considère que la réserve générale concernant le maintien de la discipline militaire et pénitentiaire ne doit pas être levée car son retrait pourrait avoir des répercussions sur l’efficacité opérationnelle des forces armées du Royaume-Uni.

18.M. LYNCH (Royaume-Uni) dit que la situation des droits de l’homme en Irlande du Nord (question no 3) est particulière car elle est régie à la fois par la loi du Royaume-Uni sur les droits de l’homme, qui incorpore dans le droit interne les dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme, et par l’Accord de Belfast de 1998, qui contient un certain nombre d’engagements et de garanties spécifiques dans le domaine des droits de l’homme. La situation en Irlande du Nord se caractérise également par la présence active de la Commission des droits de l’homme de l’Irlande du Nord et de la Commission pour l’égalité ainsi que par un régime étendu de protection juridique. Celui‑ci comporte notamment des mécanismes spécifiques de surveillance des services de police et de la justice pénale.

19.La Commission des droits de l’homme de l’Irlande du Nord a été créée en 1999. Dotée de vastes attributions, elle a notamment été chargée par le Gouvernement de donner au Secrétaire d’État pour l’Irlande du Nord un avis sur la possibilité d’élaborer une charte des droits qui tienne compte de la spécificité de l’Irlande du Nord, d’ici au 10 décembre 2008. Le Gouvernement s’est engagé à tenir une large consultation publique sur cet avis avant de décider de la suite à donner au projet de charte.

20.Pour ce qui est de la police d’Irlande du Nord, l’un des principaux objectifs du Gouvernement est de la rendre plus représentative de la diversité de la société. La lutte contre le racisme est l’un des trois axes de la stratégie de la police en faveur de la diversité et de l’égalité, qui vise à répondre aux besoins particuliers des minorités ethniques et d’autres communautés immigrées. La stratégie prévoit également des mécanismes qui obligent les policiers à rendre compte de leurs actes. Les chefs du département des normes professionnelles, des équipes de commandement de district et de département se chargent de tous les cas de manquement au code déontologique de la police. En outre, toute plainte d’un particulier mettant en cause le comportement d’un policier donne lieu à une enquête du Bureau du médiateur de la police d’Irlande du Nord.

21.La violence à l’égard des femmes n’est pas propre à l’Irlande du Nord. Ce problème reçoit néanmoins toute l’attention requise. Le Département d’Irlande du Nord pour la santé, les services sociaux et la sécurité a alloué près de 4 millions de livres à la mise en œuvre de sa stratégie triennale de lutte contre la violence et les sévices sexuels. Parmi les autres mesures prises dans ce domaine, on retiendra la nomination de policiers spécialisés dans le domaine de la violence familiale dans chaque unité de commandement de la police d’Irlande du Nord, la mise en place de cours de formation spécialisés pour le personnel des organismes publics concernés ainsi que la création d’une assistance téléphonique financée par le Gouvernement à l’intention des victimes de la violence familiale.

22.M. KISSANE (Royaume-Uni) dit, au sujet de l’incidence éventuelle de la loi de 2002 relative à la discrimination fondée sur le sexe sur la représentation des femmes dans la vie publique (question no 4), que la proportion de femmes au Parlement a déjà considérablement augmenté au cours des vingt‑cinq dernières années et que la tendance s’est poursuivie après l’adoption de la loi, notamment grâce à l’utilisation de listes de présélection exclusivement féminines aux élections. La proportion de femmes au Parlement s’élève à l’heure actuelle à 19,3 %, contre 9,2 % en 2002. Parallèlement, on observe une nette augmentation du nombre de femmes titulaires de charges politiques à tous les niveaux. Le 3 juillet 2008, le Gouvernement a décidé, sur proposition du Ministre de la justice, de prolonger l’application des dispositions de la loi de 2002 au-delà de 2015.

23.Concernant les mesures de nature à accroître la proportion de femmes exerçant des fonctions judiciaires, le Lord Chancellor, le Lord Chief Justice et la Présidente de la Commission des nominations judiciaires (Baroness Prashar) ont arrêté d’un commun accord une stratégie de promotion de la diversité de la magistrature, dont l’objectif général est d’encourager une représentation plus diversifiée au sein de la magistrature en Angleterre et au pays de Galles, en mettant tout particulièrement l’accent sur la représentation des femmes, l’origine ethnique, le handicap et l’expérience professionnelle. En 1999, 24 % seulement des personnes nommées à des fonctions judiciaires étaient des femmes. Toutefois, d’après la Commission des nominations judiciaires, sur les 27 sélections effectuées entre le 1er avril 2007 et le 31 mars 2008, 48,2 % des candidats retenus étaient des femmes. La proportion totale de femmes juges est passée de 14 % à 19 % au cours des cinq dernières années. En Écosse, le conseil des nominations judiciaires a établi un groupe de travail sur la diversité chargé de rassembler des éléments témoignant de la diversité dans la profession juridique en Écosse et de vérifier si cette diversité se retrouvait parmi les candidats à des postes judiciaires.

24.M. NYE (Royaume-Uni) dit que l’article 44 de la loi de 2000 sur le terrorisme confère à la police le pouvoir de procéder à des interpellations et à des fouilles dans une zone donnée, même en l’absence d’un degré raisonnable de soupçon, auquel cas ce pouvoir ne peut être exercé que lorsqu’il existe une menace terroriste sérieuse. Comme les pouvoirs conférés à la police par l’article premier de la loi de 1984 sur la police et les preuves judiciaires et par l’article 60 de la loi de 1994 sur la justice pénale et la police, les pouvoirs définis à l’article 44 de la loi sur le terrorisme ne visent pas une communauté raciale, religieuse ou autre en particulier. Ils visent uniquement les terroristes et les criminels, y compris potentiels, indépendamment de leur origine ou de leur groupe social. Les interpellations et les fouilles ont plus de chance d’être efficaces et d’être bien perçues par la population si elles sont menées sur la base de renseignements sûrs et à jour. Toute arrestation en vertu des dispositions sur le terrorisme doit être fondée sur une évaluation objective du danger que l’intéressée représente et non pas sur des considérations raciales. Le Gouvernement estime qu’utilisées dans le strict respect des règles établies par la loi et compte dûment tenu de la menace réelle, les interpellations et les fouilles contribuent efficacement à dissuader les terroristes potentiels et augmentent les chances de les arrêter à temps. En outre, les fouilles nécessitent l’autorisation d’un officier supérieur et ne sont autorisées que dans la mesure nécessaire pour prévenir des actes de terrorisme. La légalité de cette pratique a été confirmée par une décision de la Chambre des lords en 2006. Le Gouvernement n’ignore pas les inquiétudes que suscitent ces pratiques dans certains secteurs de la société, en particulier dans les communautés musulmanes, et a le souci de préserver de bonnes relations avec et entre les différentes communautés dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Il travaille à cette fin avec la police et veille à ce que celle-ci puisse user des pouvoirs que lui confère la loi en maintenant un juste équilibre; on cherche aussi à renforcer la coopération avec les communautés musulmanes dans la lutte contre le terrorisme. Le Parlement surveille de près l’incidence de l’application de la loi antiterroriste sur les différentes communautés, en particulier les communautés musulmanes, et la Commission des affaires intérieures de la Chambre des communes continue d’examiner la question et de faire rapport à ce sujet.

25.M. DAW (Royaume-Uni) dit que l’Administration pénitentiaire au Royaume-Uni se compose de trois éléments distincts: l’Administration pénitentiaire d’Irlande du Nord, l’Administration pénitentiaire écossaise et l’Administration pénitentiaire d’Angleterre et du pays de Galles. Le plan d’action en faveur de l’égalité raciale dans les prisons (question no 6) a été mis au point en 2003 par l’Administration pénitentiaire d’Angleterre et du pays de Galles conjointement avec la Commission pour l’égalité raciale. Il reflète les recommandations issues de l’enquête Mubarek, ainsi que les conclusions du rapport de l’Inspecteur en chef des prisons de Sa Majesté, et tient compte des changements apportés à la législation relative à l’égalité raciale. Une étude sera menée à l’expiration du plan, en décembre 2008, pour évaluer les progrès qui auront pu être accomplis. Dans les prisons d’Angleterre et du pays de Galles, plusieurs recours internes sont ouverts aux détenus qui souhaitent présenter des réclamations. Une fois ces recours internes épuisés, les prisonniers qui n’ont pas obtenu satisfaction peuvent s’adresser au Médiateur des prisons et de la probation. Il existe en outre une procédure interne distincte pour les plaintes portant sur des incidents racistes, qui prévoit également un droit de recours auprès du Médiateur. Le plan d’action a permis d’améliorer la formation du personnel chargé des enquêtes en ce qui concerne les problèmes raciaux mais aussi en rapport avec d’autres questions liées à la diversité. Il y a dans toutes les prisons un fonctionnaire chargé des questions d’égalité raciale et un certain pourcentage des enquêtes effectuées fait l’objet d’un contrôle extérieur. L’Administration pénitentiaire écossaise a lancé en novembre 2005 un programme sur l’égalité raciale; les mesures qu’elle a prises dans ce cadre pour promouvoir l’égalité raciale dans tous ses établissements ont permis des progrès considérables. L’Administration pénitentiaire de l’Irlande du Nord traite les plaintes des détenus selon une procédure interne qui comporte trois étapes, mais il n’existe pas de procédure distincte pour les plaintes relatives à des incidents racistes. Si un détenu n’est pas satisfait du résultat de la procédure interne, il peut saisir le Médiateur des prisons d’Irlande du Nord. L’Administration pénitentiaire d’Irlande du Nord procède actuellement au recensement des plaintes pour incidents racistes qui ont été présentées et cherche à établir un système permettant de dégager les motifs des plaintes dans les informations données par le plaignant, afin de les enregistrer par catégorie. Ce système se fondera vraisemblablement sur les neuf critères énoncés à l’article 75 de la loi de 1998 de l’Irlande du Nord (convictions religieuses, opinion politique, groupe racial ou ethnique, âge, état civil, orientation sexuelle, sexe, handicap et dépendance).

26.MmePETTIFER (Royaume-Uni) indique que des enquêtes publiques ont été ouvertes sur la mort de Robert Hamill, Billy Wright et Rosemary Nelson en novembre 2004 et sont toujours en cours. Elles sont menées par des juges indépendants avec l’entière collaboration du Gouvernement, qui a fourni un volume considérable d’informations. Elles devraient être achevées en 2010. Il convient de rappeler que ces enquêtes n’ont pas pour but d’identifier les coupables ni de les poursuivre. Des poursuites avaient d’ailleurs déjà été engagées dans les affaires Wright et Hamill avant que ces enquêtes ne soient ouvertes.

27.Aucune disposition n’a pour le moment été prise pour ouvrir une enquête publique sur la mort de Patrick Finucane. Le Gouvernement a indiqué clairement que le seul fondement possible pour l’ouverture d’une enquête publique sur cette affaire était la loi de 2005 sur les enquêtes. Les allégations qui ont été faites dans l’affaire Finucane touchent à des questions de sécurité nationale et toute enquête s’y rapportant supposerait d’examiner des informations très sensibles dont la confidentialité devrait impérativement être préservée sous peine de mettre en danger la sécurité nationale et la vie de plusieurs personnes. La loi sur les enquêtes autorise le ministre compétent à rendre un avis de restriction pour empêcher que les éléments de l’instruction soient divulgués au public ou aux autres parties. Toutefois cette mesure ne peut être prise que lorsque la loi ou l’intérêt public l’exige et après un examen rigoureux de plusieurs facteurs définis par la loi; elle est susceptible de recours. La famille Finucane s’est opposée à ce qu’une enquête soit menée sur la base de la loi sur les enquêtes mais le Gouvernement est en pourparlers avec elle pour tenter de trouver un moyen de mener l’enquête en tenant pleinement compte de l’intérêt public.

28.Mme MOORE (Royaume-Uni) dit que les projectiles à impact atténué (question n°8) ont été introduits en juin 2005 pour toutes les forces de police du Royaume-Uni. Le matériel utilisé en Irlande du Nord avait fait l’objet de vives controverses et sur recommandation de la Commission indépendante sur le maintien de l’ordre en Irlande du Nord, un Comité directeur chapeauté par le Ministère de l’intérieur et formé d’un grand nombre d’experts dans différents domaines, y compris le domaine médical, a été chargé de rechercher des moyens de gestion des conflits qui soient efficaces et potentiellement moins meurtriers que les balles en plastique. Entre juin 2005 et octobre 2007, ces projectiles ont été utilisés à quatre occasions en Irlande du Nord (427 tirs) et à 28 occasions (36 tirs) en Grande-Bretagne. En Irlande du Nord, leur utilisation doit toujours être signalée au Médiateur de la police, qui n’a reçu que deux plaintes à ce sujet, en 2005. Ils ont principalement été utilisés pendant les graves troubles de septembre 2005, au cours desquels les forces de l’ordre avaient été attaquées avec des cocktails Molotov et des balles réelles, et seulement après l’échec de l’utilisation d’autres moyens comme les canons à eau. L’emploi des projectiles à impact atténué est réglementé par des directives rigoureuses, qui prévoient notamment l’obligation de s’assurer de l’absence de tout enfant ou autre personne vulnérable, conformément à l’article 3 c) du Code de conduite pour les responsables de l’application des lois auquel elles renvoient expressément. Les autorités sont convaincues que l’emploi de ces projectiles contribue au respect du droit à la vie garanti à l’article 6 du Pacte et considèrent aussi que leur approche en matière de maintien de l’ordre est conforme aux articles 2 et 3 des Principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois. Cela étant, elles n’entendent pas relâcher leurs efforts et continueront de chercher d’autres méthodes encore moins préjudiciables.

29.M. BRAMLEY (Royaume-Uni) rappelle qu’à l’issue de l’enquête sur le décès de Jean Charles de Menezes (question no 9), la Commission indépendante des plaintes contre la police a conclu que les 16 policiers en cause n’étaient pas personnellement responsables et qu’il n’y avait pas lieu de prendre des sanctions disciplinaires. L’Association des hauts fonctionnaires de police, qui a passé en revue les méthodes employées par la police pour réagir aux menaces d’attentats‑suicide, a conclu en mars 2006 que ces méthodes étaient conformes au but recherché. Le Gouvernement n’intervient pas dans les décisions concernant les tactiques utilisées, lesquelles doivent d’ailleurs rester connues des seuls services de police pour éviter qu’elles ne soient facilement déjouées. Les hauts responsables de la police sont tenus d’appliquer le Code de conduite sur l’utilisation des armes à feu et autres armes moins meurtrières, publié par le Ministère de l’intérieur et approuvé par le Parlement, qui énonce notamment des principes de base concernant le choix, l’essai, l’acquisition et l’utilisation des armes. Ce code est complété par des directives de l’Association des hauts fonctionnaires de police. Une fois le recours aux armes à feu autorisé, c’est à chaque policier individuellement qu’il appartient d’agir dans le respect de la loi. Les policiers peuvent être appelés à justifier leurs actes devant un tribunal.

30.M. KISSANE (Royaume-Uni) dit qu’aucune information obtenue par la torture, que ce soit sur le territoire britannique ou ailleurs, n’est recevable à titre de preuve dans une procédure pénale ou civile, hormis dans les cas prévus à l’article 15 de la Convention contre la torture. Dans l’affaire A. and others v. Secretary of State for Home Department (question no 10), la Chambre des lords a conclu que le tribunal - en l’occurrence la Commission spéciale chargée d’examiner les recours en matière d’immigration − ne devait pas retenir à titre de preuve des éléments dont il pensait qu’ils avaient été obtenus par la torture; en cas de doute, il pouvait les accepter, en gardant ce doute à l’esprit lorsqu’il les appréciait. Les tribunaux britanniques sont tenus de se conformer aux précédents établis par les juridictions supérieures et tous les juges sont censés connaître les décisions pertinentes de la Chambre des lords.

31.Le Royaume-Uni a recours aux mémorandums d’accord (question no 11) pour expulser des étrangers soupçonnés de terrorisme. Loin d’être un moyen de contourner ses obligations relatives aux droits de l’homme, les assurances diplomatiques permettent au contraire de s’assurer que les droits de la personne renvoyée seront respectés et en particulier que celle-ci recevra un traitement conforme à l’article 7 du Pacte. Le Gouvernement n’envisage pas de modifier sa politique à la lumière des décisions rendues en l’affaire DD and AS v. Secretary of State for Home Department car ni la Commission spéciale chargée d’examiner les recours en matière d’immigration ni la cour d’appel n’ont conclu que le recours aux assurances diplomatiques n’était pas acceptable; elles ont seulement estimé que, dans le cas de ces deux Libyens et à ce moment précis, les assurances n’étaient pas suffisantes. Dans l’affaire Saadi c. Italie, devant la Cour européenne des droits de l’homme, le Royaume-Uni a fait valoir qu’il fallait tenir compte non seulement des risques encourus par les personnes menacées d’expulsion mais aussi, dans une certaine mesure, des risques que ces mêmes personnes font courir à autrui. Il a également demandé qu’au vu de la gravité des affaires en question, un niveau de preuve plus élevé soit exigé pour attester les risques encourus par ces personnes. La Cour européenne a rejeté ces arguments mais elle n’a pas conclu que le recours aux assurances diplomatiques était inapproprié. Elle a seulement estimé que ces assurances devaient être examinées avec attention, au cas par cas, par le tribunal. Le Royaume-Uni respecte cette décision.

32.MmeAKIWUMI (Royaume-Uni) rappelle que le Royaume-Uni réserve sa position quant à l’application des dispositions du Pacte en dehors du territoire national et, partant, à leur application aux personnes placées dans les centres de détention de l’armée britannique à l’étranger (question no 12). Cependant, les soldats britanniques à l’étranger sont dûment formés sur leurs obligations à l’égard des détenus. La torture et les mauvais traitements sont explicitement interdits par le droit coutumier international et par le droit pénal britannique, dont les dispositions sont applicables aux soldats britanniques en tout temps et en tout lieu. Toute allégation de torture ou de mauvais traitement est examinée par la police militaire, qui est indépendante de la structure hiérarchique dans ses fonctions d’enquête. S’il y a eu faute, des poursuites sont engagées par un organe également indépendant de la structure hiérarchique militaire. La victime ou sa famille peut obtenir réparation en vertu de différents textes, selon qu’il y a eu décès, dommages corporels ou violation des droits fondamentaux.

33.M. KISSANE (Royaume-Uni) dit que la prolongation de la détention sans inculpation des personnes soupçonnées de terrorisme (question n°13), qui est autorisée par la loi de 2006 sur le terrorisme, ne soulève pas de question au regard du paragraphe 3 de l’article 9 du Pacte puisque tout suspect dans cette situation est présenté à un juge dans les quarante-huit heures. Le juge doit s’assurer que les soupçons de terrorisme sont suffisants et ne peut prolonger la détention, par tranche de sept jours maximum, que si celle-ci est nécessaire pour obtenir ou préserver des preuves. La détention des personnes soupçonnées de terrorisme est strictement réglementée et il n’est jamais arrivé qu’elle soit jugée illégale ou incompatible avec les obligations du Royaume‑Uni relatives aux droits de l’homme, ni même contestée devant les tribunaux.

34.En matière de prévention du terrorisme, la mesure privilégiée par le Gouvernement est l’ouverture de poursuites ou, si le suspect est étranger, l’expulsion. Lorsque aucune de ces mesures n’est possible, il a recours aux ordonnances de contrôle (question n°14). Celles-ci ne visent qu’un groupe très réduit et ciblé de personnes: à la date de juin 2008, 15 ordonnances seulement étaient en vigueur et un total de 37 personnes ont été soumises à une ordonnance depuis l’adoption de la loi, trois ans auparavant. Chaque ordonnance est obligatoirement réexaminée par la High Court, qui doit vérifier qu’il existe des motifs valables de soupçonner la personne de participation à une activité terroriste et que la mesure est nécessaire pour protéger la population. En octobre 2007, la Chambre des lords a décidé de maintenir le régime des ordonnances de contrôle et a considéré que les dispositions d’aucune d’elles ne devaient être assouplies. Elle a rejeté le couvre-feu de dix‑huit heures que souhaitait le Gouvernement, mais a estimé qu’un couvre‑feu de douze et quatorze heures n’était pas incompatible avec le droit à la liberté, ce qui confirme que ce régime est pleinement conforme au Pacte et à la Convention européenne des droits de l’homme. Pour l’heure, le Gouvernement n’envisage pas de déroger au droit à la liberté, mais cela ne signifie pas que la situation de danger public ait cessé menaçant l’existence de la nation. De fait, la menace terroriste n’a cessé de croître depuis 2001. Pour ce qui est des modifications apportées aux ordonnances par la Chambre des lords, le Gouvernement ne peut pas donner d’informations sur des cas individuels.

35.M. BARRETT (Royaume-Uni) explique qu’un demandeur d’asile peut être placé en détention (question no 15) dans les cas suivants: pendant que son identité et les motifs justifiant sa demande sont établis; lorsqu’il y a de bonnes raisons de penser qu’il ne respectera pas les conditions de l’admission temporaire ou de la mise en liberté; dans le cadre d’un processus d’asile accéléré; ou parce qu’il va être expulsé. Tout placement en détention est décidé au cas par cas, en tenant compte de la situation particulière de l’intéressé. La loi ne prévoit pas de durée maximale, mais la détention n’est jamais indûment prolongée au-delà du temps strictement nécessaire. La mesure est régulièrement réexaminée par une autorité judiciaire et l’intéressé peut la contester au moyen d’une demande d’examen judiciaire ou d’une requête en habeas corpus; il peut également demander une libération sous caution. Les conditions de détention sont vérifiées par des organismes indépendants au niveau local et par l’administration pénitentiaire au niveau national. Depuis 2002 en Grande-Bretagne et depuis 2006 en Irlande du Nord, les personnes arrêtées en vertu de la législation sur l’immigration ne sont plus détenues dans les établissements pénitentiaires. À l’exception de celles qui ont été condamnées ou qui posent des problèmes de sécurité, toutes sont maintenant détenues dans des centres spéciaux des services d’immigration. Toutes sont immédiatement informées des raisons de leur détention et ont accès à un service de conseils juridiques.

36.M. DAW (Royaume-Uni) explique que l’administration pénitentiaire ne relève plus du Ministère de l’intérieur mais du nouveau Ministère de la justice crée en mai 2007. Les chiffres cités dans la question no 16 représentent en moyenne 187 agents pénitentiaires coupables de fautes par an, alors que l’administration pénitentiaire emploie 48 000 personnes. En outre, ils incluent la totalité des fautes commises, lesquelles vont d’infractions mineures, comme un congé maladie abusif ou des insultes à l’égard d’un collègue ou d’un détenu, à des infractions graves (comme l’agression d’un collègue ou d’un détenu ou l’introduction de téléphones portables ou de drogue), qui ont valu aux agents concernés d’être licenciés, voire poursuivis en justice. L’administration pénitentiaire est consciente que ces chiffres, si faibles soient-ils en comparaison du nombre de fonctionnaires, risquent de choquer l’opinion publique, mais elle estime néanmoins qu’ils doivent être rendus publics. De plus, ils permettent de rappeler que les écarts de conduite du personnel pénitentiaire ne sont pas tolérés. Les normes de conduite applicables à l’ensemble du personnel sont définies dans un règlement qui est publié sur le site Web de l’administration pénitentiaire. Une équipe spéciale est chargée de prévenir la corruption du personnel par les détenus.

37.Le PRÉSIDENT remercie la délégation de ses réponses et invite les membres qui le souhaitent à poser des questions supplémentaires.

38.M. SHEARER souhaite revenir sur la question no 3 de la liste. En effet, malgré les précisions de la délégation, il ne voit toujours pas clairement en quoi la protection des droits de l’homme en Irlande du Nord diffère de celle qui prévaut dans le reste du Royaume-Uni. Il a bien noté que la Commission des droits de l’homme de l’Irlande du Nord devait présenter en décembre 2008 un rapport au Ministre chargé de l’Irlande du Nord sur la possibilité de définir, dans la législation de Westminster, d’autres droits, en complément de ceux de la Convention européenne sur les droits de l’homme, afin de tenir compte des circonstances particulières de l’Irlande du Nord. En attendant, il serait intéressant d’avoir des informations plus détaillées sur l’Accord de Belfast de 1998, en vertu duquel un régime complet de protections légales aurait été mis en place.

39.Au paragraphe 104 du rapport il est fait mention de la violence inspirée par la haine mais rien n’est dit de la violence sectaire, qui est sans doute, en Irlande du Nord, la forme la plus courante de violence inspirée par la haine. Il serait donc utile d’avoir des statistiques sur cette forme de violence ainsi que des informations sur les mesures prises pour la combattre. M. Shearer note que le pourcentage de Noirs ou de membres de minorités ethniques parmi le personnel de la police d’Irlande du Nord est extrêmement faible (0,31 %) et se demande si ce taux reflète simplement la représentation pareillement réduite de ces personnes dans la population de la région ou s’il s’explique autrement. Il aimerait également savoir s’il existe des dispositions d’exception qui seraient applicables en Irlande du Nord mais pas dans le reste du Royaume-Uni, et quel est le calendrier prévu pour le transfert des pouvoirs de Westminster à l’Irlande du Nord, en particulier en ce qui concerne la protection des droits de l’homme.

40.À propos de la question no 7, M. Shearer voudrait savoir pourquoi les auditions concernant les décès de Billy Wright et Rosemary Nelson n’ont commencé que cette année, alors que les enquêtes indépendantes avaient été annoncées en novembre 2005. Les auditions concernant Robert Hamill n’ont même pas commencé. Quant à l’enquête sur l’affaire Finucane, elle est subordonnée à la nouvelle loi de 2005 sur les enquêtes, dont les limites ont fait l’objet de vives critiques au niveau international. La délégation a indiqué que cette loi n’empêchait pas la collecte d’informations mais seulement leur publication, pour des raisons de sécurité. Il serait intéressant de savoir si, dans l’affaire Finucane, la loi empêcherait également la famille de connaître tous les faits sous-jacents, et quelles considérations de sécurité entreraient en ligne de compte.

41.En ce qui concerne les projectiles à impact atténué (question no 8), l’État partie affirme dans ses réponses écrites qu’ils n’ont provoqué aucune blessure entre juin 2005 et mai 2006, mais ne dit rien sur la période de mai 2006 à octobre 2007, durant laquelle ils étaient également utilisés. Selon une source indépendante, 14 personnes ont été admises à l’hôpital de Belfast pour des blessures dues aux projectiles à impact atténué. L’État partie ne précise pas non plus si l’utilisation d’armes neutralisantes envoyant des décharges électriques de type Taser est autorisée déjà ou est envisagée.

42.M. Shearer note que dans la tragique affaire Menezes (question no 9) il n’a pas été engagé de poursuites judiciaires et que seule une amende collective a été imposée en vertu de la loi sur la santé et la sécurité au travail, un texte dont l’application en l’espèce semble pour le moins étrange. Il serait intéressant de savoir si des policiers pourraient être poursuivis à l’issue de l’information judiciaire qui a été ouverte pour rechercher les causes de la mort ou si les conclusions de la première enquête menée par la Commission indépendante des plaintes contre la police excluent cette possibilité. Il serait également utile de savoir si les 16 recommandations formulées par cette dernière ont été rendues publiques. Enfin, même si, comme l’a dit la délégation, il est nécessaire de garder secrètes les tactiques de la police, il serait utile de savoir si cette dernière a modifié ses méthodes à la suite de cette affaire.

43.En réponse à la question no 16, la délégation a expliqué que les fautes professionnelles du personnel pénitentiaire relevaient plus souvent de manquements à la discipline que d’actes de violence contre les détenus; cela soulève toutefois la question plus générale de la surpopulation carcérale. À ce propos, M. Shearer voudrait savoir quels progrès ont été accomplis dans l’introduction de peines de substitution à l’emprisonnement et comment les juges en sont tenus informés, et quelles mesures ont été prises ou sont envisagées pour prévenir les suicides, l’automutilation et les décès en détention − par exemple, l’aménagement de cellules plus sûres, évoqué dans le rapport, ou la possibilité pour les détenus de recevoir des visites en privé.

44.M. AMOR dit que l’impression qui se dégage de la lecture du rapport (CCPR/C/GBR/Q/6) comme des réponses écrites (CCPR/C/GBR/Q/6/Add.1) est que le Pacte occupe une place seconde, et peut‑être même à certains égards secondaire, par rapport à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Il serait heureux que la délégation du Royaume‑Uni efface cette impression. La question de l’incorporation du Pacte dans le droit interne relève d’un choix souverain de l’État partie mais il est essentiel que tous les droits protégés par le Pacte soient garantis dans la législation nationale. Cela ne semble pas être tout à fait le cas, notamment en ce qui concerne le droit à la non‑discrimination et les droits énoncés à l’article 27 du Pacte. M. Amor veut croire que la délégation du Royaume‑Uni lèvera ce doute.

45.En ce qui concerne l’adhésion au Protocole facultatif, M. Amor respecte le choix des autorités britanniques mais constate qu’elles ont adhéré au Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. À son sens, l’adhésion au Protocole facultatif se rapportant au Pacte aurait peut‑être dû précéder l’adhésion à ce protocole et, en tout état de cause, M. Amor souhaiterait comprendre le raisonnement sur lequel l’État partie fonde ses choix.

46.M. Amor a noté, en ce qui concerne les territoires d’outre‑mer, que toutes les constitutions de ces territoires doivent comporter un chapitre relatif aux droits et libertés, et que les autorités centrales veillent à ce que les dispositions pertinentes soient conformes aux engagements internationaux souscrits par l’État partie. Il voudrait toutefois savoir si la vérification ainsi exercée porte uniquement sur les instruments européens ou si elle s’applique également à l’ensemble des dispositions du Pacte.

47.Dans ses observations finales relatives à l’examen du cinquième rapport périodique du Royaume‑Uni (CCPR/CO/73/UK‑CCPR/CO/73/UKOT), le Comité avait formulé une recommandation concernant le territoire britannique de l’océan Indien. La population de ce qui constitue l’archipel des Chagos a été chassée du territoire où elle vivait. Dans ses observations finales, le Comité avait demandé à l’État partie de tenter, dans la mesure du possible, d’établir des conditions permettant l’exercice par les Ilois de leur droit au retour dans leur territoire. M. Amor voudrait savoir quelle action a été prise en ce sens et quels sont la situation et le statut des anciens habitants de l’archipel. Il rappelle que, dans des commentaires concernant les observations finales du Comité (CCPR/CO/73/UK‑CCPR/CO/73/UKOT/Add.1), le Gouvernement mauricien avait fait état d’une lettre que lui avaient adressée le 1er juillet 1992 les autorités britanniques, dans laquelle elles prenaient l’engagement de rétrocéder les Chagos à Maurice lorsque l’occupation n’en serait plus nécessaire à des fins de défense du Royaume-Uni. M. Amor souhaiterait des éclaircissements sur ce point et voudrait connaître les fondements juridiques de la position des autorités britanniques sur la question du statut de l’archipel des Chagos, dont la logique ne lui apparait pas clairement.

48.M. Amor évoque une situation nouvelle et en constante évolution à laquelle les États parties au Pacte, le Comité, les organisations non gouvernementales et les autres parties prenantes n’accordent pas encore toute l’importance voulue et qui pourrait être de nature à mettre en péril la dignité humaine, valeur que le préambule du Pacte consacre à deux reprises. Il s’agit de la situation créée par le développement des sciences biomédicales et de la bioéthique. Dans ces domaines, le Royaume‑Uni accorde à la recherche une liberté d’action considérable, ce qui a permis des avancées extraordinaires et a fait de l’État partie un pays à la pointe de la science. M. Amor note, par exemple, que le Parlement britannique a adopté récemment une loi autorisant la création d’embryons hybrides. Il considère que l’évolution de la recherche biomédicale, notamment en ce qu’elle concerne le clonage reproductif, et les questions de bioéthique, en particulier concernant la conservation des embryons surnuméraires, ne sont pas sans poser de problèmes, d’autant plus quand s’y mêle une dimension commerciale. L’État partie devrait veiller tout particulièrement à prévenir les risques de dérapage des sciences biomédicales et les effets préjudiciables qu’elles sont susceptibles d’avoir sur le respect de la dignité humaine. M. Amor souhaiterait connaître la position du Royaume‑Uni sur ces questions dont il importe de se préoccuper aujourd’hui.

49.Enfin, M. Amor revient sur une affaire qui avait été évoquée dans le cadre de l’examen d’un rapport périodique de l’Algérie. Le Comité s’était inquiété du sort d’une personne qui avait été expulsée du Royaume‑Uni vers l’Algérie; le chef de la délégation algérienne avait indiqué que cette personne avait été détenue sans inculpation pendant deux ans au Royaume‑Uni, qu’elle y avait été soumise à la torture, avant d’être renvoyée en Algérie. À son retour, les autorités algériennes l’avaient naturellement interrogée mais aucune charge n’avait été retenue contre elle et elle avait ainsi recouvré la liberté. M. Amor souhaiterait entendre les commentaires de la délégation du Royaume‑Uni sur cette affaire.

50.Mme WEDGWOOD s’inquiète du très grand nombre de réserves que l’État partie a émises à l’égard du Pacte. La réserve formulée à l’égard du paragraphe 2 b) de l’article 10 du Pacte, par exemple, est dictée par des considérations compréhensibles, notamment l’insuffisance des ressources nécessaires à la création de centres de détention, mais on peut se demander si, paradoxalement, elle n’est pas de nature à perpétuer la situation actuelle. La réserve formulée à l’égard de l’article 12 paraît dater d’une époque où les préoccupations en matière d’égalité étaient moindres, et la réserve portant sur le paragraphe 3 de l’article 24 semble elle aussi ne plus correspondre aux réalités d’aujourd’hui. En ce qui concerne la réserve à l’égard de l’article 20, l’État partie a fait valoir que les articles 19 et 21 du Pacte constituaient en quelque sorte le cadre de l’application de l’article 20; dans ces conditions, on ne voit guère l’utilité de la réserve à l’égard de ce dernier article. La réserve la plus préoccupante est toutefois celle qui porte sur la discipline dans le cas des forces armées et des prisonniers. Au regard de l’article 10 du Pacte, le Gouvernement du Royaume‑Uni a déclaré qu’il se réservait le droit d’appliquer aux membres et au personnel des forces armées de la Couronne ainsi qu’aux personnes légalement détenues dans des établissements pénitentiaires les lois et procédures qu’il peut de temps à autre estimer nécessaires pour le maintien de la discipline militaire et pénitentiaire. Cette déclaration est d’autant plus préoccupante qu’elle pourrait laisser entendre que la protection prévue par le Pacte ne s’étend pas au domaine relevant du droit militaire. On peut se demander, par exemple, si la réserve à l’article 10 aurait pour effet que la protection du Pacte ne s’appliquerait pas à des prisonniers que le Royaume‑Uni aurait capturés dans un conflit armé comme celui qui se déroule en Afghanistan. D’une façon générale, Mme Wedgwood invite les autorités du Royaume‑Uni à envisager de retirer toutes les réserves formulées à l’égard du Pacte ou, à tout le moins, de les réduire au strict minimum.

51.Mme Wedgwood constate avec satisfaction que le nombre de femmes juges a augmenté. Elle relève toutefois que cette augmentation donne une idée du nombre de femmes dans la profession ayant «l’expérience voulue», et elle voudrait savoir ce que recouvrent ces termes. En outre, elle voudrait connaître le nombre de femmes avocates et combien de femmes noires sont juges ou avocates.

52.En ce qui concerne la question de l’irrecevabilité des éléments de preuve obtenus par la torture, Mme Wedgwood constate que ceux dont il apparaît qu’ils ont été obtenus par la torture ne sont pas retenus par les tribunaux. La règle est bonne mais sa formulation est vague. Il conviendrait de préciser de quelle façon on établit qu’un élément de preuve a été obtenu par la torture, quel type d’enquête permet de déterminer comment une information a été obtenue et ce que l’on entend par «toute enquête qu’il a été possible de réaliser et compte tenu des probabilités».

53.La question des ordonnances de contrôle soulève certaines interrogations. En premier lieu, Mme Wedgwood se demande s’il s’agit d’une sorte de loi sur l’immigration ou si ce sont des mesures relevant du droit civil, voire du droit pénal. Elle voudrait savoir aussi si des ressortissants du Royaume‑Uni ont déjà été visés par une ordonnance de contrôle et quelles sont les conditions précises permettant de délivrer ces ordonnances. Les critères énoncés au paragraphe 42 du rapport sont très vagues et donnent l’impression que le Ministère de l’intérieur ou les tribunaux jouissent d’un pouvoir discrétionnaire susceptible de compromettre le strict respect de certaines dispositions du Pacte. Mme Wedgwood relève également au paragraphe 121 du texte des réponses écrites que le Gouvernement du Royaume‑Uni n’entend pas faire d’observation sur des affaires individuelles ni indiquer quels changements ont pu être apportés à la suite des décisions rendues par les lords, et elle voudrait savoir pour quelles raisons le Gouvernement ne souhaite pas évoquer ces questions.

54.Enfin, compte tenu de la position de l’État partie sur l’application du Pacte dans le cas des personnes détenues dans des centres de détention de l’armée britannique à l’extérieur du Royaume‑Uni, Mme Wedgwood souhaiterait savoir si, par définition, la procédure d’h abeas corpus ne s’applique pas à ces personnes. Si tel était le cas, cela serait préoccupant, et l’on sait l’importance qui s’attache à la garantie d’un examen indépendant de la détention.

55.M. JOHNSON LOPEZ demande comment l’État partie justifie qu’un degré raisonnable de soupçon ne soit pas requis pour exercer les pouvoirs de contrôle et de fouille. Il demande à la délégation de communiquer au Comité des statistiques sur le nombre de plaintes auxquelles ont donné lieu les procédures de contrôle et de fouille et quelle suite y a été donnée.

56.En ce qui concerne le plan d’action relatif à l’application de l’égalité raciale dans les prisons, M. Johnson Lopez note que les délais prévus pour en apprécier les résultats sont très longs et il voudrait savoir quelles mesures les autorités entendent prendre pour donner effet aux recommandations qui ont été formulées en vue de mettre un terme à la discrimination raciale à l’intérieur des prisons.

57.M. IWASAWA, revenant sur la question de l’expulsion des personnes soupçonnées de terrorisme, relève que l’État partie a signé avec plusieurs autres pays des mémorandums d’accord sur l’expulsion assortie d’assurances diplomatiques garantissant le respect des droits consacrés dans le Pacte. Dans les réponses écrites (CCPR/C/GBR/Q/6/Add.1), il est également question d’un «dispositif de vérification des assurances dans le pays de destination» et d’«organes de surveillance» offrant une protection contre les mauvais traitements. M. Iwasawa souhaiterait des précisions sur ce que recouvrent ces termes. Il voudrait savoir également si, dans le cas où l’État partie a reçu des assurances diplomatiques ou a signé un mémorandum d’accord avec l’État intéressé, il est tenu d’y renvoyer une personne soupçonnée de terrorisme même s’il existe un risque qu’elle soit soumise à la torture. À propos de l’affaire DD and AS v. Secretary of State For the Home Department, M. Iwasawa voudrait savoir pour quelles raisons le Gouvernement du Royaume‑Uni a décidé de ne pas faire appel de la décision de la Commission spéciale chargée d’examiner les recours en matière d’immigration et de l’arrêt de la cour d’appel. Étant donné que le Gouvernement et les tribunaux apprécient différemment l’adéquation des assurances données par les autorités libyennes dans cette affaire, M. Iwasawa demande quels sont les critères qui permettent aux autorités britanniques de déterminer que des assurances données offrent des garanties suffisantes. Dans l’affaire Saadi c. Italie, la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme a expressément rejeté le point de vue de l’État partie selon lequel il convenait de tenir compte des risques pour la sûreté nationale lorsqu’on réfléchissait à la compatibilité d’une expulsion et a souligné le caractère absolu du droit à la protection prévu par l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. La délégation du Royaume‑Uni a indiqué que les autorités de son pays entendaient respecter l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme, et M. Iwasawa se demande si cela signifie qu’elles ont renoncé à plaider pour la recherche d’un équilibre entre les différents risques.

58.À propos des personnes détenues dans des centres de détention de l’armée britannique à l’extérieur du Royaume‑Uni, il conviendrait de savoir avec précision si les autorités de l’État partie reconnaissent que le Pacte s’applique à ces personnes. M. Iwasawa souhaiterait connaître aussi le point de vue des autorités britanniques concernant l’application des dispositions du droit international relatives aux droits de l’homme dans le cadre des actions militaires menées en Iraq. Il souhaiterait également connaître leur point de vue concernant la décision rendue par la Chambre des lords en 2007 dans l’affaire Al ‑Skeini and others v. Secretary of State For Defence. Diverses sources indiquent que les enquêtes menées par la Police militaire royale sur des violations graves des droits de l’homme de civils iraquiens commises par les forces armées britanniques ne répondent pas aux normes internationales en la matière, que ce soit du point de vue de la promptitude, de l’impartialité, de l’exhaustivité ou de l’efficacité. M. Iwasawa note aussi qu’il a été suggéré de créer un mécanisme civil d’enquête sur les violations des droits de l’homme de la population commises en Iraq par les forces armées britanniques, et il serait heureux d’entendre la délégation du Royaume‑Uni sur tous ces points.

59.Les candidats à l’immigration peuvent être emprisonnés selon quatre critères: la sécurité nationale, la criminalité, la sécurité et le contrôle. Il serait intéressant de savoir combien de personnes ont été placées en détention au titre de chacun de ces critères. En tout état de cause, la détention d’un candidat à l’immigration ne saurait être illimitée et M. Iwasawa voudrait savoir si une personne emprisonnée pour l’un ou l’autre des quatre critères susmentionnés est remise en liberté dès lors que son expulsion ne peut avoir lieu dans un délai raisonnable.

60.M. Iwasawa demande s’il est vrai que depuis 2002, les personnes détenues par le Service de l’immigration ne sont plus placées dans des établissements pénitentiaires et s’il est prévu de fixer une durée maximale pour la détention de ces personnes. Il voudrait également savoir si elles sont clairement informées des motifs de leur détention ainsi que de leurs droits, et si elles ont facilement accès au manuel explicatif sur la procédure à suivre pour être libéré sous caution. Il souhaite savoir combien de personnes détenues par le Service de l’immigration en Irlande du Nord ont été transférées dans des centres de rétention en Grande-Bretagne, et par quels moyens le Gouvernement britannique garantit que ces personnes peuvent communiquer avec un avocat.

61.M. O’FLAHERTY s’inquiète de ce que la durée maximale de la détention sans inculpation, qui a déjà été prolongée de quatorze à vingt‑huit jours, puisse être portée à quarante‑deux jours. La nouvelle durée maximale de vingt‑huit jours n’ayant été appliquée que dans six cas, dont trois seulement ont débouché sur une inculpation, on peut s’interroger sur la nécessité d’une détention aussi longue. L’État partie n’a présenté aucun argument convaincant pour justifier un nouvel allongement à quarante‑deux jours de la durée maximale de la détention sans inculpation, auquel de nombreuses personnes s’opposent. De plus, il est à craindre que ces nouveaux pouvoirs ne soient utilisés à l’encontre de minorités ethniques ou religieuses, avec le risque que les membres de ces communautés se radicalisent. D’autres solutions pourraient certainement être envisagées et les commentaires de la délégation seraient utiles. En particulier, il se demande comment des durées maximales de détention sans inculpation aussi longues peuvent être conciliées avec les dispositions du Pacte. La délégation a fait valoir que la nouvelle loi était conforme au paragraphe 3 de l’article 9 du Pacte, mais le paragraphe 2 de l’article 9, qui prévoit que tout individu arrêté doit recevoir notification, dans le plus court délai, de toute accusation portée contre lui, est également en jeu. De même, il faut rappeler l’Observation générale no 8, sur le droit à la liberté et à la sécurité de la personne, dans laquelle le Comité a souligné que ce délai ne devait pas dépasser «quelques jours». L’expression porte certes à interprétation, mais on est en droit de penser qu’elle ne vise pas des durées aussi longues. Même la durée maximale actuelle, vingt‑huit jours, est excessive et peut‑être est‑il envisagé de la réduire. Si cette durée est maintenue, il faudrait savoir si l’État partie entend signaler une dérogation en vertu de l’article 4 du Pacte. Il souhaite également savoir s’il est prévu de supprimer le droit conféré aux juges d’interdire aux détenus et à leur conseil de participer aux audiences de réexamen ou de consulter les documents sur lesquels se fonde la prolongation de la détention.

62.Revenant sur la question des personnes détenues par le Service de l’immigration en Irlande du Nord qui sont par la suite transférées en Grande-Bretagne, M. O’Flaherty voudrait connaître les conséquences de ce transfert sur le droit d’être en permanence représenté par un conseil. Il souhaite savoir s’il est vrai que ces personnes sont détenues dans des cellules de garde à vue et qu’un mineur de 15 ans y serait même resté pendant huit jours en attendant son transfert en Grande‑Bretagne et, dans l’affirmative, quelles mesures sont prises pour éviter que de tels faits ne se reproduisent.

63.M. O’Flaherty estime que les châtiments corporels sont contraires à plusieurs articles du Pacte. Il souhaite savoir s’il est vrai que les châtiments corporels administrés au foyer sont toujours autorisés par la loi et qu’un adulte qui a infligé un châtiment corporel à un enfant peut plaider pour sa défense qu’il s’agissait d’une «mesure justifiable», en Écosse, et d’une «punition raisonnable», en Grande‑Bretagne. Il demande si des mesures ont été prises pour interdire les châtiments corporels à la maison, si des initiatives ont été prises pour remédier à la situation dans les territoires d’outre-mer, dont seuls Pitcairn et Sainte-Hélène ont interdit cette forme de punition à l’école, et à la situation dans le bailliage de Guernesey où les châtiments corporels sont toujours en vigueur dans le système pénal. Il souhaite également savoir s’il est vrai que sur l’île de Man, les châtiments corporels à l’encontre des personnes de plus de 17 ans sont interdits par la loi mais seulement à titre de principe pour les jeunes détenus dans les centres d’internement et, si tel est le cas, ce qui est fait pour remédier à cette situation.

64.M. O’Flaherty relève avec satisfaction l’adoption de la loi de 2004 sur le pacte civil, de la loi de 2004 sur la reconnaissance des sexospécificités, de la loi de 2006 sur l’égalité et du règlement de 2008 contre la discrimination fondée sur le sexe et demande s’il est prévu d’étendre la protection garantie par ces textes aux territoires d’outre-mer et aux dépendances de la Couronne.

65.MmeCHANET dit qu’elle regrette l’adoption de la loi sur l’antiterrorisme. En ce qui concerne la place du Pacte, elle voudrait connaître les raisons pour lesquelles le Royaume‑Uni se refuse à incorporer l’instrument dans sa législation et quels sont les articles du Pacte qui font obstacle à cette incorporation ainsi qu’à l’adhésion au Protocole facultatif. L’État partie dit réserver sa position quant à la mesure dans laquelle le Pacte s’applique en dehors du territoire britannique. Or, l’article 2 dispose que les droits reconnus par le Pacte doivent être garantis à tous les individus se trouvant sur le territoire d’un État partie et relevant de sa compétence. Il est donc indispensable de connaître la position exacte du Royaume-Uni sur ce point.

66.En ce qui concerne l’article 7 du Pacte concernant la torture, on voit difficilement comment, eu égard au caractère absolu de l’interdiction de la torture, on pourrait défendre la notion «d’équilibre» entre les différents risques ainsi que le Royaume-Uni a tenté de le faire devant la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Saadi c. Italie. Le Comité voudrait savoir si le Royaume-Uni a renoncé à cette conception relativiste de l’interdiction de la torture, qui se retrouve dans les pondérations appliquées dans le système des preuves.

67.En ce qui concerne les assurances diplomatiques, Mme Chanet demande ce qui se passe lorsqu’un État, comme l’Algérie, fait valoir sa souveraineté pour refuser tout système de contrôle lorsqu’une personne lui est remise par un État tiers.

68.M. LALLAH souhaite connaître les raisons pour lesquelles le Royaume‑Uni maintient les réserves à l’égard du Pacte, ainsi que l’avis de l’État partie sur l’application de l’article 2 en dehors du territoire britannique. Les réponses aux questions nos12 et 13 de la délégation portaient davantage sur la lutte contre le terrorisme et sur la question de savoir dans quelle mesure il est permis de restreindre les droits fondamentaux d’une personne au motif qu’elle est soupçonnée de terrorisme. Il est précisé dans le Pacte que les États parties sont tenus de prendre les «mesures d’ordre législatif ou autre» propres à donner effet aux dispositions qu’il contient, ce qui signifie qu’ils ne peuvent pas se contenter d’adopter des textes législatifs, mais doivent également fixer des objectifs de politique étrangère. En considérant les restrictions imposées aux droits de l’homme du seul point de vue de la lutte menée contre le terrorisme, on risque de passer à côté de l’essentiel, qui est de déterminer les causes réelles du problème pour pouvoir s’y attaquer. Cette problématique a eu une incidence sur un grand nombre des activités menées au Royaume‑Uni, que ce soient celles de l’appareil judiciaire, des ONG, des responsables politiques ou des personnes susceptibles d’être victimes de cette lutte, comme les musulmans.

69.M. SANCHEZ-CERRO dit qu’il s’attachera surtout à la situation des étrangers. Le Parlement européen a adopté une directive sur le retour des immigrés visant à harmoniser les mesures d’expulsion des immigrés clandestins, qui a suscité une vive émotion en raison de la dureté de certaines de ses dispositions, carrément contraires à la Convention internationale sur la protection de tous les travailleurs migrants, à laquelle la plupart des États d’Europe ne sont d’ailleurs pas parties. Étant donné que les États de l’Union européenne restent libres d’appliquer des normes plus favorables, M. Sanchez‑Cerro demande si le Gouvernement britannique a prévu de procéder à une adaptation des dispositions de la directive en fonction de sa propre législation.

70.En ce qui concerne l’asile, la loi de 2006 sur l’immigration, l’asile et la nationalité contient des normes qui pourraient exclure de la protection assurée par la Convention relative au statut des réfugiés les demandeurs d’asile faisant valoir des persécutions politiques. Dans les faits, on observe actuellement au Royaume-Uni une tendance à rejeter massivement les demandes d’asile, avec pour conséquence que des milliers de personnes déboutées qui n’ont pas quitté le pays se retrouvent privées d’accès au travail, à la sécurité sociale et aux soins médicaux. La Cour européenne des droits de l’homme a considéré que le Royaume-Uni violait les droits des requérants d’asile d’être informés rapidement des raisons de leur détention ou de communiquer avec un avocat. Demander l’asile n’est pas un délit et toute législation régissant l’asile ne doit pas avoir un caractère pénal mais doit seulement poser des règles d’ordre administratif. M. Sanchez‑Cerro demande donc si le Gouvernement britannique a prévu des dispositions en vue de se conformer pleinement aux normes internationales en matière d’asile.

71.MmeMAJODINA, se référant à l’article 9 du Pacte, évoque la question des «transferts illégaux» et demande à la délégation ses observations sur les propositions visant à améliorer la protection des détenus transférés depuis le Royaume-Uni ou en traversant le territoire, et à rendre ce processus plus transparent. Concernant ce même article, il lui semble y avoir une faille dans la définition du concept d’«autorité publique» dans la loi sur les droits de l’homme. En effet, d’après une décision récente de la Chambre des lords concernant le conseil municipal de la ville de Birmingham, cette loi ne couvre pas les cas où les services publics sont assurés en sous‑traitance par des organisations privées, puisque celles-ci ne sont pas considérées comme des autorités publiques. La conséquence est que les personnes lésées par ces organisations n’ont pas la possibilité d’obtenir réparation. Mme Majodina demande s’il est prévu de modifier la législation, étant donné qu’il est de plus en plus courant d’avoir recours à des sociétés privées, notamment dans les domaines des soins de santé et de la rétention des immigrants.

72.MmeMOTOC demande si la loi interdisant aux compagnies d’assurances d’exercer une discrimination fondée sur les données génétiques d’une personne a été modifiée, comme la possibilité en avait été évoquée. Elle souhaite savoir aussi s’il y a eu des cas de discrimination tenant aux caractéristiques génétiques dans le domaine de l’emploi. En ce qui concerne les brevets relatifs à la biotechnologie et à la génétique, la situation est claire puisque le Royaume‑Uni est tenu de suivre la législation européenne en la matière.

73.Le PRÉSIDENT remercie la délégation et les membres du Comité et les invite à poursuivre l’examen du sixième rapport du Royaume-Uni à une séance ultérieure.

La séance est levée à 17 h 55.

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