Soixante-douzième session

Compte rendu analytique de la 1651e séance

Tenue au Siège, à New York, le mardi 26 mars 1998, à 10 heures

Présidente :Mme Medina Quiroga

Vice-Président :M. Bhagwati

puis :M. El-Shafei

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties en vertu de l’article 40 du Pacte

Rapport initial du Zimbabwe (suite)

En l’absence de Mme Chanet (Présidente), Mme Medina Quiroga (Vice-Présidente) préside la séance.

Ouverture de la séance à 10 heures 10

Examen des rapports présentés par les États parties en vertu de l’article 40 du Pacte (suite)

Rapport initial du Zimbabwe (suite) (CCPR/C/74/Add.3, HRI/CORE/1/Add.55)

À l’invitation du Président, M. Chigudu, M me  Chatukuta et M me  Nzenza (Zimbabwe) prennent place à la table du Comité.

M. Chigudu (Zimbabwe) déclare que le Parlement n’intervient pas pour faire simplement contrepoids aux jugements des tribunaux. Le Parlement intervient quand les décisions portent sur des questions qui n’ont pas été préalablement examinées ou, dans des cas spécifiques, qui n’ont pas été mentionnées. Son but est d’assurer un traitement égal entre les hommes et les femmes. Depuis la rédaction du rapport, un amendement a été introduit sur le financement des partis politiques demandant que des fonds soient alloués en proportion des votes reçus. En dernier lieu, la délégation préfère répondre par écrit aux préoccupations soulevées par la punition corporelle.

À la question sur le point de savoir si la section 11 de la Constitution avait un caractère déclaratoire ou était créatrice de droit les tribunaux du Zimbabwe ont déclaré qu’elle était créatrice de droit. En outre, des mesures sont prises pour que la promulgation d’une loi ne remette pas en question la suprématie de la Constitution. Chaque fois qu’une loi statutaire est promulguée à la suite de problèmes découlant du droit coutumier, la loi statutaire a la priorité. Toutefois un problème de dualité peut se poser si la loi statutaire est promulguée sans qu’il y ait référence directe au droit coutumier.

Les droits de l’homme s’appliquent à toutes les personnes au Zimbabwe qu’elles soient membres de la majorité ou de la minorité. Le Gouvernement accepte la responsabilité de verser des compensations et les responsables de la police qui sont coupables d’une violation en ont la responsabilité financière et sont révoqués des forces de police. Un examen supplémentaire est nécessaire pour savoir si la section 12 de la Constitution qui concerne l’utilisation de la force est contraire ou non au Pacte. Quoi qu’il en soit, on doit souligner que la police et l’armée ont utilisé des gaz lacrymogènes mais n’ont pas employé d’armes lors des émeutes alimentaires de décembre 1997 et janvier 1998. La plupart des cas de violations par la police ont fait l’objet d’enquêtes par la police elle-même et dans certains cas par une commission indépendante qui a été créée.

Il a affirmé au Comité que les arrestations qui ont été effectuées le jeudi n’avaient pas été effectuées ce jour-là pour éviter que la règle de détention de 48 heures ne s’applique. Dans tous les cas, si une personne est arrêtée un jeudi, la police est obligée de la déférer devant les tribunaux le vendredi si c’est possible ou demander une prorogation de la détention. Toutefois, le samedi et le dimanche ne sont pas pris en compte dans la règle de 48 heures. En outre, les tribunaux sont responsables de la libération sous caution, mais le Procureur général peut s’opposer au bail s’il estime cette opposition appropriée. Enfin, le système de procédure accélérée des tribunaux prend en considération les clauses du Pacte.

M me  Chatukuta (Zimbabwe) déclare qu’il existe des programmes d’enseignement sur les droits de l’homme dans les écoles primaires et secondaires et que les organisations non gouvernementales ont des cours de formation pour la police, l’armée et les femmes.

Il est vrai que la période de détention de 48 heures peut être prorogée par une requête devant les tribunaux et qu’en l’absence de celle-ci, le commandant du commissariat de police peut de sa propre autorité la proroger jusqu’à 96 heures. Il y a eu des plaintes de violation dans ce domaine, mais les victimes peuvent en saisir les tribunaux. Toutefois, il est utile de souligner que des tribunaux siègent maintenant durant les week-ends pour éviter ce problème.

En ce qui concerne le point de savoir si le Procureur général doit être consulté avant que la caution ne soit fixée, elle ne se rappelle pas à propos de quel amendement un membre du Comité a exprimé ses préoccupations. Elle souhaite se reporter à l’amendement en question avant de répondre.

Conformément à l’amendement 14 de la Constitution, un enfant né en dehors du Zimbabwe dont les parents y résident de façon habituelle et qui se trouvaient à l’étranger au service de l’État doit bénéficier de la citoyenneté. Un enfant né au Zimbabwe ou en dehors du pays et dont les parents faisaient partie du corps diplomatique doit être enregistré dans un délai de 14 jours. Des efforts ont été faits pour décentraliser le processus et certains se sont plaints que la décentralisation a rendu difficile l’enregistrement.

La sous-section 3 de la section 23 de la Constitution a été amendée pour interdire la discrimination par sexe, mais d’autres restrictions qui ont été mentionnées continuent de s’appliquer. La délégation expliquera les raisons par écrit. La Constitution reconnaît l’existence du droit coutumier et de la loi statutaire, mais le droit coutumier est légitime dans une société démocratique.

Le gouvernement a établi un quota pour les femmes inscrites à l’université et la Constitution indique que les mesures destinées à promouvoir l’avancement des femmes ne doivent pas être considérées comme discriminatoires. En outre, aucune loi n’indique comment les hommes et les femmes doivent se vêtir. Les attaques à ce propos à Harare ont été perpétrées par des individus et des enquêtes et arrestations ont été effectuées. Il n’existe pas de politique spécifique contre des prostituées. Le nombre élevé de prostitués de sexe féminin provient du fait qu’il y a beaucoup plus de femmes que d’hommes qui se livrent à cette activité. Les femmes n’ont pas subi de discriminations dans les programmes de recolonisation agricole. Pour qu’elle soit qualifiée, il suffit qu’une personne ait des connaissances en agriculture. Beaucoup de femmes suivent des cours dans des collèges agricoles à cette fin.

Bien que des statistiques à propos du sida n’aient pas été encore publiées, des campagnes d’éducation organisées par le Ministère de la santé et les organisations non gouvernementales ont été lancées pour attirer l’attention sur cette pandémie.

Le gouvernement n’assure plus un contrôle exclusif sur les médias car il y a maintenant un certain nombre de journaux et de stations de télévision. En outre, le public a accès à des réseaux internationaux d’information qui diffusent des nouvelles nationales. Le rédacteur qui a été récemment remplacé a été révoqué pour des raisons purement professionnelles et non pas pour des raisons politiques.

Le Gouvernement estime que la législation actuelle protège de façon adéquate les droits reconnus par le Pacte. Les préoccupations concernant les amendements à la constitution à la suite des décisions judiciaires sont compréhensibles, toutefois les lois ont été changées uniquement pour refléter l’état de l’opinion publique et dans le cadre du principe de la séparation des pouvoirs entre le législatif et le judiciaire.

Une des critiques adressée à la décision rendue dans l’affaire Rattigan et autres contre le Chef du service d’immigration et autres (paragraphe 115 du rapport) est d’être basée sur des dispositions d’instruments internationaux et non pas sur la législation zimbabwéenne qui ne mentionne le cercle familial. Néanmoins, le Zimbabwe est obligé de respecter les traités internationaux auxquels il a souscrits. La délégation prend note de la préoccupation du Comité qui estime que le paragraphe sur les ethnies minoritaires (paragraphe 262) relève des articles 7 et 24 ainsi que de l’article 27. La délégation zimbabwéenne en tiendra compte lors de l’élaboration du deuxième rapport périodique. En ce qui concerne l’engagement, les filles de moins de 12 ans ne peuvent être promises. Celles qui ont moins de 16 ans sont protégées par la loi qui considère comme un délit le fait d’avoir des relations sexuelles avec des filles de moins de cet age.

En ce qui concerne la question de M. Scheinin relative à l’utilisation de la force en vertu de la section 12 de la Constitution, elle déclare que la défense de la propriété ne peut être justifiée en toutes circonstances. Une personne qui n’exerce pas dans des circonstances données la précaution nécessaire peut être poursuivie pour homicide. L’utilisation de la force en réponse à des délits de caractère criminel doit être dictée par la raison et le sens commun. Dans des cas de vol à la tire ou de vol à l’étalage, la force n’est pas à fortiori nécessaire.

Actuellement, la population du Zimbabwe estime que la peine de mort doit être maintenue. En fait, le caractère optionnel du protocole sur la peine de mort reflète les différences d’approches entre les États parties sur cette question. Des membres de la société civile font pression en vue de l’amendement de la Constitution et un groupe de citoyens s’est constitué en groupe de pression à cette fin.

M. Pocar demande des clarifications sur la compatibilité entre la Constitution ainsi que les lois du Zimbabwe et les dispositions du Pacte. Il se félicite que des amendements aient été apportés à la Constitution sur la base d’une interprétation de caractère judiciaire mais craint que les nouvelles dispositions ajoutées à la section 15 de la Constitution ne contredisent les obligations du Zimbabwe en vertu du Pacte.

M. Scheinin réitère sa question à cet égard. Existe-t-il un système institutionnel capable de garantir que la nouvelle législation ou les amendements constitutionnels dans le processus actuel de réforme seront conformes aux paragraphes 1 et 2 de l’article 2 du Pacte.

M. Bhagwati note que le gouvernement du Zimbabwe verse des sommes importantes chaque année – de l’ordre de 150.000 dollars – pour dédommager les victimes de violations de droits de l’homme. Quelles sont les mesures qui sont prises contre les responsables de ces violations? a-t-il demandé. En ce qui concerne la question de la compatibilité entre les amendements constitutionnels et le Pacte, il souhaite savoir si le fait de vider l’article 11 de la constitution de sa substance en la transférant au préambule ne constitue pas une violation de l’article 17 du Pacte.

Répondant à la question de M. Bhagwati concernant la compensation aux victimes des violations des droits de l’homme, M. Chigudu (Zimbabwe) déclare que les officiers de police qui sont coupables de violence gratuite sont révoqués. Ceux qui s’en rendent coupables par ignorance reçoivent une formation supplémentaire à l’Académie de police. De manière générale, le Gouvernement promeut la formation en matière de droits de l’homme d’officiers de police qui quelquefois ne comprennent pas les obligations internationales du Zimbabwe. Dans le cas où il est impossible de déterminer si le responsable de la police a agi de manière délibérée ou par ignorance, on demande à ce dernier de rembourser au gouvernement le montant de la compensation, ce qui constitue en fait une dissuasion efficace.

M me  Chatukuta (Zimbabwe) déclare que de l’avis de sa délégation, la Constitution et la législation en général intègrent les principes du Pacte. Néanmoins elle répondra par écrit aux préoccupations du Comité à propos de la punition corporelle et d’autres questions. Il n‘existe pas une institution spécifique au Zimbabwe qui serait chargée d’évaluer la compatibilité entre la législation du pays et les instruments internationaux. Toutefois, toute loi proposée est examinée par le Ministère de la justice, le Bureau du Procureur général et le Comité interministériel sur les droits de l’homme et le droit humanitaire afin de déterminer si la législation nationale est compatible avec les obligations internationales du pays. Des amendements sont proposés si c’est nécessaire. En outre avant de signer ou de ratifier des instruments internationaux, les autorités zimbabwéennes cherchent à établir si les principes qui sont à la base de ces instruments sont déjà inscrits dans les lois du pays. La délégation estime que la protection du droit à la vie privée figure déjà à la section 17 de la constitution et n’est pas affectée par conséquent par l’amendement constitutionnel à la section 11.

Comme l’indique le rapport (paragraphe 103), les détenus peuvent déposer des plaintes auprès du Bureau des affaires juridiques et parlementaires du Ministère de la justice, d’un magistrat ou de toute autre personne qui visite les prisons sur une base régulière. Si la question est urgente, la plainte peut être soumise par écrit au gardien qui la transmet au Bureau des affaires juridiques et parlementaires. Bien qu’il n’existe pas un organe indépendant qui s’occupe de cette question, il existe au Zimbabwe une organisation des droits des prisonniers. Les paragraphes 102 à 108 du rapport indiquent les procédures par lesquelles l’article 10 du Pacte et l’Ensemble des règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus sont incorporés à législation du pays. La délégation est prête à fournir par écrit des détails supplémentaires si le Comité estime que ses explications sont insuffisantes. Des statistiques spécifiques sur la peine de mort seront également soumises par écrit, mais elles ne sont pas disponibles pour l’instant.

M. Bhagwati ( Vice-Président ) préside la séance.

Attirant l’attention sur le paragraphe 122 du rapport, M. Chigudu  (Zimbabwe) déclare qu’un étranger est libre d’entrer et de circuler librement sur le territoire zimbabwéen à moins qu’il n’ait un dossier criminel. Bien que la législation sur l’immigration interdise l’entrée des prostitués et des homosexuels, personne n’a été déportée sur cette base. Toutefois les étrangers qui utilisent le mariage de convenance dans le dessein d’établir domicile sur le territoire zimbabwéen sont considérés comme des suspects. La déportation n’a lieu que si une personne refuse de quitter le territoire national alors que la requête officielle à cette fin est justifiée.

M me  Chatukuta (Zimbabwe) déclare que l’indépendance du pouvoir judiciaire est garantie à partir de la nomination du juge jusqu’à sa retraite. Les juges sont nommés par le Président sur la recommandation de la Commission du service judiciaire, un organe indépendant qui est composé du juge en chef de la Cour suprême, du Président de la Commission du service public, du Procureur général et deux autres membres. Les juges ne sont révoqués que s’ils sont coupables de faute grave, sinon ils assument leur fonction jusqu’à la retraite à moins qu’ils ne décident de leur propre volonté de démissionner avant.

Le droit au respect de la vie privée est garanti sauf si la conduite d’une personne est jugée illégale. Selon les lois du Zimbabwe, la sodomie constitue un délit et n’est acceptée par aucune des cultures du Zimbabwe qui n’ont été initiées au concept des droits de l’homme que lors de leur indépendance il y a dix-huit ans. De manière générale, les changements législatifs ne sont jugés efficaces que s’ils sont culturellement acceptables. Beaucoup reste à accomplir à ce propos dans le domaine de l‘enseignement. En ce qui concerne la liberté d’expression, la délégation croit que les restrictions à celle-ci qui relèvent du Conseil de la censure, sont nécessaires pour la santé et la morale publique et sont en fait permises par l’article 19 du Pacte. Parallèlement, l’Acte du Parlement concernant les privilèges, immunités et pouvoirs de (paragraphe 158) a été élaboré pour protéger la réputation des parlementaires et est reconnu par l’article 19. Un nouveau projet de loi est actuellement débattu afin d’amender l’Acte de maintien de la loi et l’ordre (paragraphe 159) en supprimant entre autres l’interdiction de critiquer le Président. Il est vrai que des membres de la presse ont été placés récemment en détention pour avoir fait des déclarations fausses et diffamatoires contre un juge de la Haute cour.

En ce qui concerne les personnes qui appartiennent à des groupes minoritaires, elle déclare que la politique de son gouvernement est de faire en sorte que les enfants des écoles élémentaires reçoivent dans leurs premières années d’instruction leur enseignement dans les langues locales et notamment en ndebele et en shona, les deux langues principales. Dans tous les cas, tous les ressortissants du Zimbabwe ont la garantie de jouir de tous les droits prévus dans la législation, qu’ils appartiennent ou non à des groupes minoritaires. La population zimbabwéenne sait que la délégation est en train de témoigner devant le Comité. Des copies du rapport ont été soumises aux organisations nationales non gouvernementales, y compris à l’association des Avocats du Zimbabwe pour les droits de l’homme qui a communiqué directement leurs commentaires au Comité. Sous réserve des contraintes financières, des campagnes d’information sont conduites sur tous les instruments internationaux dont le Zimbabwe est partie.

Bien que des progrès aient été accomplis dans l’élaboration du nouveau projet de loi relatif à l’ordre public, déclare M. Chigudu (Zimbabwe) en intervenant sur la question des réunions pacifiques, l’Acte de maintien de la loi et de l’ordre est toujours en vigueur. Il s’empresse d’informer le Comité que les sections sur la subversion figurant dans l’Acte ne seront pas incluses dans le nouveau projet de loi.

M. El-Shafei ( Vice-Président ) préside la séance.

M. Yalden exprime son plein appui aux remarques des autres membres du Comité notamment en ce qui concerne la situation des femmes. Il se déclare troublé par la déclaration selon laquelle la législation doit suivre le rythme du changement culturel. Une telle approche peut limiter sérieusement le progrès en matière des droits de l’homme. Dans les pays occidentaux, l’introduction de la législation sur le travail des enfants et le statut des femmes n’a pas été conduite sans résistance. La Déclaration universelle des droits de l’homme contient des idées révolutionnaires qui étaient rejetées par plusieurs cultures, y compris par des cultures occidentales. Elle a néanmoins aidé à changer les mentalités. Aussi ne croit-t-il pas que l’éducation est suffisante. Il faut également une législation appropriée.

Il souhaite avoir davantage d’informations sur les activités du Médiateur auquel l’amendement 14 à la Constitution reconnaît la juridiction sur les questions des droits de l’homme, le droit de recevoir des plaintes ainsi que celui de prendre des décisions à propos de celles-ci. Concernant le droit à la vie privée, les lois zimbabwéennes telles qu’elles existent actuellement sont discriminatoires à l’encontre des homosexuels comme le montre les règlements relatifs à l’immigration cités dans le rapport (paragraphe 122). En ce qui concerne les droits des minorités il se félicite des efforts décrits pour trouver des solutions aux problèmes posés par une population composée d’ethnies différentes et multilingues. Ce n’est pas facile d’enseigner dans plusieurs langues. Il encourage le gouvernement à aller aussi loin que possible en encourageant l’enseignement dans les langues des minorités. Dans quelle langue, a-t-il demandé, les services publics et les procédures devant les tribunaux sont-ils menés?

Lord Colville se dit surpris que le rapport (paragraphe 50) ne fasse aucun commentaire sur l’article 5 du Pacte. Il partage les vues de MM. Lallah et Pocar sur la situation en général et s’appuyant sur trois cas récents, il déclare qu’il lui semble que de façon systématique les amendements à la constitution réduisent les droits qui étaient précédemment garantis en vertu de la section 11 et du paragraphe1de la section 15, ainsi que la section 23 de la Constitution en matière des droits des immigrés et des droits des personnes qui sont dans les couloirs de la mort. Ces dérogations violent le paragraphe 2 de l’article 5 du Pacte qui protège spécifiquement tout droit qui va au de-là des droits fondamentaux établis par le Pacte lui-même.

M. Buergenthal exprime l’espoir que la délégation soumettra au plus tôt les réponses écrites promises. Il approuve les vues de MM. Pocar, Lallah et Klein sur les implications et les obligations qui découlent de la loi nationale quand des États ratifient des accords internationaux et les remarques générales sur les attitudes culturelles et les obligations internationales en matière de droits de l’homme. Le rapport (paragraphe13) déclare que le Comité interministériel sur les droits de l’homme et le droit international humanitaire ont été essentiels pour l’amélioration de la situation des droits de l’homme. Il souhaiterait disposer de quelques exemples. Il demande s’il y a des poursuites disciplinaires contre les juges comme les mesures qui sont décrites aux paragraphes 33 et 35 du rapport; sur quelle base étaient-elles fondées et quelles ont été les résultats. Des clarifications sont nécessaires sur le point de savoir comment la défense de la propriété peut justifier le meurtre d’une personne (paragraphe 51 a) du rapport), et en quoi une telle disposition de la section 12 de la Constitution est compatible avec l’article 6 du Pacte. Il souhaite également une explication de la déclaration (paragraphe 114 b)) selon laquelle la liberté de mouvement peut être limitée par la promulgation de lois qui prévoient des restrictions à l’acquisition et à l’utilisation des terres et d’autres propriétés au Zimbabwe. Concernant la nécessité d’une documentation appropriée avant de recevoir la permission de travailler à l’étranger (paragraphe 113) il souhaite savoir s’il y a souvent des délais dans la livraison de cette documentation et si des actions judiciaires peuvent être engagées dans le cas où celle-ci est refusée.

M. Kretzmer demande si le rapport périodique a été publié au Zimbabwe et transmis aux organisations non gouvernementales avant la session actuelle du Comité.

Il exprime sa préoccupation à propos des dangers posés par la position dominante d’un parti. Deux incidents récents- un cours duquel deux membres du parti au pouvoir jugés et condamnés pour avoir tiré sur un candidat de l’opposition ont bénéficié du pardon présidentiel et un autre où un ministre du gouvernement et des responsables de la police ont assisté sans réagir à l’agression contre un candidat de l’opposition dans un bureau de vote- montrent qu’il existe un climat politique dans lequel l’impunité et la violence sont tolérées.

En ce qui concerne la liberté d’expression, et sa limitation légitime selon la loi contre la diffamation, la plupart des pays de droit commun conviennent que dans le cas de personnalités publiques, la loi devrait reconnaître une plus grande liberté d’expression. Il demande si le gouvernement envisage de libéraliser la législation dans ce sens.

M. Klein demande si les prisons au Zimbabwe sont surpeuplées et quelle est la situation des prisons en général. Partageant les préoccupations de M. Galden à propos de la langue des minorités, il souhaite savoir si le Pacte, le rapport périodique et les observations de clôture du Comité sont disponibles dans certaines langues locales ou dans les douze langues vernaculaires mentionnées au paragraphe 4 du document.

Des sources extérieures ont rapporté qu’il y a eu des évolutions positives en matière des droits de l’homme au Zimbabwe et la Constitution semble reconnaître le lien entre la société démocratique et les droits de l’homme. Toutefois un certain nombre de pratiques et dispositions juridiques ne semblent pas être démocratiques. Malgré la croyance que la liberté d’expression et la liberté de la presse existent au Zimbabwe (paragraphe 160 du rapport) la législation sur le mépris du Parlement et le mépris du Président (paragraphes 158-159), sur la censure (paragraphe 167-168) et sur le contrôle gouvernemental de la radiodiffusion (paragraphe 163) indiquent que la ferme emprise sur les médias et sur la liberté d’expression risque de mettre en danger les droits de l’homme. La composition du Parlement –où ne siègent que deux ou trois membres de l’opposition malgré l’existence de 12 partis politiques- est encore une nouvelle source de préoccupation. La menace au pluralisme démocratique est montrée par le fait que seul le parti au pouvoir reçoit des fonds publics et une très grande quantité de ces fonds. En outre, la Commission de contrôle électoral n‘a pas le pouvoir de superviser les élections présidentielles et son impartialité est mise en doute par le fait que tous ses membres sont nommés par le Président après consultations avec d’autres branches de l’Administration au pouvoir (paragraphe 257). En dernier lieu, le Président semble avoir le pouvoir discrétionnaire d’intercepter le courrier dans l’intérêt de la sécurité publique (paragraphe 146). En additionnant tous ces faits, on aboutit à un exemple de démocratie qui n’est pas du tout encourageant dans ce pays. Dans une telle atmosphère, il est difficile sinon impossible de cultiver et de défendre les droits de l’homme.

M me  Medina Quiroga déclare qu’elle attend avec impatience les réponses écrites notamment celles qui concernent les changements législatifs mentionnés aux paragraphes 214 et 232 à 234 du rapport.

Il faut quelquefois promulguer des lois même lorsque leur mise en œuvre est difficile en vue d’indiquer la direction à suivre. Ce serait peut-être le cas si on ne faisait plus de la sodomie un délit. Quoi qu’il en soit, le gouvernement a l’obligation d’agir selon les termes du Pacte.

Un amendement à la Constitution qui stipule que le droit d’un non-résident d’entrer ou de séjourner dans le pays ne découle pas de son mariage avec un ressortissant du pays constitue une grave violation des articles 17 et 23 du Pacte dont le premier garantit la protection de la famille ainsi que de la propriété. En outre, la censure en tant que telle n’est pas conforme au Pacte. Un Gouvernement peut limiter un droit mais non l’annuler.

Elle souhaite des informations sur la décision du tribunal mentionnée au paragraphe 165 du rapport et sur les mesures prises par le Gouvernement pour éliminer l’ingérence ministérielle dans le droit du travail (paragraphe 193 du rapport). Elle partage le point de vue de M. Klein qui pense que la démocratie peut difficilement fleurir dans un Parlement constitué comme celui du Zimbabwe.

M me  Evatt a souhaité également davantage d’informations sur les conditions des prisons qui selon ce qu’on rapporte sont dures où il y a de nombreux décès qui sont la conséquence des maladies et de la surpopulation.

Le droit à la vie privée doit être respecté. Au Zimbabwe il existe des lois arbitraires et discriminatoires contre les homosexuels qui vident ce droit de son contenu. En outre, le versement de fonds publics considérables à un seul parti politique viole l’article 25 et le droit de tous de participer aux affaires publiques. De la même façon, un système qui met les médias dans les mains du gouvernement ne respecte pas la liberté de la presse. Selon le paragraphe 3 de l‘article 19 toute restriction à la liberté de la presse doit faire la preuve de sa nécessité et la censure n’en est pas une.

M. Scheinin note qu’en répondant aux questions relatives au point 18, la délégation du Zimbabwe s’est référée au paragraphe 3 de l’article 19 du Pacte. Elle n’a donc pas compris la position du Comité. Dans son commentaire général de l’article 19, le Comité a indiqué que l’imposition par un État partie de certaines restrictions à l’exercice de la liberté d’expression ne met pas nécessairement en danger ce droit. Toutefois comme l’a souligné Mme Medina Quiroga la censure est incompatible avec l’article 19 et les paragraphes 167 à 169 du rapport semblent confirmer cette position.

Il partage les préoccupations exprimées par d’autres intervenants concernant les conditions de détention. Le paragraphe 103 du rapport indique que les prisonniers ont le droit de recevoir une lettre et une visite par mois. L’État qui présente le rapport doit indiquer si c’est vraiment la règle et dans l’affirmative comment la rendre compatible avec les paragraphes 1 et 3 de l’article 10 du Pacte.

En outre, l’amendement à la section 15 de la Constitution sembler dénier aux prisonniers qui sont dans le couloir de la mort des recours efficaces contre les mauvais traitements. Tout en reconnaissant que le temps passé dans le couloir de la mort ne peut être assimilé à une violation des droits figurant dans le Pacte, le Comité estime que ce temps lorsqu’il est combiné à d’autres facteurs, peut être considéré comme une violation de l’article 7 et par conséquent de l’article 6.

Se référant à l’article 22 du Pacte concernant la liberté d’association, M. Ando déclare qu’il partage les préoccupations exprimées par Mme Medina Quiroga concernant le paragraphe 193 du rapport. Il est clair que, selon ce paragraphe, les pouvoirs conférés au Ministre du service lui permettent de s’ingérer dans le droit de réunion des employés de l’État. Le Gouvernement devrait indiquer quelles sont les mesures qu’il a l’intention de prendre à cet égard.

Conformément à la législation adoptée en 1994, les autorités ont le droit d’établir un plan spécifique de travail dans les zones d’exportation des produits manufacturés. Les fédérations de syndicats du Zimbabwe ont protesté contre ce plan. Il souhaite des informations supplémentaires sur les lois spéciales du travail.

M. Chigudu (Zimbabwe) répondant à la question de M. Yalden déclare que le Gouvernement fera de son mieux pour promouvoir des changements politiques dans le domaine culturel. Parallèlement et avant que les nouvelles lois soient adoptées, le public doit savoir pourquoi celles-ci sont nécessaires afin qu’elles puissent s’appliquer. En ce qui concerne l’homosexualité, le concept du droit des homosexuels va à l’encontre de tabous culturels bien établis. Aussi est-il difficile de demander à la population de respecter ces droits.

La fonction du Médiateur est d’enquêter sur les plaintes des citoyens à propos du mauvais fonctionnement d’organes gouvernementaux. Les personnes qui bien que n’ayant pas souffert d’une faute administrative estiment que leurs droits ont été violés peuvent déposer une plainte auprès du bureau du Médiateur. Le Médiateur attirera l’attention du Ministère concerné sur la question et si une réponse satisfaisante n’est pas donnée, il saisira de la question les plus hautes autorités de l’État y compris le Parlement.

Les procédures devant les tribunaux sont conduites en anglais, mais un interprète est mis à la disposition des personnes qui n’ont pas la maîtrise de cette langue. Le texte du Pacte est publié en anglais, mais il n’est pas certain qu’il a été traduit en shona et en ndebele car cela signifierait qu’il a été traduit dans toutes les langues locales.

Répondant à la question de M. Klein relative à la représentation de tous les partis politiques au Parlement, il déclare que dans un système démocratique les citoyens décident eux-mêmes pour qui ils veulent voter. Rien ne peut être fait, lorsque leur choix aboutit à donner en particulier à un parti le plus grand nombre de voix.

Il donne la garantie à M. Buergenthal et à Mme Medina que son gouvernement fournira des réponses écrites aux questions auxquelles la délégation n’a pas répondues au cours de la présente séance.

En ce qui concerne la question concernant les documents de voyage, seul un passeport est demandé. Un passeport n’a jamais été refusé à quelqu’un, mais à cause du manque de personnel, il arrive qu’il n’est pas toujours possible de délivrer un passeport à temps. Néanmoins des efforts sont faits pour accélérer le processus dans des situations urgentes.

Répondant aux questions soulevées par M. Kretzmer, il déclare qu’il ne peut confirmer que ceux qui ont été traduits devant les tribunaux et qui ont été jugés et condamnés pour une tentative d’assassinat du vice-président ont été pardonnés. En revanche l’information relative à une agression physique d’un opposition politique est fausse. Le commissaire de police lui a affirmé que la police n’était pas présente sur les lieux au moment de l’incident.

Il prend note du point concernant une plus grande libéralisation de la liberté d’expression. Toutefois, les publications hostiles au gouvernement circulent librement dans le pays et aucune tentative n’a été faite pour intervenir dans les programmes de télévision ou dans les activités d’Internet.

Son gouvernement partage les préoccupations de M. Klein concernant la surpopulation des prisons. Des efforts sont en cours pour construire davantage de pénitenciers.

M me  Chatukuta (Zimbabwe) déclare que son gouvernement déploie de grands efforts pour amener la population à accepter la nécessité de changements culturels. La population résiste encore très fortement à l’idée que les veuves peuvent hériter de la propriété de leurs maris. Le gouvernement fait appliquer la législation à cet effet.

Répondant à M. Yalden, il déclare qu’il n’a aucune information concernant les enquêtes que mène le Médiateur.

Le Comité interministériel sur les droits de l’homme et le droit humanitaire a été créé en 1992 et a fait des recommandations au gouvernement concernant l’accession à un certain nombre de conventions de l’Organisation internationale du travail et à d’autres instruments internationaux.

Elle a pris note des préoccupations exprimées concernant la possibilité que les amendements à la section 15 de la Constitution représentent une dérogation par rapport au Pacte. Son gouvernement y répondra par écrit.

Un résumé de la Convention sur les droits de l’enfant qui met en lumière ses principales dispositions a été diffusé dans les langues locales.

Répondant à M. Buergenthal, elle déclare que dans le cas auquel il s’est référé – on avait reproché à un juge de faire preuve de partialité en faveur d’un accusé de race blanche en lui accordant la caution en dehors des heures régulières – une commission d’enquête a conclu que le juge n’avait pas commis de faute grave.

En ce qui concerne le droit de propriété, l’accent a été mis sur la question de savoir si l’usage de la force est arbitraire. Quand il n’est pas arbitraire la loi reconnaît le droit de propriété; quand il l’est, elle n’accorde aucune protection à la personne concernée.

Le problème de la surpopulation des prisons a été abordé par l’introduction du service à la communauté à la place de la condamnation à la prison pour les primo délinquants notamment ceux qui sont condamnés pour des délits mineurs.

Des efforts sont en cours pour privatiser la Société de radiodiffusion du Zimbabwe ainsi que les Services des postes et des télécommunications afin que le jeu soit plus ouvert et que soit promu la liberté d’expression.

La loi qui régit la Commission électorale de contrôle a été amendée et la Commission peut maintenant superviser les élections présidentielles.

En ce qui concerne le paragraphe 193 du rapport, un projet de loi est à l’examen qui accordera aux organisations de fonctionnaires les mêmes droits que les autres organisations internationales du travail.

Résumant les vues exprimées pendant la discussion, le Président a félicité le Gouvernement pour son rapport qui a été préparé selon les directives de la Commission. Il a exprimé son appréciation pour le dialogue franc et ouvert avec la délégation et son attitude positive vis-à-vis des recommandations du Comité. Le Comité a pris note d’un certain nombre de tendances positives dans la situation des droits de l’homme au Zimbabwe y compris les mesures qui sont en train d’être prises pour annuler les dispositions de l’Acte du maintien de la loi et de l’ordre qui font un délit de déclarations jugées subversives, les mesures prises pour promouvoir l’égalité entre l’homme et la femme , notamment en ce qui concerne la propriété des terres, la volonté des tribunaux d’appliquer les principes des droits de l’homme, les cours de formation aux responsables de la police, l’investigation des plaintes de violations des droits de l’homme par la police et la révocation de certains policiers.

Toutefois, un certain nombre de préoccupations persistent concernant la dualité entre les droits statutaire et coutumier, notamment ceux qui affectent les droits de la femme, le fait que le Pacte n’ait pas été incorporé de manière spécifique dans le droit national, les restrictions à la liberté d’expression et à la liberté de la presse en ce qui concerne l’interdiction de diffamer les personnages publics, l’institution de la censure, le pardon présidentiel accordé à des personnes condamnées pour le meurtre d’opposants au parti au pouvoir, la composition du Parlement et la surpopulation des prisons.

Il encourage le gouvernement de continuer à examiner sa législation et son droit coutumier afin qu’ils soient compatible avec le Pacte.

M. Chigudu (Zimbabwe) remercie les membres du Comité pour leur contribution et leur donne l’assurance que sa délégation a accueilli leurs recommandations avec un esprit constructif.

Le Président déclare que le Comité a terminé l’examen du rapport initial du Zimbabwe.

La séance est levée à 13 heures 5.