NATIONS UNIES

CCPR

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr.GÉNÉRALE

CCPR/C/SR.249424 janvier 2008

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME

Quatre-vingt-onzième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 2494e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le mardi 23 octobre 2007, à 10 heures

Président: M. RIVAS POSADA

puis: Mme PALM (Vice‑Présidente)

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE (suite)

Troisième rapport périodique de l’Algérie

La séance est ouverte à 10 heures.

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE (point 6 de l’ordre du jour) (suite)

Troisième rapport périodique de l’Algérie (CCPR/C/DZA/3; CCPR/C/DZA/Q/3; CCPR/C/DZA/Q/3/Add.1)

1. Sur l’invitation du Président, M. Jazaïry, M. Mokhtar Lakhdari, M. Abdelwahab, M. Said, M me  Boureghda, M. Tilmatine, M. Soualem, M. Bessedik, M. Saadi, M. Akir, M. Abdelali Lakhdari, M. Toudert, M. Chabane et M me  Hendel (Algérie) prennent place à la table du Comité.

2.M. JAZAÏRY (Algérie), présentant le troisième rapport périodique de l’Algérie, dit qu’en s’acquittant scrupuleusement de son obligation au titre de l’article 40 du Pacte, l’Algérie entend témoigner, ainsi qu’elle l’a toujours fait, de son engagement et de sa détermination à poursuivre avec le Comité des droits de l’homme le dialogue contradictoire et mutuellement bénéfique engagé en 1992; cette année-là, malgré l’émergence d’un terrorisme dévastateur, l’État algérien avait tenu à s’acquitter de ses obligations conventionnelles. Il réaffirme aujourd’hui sa volonté de continuer à œuvrer à la promotion et à la protection de l’ensemble des droits de l’homme. Depuis le dernier examen de la situation des droits de l’homme dans le pays par le Comité, l’Algérie a poursuivi le travail de mise en conformité de la législation nationale aux normes universellement reconnues dans ce domaine, en veillant à la rendre moderne et efficace dans l’intérêt des citoyens. En effet, outre les dispositions constitutionnelles pertinentes, l’essentiel des dispositifs internes de promotion et de surveillance du respect de ces normes a été mis en place. L’Algérie est partie aux sept instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, qu’elle a incorporés à sa législation. Elle a adhéré en mars 2003 à la Convention internationale sur les droits politiques de la femme et en janvier 2005 à la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

3.Pour l’Algérie, l’évocation de la problématique des droits de l’homme fait ressurgir une histoire douloureuse: d’abord la résistance à la domination coloniale, puis les sacrifices suprêmes consentis pour l’accession du peuple à la liberté et à la maîtrise de son destin. Au nom de valeurs humanistes impérissables l’Algérie a mené sa lutte d’émancipation et de libération nationales et elle a récemment dû se battre contre le terrorisme. Résolue à instaurer une véritable démocratie, elle ne pouvait s’accommoder des velléités d’imposition de doctrines étrangères incompatibles avec les droits de l’homme et les valeurs démocratiques. Tel est le sens de la lutte de l’État algérien contre l’extrémisme religieux et la violence meurtrière qui l’a toujours caractérisé. Pendant plus de dix ans l’Algérie s’est battue, isolée, contre le fléau du terrorisme et il a fallu les attentats du 11 septembre 2001 et d’autres événements tragiques ailleurs dans le monde pour que la communauté internationale prenne enfin la mesure de cette menace pour la paix et la sécurité internationales et s’engage dans un effort collectif et concerté pour y faire face. Le rapport à l’examen couvre la période allant de 1999 à 2006. Dès 1999, l’Algérie s’est engagée dans la voie du retour à la paix et la stabilité en s’appuyant sur un ambitieux programme de croissance économique. Les initiatives visant à rétablir la concorde ont été massivement adoptées par voie référendaire. Le peuple algérien s’est montré clément à l’égard de ceux qui s’étaient égarés mais n’avaient pas commis d’actes sanglants; ceux qui s’étaient livrés à des crimes ont en revanche été jugés, dans le respect du droit.

4.La politique de réconciliation nationale a été soutenue par de nombreuses réformes, portant notamment sur l’État, l’éducation et la justice. Le Code de la famille, le Code de la nationalité et les dispositions relatives à la protection de l’enfance ont été révisés. L’imposition de la peine de mort a été supprimée pour certains crimes et un moratoire sur les exécutions est en vigueur depuis septembre 1993. Pour renforcer l’indépendance de la justice, deux lois organiques ont été promulguées: l’une portant statut de la magistrature et l’autre relative au Conseil supérieur de la magistrature. L’administration d’une justice de proximité a conduit à une densification de la carte judiciaire, accompagnée d’une simplification des procédures et d’un renforcement des modes d’exécution des décisions.

5.Pour assurer une évaluation des accomplissements dans le domaine des droits de l’homme, l’Algérie s’est dotée d’une institution nationale des droits de l’homme, la Commission consultative pour la promotion et la protection des droits de l’homme.

6.La question de la réappropriation de l’identité algérienne a grandement progressé avec l’initiative prise par le Président de la République en 2002 de procéder à une révision constitutionnelle érigeant la langue amazighe en langue nationale. Un conseil supérieur de l’amazighité a aussi été créé.

7.Tous ces faits nouveaux attestent la volonté de l’État algérien de donner une place prépondérante aux libertés fondamentales dans son entreprise d’édification d’un État moderne fondé sur le droit, tout en étant conscient des difficultés qui l’attendent. Dans cette perspective il entend poursuivre son dialogue et sa coopération avec les mécanismes de l’ONU compétents, dans la confiance et en toute transparence.

8.Le PRÉSIDENT remercie M. Jazaïry de sa présentation et félicite l’État partie de s’être fait représenter par une délégation nombreuse, composée de spécialistes, ce qui facilitera le dialogue avec le Comité. Il invite la délégation algérienne à répondre aux questions nos 1 à 15 de la liste des points à traiter.

9.M. LAKHDARI (Algérie) rappelle que les instruments internationaux auxquels l’Algérie est partie l’emportent sur la législation nationale. Les tribunaux en tiennent donc compte. Ainsi, ils ont estimé dans plusieurs affaires que l’article 407 du Code de procédure civile, qui autorise le recours à la contrainte par corps «en matière commerciale et de prêt d’argent», était contraire à l’article 11 du Pacte. Ces décisions ont été confirmées par une jurisprudence constante de la Cour suprême depuis 2001. Elles ont été publiées au Journal officiel auquel le grand public, les étudiants et les chercheurs ont accès et ont fait l’objet de nombreux commentaires et débats.

10.M. SOUALEM (Algérie) apporte un complément d’information sur l’institution nationale chargée de la promotion et de la protection des droits de l’homme (question no 2). Un ministère des droits de l’homme a été créé en 1991 et, en 1992, l’Observatoire national des droits de l’homme a été mis en place avec pour mission de promouvoir les droits de l’homme auprès des pouvoirs publics. Son mandat ayant pris fin en 2001, on a établi la Commission nationale consultative pour la promotion et la protection des droits de l’homme conformément aux Principes de Paris. Il s’agit d’un organe paritaire composé de 44 membres, dont 16 femmes, qui réunit des représentants de la société civile, des institutions chargées de la mise en œuvre des droits de l’homme, d’organisations de défense des droits de l’homme, des deux chambres du Parlement et de différents ministères. Les représentants des institutions publiques n’ont pas de voix délibérative dans la prise de décisions. La Commission dresse un rapport annuel sur la situation des droits de l’homme dans le pays et le transmet au Président de la République, qui définit les grandes orientations pour la mise en œuvre des recommandations qu’il contient. Plusieurs de ces recommandations ont été prises en compte par la Commission de réforme de la justice et elles sont progressivement mises en œuvre. En outre, à la demande du Président de la République et conformément au Plan d’action de Vienne, la Commission nationale consultative a aussi élaboré, en collaboration avec les différentes parties prenantes, un rapport national sur la situation des droits de l’homme dont la Commission de réforme de la justice s’est également inspirée.

11.M. LAKHDARI (Algérie) dit que plus de 7 000 personnes ont bénéficié des mesures de grâce et d’amnistie, dont 2 500 détenus (question no 3). Pour ce qui est de l’application dans le temps de l’ordonnance 06-01 portant mise en œuvre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, celle-ci ne s’applique qu’à des faits antérieurs à son entrée en vigueur. En ce qui concerne les critères appliqués pour déterminer si une personne peut bénéficier de l’amnistie, la loi exclut certaines catégories de personnes, comme les personnes condamnées pour attentats terroristes à l’explosif, viol ou massacre. Les autres personnes poursuivies ou condamnées sur la base des articles visés par l’article 2 de l’ordonnance 06-01 ont bénéficié de l’extinction de l’action publique et les chiffres cités concernent en premier lieu ces personnes-là. L’extinction de l’action publique est accordée sur la base des procédures judiciaires. En ce qui concerne l’incidence des articles 45 et 46 de l’ordonnance 06-01 sur le droit de présenter des communications individuelles en vertu du Protocole facultatif (question no 4), les dispositions prévues par cette ordonnance sont d’application interne et, par conséquent, elles n’empêchent pas les citoyens algériens d’utiliser les mécanismes prévus par le Pacte ou par les autres instruments internationaux des droits de l’homme auxquels l’État est partie.

12.M. SOUALEM (Algérie) ajoute que chaque fois qu’il a été saisi d’une communication soumise en vertu du Protocole facultatif, le Gouvernement algérien a coopéré de bonne foi avec le Comité et donné des réponses ainsi que des explications et des commentaires supplémentaires. Il a toujours été disposé à répondre aux allégations et à tenir le Comité informé de l’évolution d’une affaire. Il y a toutefois lieu de signaler que l’appréciation et la reconstitution des faits par les auteurs des plaintes ne sont pas toujours exactes; il arrive même parfois que la vérité soit déformée pour des raisons politiques. Lorsque les constatations du Comité font ressortir qu’il existe des éléments dont les juridictions internes n’avaient pas connaissance lors de l’examen des faits et qui sont susceptibles d’influer sur la décision de justice, la loi prévoit la possibilité d’un procès en révision. Il convient de souligner qu’il n’y a eu aucune poursuite à l’encontre des personnes ayant critiqué la Charte pour la paix et la réconciliation nationale. Les citoyens sont libres de s’exprimer et de saisir le Comité des droits de l’homme conformément aux procédures mises en place par celui-ci.

13.Mme BOUREGHDA (Algérie) dit qu’aucune disposition législative n’interdit ou ne restreint la participation des femmes à la vie politique du pays. Au contraire, une plus grande participation des femmes aux processus décisionnels et aux fonctions supérieures de l’État est vivement encouragée, notamment par le biais de campagnes de sensibilisation. Ces campagnes ont porté leurs fruits puisque les femmes ont constitué 46,49 % des votants aux élections présidentielles d’avril 2004 et, en 2007, le pourcentage des femmes députées est passé de 6,94 à 7,75.

14.M. ABDELWAHAB (Algérie) dit qu’il n’existe pas de dispositions pénales particulières applicables aux auteurs de violence à l’égard des femmes. Il n’existe pas non plus de définition autonome de l’infraction de «viol conjugal» dans le Code pénal algérien. Les tribunaux et la jurisprudence considèrent tout acte sexuel commis sur une personne de sexe féminin avec violence, qu’elle soit physique ou morale, comme constitutif du crime de viol. Cette définition jurisprudentielle n’exclut pas le cas où les rapports sexuels sont imposés par un homme à son épouse. En 2005, sur 16 774 poursuites pénales relatives à des actes de violence commis contre des femmes, 14 016 ont donné lieu à une condamnation; en 2006, 17 383 actions ont été engagées, dont 14 054 ont entraîné une condamnation. Pour ce qui est du harcèlement sexuel, 175 actions en justice ont été intentées en 2005, dont 137 ont débouché sur une condamnation; en 2006, 267 des 325 affaires enregistrées se sont terminées par une condamnation.

15.Mme BOUREGHDA (Algérie) ajoute que le Ministère de la famille, conscient du problème, a élaboré une stratégie nationale de lutte contre la violence à l’égard des femmes, dont le but est de contribuer à la réalisation des droits de la personne en éliminant toutes les formes de discrimination et de violence à l’égard des femmes.

16.M. ABDELWAHAB (Algérie) dit que le Code de la famille révisé garantit une meilleure protection des droits de la femme et une plus grande équité entre les sexes. Alors qu’auparavant, la conclusion du mariage pour la femme incombait à son wali, qui pouvait être son père ou un proche parent, l’article 11 du Code de la famille tel qu’il est modifié dispose désormais que la femme conclut elle-même son mariage en présence d’un wali qui peut être son père, un proche parent ou toute autre personne de son choix. Il s’agit d’un changement significatif, puisque désormais la femme conclut son mariage elle-même en présence d’un tuteur qu’elle a choisi.

17.Il est exact qu’une musulmane ne peut pas épouser un non‑musulman sauf s’il manifeste le souhait de se convertir à l’islam, mais cette disposition, qui s’inspire de la charia, est en vigueur dans la majorité des pays musulmans. À ce propos, les modifications apportées au Code de la famille ont suscité en Algérie un débat, encore d’actualité, sur la question de savoir si le législateur devait rendre compte de l’évolution de la société ou jouer un rôle précurseur. En tout état de cause, certaines réalités sociologiques ne peuvent être balayées d’un seul coup.

18.Le Code de la famille ne dispose pas qu’une femme divorcée qui se remarie perd la garde de ses enfants, mais que la garde des garçons, toujours confiée à la mère, cesse à 10 ans, et que le juge peut la prolonger jusqu’à 16 ans, sauf si la mère est remariée. Dans les faits, c’est toujours l’intérêt supérieur de l’enfant qui prime et il y a très peu de cas de garçons de plus de 10 ans dont la garde a été retirée à la mère parce qu’elle s’était remariée. Le divorce par le kôl’â, c’est‑à‑dire par la volonté de l’épouse, fait partie des trois modalités prévues par la loi: le divorce par consentement mutuel et le divorce à la demande du mari ou à la demande de la femme. Il permet à l’épouse de rompre le lien conjugal sans avoir à formuler de grief quelconque. En contrepartie, l’époux peut demander un dédommagement d’un montant correspondant à celui de la dot de parité versée au moment du mariage, mais il importe de noter que la femme bénéficie de la même mesure lorsque c’est le mari qui demande le divorce. Le kôl’â a été adopté malgré la réticence, voire la résistance, de certains milieux conservateurs.

19.M. AKIR (Algérie) dit que l’état d’urgence (question no 4) a été proclamé dans le respect de la Constitution de l’Algérie et des dispositions du Pacte, et que le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies en a été informé en temps voulu. Il n’entrave nullement l’exercice des libertés individuelles et collectives: il a été assoupli et toutes les mesures prononcées dans ce cadre ont été progressivement levées. Celles qui sont encore en vigueur se limitent à la délégation à l’armée des missions de police en milieu urbain, afin de mieux assurer l’ordre et la sécurité publics et de poursuivre et sanctionner les auteurs d’actes terroristes. Les incidences de l’état d’urgence sur la vie quotidienne de la population et la jouissance des droits de l’homme sont donc quasiment nulles. L’état d’urgence sera levé dès que les circonstances qui ont motivé sa proclamation auront cessé d’exister.

20.M. ABDELWAHAB (Algérie) dit que l’article 97 bis du Code pénal qualifie de terroriste «toute action dirigée contre la sûreté de l’État, l’intégrité du territoire ou encore la stabilité ou le fonctionnement normal des institutions, par des moyens qui sont attentatoires à la vie des personnes, aux libertés fondamentales des citoyens ou à la sécurité des biens publics et privés». Les mesures adoptées par les autorités pour prévenir ou réduire la menace d’activités terroristes (question no 9) comprennent la diffusion de messages de sensibilisation dans les médias, la mise à contribution de la société civile en matière d’alerte, la sécurisation des lieux sensibles et la mise en place d’un numéro vert.

21.La peine de mort (question no 10) n’est pas encore abolie, mais un moratoire sur l’exécution des peines capitales est observé depuis 1993 et, conformément aux révisions successives du Code pénal depuis 2001, plusieurs crimes passibles de la peine de mort ont été supprimés (par exemple le sabotage économique) ou sont désormais passibles d’une peine d’emprisonnement à perpétuité ou à temps (détournement de fonds, vol qualifié avec arme, contrefaçon de monnaie, fraude alimentaire ou médicamenteuse entraînant la mort, incendie volontaire, trafic de stupéfiants, etc.). En outre, la peine de mort est rarement prononcée dans les affaires de droit commun et quand elle l’est, elle est souvent commuée en peine de prison.

22.M. SOUALEM (Algérie) dit, au sujet de la suite donnée aux allégations d’exécution sommaire, de torture ou de mauvais traitements impliquant des agents de l’État (question no 11), que tout citoyen algérien est fondé à saisir la justice chaque fois qu’il considère que ses droits ne sont pas respectés. Ces dernières années, les procédures spéciales des droits de l’homme de l’ONU n’ont pas transmis au Gouvernement algérien de communications qui porteraient sur des cas d’exécutions sommaires, extrajudiciaires ou arbitraires ou sur des cas spécifiques de torture. Les plaintes déposées contre des agents de l’État donnent lieu à des mesures disciplinaires ou administratives et, le cas échéant, à des mesures judiciaires. Bien que la littérature des organisations non gouvernementales soit abondante sur ce sujet, à l’exemple des rapports parallèles reçus à la présente session, les juridictions algériennes examinent les plaintes de particuliers lorsqu’elles sont étayées et leur donnent les suites appropriées.

23.M. TILMATINE (Algérie) dit que l’indemnisation des victimes de la tragédie nationale (décret no 06/93) peut résulter d’une décision de la juridiction civile compétente ou d’un règlement à l’amiable entre la victime et l’administration dont l’agent a été mis en cause. Dans le cadre de la mise en œuvre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, l’État a instauré un régime spécial d’indemnisation qui bénéficie aux ayants droit de personnes portées disparues ainsi qu’aux familles de terroristes décédés dont il est établi qu’elles ont un revenu modeste. Le dispositif précité prévu par l’ordonnance 06/01 s’ajoute aux dispositions de la loi relative à la concorde civile qui avaient instauré le principe de la responsabilité de l’État par subrogation dans les actions en réparation engagées devant les tribunaux contre les terroristes repentis. Il importe de souligner que l’action de l’État en faveur des victimes de la tragédie nationale ne se limite pas aux mesures pécuniaires et comprend également diverses mesures d’assistance sociale et psychologique.

24.M. SOUALEM (Algérie) dit que la Commission nationale ad hoc sur les disparus (question no 12), établie le 11 septembre 2003 par le Président de la République et dotée d’un mandat de dix‑huit mois, qu’elle a consacré à un travail de réflexion et de contact avec les familles, a établi un rapport dont seul le Président de la République peut décider de rendre le contenu public.

25.M. LAKHDARI (Algérie) explique que pour demander une indemnisation, les familles de personnes disparues ou décédées dans le cadre d’opérations antiterroristes doivent obtenir un certificat de décès. Les décisions rendues par les juridictions civiles peuvent être contestées devant les commissions d’indemnisation créées dans tous les départements du pays pour rapprocher la justice des familles. Au 30 septembre 2007, 2 958 décès avaient été attestés.

26.M. TILMATINE (Algérie) ajoute que l’indemnisation des familles démunies a renforcé la cohésion sociale car la tragédie nationale avait créé une fracture sociale très importante dans le pays. En vertu de l’ordonnance 06/01 portant mise en œuvre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, 11 547 dossiers ont été déposés auprès des différentes structures créées à cet effet dans les 48 wilaya (départements) du territoire national. Parmi eux, 6 233 ont été retenus et en juin 2007, 3 766 avaient été apurés. Le montant des crédits alloués à l’indemnisation des proches et ayants droit équivaut à 28 280 000 euros. L’indemnisation, qui prend la forme d’une pension mensuelle ou d’un montant forfaitaire, est complétée par une prise en charge sociale, un effort particulier étant accompli en faveur des enfants (colonies de vacances, prise en charge thérapeutique, etc.). Des mesures de réinsertion sociale sont également prises en faveur des personnes impliquées dans des actes terroristes mais qui n’ont pas commis de crime grave.

27.M. LAKHDARI (Algérie) dit que, si le Code de la famille prévoit un délai de quatre ans pour l’obtention d’un certificat de décès permettant d’engager une action en justice, l’ordonnance 06/01, déjà citée, n’en prévoit aucun et a même un effet rétroactif puisque les certificats de décès délivrés avant son entrée en vigueur peuvent donner lieu à une demande de réparation.

28.M. JAZAÏRY (Algérie) précise que la demande d’un certificat de décès n’implique aucun renoncement de la famille à un droit qu’elle pourrait faire valoir autrement conformément à la loi.

29.M. ABDELWAHAB (Algérie) dit qu’à sa connaissance, il n’y a pas en Algérie de lieu de détention «échappant à la loi» (question no 14). Tous les lieux de détention sont répertoriés et placés sous l’autorité des magistrats du parquet, lesquels contrôlent également les lieux de garde à vue qui relèvent de la gendarmerie ou de la police. Les lieux de détention placés sous l’autorité de la police de justice militaire sont contrôlés par le tribunal militaire et le procureur militaire. Ils sont réservés aux auteurs d’infractions de nature militaire. En outre, en vertu de l’accord qu’il a signé en 1999 avec les autorités algériennes, le Comité international de la Croix‑Rouge (CICR) effectue des visites périodiques dans tous les lieux de détention. En 2003, il a demandé d’étendre ces visites aux locaux de garde à vue, ce que les autorités algériennes lui ont accordé, à la fois pour manifester leur esprit d’ouverture et pour renforcer leur collaboration avec cet organisme. Il est autorisé à effectuer des visites inopinées depuis 2004.

30.Il existe dans chaque établissement pénitentiaire un registre d’écrou contrôlé et paraphé par le Procureur de la République, où sont consignés l’identité et le matricule du détenu, la décision de justice ordonnant sa détention, la date de son incarcération et les faits qui lui sont reprochés. Ce registre peut être consulté par les délégués du CICR.

31.M. LAKHDARI (Algérie) explique que le délai de douze jours de garde à vue n’est applicable qu’aux personnes soupçonnées d’infractions terroristes. Pour les infractions de droit commun, il est de quarante‑huit heures. Le délai en question s’explique par le caractère particulier des révélations qui peuvent être faites pendant la garde à vue de personnes soupçonnées d’actes terroristes, qui dépassent le cadre d’une simple enquête judiciaire: les nécessités des investigations peuvent alors se mêler à des impératifs de sécurité. Un examen médical est systématiquement pratiqué à la fin de la garde à vue. Les intéressés sont présentés à un juge à l’issue de la période de douze jours prévue par la loi. Les réformes apportées au Code de procédure pénale depuis 2001 ont renforcé le régime d’inspection des locaux de garde à vue, qui vise à surveiller les conditions de détention et le respect des droits des détenus. Il y a eu 1 021 visites en 2005, 5 284 en 2006 et 1 717 en 2007.

32.Le PRÉSIDENT remercie les membres de la délégation algérienne de leurs réponses orales particulièrement utiles et invite les membres du Comité à poser des questions supplémentaires.

33.M. AMOR dit qu’il tient à saluer les efforts accomplis par l’État partie, tant dans l’établissement de son rapport périodique que dans ses échanges directs avec le Comité. Il tient également à rendre hommage à l’Algérie pour les efforts considérables qu’elle a accomplis afin de protéger et de promouvoir les droits de l’homme, qui ont été bafoués pendant les années d’épreuve que le pays vient de traverser. La situation des droits de l’homme en Algérie n’est pas entièrement satisfaisante, mais au moins n’est-elle pas figée. La promotion des droits de l’homme est étroitement liée à l’enseignement de la tolérance et du respect d’autrui, non seulement dans les établissements scolaires, mais également au sein des familles et des institutions religieuses. Il serait intéressant de savoir si la Commission nationale consultative de la promotion et de la protection des droits de l’homme a formulé des recommandations particulières en matière d’éducation et si elle dispose d’un plan d’action précis dans ce domaine.

34.Les chiffres donnés dans le rapport et les réponses écrites indiquent que la représentation des femmes dans la vie politique et les postes de décision reste limitée, en particulier si on la compare au nombre élevé de femmes qui ont les compétences requises pour prétendre à de telles fonctions. La délégation a dit qu’il y avait 7,75 % de femmes au Parlement. Il faudrait disposer de statistiques plus détaillées pour pouvoir réellement évaluer la situation. L’impression générale reste néanmoins que la position des femmes dans les fonctions officielles a encore besoin d’être améliorée.

35.La délégation a indiqué que les tribunaux algériens eux-mêmes estimaient que l’article 407 du Code de procédure civile était contraire à l’article 11 du Pacte et qu’ils avaient donné la primauté à ce dernier dans de nombreuses décisions. Dans ce contexte, on peut se demander pourquoi l’article 407 du Code de procédure civile n’a pas été abrogé purement et simplement. Il faudrait pouvoir être sûr que, chaque fois qu’elles sont applicables, les dispositions du Pacte l’emportent sur la législation nationale; des exemples concrets de décisions judiciaires illustrant ce point seraient utiles. Il serait également intéressant de savoir si la primauté d’une disposition du Pacte peut être directement décidée par le juge saisi en première instance ou si ce dernier doit en référer à une juridiction supérieure.

36.Il est indiqué dans le rapport ainsi que dans les réponses écrites que la Commission nationale consultative de la promotion et de la protection des droits de l’homme présente un rapport annuel au Président de la République. Dans l’intérêt de la transparence, ce rapport devrait être rendu public, ce qui n’a pas à ce jour été fait.

37.La révision du Code de la famille entreprise en 2005 a constitué une avancée indéniable dans le sens d’une plus grande égalité des droits des hommes et des femmes mais elle n’a pas suffi à en rendre toutes les dispositions compatibles avec les engagements souscrits par l’Algérie en vertu du Pacte. Par exemple, l’obligation faite aux femmes d’être accompagnées d’un wali à leur mariage constitue une discrimination. Il est indiqué dans les réponses écrites que la présence du wali n’est plus qu’une simple formalité. Cela signifie-t-il qu’un mariage peut être prononcé en l’absence d’un wali et être néanmoins juridiquement valable? Dans l’affirmative, la disposition correspondante du Code de la famille pourrait tout aussi bien être supprimée.

38.L’interdiction du mariage entre musulmanes et non-musulmans constitue une violation de l’article 3 du Pacte, comme il ressort de l’Observation générale no 28 du Comité relative à cet article (HRI/GEN/1/Rev.8, par. 24). Les unions entre musulmanes et non-musulmans sont de plus en plus fréquentes dans tous les pays du Maghreb. Cette réalité devrait être reflétée dans la législation de l’État partie. Il faudrait en particulier éviter que le fait d’épouser un non-musulman prive les musulmanes algériennes d’un certain nombre de leurs droits.

39.En cas de divorce, il serait utile de savoir quelles garanties le Code de la famille prévoit pour les femmes en ce qui concerne le logement. Concernant la polygamie, l’État partie a indiqué dans ses réponses écrites qu’il n’envisageait pas de la supprimer, mais de la réglementer de manière draconienne pour la rendre quasiment impossible et a fait valoir que la charia l’autorisait. À propos de ce dernier point, M. Amor dit qu’il s’agit d’une interprétation répandue mais qu’elle n’est pas défendable, et que, en application des dispositions de l’article 3 du Pacte et compte tenu de l’Observation générale no 28 (par. 24) du Comité selon laquelle «la polygamie est attentatoire à la dignité de la femme», cette pratique devrait être totalement supprimée par la loi.

40.Mme WEDGWOOD se dit préoccupée par le fait que l’article 46 de l’ordonnance portant mise en œuvre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, en raison de la sévérité des sanctions qu’il prévoit à l’égard des auteurs de toute déclaration en rapport avec les événements de la tragédie nationale qui serait dirigée contre les institutions de la République − trois à cinq ans d’emprisonnement et une amende de 250 000 à 500 000 dinars − risque de dissuader les victimes d’exercer les recours qui leur sont ouverts, y compris en vertu du droit international. Il faudrait par conséquent modifier l’article 46 de manière à établir clairement qu’il est sans préjudice du droit des particuliers de présenter des communications au Comité conformément au Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

41.La délégation a indiqué que la décision de rendre public le rapport de la Commission nationale ad hoc sur les disparus appartenait au Président de la République. Plus de deux ans se sont écoulés depuis que ce rapport a été établi; le respect dû aux familles des disparus exige qu’il soit publié sans plus tarder. Il faudra également faire en sorte de rendre aux familles le corps de leurs disparus. Il serait utile de savoir quel mécanisme pourrait être mis en place à cette fin.

42.Dans les années 90, la police et la police militaire ont en plusieurs occasions ouvert le feu sans discernement sur des civils, faisant plusieurs centaines de morts. Mme Wedgwood demande si des enquêtes ont été menées pour faire la lumière sur ces faits et si le Gouvernement a entrepris de modifier les règles d’engagement et les règles relatives à l’usage de la force meurtrière par les forces de l’ordre afin d’éviter que de tels incidents ne se reproduisent. Elle souhaiterait également savoir si les agents qui ont été impliqués dans des incidents de ce genre ont été relevés de leurs fonctions ou, à défaut, s’ils ont suivi une formation complémentaire sur l’usage de la force.

43.Mme Wedgwood prend note du fait qu’un registre est tenu dans chaque lieu de détention mais fait valoir que, si le lieu de détention n’est pas connu, un tel registre ne sert à rien pour la famille du détenu, qui reste dans l’ignorance. La mise en place d’un registre national des détentions sur lequel seraient portés tous les lieux de détention présents sur le territoire et toutes les informations relatives aux personnes qui y sont placées serait une solution possible et peut‑être le Gouvernement serait-il prêt à l’envisager. De plus, des cas de torture et de mauvais traitements dans les lieux de détention continuent d’être signalés. L’absence de règles établissant l’irrecevabilité des aveux obtenus par la torture constitue une incitation indirecte à la perpétuation de ces pratiques. Le Gouvernement devrait prendre des mesures. S’il en a déjà pris, il serait utile de savoir en quoi elles consistent.

44.M. KÄLIN note avec satisfaction que les articles 45 et 46 de l’ordonnance portant mise en œuvre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale ne compromettent pas le droit des particuliers de soumettre des communications au Comité, mais il existe un risque que ces articles dissuadent les victimes d’exercer ce droit. Il constate avec regret qu’alors que l’État partie fait parvenir au Comité les observations requises aux fins de l’examen des communications émanant de particuliers, il ne répond pas sur les mesures qu’il a prises pour donner suite aux constatations du Comité. Il est vrai que les constatations du Comité ne sont pas des décisions judiciaires et n’ont donc pas force exécutoire. Elles revêtent néanmoins une autorité supérieure à celle de simples recommandations étant donné que le Comité les établit en application du mandat qui lui a été confié en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte et qu’elles portent sur des questions de droit. En outre, l’État partie est lié par l’obligation d’appliquer de bonne foi les instruments internationaux qu’il a ratifiés, dont le Protocole facultatif. À ce titre, il devrait s’efforcer de mettre en œuvre les constatations du Comité et informer ce dernier des mesures adoptées à cette fin ou, le cas échéant, lui faire part des raisons qui l’empêchent légitimement de le faire.

45.Il est indiqué dans les réponses écrites qu’en ce qui concerne les avis du Comité «l’exécutif ne peut interférer ni faire réviser les décisions de justice rendues de manière définitive par les juridictions» mais que «les avis du Comité sont communiqués à titre d’information à l’autorité judiciaire». Il est évident que les tribunaux sont souverains et peuvent seuls décider de rouvrir une affaire qui a été jugée. Toutefois, les constatations du Comité visent d’autres objectifs que la réouverture de dossiers classés, par exemple l’indemnisation de la victime, l’ouverture d’une enquête pénale ou l’adoption de mesures législatives visant à éviter que la violation constatée ne se reproduise. L’État partie voudra peut-être s’engager à systématiquement donner suite aux constatations du Comité et à informer ce dernier des mesures prises à cet effet.

46.Mme MOTOC reviendra sur la question de la violence à l’égard des femmes. Elle souhaiterait savoir si des affaires impliquant ce type de violences ont été portées devant la justice et ont donné lieu à des poursuites et si des mesures sont prises pour aider les femmes victimes à briser la loi du silence. Elle note que le Code pénal contient des dispositions en vertu desquelles un viol n’est pas considéré comme une infraction lorsque l’auteur épouse ensuite la victime; or ces dispositions sont incompatibles avec les obligations de l’Algérie en vertu du Pacte.

47.Enfin, il serait utile de savoir quels droits et libertés sont suspendus pendant l’état d’urgence, et quelles sont exactement les infractions qui entrent dans la catégorie des «actes terroristes». Des précisions seraient également bienvenues sur la «prévention» du terrorisme et la manière dont l’État partie résout le rapport dialectique difficile entre la lutte contre le terrorisme et la protection des droits de l’homme.

48. M me Palm (Vice-Présidente) prend la présidence.

49.Sir Nigel RODLEY se félicite qu’un moratoire sur les exécutions soit appliqué depuis 1993 et que le nombre des crimes emportant la peine de mort ait été réduit. Toutefois, la peine capitale est toujours prévue pour les crimes de sang les plus graves et pour certaines atteintes à la sûreté de l’État: il serait utile de savoir plus précisément quelles sont ces infractions. Dans le cas d’une centaine de condamnés à mort la peine n’a pas encore été commuée, ce qui appelle des observations sur le traitement qui leur est réservé par rapport aux autres condamnés, notamment en ce qui concerne les conditions de détention. En outre, une dizaine d’entre eux ont été condamnés pour association de malfaiteurs avec vol aggravé ou contrefaçon de monnaie, crimes qui ne sont plus punis de mort; ces personnes restent‑elles condamnées à mort pour le crime d’association de malfaiteurs? Enfin, 74 autres ont été condamnées pour «acte terroriste», chef qui devrait être explicité.

50.La durée de la garde à vue, prolongeable jusqu’à douze jours durant et parfois davantage, est incompatible avec les articles 9 et 7 du Pacte, en ce qu’elle peut constituer une détention arbitraire mais aussi un traitement cruel, inhumain et dégradant. La délégation a évoqué certaines garanties, comme le droit de visite accordé aux représentants du CICR, mais ce n’est pas suffisant, d’autant que ces derniers ne communiquent leurs observations qu’à l’État concerné. Certes, les procureurs aussi peuvent rendre visite aux suspects en garde à vue mais ils ne le font pas toujours, et ils ne sont pas à l’abri d’un conflit d’intérêts. Les suspects en garde à vue auraient également accès à un avocat, mais seulement après avoir été déférés au Procureur de la République; or on ne sait pas précisément à quel moment a lieu cette présentation. En outre, si la famille n’est pas informée du lieu de détention, on voit mal comment elle pourrait envoyer un avocat auprès du détenu. Une des meilleures garanties est de faire en sorte que l’autorité chargée de la détention est différente de l’autorité qui conduit l’enquête. Il est vrai que dans les cas complexes, comme les crimes liés au terrorisme, il peut être difficile d’inculper un suspect dans un délai relativement bref; mais l’État partie peut néanmoins protéger les détenus au moyen de mécanismes extérieurs au lieu de détention.

51.Les mesures d’amnistie prévues dans l’ordonnance 06-01 portant mise en œuvre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale ne s’appliquent pas aux personnes condamnées pour des massacres, des viols ou des attentats à l’explosif dans des lieux publics. En même temps, l’article 45 de l’ordonnance accorde l’immunité des poursuites aux membres des forces de sécurité. Or, ces derniers se sont rendus responsables de centaines d’enlèvements suivis de meurtre. Il ne s’agissait pas d’actes isolés, mais bien d’une pratique systématique. À l’inverse, ceux qui se battent contre l’impunité ont toutes les raisons de se sentir menacés par l’article 46, rédigé en termes si larges qu’il ne laisse guère de marge à l’établissement des responsabilités. En attendant une éventuelle modification de ces dispositions, l’État partie devrait au moins déclarer publiquement qu’elles ne font pas obstacle à la défense des droits de l’homme − ce qui nuirait davantage à l’image de l’Algérie que la dénonciation des violations.

52.D’une façon générale, le lien entre l’ordonnance 06-01 − et surtout son article 45 − et le langage de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale n’est pas évident. En tout état de cause, même si la Charte reflète la volonté populaire, le Comité n’en est pas moins tenu d’examiner les conséquences juridiques de toute violation des droits reconnus par le Pacte, et l’État partie ne peut se soustraire à son obligation de traduire en justice les responsables de telles violations.

53.Mme CHANET, faisant écho aux remarques de Sir Nigel Rodley au sujet de l’apurement du passif et de l’impunité, souligne que le Pacte l’emporte sur toute loi nationale, fût-elle acceptée par référendum. L’État partie insiste beaucoup sur le fait que la Charte pour la paix et la réconciliation nationale a été approuvée par le peuple algérien, mais on peut se demander si celui-ci a eu la possibilité de lire le texte, dans toutes les langues officielles, et quelle était la question posée. Apparemment, la population était invitée à dire si elle était favorable à la paix, ce à quoi il est difficile de répondre par la négative. En revanche, elle ne semble pas avoir été consultée sur l’ordonnance 06-01 et n’était donc probablement pas consciente de l’impunité que ce texte risquait d’entraîner.

54.L’État partie assure qu’il indemnise toutes les victimes de la tragédie nationale, mais on peut se demander si c’est vraiment le cas, d’autant qu’il faut pour cela présenter un certificat de décès, ce qui est impossible dans les cas de disparition. Des précisions à ce sujet seraient bienvenues.

55.La définition du terrorisme est beaucoup trop large et pourrait s’appliquer à certains comportements violents comme une manifestation syndicale un peu agitée. C’est d’autant plus préoccupant que la qualification d’une infraction en «acte terroriste» emporte des conséquences très graves (peine doublée, majorité ramenée à 16 ans, garde à vue de douze jours, etc.). En ce qui concerne l’état d’urgence, il serait intéressant de savoir quelle est la répartition des compétences entre civils et militaires, et si la compétence militaire se limite à des pouvoirs de police ou si elle inclut l’exercice de la juridiction militaire. Enfin, à propos de la détention secrète, il convient de rappeler que récemment encore, les rapporteurs spéciaux − dont l’État partie affirme qu’ils n’interviennent plus en Algérie − ont adressé des appels urgents au Gouvernement au sujet d’Abderrahmane Mehalli, torturé alors que les autorités n’avaient pas reconnu qu’il était en détention, et de deux Algériens expulsés par la Grande-Bretagne, qui auraient disparu aux mains du Département du renseignement et de la sécurité.

56.Mme WEDGWOOD demande comment le pouvoir civil peut être certain que personne n’est actuellement en détention sans que les autorités l’aient déclaré étant donné qu’il n’y a pas longtemps encore les lieux de détention secrets étaient innombrables. La seule façon de s’en assurer est de passer en revue la liste de toutes les personnes disparues et de faire le point sur le sort de chacune.

57.M. IWASAWA s’associe à l’inquiétude exprimée par M. Kälin au sujet de l’incidence que pourrait avoir l’ordonnance 06-01 sur le droit des individus de présenter des communications en vertu du Protocole facultatif. L’État partie affirme que l’ordonnance ne modifie en rien ce droit puisqu’elle n’est applicable que sur le territoire national, mais on peut se demander si elle n’a pas un effet dissuasif.

58.Mme MAJODINA voudrait des précisions sur la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l’homme, en particulier sur la procédure et les critères de nomination des membres et la durée de leur mandat. L’indépendance de cette Commission semble compromise par le fait que ses membres soient des représentants de la société civile mais aussi d’institutions publiques. Une institution nationale des droits de l’homme ne devrait jamais rendre compte à l’exécutif.

La séance est levée à 13 h 5.

-----