NATIONS

UNIES

CCPR

Pacte international

relatif aux droits civils

et politiques

Distr.

GÉNÉRALE

CCPR/C/SR.1935

7 septembre 2001

Original : FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME

Soixante-douzième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1935e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,

le vendredi 13 juillet 2001, à 10 heures

Président : M. Bhagwati

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE ( suite)

Rapport initial de la Principauté de Monaco

_______________

Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l’une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également incorporées à un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d’édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications aux comptes rendus des séances publiques du Comité seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la session.

GE.01-43462 (F) 170701 070901

La séance est ouverte à 10 h 5.

Examen des rapports présentés par les états parties conformément à l’ARTICLE 40 du pacte (point 4 de l’ordre du jour) (suite)

Rapport initial de la Principauté de Monaco (CCPR/C/MCO/99/1; CCPR/C/72/L/MCO)

1.Sur l’invitation du Président, M. Fautrier, M. Sacotte et M. Bertani (Principauté de Monaco) prennent place à la table du Comité.

2.Le Président souhaite la bienvenue à la délégation monégasque et invite son chef à faire une déclaration liminaire.

3.M. Fautrier (Principauté de Monaco), présentant le rapport initial (CCPR/C/MCO/99/1) rappelle que la Principauté de Monaco est devenue membre de l’Organisation des Nations Unies en 1993 et est le plus petit État Membre de l’Organisation par la superficie. En 10 ans, elle a adhéré à cinq instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, à savoir la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (1991), la Convention relative aux droits de l’enfant (1993), la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (1995), le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (1997) et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (1997).

4.Le président remercie M. Fautrier de son introduction et invite la délégation monégasque à répondre aux questions 1 à 11 de la Liste des points à traiter, qui se lisent comme suit:

«I. QUESTIONS D’ORDRE GÉNÉRAL

Cadre constitutionnel; conditions de la mise en oeuvre des dispositions du Pacte

1.Est-ce que l’État partie envisage de réduire le nombre des réserves qu’il a émises lors de la ratification du Pacte? Quelle est la place qu’occupe le Pacte dans la hiérarchie des normes juridiques monégasques?

2.Est-ce que l’État partie a créé, ou envisage de créer, une commission nationale des droits de l’homme? Au cas où une telle commission aurait été créée, quelle est sa composition, et quelles sont ses compétences (voir le paragraphe 30 du rapport)?

3.L’État partie envisage-t-il la ratification du Protocole facultatif se rapportant au Pacte?

II. QUESTIONS SPÉCIFIQUES RELATIVES AUX ARTICLES DU PACTE

Articles 3, 6, 23, 24 et 26 du Pacte

4.Dans quelle mesure la législation relative à l’égalité entre les sexes a-t-elle permis d’assurer une participation accrue et plus active des femmes à la vie politique, ainsi qu’une meilleure représentation des femmes dans les institutions publiques et dans les diverses professions (voir notamment le paragraphe 61 du rapport)?

5.Quels sont les droits des femmes en matière de succession?

6.Existe-t-il des dispositions législatives spécifiques permettant de combattre la violence contre les femmes? Veuillez fournir des statistiques relatives à la violence contre les femmes, notamment la violence conjugale.

7.Pourquoi les femmes sont–elles exclues du droit de transmettre la nationalité monégasque à leurs enfants? Comment cette pratique est-elle compatible avec l’article 26 du Pacte?

8.Veuillez donner des renseignements sur toute différence de traitement entre les enfants nés d’un mariage et les enfants nés hors d’un mariage.

9.Veuillez préciser les incidences réelles de la notion de “mari chef de famille”, ainsi que de l’observation que “le droit monégasque de la famille privilégie donc encore le mari”, et leur compatibilité avec les articles 3 et 23.4 du Pacte (voir les paragraphes 169 et 171 du rapport).

10.Veuillez également préciser, au regard des articles 3 et 23.4, les effets de la dissolution du mariage.

11.La discrimination raciale est-elle interdite par la loi? Veuillez donner des renseignements sur l’existence, en fait, de toute discrimination fondée sur la race.»

5.M. FAUTRIER (Principauté de Monaco), répondant à la première question, précise que la ratification du Pacte s’est accompagnée de six déclarations interprétatives et d’une seule réserve. Il n’est pas envisagé pour l’instant de les modifier. La réserve, qui porte sur l’article 25 du Pacte, n’est motivée que par le souci de tenir compte des dispositions résultant d’accords avec la France en ce qui concerne les emplois publics. En effet, certains postes de la fonction publique sont occupés par des fonctionnaires français. Il est évident que l’évolution que connaissent certains domaines comme le droit du travail et l’audiovisuel va conduire la Principauté à envisager un réexamen de certaines de ses déclarations. Elle a engagé un processus d’adhésion au Conseil de l’Europe, dans le cadre duquel, un certain nombre de modifications vont devoir être apportées à la législation, en particulier en ce qui concerne la motivation des actes administratifs: les déclarations seront donc revues. La déclaration No 3, qui porte sur l’absence du double degré de juridiction dans certaines conditions, semble avoir été rédigée de façon inadéquate puisque la référence qui y est faite au seul degré de juridiction du tribunal de simple police n’est pas pertinente en matière pénale, les décisions de ce tribunal pouvant faire l’objet d’appels. Seules les décisions du tribunal criminel ne peuvent faire l’objet d’appels. En ce qui concerne la place du Pacte dans la hiérarchie des normes juridiques monégasques, il convient de préciser que, comme tout instrument juridique international, le Pacte a une autorité supérieure à la loi interne, la Constitution demeurant la norme juridique suprême.

6.Répondant à la deuxième question de la liste, M. Fautrier indique que la création d’une commission des droits de l’homme n’est pas envisagée pour le moment. Il convient de rappeler que la Principauté est une ville-État de 195 hectares et 35 000 habitants. Certains structures indispensables dans des pays plus vastes ou plus peuplés n’ont pas vraiment de raison d’exister à Monaco. Les institutions fonctionnent sous le contrôle permanent de la population et ce système paraît suffisant pour garantir un fonctionnement approprié des institutions et le respect de principes fondamentaux des droits de l’homme.

7.En ce qui concerne le troisième point, M. Fautrier dit qu’il n’est pas encore prévu de ratifier le Protocole facultatif car il faut auparavant étudier de manière approfondie le fonctionnement des autres mécanismes de recours individuel existant dans le cadre d’organisations régionales. Le processus d’adhésion au Conseil de l’Europe devrait être mené à terme au cours de 2002. La Principauté de Monaco se familiarisera d’abord avec les mécanismes du Conseil de l’Europe en matière de recours individuel puis pourra, lorsqu’elle aura acquis une certaine expérience, envisager la ratification du Protocole facultatif. Elle a déjà adhéré au deuxième Protocole facultatif visant à abolir la peine de mort, ce qui était purement formel puisque la peine capitale a été abolie à Monaco en 1962.

8.En ce qui concerne la quatrième question, qui porte sur l’égalité entre les hommes et les femmes, M. Fautrier souligne que le droit monégasque n’établit aucune discrimination à l’égard des femmes. À l’heure actuelle, quatre des dix-huit parlementaires et quatre des quinze membres de l’Assemblée communale sont des femmes et le maire de Monaco est une femme. Il n’y a pas encore de femme au gouvernement mais les femmes sont très largement représentées à tous les niveaux de la magistrature et de l’administration. Dans le secteur privé la situation est variable mais la législation impose l’égalité en matière de salaire et d’avantages sociaux. Entre 1990 et 2000, le nombre de femmes chefs d’entreprises a augmenté de 92 %, celui des femmes exerçant une profession libérale de 34 % et celui des femmes cadres supérieurs de 38 %, alors que la population active féminine dans son ensemble est restée relativement stable. Monaco n’a pas encore adhéré à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. La Principauté a des moyens humains limités et n’a pas pu accorder l’attention voulue à cet instrument, étant donné qu’elle a dû intégrer à son droit interne de nombreux instruments internationaux depuis son adhésion à l’Organisation des Nations Unies, en 1993.

9.M. SACOTTE (Monaco), répondant à la cinquième question, précise que les femmes ont exactement les mêmes droits que les hommes en matière de succession. Le conjoint survivant, qu’il s’agisse de l’époux ou de l’épouse, est héritier réservataire.

10.En ce qui concerne la violence contre les femmes, le Code pénal ne fait aucune distinction selon que la victime est un homme ou une femme, y compris pour les viols et les agressions sexuelles, qui concernent tout particulièrement les femmes. Le seul domaine où les femmes sont spécialement protégées par le Code pénal est la prostitution et il serait peut-être utile de revoir les textes de manière à protéger également les hommes. Les mineurs, filles ou garçons, sont spécialement protégés. En 2000, la police a recensé 22 actes de violence commis à l’encontre de femmes et 15 cas de violence conjugale.

11.M. FAUTRIER (Monaco), répondant à la question portant sur la transmission de la nationalité, dit qu’en vertu de la loi du 18 décembre 1992, la transmission par la mère est possible à deux conditions: l’enfant est monégasque s’il est né d’une mère elle-même née monégasque et qui a toujours cette nationalité à la naissance de l’enfant ou s’il est né d’une mère monégasque dont l’un des ascendants était lui-même monégasque. Le Conseil national est saisi d’un projet de loi visant à modifier ce texte et à établir une stricte égalité. Ce projet, qui n’a pu être voté en juin 2001 en raison de l’ordre du jour très chargé du Conseil, sera voté à la session d’automne.

12.M. SACOTTE (Monaco), répondant à la huitième question, explique qu’en vertu de la loi du 21 novembre 1985, l’enfant né hors mariage a, dans ses rapports non patrimoniaux avec ses père et mère, les mêmes droits et devoirs que l’enfant légitime. En matière successorale, les descendants légitimes et naturels sont placés à égalité en vertu de l’article 627 du Code civil. L’enfant naturel reconnu simultanément par ses deux parents porte le nom de son père. S’il n’est reconnu que par sa mère, il porte le nom de celle-ci. En cas de reconnaissance simultanée, le père exerce la puissance paternelle comme dans la famille légitime. Malgré une amélioration de leur situation depuis la loi de 1985, les enfants incestueux et adultérins demeurent dans une position d’infériorité par rapport aux enfants légitimes ou naturels.

13.La notion de «mari chef de famille» consacrée par l’alinéa premier de l’article 182 du Code civil est immédiatement limitée par ce même article, puisqu’il est précisé que la fonction n’est exercée que dans l’intérêt commun du ménage et des enfants. L’article 183 dispose que chaque époux a la pleine capacité. À ce propos, il convient de rappeler que le régime matrimonial légal est celui de la séparation des biens. Les époux ont les mêmes devoirs. Le juge tutélaire peut intervenir dans tous les cas où les intérêts de la famille sont mis en danger par l’un des époux. Le seul pouvoir réel reconnu au mari est celui de choisir le domicile de la famille, où l’épouse est tenue de le suivre (art. 187). En cas de danger moral ou physique pour la famille, le juge peut autoriser l’épouse et les enfants à fixer leur domicile ailleurs. Le privilège accordé au mari en tant que chef de famille est donc extrêmement réduit et ne semble pas constituer une atteinte grave aux dispositions du Pacte. La Commission de mise à jour des codes a élaboré un projet de texte modifiant le Code civil et le Code de procédure civile, qui fait disparaître toutes les inégalités juridiques entre les époux, y compris à l’égard de leurs enfants. Il est actuellement examiné par le Gouvernement et sera ensuite transmis au Conseil national.

14.En ce qui concerne les effets de la dissolution du mariage, il faut savoir que la loi monégasque ne reconnaît pas le divorce par consentement mutuel, mais uniquement le divorce pour faute. Le juge ne peut prononcer le divorce que pour un certain nombre de causes énumérées aux articles 197 et 198 du Code civil: l’adultère, les excès, sévices ou injures graves, la condamnation pénale du conjoint sanctionnant une action qui rend intolérable le maintien du lien conjugal, ou la maladie de l’un des époux dont la gravité ou la durée est de nature à compromettre dangereusement la sécurité ou la santé du conjoint ou des enfants nés ou à naître. En réalité, ce sont toujours les deux premiers cas qui sont retenus. Les «excès, sévices ou injures graves» sont interprétés de manière très large. Les conditions légales du divorce et ses conséquences sont identiques pour chacun des conjoints. L’époux au profit duquel le divorce est prononcé peut se voir accorder une pension alimentaire et des dommages-intérêts. L’article 206, paragraphe 20 du Code civil prévoit que le père et la mère conservent le droit de surveiller l’entretien et l’éducation de leurs enfants et sont tenus d’y participer en fonction de leurs ressources. Les tribunaux sont souvent saisis pour des difficultés ultérieures concernant l’exercice du droit de garde des enfants, le droit de visite et le paiement des pensions alimentaires.

15.L’interdiction de toute discrimination raciale (point 11) résulte du principe d’égalité devant la loi qui est proclamé par les articles 17 et 32 de la Constitution. Les termes mêmes de discrimination raciale ne figurent pas dans la loi monégasque. Le Gouvernement étudie actuellement la possibilité d’incriminer de façon spécifique la discrimination fondée sur la race, ou encore le sexe afin de faciliter l’application des dispositions de l’article 2 du Pacte et des dispositions des autres instruments auxquels Monaco a adhéré ou envisage d’adhérer. Aucun acte de discrimination fondée sur la race n’a fait l’objet d’une plainte devant les autorités monégasques, ce qui ne signifie pas qu’il n’y ait pas de discrimination; simplement une intervention de la police n’a jamais été nécessaire.

16.Le président remercie la délégation monégasque de ses réponses et invite les membres du Comité à poser oralement des questions complémentaires.

17.M. AMOR note que, si le rapport contient de nombreux renseignements sur la législation monégasque, il n’est toutefois guère éclairant sur son application, la pratique administrative et la jurisprudence des tribunaux. L’analyse de la réserve et des déclarations interprétatives dont a été assortie la ratification du Pacte laisse perplexe et on peut se demander si elles prennent bien en compte le but et l’objet de l’instrument. En outre, même certains droits qui ne sont pas visés par la réserve ou une déclaration interprétative ne sont pas dûment inscrits dans la législation nationale. M. Amor s’interroge par conséquent sur l’importance du Pacte pour les autorités monégasques et rappelle que les traités internationaux auxquels l’État est partie ont une valeur supralégislative et infraconstitutionnelle. Il n’ignore pas toutefois que le Pacte énonce certains principes qui vont parfois plus loin que les législations nationales, y compris constitutionnelles, ce qui peut poser des problèmes de compatibilité entre le Pacte et le droit interne des États parties. Pour ce qui est de l’applicabilité des dispositions du Pacte, M. Amor relève que ces dispositions peuvent être invoquées devant les autorités administratives ou judiciaires de Monaco, mais que des ordonnances sont parfois nécessaires pour leur application et demande si le cas s’est déjà produit. Pour rendre leur décision dans une affaire de violation des droits de l’homme, les juges peuvent‑ils invoquer directement le Pacte ou doivent‑ils se référer à l’ordonnance souveraine pertinente?

18.En ce qui concerne les mécanismes de protection des droits de l’homme, les autorités monégasques considèrent qu’il n’est pas utile de mettre en place des institutions spéciales chargées de veiller au respect de ces droits compte tenu de la dimension du territoire et du petit nombre d’habitants. Cela étant, il est dit dans le rapport que le respect des droits de l’homme est garanti notamment par l’organisation hiérarchique de l’administration. On peut s’interroger sur le bien‑fondé d’un tel principe compte tenu du fait que les violations des droits de l’homme, dans le monde en général, sont souvent commises par des agents de l’administration, qui ne sont pas uniquement les forces de police. En outre, il arrive que l’administration ne soit même pas tenue de motiver ses décisions, notamment en matière d’expulsion. Ainsi, on voit mal comment l’organisation hiérarchique de l’administration permet d’assurer le respect des droits de l’homme, et cette situation pourrait poser des problèmes de compatibilité avec le Pacte. Il serait intéressant à ce sujet d’examiner la jurisprudence administrative, qui paraît fondée sur le principe d’une préférence monégasque. La lecture du rapport laisse à penser qu’il y a d’un côté les droits des nationaux et d’un autre côté, et en quelque sorte subsidiairement, les droits des autres, à l’égard desquels il semble exister une certaine méfiance. La préférence accordée aux nationaux paraît excessive et n’est pas sans soulever des questions au regard du Pacte.

19.Enfin, concernant le statut et la condition de la femme à Monaco, un certain nombre d’inégalités demeurent entre les hommes et les femmes, qui conduisent à penser que le droit monégasque est en retrait par rapport à la législation de bien d’autres pays. Il n’est pas sans rappeler le droit français d’il y a quelques décennies. La législation monégasque relative à la condition de la femme peut être comparée à certains égards à celle d’États qui ont été vivement critiqués par le Comité parce qu’ils maintenaient les femmes dans une condition d’infériorité par rapport aux hommes. M. Amor souhaiterait des renseignements plus précis sur l’emploi des femmes dans les secteurs public et privé. Enfin, il voudrait savoir si les autorités monégasques envisagent de modifier la législation relative à l’avortement, comme l’ont fait plusieurs États voisins.

20M. HENKIN rappelle que les droits énoncés dans le Pacte sont des droits individuels et qu’il est important de prévoir un mécanisme de recours pour les particuliers qui s’estimeraient victimes d’une violation de l’un ou l’autre d’entre eux. En outre, certains droits consacrés par le Pacte ne le sont pas nécessairement par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et la procédure prévue au titre de cette convention pourrait par conséquent se révéler insuffisante. Enfin, s’agissant de la discrimination à l’égard des femmes, Monaco n’a pas encore adhéré à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Pour toutes ces raisons, il est essentiel que l’État partie adhère au Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

21.Si les textes législatifs sont très importants, la situation concrète ne l’est pas moins, et M. Henkin souhaiterait de plus amples informations concernant un certain nombre de points. Il voudrait savoir en particulier s’il existe une définition officielle de la violence entre époux, si ce genre de violences fait l’objet de mesures de prévention et de répression et si la police intervient dans ce type de cas. Il voudrait notamment savoir ce qu’il en est, dans les textes et dans la pratique, du viol conjugal. Pour ce qui est de la question de la dissolution du mariage, la législation monégasque prévoit encore le divorce pour faute, contrairement à celle de bon nombre de pays qui retiennent aujourd’hui le principe du divorce par consentement mutuel. De plus, sachant que la notion d’adultère renvoie en général uniquement à l’adultère pratiqué par la femme, M. Henkin souhaiterait savoir ce qu’il en est à Monaco et si les autorités envisagent d’adopter le principe du divorce par consentement mutuel.

22.Enfin, en ce qui concerne la discrimination raciale, elle ne fait pas l’objet de dispositions législatives particulières. Pour déterminer si cette situation est satisfaisante au regard du Pacte, il conviendrait de connaître la composition raciale de la population permanente de Monaco.

23Mme CHANET relève que le rapport est court et les compléments d’information apportés oralement par la délégation monégasque sont par conséquent très utiles au Comité. Deux aspects restent préoccupants: la question de la réserve et des déclarations interprétatives dont a été assortie la ratification du Pacte d’une part, et le statut de la femme mariée et des enfants nés hors mariage d’autre part. La réserve et les déclarations interprétatives portent sur un très grand nombre de droits et certaines paraissent désuètes compte tenu de l’évolution de la législation mais aussi des réalités du monde actuel. C’est le cas en particulier de la déclaration concernant l’article 19 du Pacte et le régime de monopole des entreprises de radio et de télédiffusion. La déclaration interprétative sur l’article 26 du Pacte, qui équivaut de fait à une réserve, concerne les emplois publics et privés réservés aux nationaux et est d’une portée si vaste qu’elle ne parait guère compatible avec l’Observation générale no 24 du Comité. Par ailleurs, Mme Chanet s’interroge sur le respect de la liberté d’association, la teneur du paragraphe 50 du rapport lui paraîssant contradictoire à ce sujet avec ce qui est dit au paragraphe 159. Pour bien comprendre la différence de traitement entre nationaux et étrangers dans ce domaine, il conviendrait de connaître le régime juridique applicable aux associations des uns et des autres.

24.L’article 9 de la Constitution prévoit que la religion catholique est religion d’État, et Mme Chanet voudrait connaître l’incidence de cette disposition constitutionnelle sur les institutions monégasques.

25.En ce qui concerne l’avortement, dont il est question au paragraphe 70 du rapport, les dispositions pertinentes du Code pénal ont‑elles déjà été appliquées et continuent‑elles de l’être? Peut‑être existe‑t‑il des cas d’urgence dans lesquels une femme n’a pas la possibilité de se rendre à l’étranger pour obtenir une interruption de grossesse et le fait à Monaco? Mme Chanet souhaiterait de plus amples informations sur tous ces points.

26.Enfin, en ce qui concerne la situation de la femme mariée, la législation paraît désuète, mais la délégation monégasque a indiqué que de nouveaux projets de loi prévoyaient l’égalité de droits entre hommes et femmes dans le mariage. Mme Chanet espère que l’évolution législative assurera pleinement cette égalité, faute de quoi la situation pourrait poser des problèmes au regard du Pacte. Pour ce qui est des enfants nés hors mariage, la délégation a longuement évoqué l’égalité presque complète entre enfants naturels et enfants légitimes, mais n’a guère traité de la situation des enfants adultérins dont à l’évidence le statut n’est pas conforme au Pacte. Les enfants adultérins sont victimes d’une discrimination, comme c’était d’ailleurs le cas en France il y a quelques décennies. Mme Chanet voudrait se voir préciser quels sont les droits successoraux des enfants naturels, quelle part ces derniers reçoivent dans l’héritage de leurs parents et quelle part reçoivent, le cas échéant, les enfants adultérins.

27.M. ANDO dit qu’il continue de s’interroger sur la place du Pacte dans la législation monégasque car la réponse apportée par la délégation de l’État partie n’a pas fait toute la lumière sur ce point. Il relève que la Constitution ne précise pas quelle place occupent les instruments internationaux dans la hiérarchie des normes juridiques monégasques et qu’un grand nombre de libertés publiques et droits fondamentaux énoncés dans la Constitution peuvent être régis par des lois.

28.En ce qui concerne les mécanismes de protection des droits de l’homme dont il est question aux paragraphes 23 à 25 et 56 du rapport, M. Ando croit comprendre que les recours en cas de violation des droits de l’homme sont portés devant le Tribunal suprême. Est‑ce à dire que les particuliers peuvent former recours directement devant cette juridiction ou doivent‑ils d’abord saisir une juridiction ordinaire? S’ils forment recours d’emblée devant le Tribunal suprême, est‑ce au titre d’une procédure particulière?

29.En ce qui concerne l’interdiction de la discrimination, M. Ando voit mal pour quelles raisons les différents motifs énoncés dans l’article 26 du Pacte font apparemment l’objet d’articles distincts dans la Constitution.

30.Pour ce qui est de l’article 25 du Pacte, ses dispositions prévoient certes que le droit de prendre part à la direction des affaires publiques et d’accéder aux fonctions publiques ne s’applique qu’aux citoyens de l’État partie, mais la législation monégasque paraît cependant leur réserver une série d’autres droits et des précisions seraient utiles. Il faudrait savoir aussi si le fait que la religion catholique, apostolique et romaine soit religion d’État n’entraîne pas des privilèges, notamment dans le domaine de l’impôt, de certains moyens matériels et éventuellement de subventions de l’État?

31.Revenant sur la réponse de la délégation monégasque au point 7 de la liste, M. Ando croit comprendre que le nouveau projet de loi prévoit de modifier les conditions de la transmission de la nationalité et voudrait savoir si son adoption imposera aussi de modifier les dispositions de la première phrase de l’article 18 de la Constitution («Sont Monégasques tous individus nés, à Monaco ou à l’étranger, d’un père monégasque») ou si on considérera que la deuxième phrase («La loi règle les autres modes d’acquisition de la nationalité») suffit. Par ailleurs, si la Constitution peut être modifiée du fait de l’adoption d’une nouvelle loi, quelle est la place hiérarchique de l’une et de l’autre?

32.Enfin, M. Ando constate à la lecture du rapport que l’âge de la majorité est fixé à 21 ans et celui du mariage à 18 ans pour les garçons et 15 ans pour les filles et il demande si le mariage émancipe. En outre, compte tenu du fait que la privation de liberté n’est possible qu’à partir de 13 ans, existe‑t‑il des établissements pour les mineurs délinquants de moins de 13 ans? De plus, M. Ando croit comprendre que des dispositions pénales spécifiques sont prévues pour les mineurs délinquants de 13 à 18 ans, mais il voudrait savoir ce qu’il en est de ceux âgés de 18 à 21 ans.

33.M. LALLAH constate que le rapport à l’examen se limite à donner une idée générale du régime de protection des droits de l’homme dans la Principauté, sans dire grand chose de ce qui se passe effectivement dans la pratique. Or c’est précisément le rôle du Comité que de s’informer des conditions pratiques d’exercice des droits de l’homme. Il se trouve de surcroît qu’il ne dispose d’aucune information sur ce pays en provenance des organisations non gouvernementales. À ce propos, quelle est la politique monégasque à l’égard des organisations non gouvernementales qui militent pour les droits de l’homme.

34.L’article 20 du Pacte dispose que tout appel à la haine raciale doit être interdit par la loi. Monaco est à ce titre obligé de légiférer. Pourtant, le paragraphe 152 du rapport ne cite qu’une loi ancienne, qui date de 1910, et encore formulée en des termes très généraux. M. Lallah souhaiterait savoir si des poursuites ont jamais été engagées en vertu de cette loi.

35.Monaco est un pays riche et, en tant que tel, il accueille sans doute de nombreux travailleurs migrants. Quel est leur nombre, et comment les droits de l’homme opèrent‑t‑ils dans leur cas?

36.Le régime matrimonial monégasque soulève quelques questions. En cas de dissolution, les deux époux ont‑ils les mêmes droits? Plus précisément, s’ils sont mariés sous le régime de la communauté – dans l’éventualité où ce régime existe – les délais de réclamation de la part qui revient à chacun des époux sont‑ils plus courts pour la femme, comme dans certains pays, Maurice par exemple?

37.L’article 17 du Pacte, qui protège la vie privée, est rédigé en termes assez larges, comme la disposition correspondante de la Constitution monégasque. Cette disposition doit souffrir cependant des exceptions, notamment en cas d’action pénale. Une loi permet‑elle alors de lever le secret bancaire, pour les Monégasques et pour les étrangers?

38.Le PRÉSIDENT, prenant la parole en tant que membre du Comité, relève au paragraphe 27 du rapport que les instruments internationaux doivent être signés et ratifiés par le Prince et rendus exécutoires par ordonnance souveraine. Il se demande si le Pacte a fait l’objet de cette procédure, quelle est sa place dans l’ordre juridique monégasque et ce qu’il se passe en cas de conflit entre les textes.

39.Il est question au paragraphe 57 du rapport d’indemniser les victimes «de préjudice spécial et anormal». Cela laisse entendre qu’il y a des préjudices «ordinaires» et il conviendrait d’apporter des précisions sur cette distinction. Dans le même ordre d’idée, des éclaircissements seraient bienvenus sur la distinction faite au paragraphe 58 entre les infractions qui relèvent des tribunaux répressifs et les fautes qui relèvent des tribunaux civils.

40.M. KHALIL se réfère au paragraphe 50 où il est indiqué que l’exercice de certains droits, notamment la liberté d’association, est réservé aux nationaux. Or, au paragraphe 159, il est question de la loi 1072 du 27 juin 1984 concernant les associations, qui définit «les conditions d’exercice de cette liberté pour les nationaux comme pour les étrangers». M. Khalil souhaiterait qu’on lui explique les intentions de cette loi et la manière dont elle fonctionne à l’égard des Monégasques et à l’égard des étrangers.

41.M. FAUTRIER (Principauté de Monaco), répondant aux questions relatives à la place du Pacte dans le droit interne, explique qu’en principe un traité international auquel Monaco a souscrit prévaut sur le droit interne mais cède le pas à la Constitution. Le Pacte tient sa force exécutoire de son incorporation dans le droit interne en vertu de l’ordonnance souveraine 13330 du 12 février 1998, publiée au Journal officiel le mois suivant.

42.M. SACOTTE (Principauté de Monaco) apporte des précisions sur le contrôle des décisions administratives. L’administration étant un appareil hiérarchisé, chaque niveau administratif a à répondre devant l’instance qui lui est supérieure: ainsi, le policier rend compte à son chef, lequel est soumis à l’autorité du ministre (le «Conseiller du Gouvernement pour l’intérieur»), le tout étant chapeauté par l’Inspection générale de l’administration et, enfin, par les instances judiciaires. Le système fonctionne bien et il n’y a pas, en effet, d’organe spécialement chargé de réviser les décisions administratives, car cela a paru jusqu’à présent inutile. C’est pour la même raison qu’il n’y a pas de commission monégasque des droits de l’homme, alors qu’il y en a d’autres par exemple pour la liberté d’information ou l’accès aux renseignements nominatifs.

43.M. FAUTRIER (Principauté de Monaco) dit, au sujet de la mise en œuvre du principe de l’égalité eu égard au traitement prioritaire accordé aux Monégasques, que Monaco présente cette particularité rare d’avoir une population nationale minoritaire sur son propre territoire. Pendant très longtemps, cette population n’a pas maîtrisé sa vie économique. Avec l’évolution de l’histoire, les pouvoirs publics ont cherché à lui offrir des garanties, notamment en lui accordant un droit de priorité sur les non nationaux, ce qui n’a créé jusqu’à présent aucun problème de compatibilité avec le Pacte. Dans le domaine de l’emploi public il n’y a aucune discrimination et, d’ailleurs, l’administration monégasque compte une proportion d’étrangers beaucoup plus élevée que dans d’autres pays. Pour ce qui est de l’emploi dans le secteur privé, le principe est qu’à qualifications égales la priorité doit revenir à un Monégasque. Là encore, cela s’explique par la volonté des Monégasques, naguère en situation d’infériorité, d’accéder aux leviers de la vie économique et sociale moderne.

44.Le régime matrimonial monégasque n’est pas satisfaisant, comme l’ont noté plusieurs membres du Comité. Les textes sont archaïques et le dispositif est désuet, mais on observe un mouvement très net en faveur de la mise en conformité des textes avec la pratique. Les femmes sont en effet extrêmement présentes dans la vie économique, notamment dans certaines professions touchant à l’enseignement et à la santé. Pour combler donc cet écart entre le statut économique et social des femmes et leur statut juridique hérité du Code Napoléon, Monaco a l’intention d’adhérer à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. La délégation monégasque fournira ultérieurement des statistiques sur le travail féminin, tirées du recensement le plus récent.

45.M. SACOTTE (Principauté de Monaco) explique que les réflexions que les autorités monégasques consacrent à la signature du Protocole facultatif se rapportant au Pacte et à celle d’autres instruments du Conseil de l’Europe ne sont pas contradictoires, mais au contraire parallèles. La question de l’adhésion aux institutions européennes est débattue en profondeur tant par la population monégasque que par son Gouvernement, mais si Monaco s’engage sur la voie européenne, cela ne signifie en aucun cas qu’il renoncera à signer le Protocole.

46.Pour ce qui est de l’exercice des droits de l’homme par la population en transit dans la Principauté, il faut rappeler que sur 35 000 résidents, seuls 6 000 ont la nationalité monégasque. En plus, 30 000 frontaliers viennent chaque jour, de France et d’Italie surtout, travailler dans le pays et sont donc soumis aussi à la loi française ou à la loi italienne. À cela s’ajoutent encore plusieurs millions de visiteurs (hommes d’affaires ou touristes) qui ont droit eux aussi au respect de leurs droits. Dans tous les domaines du droit, de la sécurité sociale, de l’emploi, en passant par la liberté d’association, on assiste donc à une sorte d’empilement de situations juridiques et de juridictions. Il aurait sans doute fallu, dans le rapport, donner plus de précisions sur la manière dont cela se passe dans la pratique, mais la pratique est en l’occurrence extrêmement difficile à fixer.

47.Enfin, on s’est interrogé sur le maintien dans la législation monégasque du divorce pour faute. Ce régime est en effet désuet mais il y a trois raisons pour lesquelles le divorce par consentement mutuel n’est pas reconnu par la loi civile. D’abord, les 80 % de résidents qui ont une nationalité étrangère restent soumis à leur droit national, c’est‑à‑dire que les 10 000 Français de Monaco peuvent divorcer selon les modalités françaises, les 6 000 Italiens selon les italiennes, etc. Autrement dit, 6 000 personnes seulement sont à Monaco privées du bénéfice du divorce par consentement mutuel. Il y a en deuxième lieu une raison pratique: la «faute» à l’origine du divorce est souvent théorique, pour ne pas dire fictive, dans la mesure où le juge n’enquête pas vraiment et se contente d’attestations et de témoignages pour prononcer un divorce à torts partagés. La troisième raison est la religion catholique, religion d’État, qui ne connaît pas le divorce.

48.M. FAUTRIER (Principauté de Monaco), se référant à la question posée à propos de la législation réprimant le racisme, dit qu’en effet la Principauté ne dispose pas de textes récents dans ce domaine. Il est difficile de donner des chiffres qui permettraient de cerner le phénomène car aucun document officiel ne demande d’information sur la race. On rappellera aussi que la population monégasque est très hétérogène puisque 129 nationalités différentes y sont représentées. La cohabitation se fait sans aucun problème, notamment dans les écoles. Les autorités sont cependant conscientes qu’elles doivent actualiser les textes législatifs.

49.En ce qui concerne les réserves faites au moment où la Principauté a signé le Pacte, dont quelques‑unes sont en effet étonnantes, elles sont l’illustration de la sensibilité très vive d’une population minoritaire consciente de sa spécificité, qui a pour cette raison tendance à s’entourer de précautions. Beaucoup de ces réserves sont sans portée utile et il faudra les reconsidérer, ou même les lever. Cela est évident pour la déclaration interprétative relative au monopole de l’État sur la radio et la télédiffusion, qui s’explique par les circonstances de l’époque et qui est devenue totalement sans objet. Quant à la déclaration relative aux emplois publics, elle renvoie à l’ordonnance 1730 du 7 mai 1935, texte ancien qui découle lui‑même d’une convention encore antérieure conclue avec les autorités françaises à propos de certains emplois réservés. La Principauté a demandé à la France de renégocier cette convention et les négociations sont engagées.

50.M. SACOTTE (Principauté de Monaco) indique que pour l’heure, les associations relèvent de régimes différents selon qu’elles regroupent uniquement des Monégasques, des Monégasques et des étrangers ou uniquement des étrangers. Les premières n’ont pas d’autres formalités à remplir pour exister qu’une simple déclaration. Les associations qui comptent des étrangers parmi leurs membres doivent demander une autorisation de constitution d’association auprès de l’administration. L’autorisation serait refusée si l’association avait un objet contraire aux droits de l’homme, mais la question ne s’est jamais posée et M. Sacotte n’a pas connaissance d’un cas où l’autorisation aurait été refusée au cours des 10 dernières années. Cette distinction entre les associations sera d’ailleurs bientôt supprimée, conformément à un projet de loi qui a déjà été examiné par le Conseil d’État et devrait bientôt être adopté par le Conseil national. Dès lors, une nouvelle distinction s’appliquera, qui sera entre associations déclarées et associations reconnues d’utilité publique, lesquelles bénéficieront de subventions plus avantageuses.

51.Les textes relatifs au statut de la femme sont certes obsolètes et nécessiteraient une adaptation, mais ils ne sont aucunement le reflet des conditions de vie des femmes dans la pratique. Ainsi, s’il existe encore un texte interdisant l’avortement, il n’a pas été appliqué depuis au moins une douzaine d’années. Il ne constitue pas non plus un handicap pour les femmes monégasques qui, lorsqu’elles souhaitent une interruption volontaire de grossesse, franchissent la frontière française. Dans le domaine médical en effet la frontière entre les deux États est toute symbolique et, dans un sens comme dans l’autre, les médecins des deux pays n’ont aucune réticence à adresser leurs patients à un confrère du pays voisin. Les Français sont ainsi nombreux à venir dans la Principauté pour bénéficier de ses services de pointe de médecine cardiothoracique, de maternité ou de cancérologie.

52.M. FAUTRIER (Principauté de Monaco) ajoute que l’avortement est un bon exemple de domaine dans lequel le décalage est grand entre situation de jure et situation de facto, et que le personnel médical fait preuve de souplesse. Ainsi, l’interruption volontaire de grossesse est légale lorsque l’accouchement mettrait la santé de la mère en péril et l’interprétation qui est faite de la loi aujourd’hui est que l’avortement peut être pratiqué en cas de risque moral ou psychologique. La persistance de cette législation s’explique par la forte tradition méditerranéenne du pays, très ancrée dans la religion catholique, qui est également illustrée par la présence d’un clergé dit concordataire, c’est‑à‑dire bénéficiant du statut de fonction publique et émargeant au budget de l’État. La religion catholique est donc religion d’État, ce qui ne signifie pas qu’elle soit imposée à tous. L’enseignement religieux est dispensé dans les écoles mais à titre facultatif, des lieux de culte pour les autres religions existent et tous les mouvements à caractère religieux sont traités sur un pied d’égalité sur le plan de la fiscalité et des subventions.

53.M. SACOTTE (Principauté de Monaco) dit que les enfants naturels jouissent des mêmes droits que les enfants légitimes, à la différence des enfants adultérins ou incestueux qui, eux, sont pénalisés sur le plan successoral, avec une part d’héritage réduite de moitié environ. Il s’agit cependant d’une règle toute théorique car il est aujourd’hui rarissime qu’un enfant adultérin ne soit pas reconnu par la suite.

54.La notion de loi organique n’existe pas dans la Principauté. Dans ce petit pays, le Tribunal suprême fait aussi office de tribunal constitutionnel, de tribunal administratif et dans certains cas de juridiction de troisième degré. Il peut être saisi directement et très simplement par quiconque souhaite demander l’annulation de quelque texte que ce soit. Le Pacte a été directement invoqué devant cette instance par une association de locataires opposés à une révision de la loi sur les logements anciens; la décision du Tribunal suprême dans cette affaire devrait être connue d’ici à la fin de l’année 2001.

55.M. FAUTRIER (Principauté de Monaco) explique que l’article 18 de la Constitution prévoit la transmission de la nationalité par le père seulement mais que la lutte menée de longue date par les femmes, notamment par le biais de l’Association des femmes monégasques, a porté ses fruits et un projet de loi a été rédigé de façon à permettre à la mère comme au père de transmettre la nationalité. Compte tenu du consensus maintenant atteint sur la question dans l’ensemble de la société, l’adoption de ce projet ne fait pas de doute. Une évolution comparable est à noter pour ce qui est de l’âge de la majorité. Le Prince a commencé à plaider en faveur d’un abaissement à 18 ans dès 1997 à la suite de débats avec le Comité des droits de l’enfant et le Conseil de l’Europe. Le Parlement était alors encore réticent mais il s’est rendu aux arguments du Prince, après que celui‑ci lui a adressé un message sur la question en juin 2001. Un projet de loi visant à réviser la législation dans le cadre de l’adhésion au Conseil de l’Europe et portant entre autres choses sur l’âge de la majorité sera bientôt soumis à son examen. Selon toute vraisemblance, la même voie sera suivie pour l’élimination de la différence entre les âges du mariage pour les garçons et pour les filles, qui résulte de la survivance de textes trop anciens.

56.M. SACOTTE (Principauté de Monaco) ajoute que pour un mineur, le mariage confère la majorité civile, mais non politique. La majorité pénale étant fixée à 18 ans, les délinquants âgés de 18 à 21 ans peuvent être incarcérés au même titre que les adultes. Les jeunes sont cependant détenus à l’écart de la population carcérale plus âgée, ce qui est très aisé dans la mesure où la seule prison de l’État compte 99 places contre 20 à 25 détenus seulement en moyenne. Dans ces conditions, il est bien évident qu’hommes et femmes sont également détenus dans des quartiers distincts. L’incarcération n’est pas possible en deçà de 13 ans.

57.M. FAUTRIER (Principauté de Monaco) reconnaît qu’il n’existe pas d’organisation non gouvernementale de défense des droits de l’homme sur le territoire national, mais c’est sans aucun doute parce que le besoin ne s’en est jamais fait sentir car la vie associative est très intense pour tous les autres domaines, tels que la culture, le sport, l’éducation, l’aide à l’enfance et l’aide humanitaire en faveur des pays en développement. Les associations de protection de l’enfance travaillent d’ailleurs en étroite coopération avec les pouvoirs publics.

58.Les travailleurs, qu’ils soient résidents ou frontaliers, bénéficient d’un système très poussé de protection sociale. C’est ainsi que la couverture médicale est à la charge exclusive de l’employeur, à l’exclusion de toute cotisation par les salariés. Des conventions particulières signées avec la France et l’Italie permettent la mise en œuvre de ce principe pour les travailleurs frontaliers, qui représentent quelque 23 000 à 24 000 personnes. Le principe d’égalité de traitement minimum avec les pays voisins élimine tout risque de «salaire au rabais». Dans sa lutte contre le travail clandestin, l’Inspection du travail est grandement aidée par la limitation géographique du territoire, qui lui permet de faire des contrôles sérieux et donc de repérer les rares cas; les sanctions sont très sévères.

59.M. SACOTTE (Principauté de Monaco) précise que le régime matrimonial par défaut est celui de la séparation de biens, même s’il est également possible d’opter par contrat pour le régime de la communauté de biens. En cas de dissolution du mariage, un notaire est chargé par le jugement de divorce de procéder à la répartition des biens, sous le contrôle d’un juge si nécessaire.

60.La protection de la vie privée est inscrite dans la Constitution et le respect de ce principe est assuré par la Commission de contrôle des informations individuelles. Le secret bancaire existe mais ne peut pas être opposé à l’institution judiciaire. C’est ainsi qu’il peut être levé, sur demande d’un juge monégasque ou sur commission rogatoire étrangère.

61.M. FAUTRIER (Principauté de Monaco) ajoute que la Principauté collabore aussi au niveau administratif avec les autres pays dans le domaine de la lutte contre le blanchiment de l’argent. Elle a ainsi voté sa première «loi antiblanchiment» en 1992 et créé le SICFIN, service chargé de recueillir les déclarations de soupçons de blanchiment et de coordonner l’ensemble des actions dans ce domaine.

62.Le PRÉSIDENT remercie la délégation monégasque de ses réponses et l’invite à revenir à la séance suivante pour poursuivre le dialogue avec le Comité.

La séance est levée à 13 heures.

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