Nations Unies

CCPR/C/SR.3384

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

13 septembre 2017

Original : français

Comité des droits de l’homme

1 20 e session

Compte rendu analytique de la 3384 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le lundi 10 juillet 2017, à 15 heures

Président(e) :M. Iwasawa

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 40 du Pacte (suite)

Quatrième rapport périodique de Madagascar

La séance est ouverte à 15 heures.

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 40 du Pacte (suite)

Quatrième rapport périodique de Madagascar (CCPR/C/MDG/4, CCPR/C/MDG/Q/4 et CCPR/C/MDG/Q/4/Add.1)

1. À l’invitation du Président, la délégation malgache prend place à la table du Comité.

2.M.  Andriamiseza (Madagascar) signale que le comité interministériel chargé d’établir le rapport sur l’application du Pacte international relatif aux droits civils et politiques n’a pu commencer ses travaux qu’en 2011 en raison de la crise sociopolitique que le pays a connu à partir de 2009. Pendant la période à l’examen, d’importants progrès ont été réalisés en ce qui concerne le respect des engagements internationaux. Ainsi, la loi autorisant la ratification de la convention internationale sur l’entraide judiciaire et l’extradition a été promulguée en 2016. Le dépôt des instruments de ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et du deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort, est en cours. Avec l’appui du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et du Haut-Commissariat aux droits de l’homme, le deuxième rapport périodique sur l’application de la Convention contre la torture et le troisième rapport périodique sur l’application du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels sont en cours de finalisation, et le rapport à mi-parcours à soumettre dans le cadre de l’Examen périodique universel sera transmis incessamment au Conseil des droits de l’homme.

3.S’agissant des réformes législatives et institutionnelles, Madagascar s’est dotée d’une loi sur l’adoption visant à renforcer la protection de l’enfance, d’une loi relative aux mesures et à la procédure applicables aux enfants en conflit avec la loi et d’une loi portant réforme du Code de la nationalité. Par ailleurs, la plupart des membres de la Haute Cour de justice et du Haut Conseil pour la défense de la démocratie et de l’état de droit ont été désignés et les deux instances devraient être opérationnelles sous peu.

4.Concernant les politiques, programmes et stratégies visant la réalisation des obligations découlant du Pacte, plusieurs réformes ont été menées afin d’améliorer le fonctionnement de l’administration judiciaire, et un projet de loi sur les peines de substitution à l’incarcération a été élaboré en partenariat avec le Comité international de la Croix-Rouge (CICR). Un pôle anticorruption devrait être installé à Antananarivo à la fin du mois de juillet 2017, avec le soutien du PNUD et du Fonds pour la consolidation de la paix. Par ailleurs, un projet de loi relatif à la violence fondée sur le genre est actuellement à l’examen, et le Gouvernement a élaboré un programme destiné à garantir l’autonomie économique des femmes vulnérables. La mise en œuvre du Plan national d’action contre la traite des personnes se poursuit. Le Ministère de la population a mis en place une structure de prise en charge des victimes de catastrophes naturelles. Des ateliers de réflexion et des tables rondes ont été organisés en 2016 et 2017 en vue d’éliminer le problème de l’apatridie. Un plan sectoriel de l’éducation a été approuvé le 15 juin 2017. Une politique nationale a été validée en septembre 2017 pour améliorer l’efficacité de l’administration publique territoriale. Enfin, l’arsenal juridique dans le domaine de l’environnement a été renforcé.

5.La crise sociopolitique de 2009 a fortement pesé sur la réalisation des droits de l’homme, et les effets des changements climatiques et des catastrophes naturelles ont aggravé la situation. Madagascar multiplie ses efforts pour restaurer l’état de droit, faire respecter les droits de l’homme et créer un environnement favorable à un développement durable et inclusif, et poursuit la mise en œuvre des recommandations des organes conventionnels, des rapporteurs spéciaux et du Groupe de travail sur l’Examen périodique universel.

6.M.  Ben Achour salue les efforts menés par Madagascar pour rétablir l’état de droit et la légalité républicaine après la crise de 2009 malgré de graves problèmes économiques et sociaux. Sachant que la Constitution consacre la primauté du Pacte sur les lois nationales, il aimerait avoir des éclaircissements sur la loi nationale intégrant les dispositions du Pacte. Il demande aussi des exemples de mise en application du Pacte par les tribunaux et notamment par les juridictions supérieures, et s’enquiert des mesures prises par les autorités pour donner suite aux constatations adoptées par le Comité des droits de l’homme au sujet d’un certain nombre de communications individuelles. La délégation malgache ayant indiqué que la Commission nationale indépendante des droits de l’homme (CNIDH) était opérationnelle depuis octobre 2016, elle pourra peut-être dire quelles décisions la Commission a rendues dans les affaires de vindicte populaire ou d’emprisonnement à la suite de manifestations et quelles suites y ont été données. Des renseignements sur les ressources humaines et financières mises à la disposition de la Commission, l’organisation pratique des élections visant à désigner les membres de la Commission représentants les ONG, et le calendrier prévu pour l’accréditation de la Commission seraient également bienvenus. M. Ben Achour demande en outre des précisions sur les missions du Haut Conseil pour la défense de la démocratie et de l’état de droit et sur ses relations avec la CNIDH.

7.Enfin, notant que les dispositions législatives relatives à l’état d’urgence ont été révisées dans le but de préciser les dérogations possibles aux dispositions du Pacte et les garanties afférentes, tandis que la loi de 1991 relative aux situations d’exception, dont le Comité des droits de l’homme avait recommandé la révision en 2007, est toujours en vigueur, M. Ben Achour aimerait savoir quels sont les droits garantis par le Pacte pour lesquels le droit malgache n’admet aucune dérogation.

8.M. de  Frouvilles’enquiert tout d’abord des mesures prises pour lutter contre la discrimination à l’égard des femmes et pour renforcer leur participation à la vie politique, économique et publique, ainsi que des actions envisagées ou mises en œuvre dans le cadre de la Stratégie genre et élections définie pour la période 2015-2020. Il demande s’il est envisagé de remettre à l’ordre du jour la proposition de loi relative à la parité élaborée en 2012 ainsi que l’avant-projet de loi élaboré par des organisations de la société civile en 2014 sur la représentation proportionnelle des deux sexes dans les instances de décision. Il aimerait savoir quelles mesures temporaires spéciales il est envisagé de prendre pour renforcer la place des femmes dans la vie politique et publique, et si un système de parité ou de quotas obligatoires est envisagé. Il demande des précisions sur les actions menées pour sensibiliser le personnel politique à cette question, qui ne semble pas être une priorité pour la plupart des partis. Il souhaite aussi savoir quelles mesures ont été prises pour favoriser la présence des femmes dans la vie économique et ce qu’il est prévu de faire pour remédier aux écarts de rémunération entre les sexes, qui perdurent alors que la loi interdit la discrimination salariale.

9.Notant que la loi de 2017 permet désormais aux femmes malgaches de transmettre leur nationalité quelle que soit leur situation matrimoniale, M. de Frouville demande ce qu’il en est de la transmission de la nationalité à un époux étranger ou apatride, et aimerait également savoir si la loi de 2017 s’applique aussi de manière rétroactive. Il invite en outre la délégation à donner des précisions sur la lettre de politique foncière d’août 2015, qui semble porter atteinte aux droits fonciers des femmes des zones rurales en les soumettant à des formalités exagérément complexes pour l’acquisition de terres. En matière de succession, la délégation pourrait préciser si l’article 83 de la loi de 1968, qui dispose que les cohéritiers peuvent convenir que les héritiers de sexe féminin recevront leur part de succession foncière sous la forme d’une somme d’argent, et l’article 16 de la même loi, qui dispose que le conjoint de sexe féminin figure en huitième place sur la liste des héritiers, sont toujours en vigueur.

10.Sur la question de la discrimination, M. de Frouville sollicite des renseignements sur les points suivants : l’adoption d’une législation complète intégrant l’orientation sexuelle et l’identité de genre parmi les motifs de discrimination interdits ; les mesures prises pour lutter contre la discrimination fondée sur l’origine ethnique ou l’appartenance à une caste ; les mesures prises pour prévenir et combattre la stigmatisation des personnes touchées par le VIH/sida et des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres (LGBT) et la discrimination à leur égard. Enfin, concernant les violations des droits de l’homme commises durant la crise politique de 2009-2013, M. de Frouville demande : où en est la désignation des membres du Conseil du Fampihavanana Malagasy et des responsables de la Caisse nationale de réparation et d’indemnisation ; si les victimes ont été indemnisées ; et si la loi no 2012-007 portant amnistie pour la réconciliation nationale a été mise en œuvre.

11.M me Abdo Rocholl s’enquiert de l’état d’avancement du projet de loi relatif aux peines de substitution à la peine du mort, ainsi que de la date prévue de son adoption, et demande également où en est la ratification du deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte. Sur un autre sujet, Mme Abdo Rocholl aimerait savoir à quelles affaires impliquant les forces de l’ordre l’État partie fait référence au paragraphe 29 de ses réponses à la liste de points (CCPR/C/MDG/Q/4/Add.1), combien il existe d’affaires de ce type, combien d’agents des forces de l’ordre sont visés par une instruction judiciaire, et quelle issue ont eue les procédures engagées. Elle invite la délégation à répondre aux allégations faisant état d’exécutions sommaires et extrajudiciaires commises par les forces de l’ordre, en particulier dans le contexte des opérations de sécurisation du pays face au banditisme lié au vol de bétail. Elle l’invite également à commenter le fait que les localités qui ont été le théâtre de massacres impliquant des dahalo, des civils et des membres des forces armées se trouvent pour la plupart dans des régions au sous-sol exceptionnellement riche où des populations ont été déplacées et des terres confisquées par la force. Sachant que des personnes âgées, des personnes handicapées et des enfants auraient été brûlés vifs lorsque les forces de sécurité ont mis le feu à leur village dans le cadre de l’opération militaire Tandroka, MmeAbdo Rocholl souhaite que la délégation donne un complément d’information sur cette opération, en indiquant notamment combien de personnes ont été poursuivies et condamnées en lien avec celle-ci et si les victimes et leur famille ont reçu réparation. La délégation est également invitée à commenter le fait que la police aurait incendié cinq villages après que deux policiers aient été tués par des villageois à Antsakabary, et à dire combien de personnes ont été poursuivies, quelles peines ont été infligées aux responsables et de quelles mesures de réparation ont bénéficié les victimes. Enfin, Mme Abdo Rocholl s’enquiert des mesures visant notamment à prévenir le lynchage de personnes soupçonnées d’avoir commis une infraction, ainsi que des enquêtes ouvertes, des poursuites engagées et des peines infligées aux responsables de tels faits.

12.Sur un tout autre sujet, Mme Abdo Rocholl demande quelles mesures sont prises par l’État partie face aux superstitions préjudiciables qui portent atteinte à la vie des enfants issus de grossesses multiples. Elle demande également où en est le projet de loi sur la santé procréative et la planification familiale, quels en sont les axes principaux et quand il sera adopté et mis en œuvre. Elle invite enfin la délégation à dire : où en est la proposition visant la contraventionnalisation de l’avortement, et si celle-ci vaudra également pour les professionnels de la santé ; si l’État partie a procédé à une analyse ou à une enquête et à la collecte de données sur l’ampleur, les causes et les conséquences du phénomène de l’avortement illégal non médicalisé ; et s’il est exact que 16 % des cas de mortalité maternelle sont dus à des avortements non médicalisés et que 10 décès liés à la grossesse ou à l’accouchement, dont trois d’adolescentes de 15 à 19 ans, se produisent chaque jour dans l’État partie.

13.M.  Koita demande si l’État partie envisage d’adopter une loi qui incrimine le viol conjugal, de prendre des dispositions légales qui clarifient la définition de la violence sexiste et en érigent en infraction les différentes manifestations, et d’améliorer la collecte des données sur ce type de violence auprès de la police et de la gendarmerie nationale, ainsi que l’exploitation de ces données. Il demande également quelles difficultés l’État partie rencontre pour donner suite à la recommandation formulée précédemment par le Comité concernant la polygamie. Il invite la délégation à fournir des renseignements sur les programmes éducatifs élaborés à l’intention des chefs traditionnels, des parents et des enfants afin de lutter contre les coutumes et traditions familiales et sociales discriminatoires à l’égard des femmes et des filles. Il s’enquiert aussi des mesures de prévention et de sensibilisation visant à faciliter l’action en justice en cas de non-respect de l’âge légal du mariage, ainsi que des mesures prises en faveur de l’enregistrement des mariages traditionnels, sachant que ceux-ci ne sont pour beaucoup pas enregistrés, ce qui prive les femmes de la protection prévue par la loi no2007-022 sur le mariage. Enfin, M. Koita aimerait savoir si l’État partie : compte, dans toutes ses régions, des centres d’écoute et de prise en charge juridique et psychosociale dotés de ressources humaines, financières et techniques suffisantes pour venir en aide aux enfants et aux femmes victimes de mariages forcés, de moletry ou d’autres formes de violence, aux fins de leur pleine réinsertion sociale ; est disposé, pour combattre la croyance selon laquelle ils sont une malédiction, à recenser les jumeaux et à apporter à ces enfants et à leur famille biologique un appui en matière de santé et d’éducation, notamment dans le district de Mananjary ; prévoit de renforcer son dialogue avec les chefs traditionnels en vue de faire progressivement cesser, dans ce même district, les coutumes discriminatoires préjudiciables aux droits de l’enfant.

14.M me Pazartzis demande où en est la révision de la loi no 2008-008 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et si l’État partie envisage d’inscrire l’imprescriptibilité du crime de torture dans la législation nationale. Elle demande également quelles mesures ont été prises afin que des aveux obtenus par la contrainte ou la torture ne puissent pas servir d’élément de preuve en justice. Elle invite aussi la délégation à commenter les allégations de torture et de traitements inhumains ou dégradants infligés à des personnes lors de leur arrestation ou de leur garde à vue, en indiquant notamment si des plaintes ont été déposées, des poursuites engagées, des peines infligées et des mesures de réparation accordées aux victimes et à leur famille. Enfin, sachant que les châtiments corporels sur enfants sont interdits dans les établissements scolaires, Mme Pazartzis demande si l’État partie envisage d’étendre cette interdiction notamment aux milieux familial et pénitentiaire.

La séance est suspendue à 16 h 20  ; elle est reprise à 16 h 40.

15.Le  Président invite la délégation à répondre aux questions que viennent de poser les membres du Comité.

16.M. Tombohavana (Madagascar) dit que l’article 137 de la Constitution malgache donne aux instruments internationaux régulièrement ratifiés une autorité supérieure à celle des lois nationales. Tous ces instruments, y compris le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, peuvent être invoqués sans délai devant les tribunaux et appliqués par eux. Il appartient à la Cour suprême de contrôler cette application. Toutefois, à Madagascar, les décisions de justice tenant compte des conventions internationales ou les invoquant sont rares. Le Gouvernement a l’intention d’élaborer un projet de loi visant à faire en sorte que toutes les dispositions du Pacte et des Protocoles ratifiés soient appliquées de manière effective au niveau national.

17.M. Raholinarivo (Madagascar) précise que Madagascar applique un principe moniste selon lequel le droit international prime la Constitution, et qu’elle s’efforce par ailleurs d’intégrer à la Constitution les dispositions des traités et conventions internationaux.

18.M. Andriamiseza  (Madagascar) indique que, sur instruction du Gouvernement, l’École nationale de la magistrature s’efforce de faire connaître les textes et d’inculquer à ses élèves le principe de la primauté du Pacte sur la législation nationale. Toutes les parties peuvent invoquer le Pacte en première instance, en appel ou devant la Cour suprême. Lorsqu’une partie se plaint auprès du Ministère de la justice de ce que le Pacte n’a pas été appliqué en première instance, il est demandé au Procureur de la République de saisir la Cour d’appel.

19.M. Raholinarivo  (Madagascar) dit que l’article 61 de la Constitution malgache prévoit que lorsque les institutions de la République, l’indépendance de la Nation, son unité ou l’intégrité de son territoire sont menacées et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics se trouvent compromis, le Président de la République peut proclamer, sur tout ou partie du territoire national, la situation d’exception, à savoir l’état d’urgence, l’état de nécessité ou la loi martiale. Il précise que Madagascar étant un État démocratique, la décision est prise par le Président de la République en Conseil des ministres, après avis des présidents de l’Assemblée nationale, du Sénat et de la Haute Cour constitutionnelle. La portée et la durée de la situation d’exception doivent être déterminées par une loi organique votée par l’Assemblée nationale et le Sénat. Le Président de la République peut également légiférer par voie d’ordonnance, mais de telles décisions sont rares. Ce dispositif amène toujours à une décision équitable, conforme à la situation.

20.M. Tombohavana (Madagascar) indique que la Commission nationale indépendante des droits de l’homme (CNIDH) est une institution indépendante du pouvoir exécutif. Elle est en principe opérationnelle depuis le 13 octobre 2016, date à laquelle ses membres ont prêté serment devant la Cour suprême. Cependant, bien que le budget de fonctionnement de la Commission soit déjà inscrit dans la loi de finances, les crédits ne sont pas encore disponibles parce que le décret d’application de la loi relative à la CNIDH n’a pas encore été pris. Pour remédier à cette situation, le Ministère de la justice a élaboré un texte qui sera adopté par le Conseil des ministres dans les meilleurs délais. Un agent comptable a déjà été détaché du Ministère des finances en vue de la mise en place du secrétariat de l’institution. La Commission dispose déjà d’un bâtiment dans la capitale et elle a récemment été dotée par l’Union européenne de matériel informatique et de mobilier de bureau. Des élections ont été organisées à l’échelon provincial et national, en partenariat avec le Haut-Commissariat aux droits de l’homme et l’Organisation internationale de la Francophonie, en vue de la désignation des membres de la Commission représentant la société civile. Des ateliers d’information avaient préalablement été organisés à l’échelon provincial afin d’informer les organisations de la société civile des dispositions de la loi et des valeurs et principes fondamentaux contenus dans les Principes de Paris. Les élections ont été libres, transparentes et crédibles. La participation a été massive et les électeurs n’ont subi ni pression, ni intimidation de la part du Gouvernement. En outre, des membres de la société civile ont assisté au dépouillement, lequel a été effectué dans une transparence totale.

21.Le Haut Conseil pour la défense de la démocratie et de l’état de droit a été institué par la Constitution de 2010. Il a pour mission d’observer le respect de l’éthique du pouvoir, de la démocratie et de l’état de droit, et de contrôler la promotion et la protection des droits de l’homme. Il veille notamment au respect effectif des valeurs démocratiques et de l’éthique et au respect de l’état de droit et des principes de bonne gouvernance. Enfin, il peut formuler toute recommandation utile à toute institution, tout organisme ou toute entité publique ou privée dans le cadre de ses domaines d’attribution.

22.M me Bela l a h y (Madagascar) rappelle que la nationalité malgache est accordée automatiquement aux enfants de père ou de mère malgache, même nés hors mariage. Une femme peut donc transmettre la nationalité malgache à ses enfants quel que soit son statut matrimonial. Toutefois, si l’homme malgache peut transmettre sa nationalité à une femme étrangère ou apatride en l’épousant, la femme malgache ne peut transmettre sa nationalité à son mari étranger ou apatride. En outre, la femme malgache ne peut transmettre sa nationalité à un enfant qu’elle a adopté, alors que l’homme en a le droit. Le Gouvernement entend supprimer totalement ces discriminations. Il convient de préciser que les personnes nées avant la promulgation de la loi de 2017 peuvent tout de même bénéficier de la nationalité malgache en vertu de ce texte.

23.En ce qui concerne la succession, l’article 83 de la loi no 68-012 de 1968 relative aux succession, testaments et donations dispose en effet que les cohéritiers peuvent convenir que les héritiers de sexe féminin recevront leur part de la succession sous la forme d’une somme d’argent. En ce cas, la remise de la somme sera précédée d’un inventaire estimatif des biens à partager et constatée par un acte authentique ou authentifié. Comme d’autres textes, cette loi est très ancienne, et les magistrats n’appliquent plus l’article en question car il n’est plus conforme à l’esprit actuel des Malgaches. L’article 16 de la loi de 1968 dispose qu’en l’absence de testament le conjoint survivant est seulement à la « huitième classe ». La tradition malgache privilégie en effet les liens du sang et attribue les « classes » supérieures aux enfants, petits-enfants, parents, oncles et tantes. Il est à noter que cet article parle de « conjoint survivant » et n’établit aucune discrimination entre l’homme et la femme.

24.M .  Andriamiseza (Madagascar) dit que les enquêtes sur les responsables des violations des droits de l’homme commises durant la période 2009-2013 ont débuté et que des condamnations ont été prononcées. Cependant, en vertu de la feuille de route adoptée, qui a valeur de loi, les tribunaux ont prononcé des amnisties. Toutes les affaires qui n’ont pas été jugées passeront devant le Comité de réconciliation nationale, qui procédera à des indemnisations. Celles-ci pourront prendre d’autres formes que la forme pécuniaire, car une coutume malgache permet de mettre un terme aux dissensions en procédant à l’abattage de bœufs. Le décret relatif au comité chargé de nommer les membres du Conseil de réconciliation ayant été récemment pris par le Conseil des ministres, les membres du Conseil pourront bientôt être désignés.

25.En ce qui concerne l’affaire d’Antsakabary, les meurtriers des policiers ont déjà été traduits en justice. Sur les 19 personnes mises en examen, cinq ont été placées sous mandat de dépôt dans l’attente d’une comparution devant la Cour criminelle ordinaire et les autres ont été mises en liberté provisoire. Un mandat d’arrêt a été lancé contre d’autres personnes actuellement en fuite.Sur la cinquantaine de policiers ayant participé à la mission, trois n’ont pas été auditionnés à ce jour parce qu’ils travaillaient dans des régions éloignées. Lorsqu’ils auront été entendus, le dossier sera transmis au parquet d’Antananarivo.

26.M. Tombohavana  (Madagascar) dit que si la Constitution garantit l’égalité de tous les individus sans discrimination fondée sur la race, le sexe et la fortune notamment, de nombreuses lois ne tiennent pas encore compte de ce principe. Le Gouvernement compte élaborer des textes pour remédier à cette situation et renforcer l’égalité entre les hommes et les femmes dans tous les domaines. Un projet de texte sur l’instauration de quotas a été élaboré, mais il a été convenu, à l’issue des débats menés sur le sujet, qu’une clarification était nécessaire et qu’une large consultation devait être menée auprès des acteurs concernés. Le Gouvernement poursuit son action de sensibilisation au moyen notamment de campagnes d’information et d’émissions télévisées. Il organise également des symposiums nationaux en vue d’élaborer et d’adopter des stratégies sur le genre. En ce qui concerne l’égalité salariale entre hommes et femmes, la loi no 2003-011 sur le statut général de la fonction publique prévoit que tous les fonctionnaires doivent percevoir, à travail égal, un salaire égal.

27.M me Belal a h y  (Madagascar) dit que la peine de mort a été abolie en 2014 et que la loi autorisant la ratification du deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte aété adoptée et promulguée par le Parlement cette année. Madagascar a déposé un instrument de ratification auprès de l’ONU. Le Code pénal prévoit encore la peine capitale, mais les magistrats ne la prononcent plus. Dans l’attente d’un texte sur les peines de substitution, ils imposent des peines de travaux forcés, parfois à perpétuité. Le Ministère de la justice a commandé une étude sur les peines de substitution, dont les conclusions ont été transmises au Comité des réformes du système pénal pour examen. De nombreux autres articles du Code pénal sont devenus obsolètes et doivent également être modifiés ; c’est ce qui explique que la réforme concernant la peine de mort prenne du temps.

28.M me Randriambelo (Madagascar) tient à préciser que les exécutions sommaires ou extrajudiciaires évoquées par MmeAbdo Rocholl ont eu lieu dans le cadre d’opérations de lutte contre le grand banditisme rural qui sévit dans le Sud. En l’absence du représentant de la gendarmerie, les questions concernant les poursuites et les réparations liées aux agissements des forces de l’ordre donneront lieu à une réponse écrite. À la suite des opérations menées en 2013, un travail de pacification a été mené par les trois ministères concernés par les questions de sécurité, notamment grâce à la réinsertion sociale des dahalo.

29.En ce qui concerne les pratiques traditionnelles néfastes et les violences sexistes, le nombre de cas signalés est très faible en proportion de la population totale, mais il est en hausse : en 2015, la Police nationale a enregistré 2 019 cas : 1 202 ont été traités et 405 personnes ont été placées sous mandat de dépôt. Des statistiques détaillées portant sur les trois dernières années seront fournies dans une réponse écrite. La gendarmerie, en collaboration avec l’UNICEF, a mis en service un numéro d’appel gratuit réservé au signalement des cas de sévices sexuels ou autres infligés à des enfants. De plus, un service spécialisé dans la cybercriminalité vient d’être créé au sein de la Police nationale pour lutter contre l’utilisation des réseaux sociaux à des fins d’exploitation sexuelle des enfants.

30.Une loi réprimant la violence fondée sur le genre est en attente d’adoption. La police judiciaire prend déjà en charge d’une manière plus spécifique les cas de viol conjugal, et une plus grande visibilité leur est conférée pour que les procureurs attachent un soin particulier au traitement de ces dossiers. Il est encore difficile de collecter des données ventilées sur les violences fondées sur le genre, mais un logiciel spécialement conçu pour chaîne pénale est actuellement à l’essai à Antananarivo, et un guide de formation à l’intention des officiers de police judiciaire est en cours de validation pour améliorer la prise en charge des victimes. Des centres d’écoute et d’assistance ont été mis en place pour venir en aide aux femmes et aux enfants victimes de violences fondées sur le genre, et il existe aussi trois centres intégrés de prise en charge des victimes de violences sexuelles. Des résultats notables, qui seront bientôt communiqués par écrit, ont été obtenus.

31.M.  Andriamiseza (Madagascar) précise que les policiers impliqués dans les exécutions extrajudiciaires ont été traduits devant la justice à la suite d’enquêtes menées conjointement par la gendarmerie et la police. Dans les affaires de vols de bœufs, il s’agit souvent de légitime défense, car les policiers et militaires ne font que riposter aux tirs des malfaiteurs.

32.M.  Raholinarivo (Madagascar), à propos du rétablissement de l’état de droit, dit qu’après la crise des années 2009 à 2012, des élections présidentielles, législatives et communales ont eu lieu. Des institutions prévues par la Constitution, telles que la CNIDH et le Haut Conseil pour la défense de la démocratie et de l’état de droit, doivent être mises en place. Les élections communales ont été avancées pour permettre l’élection des sénateurs, qui sont élus par les grands électeurs. La mise en place de la Haute Cour de justice, qui comptera 11 membres, a été retardée, car 2 membres doivent être issus de l’Assemblée nationale, 2 du Sénat et 2 du Haut Conseil pour la défense de la démocratie et de l’état de droit.

33.Concernant la question des lynchages, ils ne sont pas dus aux Dina, car ces règles coutumières d’organisation de la société sont encadrées par la loi no 2001-004 et leur application nécessite la présence des forces de l’ordre et l’approbation de l’autorité. La pratique odieuse des lynchages résulte d’un comportement collectif inexplicable et irrésistible. Madagascar poursuivra le processus de rétablissement de l’état de droit entamé après la crise de 2009-2012.

34.M me Tifana (Madagascar) déclare qu’aucune mesure particulière n’a été prise concernant la situation des filles en cas de naissances multiples, mais elles bénéficient de la gratuité des soins prénataux et nutritionnels. Un programme de planning familial existe depuis 1995. Il est mis en œuvre par les agents de santé et les agents communautaires avec l’aide de volontaires, dans l’objectif de créer un environnement juridique, organisationnel et institutionnel favorable. Pour ce faire, 1 400 agents ont été formés dans 118 districts, et ils mènent des campagnes bisannuelles de quinze jours de promotion de la santé maternelle et infantile. Près de 80 % des femmes et enfants du pays en ont bénéficié.

35.L’article 317 du Code pénal interdit l’avortement, mais une réflexion est en cours pour la contraventionnalisation de cet acte, qui n’emporterait plus de peine d’emprisonnement mais serait sanctionné d’une contravention. En cas de situations d’urgence (par exemple de viol), la contraception d’urgence est autorisée. Des activités de prévention des grossesses précoces et de promotion des soins maternels et infantiles sont menées.

36.La loi relative à la protection des personnes vivant avec le VIH est toujours en vigueur. Un plan national de lutte contre le VIH/sida est en préparation. Par ailleurs, il n’existe pas de mesures particulières en faveur des LGBT, mais la société est de plus en plus tolérante à leur égard.

37.M.  Andriamiseza (Madagascar) explique que s’il existe bien une loi qui prévoit que les cohéritiers peuvent décider que les héritiers de sexe féminin recevront leur part d’héritage foncier sous la forme d’une somme d’argent, cette disposition n’est pas du tout utilisée. En outre, les parents peuvent faire des testaments oraux qui donnent lieu à des arrangements entre les héritiers.

38.À Madagascar, la polygamie relève d’une coutume dite d’« union libre », contre laquelle il n’existe pas de loi et qui est acceptée par la société. Les mariages précoces se font également sous la forme d’unions libres. Cette pratique, qui semble marginale, n’est pour l’instant pas réprimée par la loi mais pourrait le devenir si elle persistait.

39.M.  Tombohavana (Madagascar) indique, au sujet de la torture, que l’État s’est engagé en 2010 à réformer la loi no 2008-008 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants mais qu’il n’a pu respecter cet engagement en raison de la crise politique. En 2016, le Gouvernement a élaboré un projet de loi qui aurait dû être soumis au Parlement mais dont l’examen a été ajourné en raison de l’inscription à l’ordre du jour parlementaire de la ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture. Le projet de loi prévoit l’inclusion d’une échelle de peines, l’obligation d’ouvrir immédiatement une enquête en cas de suspicion de torture, la criminalisation de la torture et l’extension du délai de prescription à vingt ans. La délégation prend bien note de la recommandation du Comité de supprimer la prescription en matière de torture.

40.Le Gouvernement étudie la possibilité de mettre en place un mécanisme national indépendant de prévention de la torture ou de renforcer le mandat de la CNIDH en y intégrant les dispositions du Protocole facultatif. Un projet pourrait être soumis au Parlement en octobre si les études sont achevées d’ici là. À titre d’information, la loi d’amnistie nationale ne concerne pas les actes de torture.

41.M.  Raholinarivo (Madagascar) indique, concernant les châtiments corporels infligés aux enfants, que le Ministère de l’éducation a porté plainte contre une institutrice qui avait frappé un élève de primaire. La politique gouvernementale de protection des enfants est donc strictement appliquée.

42.M.  Andriamiandra (Madagascar) dit, sur la question des traitements inhumains pendant les gardes à vue, que le ministère public ne tient pas compte des informations recueillies lorsque les aveux sont obtenus par la force. Il peut ouvrir une enquête, prononcer la nullité de la procédure et demander la reprise de l’enquête par un autre service.

43.M me Randriambelo (Madagascar) précise que les personnes qui ont subi de tels traitements disposent de voies de recours et que la hiérarchie du fonctionnaire incriminé peut être saisie. Depuis 2011, l’Inspection générale de la Police nationale peut directement ouvrir une enquête en cas de mauvais traitement ou de torture.

44.Le Président remercie la délégation de ses réponses et l’invite à poursuivre le dialogue avec le Comité à la séance suivante et à fournir des réponses écrites aux questions restées en suspens.

La séance est levée à 18  heures.