NATIONS UNIES

CCPR

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr.GÉNÉRALE

CCPR/C/SR.262826 août 2009

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME

Quatre-vingt-seizième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 2628e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le lundi 13 juillet 2009, à 15 heures

Président: M. IWASAWA

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE

Quatrième rapport périodique de la République-Unie de Tanzanie

La séance est ouverte à 15 heures.

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE (point 7 de l’ordre du jour)

Quatrième rapport périodique de la République-Unie de Tanzanie (CCPR/C/TZA/4; CCPR/C/TZA/Q/4; CCPR/C/TZA/Q/4/Add.1)

1. Sur l ’ invitation du Président, la délégation tanzanienne prend place à la table du Comité.

2.M. CHIKAWE (République-Unie de Tanzanie) dit que le Gouvernement tanzanien accorde au dialogue avec le Comité une grande importance et qu’il étudiera avec le plus grand soin les recommandations formulées par le Comité à l’issue de l’examen de son quatrième rapport périodique. Depuis la présentation du troisième rapport périodique (CCPR/C/83/Add.2), il y a presque onze ans, d’importants changements politiques, économiques, sociaux et culturels ayant une incidence sur l’application du Pacte international relatif aux droits civils et politiques se sont produits dans le pays, comme l’atteste le rapport à l’examen. Un service spécial chargé des affaires constitutionnelles et des droits de l’homme a été créé au sein du Ministère des affaires constitutionnelles et de la justice et étudie actuellement la situation en ce qui concerne les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme auxquels la République-Unie de Tanzanie n’est pas partie en vue de recommander leur ratification et leur incorporation dans le droit interne.

3.Le Gouvernement a adopté des mesures d’ordre constitutionnel et législatif pour mettre en application les dispositions du Pacte. En 1984, une vaste révision de la Constitution de la République-Unie de Tanzanie et de celle de Zanzibar a été effectuée afin d’y incorporer la Charte des droits et plusieurs lois ont été promulguées pour garantir l’application des droits consacrés par cette dernière. Comme la Charte des droits reprend dans une large mesure les dispositions du Pacte, le Gouvernement estime qu’en l’état actuel de la législation, le Pacte est dûment reflété dans le droit interne. La Charte des droits a été invoquée et utilisée comme texte de référence à plusieurs reprises par les tribunaux tanzaniens.

4.La Commission des droits de l’homme et de la bonne gouvernance, créée en 2001 en remplacement de la Commission permanente d’enquête, est pleinement conforme aux Principes de Paris et a obtenu le statut «A». En juin 2009, elle avait traité plus de 2 440 plaintes de détenus dénonçant des faits survenus pendant la garde à vue ou en prison, ou d’autres problèmes en rapport avec l’administration de la justice. La Commission a notamment un pouvoir consultatif mais elle peut aussi saisir la justice pour faire en sorte que ses recommandations et décisions soient appliquées, ce qu’elle a fait dans l’affaire du village de Nyamuma, actuellement pendante devant un tribunal. Elle peut également procéder au règlement à l’amiable des différends dont elle est saisie, mais si elle choisit de porter l’affaire devant la justice, la décision du tribunal devient exécutoire. Les services de la Commission sont désormais facilement accessibles sur l’ensemble du territoire grâce aux deux bureaux ouverts en Tanzanie continentale et à son bureau permanent de Zanzibar. La mise en place d’un accès électronique via Internet est à l’étude.

5.Le Gouvernement a donné effet à la plupart des recommandations de la Commission Nyalali. L’objectif premier de la Commission était le rétablissement de la démocratie multipartite en Tanzanie, et c’est dans cette perspective qu’elle a recommandé l’abrogation ou la modification d’une quarantaine de lois. Au fil des ans, les consultations menées par la Commission de réforme législative ont fait apparaître la nécessité d’abroger, de modifier ou de conserver certaines de ces lois.

6.Les lois relatives au mariage, à l’héritage et à la succession sont depuis longtemps sujettes à débat, non seulement en raison des problèmes qu’elles soulèvent du point de vue de l’égalité des sexes et des droits des femmes mais aussi parce qu’elles sont liées à des convictions religieuses et à des traditions culturelles profondément ancrées dans la société. Une révision de la législation a été entreprise afin de prendre en considération les droits de tous les individus, exercice délicat du fait que la liberté de culte et de conscience entre dans certains cas en conflit avec les droits de certains secteurs de la population, en particulier ceux des femmes et des enfants. Le Gouvernement va achever bientôt un livre blanc sur ces questions qui sera soumis à la population afin que tous les points de vue puissent être pris en considération avant qu’une décision finale ne soit prise au sujet des lois concernées.

7.Un débat va être engagé sur les règles qui régissent l’acquisition et la transmission de la nationalité; en effet, un certain nombre de problèmes se posent du fait que le régime de la double nationalité n’est pas admis, ce qui oblige les enfants de parents tanzaniens nés à l’étranger à choisir à leur majorité entre la nationalité de leur pays de naissance et la nationalité tanzanienne, et que les mêmes droits ne sont pas accordés aux hommes et aux femmes étrangers qui épousent un conjoint tanzanien. La loi relative aux femmes célibataires enceintes qui était en vigueur à Zanzibar a été abrogée en 2005; ces femmes n’encourent donc plus de peine d’emprisonnement et la législation actuelle leur garantit même le droit de poursuivre leurs études.

8.Depuis la présentation du précédent rapport périodique, des progrès notables ont été réalisés en ce qui concerne l’accès des femmes à l’éducation grâce à la mise en place de politiques et de lois dans les domaines de l’enseignement primaire obligatoire, l’enseignement secondaire et l’accès à l’éducation des personnes n’ayant pas pu bénéficier d’une scolarité générale ainsi que de programmes spécifiquement axés sur l’éducation des filles. Le Gouvernement tanzanien est en outre convaincu de la nécessité de faire participer les femmes aux organes décisionnels. Le quatorzième amendement à la Constitution prévoit que le tiers au moins des sièges du Parlement et de la Chambre des représentants doit être attribué à des femmes. Le Gouvernement a pris des mesures législatives et administratives pour lutter contre la violence à l’égard des femmes. Il a également décidé d’effectuer, en collaboration ave l’UNICEF, une étude nationale pour évaluer l’ampleur de la violence contre les femmes mais aussi contre d’autres groupes vulnérables tels que les albinos, les enfants et les personnes âgées et il s’emploie à mettre pleinement en œuvre le plan d’action national contre la violence sexiste. Il n’existe pas de statistiques officielles concernant la traite des femmes. Il s’agit d’une pratique clandestine, qui se dissimule souvent derrière les flux migratoires réguliers des campagnes vers les villes. Le Gouvernement s’efforce néanmoins de lutter contre la traite, notamment par des campagnes de sensibilisation et d’information; avec le concours de l’Organisation internationale pour les migrations, il a mis au point un projet visant à renforcer les capacités institutionnelles nécessaires pour combattre la traite et à améliorer la formation des ONG actives dans ce domaine, des forces de l’ordre, des procureurs, des juges et des personnels qui prennent en charge les victimes. Il n’existe pas à l’heure actuelle de plan d’action national de lutte contre la traite mais la nouvelle loi de 2008 relative à la traite des êtres humains qualifie d’infractions pénalement toutes les formes de trafic de personnes, ce qui inclut la traite des femmes et des enfants. La question du viol conjugal s’inscrit dans une problématique où la nécessité de préserver l’institution du mariage s’oppose à la nécessité de condamner le viol sous toutes ses formes. Depuis sa révision en 1998, le Code pénal réprime quasiment toutes les formes de violence sexuelle. L’incrimination de viol n’y est toutefois prévue que lorsque l’acte est commis entre époux légalement séparés ou sur une mineure de 18 ans. Le viol conjugal étant une notion difficilement concevable en Tanzanie, la question de sa criminalisation requiert un débat approfondi. Les mutilations génitales sont des infractions pénales mais cette pratique provient de coutumes et de traditions ancestrales et a donc encore des adeptes parmi la population, comme en témoignent les quelques cas cités dans les réponses écrites. Le Gouvernement a conçu un plan d’action national qui prévoit l’intégration de la question des mutilations génitales dans les programmes scolaires et des campagnes et des programmes d’information, des séminaires et des ateliers, des fictions cinématographiques et littéraires et des brochures. Pour mener à bien ces activités de sensibilisation, le Gouvernement collabore activement avec les ONG, dont la contribution est inestimable.

9.La Constitution de la Tanzanie confère au Président le pouvoir de proclamer l’état d’urgence avec l’accord de l’Assemblée nationale et la loi sur les pouvoirs d’exception donne effet aux dispositions constitutionnelles pertinentes. Le Président ne peut en aucun cas se prévaloir de ses pouvoirs pour passer outre aux décisions de justice. Au cours de la période visée par le rapport, les dispositions de la loi sur les pouvoirs d’exception n’ont pas été invoquées une seule fois.

10.La peine de mort est une question difficile car, d’une part, la population est divisée à ce sujet et, d’autre part, il existe des raisons qui rendent son maintien nécessaire. On attend en outre la décision de la High Court qui est actuellement saisie d’une affaire dans laquelle la constitutionnalité de la peine capitale est contestée. Le Gouvernement continue néanmoins d’appliquer un moratoire de fait sur les exécutions. Les châtiments corporels sont toujours prévus par la loi et restent applicables pour certaines infractions. Les coups de canne ne sont pas considérés comme des châtiments corporels; il s’agit d’une mesure utilisée dans les établissements scolaires pour corriger les élèves particulièrement indisciplinés. En partenariat avec l’UNICEF, le Gouvernement met en œuvre un projet pilote qui vise à définir, à partir des meilleures pratiques, des lignes directrices permettant d’intervenir efficacement pour faire disparaître cette mesure disciplinaire dans les écoles.

11.L’harmonie, l’amitié entre les peuples et l’absence de toute discrimination ont toujours caractérisé la société tanzanienne. La persécution des albinos, phénomène récent, est le fait de personnes qui croient encore aux vieilles superstitions et à la sorcellerie. À ce jour, 43 meurtres d’albinos ont été signalés. Les mesures prises par le Gouvernement pour mettre fin à ces violences sont décrites dans les réponses écrites.

12.Depuis l’époque coloniale, la Tanzanie n’a jamais cessé d’accueillir des réfugiés provenant des pays voisins mais aussi de nombreux autres pays du monde et les autorités tanzaniennes n’ont jamais reconduit à la frontière ni expulsé un réfugié. L’exemple cité par le Comité est un cas isolé qui concernait des immigrants rapatriés qui avaient été appréhendés à l’extérieur d’un camp de réfugiés et ne possédaient pas de documents attestant qu’ils étaient des réfugiés. Une fois leur statut de réfugié vérifié, ces personnes ont été réadmises. Leur protection a été assurée tout au long de la procédure.

13.Le mauvais état des établissements pénitentiaires, l’augmentation de la criminalité, le nombre croissant de condamnations à des peines d’emprisonnement et la surpopulation carcérale qui en résulte se répercutent sur le traitement des détenus. Le Gouvernement a mis au point une politique nationale concernant les établissements pénitentiaires et travaille à l’amélioration des conditions de détention, notamment en s’efforçant de désengorger les prisons. Dans cette optique, de nouvelles structures de détention vont être construites pour faire face à la demande croissante et la législation a été révisée de manière à prévoir des mesures de substitution à l’emprisonnement comme par exemple le service d’intérêt général, la semi-liberté et la liberté conditionnelle. Les juridictions pénales sont encouragées à privilégier les peines de substitution et des mesures sont prises pour rationaliser le traitement des dossiers afin d’éviter l’engorgement des lieux de détention avant jugement. Les ONG comme les particuliers ont accès aux établissements de détention à condition qu’ils respectent les procédures applicables. Pendant la période visée par le rapport, la Tanganyika Law Society, en collaboration avec d’autres ONG, a effectué une étude dans les établissements pénitentiaires qui visait à déterminer des moyens de faciliter l’accès des détenus à l’assistance d’un avocat, initiative qui mérite d’être saluée. Le maintien en liberté sous caution est un droit garanti par la Constitution hormis dans les cas de certaines infractions particulièrement graves telles que le meurtre, la trahison, le vol à main armé et les infractions en rapport avec les drogues dangereuses. Les personnes dépourvues de ressources bénéficient des services d’un avocat au civil comme au pénal. Au civil, le Président du tribunal peut, lorsque les circonstances le justifient, exonérer des frais de justice la personne dont les ressources sont insuffisantes. La Tanganyika Law Society, en collaboration avec d’autres ONG, a constitué un réseau d’avocats qui proposent gratuitement leurs services aux personnes qui en ont besoin. Au pénal, les personnes inculpées d’infractions passibles de la peine capitale bénéficient des services gratuits d’un avocat commis d’office, à moins qu’elles ne décident d’en engager un autre.

14.Les autorités tanzaniennes entretiennent de bonnes relations avec les organisations non gouvernementales et collaborent volontiers avec elles. Le droit de créer des ONG est garanti par la loi de 2001 relative aux organisations non gouvernementales. Actuellement, 3 704 ONG sont enregistrées en Tanzanie, dont plusieurs sont regroupées en fédérations ou en associations auprès desquelles le Gouvernement a le statut d’observateur. Un site Web consacré aux ONG vient d’être lancé, ce qui devrait permettre de renforcer la collaboration entre ces dernières et les autorités.

15.En septembre 2008, la République-Unie de Tanzanie a soumis ses rapports conformément à la Convention relative aux droits de l’enfant et aux deux protocoles facultatifs y relatifs. Elle s’est engagée à donner effet aux dispositions de l’article 24 de la Convention relative aux droits de l’enfant en adoptant des mesures visant à éliminer les pires formes de travail des enfants d’ici à 2010. Sous les auspices du Programme international de l’OIT pour l’abolition du travail des enfants, elle a mis en place un programme de réadaptation, d’orientation et d’éducation en faveur des enfants rescapés des réseaux d’exploitation sexuelle à des fins commerciales. Un projet de loi codifiant la législation relative aux enfants est actuellement en première lecture devant l’Assemblée nationale. Grâce à ce texte, les enfants tanzaniens bénéficieront d’une protection entièrement conforme avec les conventions internationales.

16.D’importants efforts ont été consentis pour améliorer la conduite des affaires publiques à Zanzibar à la suite des regrettables incidents qui se sont produits après les élections de janvier 2001. Ils ont abouti à la conclusion d’un accord de paix (accord «Muafaka») entre les deux principaux partis politiques et les élections générales de 2005 se sont déroulées sans incident. Des mesures ont été prises pour garantir le bon déroulement des nouvelles élections générales qui auront lieu en 2010. La loi sur les partis politiques a été modifiée; un code de déontologie des partis politiques a été adopté et un programme d’éducation civique à l’intention des partis politiques a été mis en place avec le soutien du PNUD. Un programme d’éducation à l’intention des électeurs a été élaboré par la Commission électorale nationale et des listes électorales ont été établies.

17.En ce qui concerne les Hadzabes et le respect de leur mode de vie traditionnel, la décision d’accorder des permis de chasse a été prise à la suite d’une évaluation sérieuse et approfondie des besoins, effectuée en consultation avec des représentants de la communauté hadzabe. Le projet initial prévoyait que pour pouvoir chasser sur le territoire de cette communauté, le titulaire du permis devait s’engager à remettre aux Hadzabes la viande des animaux tués et à contribuer à la mise en place de structures d’éducation, de services de santé et d’autres équipements collectifs en faveur de cette communauté, mais il a suscité de si vives protestations parmi les parties prenantes qu’il a finalement été abandonné.

18.La diffusion d’une information concernant le Pacte est assurée par divers moyens. Un volet consacré aux droits de l’homme a été incorporé dans les programmes d’enseignement secondaire et des cours sur les droits de l’homme sont également dispensés dans les établissements d’enseignement supérieur. La Commission des droits de l’homme et de la bonne gouvernance est de son côté chargée de faire connaître les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme en organisant des manifestations ouvertes au public telles que des ateliers et des séminaires, ainsi que par l’intermédiaire des médias. Les observations finales du Comité sont diffusées auprès des différentes parties prenantes.

19.Le Gouvernement tanzanien reste attaché à la cause des droits de l’homme et continuera à œuvrer à la réalisation des droits de tous les Tanzaniens avec l’aide précieuse de ses partenaires de développement, des institutions spécialisées des Nations Unies et du Haut-Commissariat aux droits de l’homme.

20.M. MWAIMU (République-Unie de Tanzanie) dit que le cadre constitutionnel et juridique de l’application du Pacte est constitué par la Charte des droits intégrée dans la Constitution et par tout un ensemble de lois qui ont été adoptées pour donner effet aux droits spécifiquement protégés par le Pacte. Tout citoyen peut faire valoir ces droits en justice et les exemples de jurisprudence donnés au paragraphe 4 des réponses écrites attestent que les juridictions tanzaniennes tiennent compte des dispositions du Pacte.

21.Grâce aux mesures prises en faveur de l’éducation des filles, le nombre total d’enfants scolarisés dans l’enseignement primaire et dans l’enseignement secondaire a quasiment triplé entre 2004 et 2008 pour s’établir respectivement à 438 901 et 1 222 403 élèves, dont 47 % étaient des filles. Parallèlement à ces résultats prometteurs, on constate malheureusement que les grossesses précoces et la pandémie de sida contraignent une proportion relativement importante de filles à abandonner l’école.

22.M. NDUNGURU (République-Unie de Tanzanie) dit que le chef de la délégation a répondu à la plupart des préoccupations du Comité, mais qu’il va lui-même donner quelques précisions sur les questions 7 à 13 de la liste des points à traiter. Les mutilations génitales féminines sont réprimées pénalement, mais il est très difficile d’appliquer la loi parce que cette question suscite une résistance sociale. La loi de 2002 sur la prévention du terrorisme prévoit un ensemble de mesures pour lutter contre le terrorisme ainsi que la création à cette fin d’unités spécialisées au sein des différentes forces de sécurité, mais elle ne contient pas de définition du terrorisme. Cette loi n’a pas encore été invoquée devant les tribunaux. La peine capitale n’est exécutée qu’au terme d’une procédure complexe. Une fois la condamnation prononcée par la High Court et confirmée par la juridiction d’appel, le Président doit consulter le Comité des grâces avant d’autoriser l’exécution. Ce Comité réexamine les preuves à charge, les opinions des juges et divers autres éléments tels que la condition sociale du condamné. Quant aux châtiments corporels, leur application est également soumise à un contrôle strict pour éviter tout recours arbitraire, et ils ne peuvent pas être appliqués aux femmes ni aux hommes de plus de 50 ans. Afin de lutter contre la torture et les mauvais traitements en détention ou en garde à vue, la Commission des droits de l’homme et de la bonne gouvernance a mis au point un mécanisme plus efficace de surveillance et de plaintes. Enfin, en ce qui concerne les meurtres d’albinos, le Gouvernement est fermement décidé à accélérer les enquêtes sur cette pratique et traduire rapidement en justice les coupables. Toutes les autorités unissent leurs efforts à cette fin et neuf personnes ont déjà été arrêtées et inculpées; les procès de cinq d’entre elles se sont ouverts devant la High Court en juin 2009.

23.Le PRÉSIDENT remercie la délégation tanzanienne et invite les membres du Comité qui le souhaitent à poser des questions supplémentaires.

24.M. AMOR dit que la Tanzanie, de par sa modération et le rôle qu’elle joue au sein des organisations internationales, est un modèle à saluer. Il est donc d’autant plus étonnant de constater certaines discordances entre sa législation et les dispositions du Pacte, par exemple en ce qui concerne les châtiments corporels, le droit d’hériter ou encore les mutilations génitales féminines. Le Pacte laisse aux États parties le choix d’un système dualiste ou moniste, pour autant que les obligations souscrites soient respectées; mais avant de ratifier un instrument international, un État partie doit revoir et modifier les dispositions de sa législation qui seraient incompatibles avec celles de l’instrument. Or la Tanzanie ne semble pas l’avoir fait, ou à tout le moins, pas systématiquement. En outre, l’article 63 de la Constitution, quoique assez difficile à interpréter, semble prévoir que la législation nationale l’emporte sur les instruments internationaux en cas de conflit entre leurs dispositions. Or il faut rappeler qu’au regard du droit international, c’est l’inverse qui est la règle. D’ailleurs, il est souvent arrivé que les tribunaux tanzaniens appliquent le Pacte de préférence à la législation nationale. Il serait donc intéressant de disposer de statistiques détaillées sur les affaires de ce genre, et aussi de savoir si le Gouvernement envisage de vérifier systématiquement la compatibilité de ses lois avec le Pacte.

25.Il a été dit que la Commission des droits de l’homme et de la bonne gouvernance était conforme aux Principes de Paris, mais des précisions sur son indépendance seraient bienvenues. Notamment, la présence d’un de ses membres au sein de la délégation peut susciter des interrogations, même si le Comité se félicite d’avoir ainsi la possibilité d’interroger un expert de cet organisme. Il serait également intéressant de savoir quelle est l’étendue exacte de ses pouvoirs en matière d’enquête. Peut-elle par exemple exiger des informations de la part du Gouvernement? Est-elle tenue de déférer une affaire à la justice lorsqu’elle n’a pas réussi à la régler à l’amiable, et, dans ce cas, assure-t-elle un suivi de la procédure jusqu’à la phase de condamnation? Là encore, des statistiques détaillées seraient utiles.

26.Le Comité se félicite des mesures d’action positive prises en faveur des femmes, mais constate qu’il reste encore beaucoup à faire pour permettre à celles-ci, et notamment aux fillettes, d’exercer pleinement leurs droits en général et leur droit à l’éducation en particulier, cet exercice demeurant entravé par des comportements traditionnels. Toutes les cultures ont leurs particularités, mais certaines évoluent tandis que d’autres se sclérosent. L’État ne doit pas suivre la société, mais au contraire prendre les devants pour faire changer les mentalités. En outre, des lois ou des règlements administratifs peuvent aussi empêcher l’exercice de ces droits. Par exemple, si la scolarité est obligatoire mais n’est pas gratuite, comme cela semble être le cas en Tanzanie, des aides doivent être prévues. De même, l’âge légal du mariage, fixé à 14 ans, peut avoir pour conséquence d’éloigner les jeunes filles de l’école.

27.Malgré le moratoire de fait sur les exécutions capitales, 292 condamnés à mort continuent d’endurer des conditions psychologiques, et peut-être matérielles, difficiles. Or, à partir d’une certaine durée − habituellement estimée à cinq ans −, une telle situation devient une forme de torture et il convient alors de commuer la peine. En outre, l’adoption d’un moratoire, outre qu’elle doit s’accompagner d’un réaménagement du régime des condamnés à mort, n’est qu’une étape sur la voie de l’abolition. Une fois de plus, le Gouvernement invoque ici l’opposition de l’opinion publique, mais c’est à lui qu’il appartient de changer les choses; l’abolition de la peine de mort se fait toujours contre l’opinion publique.

28.Enfin, en ce qui concerne les meurtres d’albinos, M. Amor se demande si, parallèlement à la répression pénale et aux campagnes éducatives, d’autres mesures ont été envisagées pour protéger ces personnes, par exemple pour les placer en lieu sûr avec l’accord de leurs proches. Cette pratique existe aussi dans des pays voisins, mais la Tanzanie, qui a su évoluer sans heurts, devrait être en mesure de l’éradiquer.

29.M. RIVAS POSADA prend note des mesures législatives qui ont été prises pour donner suite aux recommandations de la Commission Nyalali et demande des précisions au sujet de l’état d’urgence. Selon toute apparence, il a été décidé de limiter au seul Président l’exercice des pouvoirs d’exception, mais on ne voit pas très bien si ces pouvoirs sont compatibles avec l’article 4 du Pacte, qui interdit de déroger à certains droits même sous l’état d’urgence. L’État partie fait valoir qu’il n’a pas été nécessaire d’instaurer l’état d’urgence depuis la présentation de son rapport périodique précédent, mais il n’en reste pas moins que si la loi existe elle peut être appliquée à tout moment. En outre, il serait utile de savoir quels recours existent en cas d’irrégularités commises sous l’état d’urgence.

30.Une autre recommandation de la Commission Nyalali concernait la loi sur la sorcellerie. Certes, ce sont là des questions liées à des valeurs culturelles et à des coutumes qui ne seront pas modifiées par la seule adoption d’une législation nouvelle. La délégation elle-même a reconnu qu’il s’agissait avant tout d’un problème d’éducation mais elle n’a pas indiqué quelles mesures étaient prises dans ce sens, ni avec quels résultats. On ne sait pas non plus si les personnes accusées de sorcellerie font l’objet d’une sanction administrative uniquement (exclusion de la collectivité), ou si elles relèvent des autorités judiciaires.

31.Des précisions seraient également bienvenues sur la législation, et surtout la pratique, en matière de lutte contre le terrorisme. La délégation a indiqué que des unités spéciales avaient été créées pour enquêter sur les actes de terrorisme et les réprimer, mais le Comité ne s’intéresse pas seulement à la protection de la société contre le terrorisme; la protection des personnes accusées de terrorisme, ou du moins de leurs droits, est aussi importante à ses yeux et c’est pourquoi, depuis plusieurs années, il s’attache particulièrement à savoir comment est défini le terrorisme dans la législation des États parties. La lutte contre le terrorisme est en effet un domaine nouveau et imprécis, et peut donner lieu à de graves atteintes aux droits de l’homme.

32.Enfin, M. Rivas Posada reste préoccupé par les châtiments corporels qui sont non seulement autorisés par la loi, mais aussi acceptés par la société. La question fait l’objet d’un débat public, mais cette pratique existe bel et bien, et sa persistance à long terme peut avoir de graves conséquences sur le développement de la société dans son ensemble.

33.M. SALVIOLI note avec satisfaction que certaines recommandations formulées par le Comité dans ses observations finales précédentes ont été suivies d’effet mais constate qu’un certain nombre d’autres n’ont pas été appliquées. Il espère qu’à l’occasion de l’examen du prochain rapport périodique, la délégation tanzanienne pourra annoncer au Comité que son pays a adhéré au Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

34.Un certain nombre de préoccupations avaient été exprimées dans les observations finales précédentes du Comité concernant la législation relative au mariage, à la nationalité, à la succession et à l’héritage qui établit une discrimination à l’égard des femmes. Le texte des réponses écrites montre les efforts accomplis par les autorités de l’État partie pour donner effet aux recommandations du Comité, mais il serait bon de savoir dans quel délai les autorités tanzaniennes entendent achever la réforme législative entreprise dans ces domaines.

35.Le Gouvernement tanzanien a reconnu que les violences dans la famille étaient un phénomène grave et de grande ampleur, qu’il s’efforçait d’éradiquer. Il conviendrait de savoir si les autorités disposent de statistiques concernant les plaintes, les poursuites et les peines éventuelles auxquelles ont donné lieu les cas de violence dans la famille. Il est nécessaire de mettre un terme aux violences sexistes. En particulier le viol, qu’il soit commis dans le mariage ou hors du mariage, est l’un des actes les plus graves qui puissent être commis à l’égard des femmes et il n’est pas tolérable. Il est également particulièrement important de protéger les femmes contre les mutilations génitales, qui constituent une violation du droit intangible à l’intégrité de la personne. Il est important en outre que la protection contre les mutilations génitales s’applique à toutes les femmes, qu’elles soient mineures ou majeures, et l’État partie doit poursuivre les efforts qu’il déploie pour faire cesser ces pratiques. M. Salvioli note que le texte des réponses écrites évoque l’affaire R. v. Mbwasa Madaru, dans laquelle les poursuites engagées contre le père d’une jeune fille victime de mutilations génitales ont été abandonnées faute de preuves, les témoins ne voulant pas témoigner contre le père. Dans une autre affaire (R. v. Fatma Iddi  and others), le dossier a été classé à la suite de pressions exercées par la famille de la victime et l’entourage. M. Salvioli demande si l’État partie a envisagé de prendre des mesures pour prévenir des situations de ce type. En outre si, apparemment, les personnes reconnues coupables de mutilations génitales féminines sont passibles d’une amende, les autorités tanzaniennes devraient cependant veiller à ne pas donner l’impression que cette pratique est tolérée moyennant le simple paiement d’une amende.

36.M. LALLAH note que douze ans se sont écoulés depuis l’établissement du dernier rapport périodique de l’État partie sans que les autorités tanzaniennes n’aient donné d’explication pour ce retard. Il espère que les mesures administratives prises par l’État partie permettront de ne pas reproduire cette situation à l’avenir.

37.M. Lallah rappelle l’importance particulière qui s’attache aux dispositions du paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, prévoyant que les États parties au Pacte s’engagent à garantir que toute personne dont les droits et libertés reconnus dans le Pacte auront été violés disposera d’un recours utile, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. Certes, la loi tanzanienne ne prévoit apparemment pas l’impunité pour les actes commis par des membres de la police ou du personnel pénitentiaire en violation de l’article 7 du Pacte, à l’encontre de personnes qui sont placées sous leur contrôle absolu, mais la question des mécanismes permettant d’ouvrir des enquêtes et d’engager des poursuites relatives à des plaintes dans ce contexte est d’autant plus importante que, selon les informations dont le Comité dispose, le taux de surpopulation carcérale en Tanzanie est supérieur à 44 %. La situation est ainsi certainement plus grave que ne le laisse entendre le rapport de l’État partie, et les réponses apportées par écrit et oralement par la délégation tanzanienne à la question no 12 de la liste des points ne sont pas suffisamment éclairantes. En particulier, il conviendrait de savoir qui désigne la personne chargée d’assurer le suivi des plaintes, dont il est fait mention au paragraphe 38 des réponses écrites, et quels résultats ont été obtenus grâce à la mise en place de ce mécanisme. Dans le cas où une infraction a été constatée, il conviendrait également de savoir quelles sanctions ont été prises. Il est dit au même paragraphe des réponses écrites que la Commission des droits de l’homme et de la bonne gouvernance est habilitée à enquêter sur les actes de torture. L’important est cependant de connaître les résultats concrets des activités de cette Commission, seule façon de pouvoir apprécier véritablement l’action de l’État partie pour protéger les droits des personnes en garde à vue ou en détention. En outre, il est dit au même paragraphe des réponses écrites que, dans certains cas, les particuliers peuvent signaler directement aux commissariats de police des actes de torture. M. Lallah se demande comment cela est possible, sachant que ces personnes sont déjà en détention, et il souhaiterait des explications à ce propos.

38.En conclusion, M. Lallah fait observer qu’un grand nombre d’États parties au Pacte ont estimé utile d’adhérer au Protocole facultatif car cela leur permettait de bénéficier de l’assistance du Comité pour régler des affaires dans lesquelles les procédures devant les juridictions internes s’éternisaient. Il suggère donc aux autorités tanzaniennes d’envisager sérieusement d’adhérer au Protocole facultatif, ce qui leur permettrait, à tout le moins, de montrer à la population qu’elles ont à cœur de protéger ses droits et de sanctionner les coupables de violations du Pacte.

39.M. FATHALLA s’interroge sur l’articulation entre le Pacte et la législation nationale. Il constate que les lois tanzaniennes priment les instruments internationaux auxquels la Tanzanie est partie en cas de conflit, et il souhaiterait que la délégation tanzanienne commente cette situation singulière. Il est dit au paragraphe 26 du rapport que, bien que la Tanzanie applique un système dualiste, les dispositions du Pacte sont «presque directement applicables», et M. Fathalla souhaiterait savoir ce que cela signifie. Il rappelle à ce propos l’importance qui s’attache à l’incorporation du Pacte dans le droit interne des États parties. Le chef de la délégation tanzanienne a également indiqué que la Constitution avait été largement remaniée en 1984 pour incorporer la Charte des droits, qui a donné effet dans une large mesure aux dispositions du Pacte. Il a ensuite affirmé que la Charte des droits reproduisait le Pacte. Il serait bon que la délégation tanzanienne explique la situation exacte concernant la place du Pacte dans le droit interne.

40.En ce qui concerne les mesures applicables en vertu d’un état d’exception, il a été indiqué que, durant la période couverte par le rapport, l’état d’exception n’avait jamais été proclamé. Des préoccupations demeurent toutefois quant au respect de l’article 6 du Pacte compte tenu de ce qui est dit au paragraphe 47 du rapport, c’est-à-dire qu’en vertu de l’article 31 de la Constitution il est permis de déroger au droit à la vie protégé par l’article 6 du Pacte lorsque l’état d’urgence est décrété. Le droit à la protection de la vie étant un droit fondamental auquel il ne saurait être dérogé en aucune circonstance, la disposition constitutionnelle susmentionnée est source de vive préoccupation.

41.M. BOUZID dit que, selon certaines sources, la Commission des droits de l’homme et de la bonne gouvernance ne disposerait pas des ressources nécessaires pour lui permettre de mener à bien sa mission, et ses recommandations ne seraient pas suivies d’effet. Il souhaiterait entendre la délégation tanzanienne sur ce point.

42.M. PÉREZ SÁNCHEZ-CERRO, revenant sur la question de la peine de mort, constate que la Commission tanzanienne de réforme législative a réalisé une étude et recommandé l’abolition de la peine de mort mais que le Gouvernement, s’appuyant notamment sur des sondages d’opinion, serait réticent à suivre cette recommandation. L’abolition de la peine de mort est cependant la responsabilité de l’État, et les autorités tanzaniennes ne sauraient s’y soustraire en invoquant des pressions de l’opinion publique.

43.Les dispositions législatives réprimant les rapports sexuels entre adultes consentants du même sexe n’ont pas été supprimées et les peines ont même été considérablement aggravées. En vertu du Code pénal de 1954, la peine était de sept ans d’emprisonnement, la réforme législative de 1978 l’a portée à vingt ans d’emprisonnement et la révision du Code pénal de 2002 prévoit une peine encore plus lourde. Les modifications apportées en 2004 à la législation de Zanzibar prévoient que les rapports sexuels entre adultes consentants de même sexe sont passibles de la même sanction que l’homicide. M. Pérez Sánchez‑Cerro souhaiterait entendre la délégation tanzanienne sur cette question.

44.Mme KELLER s’interroge sur l’application des articles 2 et 26 du Pacte, et notamment sur la justification du maintien de dispositions légales réprimant les rapports sexuels entre adultes consentants de même sexe. Elle voudrait savoir pour quelles raisons les autorités tanzaniennes ont refusé de supprimer cette incrimination pénale et ont même accru les peines. Enfin, elle voudrait savoir quelles mesures la Tanzanie envisage de prendre pour lutter contre la discrimination au motif de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre, qu’elle soit réelle ou supposée.

45.M. BHAGWATI voudrait connaître la composition de la Commission des droits de l’homme et de la bonne gouvernance, et la durée du mandat de ses membres. Il voudrait également savoir de quelle façon est garantie l’indépendance de cette institution.

46.En ce qui concerne la peine de mort, M. Bhagwati s’associe aux questions qui ont été posées par M. Amor, et demande depuis quand le moratoire sur les exécutions est en vigueur. Il semblerait que quelque 250 personnes soient cependant toujours détenues dans le quartier des condamnés à mort, et il demande confirmation de cette information. Si elle était exacte, M. Bhagwati fait observer que le maintien de personnes dans le quartier des condamnés à mort pour une durée indéterminée est un traitement particulièrement cruel susceptible de constituer une violation de l’article 7 du Pacte. M. Bhagwati engage les autorités tanzaniennes à abolir officiellement la peine de mort.

47.L’aide judiciaire n’est apparemment prévue que pour deux infractions, ce qui signifie qu’elle n’est pas accordée dans une multitude de situations. M. Bhagwati voudrait savoir ainsi ce qu’il en est des personnes qui n’ont pas les moyens d’engager un défenseur, combien de personnes sont chaque année traduites en justice sans bénéficier de l’assistance d’un conseil de leur choix ni de l’aide judiciaire, et combien de personnes dans cette situation sont condamnées par les tribunaux.

48.M. THELIN, revenant sur la question des violences contre les femmes, note que dans le texte des réponses écrites le viol conjugal est mentionné comme une notion étrangère à la société tanzanienne, ce qu’a confirmé le chef de la délégation. Il fait observer que le viol conjugal ne peut être considéré comme étant affaire de culture, et qu’il constitue une violation des articles 3 et 7 du Pacte. En conséquence, il encourage les autorités tanzaniennes à interdire le viol conjugal et à inclure cette question dans le plan d’action national sur les violences sexistes. Il espère que la délégation tanzanienne confirmera que telle est bien l’intention des autorités de son pays.

49.Mme CHANET constate avec plaisir que, contrairement à ce qui s’était passé pour l’examen du troisième rapport périodique de la Tanzanie, les autorités tanzaniennes ont dépêché des représentants nombreux et pleinement compétents pour répondre aux questions du Comité. Un autre point positif est l’adoption, en 2005, de la loi qui a permis d’améliorer la situation des mères célibataires à Zanzibar.

50.Les autres membres du Comité ont déjà posé un certain nombre des questions que Mme Chanet entendait soulever, et elle rappelle simplement à la délégation tanzanienne que, pour examiner l’application du Pacte dans un État partie, le Comité ne prend en considération que les lois déjà en vigueur. Ainsi, l’État partie ne peut pas invoquer des projets législatifs, des débats nationaux, des coutumes ou des traditions pour justifier de remettre à plus tard l’application du Pacte. En conséquence, ce qui a été exposé par la délégation tanzanienne concernant l’évolution possible de la situation concernant les mariages forcés, les mutilations génitales féminines, les châtiments corporels et la peine de mort ne peut pas être pris en considération dans l’examen de l’application du Pacte.

51.Pour ce qui est de la répression de l’homosexualité en Tanzanie, d’autres membres du Comité ont posé des questions à ce sujet, et Mme Chanet se contentera de relever que, si l’on peut comprendre qu’il subsiste des traces d’une législation datant de l’époque coloniale, il est néanmoins étonnant de constater que les peines frappant l’homosexualité ont été aggravées, situation très rare. Elle souhaiterait savoir quels éléments ont poussé les autorités tanzaniennes à réprimer plus sévèrement l’homosexualité et elle rappelle que le Comité a considéré dans sa jurisprudence que la répression des rapports homosexuels constituait une discrimination et une atteinte à la vie privée, autrement dit une violation des articles 26 et 17 du Pacte.

52.Une organisation non gouvernementale a fait état du cas d’une personne transsexuelle qui aurait été victime d’une violation de l’article 3 du Pacte du fait que, obligée de se rendre à l’hôpital pour des raisons médicales, elle y aurait été exhibée comme un monstre et soumise à diverses humiliations. Mme Chanet souhaiterait savoir quelle suite a été donnée à cette affaire et notamment si elle a donné lieu à des poursuites judiciaires.

53.M. AYAT dit qu’il s’associe aux remarques faites au sujet de la peine de mort. L’abolition de la peine capitale constituerait une avancée dans la promotion des droits de l’homme, et l’application d’un moratoire est un signe favorable dans ce sens. Il faut toutefois veiller à ce que l’incertitude dans laquelle les condamnés sont laissés quant à leur exécution ne devienne pas une source de souffrance pour eux. L’argument avancé dans le rapport selon lequel la peine de mort «est un châtiment qui a un effet dissuasif général et constitue la seule forme de châtiment possible pour des crimes particulièrement graves tels que le meurtre» est discutable. Le Rwanda, qui est le pays qui aurait peut-être eu le plus de raisons de conserver la peine de mort, l’a malgré tout abolie. Cette question mériterait donc une réflexion plus poussée. M. Ayat relève en outre que les renseignements présentés dans le rapport ne sont pas tous d’actualité, certaines statistiques datant de 2004.

54.On peut lire dans le rapport que le Gouvernement tanzanien a engagé le processus de ratification de la Convention contre la torture et autres peines ou traitement cruels, inhumains ou dégradants en vue d’interdire la torture et de la réprimer dans la loi. Étant donné que le paragraphe 6 de l’article 13 de la Constitution de la Tanzanie interdit déjà la torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, rien ne devrait s’opposer à ce que la Tanzanie ratifie la Convention dans les plus brefs délais.

55.Il est dit dans le rapport que le droit d’être jugé dans un délai raisonnable par une juridiction impartiale est garanti et que la loi prévoit qu’une personne arrêtée doit être présentée à un juge dans les vingt-quatre heures, ou dès que cela est possible, ce qui est un point positif; toutefois on ne sait pas si, après avoir comparu devant un juge et avoir été inculpé, l’intéressé est jugé dans un délai raisonnable.

56.Dans tout pays où l’avortement est interdit, des exceptions doivent être faites, notamment pour permettre d’interrompre une grossesse pour des raisons thérapeutiques. M. Ayat demande si la loi tanzanienne prévoit de telles exceptions, car le rapport n’en fait aucune mention.

57.Le PRÉSIDENT propose de suspendre la séance quelques minutes pour permettre à la délégation de préparer ses réponses aux questions qui lui ont été posées.

La séance est suspendue à 17 h 10; elle est reprise à 17 h 30.

58.M. CHIKAWE remercie le Comité de ses commentaires utiles. En ce qui concerne les pouvoirs d’exception le Président ne peut les exercer qu’avec l’autorisation du Parlement. En outre, l’exercice de ces pouvoirs est limité par les articles 30 et 31 paragraphe 3) de la Constitution qui protègent le droit à la vie y compris dans les situations d’urgence.

59.La Tanzanie n’est pas encore prête à abolir la peine de mort dont le maintien permet notamment de lutter contre la criminalité, particulièrement élevée dans certaines régions du pays. Toutefois, un moratoire de fait sur les exécutions est appliqué. En effet, selon le système tanzanien, une fois que la Cour d’appel, juridiction suprême, a confirmé la condamnation à mort, l’affaire est portée devant le Président qui décide, après avis d’un comité consultatif, d’autoriser ou non l’exécution de la sentence. Or le comité a toujours recommandé la non-exécution de la peine et tous les Présidents l’ont systématiquement suivi. En ce sens, il existe un moratoire de fait, même si le Président conserve le pouvoir d’ordonner l’exécution du condamné. La Tanzanie est un pays démocratique et le Gouvernement est tenu de suivre l’avis de la population; or de nombreux sondages d’opinion montrent que la population est favorable au maintien de la peine de mort. Le Gouvernement s’efforce néanmoins de progresser, même lentement, vers l’abolition de la peine de mort. Il est vrai que le Rwanda a aboli la peine de mort, mais cette mesure louable s’inscrivait dans un contexte historique particulièrement douloureux; elle était nécessaire pour aider le pays à guérir et pour éviter de nouveaux massacres et devait être prise à ce moment-là. Il y a actuellement 292 condamnés à mort, mais pour la plupart la procédure d’appel n’est pas achevée; ils ont fait appel devant la High Court, mais doivent encore se pourvoir devant la Cour d’appel. En 2008, le Président avait commué toutes les condamnations à mort; les 292 affaires sont donc de nouveaux cas. La délégation ne peut donner l’assurance qu’aucun de ces condamnés ne sera exécuté puisque seul le Président a le pouvoir de décider.

60.Il n’existe pas de loi sur le viol entre époux car cette notion est étrangère à la société tanzanienne. La Tanzanie est néanmoins disposée à ouvrir un débat sur cette notion nouvelle pour elle, qui commence à être évoquée par certains secteurs.

61.La société tanzanienne n’approuve pas l’homosexualité, considérée comme contre nature. Les relations homosexuelles constituent une infraction. Toutefois, si les peines prévues pour les atteintes sexuelles ont été alourdies essentiellement afin de protéger les femmes et les mineures, les peines pour les relations entre personnes du même sexe sont inchangées. Il en va de même à Zanzibar, qui a modifié sa législation en 2008 mais où les relations homosexuelles ne sont toujours punies que d’un emprisonnement de trois et sept ans. Contrairement à ce qui a été dit, l’homosexualité n’emporte pas la peine de mort à Zanzibar.

62.Un membre du Comité a relevé que le nom du représentant de la Commission des droits de l’homme et de la bonne gouvernance figurait sur la liste des membres de la délégation; il s’agit d’une erreur qui s’explique par le fait que la liste était à l’origine celle présentée pour les demandes de visas pour la Suisse, qui ont été groupées.

63.La Commission des droits de l’homme et de la bonne gouvernance a un Président, qui doit avoir le niveau de qualification exigé pour être nommé juge dans une High C ourt ou à la Cour d’appel, et un Vice-Président; si le Président vient de Tanzanie continentale, le Vice-Président doit être de Zanzibar et inversement. La Commission comprend au plus cinq commissaires qui doivent avoir de l’expérience dans les affaires relatives aux droits de l’homme, le droit, la politique ou les affaires sociales et faire preuve d’un engagement fort. Les commissaires, assistés par des commissaires-adjoints, sont élus pour un mandat de trois ans, prorogeable une fois pour la même durée, ce qui signifie qu’ils peuvent exercer leurs fonctions six ans au maximum. Leur rémunération est fixée par le Président et prélevée sur un fonds d’affectation spéciale. Les ressources allouées à la Commission ne sont peut-être pas suffisantes, mais il s’agit malheureusement d’un problème général qui touche également d’autres organismes. Les décisions et les recommandations de la Commission sont directement mises en œuvre par le Gouvernement. Il est toutefois possible de saisir les tribunaux pour les faire appliquer mais ce n’est généralement pas nécessaire.

64.Pour ce qui est de la participation de la population, la Tanzanie, bien qu’elle soit encore une jeune démocratie en développement, s’efforce d’associer la population à toutes les décisions importantes.

65.En ce qui concerne la situation dans les établissements de détention, il est exact que la capacité totale du système carcéral est de 20 000 détenus, alors que 38 000 personnes sont actuellement détenues dans le pays. Toutefois, grâce au nouveau programme lancé en 2008, ce chiffre devrait s’abaisser à 33 000 personnes d’ici à décembre 2009. Alors qu’auparavant la police était chargée à la fois de l’arrestation, de l’enquête et des poursuites, la fonction de poursuites est maintenant assurée par le ministère public. Ce système porte déjà ses fruits puisqu’il a permis de faire baisser le nombre de détenus de 44 000 à 38 000 personnes. Pour ce qui est des atteintes à la personne des détenus, elles font l’objet d’une enquête de la part d’abord de l’administration pénitentiaire puis de la police, et sont traitées comme toute autre infraction. De plus, la Commission des droits de l’homme est libre de mener sa propre investigation. Les membres du personnel pénitentiaire responsables d’infractions à l’encontre de détenus sont tous dûment poursuivis, comme le serait n’importe quel autre délinquant.

66.La raison du retard dans la soumission du rapport est que, le Ministère de l’intérieur n’ayant pas été en mesure de le rédiger, il a fallu mettre en place un organisme chargé d’établir les rapports à soumettre aux organes conventionnels. C’est aujourd’hui chose faite, et les prochains rapports devraient être soumis dans les délais.

67.En ce qui concerne la discrimination, la Tanzanie est reconnaissante au Comité d’avoir mis en lumière le conflit apparent entre le droit coutumier, la Constitution et les décisions des tribunaux, problème qu’elle va s’efforcer de résoudre.

68.Toute personne arrêtée doit être présentée devant un juge dans les vingt-quatre heures; s’il y a lieu à poursuites on ne peut pas en revanche garantir que le procès débutera immédiatement. Pour les affaires qui soulèvent un grand intérêt public, telles que les meurtres d’albinos, il existe une procédure accélérée. Certaines affaires peuvent donc être jugées en priorité, mais dans la plupart des cas, il faut attendre que la procédure suive son cours.

69.L’aide judiciaire est assurée dans tous les cas où les parties n’ont pas d’avocat et comparaissent devant un tribunal d’arrondissement, un magistrates court, la High Court ou la Cour d’appel, où la représentation par un avocat est de droit. Si l’affaire est jugée par un primary court , il n’y a pas d’avocat et le juge est le seul interlocuteur. En effet, ces juges de paix n’ont pas les qualifications nécessaires pour traiter avec des hommes de loi et des efforts de formation sont nécessaires. Dès que des juges auront été suffisamment formés, l’assistance d’un avocat sera garantie également devant ces tribunaux.

70.Les mutilations génitales sont à l’origine un rite de passage pratiqué dans certaines sociétés, que la femme doit avoir subi pour être respectée et pouvoir se marier. Cette pratique est si profondément ancrée dans la société qu’aujourd’hui encore des filles s’enfuient de chez leurs parents pour aller volontairement subir l’opération. Le meilleur moyen de lutter contre cette pratique est d’éduquer la population et d’éliminer les croyances sur lesquelles elle repose. Beaucoup reste à faire dans ce domaine, et le travail effectué par les ONG est des plus précieux. Ainsi, d’anciennes praticiennes de l’excision éduquent désormais les populations. Des mesures d’ordre législatif ont également été prises et les mutilations génitales constituent une infraction punissable de quinze à trente ans d’emprisonnement. Toutefois, la principale difficulté dans ce type d’affaire est qu’il est impossible de trouver des personnes disposées à témoigner. Le cadre juridique a été mis en place, mais il faudra encore changer les mentalités.

71.L’avortement est certes interdit mais des exceptions peuvent être faites quand la santé de la mère est en jeu.

72.Comme il ne lui est pas possible de répondre à toutes les questions qui ont été posées par le Comité, la délégation tanzanienne s’engage à y répondre ultérieurement par écrit.

73.Le PRÉSIDENT remercie la délégation et l’invite à poursuivre le dialogue avec le Comité à la séance suivante.

La séance est levée à 18 heures.

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