Nations Unies

CCPR/C/SR.2828

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

5 août 2011

Original: français

Comité des droits de l ’ homme

102 e session

Compte rendu analytique de la 2828 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mercredi 27 juillet 2011, à 15 heures

Président e:Mme Majodina

S ommaire

Organisation des travaux et questions diverses, y compris rapport du Groupe de travail des communications

Renforcement du système des organes conventionnels

Douzième réunion intercomités des organes créés en vertu d ’ instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme

La séance est ouverte à 15 h 10.

Organisation des travaux et questions diverses, y compris rapport du Groupede travail des communications

Renforcement du système des organes conventionnels

1.La Présidente invite M. Ibrahim Salama, Chef du Service des traités relatifs aux droits de l’homme du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les droits de l’homme, à informer le Comité de l’avancement du processus de renforcement du système des organes conventionnels des Nations Unies et du résultat des dernières consultations tenues à cet égard.

2.M. Salama (Chef du Service des traités du Haut-Commissariat) dit que deux réunions importantes ont été tenues avec les États parties aux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme. La première a eu lieu les 12 et 13 mai 2011, à Sion (Suisse), sous les auspices communs des présidents des organes conventionnels et de la Haut-Commissaire aux droits de l’homme, en témoignage de leur attachement au processus de renforcement du système des organes conventionnels. Il s’agissait de la première rencontre avec les États parties sur la question. Les États parties et les présidents des organes conventionnels se sont également rencontrés en juin 2011 afin d’étudier les moyens d’améliorer les processus de soumission et d’examen des rapports ainsi que le suivi de l’application des recommandations. Des consultations avec les organisations non gouvernementales (ONG) ont également été organisées à Séoul, les 19 et 20 avril, et à Pretoria, les 20 et 21 juin.

3.Plusieurs enseignements ont été tirés des rencontres avec les États parties. Ces derniers, que ce soit à titre collectif ou individuel, n’ont pas une vision claire des mesures à prendre face à la crise que traverse le système des organes conventionnels. Ils ont néanmoins formulé des propositions et des critiques, en particulier concernant le degré d’attention accordé à leurs réponses écrites et orales et la pertinence des questions qui leur sont posées. Les États parties ont aussi émis des critiques plus discutables mettant notamment en cause la légitimité des observations générales et des activités de suivi. La proposition la plus notable a été faite par la France, qui suggère d’unifier la procédure d’examen des communications, dans un souci de cohérence jurisprudentielle. Les communications seraient examinées par un groupe de travail commun qui établirait la version quasi définitive des constatations, lesquelles seraient ensuite approuvées par les organes conventionnels concernés. Parmi les propositions des ONG, on retiendra celle tendant à établir un calendrier général qui fixerait à l’avance la date de l’examen des rapports soumis aux différents organes par les États parties, selon l’exemple de l’Examen périodique universel. La Haut-Commissaire a cependant rappelé que les organes conventionnels et le HCDH avaient déjà des difficultés à faire face à leur charge de travail alors que moins d’un tiers des États parties soumettaient leurs rapports dans les délais fixés.

4.Deux autres réunions de consultation sont prévues à Lucerne (Suisse) en octobre 2011, l’une avec des universitaires non membres d’organes conventionnels, qui pourront porter un regard neuf sur le fonctionnement actuel du système, l’autre avec les organismes des Nations Unies, qui jouent un rôle crucial dans le suivi de l’application des recommandations faites par les organes conventionnels. Il est également envisagé d’organiser une rencontre sur la question des communications, domaine pour lequel la seule proposition à ce jour est celle de la France. Les propositions issues de ces différentes consultations et des autres manifestations organisées dans le cadre du renforcement du système des organes conventionnels feront l’objet d’un rapport récapitulatif qui sera disponible sur le site Web du HCDH et dont une ébauche a été communiquée aux membres du Comité, l’objectif étant de favoriser la transparence et d’encourager toutes les parties prenantes à apporter leur contribution au processus. Les membres du Comité sont invités à prendre connaissance de cette liste et à formuler leurs propres suggestions. Même si aucune proposition révolutionnaire ne voit le jour, il devrait être possible d’aboutir à un système durable et efficace en mettant en œuvre avec détermination un ensemble cohérent de mesures plus modestes.

5.La vingt-troisième réunion des présidents des organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme s’est tenue à Genève, le 30 juin et le 1er juillet 2011. Les quatre principales recommandations adoptées à cette occasion sont les suivantes: constituer un groupe de travail thématique chargé de définir des critères pour les compétences et l’indépendance des membres des organes conventionnels; renforcer le rôle des présidents dans le processus d’harmonisation et leur permettre d’adopter des mesures applicables à l’ensemble des organes, après consultation des membres de leurs organes respectifs, étant entendu que chaque organe conserverait la possibilité de se dissocier d’une telle décision; supprimer la réunion intercomités sous sa forme actuelle et la remplacer par des groupes de travail thématiques spéciaux, afin d’éviter les chevauchements avec la réunion des présidents et de favoriser l’application rapide des décisions prises; tenir une réunion des présidents sur deux ailleurs qu’à Genève, afin de renforcer les liens avec les mécanismes et acteurs régionaux et locaux. Les présidents d’organe ont également assisté à un déjeuner de travail avec la Haut-Commissaire aux droits de l’homme, au cours duquel il a été rappelé que le HCDH et les organes conventionnels défendaient une cause commune et devaient s’appuyer mutuellement. En particulier, les présidents d’organe se sont dits prêts à apporter leur soutien au rapport annuel du Haut-Commissariat si celui-ci ne proposait pas uniquement des objectifs de plus en plus ambitieux et des mesures précises mais aussi une vision convaincante de la voie à suivre. La Haut-Commissaire a indiqué qu’elle tiendrait les organes conventionnels informés de l’élaboration du rapport afin qu’ils ne soient pas pris de court au moment de sa publication. Dans ce contexte, le dialogue entre le HCDH et les organes conventionnels devra continuer de se dérouler dans un climat d’ouverture et de confiance.

6.La Présidente remercie M. Salama et invite les membres du Comité à lui poser des questions complémentaires.

7.M. Flinterman dit que les bulletins hebdomadaires et les autres documents adressés régulièrement aux membres des organes conventionnels par le Service des traités aident à prendre conscience du fait que ces organes font partie d’une structure plus large qui repose sur deux piliers, les organes politiques de l’ONU œuvrant dans le domaine des droits de l’homme et les organes d’experts, dont fait partie le Comité des droits de l’homme. Ces bulletins font également ressortir le rôle essentiel joué par la Haut-Commissaire et le Haut-Commissariat, que ce soit dans la facilitation du travail des différents organes ou aux fins de l’exécution du mandat qui leur a été confié par l’Assemblée générale dans sa résolution 48/141 en date du 20 décembre 1993. Ensemble, ces entités forment un système qui n’est pas une fin en soi mais qui vise à renforcer la protection et la promotion des droits de l’homme à l’échelon national.

8.Comme l’a indiqué M. Salama, il existe de nombreuses propositions de faible portée qui, mises bout à bout, pourraient aider à rendre le système des droits de l’homme moins labyrinthique pour les personnes extérieures mais aussi plus efficace, grâce à une coordination et une harmonisation plus grandes entre les organes conventionnels. En ce qui concerne l’établissement d’un calendrier général pour l’examen des rapports soumis par les États parties, cela pourrait avoir des incidences considérables sur les méthodes de travail du Comité du fait de l’augmentation du nombre de rapports qu’il aurait à examiner chaque année. Par exemple, le dialogue constructif actuellement recherché par le Comité devrait peut-être être remplacé par un examen écrit des rapports, comme c’est le cas à l’Organisation internationale du Travail, ou par des missions de contact dans les pays concernés, en fonction des problèmes décelés. La proposition faite par la France d’unifier les procédures d’examen des communications des neuf organes concernés est également intéressante car elle aiderait à faire en sorte que la jurisprudence en la matière reste cohérente et tournée vers l’avenir. Il s’agit de propositions importantes qui doivent être examinées plus en détail dans une perspective à long terme.

9.M me Motoc s’interroge sur les modalités pratiques de la réforme du système des organes conventionnels, qui restent encore à définir après plusieurs années de réflexion. En ce qui concerne les réunions intercomités, celles-ci n’ont pas donné de résultats concrets depuis un certain temps. Compte tenu du manque de ressources, il serait bon de remplacer ces réunions formelles par des dialogues informels, qui sont souvent beaucoup plus instructifs. Pour ce qui est de l’unification des procédures d’examen des communications, la proposition ne lui semble pas réaliste. En effet la spécificité de chaque organe, tant sur le plan historique que sur celui des méthodes de travail, rend une telle initiative difficile à mettre en pratique même s’il est vrai qu’il serait possible de s’inspirer des meilleures pratiques des différents organes.

10.Si le Comité des droits de l’homme reçoit un moins grand nombre de rapports que d’autres organes conventionnels c’est peut-être parce que les États parties sont intimidés par la réputation qu’il a d’être un organe très technique sur le plan juridique. Compte tenu de cette situation, le Comité doit continuer de renforcer son dialogue avec la société civile afin de se tenir informé de la situation dans les pays. En outre, le manque de ressources donne lieu à des retards dans le traitement des communications qui peuvent atteindre plusieurs années, alors que de tels retards de procédure chez un État partie sont justement dénoncés par le Comité. Il existe donc des problèmes concrets dont la solution ne réside pas nécessairement dans l’harmonisation du système des organes conventionnels.

11.Le renforcement du rôle des présidents des organes conventionnels est une très bonne chose et Mme Motoc demande des précisions sur la manière dont ceux-ci pourraient mieux appuyer le travail de la Haut-Commissaire aux droits de l’homme. La formation d’un groupe de travail thématique chargé de définir des critères pour les compétences et l’indépendance des membres des organes conventionnels est une nouveauté intéressante également. Ces critères pourraient s’inspirer de ceux déjà proposés par les ONG et de ceux en vigueur dans d’autres organisations comme le Conseil de l’Europe, et s’appliquer à la fois aux membres des organes conventionnels et aux titulaires de mandat au titre des procédures spéciales.

12.M. Fathalla pense qu’il est prématuré de se préoccuper de l’harmonisation du système des organes conventionnels alors que d’importants efforts doivent être menés au sein même du Comité des droits de l’homme, notamment pour résorber le retard considérable pris dans l’examen des rapports et des communications.

13.M. Thelin dit qu’en ce qui concerne les procédures de plainte, le but des propositions de réforme ne devrait pas être tant de réaliser des économies que d’assurer la cohérence de la jurisprudence des organes conventionnels. Il sera intéressant de voir quelle suite sera donnée à la proposition visant à créer un groupe de travail intercomités chargé d’examiner les communications. La volonté des États de réduire ce qui leur apparaît comme des activités redondantes entre les organes conventionnels et, partant, de rationaliser l’utilisation des ressources qui sont allouées à ces organes est compréhensible. Le système est en crise et il est du devoir de chaque organe d’examiner ses pratiques et celles des autres organes à la recherche de synergies possibles. Mais le fait est que les ressources allouées aux organes conventionnels sont insuffisantes et ne leur permettent pas de s’acquitter de leur mandat aussi efficacement qu’ils le voudraient. Le rapport de la réunion de Sion est très instructif à cet égard. On y apprend notamment que les ressources affectées au secrétariat des organes conventionnels ne représentent que 10 % du budget global du Haut-Commissariat aux droits de l’homme. Le Président du Comité contre la torture, M. Grossman, a suggéré à ce propos qu’il soit procédé à une évaluation comparative des ressources allouées au Conseil des droits de l’homme et des ressources allouées aux organes conventionnels. Il serait en effet très intéressant de connaître ces chiffres. Il serait également utile de savoir si depuis sa création en 1993, le Haut-Commissariat a alloué une part constante de son budget au secrétariat des organes conventionnels ou si celle-ci a diminué au fil des années. Il semblerait aussi qu’avant la création du Haut-Commissariat, les organes conventionnels disposaient de plus de ressources qu’aujourd’hui; non que le Haut-Commissariat soit à blâmer pour les difficultés actuelles, mais dans la mesure où c’est par son intermédiaire que sont censés être mis à la disposition des organes conventionnels le personnel et les moyens matériels dont ils ont besoin pour s’acquitter de leurs fonctions, on peut se demander dans quelle mesure le service aux organes conventionnels n’est pas victime de la concurrence d’autres activités du Haut-Commissariat jugées prioritaires. M. Thelin apprécie les efforts déployés par le Haut-Commissariat pour rationaliser le fonctionnement du système mais il insiste sur la nécessité d’intégrer dans cette réflexion la question des ressources nécessaires au bon fonctionnement des organes conventionnels. Cette question semble ne pas avoir été du tout abordée à la dernière réunion des présidents, ce qui est regrettable.

14.M me  Chanet dit que l’enseignement que l’on peut tirer des différents projets de réforme du système conventionnel qui se sont succédé au cours des vingt dernières années est que les modes d’approche bureaucratiques et idéologiques sont voués à l’échec, comme on l’a vu avec le projet de création d’un organe unique, et qu’il faut privilégier les modes d’approche pragmatiques fondés sur l’expérience et la pratique des comités. La décision de supprimer les réunions intercomités est une excellente initiative; ces réunions ne donnaient guère de résultats et les ressources qui leur étaient consacrées pourront être employées à des fins plus utiles. Chaque organe a une forme, un fonctionnement et un mandat qui lui sont propres et qui découlent directement de l’instrument en vertu duquel il a été créé. L’harmonisation est donc possible dans certains domaines mais elle a ses limites. Le Comité des droits de l’homme a fait beaucoup pour améliorer ses méthodes de travail, en particulier en ce qui concerne la procédure d’examen des rapports.

15.M. Salama a indiqué que certains États estimaient que les comités n’avaient pas à adopter des Observations générales. Les nombreux commentaires d’États parties que le Comité a reçus en rapport avec son projet d’observation générale sur l’article 19 témoignent pourtant du vif intérêt que nombre d’entre eux portent à cet aspect des travaux du Comité. En outre, les Observations générales du Comité sont largement citées dans des travaux universitaires et juridictionnels, preuve que leur utilité est reconnue. Dans ce domaine aussi le Comité des droits de l’homme a fait œuvre de pionnier, et il a ensuite été suivi par d’autres organes conventionnels. Il y aurait peut-être une réflexion à mener sur la manière d’harmoniser la forme des observations générales.

16.M me  Chanet estime que l’idée qu’un groupe de travail unique puisse être chargé d’examiner les communications adressées aux différents organes conventionnels dotés d’une procédure de plainte est une aberration. Elle n’est toutefois pas hostile à une recherche d’harmonisation des procédures dans ce domaine s’il apparaît que certaines sont plus efficaces que d’autres. Le retard accumulé dans l’examen des communications est certes un problème mais les efforts pour améliorer la situation ne devraient pas se limiter à cet aspect. Il y a un très important travail à faire pour développer les interactions avec les juridictions nationales et internationales et assurer une meilleure diffusion des décisions du Comité; il est très dommage que la réforme envisagée par la Haut-Commissaire ne prenne pas du tout en compte cette dimension.

17.M. Lallah dit que les critiques formulées à l’égard du Comité sont souvent infondées et résultent d’une méconnaissance de ses travaux. On a par exemple reproché aux membres du Comité de prendre souvent successivement la parole pour répéter les mêmes questions. On peut avoir l’impression que la même question est posée plusieurs fois, mais en réalité elle est abordée sous un angle différent à chaque fois, ce qui s’explique par les interactions très étroites qui existent entre certains articles du Pacte. En outre, le Comité, soucieux d’éviter les répétitions inutiles, a pris l’habitude pour chaque examen de rapport d’État partie de répartir les questions entre ses membres en fonction des articles du Pacte sur lesquels elles portent. Le Comité a considérablement amélioré les conditions du dialogue avec les États parties par rapport aux premières années de son existence, où il est vrai que le temps de parole n’était pas toujours équitablement réparti entre le Comité et les délégations.

18.Un autre reproche adressé au Comité est qu’il se consacre à des activités qui n’entrent pas dans son mandat, comme l’élaboration d’observations générales. M. Lallah rappelle que le Pacte prévoit expressément que le Comité peut adresser aux États parties toutes observations générales qu’il jugerait appropriées et invite ceux qui doutent de la légitimité de cette activité à se reporter aux comptes rendus des débats intensifs qui ont abouti à la décision du Comité d’élaborer des observations générales. La possibilité d’établir un calendrier général, tous organes conventionnels confondus, pour la soumission des rapports a été évoquée. M. Lallah ne sait pas si cela aurait véritablement un effet sur les États qui ne respectent pas leurs obligations dans ce domaine. Il serait peut-être plus efficace que les organes conventionnels qui ne l’ont pas encore fait se dotent d’une procédure similaire à celle du Comité des droits de l’homme qui leur permette de procéder à l’examen de situations en l’absence de rapport ou en l’absence de délégation. Ce sont les États qui, à travers les instruments qu’ils ont ratifiés, ont créé les organes conventionnels et ont donné au système l’ampleur qu’il a aujourd’hui. Ce ne sont pas les méthodes de travail des organes conventionnels qui sont la cause des difficultés actuelles, mais bien l’insuffisance des ressources et l’inobservation par certains États des obligations qui leur incombent vis-à-vis des organes créés en vertu des instruments qu’ils ont ratifiés. En vertu de l’article 36 du Pacte, le Secrétaire général doit mettre à la disposition du Comité le personnel et les moyens matériels nécessaires pour lui permettre de s’acquitter efficacement de ses fonctions. M. Lallah invite le Haut-Commissariat à intensifier ses démarches auprès de l’Assemblée générale pour obtenir les ressources nécessaires à la mise en œuvre de cette disposition.

19.M. Amor dit que le comportement des États n’est pas à la hauteur des ambitions qu’ils se sont assignées en ratifiant les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme. Les conditions de travail des organes conventionnels n’ont cessé de se dégrader au fil des ans, en raison des moyens matériels et du personnel de plus en plus restreints mis à leur disposition, tandis que les critiques faciles à leur égard se font de plus en plus nombreuses. Cette situation a créé un malaise, auquel on a d’abord cru pouvoir répondre par la création d’un organe unique, en méconnaissance du principe juridique élémentaire qui est que chaque organe est lié par l’instrument qui le régit. Cela ne signifie pas pour autant qu’il n’y a pas d’espace d’harmonisation possible, mais il semble peu probable que celui-ci s’étende à d’autres domaines que les méthodes de travail. Les discussions menées à ce sujet dans le cadre de la réunion intercomités, trop théoriques, n’ont pas vraiment permis d’avancer sur cette question. Il est temps d’adopter une approche pragmatique. Une mesure simple mais d’une portée psychologique et politique considérable serait d’organiser la réunion des présidents des organes conventionnels ailleurs qu’à Genève une année sur deux. Cela permettrait de développer les liens avec les régions en même temps qu’une certaine solidarité entre les participants, qui feraient le déplacement ensemble pour défendre une cause commune. Une manière de faire mieux connaître les travaux des organes conventionnels et de renforcer leurs interactions avec les autres acteurs du système international des droits de l’homme serait de faire en sorte que leurs sessions se tiennent au Palais des Nations. La création de groupes thématiques réunissant des représentants de chaque organe conventionnel pourrait avantageusement remplacer la réunion intercomités et se révéler très utile, à condition de choisir des thèmes propices à l’établissement de positions communes. On pourrait mettre en place des groupes de travail sur les questions les plus importantes comme la soumission des rapports des États parties, le suivi, et éventuellement les procédures d’examen des communications, en vue de dégager des propositions acceptables par les différents organes conventionnels, qui seraient ensuite soumises à la réunion des présidents des organes conventionnels. Il n’y a pas grand risque à essayer et si l’expérience est concluante on pourra ainsi, pas à pas, favoriser un rapprochement des pratiques des comités.

20.M. O ’ Flaherty estime que le Comité des droits de l’homme a bon nombre de réalisations à son actif en ce qui concerne l’amélioration de ses méthodes de travail. Certaines des difficultés qui se posent actuellement appellent des mesures qui ne dépendent pas du Comité. Des propositions très intéressantes ont été faites à ce sujet lors des réunions de Sion et de Séoul ainsi qu’à la dernière réunion intercomités. M. O’Flaherty rendra compte de cette réunion à un stade ultérieur de la séance; la session de 2011 a été particulièrement riche et constructive, et il est dommage de supprimer cette réunion au moment où elle commence à porter ses fruits. L’idée de remplacer la réunion intercomités par des groupes thématiques n’est pas mauvaise, mais choisir comme domaine d’expérimentation un sujet aussi délicat que l’harmonisation de la jurisprudence des organes conventionnels serait une très mauvaise opération.

21.Il faut également garder à l’esprit que d’autres parties prenantes doivent prendre des mesures énergiques pour concrétiser davantage leur engagement à l’égard du système conventionnel, ce qui contribuera aussi à l’améliorer. Par exemple, plutôt que d’adresser des critiques aux organes conventionnels et de leur dire ce qu’ils doivent faire, les États parties devraient eux-mêmes agir, notamment en prenant davantage au sérieux la procédure d’élection des membres. D’une façon générale, l’ONU, le Secrétaire général et le Haut-Commissariat ont tous à entreprendre des réformes qui permettraient de renforcer le système conventionnel. Par exemple, la création d’un portail unique consacré aux droits de l’homme et d’un autre portail unique pour les mécanismes permettant d’obtenir réparation est apparemment une idée plus facile à énoncer qu’à concrétiser. Un autre aspect qu’il importe de prendre en considération est le contexte dans lequel s’inscrivent les propositions de réforme du système, en particulier l’Examen périodique universel, et les organes conventionnels n’ont certainement pas encore pleinement mesuré combien d’’énergie, d’engagement, d’intérêt et d’attention cette procédure du Conseil des droits de l’homme détourne du système conventionnel. Ce qui est menacé par là, ce ne sont pas tant les ressources du Haut-Commissariat que les capacités des organisations non gouvernementales de porter leurs efforts sur tel ou tel aspect des droits de l’homme, la volonté des États de prendre des engagements et la possibilité que les médias s’intéressent aux travaux des organes conventionnels. Si cette dimension n’est pas examinée rapidement, les organes conventionnels risquent d’être relégués au deuxième plan et de subir un préjudice important.

22.M. Salama (Chef du Service des traités relatifs aux droits de l’homme) dit qu’il ressort de l’échange de vues fructueux avec le Comité que le Haut-Commissariat doit étudier et préciser plus avant les tenants et les aboutissants des suggestions qui ont été faites (notamment l’établissement d’un calendrier général pour la soumission des rapports et la création d’un groupe de travail intercomités qui examinerait les communications reçues par tous les organes conventionnels ayant une procédure de plainte). D’une façon générale, la réflexion sur ces questions devra effectivement être pragmatique.

23.Pour ce qui est de l’Examen périodique universel, le risque pour les organes conventionnels n’est pas seulement que cette procédure du Conseil des droits de l’homme leur fasse de l’ombre; une difficulté importante pourrait aussi se poser dans le cas où les jurisprudences des différents organes conventionnels relatives à une même question ne concorderaient pas et seraient ensuite comparées aux conclusions de l’Examen périodique universel sur le même sujet. À ce stade, il serait prématuré d’examiner un tel cas de figure mais les membres du Comité devraient le garder à l’esprit et être conscients que cette perspective rend d’autant plus nécessaire le renforcement du système conventionnel. Rien ne peut remplacer le système conventionnel, et il ne peut pas disparaître. Il peut seulement être affaibli et on assiste effectivement depuis quelques années à un déclin progressif − une sorte d’asphyxie, délibérée ou non − des organes créés en vertu d’instruments relatifs aux droits de l’homme.

24.En ce qui concerne l’idée de créer un groupe intercomités qui serait chargé de l’examen des communications, le Comité des droits de l’homme est, de tous les organes conventionnels, celui qui a la plus longue expérience des communications et la jurisprudence la plus riche, et il serait donc logique qu’il soit représenté dans ce groupe en proportion du nombre de communications dont il est saisi. D’une façon générale, il serait équitable que cet élément de proportionnalité s’applique à chacun des organes conventionnels. La création d’un tel groupe pourrait favoriser également l’harmonisation des jurisprudences, puisque les mêmes principes se retrouvent dans plusieurs instruments et qu’il importe de veiller à ce que les interprétations que les organes conventionnels font des mêmes principes ne divergent pas du simple fait qu’elles ont des fondements différents. Le Haut-Commissariat invite le Comité à réfléchir à la question de savoir s’il serait intéressant, à son sens, d’agir en commun avec les autres organes conventionnels sur cet aspect précis de son mandat − les communications − et reste ouvert à toutes orientations que le Comité pourra lui proposer sur ce point. M. Salama est convaincu que le système conventionnel continuera d’exister et de se développer. Cela étant, considérer que les organes créés en vertu d’instruments internationaux sont entièrement souverains constitue un pas qu’il faut se garder de franchir. M. Salama note également que les membres du Comité semblent s’accorder à considérer qu’un espace commun à tous les organes conventionnels aurait incontestablement une utilité.

25.Si les réunions intercomités sont appelées à disparaître sous leur forme actuelle, le travail d’élaboration collective continuera de se faire sur une base thématique, et cette nouvelle formule devrait permettre de déterminer à l’avance des thèmes qui seront traités dans les réunions des présidents. Il est prévu dans ce cadre de saisir tous les organes conventionnels, avant une réunion de leurs présidents, d’un projet d’ordre du jour annoté exposant tous les aspects sur lesquels des mesures communes ou des décisions pourraient être prises par les présidents. Ainsi, chaque président examinerait le projet avec les membres de l’organe conventionnel dont il dirige les travaux, avant la réunion des présidents. La possibilité pour un organe conventionnel de ne pas appliquer une décision prise sur des questions d’intérêt commun serait conservée. Le Haut-Commissariat espère qu’un tel dispositif permettra au système conventionnel d’avoir l’efficacité et la diligence nécessaires.

26.En ce qui concerne la question de la tenue de réunions des présidents hors de Genève, il n’est pas exclu qu’à l’issue de l’expérience pilote, toutes les réunions des présidents se tiennent ailleurs qu’à Genève.

27.La question des ressources allouées aux organes conventionnels n’a pas été véritablement examinée à la réunion de Sion, qui n’était pas le cadre approprié même si les États parties ont regretté que la question n’ait pas été débattue. Le Haut-Commissariat a l’intention de consacrer à cette question une réunion spécifique qui se tiendra à Genève à l’automne 2011. M. Salama a pris bonne note des questions de M. Thelin concernant les ressources budgétaires, et le Haut-Commissariat ne manquera pas d’y apporter des réponses. À sa soixante-cinquième session, l’Assemblée générale a demandé au Secrétaire général de lui soumettre à sa soixante-sixième session des propositions concrètes et appropriées sur les organes conventionnels en vue d’accroître l’efficacité de ces organes et de discerner les gains d’efficacité dans leurs méthodes de travail et les ressources dont ils ont besoin pour mieux gérer leur volume de travail, compte tenu des contraintes budgétaires et de la charge de travail propres à chaque organe conventionnel. Les termes de cette résolution peuvent être interprétés de la façon suivante: le problème n’est pas un manque de ressources, mais un manque d’efficacité, et la solution passe par la restructuration ou la rationalisation des méthodes de travail des organes conventionnels. La mention d’une «charge de travail propre à chaque organe conventionnel» semble indiquer que l’Assemblée générale considère que l’allocation de ressources globale est suffisante et que certains organes conventionnels ont besoin de plus de ressources que d’autres, ce qui conforterait une suggestion faite à la réunion de Sion, consistant à allouer une somme globale dont le Haut-Commissariat déterminerait la répartition entre les organes conventionnels en fonction des besoins des uns et des autres, et à ne plus établir un état des incidences sur le budget-programme pour chaque organe conventionnel. Le mandat qui a été ainsi confié par l’Assemblée générale au Secrétaire général n’est pas sans poser de problèmes. Il incombe toutefois aux organes conventionnels et au Haut-Commissariat de montrer que le système conventionnel n’est pas prisonnier de la façon dont il a été conçu. Les États parties ne peuvent quoi qu’il en soit rien décider à la place des organes conventionnels car ceux-ci sont indépendants, le Haut-Commissariat ne peut pas non plus décider à leur place, et les organes conventionnels sont ainsi les seuls acteurs du système des Nations Unies habilités à exprimer leur propre interprétation et à prendre des décisions sur la façon de mener à bien leur mandat et sur celle dont les États parties devraient s’acquitter de leurs responsabilités. La seule chose qui fait défaut, ce sont les ressources. Certes, la situation économique mondiale n’est pas favorable actuellement, mais comme l’a dit la Haut-Commissaire aux droits de l’homme à la réunion de Sion, il est inconcevable que la surveillance de l’application par les États des instruments relatifs aux droits de l’homme puisse être sacrifiée au motif d’un manque de ressources. En ce qui concerne la procédure au titre de l’article 40 du Pacte, les États parties ne respectent pas toujours, loin s’en faut, les délais de soumission des rapports. Lors des différentes consultations que le Haut-Commissariat a menées, il a été suggéré, pour ne pas perdre complètement le bénéfice d’un dialogue constructif avec les États parties, qu’un organe comme le Comité des droits de l’homme pourrait demander aux États parties qui soumettent très régulièrement leurs rapports de n’en présenter qu’un sur trois devant le Comité, lequel procéderait dans l’intervalle à un examen sur dossiers de l’application du Pacte. La suggestion devrait être soigneusement étudiée et, si elle était retenue, il faudrait assurer le respect du principe de l’égalité de traitement entre tous les États parties. Quoi qu’il en soit, le Haut-Commissariat réfléchit aux mesures qui permettraient d’étoffer la panoplie des moyens d’action pour la soumission de rapports et à la possibilité de prendre des initiatives à titre expérimental, qui seraient ensuite évaluées avec les parties intéressées. La question de l’allocation interne des ressources, que ce soit au sein du Haut-Commissariat ou entre les différents mécanismes relatifs aux droits de l’homme, est très délicate et en tout état de cause il faut veiller à ne pas opposer les mécanismes les uns aux autres.

28.La nouvelle procédure que le Comité a adoptée consistant à établir des listes de points à traiter avant la soumission des rapports est une initiative qui, si elle se révèle efficace, pourrait certainement être reprise par d’autres organes conventionnels. Cette procédure devrait permettre de redonner à la soumission de rapports sa fonction initiale, en en faisant un processus consultatif national mené dans un esprit d’ouverture et dans lequel un État se remet en question périodiquement.

29.Le Haut-Commissariat a pris bonne note de toutes les observations formulées par les membres du Comité et continuera à réfléchir aux propositions qui se font jour. Il espère que le rapport que la Haut-Commissaire présentera sur ces questions à l’Assemblée générale en 2012 sera approuvé sans donner lieu à un débat. D’ici là, M. Salama s’efforcera de rencontrer, à New York, les représentants des États parties les plus réticents à l’égard du système conventionnel pour les convaincre de son utilité. Il invite tous les membres du Comité à faire de même, en mobilisant leurs réseaux de contacts nationaux et internationaux. Dans les mois à venir, le Haut-Commissariat examinera avec les organes conventionnels les moyens de transformer la liste de propositions émergentes en un ensemble d’idées expérimentales et pragmatiques, qui seront ensuite soumises à l’Assemblée générale pour approbation, dans la perspective ultime de l’adoption d’une résolution dans laquelle seraient énoncées des mesures contraignantes pour toutes les parties prenantes.

30.Sir Nigel Rodley dit qu’il ne sait pas pour quelles raisons les présidents ont décidé de supprimer les réunions intercomités, qui étaient à son sens un moyen de promouvoir l’harmonisation et de favoriser des activités communes aux organes conventionnels. Il se souvient en revanche des raisons pour lesquelles ces réunions avaient été instituées: les présidents des organes conventionnels n’étaient pas toujours à même de promouvoir avec suffisamment d’efficacité le type d’activités intercomités qu’il était nécessaire d’encourager, et surtout le nombre de participants plus élevé que dans les réunions des présidents permettait un dialogue plus efficace et éclairé. Sir Nigel Rodley relève que plusieurs réunions intercomités ont donné des résultats positifs, notamment il a été recommandé aux présidents de tenir au moins l’une des deux réunions sur un thème d’intérêt commun à tous les organes conventionnels et il a été envisagé de mettre en place une procédure de suivi commune. De l’avis de Sir Nigel Rodley, il s’agissait d’une idée intéressante, et il voudrait savoir si elle a été abandonnée.

31.Il est important que les organes conventionnels continuent d’informer les États parties des efforts qu’ils déploient sur le plan de l’harmonisation et sur celui des activités intercomités. Certes, les organes conventionnels ne peuvent pas passer leur temps à innover, mais il importe aussi que chacun d’eux ne se contente pas de procéder à des améliorations de son propre fonctionnement sans tenir compte du fait qu’il appartient à un système. À ce propos, l’idée de créer un groupe intercomités pour l’examen des communications de tous les organes conventionnels n’est probablement pas viable mais on pourrait éventuellement envisager des moyens d’harmoniser les travaux de groupes qui se réuniraient avant les sessions, étant entendu que les assemblées plénières des organes conventionnels resteraient souveraines. L’expérience vaut peut-être la peine d’être tentée. Ce qui est certain, en revanche, c’est que, face aux préoccupations des États parties concernant l’allocation des ressources budgétaires, les organes conventionnels doivent montrer qu’ils ont la volonté d’agir concrètement.

32.M. Salama (Chef du Service des traités relatifs aux droits de l’homme) précise que les présidents n’ont pas pris la décision formelle de supprimer les réunions intercomités puisqu’ils ne peuvent faire que des recommandations, ils ont donc adressé une recommandation en ce sens aux organes conventionnels et ont souhaité prendre dorénavant les décisions sur les questions d’intérêt commun, sous réserve que ces questions aient été préalablement débattues dans les organes conventionnels et étant entendu aussi qu’un organe conventionnel peut décider de ne pas appliquer une décision prise dans ce contexte.

33.Pour compléter les propos de Sir Nigel Rodley, M. Salama indique que la proposition de tenir des réunions intercomités reflétait aussi l’échec de l’idée d’un organe conventionnel unique. C’était en quelque sorte une façon de dire aux organes conventionnels que, si l’idée d’un organe unique ne leur paraissait pas acceptable, au moins des mesures accélérées devaient-elles être prises concernant des domaines d’intérêt commun dans lesquels les méthodes de travail pouvaient être rationalisées et la prise de décisions pouvait être facilitée. Il est vrai que les réunions intercomités permettaient aux présidents d’intégrer davantage les vues des membres des organes conventionnels dans l’examen des questions d’intérêt commun. Mais elles n’ont débouché que sur des recommandations, dont la plupart n’ont d’ailleurs pas été appliquées. Dans la pratique, elles ont fini par faire double emploi avec les réunions des présidents. Quoi qu’il en soit, il n’est pas question de supprimer le principe des réunions intercomités, elles cesseraient simplement d’exister sous leur forme actuelle. La capacité et la nécessité d’examiner des thèmes d’intérêt commun dans le cadre d’une structure dont la forme n’est pas encore connue seraient maintenues. Cette structure devra relever d’une conception pragmatique et le Haut-Commissariat espère qu’elle permettra d’améliorer la situation.

34.M me Chanet dit que, quand elle était présidente du Comité, elle a souvent eu l’impression que les réunions intercomités qui étaient suivies de celles des présidents n’étaient pas très utiles, et il y aurait peut-être là des économies budgétaires possibles. Cela étant, les réunions intercomités pourraient assurément être maintenues pour débattre de certains sujets d’intérêt commun, car elles ont parfois permis d’avancer, par exemple sur la question des réserves des États parties. Mme Chanet souhaiterait des éclaircissements concernant la proposition tendant à créer un groupe intercomités pour l’examen des communications. À l’époque où Mme Harbour, alors Haut-Commissaire aux droits de l’homme, avait proposé la création d’un organe conventionnel unique, M. de Gouttes, alors Président du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, avait présenté une sorte de contre-projet visant à créer un organe commun pour l’examen des communications. Le Comité des droits de l’homme avait tenu ensuite une réunion avec les États parties, au cours de laquelle cette proposition avait été violemment critiquée par les États parties, notamment par le représentant de la Fédération de Russie, qui était juriste et avait montré, à la lumière des différents protocoles facultatifs se rapportant aux instruments concernés, que cette proposition n’était absolument pas viable sur le plan du droit. Apparemment, il y a donc un obstacle juridique majeur à la création d’un groupe intercomités pour l’examen des communications. Si la suggestion consiste en réalité à créer un groupe de travail intercomités pour l’harmonisation des procédures − c’est-à-dire des questions qui relèvent des règlements intérieurs des organes, et non pas des instruments qui les régissent−, Mme Chanet n’a pas d’objection à ce que le Comité en débatte.

35.M . Salama (Chef du Service des traités relatifs aux droits de l’homme) précise que la proposition vise bien à créer un groupe de travail intercomités; cette structure n’aurait pas pour mandat d’harmoniser les procédures d’examen des communications, mais elle irait au-delà puisqu’elle examinerait les communications qui sont présentées à tous les organes conventionnels, auxquels elle les renverrait ensuite pour que chacun d’eux se prononce sur les communications le concernant. En tout état de cause, si le Comité n’est pas favorable à cette idée, elle sera simplement abandonnée.

36.M me Motoc fait observer que le Comité a lui aussi envisagé de tenir ses sessions ailleurs qu’à Genève. Il s’emploie actuellement à se rapprocher de la société civile, mais beaucoup reste encore à faire, et d’autres organes conventionnels sont plus avancés que le Comité sur ce point. Mme Motoc souhaiterait connaître le point de vue du Haut-Commissariat sur la possibilité de tenir les sessions du Comité ailleurs qu’à New York et Genève.

37.En ce qui concerne la question d’un groupe de travail intercomités qui s’occuperait des communications, Mme Motoc ne voit pas très bien l’utilité d’une telle structure étant donné que les procédures relatives aux communications sont assez différentes d’un organe conventionnel à l’autre. Mme Motoc souhaiterait connaître la position du Haut-Commissariat sur cette question.

38.Il serait peut-être possible, pour économiser les ressources, de traiter certaines questions très concrètes non pas dans le cadre de réunions formelles, mais à distance, en chargeant certains membres du Comité d’échanger des réflexions par courrier électronique par exemple. Il pourrait aussi être utile que les membres des organes conventionnels qui siègent aux mêmes dates tiennent des réunions communes informelles. Les ressources ainsi économisées pourraient servir à financer les services dont le Comité a besoin dans le domaine de la communication en particulier.

39.M. Fathalla dit qu’il ne lui semble pas que juridiquement l’existence d’un groupe de travail commun pour l’examen des communications soit adaptée au Protocole facultatif. En effet, le paragraphe 3 de l’article 5 dispose que le Comité tient ses séances à huis clos lorsqu’il examine les communications. Si des membres d’autres comités sont présents, ce n’est pas un huis clos.

40.M. Neuman fait observer que si 80 % des communications à examiner concernent le Comité des droits de l’homme, le groupe de travail commun devrait être composé à 80 % de membres du Comité. Si chacun des sept autres comités est représenté par un membre, le Comité des droits de l’homme devrait être représenté par 28 membres; or il en compte 18. M. Neuman estime donc qu’un tel groupe de travail poserait des problèmes non seulement pour des raisons de différences de compétences, mais aussi du point de vue de sa composition numérique.

41.M. Salama (Chef du Service des traités relatifs aux droits de l’homme) dit que, dans un premier temps, le Comité doit déterminer si un tel groupe de travail serait utile et permettrait une plus grande cohérence dans la jurisprudence et une interprétation commune, faisant autorité, de tous les instruments. Si la réponse est positive, les aspects techniques et juridiques seront approfondis. Juridiquement, les discussions dans le cadre d’un groupe de travail commun constitueraient une sorte de présession commune, qui serait même une réunion informelle puisque l’adoption formelle des décisions relatives à chaque communication aurait lieu à huis clos, dans les comités respectifs. Si cette idée n’a pas l’agrément du Comité, d’autres idées pourront être étudiées.

42.La possibilité pour le Comité de tenir des réunions ailleurs qu’à Genève ou à New York fait partie de la liste des nouvelles propositions et serait sans incidence sur les coûts pour ce qui est des frais de déplacement des membres. La seule difficulté que cela engendrerait serait le déplacement du personnel du secrétariat qui devrait être détaché du reste du Service pour appuyer le Comité. Mais cela reste un problème relativement mineur, par rapport à la valeur ajoutée que pourrait représenter la tenue des réunions dans d’autres lieux, notamment en termes de visibilité du système. En effet, comme l’ont fait remarquer des membres du Comité, les ONG locales ont véritablement besoin d’être matériellement proches du Comité et il existe de plus en plus de mécanismes régionaux et interrégionaux en Afrique, en Asie et dans le monde arabe qui bénéficieraient grandement d’une interaction avec le Comité.

43.Comme l’a souligné Mme Navi Pillay lors de l’ouverture du dialogue au Conseil des droits de l’homme le 3 mars 2011, les efforts de rationalisation ne peuvent pas remplacer la nécessité de trouver des ressources supplémentaires. Les États devront donc faire face à leurs obligations. De ce point de vue, si la voix du Secrétaire général, représenté par la Haut-Commissaire aux droits de l’homme, et la voix de tous les organes sont réunies pour soutenir une liste cohérente et pragmatique de propositions, les États devraient prendre les décisions financières nécessaires.

44.La Présidente remercie M. Salamad’avoir informé le Comitéde l’avancement du processus de renforcement du système des organes conventionnels. Les dernières séries de consultations qui se sont tenues à Séoul en avril 2011, à Sion en mai 2011 et à Pretoria en juin 2011 sur cette question ont été très ouvertes et ont inclus les États parties, les ONG et les institutions nationales des droits de l’homme. D’autres consultations vont avoir lieu avec des représentants des milieux universitaires. Beaucoup de temps a été consacré à débattre et à préciser diverses questions, y compris le principe même de l’harmonisation, auquel différentes interprétations sont données. Les États parties eux-mêmes n’ont pas de vision commune de l’harmonisation. Si le Comité n’a pas trouvé de véritable terrain d’entente avec les États parties, le dialogue a servi à dissiper de nombreuses craintes liées au processus de renforcement des organes conventionnels.

La séance est suspendue à 17 h 35; elle est reprise à 17 h 45.

D ouzième réunion intercomités des organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme

45.M. O’Flaherty dit que le programme de travail de la douzième réunion intercomités, qui s’est tenue à Genève du 27 au 29 juin 2011, était dense et bien structuré. La réunion s’est déroulée dans une ambiance de collaboration très positive et constructive. Elle a été principalement consacrée à la procédure de soumission des rapports. La question des procédures de suivi a été traitée très rapidement, puisqu’elle avait fait l’objet d’une réunion intercomités thématique et qu’il a été considéré qu’il suffisait d’envoyer les rapports établis sur la question aux présidents des comités pour examen.

Un certain nombre d’idées qui avaient été exprimées de manière informelle au cours des réunions de Séoul, de Sion et de Pretoria ont été réexaminées et certaines ont été retenues.

46.La suppression imminente des réunions intercomités n’était pas inscrite à l’ordre du jour et les participants n’ont pas eu la possibilité de relever que les présidents des organes conventionnels avaient pris cette décision sans demander leur avis.

La pratique du Comité des droits de l’homme a été citée en tant que meilleure pratique sur de nombreux aspects. Ainsi, la pratique consistant pour le secrétariat du Comité à envoyer systématiquement aux Missions permanentes des États parties, avant l’examen de leur rapport, une note expliquant le déroulement de la procédure d’examen a été donnée en exemple aux autres comités. Il leur a aussi été recommandé d’adopter le modèle des équipes spéciales pour l’examen des rapports des États parties, d’adopter le système consistant, pour les rapporteurs pour les pays ou pour les équipes spéciales, à informer les autres membres des comités, avant le dialogue avec l’État partie, des points essentiels à aborder, comme le fait déjà le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, de formuler dans les observations finales des recommandations plus spécifiques et plus ciblées et de faire davantage référence aux recommandations des autres organes conventionnels.

47.M. O’Flaherty est intervenu sur la question des menaces et des mesures d’intimidation dont les ONG qui donnent des informations aux organes conventionnels font parfois l’objet à leur retour dans leur pays, vu que le Comité des droits de l’homme avait eu à traiter ce problème en 2010, dans le contexte d’un État partie en particulier. Il a expliqué ce que le Comité faisait dans de tels cas. La discussion a débouché sur une recommandation assez forte.

Une recommandation a aussi été formulée au sujet des nouvelles technologies, notamment concernant l’utilisation de Skype pour communiquer avec les ONG et la diffusion en direct sur l’Internet des débats des Comités. Il convient de mentionner que cette initiative est à mettre au crédit des ONG, qui sont pionnières dans ce domaine, notamment l’organisation The Centre for Civil and Political Rights (Centre CCPR).

48.La proposition avancée par certains États à Sion qui souhaitaient que les organes conventionnels ne consacrent qu’une séance, c’est-à-dire trois heures, à l’examen du rapport de chaque État partie, comme cela se fait dans le cadre de l’Examen périodique universel, a été rejetée à l’unanimité par les participants.

Il a été souligné que près de 50 États avaient maintenant soumis un document de base commun selon les directives révisées alors qu’en 2010 ils étaient seulement 10 ou 15 États.

Il a été recommandé aux organes conventionnels de tenir parfois des réunions au niveau régional. À ce propos, le Comité des droits de l’homme et le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes ont été considérés comme étant le mieux à même de guider les autres organes conventionnels, car ils ont déjà un budget pour se réunir ailleurs qu’à Genève au moins une session par an. Enfin, le projet de mise en place d’indicateurs a bien avancé et un guide d’utilisation de ces outils paraîtra prochainement.

49.La Présidente dit qu’elle ne pense pas qu’il soit question de supprimer les réunions intercomités elles-mêmes mais de les transformer en groupes de travail thématiques ponctuels. Elle ne s’est pas opposée à cette décision à la réunion des présidents des organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme car elle n’avait pas assisté à la réunion intercomités et, comme elle participait pour la première fois à la réunion des présidents, elle en connaissait mal les méthodes de travail.

50.M. Iwasawa dit qu’il a assisté à des réunions intercomités et que les débats n’étaient pas structurés. La possibilité de passer à des groupes de travail thématiques avait déjà été examinée et portée à la connaissance de chaque organe conventionnel.

51.Sir Nigel Rodley dit que la principale raison de la création de la réunion intercomités était que la composition de la réunion des présidents ne reflétait pas nécessairement le centre de gravité des comités. C’est pourquoi il est très difficile d’accepter la décision de supprimer la réunion intercomités prise par les présidents sans en référer aux comités, d’autant plus que rien ne permet d’affirmer qu’il existera un budget pour les groupes de travail thématiques proposés à la place. Sir Nigel Rodley aurait pu comprendre qu’il soit décidé de tenir une réunion par an au lieu de deux mais ne peut accepter la suppression pure et simple. Il suggère que le Comité demande aux présidents de réexaminer la décision à leur prochaine réunion.

52.M me Motoc est d’avis, au contraire,que les présidents des organes conventionnels représentent bien le centre de gravité de leur comité. Comme l’ont souligné d’autres membres du Comité, la plupart des réunions intercomités ne donnaient guère de résultats.

La séance est levée à 18 h 5.