NATIONS

UNIES

CCPR

Pacte international

relatif aux droits civils

et politiques

Distr.GÉNÉRALE

CCPR/C/SR.2383/Add.128 août 2006

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME

Quatre-vingt-septième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA DEUXIÈME PARTIE (PUBLIQUE)*DE LA 2383e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le mercredi 19 juillet 2006, à 15 heures

Présidence: Mme CHANET

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE (suite)

Rapport soumis au Comité des droits de l’homme par la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo sur la situation des droits de l’homme au Kosovo depuis le mois de juin 1999

La partie publique de la séance commence à 15 h 35.

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE (suite)

Rapport soumis au Comité des droits de l’homme par la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo sur la situation des droits de l’homme au Kosovo depuis le mois de juin 1999 (CCPR/C/UNK/1; CCPR/C/UNK/Q/1)

1. Sur l’invitation de la Présidente, M. Š ahović, M. Vukčević, M me Mitrović, M me Ivanović (Serbie), M. Borg-Olivier, M. McGowen, M me Eliasz et M. Gashi de la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK) prennent place à la table du Comité.

2.La PRÉSIDENTE invite la délégation de la Serbie à faire une déclaration liminaire.

3.M. ŠAHOVIĆ (Serbie) remercie le Comité d’avoir invité la MINUK à présenter un rapport sur la situation des droits de l’homme au Kosovo, comme la délégation de la Serbie‑et‑Monténégro l’avait suggéré lors de l’examen du rapport initial de la Serbie‑et‑Monténégro sur l’application du Pacte. Cela permettra de conclure cet examen pour l’ensemble du territoire serbe et constitue de plus un exemple pour d’autres missions des Nations Unies, qui ont une réelle responsabilité dans l’application des instruments internationaux.

4.En ce qui concerne le Kosovo-Métohija, la situation des droits de l’homme était très difficile en 1999 et n’a que peu progressé malgré les ressources mises à la disposition de l’ONU et des autres organisations internationales engagées dans la mise en œuvre de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité. Depuis 2003, la question des droits de l’homme est extrêmement politisée et le respect des droits fondamentaux des communautés ethniques minoritaires de la province, en particulier des Serbes, est assujetti à l’adoption pour la province d’un statut bien précis, ce qui n’est pas acceptable.

5.Le rapport soumis par la MINUK reflète cette situation. Il contient une description très abondante de la législation en place mais contient peu de renseignements sur l’action menée par la MINUK et les institutions provisoires d’administration autonome pour mettre en œuvre les textes sur la situation réelle sur le terrain ou sur l’application pratique du Pacte. D’autres rapports, tels celui sur l’examen global de la situation au Kosovo établi par M. Kai Eide, Envoyé spécial du Secrétaire général (S/2005/635), ceux de Marek Nowicki, ancien médiateur, ou ceux du Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, d’Amnesty International et de Human Rights Watch présentent un tableau plus réaliste de la situation. Il en ressort que, dans l’ensemble, la situation des droits de l’homme au Kosovo-Métohija est très grave, le degré de protection des droits de ses habitants inférieur aux normes internationales et la discrimination exercée contre les groupes ethniques non albanais, en particulier les Serbes, inquiétante. Les droits le plus fréquemment violés sont les droits à la vie, à la liberté, à la sécurité des personnes et à la liberté de déplacement. Les problèmes sont également nombreux en ce qui concerne la discrimination, les droits de propriété et les droits économiques et sociaux. Sur ce plan, la MINUK a failli au mandat qui lui a été confié par le Conseil de sécurité.

6.Le système politique et juridique du Kosovo-Métohija reste entaché par un climat d’impunité; l’Envoyé spécial du Secrétaire général, M. Eide, a estimé que le pouvoir judiciaire était l’institution kosovare la plus faible. Au cours des sept dernières années, on n’a pratiquement pas progressé dans les enquêtes et poursuites relatives à des incidents à caractère ethnique et aux enlèvements de Serbes, de Roms et de membres d’autres communautés, sans doute imputables à l’Armée de libération du Kosovo (ALK) ou à des extrémistes albanais. Le sort de 2 450 personnes (dont 356 femmes et 234 mineurs) disparues avant et pendant le conflit de 1999 et après l’arrivée de la KFOR et de la MINUK n’est toujours pas élucidé. Dans son rapport, la MINUK ne fournit pas non plus de données sur le nombre de poursuites engagées à la suite de crimes violents commis contre des Serbes et des non‑Albanais depuis 1999 et sur les peines prononcées. Or, il y a eu environ 7 000 agressions contre des Serbes et 1 011 meurtres de Serbes dans 927 cas, sans, le plus souvent, que les coupables soient identifiés et poursuivis. Personne n’a été inculpé pour incitation à la violence ethnique et aucun média n’a été sanctionné pour avoir incité à la haine ou contribué aux violences de mars 2004. Pourtant, le transfert de pouvoirs aux institutions provisoires d’administration autonome s’est accéléré avec la mise en place des Ministères de la police et de la justice.

7.L’insécurité restreint considérablement la liberté de déplacement des communautés minoritaires et entrave le retour déjà lent des réfugiés et des personnes déplacées. Malgré de multiples initiatives des autorités du Kosovo-Métohija, les retours durables ont été peu nombreux: selon le HCR, il y en a eu 218 entre le 1er décembre 2005 et le 31 mars 2006, dont une moitié de Serbes, qui se réinstallent dans leur écrasante majorité dans des zones entièrement serbes où les contacts avec les Albanais kosovars sont pratiquement inexistants.

8.L’exploitation sexuelle des femmes et la traite des êtres humains sont une source de grande préoccupation. Le nombre de femmes victimes de la traite dans la province même augmente et le Kosovo-Métohija semble bien être une plaque tournante du crime organisé. La protection des droits de propriété reste un problème majeur. Pour des raisons de sécurité ou d’autres raisons, les propriétaires ont souvent des difficultés à accéder à leurs biens et ceux qui occupent illégalement un bien refusent de le quitter. Le processus de privatisation des entreprises publiques s’est fait aux dépens de tous les agents serbes et non albanais qui avaient perdu leur emploi après juin 1999. Depuis 1999, les non‑Albanais ont été chassés de 98 % des installations industrielles. Parmi la population active serbe, seuls 5 % travaillent pour les autorités centrales et locales et le nombre de Serbes employés par les secteurs public et privé est insignifiant. L’Assemblée du Kosovo-Metohija n’a pas encore légiféré dans le domaine linguistique. L’albanais et le serbe sont peu employés dans l’administration bien qu’ils soient langues officielles. À l’école, les enfants ne rencontrent presque jamais d’enfants d’autres groupes ethniques que le leur. Les quelques initiatives visant à la mixité ethnique n’ont fait qu’entraîner de nouvelles dissensions. Le patrimoine culturel protégé compte 467 lieux, dont 206 édifices religieux, certains d’un intérêt exceptionnel sur le plan social, historique et culturel. Entre 1999 et 2004, environ 130 églises et monastères orthodoxes ont été endommagés ou détruits. Rares sont ceux qui ont été reconstruits.

9.Avec la présentation de ces faits, la délégation serbe espère aider la MINUK et les institutions provisoires d’administration autonome à prendre les mesures qui s’imposent pour améliorer la situation des droits de l’homme dans la province.

10. La délégation serbe reprend place dans la salle.

11.La PRÉSIDENTE invite la délégation de la MINUK à présenter le rapport sur la situation des droits de l’homme au Kosovo depuis le mois de juin 1999.

12.M. BORG-OLIVIER (MINUK) indique que la délégation qu’il dirige comprend un représentant des institutions provisoires d’administration autonome, auxquelles la MINUK transfère progressivement ses pouvoirs. La MINUK a établi son rapport en vertu des pouvoirs que le Conseil de sécurité lui a conférés par la résolution 1244 (1999) et indépendamment du fait que la Serbie est partie au Pacte.

13.Par sa résolution 1244 (1999), le Conseil de sécurité a confié à la MINUK d’importantes responsabilités en matière de protection des droits de l’homme, de maintien de l’ordre public et de retour des réfugiés et des personnes déplacées, que la MINUK a prises en compte dans la législation qu’elle a mise en place. Ainsi, le Règlement no 2001/9 relatif au Cadre constitutionnel de l’autonomie provisoire au Kosovo et le Règlement no 2000/59 portant modification du Règlement 1999/24 relatif au droit applicable au Kosovo ont intégré les normes universelles relatives aux droits de l’homme au droit applicable au Kosovo. Un cadre juridique et un processus législatif complets ont ensuite été mis en place et il a été fait en sorte que dans tous les domaines, le droit applicable satisfasse aux normes internationales et que la loi contienne les garanties et les voies de recours requises selon les normes de protection des droits de l’homme. L’application pratique de ces dispositions par le système judiciaire n’est pas moins importante. Or, au début de juin 1999, le Kosovo n’avait pas de tribunaux en fonction et il y avait une incertitude quant au droit à appliquer, qui a été levée avec l’adoption du Règlement no 1999/24. La MINUK a immédiatement entrepris de mettre en place un système judiciaire afin que les personnes arrêtées par la KFOR puissent être jugées. L’appareil judiciaire, encore qu’imparfait, fonctionne depuis 2001. Pour faire face au climat de règlement de comptes inévitable après un conflit et à l’insécurité qui nuisent à l’indépendance et à l’impartialité du pouvoir judiciaire et empêchent celui-ci de juger dûment ceux qui portent gravement atteinte au processus de paix et à l’instauration de la primauté du droit, la MINUK a désigné des juges et des procureurs internationaux qui travaillent aux côtés de leurs homologues locaux. Elle a aussi souhaité constituer un pouvoir judiciaire multiethnique, qui gagne la confiance de tous. Sur ce plan, des règlements récents relatifs notamment à la création du Ministère de la justice comportent des mesures importantes concernant la nomination des magistrats; il est notamment instauré une discrimination positive. Toutefois, les tribunaux sont très encombrés et l’exécution des jugements civils laisse à désirer. Il faudra traiter ces problèmes dans le cadre de nouvelles initiatives législatives et trouver les ressources nécessaires.

14.En juillet 2003, le Code pénal provisoire et le Code provisoire de procédure pénale ont été promulgués. Ils sont conformes aux normes internationales et européennes et comprennent certaines infractions définies par les instruments internationaux, dont le Statut de la Cour pénale internationale (crimes de guerre et crimes contre l’humanité) et la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. On notera en particulier que des infractions liées au terrorisme sont qualifiées dans le nouveau texte qui contient aussi des dispositions modernisées relatives aux infractions sexuelles et met en place un système de peines de substitution. Le Code de procédure pénale provisoire habilite le procureur à ouvrir, à mener et à superviser des enquêtes, remplaçant ainsi le système d’enquêtes menées par le juge d’instruction. Parallèlement à cet élargissement des pouvoirs du procureur, la loi a été modifiée pour protéger les droits des défendeurs, le changement le plus important étant le renforcement de la surveillance judiciaire de la détention. Le nouveau Code de procédure pénale permet à un détenu ou à son conseil de demander à tout moment à un juge de vérifier la légalité de sa détention. Après l’entrée en vigueur de ces nouveaux codes, un Code de la justice pour mineurs et une loi sur l’exécution des peines pénales ont été promulgués, ce qui marque une étape importante dans la progression de la primauté du droit.

15.Le Règlement n° 2001/4 sur l’interdiction de la traite des personnes au Kosovo, en date du 12 janvier 2001, a été promulgué en vue de créer une législation spécifique permettant de poursuivre et de punir les auteurs de traite et d’actes connexes ainsi que d’aider et de protéger leurs victimes. Les infractions visées par ce règlement ont ensuite été intégrées dans le Code pénal provisoire.

16.Le 20 décembre 2005, le Représentant spécial du Secrétaire général a promulgué le Règlement n° 2004/54 relatif au cadre et aux principes directeurs du service de police du Kosovo(SPK); ce service, qui a joué et continuera de jouer un rôle crucial pour assurer la sécurité des minorités, reflète désormais la diversité ethnique du Kosovo. Les textes législatifs, essentiels pour une bonne administration de la justice au Kosovo, ont été élaborés en étroite consultation avec des experts locaux et internationaux, la MINUK ayant privilégié la coopération avec des experts du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne dans des domaines spécialisés du droit afin d’adapter la législation kosovare au modèle européen, en conformité avec les normes relatives aux droits de l’homme énoncées par le mandat de l’administration intérimaire des Nations Unies.

17.La MINUK est également devenue partie à plusieurs accords internationaux visant à garantir l’état de droit au Kosovo. Le 23 août 2004, le Représentant spécial du Secrétaire général et le Secrétaire général du Conseil de l’Europe ont signé deux accords portant sur la surveillance de l’application de principes importants relatifs aux droits de l’homme établis par le Conseil de l’Europe, l’Accord sur les modalités techniques relatives à la Convention européennepour la prévention de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, qui permet à un comité d’experts indépendants d’examiner la manière dont sont traitées les personnes privées de leur liberté par la MINUK, et l’Accord sur les arrangements techniques liés à la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, en vertu duquel le Comité des ministres du Conseil de l’Europe surveille le respect de la Convention-cadre au Kosovo tandis que la MINUK lui apporte toutes les informations nécessaires. La MINUK a déjà soumis un rapport initial, publié sur le site du Conseil de l’Europe et au sujet duquel le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe a fait des recommandations examinées par la MINUK et les institutions provisoires d’administration autonome en vue de leur mise en œuvre. Une réforme législative est déjà en cours et il convient de citer en particulier le Règlement n° 2006/25 sur le cadre réglementaire du système de justice au Kosovo et le Règlement n° 2006/36 sur l’aide juridictionnelle.

18.Conformément à la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité et au Cadre constitutionnel, la MINUK a commencé à transférer progressivement ses responsabilités administratives aux institutions locales provisoires du Kosovo et à appuyer leur renforcement. Ce transfert était subordonné au bon fonctionnement des domaines déjà transférés et des indicateurs ont été élaborés pour mesurer la maturité de la société kosovare. Cette avancée a permis la création du Ministère de la justice et du Ministère des affaires intérieures, dont les responsabilités et les fonctions sont énoncées dans le cadre du Règlement relatif au pouvoir exécutif au sein des institutions provisoires d’administration autonome au Kosovo. Des progrès ont été réalisés avec l’adoption des Normes pour le Kosovo et la mise en œuvre du Plan d’application sur les normes pour le Kosovo en vue de créer une société pluriethnique bien établie, vivant selon les principes de la démocratie, du dialogue et de la tolérance interethnique. Cela étant, il reste encore beaucoup à faire, car l’application de ces normes est inégale.

19.Conformément à la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, la MINUK doit «veiller à ce que tous les réfugiés et personnes déplacées puissent rentrer chez eux en toute sécurité et sans entrave au Kosovo». Elle met donc l’accent sur l’individu, afin de promouvoir une approche fondée sur les droits de l’homme et de faire respecter le droit des personnes à un retour durable, et s’efforce d’offrir à ceux qui rentrent au Kosovo une vie normale dans la sécurité, sans discrimination légale, politique, sociale, économique ou autre. En même temps, elle reste réaliste: tous les réfugiés ont le droit de rentrer mais certains ne le souhaitent pas, ou préfèrent s’installer ailleurs au Kosovo, ce qui doit être pris en compte lorsqu’on évalue la situation globale des retours des réfugiés et des personnes déplacées. La signature entre la MINUK, Belgrade et Pristina, le 6 juin 2006, d’un Protocole sur le retour est une évolution positive. Les émeutes qui se sont produites le 17 mars 2004 dans tout le Kosovo et les événements qui ont suivi ont néanmoins constitué un revers sérieux et compromis les résultats obtenus depuis 1999 dans la création d’un environnement sûr pour toutes les personnes et toutes les communautés au Kosovo. La MINUK et les institutions provisoires d’administration autonome ont réagi rapidement à ces problèmes afin de rétablir la confiance du public dans la capacité de la MINUK de remplir son mandat. En même temps, la réaction de la MINUK devait être soigneusement mesurée et proportionnelle aux objectifs visés, dans le strict respect de la loi. De plus en plus de rapports récents semblent indiquer que le nombre relativement faible de retours s’explique par les problèmes économiques plutôt que par le manque de sécurité. En effet, selon les données du Ministère du travail et de la protection sociale, le taux de chômage s’élevait à 42,44 % en 2005. Quant à la sécurité, il est encourageant de voir que les statistiques de la criminalité pour le début de l’année 2006 font apparaître une baisse sensible des infractions à caractère ethnique, en partie grâce à la mise en œuvre en décembre 2005 du programme intitulé «opérations de sécurité renforcée», qui met l’accent sur les communautés et les localités vulnérables, a été très efficace. Comme le Représentant spécial du Secrétaire général l’a fait observer au Conseil de sécurité en juin 2006, il faut être prudent dans l’analyse des infractions à caractère prétendument ethnique au Kosovo. Ainsi, lorsque la victime d’une infraction est un Serbe du Kosovo, on affirme souvent sans preuve que l’infraction a un caractère ethnique, ce qui est injuste et perpétue de plus un climat d’insécurité au sein des communautés serbes et a des effets négatifs sur le nombre de retours. La MINUK a conscience que la protection du patrimoine culturel, notamment des églises et des cimetières, revêt une importance capitale pour le processus des retours et pour la protection des droits religieux en général. Les travaux de réparation et de protection du patrimoine culturel et religieux orthodoxe serbe se sont donc poursuivis. La Commission de reconstruction a indiqué en décembre 2005 que des travaux de protection et de consolidation avaient été menés à bien dans 30 sites religieux orthodoxes endommagés en mars 2004, et a adopté en mai 2006 son programme pour l’année en cours. À partir d’août 2006, des travaux d’envergure seront lancés dans six sites, en respectant les priorités de l’Église orthodoxe serbe, et dès juillet à Prizren.

20.L’économie est encore caractérisée par une faible croissance, un taux de chômage élevé, un important déséquilibre de la balance commerciale et de grandes restrictions budgétaires. Dans ces circonstances, la protection du droit à la propriété et la privatisation de l’économie sont indispensables pour parvenir à une croissance économique satisfaisante. Le processus de privatisation s’est appuyé sur l’expérience acquise de la transformation d’autres économies. Ainsi, le principe de l’indemnisation l’a emporté sur la restitution des biens et les réclamations sont examinées par l’appareil judiciaire et par la Chambre spéciale de la Cour suprême. Des mesures ont été prises pour que ce processus soit mené avec diligence et dans la transparence. Grâce aux progrès réalisés dans ce domaine, le secteur privé affiche déjà une croissance soutenue. Selon les prévisions, la croissance globale devrait atteindre 3 % environ en 2006, malgré les coupes et les restrictions opérées dans les dépenses publiques. En outre, le programme de privatisation prévoit la création de plus de 6 000 emplois. Nul doute que ces résultats positifs contribueront à la stabilité au Kosovo et dans la région et favoriseront les retours.

21.Beaucoup a déjà été fait au Kosovo pour mettre en place un environnement sûr pour toutes les communautés, une démocratie stable et instaurer la primauté du droit, mais il reste encore beaucoup à faire. La politique normative et son processus d’évaluation continue des réalisations ont contribué au bon fonctionnement des autorités et devraient améliorer les relations interethniques. La gestion du budget des institutions provisoires d’administration autonome s’est sensiblement améliorée en 2005, malgré une aggravation de la corruption dans certaines municipalités ou au niveau central. Cela étant, la participation à la vie politique, judiciaire, sociale et économique des communautés minoritaires, en particulier des Serbes du Kosovo, reste limitée. Il faut saluer, dans ce contexte, l’initiative prise par les autorités de Pristina pour toucher toutes les communautés, notamment les Serbes.

22.Les efforts déployés par la MINUK pour appliquer au mieux les politiques de protection des droits de l’homme ont parfois été entravés par l’insuffisance des ressources et par la complexité et les contraintes de la situation politique, si bien que la vie de nombreux Serbes du Kosovo reste difficile. Il faut reconnaître à ce propos que la MINUK n’a pas toujours bénéficié de la coopération et du soutien constructifs de Belgrade, ce qui a gravement nui à la réalisation de ses objectifs et d’une manière générale, à la progression de la situation au Kosovo. La politique isolationniste de Belgrade ne sert en rien les Serbes du Kosovo: ainsi, la directive publiée par les autorités serbes en vue d’obliger les Serbes du Kosovo qui travaillent pour certaines institutions à choisir entre leurs salaires de Belgrade ou de Pristina fait ressortir les dissensions et est une source de discrimination potentielle, alors que l’engagement des Serbes du Kosovo et leur participation aux institutions sont essentielles. Les institutions provisoires d’administration autonome se sont formellement engagées à continuer de prendre les mesures nécessaires pour protéger les droits de l’homme, poursuivre les auteurs de violations et traiter avec diligence les problèmes et les motifs de préoccupation restants. Ce soutien politique et la poursuite de l’application des normes relatives aux droits de l’homme au Kosovo devraient permettre de rétablir la confiance et le consensus nécessaires entre toutes les communautés.

23.M. GASHI (MINUK) dit qu’il est conseiller juridique principal auprès du Premier Ministre des institutions provisoires d’administration autonome du Kosovo. Étant donné que la situation actuelle résulte directement de l’intervention de la communauté internationale en réaction aux violations massives et systématiques des droits de l’homme commises au Kosovo dans les années 90, la protection des droits de l’homme est une priorité pour les institutions autonomes. Le rapport de la MINUK couvre une période antérieure à la mise en place de ces institutions, qui seront cependant bientôt chargées d’établir les prochains rapports à soumettre au Comité. Le transfert des responsabilités au Gouvernement kosovar prévu par la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité est en cours, comme en témoigne la création du Ministère de la justice et du Ministère des affaires intérieures, qui seront notamment chargés de faire respecter le droit à un procès équitable et le droit à la liberté et à la sécurité de la personne.

24.Le Représentant spécial du Secrétaire général détient encore certains pouvoirs, notamment celui de ratifier les instruments relatifs aux droits de l’homme, comme le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, mais le Kosovo entend par la suite adhérer à ces instruments, dont le Cadre constitutionnel prévoit qu’ils sont d’application directe et immédiate. Le Gouvernement souhaite également bénéficier de l’assistance technique du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, afin d’établir un véritable état de droit au Kosovo et de contribuer à la paix et à la sécurité dans les Balkans. En ce qui concerne la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, les institutions provisoires d’administration autonome élaborent actuellement une procédure permettant de traduire en actes les avis du Comité consultatif du Conseil de l’Europe. Le Gouvernement s’engage à faire de même avec les recommandations que le Comité formulera car il est certain qu’elles l’aideront à résoudre les problèmes et difficultés mentionnés notamment dans le rapport de la MINUK.

25.M. BORG-OLIVIER (MINUK) dit, en réponse à la question no 1 de la liste des points à traiter, que les tribunaux du Kosovo ont appliqué une seule fois les dispositions du Pacte, dans l’affaire Callixte Mbarushimana, employé de la MINUK accusé de génocide et de crimes contre l’humanité et dont le Rwanda avait demandé l’extradition. En première instance, un tribunal de district a appliqué l’article 7 du Pacte ainsi que l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et l’article 2 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. De 1999 à 2005, les tribunaux de district et la Cour suprême ont, à 20 reprises, appliqué directement la Convention européenne et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme: l’article 6 (droit à un procès équitable) a été appliqué dans 15 de ces affaires, dont sept fois en première instance, cinq fois en appel et trois fois dans les deux cas. L’article 5 (droit à la liberté) n’a été appliqué que deux fois en première instance et une fois en appel, et les articles 2 (droit à la vie), 3 (interdiction de la torture), 7 (pas de peine sans loi) et 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) une fois chacun.

26.En ce qui concerne la question no 2, la MINUK a pour politique générale de transférer ses compétences aux institutions locales dès que celles-ci sont en mesure de les assumer. L’article 5 du Règlement n° 2006/6 relatif au Bureau du Médiateur au Kosovo, en date du 16 février 2006, dispose que l’Assemblée du Kosovo élit un Médiateur parmi les résidents du Kosovo engagés dans le domaine des droits de l’homme. Conformément au Règlement n° 2006/12 relatif à la création d’un groupe consultatif sur les droits de l’homme, en date du 23 mars 2006, les plaintes au sujet de violations des droits de l’homme ont été transférées au groupe consultatif provisoire, qui se composera de trois juristes internationaux spécialistes du droit et du système européen des droits de l’homme, lesquels seront nommés par le Représentant spécial du Secrétaire général sur proposition du Président de la Cour européenne des droits de l’homme «au cours du mandat de la MINUK». Plusieurs plaintes ont été reçues et le groupe est en cours de constitution. En vertu de l’article 2 du Règlement, le groupe consultatif sera également compétent à l’égard des «plaintes relatives à des allégations de violation des droits de l’homme perpétrées après le 23 avril 2005 ou découlant de faits antérieurs lorsque ces faits ont donné lieu à une violation continue des droits de l’homme». Le Président de la Cour européenne des droits de l’homme a déjà proposé les noms de trois personnes qui devraient être nommées prochainement et des dispositions ont été prises pour que les plaintes puissent être enregistrées d’ores et déjà, en attendant que le secrétariat du groupe consultatif prenne ses fonctions.

27.Le Médiateur par intérim attend que le Représentant spécial du Secrétaire général précise si le Bureau du Médiateur reste saisi de 46 de ces affaires ou si celles-ci seront transférées au groupe consultatif. Dix de ces affaires concernent la police de la MINUK, sept l’administration civile de la MINUK, quatre le Département de la justice de la MINUK, quatre l’Agence fiduciaire pour le Kosovo et trois la Chambre spéciale de la Cour suprême pour l’Agence fiduciaire pour le Kosovo. Quatorze affaires visant le service de police du Kosovo, qui jusqu’en 2006 relevait de la MINUK, sont pendantes. Cinquante-quatre autres affaires, mettant en cause la Direction du logement et des biens immeubles, devenue le 4 mars 2006 l’Agence des biens immeubles au Kosovo, faisaient toujours l’objet d’une enquête du Bureau du Médiateur à la date de l’entrée en vigueur du Règlement no 2006/6. Le Représentant spécial du Secrétaire général doit aussi apporter des précisions à propos des problèmes particuliers ayant trait aux minorités, comme dans la partie nord de Mitrovica. Treize affaires liées à des problèmes de minorités visent la MINUK et une l’administration de la MINUK dans la municipalité de Mitrovica. Le Médiateur par intérim a suspendu l’examen des 114 affaires en attendant les instructions du Représentant spécial du Secrétaire général ou la constitution du groupe consultatif, puisque l’article 13 du Règlement de la MINUK relatif à ce groupe l’autorise à inviter le Médiateur à soumettre des observations écrites s’il a déjà été saisi de la question et si l’intérêt de la justice l’exige. Il est indiqué dans le cinquième rapport annuel du Bureau du Médiateur que jusqu’à récemment l’accès à certains dossiers (…) était systématiquement refusé par des membres de la police de la MINUK mais que ce n’est plus le cas aujourd’hui, tout au contraire. Le règlement des affaires devrait donc s’accélérer. En ce qui concerne la coopération avec les institutions provisoires d’administration autonome, le Bureau du Médiateur a constaté une certaine ambiguïté dans l’attitude de différents ministères et municipalités, qui peuvent exprimer la volonté de coopérer, mais ne le font pas, par méconnaissance de la marche à suivre ou délibérément. Tel est le cas du Président de la Municipalité de Prishtinĕ/Priština, qui n’a répondu à aucune des 25 demandes que lui a adressées le Médiateur entre mars 2004 et octobre 2005. La MINUK ne peut qu’encourager la coopération avec le Médiateur et est prête à prendre les mesures nécessaires à cette fin. Le transfert des pouvoirs a également entraîné une certaine confusion quant aux responsabilités respectives de la MINUK et des institutions provisoires d’administration autonome en ce qui concerne les demandes de mesures provisoires. Si en 2002, le Bureau du Médiateur recevait une réponse à toutes ces demandes, dont la moitié environ de réponses favorables après 2003, le taux de réponses n’a cessé de diminuer pour tomber à 25 % en 2005. À ce jour, le Médiateur a publié 10 rapports spéciaux, 21 rapports d’office et 47 rapports finals sur des affaires individuelles. La MINUK a donné suite aux recommandations contenues dans trois rapports spéciaux en modifiant sa législation pour la rendre conforme aux normes internationales relatives aux droits de l’homme; elle a refusé d’accepter une recommandation et en examine actuellement plusieurs.

28.Pour ce qui est de la question no 3, les lois yougoslaves s’appliquaient au Kosovo jusqu’en 1999. Depuis la promulgation du Règlement de la MINUK no 24/1999, aucune loi yougoslave ou serbe promulguée après le 22 mars 1999 n’est applicable au Kosovo, mais toutes celles qui sont antérieures à cette date restent en vigueur, sauf si un règlement postérieur de la MINUK s’y est substitué. Dans le même règlement, la MINUK a également établi un mécanisme simple qui permet de dissiper tout doute relatif à l’applicabilité ou à l’interprétation d’une loi. Tout tribunal ou institution au Kosovo qui doit appliquer ou interpréter une loi en vigueur peut s’adresser au Représentant spécial du Secrétaire général, qui est compétent pour trancher ces questions. Le mécanisme fonctionne bien et le Représentant spécial du Secrétaire général a déjà rendu plusieurs avis. En outre, le principe général veut que la loi la plus récente l’emporte sur les lois antérieures et, à ce jour, l’application de ce principe simple et universel n’a posé aucun problème.

29.La MINUK n’épargne aucun effort pour que les règlements et les directives administratives qu’elle adopte soient conformes aux principes de la primauté du droit et aux règles généralement acceptées en matière d’élaboration des lois. Le Groupe de travail intercomposantes chargé des droits de l’homme a pris une part très active au règlement des questions susceptibles d’avoir des effets sur les droits de l’homme avant que les projets de règlement et les directives administratives soient adoptés et promulgués, et a notamment contribué à la clarté des textes et à la compatibilité entre les lois applicables. La législation applicable au Kosovo a été rapidement modifiée chaque fois que cela a été nécessaire. En outre, le Bureau du conseiller juridique de la MINUK est toujours disposé à apporter des éclaircissements et des orientations pour l’interprétation des textes. Il est prévu de créer un organe indépendant chargé de passer en revue les différentes lois, d’établir clairement leurs domaines d’application et d’identifier les éventuelles lacunes à combler. Toutes les suggestions que le Comité pourra faire seront les bienvenues.

30.M. BORG-OLIVIER (MINUK), répondant à la question n° 4, dit que la présence au Kosovo de structures parallèles dans le domaine de l’administratif judiciaire et de la sécurité, en particulier à Mitrovicë/Mitrovica, Zubin Potok, Zvečan/Zveçan et Leposavić/Leposaviq, est un facteur d’incertitude juridique qui nuit au plein exercice des droits individuels. Par exemple, l’existence de bureaux du cadastre sous autorité serbe et la non‑application du Règlement de la MINUK n° 2002/22 portant promulgation de la loi de l’Assemblée du Kosovo sur le cadastre empêchent les personnes qui vivent dans les villes citées de faire valoir leurs droits à la propriété et les privent de tout moyen de recours. En 2003, la composante III de la MINUK placée sous la direction de l’OSCE a publié un rapport détaillé sur les problèmes créés par cette situation institutionnelle mais ses recommandations n’ont pas été suivies d’effet.

31.Après le conflit, la proportion des biens immobiliers restitués à leurs propriétaires est restée faible (10,3 % des décisions rendues par la Commission du logement et des réclamations concernant les biens fonciers), notamment parce que les restrictions à la liberté de mouvement ont incité les requérants appartenant à des minorités à vendre leurs biens faute de pouvoir revenir sur leur lieu de résidence d’origine. En outre, dans 35,1 % des cas, les biens faisant l’objet des réclamations avaient été détruits. Actuellement, 5 328 logements sont toujours sous administration provisoire. La mise en place d’un système de gestion et de location des biens devrait permettre aux personnes déplacées qui ne peuvent pas récupérer leurs biens d’en tirer un revenu, par exemple sous la forme d’un loyer versé par les nouveaux occupants. Les constructions illégales se multiplient, avec l’accord tacite de certains représentants des institutions provisoires d’administration autonome, en particulier à l’échelon municipal. Ces institutions ne sont donc pas, de facto, en mesure de faire respecter les lois en matière de construction conformément aux normes internationales. Pour ce qui est des personnes déplacées à l’intérieur du territoire, elles sont tributaires de programmes d’aide à la reconstruction, dont plusieurs sont en cours.

32.En ce qui concerne le cadre institutionnel de la MINUK relatif à la mise en œuvre de ses responsabilités dans le domaine des droits de l’homme en vertu de la résolution 1244 (1998) du Conseil de sécurité (question n° 5), la création du groupe consultatif sur les droits de l’homme en vertu du Règlement n° 2006/12 marquera une avancée considérable pour la protection des droits de l’homme au Kosovo ainsi que l’aboutissement d’un long processus de consultations entre le Bureau des affaires juridiques du Siège de l’Organisation des Nations Unies à New York, les composantes I et III de la MINUK, le Conseil de l’Europe et le Bureau du Haut-Commissariat aux droits de l’homme. Bien que son mandat ait dû être modifié par rapport à la proposition initiale de la Commission de Venise de manière à tenir compte des privilèges et immunités de la MINUK, le groupe offrira aux personnes vivant au Kosovo un moyen effectif d’obtenir réparation pour des violations des droits de l’homme imputées à la MINUK, ce qu’elles ne pouvaient pas faire au titre de la Convention européenne des droits de l’homme. Le mandat du groupe établit clairement que l’expression «violations des droits de l’homme» désigne aussi bien les violations définies dans la Convention européenne des droits de l’homme et les protocoles y afférents que celles visées par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et les protocoles y relatifs. Il n’a pas été aisé de réunir les fonds nécessaires à sa création, mais le groupe est désormais prêt à voir le jour et un certain nombre de plaintes ont déjà été reçues. Ce mécanisme inédit établit un principe fondamental pour les futures missions des Nations Unies.

33.M. McGOWEN (MINUK), en réponse à la question n° 6 relative à la jurisprudence concernant la loi antidiscrimination et la loi sur l’égalité des sexes, indique que plusieurs enquêtes ont été ouvertes par les services de la lutte contre la discrimination du Bureau du Médiateur en vertu de ces lois et que la Section de la surveillance des systèmes juridiques de l’OSCE a signalé en 2005 une affaire dans laquelle la loi sur l’égalité des sexes avait été invoquée à l’appui de la requête de la partie plaignante, laquelle a finalement été déboutée. Ces deux lois sont encore relativement récentes, ce qui explique que peu de tribunaux y aient à ce jour fait référence.

34.Mme ELIASZ (MINUK) ajoute que pour permettre une meilleure mise en œuvre de ces lois par les tribunaux, l’Institut judiciaire du Kosovo a organisé des formations sur ce sujet à l’intention des juges et des procureurs.

35.M. McGOWEN (MINUK), en réponse à la question n° 7, dit que le Bureau des questions de parité entre les sexes de la MINUK a fait en sorte que les objectifs en matière d’égalité entre les sexes soient inscrits dans les Normes pour le Kosovo et placés au cœur du programme politique. Le 5 octobre 2005, un bureau pour l’égalité entre les sexes a été créé au Cabinet du Premier Ministre afin d’assurer la diffusion des principes de l’égalité entre les sexes à tous les échelons des institutions provisoires d’administration autonome. Des lois sur la parité ont été promulguées et les questions d’égalité ont été intégrées dans les directives administratives applicables à de nombreux secteurs de la fonction publique. Le Bureau de la MINUK a mis au point divers instruments (listes récapitulatives, indicateurs spécifiques) pour faciliter la mise en œuvre des objectifs énoncés dans les Normes pour le Kosovo et l’évaluation des résultats. Il a également veillé à ce que les fonctionnaires, à tous les niveaux de l’administration, reçoivent une formation concernant les objectifs énoncés dans les Normes. En 2006, le Bureau des questions de parité entre les sexes de la MINUK, en collaboration avec le Bureau pour l’égalité entre les sexes du Cabinet du Premier Ministre, a réexaminé le Plan d’application des normes pour le Kosovo dans l’optique d’étendre la portée des engagements en faveur de l’égalité entre les sexes pour en faire des priorités dans le cadre des partenariats européens. Afin que les efforts engagés puissent se poursuivre après le retrait de la MINUK, un calendrier de mesures a été établi et des personnes ont été désignées au sein des institutions provisoires d’administration autonome pour en assurer la mise en œuvre. Le Bureau des questions de parité entre les sexes de la MINUK continue de fournir une assistance technique et financière au Bureau pour l’égalité entre les sexes du Cabinet du Premier Ministre, notamment pour ses travaux relatifs à l’élaboration de la stratégie de développement du Kosovo et du Programme du Kosovo pour l’égalité entre les sexes. L’égalité entre hommes et femmes en matière d’accès à l’emploi est encouragée par la législation du travail du Kosovo (Règlement de la MINUK n° 2001/27) et la loi antidiscrimination (Règlement n° 2004/3). La société civile joue également un rôle essentiel dans la promotion de l’égalité entre les sexes. Ainsi, le Réseau des femmes du Kosovo, soutenu par le Fonds de développement des Nations Unies pour la femme (UNIFEM), a mené une vaste campagne de sensibilisation aux droits garantis aux femmes par la loi et aux recours dont elles disposent pour les faire valoir. L’UNIFEM a également beaucoup œuvré en faveur d’une coopération accrue entre les ONG de défense des droits des femmes et d’autres secteurs de la société, comme par exemple les services de police. Un effort considérable a d’ailleurs été consenti par ces derniers pour recruter des femmes.

36.Mme ELIASZ (MINUK) dit que la discrimination sexiste dans le système éducatif persiste. Le Ministère de l’éducation, de la science et de la technique, en collaboration avec la composante III de la MINUK, travaille à la mise en place d’un programme consacré au problème spécifique des jeunes filles qui, une fois mariées, n’ont plus le droit de poursuivre des études.

37.M. McGOWEN (MINUK) invite les membres du Comité à se reporter aux statistiques figurant dans les réponses écrites, qui font apparaître la représentation des femmes dans les services publics. Pour ce qui est de la fréquentation scolaire, les statistiques du Ministère de l’éducation, de la science et de la technique montrent que la proportion de filles est légèrement inférieure à celle des garçons, à tous les niveaux d’enseignement. Les taux d’abandon sont plus élevés chez les filles. L’introduction, en 2002, d’une année supplémentaire dans le cycle d’enseignement secondaire a eu une incidence négative sur la fréquentation scolaire des filles. En effet, cet enseignement n’étant pas dispensé dans tous les établissements d’enseignement secondaire, les étudiantes arrêtent en général leur scolarité à l’échelon inférieur en raison des contraintes de trajet que supposerait la poursuite de leurs études dans un autre établissement, en particulier dans les zones rurales où la densité des établissements scolaires est plus faible. Le Ministère de l’éducation, de la science et de la technique et le Bureau pour l’égalité entre les sexes sont parties prenantes dans de nombreuses initiatives de sensibilisation à l’importance de l’éducation des femmes et de promotion de l’égalité entre les sexes au Kosovo.

38.En ce qui concerne les violences familiales, objet de la question n° 8, d’immenses progrès ont été réalisés dans la reconnaissance de ce problème au Kosovo. Avant 2003, ce type de violences ne constituait pas une infraction mais était assimilé à de simples troubles de l’ordre public ou ne donnait lieu à des poursuites que lorsque la victime présentait des lésions corporelles. Le Règlement de la MINUK n° 2003/12 sur la protection contre la violence domestique et la nouvelle loi sur les services sociaux et les services aux familles, promulgués en 2005, ont instauré des mesures de protection en faveur des victimes de violences familiales. En vertu du Code pénal provisoire du Kosovo, les défenseurs des victimes sont habilités à agir en qualité de représentants légaux de ces dernières. Une assistance psychosociale est assurée par les travailleurs sociaux, en collaboration avec les ONG locales. D’après des statistiques de 2006 établies par le Ministère de la justice et le Département d’État des États-Unis, quelque 341 affaires de violences familiales ont été soumises à des conseils, contre 592 en 2005, 414 en 2004 et 314 en 2003. Au mois d’octobre 2005, environ 50 affaires de viol avaient été jugées, et 60 condamnations prononcées. Les victimes ont reçu l’assistance adaptée à leurs besoins: services d’hébergement, soutien psychosocial, aide juridictionnelle ou représentation légale, formation professionnelle ou services de garde d’enfants. L’application de mesures de protection peut être demandée par les défenseurs des victimes, les travailleurs sociaux et les ONG locales. Il peut s’agir de mesures provisoires, de mesures de protection sans statut particulier ou de mesures d’urgence. En 2005, le Centre de protection des femmes et des enfants, une ONG locale, a été saisi de 3 650 demandes d’assistance émanant de victimes de violences familiales, et il en a déjà reçu 4 700 pour l’année en cours. Entre janvier et octobre 2005, 77 ordonnances de protection ont été exécutées; 341 personnes ont été arrêtées, donnant lieu à 1 045 procédures d’instruction. Dans 52 des 53 affaires qui ont été jugées avant le mois d’octobre 2005, les défendeurs ont été reconnus coupables, les sanctions allant de l’avertissement à la condamnation à une peine d’emprisonnement. La place traditionnelle de la femme dans une société dominée par les hommes comme celle du Kosovo explique en partie pourquoi les violences domestiques sont si répandues et les cas signalés si peu nombreux. Les chiffres indiquent néanmoins une augmentation du nombre de signalements, ce qui donne à penser que la société et la perception de la violence domestique évoluent et que les victimes portent plus facilement plainte qu’auparavant. Ces éléments positifs ne doivent toutefois pas faire oublier que la violence domestique reste un problème préoccupant au Kosovo et que son éradication nécessitera encore beaucoup d’efforts. À l’heure actuelle, quatre centres d’hébergement, dirigés pour deux d’entre eux par des ONG locales et pour les deux autres par des ONG internationales, accueillent des victimes de violences domestiques et de la traite. D’après le Service de police du Kosovo, 66 victimes de violences domestiques ont été hébergées au cours de l’année. Plusieurs autres ONG, nationales et internationales, œuvrent en faveur de la protection des femmes. Toutefois, un grand nombre d’incidents reste encore dans l’ombre. Outre l’élaboration d’une nouvelle législation offrant une protection accrue aux victimes de la violence domestique, la MINUK, en coopération avec les institutions locales, a supervisé l’organisation de plusieurs campagnes d’information et de sensibilisation sur le thème de la violence domestique. La campagne intitulée «La génération du changement» notamment a été conçue à partir d’une étude sur la manière dont les adolescents percevaient la violence domestique, effectuée par le Bureau des questions de parité entre les sexes de la MINUK, en collaboration avec un institut de recherche local ayant des contacts étroits avec les jeunes. L’OSCE, en partenariat avec la direction de l’éducation, a organisé des formations interactives à l’intention des jeunes du Kosovo sur les moyens de reconnaître les comportements violents, de s’en protéger et de demander une assistance. Des cours sur la nouvelle législation ont également été dispensés aux agents de police, au personnel judiciaire et aux agents des services sociaux.

39.Mme ELIASZ (MINUK) précise que l’OSCE a publié en 2005 un manuel sur la violence domestique à l’intention des services sociaux pour les informer des différentes mesures de protection existantes et leur permettre ainsi d’aider efficacement les victimes. En outre, en vertu de la nouvelle loi sur l’aide juridictionnelle adoptée cette année, les victimes pourront saisir directement les tribunaux pour bénéficier de mesures de protection, en particulier dans les cas où d’autres questions (garde des enfants, héritage par exemple) sont en jeu.

40.M. BORG-OLIVIER (MINUK), répondant à la question n° 9, dit qu’il n’existe pas pour le moment de statistiques concernant les mesures prises pour poursuivre les auteurs de crimes motivés par des considérations ethniques, l’origine ethnique des victimes, le nombre de condamnations, les peines imposées et les réparations versées aux victimes de ces crimes. On peut toutefois noter que les crimes perpétrés à l’encontre de personnes appartenant à une minorité ethnique ne sont pas nécessairement motivés par des considérations ethniques. Des données plus détaillées seront communiquées au Comité dès que possible. En ce qui concerne les règles d’engagement de la KFOR, il faut préciser que les mandats de la KFOR et de la MINUK sont totalement indépendants, de sorte que la MINUK ne peut dire au nom de la KFOR ce que celle-ci est autorisée à faire en vertu de ses règles d’engagement, qui sont d’ailleurs confidentielles. Cela étant, la KFOR ayant pour mission d’assurer la protection de son personnel et de la population du Kosovo, ce qui suppose de recourir à la force le cas échéant, on peut légitimement penser que cette protection et les moyens de la garantir s’étendent à tous les citoyens du Kosovo, sans discrimination.

41.Pour ce qui est des plaintes selon lesquelles la KFOR et les services de police de la MINUK auraient recouru indûment à la force (question n° 10), la MINUK ne dispose d’aucune information concernant l’existence de telles plaintes à son égard et a été informée par la KFOR qu’aucune plainte ne lui avait été signalée.

42.Répondant à la question concernant la contamination au plomb (question no 11), M. Borg‑Olivier dit que, après la découverte d’un taux élevé de plomb dans le sang, des membres de certaines familles dans les trois camps de personnes déplacées au nord du Kosovo, les autorités compétentes ont immédiatement entrepris de déterminer l’origine de la pollution au plomb, de façon à intervenir rapidement et à mettre au point une stratégie pour traiter le problème dans tous ses aspects. On a pu ainsi déterminer que la pollution était due au fait que certaines familles fondaient illégalement des batteries d’accumulateurs de voiture chez elles. Pour réduire les effets de cette pollution sur la santé, l’OMS et l’UNICEF ont établi une liste des aliments à fournir à tous les membres des communautés concernées, notamment des aliments riches en calcium, des fruits et des légumes. En outre, des conseils ont été donnés en matière d’hygiène personnelle, et du savon, du dentifrice, de la poudre à lessive et des produits d’entretien ménagers ont été distribués. Un premier groupe d’enfants contaminés devrait bientôt recevoir des soins appropriés. Le traitement lui‑même dure 28 jours, mais le suivi médical peut s’étendre sur six mois. Parallèlement, la MINUK a pris le contrôle de l’ancien camp de la KFOR d’Osterode et a lancé un vaste programme visant à reloger temporairement les communautés rom, ashkali et égyptienne qui vivaient dans les trois camps contaminés. Les installations ont été entièrement remises en état, en particulier sur le plan sanitaire, et des bâtiments préfabriqués viendront compléter le dispositif. L’ensemble devrait être prêt d’ici quelques jours. Des mesures ont également été prises concernant les alentours de la zone contaminée, et deux nouveaux immeubles devraient bientôt accueillir une partie des habitants. Certains d’entre eux ont déjà quitté les camps pour aller s’installer dans des bâtiments plus sûrs au nord de Mitrovica, mais 272 personnes ont choisi de rester dans les camps, bien que d’autres solutions leur aient été proposées. Les installations actuelles permettent d’accueillir tous les membres des communautés rom, ashkali et égyptienne déplacées, et comprennent un jardin d’enfants, un centre pour les jeunes et les femmes, un dispensaire et des terrains de jeux. Une organisation non gouvernementale internationale est aussi sur place pour répondre aux besoins de la vie quotidienne. La réinstallation était prévue pour le début de 2006, mais les mauvaises conditions météorologiques de l’hiver l’ont retardée.

43.En ce qui concerne la répression des violences entraînées par la vendetta (question no 13), aucun programme particulier n’a été mis en place à cet effet.

44.M. McGOWEN (MINUK) indique que, d’après les registres de police, 425 personnes ont été victimes de la traite en 2004; 56 personnes ont été arrêtées pour ce délit, et 10 autres ont été arrêtées pour l’infraction moins grave de prostitution. En 2005, on a recensé 445 personnes victimes de la traite; 33 personnes ont fait l’objet de poursuites, 12 autres ont été poursuivies pour prostitution et 15 encore pour facilitation de la prostitution. En ce qui concerne les membres du personnel international, la délégation de la MINUK n’a connaissance que d’une seule affaire dans laquelle un membre de ce personnel aurait été mis en cause. Il a été arrêté, son immunité a été levée et il fait actuellement l’objet de poursuites au Kosovo. D’une façon générale, la MINUK considère qu’un membre du personnel international qui se livre à des activités criminelles ne peut pas se prévaloir de l’immunité que lui confère son appartenance à la MINUK.

45.Des groupes de travail interinstitutions ont été mis en place, ainsi qu’un groupe spécial pour lutter contre la traite des enfants. Ils se réunissent au moins une fois par mois, sous la présidence du Coordonnateur de la lutte contre la traite au Kosovo. En mars 2006, une nouvelle politique a été mise en place pour venir directement en aide aux victimes, qu’elles soient mineures ou adultes. Des projets de rapatriement, de réintégration et d’insertion sociale, patronnés par le Ministère du travail et des affaires sociales et des organisations non gouvernementales locales, sont en cours d’exécution, et des activités de recherche et de collecte de données ont également été entreprises. Des campagnes d’information et de sensibilisation sont menées chaque année depuis 2003 par l’OSCE, en partenariat avec différents ministères et l’Organisation internationale pour les migrations. L’OSCE travaille également en étroite collaboration avec le Bureau consultatif sur la bonne gouvernance pour assurer l’exécution intégrale du Plan d’action contre la traite des êtres humains au Kosovo. De grands progrès ont été certes accomplis dans ce domaine mais il reste encore énormément à faire.

46.Mme ELIASZ (MINUK) souligne que le nombre d’affaires de traite d’êtres humains dans lesquelles les poursuites ont abouti à des condamnations est très faible. Cela s’explique en partie par l’inadéquation des mesures de protection des témoins, qui n’offrent pas aux femmes qui voudraient porter plainte suffisamment de garanties contre les représailles au Kosovo ou de retour dans leur pays. Les autorités du Royaume‑Uni offrent une assistance technique dans le cadre du programme de protection des témoins (dispositif de déformation de la voix, installations et équipements particuliers pour les auditions) qui devrait aider les femmes à témoigner dans des conditions de sécurité. Pour ce qui est des enfants, ils sont nombreux à être victimes de la traite, qu’ils soient vendus à l’intérieur même du Kosovo ou qu’ils y soient conduits pour y être vendus. La Banque mondiale a mis en place un programme pour lutter contre la pauvreté au Kosovo qui devrait permettre d’éviter que certaines familles ne vendent leurs enfants pour survivre. La traite est un problème complexe, auquel les autorités s’efforcent de donner des solutions à la fois pénales et sociales, et la MINUK ainsi que les institutions provisoires d’administration autonome pourraient utilement bénéficier des orientations du Comité sur la façon d’améliorer la protection des victimes et de lutter contre les causes de la traite, notamment la pauvreté.

47.M. BORG‑OLIVIER (MINUK), en réponse à la question sur la détention sans mandat d’arrêt par les services de police de la MINUK et par la KFOR (question no 15), rappelle qu’après l’intervention de l’OTAN en 1999, le système de maintien de l’ordre était en panne au Kosovo. Conformément à la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, la KFOR a ensuite été chargée du maintien de l’ordre. Au début de son mandat, elle a ainsi placé en détention des personnes de tous âges, mais le nombre d’arrestation et de placement en détention diminue sensiblement depuis octobre 2001. En l’absence de structures assurant l’administration de la justice pénale, la KFOR a été contrainte d’agir à plusieurs reprises en dehors du cadre judiciaire, sur la base du mandat que lui avait confié le Conseil de sécurité. L’exercice du pouvoir d’arrestation et de placement en détention par la KFOR est soumis à des restrictions; en effet, seules les personnes représentant une menace pour la KFOR ou les autorités civiles dans des circonstances susceptibles de menacer la sécurité peuvent faire l’objet d’une telle mesure. Les normes internationales relatives aux droits de l’homme sont respectées et le pouvoir de la KFOR ne peut pas être exercé pour recueillir des informations relevant des services de renseignement. La MINUK a toujours eu comme politique de collaborer avec la KFOR pour que le suspect arrêté soit transféré à la garde des organes civils de répression dans les 18 heures de sa détention. Il faut bien voir également que la KFOR ne prend une mesure de détention qu’en dernier recours. D’une façon générale, s’il y a eu des placements en détention de ce type dans le passé, essentiellement d’ailleurs dans des cas où le commandant de la KFOR ne souhaitait pas transmettre au tribunal des données relevant des services de renseignement, il n’y en a pratiquement plus aujourd’hui.

48.En 2002, la KFOR a précisé les droits des personnes placées en détention sous sa responsabilité (droit de ne pas être arbitrairement détenu, d’être informé des motifs de la détention dans une langue que l’on comprend, de prendre contact avec le conseil de son choix et de contester la mesure devant le commandant de la KFOR). Malheureusement, on ne dispose pas des données nécessaires pour évaluer le nombre de cas de détention et le respect des droits des détenus. Dans des cas exceptionnels, le Représentant spécial du Secrétaire général a été contraint d’ordonner le placement en détention et l’expulsion de personnes se trouvant au Kosovo. Toutefois, il l’a fait dans le respect des dispositions énoncées dans le mémorandum qu’il avait adressé à cet effet au Secrétaire général (une telle décision peut être prise dans des circonstances exceptionnelles lorsqu’il n’y a pas d’autres solutions légales, les faits de la cause doivent justifier la décision, l’intéressé doit présenter un risque pour la sécurité publique et il y a lieu de penser que la procédure sera dénaturée si le pouvoir exécutif n’intervient pas). Une ordonnance de placement en détention a été délivrée dans une affaire à propos de laquelle diverses organisations non gouvernementales s’occupant de droits de l’homme ont exprimé de vives préoccupations, au motif que les personnes ainsi placées en détention n’avaient pas le droit de faire réexaminer par un tribunal la décision qui les frappait parce qu’elle incluait des données sensibles relevant des services de renseignement qui ne sont pas susceptibles de réexamen judiciaire. Les intéressés ont été libérés par la suite sur décision d’un collègue de juges internationaux. Au total, six personnes ont été placées en détention en vertu d’une ordonnance de ce type, et aucun cas n’a été recensé depuis le 19 décembre 2001.

49.Les services de police de la MINUK peuvent arrêter un suspect sans mandat uniquement dans des circonstances particulières et aux fins d’établir son identité, de vérifier un alibi ou pour une autre raison impérative. Depuis 2004, ils peuvent placer en détention une personne faisant l’objet de poursuites. Avant l’adoption du Code de procédure pénal provisoire, ils étaient également habilités à arrêter sans mandat dans le cadre d’une enquête judiciaire sur une infraction relevant du crime organisé ou de la criminalité transfrontières. La durée de la détention est limitée à 72 heures. Depuis 2004, toute personne arrêtée sans mandat doit être présentée devant le juge sans délai. Un certain nombre de juges sont chargés d’examiner les cas de détention par les services de police sans décision judiciaire. Il apparaît que les suspects restent souvent détenus pendant l’intégralité du délai de 72 heures avant d’être déférés devant un juge. Que le suspect soit arrêté dans le cadre des pouvoirs de police ou sur mandat judiciaire, il doit être informé des raisons de son arrestation ainsi que de son droit de contester la détention et des modalités de l’exercice de ce droit. Le Code de procédure pénale provisoire a ramené à six heures (contre 24 auparavant) le délai de notification dans le cas d’un placement en détention en vertu des pouvoirs de police. Lorsque la détention découle d’un mandat judiciaire, celui‑ci doit être présenté au suspect. L’OSCE a formulé des critiques au sujet des motifs invoqués dans les mandats judiciaires. Conformément au Code de procédure pénale provisoire, le suspect détenu par les services de police ou son conseil peuvent consulter le registre dans lequel sont consignés les motifs de l’arrestation. Un recours en habeas corpus a été introduit en avril 2004. Ainsi, la légalité de la détention peut être contestée en tout temps devant le juge d’instruction ou le juge du fond; les audiences sont contradictoires. La requête doit établir prima facie que les motifs du placement en détention sont invalidés par l’évolution de la situation ou la découverte de faits nouveaux ou que la détention est illégale pour une autre raison. Si les éléments présentés sont établis, si la période de détention ordonnée par le tribunal s’est achevée ou si la durée de la détention excède le délai fixé, le juge ordonne la remise en liberté immédiate de l’intéressé.

50.En ce qui concerne les inspections internes sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires et les postes de police (question no 16), M. Borg‑Olivier précise que le Bureau d’inspection des services de police du Kosovo, dont la création a été décidée en décembre 2005, est en cours d’établissement. Il procédera à des inspections internes en toute indépendance et devrait être opérationnel à partir de 2007. De son côté, l’OSCE contrôle régulièrement les conditions dans les cellules de police et a établi un certain nombre de rapports à ce propos, sur lesquels les services de police se sont appuyés pour procéder à des améliorations. Des inspecteurs de l’Union européenne et des représentants du Comité international de la Croix‑Rouge ont visité dans le passé des prisons du Kosovo et en janvier 2004 le Département de la justice de la MINUK a publié deux rapports sur les conditions pénitentiaires à Lipljan et à Dubrava.

51.La PRÉSIDENTE invite les membres du Comité à poser oralement leurs questions complémentaires.

52.M. O’FLAHERTY fait observer tout d’abord que c’est la première fois qu’une organisation intergouvernementale administrant un territoire présente un rapport à un organe conventionnel sur le respect des droits de l’homme sur ce territoire, et il s’en félicite. Il salue également la présence, au sein de la délégation de la MINUK, d’un représentant des institutions provisoires d’administration autonome du Kosovo. Cependant, ces institutions jouent un rôle si important qu’il aurait souhaité qu’elles comptent davantage de représentants dans la délégation, de même qu’il aurait trouvé bon que cette dernière soit plus nombreuse compte tenu de l’ampleur et de la diversité des questions du Comité. Si l’on peut se féliciter de ce que la première partie du rapport soit constituée par le document de base commun faisant partie des rapports soumis par la MINUK aux organes conventionnels, il est toutefois regrettable que le rapport proprement dit ne traite pas de l’application des articles 1er, 2, 3, 16 et 26 du Pacte. En outre, il contient essentiellement des renseignements d’ordre législatif et n’indique pas suffisamment quelle est la situation dans les faits. Toujours à propos du rapport, M. O’Flaherty voudrait savoir si les institutions provisoires ont été associées à son établissement et de quelle façon. En outre, il semblerait que toutes les suggestions formulées par le Médiateur pour l’établissement du rapport aient été écartées, et il serait bon de savoir pour quelle raison.

53.La délégation de la MINUK a indiqué qu’elle n’avait connaissance que d’un seul cas dans lequel le Pacte avait été invoqué devant un tribunal. M. O’Flaherty se demande si cela signifie qu’il existe peut‑être d’autres cas dont la délégation de la MINUK n’aurait pas connaissance. M. O’Flaherty voudrait également de plus amples informations sur les raisons pour lesquelles le Médiateur s’est vu retirer la compétence pour l’examen de la conformité des actes des agents de la MINUK avec les normes internationales relatives aux droits de l’homme et, plus généralement, sur les raisons invoquées pour mettre fin à son mandat. On peut relever à ce propos que d’éminentes personnalités et institutions, en particulier l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, ont appelé au maintien d’un Médiateur international au Kosovo. Il serait bon de savoir également pour quelles raisons la MINUK considère qu’un groupe consultatif sur les droits de l’homme constitue un substitut approprié à l’institution du Médiateur, étant entendu que le groupe consultatif jouira d’une indépendance et d’une autorité bien moindres. La MINUK, qui est une structure de l’ONU, devrait s’inspirer des Principes de Paris et être à l’avant‑garde de la promotion de bonnes pratiques dans ce domaine. M. O’Flaherty voudrait également des précisions sur les 114 affaires en suspens pour lesquelles on attend des mesures de la part du Représentant spécial du Secrétaire général. Il voudrait en outre en savoir plus sur la procédure qui permet à la MINUK de réexaminer les recommandations du Médiateur et de s’assurer qu’elles sont toutes inspirées par le souci d’assurer pleinement la protection des droits de l’homme. La délégation de la MINUK a dit qu’une recommandation du Médiateur avait été rejetée et M. O’Flaherty voudrait des précisions à ce sujet.

54.Dans ses réponses à la question no 3 sur les mesures prises pour assurer la sécurité juridique indispensable, la délégation de la MINUK a dit qu’elle n’avait pas connaissance de difficultés dans ce domaine, ce que contredisent diverses sources, en particulier un rapport d’Amnesty International qui fait état d’un flou juridique à différents niveaux entraînant de multiples problèmes, notamment dans les procédures pénales. M. O’Flaherty cite aussi le cas de deux hommes victimes en décembre 2005 d’une agression motivée par l’homophobie, qui se seraient rendus à un poste de police pour porter plainte et à qui il aurait été répondu que les services de police ne pouvaient enregistrer leur plainte parce que l’homosexualité était illégale au Kosovo. Cela n’est plus le cas aujourd’hui et M. O’Flaherty souhaiterait entendre la délégation de la MINUK à ce propos.

55.Sur la question de savoir si la MINUK est en mesure de garantir le plein respect des droits de l’homme dans le nord du Kosovo également, les réponses de la délégation sont insuffisantes et n’ont pas permis au Comité de cerner quelle est la situation concrète dans cette région. Il serait bon de savoir quelles mesures la MINUK envisage de prendre pour assurer que les droits de l’homme soient protégés dans les faits au nord du Kosovo. De même, il serait utile de savoir ce que font ou prévoient de faire les institutions provisoires pour redresser la situation des droits de l’homme dans cette région, et ce que font ou envisagent de faire la MINUK et les institutions en question pour associer les autorités locales à l’exercice de leurs responsabilités au regard des droits de l’homme. Enfin, M. O’Flaherty souhaiterait connaître le point de vue de la MINUK sur les structures parallèles serbes et les problèmes que pose leur existence.

56.La délégation n’a répondu que partiellement à la question portant sur le cadre institutionnel pour la mise en œuvre des responsabilités de la MINUK en matière de droits de l’homme en vertu de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, et M. O’Flaherty souhaiterait un complément d’information, notamment sur le point de savoir de quelle façon la MINUK s’assure que l’engagement en faveur des droits de l’homme se reflète dans toutes ses institutions et toute son action. Le Comité de contrôle en matière de droits de l’homme ne se réunit apparemment pas, et M. O’Flaherty souhaiterait savoir pourquoi et si des solutions de rechange ont été mises en place. De même, il voudrait savoir pourquoi le Groupe de travail intercomposantes sur les droits de l’homme ne s’est pas réuni depuis des mois. La délégation a donné des renseignements particulièrement détaillés et utiles sur l’action menée en faveur de l’égalité entre hommes et femmes, et il serait bon qu’elle fasse de même concernant d’autres aspects des droits de l’homme. En particulier, elle devrait indiquer de quelle façon la MINUK aide les institutions provisoires à développer leur propre capacité de promotion et de protection des droits de l’homme et quel rôle le Haut‑Commissariat aux droits de l’homme aura à jouer dans ce domaine. La délégation a donné des informations nombreuses et détaillées sur la question de la traite des êtres humains, montrant que l’OSCE et la MINUK prennent très au sérieux ce problème et sont pleinement conscientes des insuffisances et lacunes de leur action. M. O’Flaherty espère d’ailleurs que le Comité pourra répondre favorablement à la demande d’assistance que lui a adressée la délégation à ce sujet.

La séance est levée à 18 heures.

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