Nations Unies

CCPR/C/SR.3694

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

11 mars 2020

Original : français

Comité des droits de l’homme

128 e session

Compte rendu analytique de la 3694 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mercredi 4 mars 2020, à 15 heures

Président(e):M. Fathalla

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 40 du Pacte (suite)

Troisième rapport périodique de la République centrafricaine

La séance est ouverte à 15 h 10.

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 40 du Pacte (suite)

Troisième rapport périodique de la République centrafricaine (CCPR/C/CAF/3, CCPR/C/CAF/Q/3/, CCPR/C/CAF/Q/3/Add.1 et HRI/CORE/1/Add.100)

1. Sur l’invitation du Président, la délégation centrafricaine prend place à la table du Comité.

2.M. Samba (République centrafricaine) présente les excuses de son gouvernement pour son absence à la session d’octobre 2019. Il explique que la crise multidimensionnelle qui s’est déclenchée dans le pays début 2013 a empêché l’État de s’acquitter pleinement de ses fonctions régaliennes et de respecter, protéger et promouvoir les droits de l’homme, en particulier dans les régions contrôlées par des groupes armés. Il s’en est suivi une augmentation du nombre de violations graves des droits de l’homme, avec un bilan de plusieurs milliers de morts, de personnes déplacées et de réfugiés. Après le rétablissement de la légalité constitutionnelle en 2016, le Gouvernement a engagé quatre chantiers importants : la lutte contre l’impunité, la protection et la promotion des droits de l’homme, la mise en place d’un programme de désarmement, de démobilisation, de réintégration et de rapatriement et de réforme du secteur de la sécurité, et le renforcement de l’État de droit et de la démocratie.

3.Pour lutter contre l’impunité, rendre justice aux victimes, assurer une paix durable et promouvoir la réconciliation nationale, le Gouvernement a mis en place, en application de la loi no 15.003 du 3 juin 2015, une Cour pénale spéciale chargée de juger les auteurs et complices des violations graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises sur le territoire depuis 2013. Une loi du 2 juillet 2018, portant règlement de procédure et de preuve devant la Cour pénale spéciale, a doté cette Cour d’un code de procédure unique qui permet le dessaisissement, à son profit, des affaires instruites par les juridictions ordinaires. La session inaugurale de la Cour pénale spéciale a eu lieu en octobre 2019 et sept dossiers sont en instance de jugement. En dépit du contexte sécuritaire toujours fragile, le Gouvernement, avec le concours de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA), s’emploie à redéployer les magistrats et autres professionnels du droit dans leurs juridictions, sur l’ensemble du territoire. Les trois cours d’appel ont progressivement repris leurs sessions et, en 2018 et 2019, des responsables des différents groupes rebelles reconnus coupables d’associations de malfaiteurs et d’assassinats ont été condamnés à de lourdes peines. Un mécanisme de justice transitionnelle a été adopté, qui s’appuie sur la mise en place de la Commission vérité, justice, réparation et réconciliation, née de la Stratégie globale pour la réconciliation nationale élaborée en 2014 par le Ministère de la réconciliation nationale, du dialogue politique et de la promotion de la culture civique. La Commission est l’un des piliers du processus de sortie durable des crises, de rétablissement de la paix, d’instauration d’une justice équitable et de réconciliation nationale. Elle est le fruit d’un long processus législatif et consultatif, qui a débouché, en février 2020, sur l’adoption de la loi portant sa création. Parallèlement, le Gouvernement a adopté un Code de justice militaire et pris des dispositions pour vérifier les antécédents, au regard des violations des droits de l’homme, des membres de groupes armés candidats à la réinsertion ou à l’intégration dans les Forces armées centrafricaines.

4.Afin de promouvoir et protéger les droits de l’homme, une nouvelle Constitution a été promulguée le 30 mars 2016. Elle consacre la séparation des pouvoirs et prône le respect des droits et des libertés individuelles. La protection et la promotion des droits de l’homme sont au cœur de la vision politique du Président de la République et constituent les axes prioritaires et stratégiques d’un document de politique nationale en cours d’élaboration. Une Commission nationale des droits de l’homme et des libertés fondamentales a été créée en 2017, dont le bureau exécutif est désormais opérationnel. Une réforme du service public pénitentiaire a été engagée afin d’instaurer un système carcéral démilitarisé, professionnel, respectueux des normes internationales et orienté vers la réinsertion sociale des détenus. Des travaux de rénovation et d’équipement des centres de détention ont permis d’humaniser les conditions de privation de liberté.

5.Le Gouvernement a élaboré et met en œuvre un programme de désarmement, démobilisation, réintégration et rapatriement (DDRR). Dans ce cadre, le 10 mai 2015, le Gouvernement de transition et les groupes armés ont signé l’Accord sur les principes de DDRR, qui précise les conditions de participation au programme et les modalités d’intégration des ex-combattants dans les Forces armées centrafricaines. Les premiers résultats obtenus sont satisfaisants puisque les 14 groupes qui ont adhéré au programme sont parvenus à un accord avec le Gouvernement en février 2019. Une stratégie de réforme du secteur de la sécurité (RSS) est menée dans le cadre du Plan national de relèvement et de consolidation de la paix. Elle a pour objectifs, dans une démarche inclusive, de sécuriser le territoire national et de restaurer l’administration, de protéger les personnes et les biens et d’assurer la gouvernance démocratique du secteur de la sécurité.

6.Le Gouvernement demeure convaincu que le respect des obligations relatives aux droits de l’homme et à l’état de droit et le renforcement de la démocratie jouent un rôle essentiel dans la prévention des conflits et le développement socioéconomique des États. C’est pourquoi il a tenu d’intenses discussions avec 14 groupes armés, qui ont permis d’aboutir à la signature, le 6 février 2019, de l’Accord politique pour la paix et la réconciliation en République centrafricaine (Accord de Khartoum). Cet accord repose sur le respect de la constitution et des institutions légitimes issues des élections, et la préservation de l’intégrité territoriale. La mise en œuvre de l’Accord a jusqu’à présent contribué à une légère baisse du nombre des violations des droits de l’homme et a facilité le redéploiement de l’administration publique ainsi que des forces armées et de sécurité dans les régions contrôlées par les groupes armés. Toutefois, si le Gouvernement a respecté la quasi-totalité des engagements pris dans le cadre de l’Accord, il constate que les progrès réalisés par les groupes armés au regard de leurs engagements restent timides, notamment en ce qui concerne le respect de la légitimité des institutions démocratiques, de l’ordre constitutionnel, de l’intégrité territoriale et de l’unicité de l’État, et le chef de l’État estime qu’il est temps d’appliquer les sanctions prévues en cas de violation des dispositions de l’Accord. En outre, plusieurs textes législatifs ont permis de moderniser le fonctionnement des institutions : un Code électoral, adopté en juillet 2019, et des lois sur le fonctionnement des collectivité territoriales, sur les partis politiques et le statut de l’opposition, et sur le statut des anciens chefs d’État, adoptées en février 2020.

7.M. Koita, observant qu’il s’est écoulé plus de quatorze années depuis la soumission du précédent rapport périodique de l’État partie, appelle ce dernier à respecter désormais la périodicité fixée pour la présentation des rapports et l’invite à adopter la procédure simplifiée mise en place par le Comité. En ce qui concerne le cadre constitutionnel et juridique de la mise en œuvre du Pacte, il constate que les dispositions du Pacte n’ont pas été pleinement transposées en droit interne, et invite l’État partie à poursuivre les campagnes d’information à la fois auprès de la population et des professionnels de la justice. Il demande où en est le processus de ratification du premier Protocole facultatif se rapportant au Pacte et s’il se heurte à des obstacles. Il prend note de la création de la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de la nomination de ses membres, mais relève que la Commission doit encore être renforcée par la désignation d’experts et une dotation financière suffisante. Il s’enquiert des moyens mis à la disposition de la Commission afin d’en garantir l’autonomie et le bon fonctionnement, conformément aux Principes de Paris.

8.L’Accord de paix devait mettre fin aux hostilités mais la MINUSCA observe que la violence perdure et signale le déplacement de 12 000 personnes et l’assassinat de 39 civils en mai 2019. M. Koita demande si ces actes ont fait l’objet d’enquêtes, si leurs auteurs ont été sanctionnés et si les victimes ont obtenu réparation. S’agissant de la lutte contre l’impunité, certaines informations laissant penser que plusieurs commandants rebelles responsables d’exactions et de violations des droits de l’homme auraient été nommés à des postes de haut niveau au sein du Gouvernement, en violation de l’article 21 de l’Accord et avec pour conséquence de rendre impossibles toutes poursuites judiciaires à leur encontre, M. Koita demande quelles mesures sont prises pour mettre fin à ces formes déguisées d’amnistie. Au sujet de la justice transitionnelle, il aimerait en savoir davantage sur l’état d’avancement du processus d’installation de la Commission vérité, justice, réparation et réconciliation. Il invite la délégation à indiquer si les organisations de la société civile ont été associées aux consultations menées par le Ministère de l’action humanitaire, qui semble s’opposer à la participation des membres du Comité de pilotage chargé d’encadrer la création de la Commission.

9.M me Pazartzis, relevant que l’État partie, dans ses réponses à la liste de points établie par le Comité, a dit n’avoir trouvé aucune trace dans les annales judiciaires de la communication présentée au Comité en 2007 par M. Mamour, s’enquiert des procédures et mécanismes mis en place par la République centrafricaine pour donner suite aux recommandations et constatations formulées par le Comité au sujet des communications qui lui sont soumises par des particuliers au titre du Protocole facultatif se rapportant au Pacte, auquel l’État est partie. Elle demande également quelles sont les mesures prises pour faire mieux connaître le Pacte aux autorités judiciaires et administratives et rendre plus effective l’application de ses dispositions. Elle prend acte de ce que la Cour pénale spéciale, créée en 2015 et chargée de juger les violations graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises en Centrafrique depuis 2003, est opérationnelle depuis quelques mois et a adopté une stratégie qui fait de la gravité des crimes commis le critère de priorité dans l’engagement des poursuites. Elle souhaiterait savoir si l’ensemble des juges internationaux ont été désignés, si la Cour dispose du personnel et des moyens nécessaires à la conduite d’enquêtes et de poursuites, et si le budget qui lui a été alloué lui permet de mener à bien ses travaux. Notant avec satisfaction que sept affaires sont en instance de jugement, elle prie la délégation de donner un aperçu global de l’activité de la Cour, et d’indiquer si celle‑ci est en mesure d’accorder une aide juridictionnelle aux justiciables et si l’adoption d’une loi de protection des victimes et des témoins est envisagée. Elle demande quels rapports la Cour pénale spéciale entretient avec les juridictions nationales, avec la Cour pénale internationale, qui est saisie de deux affaires concernant la République centrafricaine, ainsi qu’avec la Commission vérité, justice, réconciliation et réparation. Elle souhaite également savoir quelles sont les relations entre la Commission vérité et la Commission nationale d’enquête mise en place en 2013 pour enquêter sur les crimes et violations des droits de l’homme commis dans le pays depuis 2004.

10.M. Shany prend acte de ce que l’article 6 de la Constitution interdit plusieurs motifs de discrimination mais relève que ceux-ci sont en nombre limité et qu’il n’est pas certain que des motifs de discrimination tels que l’âge, l’orientation sexuelle ou le handicap, qui sont prohibés par le Pacte, le soient également par la Constitution. Si l’article 222 du Code du travail interdit toute discrimination fondée sur l’âge, la République centrafricaine ne s’est pas dotée d’une loi générale interdisant toute forme de discrimination dans la sphère privée ou dans le domaine public et prévoyant des recours pour les victimes. M. Shany souhaiterait connaître les mesures envisagées par l’État partie pour remédier à cette situation, d’autant que ce point a déjà été soulevé en 2018 par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels (E/C.12/CAF/CO/1), et demande un complément d’information sur la législation relative aux personnes handicapées. Il salue l’adoption de la loi instituant la parité entre les hommes et les femmes et la création de l’Observatoire national de parité hommes/femmes et demande en quoi ces mesures ont permis de favoriser concrètement l’égalité entre les sexes. Il relève que l’article 252 du Code du travail semble établir une discrimination à l’égard des femmes et prie la délégation d’expliquer ce qu’il faut entendre par « emploi au-dessus des forces de la femme ». Il demande également à la délégation de fournir des données ventilées selon le sexe et l’appartenance religieuse concernant les juges centrafricains nommés à la Cour pénale spéciale. Il salue l’adoption par cette cour d’une stratégie de poursuite tenant compte des questions de genre et souhaite savoir comment cette stratégie est mise en pratique. Relevant des écarts importants entre la représentation des hommes et celle des femmes dans la vie politique, il prie la délégation d’indiquer dans quelle mesure le Gouvernement accepte que des pratiques culturelles ou des traditions limitent de facto la participation des femmes à la vie publique et ce qui est envisagé pour remédier à cette situation. Il demande également en quoi consistent les dispositions du nouveau Code électoral qui visent à promouvoir la parité des sexes dans les fonctions électives.

11.Rappelant que le Comité est conscient que la République centrafricaine est confrontée à de graves problèmes de sécurité qui limitent sa capacité à offrir des soins de santé à l’échelle nationale et à disposer de professionnels de la santé en nombre suffisant, il prie la délégation d’indiquer les mesures prises pour pallier ce manque, éventuellement avec l’aide de la communauté internationale. Également préoccupé par le faible taux de couverture vaccinale, il souhaiterait savoir de quelle manière un pays en développement peut faire face à une urgence de santé publique telle que celle provoquée, par exemple, par la propagation récente du coronavirus. Il s’inquiète en outre de ce que le Code pénal punit sévèrement l’interruption volontaire de grossesse et la soumet à des conditions très strictes, notamment un délai maximum de huit semaines après la conception et l’obtention de l’autorisation d’un collège de médecins dans certains cas ; cette situation peut inciter les femmes à avorter dans la clandestinité et peut expliquer les taux élevés de mortalité maternelle et infantile. M. Shany souhaite savoir si l’État partie envisage de modifier sa législation en la matière.

12.M. Santos Pais s’enquiert du stade d’avancement du projet de révision des dispositions du Code de la famille relatives à la polygamie ; il demande s’il est prévu d’abolir la polygamie et si des mesures autres que l’organisation de séminaires et d’ateliers de réflexion ont été prises pour sensibiliser la population à cette question. Il fait observer que les pratiques traditionnelles telles que les mutilations génitales féminines sont réprimées par le Code pénal et que l’excision est interdite depuis 1966, et souhaite savoir si, ces dernières années, des poursuites ont été engagées et des condamnations prononcées dans des affaires de cette nature. Il demande également si l’adoption de la loi portant protection de la femme contre les violences et la création de l’Unité mixte d’intervention rapide et de répression des violences faites aux femmes et aux enfants ont débouché sur des résultats concrets en matière de prévention ou de répression des mutilations génitales féminines. Il souhaiterait aussi savoir si cette unité mixte collabore avec la Cour pénale spéciale. Étant donné que très peu de victimes de mutilations génitales féminines portent plainte, il s’enquiert des mesures envisagées pour faciliter le dépôt de plainte ainsi que de la formation dispensée aux représentants du pouvoir judiciaire et aux membres des forces de police pour donner suite à ces plaintes. Il demande en outre ce qui est fait pour réduire le nombre de mariages précoces, voire éliminer ce phénomène, et quels effets a eus à cet égard la mise en œuvre du Plan national de transition visant à favoriser et reconstruire un système éducatif de base et du Plan national de relèvement et de consolidation de la paix. Il demande également si des cas de mariage précoce donnent lieu à des poursuites, s’il est envisagé de réviser l’article 105 du Code pénal, qui permet à l’auteur d’un rapt ou d’un enlèvement d’épouser sa victime mineure, mettant celle-ci, en tant qu’épouse, dans l’impossibilité de porter plainte contre son mari, et s’il est prévu de fixer l’âge légal du mariage à 18 ans pour les femmes comme pour les hommes. Il prie en outre la délégation de donner un aperçu des principaux résultats obtenus suite à l’adoption de la loi portant protection de la femme contre les violences, d’indiquer les principaux objectifs atteints grâce aux stratégies nationales de promotion du genre et de lutte contre les violences basées sur le genre et de fournir des exemples de condamnations prononcées pour viol, notamment pour viol conjugal, ou pour violences sexuelles commises sur des hommes, des femmes ou des enfants.

13.M. Quezada Cabrera note que, dans la pratique, la peine de mort a été remplacée par la réclusion à perpétuité et qu’elle n’est pas prévue par le nouveau Code de justice militaire adopté en 2017. Il fait observer que l’État partie n’a donné aucune date approximative pour ce qui est de l’abolition officielle de la peine de mort, qui figure encore dans le Code pénal, mais a précisé qu’il serait nécessaire de sensibiliser la population à cette abolition. Il prie la délégation d’indiquer si cette campagne de sensibilisation à l’abolition de la peine de mort a débuté, en quoi elle consiste précisément et si ce processus s’inscrit dans le cadre de l’adhésion de la République centrafricaine au deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort.

14.M. Quezada Cabrerademande de quelle manière les unités spéciales de sécurité vont effectivement contribuer à garantir la sécurité de la population civile, si ces unités sont déjà en activité et, le cas échéant, quels effets a leur action. Il souhaiterait des informations concrètes sur les éventuelles avancées des enquêtes de la Cour pénale spéciale sur les graves attaques perpétrées contre les populations civiles, notamment à Bria et Alindao. Ilaimerait savoir s’il est prévu d’aligner le Code pénal et le Code de procédure pénale sur le règlement de la Cour pénale spéciale pour ce qui est des dispositions relatives à la torture, et s’il est prévu de faire figurer une définition de la torture dans le Code pénal et de rendre ce crime imprescriptible. Il s’enquiert des mesures spécifiques prises pour prévenir et punir les actes de torture, et pour interdire l’utilisation d’aveux obtenus par la torture dans les procédures judiciaires, et demande s’il est prévu d’introduire une disposition en ce sens dans le Code de procédure pénale. Il prie enfin la délégation de donner des informations complémentaires sur les mesures de renforcement des capacités des forces de sécurité, et d’indiquer en particulier si elles s’inspirent des normes internationales (notamment le Protocole d’Istanbul) et s’il existe des formations obligatoires, et le cas échéant à l’intention de quels agents.

15.M. Quezada Cabrera demande à la délégation de donner des informations actualisées sur le Code de la famille, notamment au sujet de l’interdiction des châtiments corporels sur les enfants dans tous les contextes. La délégation pourra en outre préciser quelle est la structure de la commission spéciale chargée de réviser le Code pénal, et indiquer si des représentants de la société civile en font partie. Elle pourra enfin dire si les consultations initialement prévues dans le cadre de la réforme du Code de la famille ont eu lieu, et, dans l’affirmative, quels en ont été les résultats.

La séance est suspendue à 16 h 30 ; elle est reprise à 17 h 5.

16.M. Ngbeng Mokoue (République centrafricaine) confirme que la loi de finances de 2019 a alloué un budget à la Commission nationale des droits de l’homme. Cependant, en raison de lacunes dans les textes applicables (par exemple au sujet de la rémunération des membres de la Commission), l’utilisation effective du budget et donc le lancement des activités de la Commission ont pris du retard. Si l’Accord de Khartoum est appliqué, la Commission nationale des droits de l’homme aura des représentations dans les sept régions du pays. L’indépendance de la Commission est consacrée par les textes et la Commission n’est soumise à aucune tutelle. En outre, elle comprend des membres de la société civile, notamment des avocats et des professeurs. La Commission nationale des droits de l’homme s’acquittera de sa tâche et il n’y aura pas d’amnistie pour les chefs des groupes armés. Le Gouvernement rencontre de grandes difficultés pour accéder aux zones contrôlées par les groupes armés, et, partant, pour faire cesser les actes de violence, ce qui ne veut pas dire qu’il n’a pas l’intention de poursuivre et de punir les auteurs de violations des droits de l’homme. La Cour pénale spéciale poursuit ses enquêtes et, le moment venu, les auteurs de violations devront répondre de leurs actes. M. Ngbeng Mokoue rappelle que la loi relative à la Commission vérité, justice, réparation et réconciliation a été adoptée le 27 février 2020, et confirme que la société civile participe à la mise en place de cette commission.

17.La Cour pénale spéciale a instruit sept dossiers, qui sont en instance de jugement. Tous les juges internationaux de la Cour ont été nommés, mais certains n’ont pas encore pris leurs fonctions. Un budget a bien été alloué à la Cour pénale spéciale. Il est financé par la communauté internationale et certaines des contributions promises n’ont pas été versées. Les juges de la Cour sont indépendants et ne communiquent pas les résultats des enquêtes en cours au Gouvernement. Une première audience de la Cour pénale spéciale aura lieu prochainement.

18.M. Samba (République centrafricaine) rappelle que l’État partie est confronté à une grave crise et que la priorité du Gouvernement est la sécurité ; ce qui ne signifie pas pour autant qu’il ne reconnaît pas l’importance des autres questions soulevées par les membres du Comité. Le Gouvernement espère bien pouvoir agir sur toutes ces questions à l’avenir.

19.M. Ngbeng Mokoue (République centrafricaine) dit qu’aucun fait concernant le général Mamour n’a été porté à la connaissance de la justice et ajoute que celui-ci exerce aujourd’hui de hautes fonctions au sein de l’État. S’agissant de la peine de mort, le Gouvernement a la volonté de l’abolir mais la situation actuelle dans le pays ne s’y prête malheureusement pas. La population, qui endure de grandes souffrances, n’est pas prête pour une telle réforme. Il faudra du temps et des campagnes de sensibilisation pour préparer la population à l’abolition de la peine capitale.

20.M. Ngbeng Mokoue dit que la sorcellerie n’est pas définie dans le Code pénal et que des discussions sont en cours pour définir les éléments constitutifs de cette infraction. En outre, le Gouvernement n’étant pas en mesure d’exercer pleinement son autorité sur le territoire national, il est difficile de sensibiliser la population à cette question.

21.M. Samba (République centrafricaine) précise que le Gouvernement centrafricain ne cautionne pas la répression des actes de sorcellerie par la justice populaire, qui consiste en des lynchages.

22.M me  Sancin rappelle qu’aux termes de l’article 40 de l’Accord politique pour la paix et la réconciliation en République centrafricaine, l’État partie s’est engagé à « [c]ombattre toute incitation à la haine et protéger toutes les minorités à travers la mise en œuvre effective du Plan national pour la prévention de l’incitation à la haine et à la violence ». Elle demande quelles mesures ont été prises pour mettre en œuvre ce plan national.

23.M me  Pazartzis, jugeant les réponses de la délégation elliptiques, demande de nouveau comment interagissent les différents mécanismes que sont la Cour pénale spéciale, les tribunaux, les cours d’appel, la Commission vérité, justice, réparation et réconciliation et la Cour pénale internationale. Prenant acte de ce que le Gouvernement de l’État partie contrôle seulement 20 % du territoire national, elle demande comment une protection effective des droits de l’homme peut être assurée et comment toutes les parties prenantes peuvent être engagées à respecter leurs obligations dans ce domaine.

24.M. Koita s’étonne que la Commission nationale des droits de l’homme, maintenant dotée d’un mandat et de moyens, n’ait pas encore effectué de visites dans des lieux de détention, ne serait-ce qu’à Bangui, d’autant que la MINUSCA est disposée à l’aider dans cette tâche. Il invite la délégation à apporter des éclaircissements sur ce point. Il s’étonne aussi qu’aucune mention n’ait été faite de l’invocation du Pacte devant les tribunaux de l’État partie.

25.M. Shany prend note des dispositions du Code électoral devant favoriser la participation des femmes à la vie publique et politique, mais constate que la polygamie perdure et que, selon certaines informations reçues par le Comité, les femmes, faute d’être reconnues comme chef de famille, n’ont pas accès aux prestations familiales. Il demande quelles mesures l’État partie a prises pour lutter contre cette conception stéréotypée du rôle de la femme dans la société et invite la délégation à apporter des précisions sur le cadre juridique régissant l’interruption volontaire de grossesse.

26.M. Santos Pais demande si des tribunaux, notamment à Bangui, ont été saisis d’affaires de mutilations génitales féminines et de violence faite aux femmes. Il souhaiterait savoir comment les femmes victimes de mutilations génitales ou de violence fondée sur le genre peuvent porter plainte et, en particulier, si la procédure de dépôt de plainte est facilitée et si les magistrats reçoivent une formation spécifique pour le traitement d’affaires de ce genre. Il demande où en est la rédaction du Code de la famille, qui pourrait contribuer sensiblement à l’égalité entre hommes et femmes. Il invite la délégation à s’exprimer sur l’impossibilité pour une femme qui a été enlevée et mariée à l’auteur de son enlèvement de porter plainte et demande si l’âge minimum du mariage, fixé à 18 ans, est respecté dans la pratique ou s’il existe encore des cas de mariage précoce et de mariage forcé.

27.M. Ben Achour dit que l’application effective des droits de l’homme ne peut se faire dans un État affaibli, qui ne contrôle pas la totalité de son territoire, comme c’est le cas de la République centrafricaine. Il constate toutefois que des accords de paix ont été conclus et qu’un espoir est donc possible. Dans ce contexte, il demande comment les autorités centrafricaines envisagent l’avenir et quelles sont leurs perspectives de restaurer l’unité et l’autorité de l’État. Il s’enquiert des mesures politiques et juridiques qui permettront, petit à petit, de rétablir les conditions nécessaires à la protection et à l’exercice des droits de l’homme dans le pays.

28.M. Quezada Cabrera demande si l’État partie a engagé la campagne de sensibilisation de la population qui, selon ses réponses écrites, constitue la condition préalable à l’adoption d’une loi portant abolition de la peine de mort, et, dans l’affirmative, invite la délégation à préciser où en est cette campagne et à quels résultats elle a déjà abouti. Il indique que trois soldats de la République démocratique du Congo appartenant aux forces de maintien de la paix en République centrafricaine ont été jugés par les autorités judiciaires de leur pays et reconnus coupables de l’exécution sommaire des 13 personnes dont les restes ont été découverts dans une fosse commune, à Boali, en 2016. Bien que leurs actes aient été qualifiés de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, ces soldats n’ont été condamnés qu’à une peine de trois ans de prison avec sursis et sont actuellement en liberté. À la lecture des réponses écrites fournies par l’État partie, M. Quezada Cabrera croit comprendre que la Cour pénale spéciale enquête également sur ces faits. Il demande ce qu’il en est, et, dans le cas où une enquête a bien été ouverte, quels en sont les premiers résultats. Il signale qu’un rapport médico-légal, établi par l’Institut des droits de l’homme de l’Université de Columbia et une équipe argentine d’anthropologie médico‑légale, a été remis au juge d’instruction centrafricain, à la demande des autorités judiciaires congolaises. Il demande si les proches des victimes pourront bientôt avoir accès à ce rapport et aux résultats des enquêtes.

29.M. Samba (République centrafricaine) remercie M. Ben Achour d’avoir si bien rendu compte des préoccupations de la République centrafricaine. De fait, la restauration de l’État est la clef de voûte de tout le système de protection et d’exercice des droits de l’homme, et, pour l’heure, la priorité absolue des autorités centrafricaines est d’assurer la sécurité de la population.

30.Le Président invite la délégation à répondre au moins aux questions sur le cadre juridique et l’avenir du pays à la séance suivante.

La séance est levée à 17 h 55.