NATIONS UNIES

CCPR

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr.GÉNÉRALE

CCPR/C/SR.259319 mars 2009

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME

Quatre-vingt-quatorzième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA PREMIÈRE PARTIE (PUBLIQUE)* DE LA 2593e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le mercredi 29 octobre 2008, à 11 heures

Président: M. RIVAS POSADA

SOMMAIRE

SUIVI DES OBSERVATIONS FINALES PORTANT SUR L’EXAMEN DES RAPPORTS DES ÉTATS PARTIES ET DES CONSTATATIONS ADOPTÉES AU TITRE DU PROTOCOLE FACULTATIF

La séance est ouverte à 1 1 h 1 5 .

Suivi des observations finales portant sur l’examen des rapports des États parties et des constatations adoptées au titre du Protocole facultatif (point 8 de l’ordre du jour)

Rapport du Rapporteur spécial chargé du suivi des observations finales (CCPR/C/94/R.1)

1.Le PRÉSIDENT invite le Rapporteur spécial chargé du suivi des observations finales à présenter son rapport.

2.Sir Nigel RODLEY (Rapporteur spécial chargé du suivi des observations finales) dit que pour la plupart des États parties aucune mesure n’est recommandée, même si la situation d’un grand nombre d’entre eux devra être revue à la quatre-vingt-quinzième session. Tel est le cas notamment des pays suivants: Mali, Sri Lanka, Suriname, Brésil, Paraguay, République démocratique du Congo, Hong Kong (Chine), République centrafricaine, États-Unis d’Amérique, Kosovo (Serbie), République de Corée, Madagascar, République tchèque, Soudan, Zambie, Géorgie, Jamahiriya arabe libyenne, Algérie, Costa Rica, Tunisie, Botswana et ex‑République yougoslave de Macédoine. Pendant la session en cours, le Rapporteur spécial a rencontré les représentants de deux pays. Le 24 octobre 2008, il a rencontré un membre de la Mission permanente du Yémen, qui lui a assuré que son gouvernement ferait savoir prochainement à quelle date il serait répondu aux questions du Comité sur la suite donnée aux observations finales. Le 31 octobre, le Rapporteur spécial s’est entretenu avec un représentant de la Bosnie-Herzégovine, qui lui a déclaré que les réponses de l’État partie étaient en cours d’élaboration et seraient transmises au Comité dès que le Gouvernement les aurait approuvées. Le cas de la Bosnie-Herzégovine est un bon exemple de coopération dans le cadre de la procédure de suivi. Le Rapporteur spécial recommande de refaire le point sur ces deux pays à la prochaine session du Comité. Le Honduras a envoyé le 15 octobre 2008 ses réponses aux questions du Comité, mais il semble qu’elles soient incomplètes. Il est donc recommandé d’envoyer une lettre à l’État partie pour lui demander un complément d’information. Il en va de même pour le Chili et l’Autriche, dont les réponses reçues récemment étaient également insuffisantes. Il convient de préciser à ce propos que le Comité a décidé d’indiquer désormais dans ce type de lettre quelles questions appellent des précisions, de sorte que l’État partie sache exactement ce que l’on attend de lui. Le cas de la Gambie et de la Guinée équatoriale est particulier. À sa session précédente, le Comité avait informé ces États parties de sa décision de considérer qu’ils avaient manqué à leur obligation de l’aider à s’acquitter des fonctions qui lui incombent conformément à la quatrième partie du Pacte. Le Rapporteur spécial ne voit pas ce que le Comité peut faire, dans le cadre de la procédure de suivi, face à un refus aussi total de coopérer. C’est pourquoi il recommande de ne plus prendre de mesure au sujet de ces deux pays, mais que le secrétariat continue de leur rappeler régulièrement que leurs rapports sont attendus. Cependant, les membres du Comité auront peut-être d’autres actions à proposer.

3.Une nouvelle organisation, appelée Centre pour les droits civils et politiques, accorde une grande attention à la procédure de suivi du Comité et a diffusé ses propres rapports de suivi, souvent en collaboration avec des organisations non gouvernementales qui avaient participé à l’examen des rapports de pays. Ces documents se sont révélés très utiles pour le Rapporteur spécial.

4.Le PRÉSIDENT remercie le Rapporteur spécial chargé du suivi des observations finales et invite les membres du Comité qui le souhaitent à faire part de leurs observations.

5.M. O’FLAHERTY approuve l’idée de cesser tout effort dans le cas de la Gambie et la Guinée équatoriale, mais il se demande si le Comité ne pourrait pas, en plus, en informer officiellement la Haut-Commissaire aux droits de l’homme, afin que celle-ci prenne les mesures qu’elle jugera opportunes. Pour ce qui est de la documentation du Centre pour les droits civils et politiques, il serait peut-être intéressant que le Rapporteur spécial exploite plus directement ces informations, par exemple pour l’évaluation qualitative des réponses des États parties.

6.M. SHEARER estime au contraire qu’il faut faire quelque chose au sujet de la Gambie et de la Guinée équatoriale, qui risquent autrement d’échapper totalement à la surveillance du Comité. L’envoi d’une mission de suivi sur le terrain serait d’autant plus faisable que les deux pays sont proches géographiquement, mais il est encore plus judicieux de porter la question à l’attention de la Haut-Commissaire, comme l’a suggéré M. O’Flaherty. La Haut-Commissaire pourra en effet décider d’envoyer quelqu’un sur place, peut-être dans le cadre d’une mission plus générale, et proposer une assistance technique à ces États parties pour les aider à élaborer leurs rapports. Une autre possibilité serait d’organiser pour les deux pays un nouvel examen de la situation en l’absence de rapport. Il faut rappeler que lorsque le Comité l’avait informé qu’il allait procéder à un tel examen, en 2002, le Gouvernement gambien avait au moins réagi en expliquant qu’il n’avait pas la capacité ni les moyens d’établir son rapport mais qu’il enverrait une délégation. Celle-ci s’était d’ailleurs décommandée à la dernière minute, et cela pourrait arriver de nouveau, mais l’essentiel est de continuer à frapper à la porte des pays dans cette situation.

7.M. AMOR fait observer que les États parties pour lesquels le délai prescrit pour l’envoi des renseignements n’est pas encore échu ne devraient pas figurer dans le rapport, conformément à la décision prise par le Comité à la session précédente de ne faire figurer dans le rapport que les États pour lesquels ce délai a expiré. Concernant le suivi proprement dit, force est de constater qu’en l’absence de moyens effectifs de pression, le Comité a beaucoup de difficultés à obtenir des États parties qu’ils donnent effet à ses observations finales, ce qui est également vrai pour ses constatations. Certaines organisations non gouvernementales ont manifesté leur volonté de participer au suivi. Le Comité aurait intérêt à établir un dialogue régulier avec elles, peut-être par le biais de réunions périodiques avec les rapporteurs spéciaux chargés du suivi. D’autre part, la Haut-Commissaire aux droits de l’homme, à l’occasion de l’ouverture de la session en cours, a publiquement offert au Comité de lui prêter assistance selon que de besoin. Le Comité devrait profiter de cette offre pour sensibiliser la Haut-Commissaire à ses préoccupations. Les modalités de la collaboration restent à définir, mais il importe que le Comité ait un certain écho auprès de la Haut-Commissaire, notamment pour faire en sorte que ses préoccupations soient relayées dans les compilations établies par le Haut-Commissariat aux fins de l’Examen périodique universel.

8.Mme MAJODINA pense comme M. Amor qu’il faut associer davantage les organisations non gouvernementales aux activités de suivi, auxquelles devraient également participer les institutions nationales des droits de l’homme. Celles-ci pourraient donner au Comité des renseignements de première main sur les éventuels manquements des États parties à leurs obligations découlant du Pacte, renseignements que le Comité pourrait ensuite rendre publics afin d’inciter les États concernés à se mettre en conformité avec leurs obligations. L’envoi d’une mission de suivi dans les pays qui ne coopèrent pas du tout serait souhaitable mais il est préférable que la décision émane de la Haut-Commissaire aux droits de l’homme.

9.M. KHALIL dit qu’il faudrait peut-être réfléchir au moyen de diffuser les décisions du Comité auprès des parlementaires, qui ignorent souvent tout des travaux du Comité, et qui pourraient ainsi en connaissance de cause demander des explications au gouvernement en cas de non-application des mesures recommandées par le Comité, a fortiori dans le cas de recommandations tendant à ce que la législation nationale soit modifiée. Il faudrait peut-être prendre contact avec l’Union interparlementaire, qui a son siège à Genève, en vue d’établir une procédure pour garantir que les parlementaires soient dûment informés des décisions du Comité.

10.Sir Nigel RODLEY (Rapporteur spécial chargé du suivi des observations finales) dit qu’il approuve l’idée d’informer la Haut-Commissaire aux droits de l’homme de l’absence de coopération de certains États parties. Comme l’a dit M. Amor, il serait utile que les préoccupations du Comité à ce sujet soient expressément reflétées dans les compilations établies par le Haut-Commissariat aux droits de l’homme aux fins de l’Examen périodique universel. Des démarches devraient être entreprises dans ce sens.

11.Concernant la publicité à donner aux informations communiquées par les organisations non gouvernementales dans le cadre de la procédure de suivi, le Rapporteur spécial estime que ces informations, dès lors qu’elles ne sont pas confidentielles, devraient être accessibles en ligne sur le site du Haut-Commissariat, comme le sont les réponses des États parties et les décisions du Comité. À ce propos, il n’est pas logique que le rapport sur le suivi des observations finales soit un document à distribution restreinte alors qu’il est examiné en séance publique. Le Rapporteur spécial recommande donc au Comité de rendre son rapport public lorsque celui-ci aura été adopté.

12.M. O’FLAHERTY a évoqué la possibilité d’une évaluation qualitative des réponses des États parties. Plus qu’une possibilité, c’est une nécessité car le seul critère dont dispose actuellement le Comité pour évaluer les réponses des États parties consiste à déterminer si celles-ci sont complètes ou non. Le Rapporteur spécial présentera à la prochaine session du Comité les grandes lignes d’un système possible d’évaluation qualitative.

13.L’idée d’envoyer des missions dans les pays qui ne satisfont pas aux obligations qui leur incombent au titre des articles de la quatrième partie du Pacte est tout à fait recevable sur le principe, mais il reste à déterminer la meilleure façon de procéder; ce peut être soit une initiative du Comité soit une recommandation du Comité à la Haut-Commissaire visant à ce qu’elle-même envoie quelqu’un sur place dans le cadre d’une mission plus générale. M. Shearer a suggéré d’organiser un nouvel examen de la situation dans les pays qui ne s’acquittent pas de leur obligation au regard de la quatrième partie du Pacte, ce qui est une excellente idée. Toutefois, le retard accumulé dans la présentation des rapports périodiques des États parties est tel que le Comité a tendance à totalement laisser de côté les pays qui n’ont pas soumis de rapport et dont il n’a pas encore examiné la situation, et il y en a beaucoup. Il faudrait que le Comité inscrive au programme de chacune de ses sessions l’examen de la situation dans un État partie qui n’a pas soumis de rapport, étant entendu que la priorité devrait être accordée aux pays qui n’ont jamais fait l’objet d’un examen par le Comité.

14.En ce qui concerne les États parties qui doivent ou non figurer dans le rapport sur le suivi, la décision adoptée par le Comité à sa précédente session vise le rapport tel qu’il est incorporé dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale, et non pas le rapport intérimaire présenté à chaque session. En outre, les États qui ont été inclus dans le rapport alors que le délai fixé n’était pas encore échu ont été mentionnés parce qu’ils avaient fait parvenir de nouveaux renseignements. Toutefois, si le secrétariat en est d’accord, ces États ne figureront pas dans le rapport public final.

15.Toutes les occasions d’échanger des vues et des renseignements avec les organisations non gouvernementales sont bonnes à saisir. La planification de rencontres régulières entre les organisations non gouvernementales et le Rapporteur spécial permettrait de débattre des moyens d’améliorer le suivi et de réfléchir à la manière de tirer le meilleur parti des possibilités d’action des unes et des autres. L’extension de cette collaboration aux institutions nationales des droits de l’homme est également une bonne idée que le Comité pourra peut-être évoquer avec M. Magazzeni, Chef du Groupe des institutions nationales des droits de l’homme du Haut‑Commissariat, à l’occasion de sa venue.

16.L’idée d’une collaboration avec l’Union interparlementaire (UIP) mérite d’être creusée. La première chose à faire serait d’organiser une rencontre avec les personnes compétentes en vue de déterminer si les travaux du Comité pourraient intéresser les membres de l’UIP et quelles seraient les possibilités envisageables en matière de suivi.

17.M. LALLAH se dit fortement en faveur d’un rapprochement avec l’Union interparlementaire (UIP). Au début de la session en cours, à l’occasion d’une réunion de l’UIP, il a rencontré des députés de différents pays. Une députée mauricienne a souhaité assister aux débats du Comité pour mieux connaître son fonctionnement et ses travaux. M. Lallah lui a demandé si elle connaissait les observations finales du Comité concernant son propre pays et elle a répondu qu’elles n’étaient pas portées à la connaissance des députés. Il serait donc peut-être pertinent et très utile de proposer à l’UIP, par l’intermédiaire du secrétariat, d’inscrire à l’ordre du jour de sa prochaine réunion la question du respect des dispositions des instruments internationaux.

18.M. BHAGWATI approuve M. Lallah et dit que, dans son pays également, ainsi que dans la plupart des pays d’Asie du Sud, très peu de députés et très peu de membres des gouvernements connaissent le Comité, ses travaux et ses observations finales. Il conviendrait donc de prendre des mesures pour faire connaître aux parlementaires, aux membres des gouvernements et aux ONG les débats du Comité et ses observations finales, qui souvent restent uniquement sur le papier.

19.Le PRÉSIDENT dit que Sir Nigel Rodley a proposé d’une part que le rapport du Rapporteur spécial chargé du suivi des observations finales soit publié en distribution générale et d’autre part, que l’on tienne compte des observations des ONG pour établir la documentation du Rapporteur. Ces deux propositions peuvent être d’ores et déjà entérinées. Les autres observations et suggestions ont été présentées comme des voies expérimentales à explorer. Il conviendra de réfléchir à la manière d’étudier les nombreuses préoccupations et suggestions qui ont été exprimées en vue de trouver les moyens de renforcer le respect par les États des observations finales du Comité.

Rapport du Rapporteur spécial chargé du suivi des constatations (CCPR/C/94/R.3/Rev.1)

20.M. SHEARER (Rapporteur spécial chargé du suivi des constatations) dit que, en ce qui concerne l’affaire Boucherf c. Algérie (communication no 1196/2003), le projet de charte pour la paix et la réconciliation nationale est aujourd’hui devenu une loi. L’auteur a accepté à contrecœur une indemnisation au titre de cette loi. Elle estime qu’elle a toujours le droit de savoir comment son fils est mort et où il est enterré, mais l’État partie ne lui a pas donné ces informations. Le secrétariat est intervenu à plusieurs reprises pour organiser une réunion entre le Rapporteur spécial et l’État partie pendant la session en cours mais, après avoir été reportée plusieurs fois, la réunion a été annulée quelques heures avant car le collaborateur de la Mission permanente à Genève avait dû s’absenter. M. Shearer propose donc de considérer que le dialogue reste ouvert et d’essayer une nouvelle fois d’organiser une réunion entre l’État partie et le Rapporteur spécial qui lui succédera au cours de la quatre-vingt-quinzième session à New York.

21.Dans l’affaire Perterer c. Autriche (communication no 1015/2001), le Rapporteur propose que le Comité n’examine pas la question plus avant au titre de la procédure de suivi. Il est intéressant de noter, en lien avec le projet d’observation générale no 33, que l’État partie avait déclaré que «les constatations du Comité n’avaient pas légalement force obligatoire, mais qu’il serait inconcevable de ne pas y donner suite. Il les plaçait sur un pied d’égalité avec les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme.».

22.En ce qui concerne l’affaire Dudko c. Australie (communication no 1347/2005), les observations de l’auteur ont été transmises à l’État partie et le délai pour y répondre n’est pas encore échu. Le Rapporteur propose de considérer que le dialogue reste ouvert et d’attendre la réponse de l’État partie pour prendre une décision.

23.Dans l’affaire Frères Sanjuán c. Colombie (communication n° 181/1984), qui est très ancienne puisque les constatations ont été adoptées en 1989, le problème est que le Comité avait recommandé une réparation qui ne faisait pas mention d’une indemnisation financière. La Colombie est l’un des rares États dont la législation permet d’accorder des réparations, et en particulier de verser des indemnisations à la suite de décisions rendues par des organes internationaux et le Comité est considéré comme l’un de ces organes. Mais comme il n’était pas indiqué que la réparation devrait revêtir la forme d’une indemnisation, l’État partie estime qu’il n’est pas tenu d’indemniser les victimes au titre de la loi no 288/1996. Il s’agit peut-être d’une omission de la part du Comité, mais cette affaire étant très ancienne, la jurisprudence du Comité n’était peut-être pas entièrement établie. En effet, dans la rubrique «Mesures complémentaires prises ou requises» il est fait mention de trois autres affaires dans lesquelles le Comité n’avait pas recommandé de manière spécifique une indemnisation et par conséquent la Commission ministérielle ne pouvait pas recommander une indemnisation en vertu de la loi no 288/1996. Il serait peut-être souhaitable que le Bureau étudie la question de savoir s’il serait possible de rouvrir ces affaires afin de rendre une décision recommandant une indemnisation. La question devrait être inscrite à l’ordre du jour du Bureau pour la session suivante; les membres pourraient y réfléchir dans l’intervalle. Le problème est particulier et peut‑être qu’il ne se pose que pour la Colombie car peu de pays ont une loi comme celle de cet État. Le Rapporteur propose de considérer que le dialogue reste ouvert.

24.Dans l’affaire Haraldsson c. Islande (communication no 1306/2004), le Comité avait recommandé une indemnisation appropriée et la révision du régime de gestion des pêcheries. L’État partie a demandé au Comité, en date du 11 juin 2008, de préciser ce qu’il entendait par «révision», ne sachant pas s’il s’agissait de demander à une commission gouvernementale d’examiner les recommandations du Comité et de décider d’apporter ou non des modifications au système ou s’il fallait des changements plus radicaux et, dans ce cas, lesquels. Il a souligné dans le même temps que s’il acceptait les constatations du Comité et qu’il bouleversait le système de gestion des pêcheries, cela aurait de profondes répercussions sur l’économie islandaise et qu’il lui semblait à certains égards impossible d’assouplir le système. Les auteurs, quant à eux, demandaient que le Comité insiste pour que l’État partie entreprenne une révision totale du système de paiement d’indemnités. Des observations ont été reçues d’un parti d’opposition islandais, représenté au Parlement, qui avait soumis un projet de résolution parlementaire prônant le respect des constatations du Comité. Il s’agit donc d’une affaire dans laquelle sont en jeu d’importants intérêts politiques et économiques. Le délai pour les réponses n’est pas encore échu. Le Comité peut donc considérer que le dialogue reste ouvert et attendre la réponse de l’État partie.

25.L’affaire Pimentel et consorts c. Philippines (communication no 1320/2004) porte sur une action collective engagée par 7 504 personnes contre la succession de l’ancien Président Ferdinand Marcos. Les auteurs ont obtenu un jugement d’un tribunal des États-Unis et tentent maintenant d’obtenir l’exécution de ce jugement aux Philippines. Le 26 février 2008, le Président du tribunal régional de première instance a rendu une ordonnance décidant que l’affaire ferait l’objet d’une procédure de règlement judiciaire des différends, qui est une forme de procédure moins formelle que les audiences publiques. Étant donné le caractère confidentiel de la procédure, aucun nouvel élément d’information sur l’état d’avancement de la procédure ne peut être communiqué au Comité. Dans la rubrique «Mesures complémentaires prises ou requises», il est indiqué que «le Rapporteur voudra peut-être demander un complément d’information à l’État partie sur la date à laquelle il est probable que le tribunal régional de première instance examinera cette affaire». Le Rapporteur propose que le Comité considère que le dialogue reste ouvert. De plus, il faudrait demander au secrétariat d’adresser à l’État partie une note demandant ces informations.

26.Dans l’affaire Azamat Uteev c. Ouzbékistan (communication no 1150/2003), relative à des actes de torture, l’État partie a rejeté les constatations du Comité. Il n’a pas participé à la procédure et ne s’est adressé au Comité qu’une fois les constatations adoptées, affirmant que le Comité était dans l’erreur. Le Rapporteur propose que le Comité manifeste que les informations fournies par l’État partie auraient dû l’être avant que le Comité examine cette affaire et considère que la réponse de l’État partie n’est pas satisfaisante et que le dialogue se poursuit. Mais une réponse de l’auteur est aussi attendue puisque les observations de l’État partie ne lui ont été communiquées que le 26 septembre 2008 et qu’il a jusqu’à la fin du mois de novembre pour répondre.

27.Dans l’affaire Chongwee c. Zambie (communication no 821/1998), la réparation recommandée était de prendre les mesures qui s’imposent pour protéger la sécurité personnelle de l’auteur, de mener une enquête indépendante et de verser des dommages-intérêts. Cette affaire dure depuis longtemps. Fin 2005, le Gouvernement avait offert à l’auteur la somme de 60 000 dollars sans préjudice d’autres mesures, proposition que l’auteur avait rejetée. Selon l’auteur, l’État partie n’a pas donné suite aux constatations, n’a pas assuré sa sécurité et ne l’a pas aidé à se réinstaller en Zambie en rentrant d’Australie. Il qualifie l’offre d’indemnisation de «petite avance» qu’il est obligé d’accepter parce qu’elle est «à prendre ou à laisser». Il est en contact avec le Procureur général, qui essaie de trouver à cette affaire une issue qui satisfasse toutes les parties, et avec qui il a eu une autre discussion le 15 juillet 2008, qui n’a pas donné de résultats immédiats. Le Rapporteur propose de considérer que le dialogue reste ouvert. La lettre de l’auteur a été adressée à l’État partie, mais le délai pour la réponse n’est pas écoulé. L’examen de cette affaire se poursuivra donc en 2009.

28.M. O’FLAHERTY dit que le Comité a examiné la suite de l’affaire Haraldsson c. Islande à la quatre-vingt-treizième session et qu’il avait été en mesure d’éclaircir certains points au sujet des préoccupations du Gouvernement islandais et d’avancer sur la question. En particulier le Comité avait conclu qu’il ne demandait pas au Gouvernement islandais de réformer son système, mais seulement de le revoir. Le Gouvernement a déjà fait savoir que la révision était en cours ou prévue et le Comité devrait prendre acte de ce progrès. En ce qui concerne les indemnisations, il lui semble que les conclusions du Comité étaient assez claires. Elles ne correspondaient peut‑être pas à ce qu’attendait l’auteur. Il faudrait à travers un canal approprié faire connaître à l’Islande les résultats du débat du mois de juillet ou trouver tout autre moyen de rappeler la nature précise de la réparation recommandée, qui est d’une portée beaucoup plus limitée qu’on ne veut bien le dire dans d’autres enceintes.

29.Sir Nigel RODLEY dit que dans l’affaire Frères Sanjuán c. Colombie, le suivi de la décision pose nécessairement une difficulté en raison de la formulation de la réparation demandée («Le Comité souhaite recevoir des renseignements sur toutes les mesures prises par l’État partie en rapport avec les constatations du Comité, et invite notamment l’État partie à l’informer des faits nouveaux qui apparaîtraient au cours de l’enquête menée sur la disparition des frères Sanjuán»). En effet, le Comité n’avait pas indiqué la moindre forme de réparation. Cela est très étonnant car, même si la communication a été examinée il y a très longtemps (1989), le Comité de l’époque avait déjà une jurisprudence et demandait généralement, dans des affaires aussi graves, au moins une indemnisation et même l’ouverture d’une enquête en vue de rechercher et de punir les responsables. Aujourd’hui, tout ce que le Comité peut faire est de demander au Rapporteur d’inviter l’État partie à reconsidérer la question de façon plus ouverte.

30.M. SHEARER (Rapporteur spécial chargé du suivi des constatations) dit qu’il est exact que le Comité a expliqué à l’Islande qu’il ne lui demandait pas de réformer son système dans son ensemble, mais seulement de le réviser et d’examiner la possibilité d’une compensation. Le secrétariat devrait vérifier quels documents ont été envoyés à l’État partie et à quelle date, étant donné que dans le rapport la date de l’envoi qui aurait dû être fait a été laissée en blanc. Si aucun document n’a encore été envoyé, le Comité pourrait compléter le dossier destiné à l’État partie avec les résultats du débat de la présente session et des explications sur ce qu’il attend de l’État partie, quitte à prolonger si nécessaire le délai de réponse accordé à l’État partie.

31.En ce qui concerne l’affaire relative à la Colombie, il est en effet étonnant que le Comité n’ait pas recommandé une indemnisation mais cela doit être le cas puisque l’État colombien affirme que dans quatre affaires, dont celle des frères Sanjuán, le Comité n’a pas recommandé d’indemnisation, en conséquence de quoi il ne peut pas examiner la possibilité d’une indemnisation. Il faudrait donc vérifier précisément le libellé des recommandations du Comité dans ces quatre affaires et si le Comité n’a pas explicitement recommandé une forme de réparation, il serait possible d’argumenter que la formule utilisée, quelle qu’elle soit, recommandait implicitement l’indemnisation des victimes.

32.Sir Nigel RODLEY dit que le Rapporteur spécial pourrait spécifier que les «mesures» que le Comité a demandé à l’État partie de prendre devraient comporter, à tout le moins, l’indemnisation des victimes, l’ouverture d’une enquête sur les faits, la communication d’informations sur le sort des intéressés et l’ouverture de poursuites contre les responsables.

33.M. SCHMIDT (Haut‑Commissariat) dit qu’en ce qui concerne l’affaire relative à l’Islande, la responsable du suivi de l’affaire auprès du Ministère des affaires étrangères a eu de nombreux contacts avec le secrétariat. En septembre, elle s’est entretenue à Genève avec Mme Fox et lui‑même, qui lui ont dit clairement que le champ d’application des constatations du Comité était bien plus limité que l’auteur avait pu le laisser entendre dans sa correspondance. Il faudra toutefois vérifier si une note verbale a été envoyée à l’État partie à ce sujet. Cette affaire est délicate sur le plan politique. À ce propos, le conseil de l’auteur a récemment écrit au Comité et au Haut-Commissariat des droits de l’homme pour leur demander de l’autoriser à envoyer les constatations du Comité au Directeur général du Fonds monétaire international; il entendait demander que le FMI subordonne son soutien financier apporté à l’Islande à l’application des constatations du Comité. La requête a été rejetée.

34.En ce qui concerne l’affaire des frères Sanjuán, la formulation du paragraphe touchant à la réparation place effectivement le Comité dans une situation délicate. Cela étant, il y a eu de nombreuses incohérences dans la mise en œuvre de la loi colombienne no 288/1996 portant création de la Commission ministérielle. Il est prévu d’organiser à la session de mars 2009 à New York ou à la session de juillet 2009 à Genève des réunions de suivi avec les représentants de la Mission permanente de la Colombie pour en débattre.

35.Le PRÉSIDENT dit que, certes, dans la pratique la loi sur l’indemnisation n’a pas été appliquée de façon cohérente mais il reste que la Commission ministérielle ne peut pas recommander l’indemnisation des victimes si le Comité n’indique pas une forme de réparation spécifique. Il est donc d’autant plus nécessaire de poursuivre le dialogue. Le Comité ne devrait donc pas se limiter à indiquer que sa décision n’a pas été appliquée de façon satisfaisante, mais devrait continuer le dialogue entamé avec l’État partie afin qu’ils déterminent ensemble les mesures qui pourraient être prises pour que les victimes obtiennent réparation.

36.Au nom du Comité et du secrétariat, le Président remercie M. Shearer pour le travail qu’il a accompli au sein du Comité, notamment en tant que Rapporteur spécial chargé du suivi des constatations.

La première partie ( publique ) de la séance prend fin à 12 h 50.

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