Nations Unies

CCPR/C/SR.2716

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

14 octobre 2011

Français

Original: anglais

Comité des droits de l’homme

Quatre-vingt- dix-neuvième session

Compte rendu analyti que de la 2716 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mardi 13 juillet 2010, à 10 heures

Président:M. Iwasana

S ommaire

Examen des rapports soumis par les États parties conformément à l’article 40 du Pacte (suite)

Troisième rapport périodique de l’Estonie (suite)

La séance est ouverte à 10 h 10.

Examen des rapports soumis par les États parties conformément à l’article 40 du Pacte (suite)

Troisième rapport périodique de l’Estonie (suite) (CCPR/C/EST/3, CCPR/C/EST/Q/3 et Add.1)

1. Sur l’invitation du Président, les membres de la délégation estonienne reprennent place à la table du Comité.

2.Le Président invite la délégation à répondre aux questions 15 à 27 de la liste des points à traiter (CCPR/C/EST/Q/3).

3.M. Kokk (Estonie), répondant à la question 15, déclare qu’un étranger dont le partenaire du même sexe réside déjà dans l’État partie ne peut fonder sa demande de permis de séjour sur le regroupement familial car ce pays reconnaît le mariage mais pas les partenariats. Il peut toutefois demander un permis de résidence en invoquant d’autres arguments, tels qu’un revenu licite suffisant pour assurer sa subsistance. Sa demande sera alors examinée compte étant tenu du quota annuel d’immigrants en Estonie (0,1 % de la population permanente).

4.Passant à la question 16, M. Kokk indique que les demandes d’octroi du statut de réfugié sont examinées au cas par cas et de manière impartiale. Les autorités s’assurent de la véracité des documents et des informations présentés et évaluent la crédibilité des déclarations faites par le requérant. Elles prennent également en compte l’existence de circonstances justifiant l’octroi d’une protection internationale au requérant ou le rejet de sa demande. Toutes les décisions tendant au rejet d’une demande d’asile ou à l’expulsion d’un étranger sont établies par écrit; le requérant dispose d’un recours utile et peut contester ces décisions devant le tribunal administratif. Le fait de contester le rejet d’une demande n’entraîne pas le report de l’expulsion, sauf si le tribunal accorde un sursis à l’exécution de l’ordre de quitter le territoire. Dans la pratique, les tribunaux décident toujours d’accorder un sursis en pareil cas.

5.La décision de refuser à un demandeur d’asile l’entrée en Estonie ne peut être fondée que sur certains motifs, par exemple le fait que son pays d’origine est considéré comme sûr ou qu’il est entré en Estonie depuis un pays pouvant être considéré comme sûr. Contrairement à certaines informations, l’Estonie n’a pas établi de liste des «pays sûrs». La décision est prise au cas par cas, en tenant compte des particularités de chaque situation.

6.Dans sa réponse à la question 17 de la liste des points à traiter (CCPR/C/EST/Q/3/Add.1), l’Estonie a fourni des renseignements sur la législation qu’elle a adoptée en 2008 pour éviter les retards dans les procédures pénales. La mesure la plus importante concerne les principes de continuité et d’instantanéité des audiences. Les tribunaux doivent entendre chaque affaire dans son intégralité et se prononcer dans les meilleurs délais. Les autres mesures concernent la citation de témoins à comparaître et l’ouverture de l’audience pénale immédiatement après l’audience préliminaire, et visent à faire en sorte que les membres des collèges des juridictions pénales n’aient pas à traiter plusieurs affaires en même temps. D’après les statistiques du Ministère de la justice, la durée des procédures a diminué environ de moitié au premier semestre de 2009. Ainsi, une procédure pénale normale durait quatre cent quarante-huit jours en 2009 contre neuf cent quatre-vingt-douze jours en 2008. En outre, une nouvelle série de mesures que le Parlement est en train d’examiner comprend la possibilité de demander une procédure pénale ou civile accélérée.

7.Le Comité a également demandé si les preuves obtenues par des moyens illégaux étaient admissibles dans les procédures pénales. La loi ne précise pas les motifs d’irrecevabilité des preuves mais stipule que les tribunaux doivent évaluer ces preuves dans leur intégralité, selon la conscience des juges. La Cour suprême a réaffirmé lors de plusieurs affaires le principe de l’évaluation au cas par cas et indiqué que les preuves pouvaient même être admissibles en cas de violation peu importante de la procédure.

8.En réponse à la question 18, M. Kokk déclare que le Ministère des finances a accordé des réparations à la suite d’erreurs judiciaires, au titre de la loi sur la réparation du préjudice causé à un particulier par l’État du fait d’une privation infondée de sa liberté.

9.En ce qui concerne la question 19, relative au service de remplacement, M. Kokk indique que le problème de la durée a été résolu le 1er juillet 2010, avec l’entrée en vigueur de la modification de la loi sur le service dans les forces armées. La durée du service de remplacement est désormais la même que celle du service militaire, à savoir huit à douze mois.

10.S’agissant de la question 20, relative aux événements d’avril 2007, M. Kokk déclare que des actions pénales n’ont été ouvertes que dans huit cas, à la suite d’allégations de mauvais traitements infligés à des manifestants par les forces de l’ordre. Les responsables présumés de ces infractions n’ayant pu être identifiés, il a été mis fin à ces actions à l’issue de l’instruction.

11.La police estonienne doit respecter la loi et l’ordre en toutes circonstances, y compris en cas de troubles de grande ampleur, et suit régulièrement des cours de bonne conduite. Les agents de police sont responsables sur le plan disciplinaire de tout manquement à leurs obligations. Un contrôle est exercé par le supérieur hiérarchique direct et par le Département de contrôle de la police. Plusieurs modifications des dispositions législatives adoptées après les événements de 2007 ont notamment porté sur les recours administratifs contre des policiers, l’identification des agents de police et les règlements régissant le recours à la force.

12.En réponse à la question 21, M. Kokk déclare que, tant en 2006 qu’en 2007, la police a veillé à ce que le défilé de la Gay Pride se déroule de façon ordonnée. Certains spectateurs se sont conduits de façon répréhensible mais les manifestants n’ont subi aucun dommage corporel et aucune plainte n’a été déposée contre les autorités ou des particuliers. La tenue d’une réunion, d’un défilé ou de tout autre événement ne peut être restreinte que pour des motifs liés à la sécurité nationale, l’ordre public, la moralité, la sécurité routière et la sécurité des participants, ou pour prévenir la propagation de maladies contagieuses. En 2006 et en 2007, le conseil d’administration de la Gay Pride de Tallinn a reçu des recommandations écrites lui demandant de limiter les risques auxquels les participants pourraient être exposés et de veiller à la sécurité routière. En 2007, à l’issue de consultations tenues avec les organisateurs et après une légère modification de l’itinéraire du cortège, l’autorisation de tenir la manifestation a été accordée en temps voulu.

13.S’agissant de la question 22, M. Kokk déclare que l’interdiction de faire grève visant les représentants de l’État est toujours en vigueur mais que le Parlement examine un nouveau projet de loi sur la fonction publique, qui pourrait aboutir à une réduction considérable de leur nombre en définissant le représentant de l’État comme étant une personne qui, à son poste, exerce une fonction d’autorité au nom de l’État. Les employés de l’État ou des administrations locales n’exerçant pas de fonctions d’autorité ne seraient pas considérés comme des représentants de l’État et l’interdiction de faire grève ne s’appliquerait pas à eux.

14.En réponse à la question 23, M. Kokk déclare que, pour assurer la sécurité nationale, les personnes dont la citoyenneté est indéterminée résidant depuis longtemps sur le territoire estonien et les ressortissants de pays tiers ne peuvent devenir membres de partis politiques ni occuper d’emplois dans la fonction publique. Ce principe est énoncé dans la Constitution. Les ressortissants de l’Union européenne peuvent exercer ces droits en vertu du principe de libre circulation les concernant mais ils n’ont accès qu’à certains postes de la fonction publique et ne peuvent occuper d’emplois supposant l’exercice d’une fonction d’autorité au nom de l’État ou la protection de l’intérêt général.

15.Faisant référence à la question 24, M. Kokk déclare que l’article 152 du Code pénal portant sur la violation du principe d’égalité n’a pas été appliqué par les tribunaux nationaux pendant la période 2005-2009.

16.Répondant à la question 25, M. Kokk dit que tous les parents ne sont pas conscients des droits que leur confère la loi sur la citoyenneté ni des possibilités qui en découlent. En 2007, une campagne d’information a été lancée afin de réduire le nombre d’enfants de citoyenneté indéterminée à la naissance. L’Estonie élabore actuellement des mesures qui permettront une diffusion plus efficace de l’information et la prestation de services d’information et de conseil personnalisés aux personnes de citoyenneté indéterminée. Les services personnalisés comprennent des entretiens entre des représentants de l’Office des migrations et de la citoyenneté et les parents d’enfants de citoyenneté indéterminée. Un courrier personnel portant sur les procédures d’obtention de la citoyenneté et signé par le Ministère de l’intérieur sera également adressé aux parents de ces enfants. Cette nouvelle approche, qui a reçu un accueil très favorable, a permis d’accélérer la naturalisation des enfants âgés de moins de 15 ans.

17.En 2009, un projet sur la promotion du partage des données entre le Conseil de la citoyenneté et des migrations et le registre d’état civil a été lancé. L’objectif était de recueillir des données sur tous les enfants nés en Estonie afin de pouvoir informer leurs parents de la nécessité de régulariser le séjour de leurs enfants. Les parents seraient informés de la possibilité qu’ils avaient de demander la nationalité estonienne pour leur enfant dans les douze mois suivant sa naissance sans devoir obtenir au préalable de permis de séjour ou de droit de séjour pour celui-ci.

18.Des réunions d’information sont organisées dans les écoles russophones depuis octobre 2008. Des bulletins présentant les avantages de la citoyenneté estonienne sont distribués aux enfants de différents groupes d’âge et les démarches visant à obtenir la citoyenneté leur sont expliquées. Ces informations seront distribuées dans 61 écoles. Les enfants âgés de moins de 15 ans représentent 40 % de la totalité des candidats à la citoyenneté et l’obtiennent presque systématiquement. Quelques demandes seulement n’ont pas abouti du fait que l’enfant ne pouvait être libéré de la citoyenneté dont il était déjà titulaire. Le droit estonien n’autorise pas la double citoyenneté. Les enfants de citoyenneté non déterminée âgés de moins de 15 ans sont donc de moins en moins nombreux (de 6 451 en 2005, leur nombre est passé à 2 305 en juillet 2009 et à 1 914 en juin 2010).

19.D’une manière générale, le nombre des personnes de citoyenneté indéterminée a également continué de diminuer et, au printemps 2010, il était pour la première fois inférieur à 100 000.

20.Aux termes de la loi sur la citoyenneté, un citoyen estonien ne peut être citoyen d’un autre État. Aucune mesure n’a été prise pour encourager les citoyens d’autres pays à choisir la citoyenneté estonienne plutôt que la leur.

21.Au sujet de la question 26, M. Kokk déclare que l’Inspection des langues supervise la mise en œuvre de la loi sur les langues en s’appuyant sur le droit, sur des techniques de gestion sûres et sur des documents stratégiques tels que le plan de développement du Ministre de l’enseignement pour la période 2008-2011, intitulé «Une nation sage et active». L’Inspection des langues emploie 22 fonctionnaires, dont 11 remplissent la fonction d’inspecteur. Elle publie chaque année un rapport sur le nombre d’inspections menées et d’avertissements et d’ordres émis. Toutes les visites d’inspection sont approuvées au préalable par le Ministère de l’éducation. Les institutions concernées sont informées en temps voulu et leurs documents sont examinés avant la visite dans le but de déterminer à combien d’employés s’appliquent les règles relatives aux aptitudes linguistiques et combien ne sont pas titulaires d’un certificat attestant les connaissances linguistiques voulues.

22.Le Ministre de l’éducation supervise l’Inspection des langues. À ce titre, il peut abroger les actes juridiques des autorités exécutives. Les autorités exécutives locales supervisent les bureaux et les organes chargés de l’inspection des institutions à l’échelon régional, ainsi que les fonctionnaires concernés, conformément aux règles en vigueur et dans la mesure définie par le Ministère.

23.En outre, les actes juridiques de l’Inspection des langues peuvent être contestés devant les tribunaux administratifs. Les problèmes portant sur les droits fondamentaux peuvent être adressés au Chancelier de justice et les problèmes de discrimination au Commissaire à l’égalité des sexes.

24.L’Estonie a adopté un nouveau programme d’intégration pour la période 2008-2013. Lors de l’élaboration de ce programme, elle a notamment fait le bilan de la mise en œuvre et des effets du programme national précédent, qui s’intitulait «Intégration dans la société estonienne en 2000-2007». Ce bilan a montré qu’il fallait moduler l’ensemble du programme d’intégration et qu’il serait préférable de définir plus précisément les groupes cibles plutôt que de s’intéresser en priorité aux groupes ethniques en général ou à des groupes précis tels que les personnes de citoyenneté indéterminée ou les groupes sociaux à risque.

25.L’évaluation la plus récente des résultats concrets des programmes d’intégration a été menée en 2008. Elle a montré que les indicateurs de l’intégration structurelle dans la société estonienne, dont la maîtrise de la langue estonienne, le pourcentage de citoyens estoniens par rapport à l’ensemble de la population et plusieurs autres indicateurs socioéconomiques, s’amélioraient progressivement. Cependant, plusieurs indicateurs témoignant des mentalités au sein de la population se sont détériorés après 2005. Les écarts de revenu entre la population russophone et la population parlant l’estonien ont diminué. L’écart qui subsiste est dû en grande partie au fait que les Russes dotés d’une éducation supérieure sont beaucoup moins nombreux dans la tranche des plus hauts revenus.

26.La population russophone a l’impression que les avantages créés par la transition vers des écoles dans lesquelles une partie de l’enseignement est dispensée en estonien s’accompagnent de risques importants. Toutefois, le fait que les écoles soient résolues à conclure cette étape de transition bien avant les échéances officiellement fixées pourrait être interprété comme un signe de l’absence de réticence de la population russophone à l’égard de l’enseignement de la langue estonienne. Ces vingt dernières années, les compétences en estonien de la population russophone se sont progressivement améliorées. La langue estonienne a un rôle intégrateur moins important mais son rôle utilitaire s’est maintenu et renforcé car on considère qu’il est indispensable de maîtriser l’estonien pour obtenir un bon travail.

27.Des activités qui n’avaient pas été menées en 2000-2007 seront organisées dans le cadre de la stratégie d’intégration pour la période 2008-2013. Cette stratégie comprend des composantes éducation et culture, société et économie et droit et politique. Elle accorde une plus large place à l’individu car elle est fondée sur les principes de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales du Conseil de l’Europe, qui met l’accent sur les droits individuels. La stratégie a pour but d’améliorer le bien-être et la sécurité, d’accroître les possibilités de participation et de réalisation personnelle, d’améliorer la confiance de chacun en sa propre valeur et de faciliter la définition de l’identité personnelle. Elle vise également à promouvoir un sentiment d’appartenance à la société estonienne grâce à des valeurs communes et à la maîtrise de la langue de l’État. Une personne dont l’intégration est réussie peut se réaliser, sans craindre pour sa sécurité et participer à la vie économique, sociale et culturelle de la société.

28.S’agissant de la question 27, les cours sur les droits de l’homme portent sur les principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme. Toutefois, les Estoniens connaissent mieux la Convention européenne des droits de l’homme que le Pacte.

29.Les droits de l’homme ont commencé à être enseignés dans les écoles lorsque l’Estonie a reconquis son indépendance il y a vingt ans. Le programme d’études sociales des premier et deuxième cycles de l’enseignement secondaire comporte actuellement un cours sur les droits de l’homme, qui peut également être pris en option. Ce cours porte sur la nature des droits de l’homme, les instruments relatifs aux droits de l’homme, les incidences de ces droits sur la vie quotidienne et la situation des droits de l’homme dans le monde contemporain. En 2009, l’Union estonienne pour la protection de l’enfance et l’Institut estonien des droits de l’homme ont élaboré un manuel de 96 pages sur les droits de l’homme. Les établissements d’enseignement supérieur proposent également des cours facultatifs sur les droits de l’homme.

30.Faisant référence à la question 15, M me Keller demande si le projet de modification de la loi sur la famille, selon lequel tout mariage contracté entre personnes de même sexe est nul, est déjà entré en vigueur. L’État partie envisagerait-il néanmoins de modifier les lois pertinentes de manière à ce que les critères d’obtention d’un permis de résidence temporaire appliqués aux couples hétérosexuels le soient également aux couples homosexuels, à savoir des liens financiers étroits, un lien psychologique, la stabilité familiale et des assurances que le mariage ou le partenariat n’est pas factice. Dans la négative, Mme Keller demande à l’État partie d’expliquer la raison de la différence de traitement au regard des dispositions du Pacte relatives à la non-discrimination et à la libre circulation, qui sont également des principes fondamentaux du droit de l’Union européenne. Elle demande à l’État partie s’il serait disposé à établir un document directif portant spécifiquement sur les partenaires de même sexe des immigrants.

31.S’agissant de la question 16, Mme Keller se réfère au paragraphe 123 des réponses à la liste des points à traiter, où l’État partie déclare que, dans la pratique, les tribunaux suspendent toujours l’exécution d’un ordre d’expulsion en cas de contestation d’une décision de rejet d’une demande d’asile. Elle observe qu’aux paragraphes 124 et 125, l’État partie cite toutefois trois motifs d’exécution immédiate d’un ordre d’expulsion, à savoir lorsqu’il y a des raisons de croire que le demandeur peut se rendre dans un pays d’origine ou un pays tiers où il sera en sécurité, ou lorsqu’un autre pays peut être considéré comme étant le principal pays d’asile. Mme Keller fait observer que ce sont précisément de telles conclusions qu’un demandeur cherchera normalement à contester. Elle souhaite savoir comment le demandeur peut faire appel dans le cadre de la procédure en vigueur tout en restant sur le territoire de l’État partie lorsque les conclusions sont erronées.

32.Le Comité estime que la loi relative à l’obligation de quitter le pays et à l’interdiction d’y entrer comporte plusieurs lacunes, notamment l’absence de précisions sur le droit qu’a une personne de rester sur le territoire de l’État partie si l’ordre d’expulsion la concernant a été suspendu. Cette loi ne réglemente pas non plus la détention des immigrants en situation irrégulière dans les zones de transit et ne fournit pas suffisamment de détails sur la manière de traiter les mineurs non accompagnés. Mme Keller demande à l’État partie s’il envisagerait de modifier cette loi de manière à ce que les droits des étrangers y soient énoncés plus clairement.

33.Mme Keller souhaite savoir si des mesures ont été prises pour garantir le plein respect du principe de non-refoulement en instaurant des procédures d’asile justes, en particulier des procédures accélérées appliquées par les gardes frontière. Elle cite à titre d’exemple la mise en place de dispositifs indépendants de contrôle aux frontières.

34.Se référant à la question 23, Mme Keller demande pourquoi l’État partie établit une distinction entre les résidents à long terme de pays membres de l’Union européenne et ceux d’autres pays ainsi que les personnes apatrides, s’agissant de la participation aux partis politiques et à la vie publique et de l’accès à la fonction publique. Tant dans ses réponses écrites que dans son exposé oral, l’État partie a évoqué la nécessité de protéger la sécurité nationale. Il semble que le fait de soumettre à un contrôle de sécurité toutes les personnes qui s’engagent dans les activités susmentionnées rendrait superflu ce traitement distinct.

35.S’agissant de la question 24, l’État partie a indiqué que, de 2005 à 2009, l’article 152 du Code pénal sur les atteintes au principe d’égalité n’a pas été appliqué par les juridictions locales. Mme Keller demande si l’État partie a repéré d’éventuels obstacles à l’application de cet article, tels que l’ignorance de son existence par les responsables de l’application des lois et, le cas échéant, quelles mesures permettraient d’éliminer ces obstacles.

36.Aucun litige administratif, civil ou professionnel portant sur des questions de discrimination n’étant apparemment parvenu aux cours ou tribunaux compétents, Mme Keller demande si l’État partie a pris ou envisage de prendre des mesures afin de garantir le bon fonctionnement du dispositif pertinent.

37.Passant à la question 25, Mme Keller demande si l’État partie a prévu d’adhérer à la Convention sur la réduction des cas d’apatridie ou à la Convention relative au statut des apatrides.

38.S’agissant de la question 26, Mme Keller demande sur quelle logique repose l’application de la loi sur les langues dans des zones où la majorité de la population ne parle pas l’estonien. Elle demande si l’État partie est disposé à modifier cette loi afin qu’il soit tenu compte des différences régionales, ou, si la loi continue d’être appliquée de façon rigoureuse, à faire en sorte que tous les cours de langues soient remboursables ou d’un coût abordable.

39.Faisant référence à la question 17 de la liste des points à traiter, M. Thelinse félicite que les retards dans les procédures pénales aient diminué de moitié. Il demande si le retard de dix-huit mois concerne aussi les affaires dans lesquelles la personne accusée est en détention, auquel cas ce délai serait trop long. M. Thelin demande si le Gouvernement estonien envisage d’accélérer le processus lorsqu’il n’existe pas de conditions particulières.

40.L’Association estonienne de défense des patients a trouvé préoccupante la manière dont les droits des personnes handicapées mentales étaient protégés dans le cadre des procédures pénales. Selon elle, l’évaluation de l’état mental du prévenu n’est pas toujours menée de manière appropriée. L’absence de représentation légale adéquate garantissant le respect de tous les droits des accusés ayant des problèmes de santé mentale est également une source de préoccupation. L’Association a aussi exprimé des préoccupations au sujet de l’ingérence dans l’intimité de la vie privée des personnes handicapées mentales observée dans le cadre des procédures civiles. Elle a fait état de cas où un parent aurait été désigné tuteur d’une personne souffrant de troubles mentaux et aurait engagé celle-ci dans une procédure civile sans qu’elle en comprenne pleinement les répercussions. Si les allégations de l’Association estonienne de défense des patients sont fondées, il conviendrait que l’État partie revoie les dispositions législatives pertinentes et améliore la protection des droits de la personne dans de telles situations.

41.M. Thelin demande si l’État partie souscrit au principe du «fruit de l’arbre empoisonné», selon lequel les preuves obtenues de façon illégale ne sont pas recevables. Selon les informations dont le Comité est saisi, c’est au tribunal qu’il appartient d’évaluer l’admissibilité des preuves une fois qu’elles ont été produites. Bien que ce système soit appliqué dans de nombreux pays, l’Estonie forcerait un plus grand respect de la Constitution et découragerait la police et les magistrats du parquet d’employer des moyens illégaux pour obtenir des preuves si elle souscrivait au principe susmentionné.

42.S’agissant de la question 22, M. Thelin demande à la délégation d’expliquer l’apparente contradiction entre les nouvelles dispositions qui permettent aux fonctionnaires n’exerçant pas d’autorité au nom de l’État de faire grève et le fait qu’il est interdit aux représentants des autorités nationales et locales de faire grève.

43.Passant à la question 27, M. Thelin est déçu de constater que les informations sur l’application de la Convention et les avis et recommandations du Comité ne sont affichés que sur la page Web du Ministère estonien des affaires étrangères. Il faudrait instaurer un système par défaut qui permettrait d’incorporer ces informations à toutes les bases de données des services publics, y compris les bibliothèques et les écoles publiques, ce qui permettrait aux citoyens estoniens de se familiariser avec leurs droits au regard du Pacte.

44.Faisant référence à la question 18, M. Bouzid déclare que l’État partie a reconnu qu’aucune loi particulière ne prévoit de compensation ni d’autre forme de réparation pour les victimes d’erreur judiciaire. Il demande si l’État partie prévoit de combler cette importante lacune juridique en instituant des dispositions législatives prévoyant une procédure adéquate.

45.Considérant la question 19, M. O ’ Flahertyse félicite des mesures prises par l’État partie pour mettre sur un pied d’égalité le service militaire et le service de remplacement conformément à l’article 18 du Pacte. Il observe toutefois que, d’après le rapport de l’État partie, seulement 11 demandes d’inscription au service de remplacement sur 65 ont été accordées en 2007. M. O’Flaherty s’enquiert des raisons d’un si faible pourcentage et invite l’État partie à renseigner le Comité sur les critères qui ont servi à évaluer ces demandes en 2007. Il demande également si ces critères ont été modifiés depuis et si l’on peut s’attendre à ce que le pourcentage des demandes acceptées soit plus élevé en 2010. Il souhaite en outre savoir quels mécanismes ont été institués pour garantir que les objecteurs de conscience ne soient pas appelés à servir dans l’armée de réserve.

46.S’agissant de la question 20, M. O’Flaherty demande quelles modifications ont été apportées aux procédures régissant l’identification des policiers, si les allégations d’actes de violence commis par des policiers ont fait l’objet d’enquêtes et si une surveillance est exercée sur la police depuis les événements de la «Nuit de la statue de bronze» survenus en avril 2007. Les documents dont le Comité est saisi, dont une pétition déposée auprès de la Cour européenne des droits de l’homme en 2009, révèlent que les incidents de 2007 ont notamment donné lieu à des arrestations et à des emprisonnements arbitraires. M. O’Flaherty demande si l’État partie a indemnisé les victimes ou envisage de le faire.

47.Passant à la question 21, M. O’Flaherty prend note avec satisfaction des informations selon lesquelles, ces dernières années, les défilés de la Gay Pride se seraient déroulés sans incident et sans présence policière accrue. Il observe toutefois que le Chancelier de justice a noté qu’en 2007, la préfecture de police du Nord n’avait pas pleinement coopéré avec les organisateurs du défilé de la Gay Pride. En outre, selon le Chancelier de justice, même si les autorités avaient apparemment conscience de leur obligation de ne pas intervenir dans le déroulement du défilé, elles étaient semble-t-il moins conscientes de l’obligation positive qui leur était faite de promouvoir l’instauration d’un environnement dans lequel la liberté de réunion et des droits connexes pouvaient être exercés. M. O’Flaherty invite la délégation à formuler des observations à ce sujet. Il lui semble que la cause sous-jacente des incidents survenus lors de la Gay Pride de 2007 était la persistance de préjugés au sein de la société à l’encontre des homosexuels. M. O’Flaherty apprécierait que des renseignements soient donnés sur les programmes visant à lutter contre les préjugés et à promouvoir l’ouverture.

48.Il est regrettable que l’État partie n’ait pas donné de réponse satisfaisante à la question 27 de la liste des points à traiter. Le Comité accueillerait avec satisfaction des renseignements supplémentaires, en particulier sur la participation des organisations non gouvernementales et du Chancelier de justice à l’élaboration du rapport. La participation de la société civile en Estonie semble faible et le Comité apprécierait que des informations soient fournies concernant la vitalité du mouvement de défense des droits de l’homme en Estonie et les mesures pouvant être prises pour le stimuler. Pour que la diffusion des informations relatives au Pacte et aux travaux du Comité soit efficace, il faudrait que des documents pertinents soient distribués tant en estonien qu’en russe. M. O’Flaherty demande si les rapports de l’État partie et les observations finales du Comité sont diffusés en russe.

La séance est suspendue à 11 h 0 5; elle est reprise à 11 h 30.

49.M. Kokk (Estonie) déclare que la loi estonienne sur la famille n’accorde pas aux couples homosexuels les mêmes droits qu’aux couples mariés traditionnels. La possibilité d’accorder des droits supplémentaires aux couples homosexuels est en cours d’examen mais il ne peut donner aucune indication quant à ce que sera l’issue du débat.

50.En ce qui concerne l’immigration du partenaire d’un couple homosexuel, M. Kokk déclare que le droit estonien ne reconnaît pas les mariages homosexuels et qu’accorder l’égalité de traitement aux couples homosexuels soulèverait donc de nombreux problèmes sur le plan juridique. Le problème ne s’est pas posé dans la pratique puisque les citoyens des pays membres de l’Union européenne peuvent entrer librement en Estonie et qu’à l’échelle mondiale, peu d’autres pays reconnaissent les partenariats entre personnes de même sexe. Toutefois, le Gouvernement estonien continuera d’étudier la question et, si des problèmes se posent dans la pratique, définira des mesures correctives.

51.S’il admet que la police n’a peut-être pas pris des mesures adéquates pour protéger les participants aux défilés de la Gay Pride en 2006 et en 2007, M. Kokk nie les allégations selon lesquelles la police n’aurait pas été capable de remplir son obligation positive d’assurer leur sécurité. Des mesures ont été prises pour améliorer l’action de la police et, de ce fait, il n’y a pas eu de nouveaux incidents lors de ces défilés depuis 2007.

52.M me Sepper (Estonie) déclare qu’une campagne sera lancée en automne 2010 par le Ministère des affaires sociales, en coopération avec plusieurs organisations non gouvernementales et au moyen de financements provenant des fonds structurels de l’Union européenne, afin de lutter contre les préjugés très répandus dont les minorités sexuelles sont la cible. Dans le cadre de cette campagne, des conférences, des activités de sensibilisation du public et des festivals cinématographiques seront notamment organisés. La loi sur l’égalité de traitement n’est entrée en vigueur que récemment le 1er janvier 2009 et, à ce jour, un seul responsable du Ministère des affaires sociales s’occupe des questions relatives aux minorités sexuelles.

53.M. Kokk (Estonie), en réponse aux questions relatives à la loi sur les langues, décrit le contexte historique de la politique linguistique de l’Estonie et déclare qu’il n’est pas prévu de modifier les dispositions de la Constitution énonçant qu’il n’existe qu’une seule langue officielle. Les programmes d’intégration visant à enseigner la langue estonienne à la population russophone sont ouverts à tous. La maîtrise de l’estonien est exigée des fonctionnaires et des autres personnes travaillant avec le public dans la région du nord-est, mais les autres résidents sont libres d’employer leur propre langue dans le cadre de la vie quotidienne. D’une manière générale, les jeunes de la minorité russophone maîtrisent l’estonien et sont bien intégrés dans la société estonienne.

54.M me Parrest (Estonie) déclare que le Bureau du Chancelier de justice a procédé à un examen détaillé des événements survenus à Tallinn en avril 2007, a enquêté dans tous les lieux de détention utilisés et a demandé à toutes les personnes arrêtées combien de temps elles étaient restées en détention. Sa conclusion a été qu’hormis les cas de condamnation pour infraction administrative ou pénale, les personnes détenues l’avaient été uniquement à des fins d’identification pour des raisons administratives et pour des durées inférieures à vingt-quatre heures. Le Bureau du Chancelier de justice ayant reçu de nombreuses plaintes liées à ces événements, la législation avait été modifiée dans trois grands domaines. Premièrement, une nouvelle disposition relative à la détention administrative permettait à la police de placer des personnes en détention notamment pour vérifier leur identité. Deuxièmement, la législation et la pratique avaient été modifiées en sorte que lorsqu’il était nécessaire de retirer le badge nominatif des policiers, ce badge soit remplacé par un numéro d’identité, ce qui permettait aux personnes souhaitant se plaindre de leur traitement par la police d’identifier les policiers concernés. Troisièmement, les dispositions législatives précisaient maintenant la durée légale de l’utilisation des menottes en plastique et les situations dans lesquelles cette utilisation était autorisée.

55.M. Kokk (Estonie) ajoute qu’il n’est pas prévu de verser d’indemnités aux personnes qui ont été détenues lors des événements en question.

56.En ce qui concerne la question de l’objection de conscience, M. Kokk déclare que si la plupart des gens choisissent de faire un service militaire c’est principalement parce que celui-ci dure moins longtemps que le service de remplacement. En outre, la décision de ne pas faire de service militaire ne saurait être le fait d’un caprice; les raisons de l’objection de conscience doivent être attestées. En cas de guerre, les réservistes ayant fait le service de remplacement sont appelés à mener une activité de remplacement. M. Kokk communiquera au Comité des chiffres actualisés sur le nombre de personnes ayant fait un service de remplacement.

57.Les personnes qui n’ont pas la citoyenneté estonienne ne sont pas autorisées à devenir membres de partis politiques estoniens ni à occuper des fonctions gouvernementales; du reste, il en va de même dans la plupart des autres pays. Les non-citoyens peuvent cependant participer aux élections locales. Les pouvoirs publics n’ont pas les ressources nécessaires pour procéder à toutes les vérifications de sécurité qui seraient nécessaires pour autoriser des non-citoyens à servir dans la fonction publique. Quoi qu’il en soit, la citoyenneté estonienne n’est pas difficile à obtenir et de nombreux citoyens estoniens d’origine russe sont fonctionnaires. Les personnes dites de citoyenneté indéterminée ne sont pas considérées comme étant apatrides puisqu’elles peuvent demander aussi bien la citoyenneté estonienne que la citoyenneté russe. Dans la pratique, ces personnes conservent leur passeport étranger et peuvent ainsi se rendre sans visa dans d’autres pays européens et en Fédération de Russie, ce qui serait impossible si elles n’avaient qu’un seul passeport, estonien ou russe. En vertu de la législation nationale en vigueur, les personnes apatrides jouissent de plus de droits que ceux qui sont consacrés par la Convention relative au statut des apatrides. Néanmoins, le Gouvernement continuera d’œuvrer pour la ratification de cette convention.

58.M me Parrest  (Estonie) déclare qu’à l’instar de nombreux pays, l’Estonie dispose d’un système de procédure pénale normale comportant toutes les étapes ordinaires, notamment les audiences, et d’une procédure simplifiée, notamment appliquée lorsque le défendeur reconnaît sa culpabilité et se voit condamner à une peine plus légère. En 2009, la procédure pénale normale durait en moyenne quatre cent quatre vingt-dix jours, mais ce chiffre ne concernait que 7 % de l’ensemble des procédures. Près de 90 % de la totalité des procédures pénales étaient des procédures simplifiées et toujours beaucoup plus courtes, leur durée dépendant de l’infraction commise. Si un détenu est jugé coupable et condamné à une peine de prison plus courte que la période qu’il a déjà passée en prison, il reçoit des réparations.

59.Pour ce qui est de l’admissibilité des preuves, en cas de violation des règles d’administration de la preuve, il appartient aux instances judiciaires de décider si la violation a été trop grave pour que les preuves puissent être utilisées par la police et les magistrats du parquet ou si elle est due à une erreur légère, auquel cas la preuve est admissible. On trouve dans la jurisprudence de la Cour suprême des exemples de la distinction qui est faite entre violation majeure et mineure. Selon le paragraphe 111 du Code de procédure pénale, les renseignements obtenus dans le cadre d’activités de surveillance ne peuvent être utilisés que s’ils ont été obtenus dans les conditions prévues par la loi.

60.M me Hannust (Estonie) déclare que toutes les demandes d’asile sont examinées au cas par cas et que tous les demandeurs d’asile ont le droit de faire appel de la décision rendue dans un délai de dix jours. Les demandeurs ne peuvent en aucun cas être expulsés immédiatement. Les gardes frontière suivent régulièrement des cours de formation sur la manière de procéder dans les affaires de demande d’asile; ces cours sont d’autant plus nécessaires que les demandes d’asile sont rares et que les gardes frontière risquent donc aisément d’oublier les procédures à suivre. Certains gardes frontière suivent un enseignement particulier sur la manière de traiter les groupes vulnérables tels que les mineurs. Le Gouvernement entretient un bon niveau de coopération avec le Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR), qui examine régulièrement les décisions prises concernant des demandes d’asile et les jugent invariablement satisfaisantes.

61.M me Parrest (Estonie) déclare qu’un projet de loi dont le Parlement est actuellement saisi propose un amendement de la définition du statut de fonctionnaire. Si ce projet de loi est adopté, de nombreuses personnes actuellement considérées comme fonctionnaires et privées du droit de grève pourront alors exercer ce droit.

62.M. Kokk (Estonie) ajoute qu’aux termes dudit projet de loi, le nombre de fonctionnaires, qui est actuellement d’environ 24 000 en comptant le personnel militaire, diminuerait au moins de moitié. Quelque 10 000 fonctionnaires qui occupent des fonctions essentielles dans la fonction publique resteraient soumis à l’interdiction de faire grève afin que le maintien de l’ordre et la sécurité soient garantis.

63.En réponse à la question concernant la protection des personnes handicapées mentales, M me Hannust(Estonie) déclare que toutes les dispositions nécessaires figurent déjà dans la loi sur la santé mentale et dans les codes de procédure civile et pénale. Le Code de procédure civile a été modifié et énonce désormais une procédure particulière pour les affaires concernant des personnes se trouvant dans l’incapacité totale d’exprimer leur consentement. Les personnes handicapées mentales bénéficient de tous les droits habituels dans le cadre de procédures pénales, y compris le droit d’être informées des décisions qui les concernent. Le rapport de l’Association estonienne de défense des patients ne cite pas d’affaires précises dans lesquelles des personnes auraient été incapables de participer à leur propre procès pénal. En matière civile, personne n’a jamais fait l’objet d’une expertise psychiatrique sans que les instances judiciaires aient préalablement procédé à un examen approfondi de la situation. Le Gouvernement estonien est conscient de la nécessité de sensibiliser à cette question les juges, les avocats, en particulier les avocats commis d’office, et les responsables des établissements de soins.

64.De nombreuses bases de données contiennent des liens menant au site Web du Ministère des affaires étrangères, sur lequel le texte du Pacte et les rapports périodiques de l’Estonie sont affichés. Quand la version russe du rapport de l’Estonie sera prête, le Ministère affichera un lien vers ce document sur son site Web. Le Ministère avait prévu de traduire ce rapport lui-même mais n’a pu le faire en raison de restrictions budgétaires. S’il est vrai que le Ministère poursuit un dialogue constructif avec certaines organisations non gouvernementales, il n’en reste pas moins que la société civile estonienne est encore jeune. Le Gouvernement estonien apprécierait que les organisations non gouvernementales renforcent leur participation. Le Ministère compte diffuser largement les observations finales du Comité. Il donnera également des informations aux organisations non gouvernementales sur les questions dont elles ont saisi le Comité et celles qui ont été étudiées lors de l’examen du rapport. Le programme d’études national a été modifié et les droits de l’homme ont été incorporés dans les cours de sciences sociales enseignés dans toutes les écoles et les professeurs de sciences sociales recevront une formation adéquate sur les droits de l’homme.

65.M. Kokk (Estonie) déclare que lorsque l’Estonie a reconquis son indépendance, il y avait très peu d’organisations non gouvernementales dans le pays. Il y en a aujourd’hui des milliers, qui fonctionnent en partie grâce à l’aide financière que leur apportent les pouvoirs publics.

66.Se référant à nouveau à la question des indemnités, M. Kokk déclare que la loi sur la réparation du préjudice s’applique à certaines erreurs judiciaires. Cette loi dispose que lorsqu’un cas n’est pas prévu par ladite loi pour une raison quelconque, il convient de se référer à la Constitution. Le Ministère de la justice élabore actuellement une version modifiée de cette loi, qui comprendra une disposition portant expressément sur les réparations à verser en cas de détention dans un établissement psychiatrique.

67.M me Sepper (Estonie), expliquant pourquoi si peu d’affaires de discrimination ont été signalées à ce jour, déclare que la loi sur l’égalité des sexes de 2004 et la loi sur l’égalité de traitement de 2008 sont relativement récentes et pas encore suffisamment bien connues du public et des professions judiciaires. Toutefois, en liaison avec le Ministère des affaires sociales, le Commissariat à l’égalité des sexes, dont elle est responsable, offrira des cours sur ces lois aux juges et aux avocats commis d’office à partir de janvier 2011. Le Commissariat à l’égalité des sexes prépare également une campagne de sensibilisation qui sera menée auprès des acteurs du marché de l’emploi, où les risques de discrimination sont les plus élevés. Quant à la question de savoir pourquoi l’article 152 du Code pénal relatif aux atteintes au principe d’égalité n’a pas été invoqué par des personnes victimes de discrimination, Mme Sepper déclare que la possibilité de s’appuyer sur cette loi pour intenter une action en justice a été découverte il y a peu, notamment en raison de différences entre les termes employés. Tant le Commissariat à l’égalité des sexes que le Ministère des affaires sociales s’efforcent d’en informer les organes chargés d’assurer le respect des lois.

68.M. Thelin, commentant les réponses de l’État partie aux questions relatives à l’article 14 du Pacte, dit qu’obliger l’État à indemniser les personnes qui ont été illégalement privées de liberté semble être une approche rétrograde du problème. Il serait préférable d’accélérer la procédure afin que chaque affaire puisse être traitée rapidement.

69.M. Thelin observe qu’aux termes du paragraphe 134 des réponses écrites de l’État partie, la loi sur le règlement des conflits collectifs du travail interdisant les grèves dans les organismes publics et dans le reste de la fonction publique est toujours en vigueur mais que sa portée doit être modifiée.

70.M. O ’ Flaherty souhaite obtenir des renseignements supplémentaires sur le droit à l’objection de conscience et le nombre de personnes l’exerçant. Il demande quels critères sont utilisés pour apprécier le droit d’une personne à effectuer un service de remplacement.

71.En ce qui concerne les événements survenus en avril 2007, M. O’Flaherty regrette qu’aucune indemnité n’ait été versée aux personnes illégalement privées de liberté, étant donné en particulier que certaines d’entre elles ont été détenues pendant plus de vingt-quatre heures et que des modes de contention mal adaptés auraient été utilisés. De tels incidents peuvent prendre une importance démesurée avec le temps et, tant au nom de la justice individuelle que de la cohésion sociale, il faudrait prévoir un dédommagement en compensation des abus subis.

72.M. Amor s’interroge sur l’exercice du droit de grève. Il semble que le nombre de fonctionnaires auxquels il est interdit de faire grève, actuellement de 30 000, passerait à 10 000 avec l’application des dispositions du projet de loi qu’examine actuellement le Parlement. M. Amor demande si ce chiffre englobe le personnel militaire et les effectifs de police, que l’on peut raisonnablement priver du droit de grève dans l’intérêt de l’ordre public.

73.M. Amor demande également si de nouveaux mouvements ou sectes religieux sont apparus en Estonie et, si tel est le cas, quel régime juridique leur est appliqué. Il souhaite aussi savoir s’il existe des mouvements religieux extrémistes en Estonie et, dans l’affirmative, quelles mesures les autorités ont prises à cet égard.

74.M me Keller évoque la question de la liberté d’association dans l’optique de la citoyenneté et les avantages qui en découlent. Puisque l’Estonie n’autorise pas la double citoyenneté, la personne qui demande la citoyenneté estonienne doit renoncer à la citoyenneté qu’elle possède déjà, avec tous les inconvénients que cela entraîne.

75.M me Motoc déclare que selon toute apparence, l’Estonie est un modèle de bonne gouvernance. Pour ce qui est des problèmes de traduction évoqués précédemment, ils se produisent aussi dans son propre pays, la Roumanie.

76.M. Kokk (Estonie), répondant aux questions posées, déclare qu’en Estonie, le mode de détermination de la nationalité découle du jus sanguinis. En 1991, lorsque l’Estonie a reconquis son indépendance, il a été décidé que ses citoyens seraient ceux qui s’y trouvaient le 16 juin 1940, jour où elle a été occupée, ce qui représentait environ 900 000 personnes. Pendant l’ère soviétique, 600 000 autres personnes ont été implantées en Estonie et, de ce fait, si le droit à la double citoyenneté était accordé, le nombre de personnes ayant deux citoyennetés augmenterait trop. Il est néanmoins prévu de modifier, à terme, les dispositions juridiques relatives à la citoyenneté.

77.M. Kokk dit que 4 000 à 6 000 personnes qui ne font partie ni de l’armée ni de la police sont visées par l’interdiction de faire grève. La seule manière d’établir leur nombre précis avec certitude serait de procéder à une vérification.

78.M me Parrest (Estonie), répondant à la question posée au sujet de la durée des procédures judiciaires, déclare que la Cour suprême a conscience du problème depuis plusieurs années. Lorsqu’une personne faisant l’objet d’une procédure judiciaire est en détention, la durée de la peine prononcée peut être réduite. Toutefois, la décision est prise en s’appuyant sur le droit jurisprudentiel plutôt que sur le droit législatif. Des modifications du Code de procédure pénale visant à accélérer la procédure ont été rédigées et sont actuellement examinées par le Parlement.

79.M. Kokk (Estonie) ajoute que toute personne ayant été illégalement détenue peut demander réparation. Lors de l’incident évoqué précédemment, qui a entraîné une vague d’arrestations, un certain nombre des personnes arrêtées se trouvaient simplement au mauvais endroit, au mauvais moment. Ces personnes ont toutefois été libérées assez rapidement.

80.En réponse à la question sur la religion, M me Hannust (Estonie) déclare qu’en Estonie, chacun jouit de la liberté de religion. L’État ne peut sanctionner un individu en raison de ses croyances particulières, mais il peut soumettre à des restrictions toutes les pratiques religieuses qui mettent en péril l’ordre public. Il existe 9 associations d’églises, 70 congrégations religieuses et 7 monastères. Aucun de ces groupements ne saurait être qualifié d’extrémiste.

81.M. Kokk (Estonie) fait observer qu’il n’existe pas d’église d’État en Estonie. Tous les organes religieux peuvent être enregistrés s’ils le souhaitent. Il n’y a pas d’extrémisme religieux.

82.M. Seilenthal (Estonie) dit qu’il serait bien difficile de parvenir à un accord sur ce qu’est une secte. Il existe, en Estonie, une Union des églises chrétiennes composée de luthériens, de catholiques, des églises orthodoxes estoniennes et russes et de chrétiens arméniens. Plus récemment, des églises postmodernes très actives mais comptant peu de membres sont également apparues.

83.Résumant la situation sur l’invitation du Président du Comité, M. Kokk (Estonie), dit que beaucoup de changements, pour la plupart positifs, se sont produits en Estonie depuis l’élaboration du premier rapport de cet État à l’intention du Comité, en 1995. Il a conscience du chemin qui reste à parcourir et dit que les recommandations du Comité seront étudiées avec beaucoup de sérieux.

84. La séance est levée à 12 h 40.