Nations Unies

CCPR/C/SR.2745

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

18 octobre 2010

Original: français

Comité des droits de l’homme

Centième session

Compte rendu analytique de la 2745 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mardi 12 octobre 2010, à 10 heures

Président:M. Iwasawa

S ommaire

Examen des rapports soumis par les États parties conformément à l’article 40 du Pacte (suite)

Sixième rapport périodique d’El Salvador (suite)

La séance est ouverte à 10 h 5.

Examen des rapports soumis par les États parties conformément à l’article 40 du Pacte (suite)

Sixième rapport périodique d’El Salvador (suite) (CCPR/C/SLV/6; CCPR/C/SLV/Q/6; CCPR/C/SLV/Q/6/Add.1; HRI/CORE/1/Add.34/Rev.2)

1.Sur l’invitation du Président, la délégation salvadorienne reprend place à la table du Comité.

2.Le Président invite la délégation salvadorienne de continuer à répondre aux questions posées par les membres du Comité à la séance précédente.

3.M. Morales Cruz (El Salvador) dit, au sujet de l’assassinat des sept ecclésiastiques (question no 3), que le gouvernement actuel considère Mgr Romero comme le guide spirituel de la nation et le plus fervent défenseur des droits de l’homme de l’histoire contemporaine du pays. Le 24 mars 2010, date du trentième anniversaire de sa mort, plusieurs manifestations ont été organisées pour honorer sa mémoire. À cette occasion, le Président de la République a publiquement demandé pardon aux membres de la famille de Mgr Romero, à ses fidèles, à l’Église catholique, à l’ensemble du peuple salvadorien et aux milliers de familles qui ont été victimes des atrocités commises par les escadrons de la mort pendant la guerre civile. En outre, le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a adopté une résolution présentée à l’initiative de la Mission permanente d’El Salvador dans laquelle il invite l’Assemblée Générale des Nations Unies à proclamer le 24 mars Journée internationale du droit à la vérité et à la dignité des victimes de graves violations des droits de l’homme, en hommage à Mgr Romero. La délégation espère que la résolution recevra un accueil favorable à la prochaine session de l’Assemblée Générale. Elle comprend les préoccupations exprimées par le Comité au sujet de l’impunité dont continuent de jouir les auteurs de l’assassinat de Mgr Romero. L’affaire a été classée en application de la loi d’amnistie générale pour la consolidation de la paix de 1993 mais le dossier pourrait être rouvert si telle était vraiment la volonté des autorités compétentes; force est d’admettre toutefois que cette volonté fait défaut à l’heure actuelle.

4.M me  Navas Umaña (El Salvador) dit qu’elle répondra aux questions relatives à la participation des femmes à la vie publique et donnera des précisions au sujet du projet de loi sur l’égalité, l’équité et la non-discrimination à l’égard des femmes [anteproyecto de ley de igualdad, equidad y no discriminación contra las mujeres] et le projet de loi sur le droit des femmes à une vie sans violence [anteproyecto de ley integral para una vida libre de violencia contra las mujeres]. Les femmes constituent plus de 54 % de la population salvadorienne, mais elles sont encore sous-représentées dans les hautes fonctions de l’État. Toutefois au sein de l’exécutif, 18,5 % des postes de décision sont occupés par des femmes, parmi lesquelles deux ministres et deux vice-ministres; le Conseil national de la sécurité publique est présidé par une femme. Pour ce qui est du pouvoir législatif, 19 % des postes sont occupés par des femmes et 23,7 % de femmes siègent dans les conseils municipaux. Le projet de loi sur l’égalité, l’équité et la non-discrimination à l’égard des femmes, présenté à l’Assemblée législative le 8 mars 2010, vise à assurer l’intégration des principes d’égalité et de non-discrimination à l’égard des femmes dans toutes les politiques publiques, au moyen d’une étroite collaboration entre le Gouvernement et l’Institut salvadorien pour la promotion de la femme (ISDEMU). Il prévoit, entre autres mesures, l’élaboration de plans d’action nationaux en faveur de l’égalité des sexes, l’allocation d’un budget spécifique pour la mise en œuvre de la politique de promotion de la femme, l’établissement obligatoire par les institutions publiques de statistiques ventilées par sexe, leur analyse et la publication des résultats. Des garanties spéciales sont mises en place pour les femmes en situation de vulnérabilité − vieillesse, extrême pauvreté, exclusion sociale. L’accent est également mis sur la protection des femmes et des enfants contre la traite et l’exploitation sexuelle, l’assistance aux victimes et la poursuite des responsables. Le projet de loi définit en outre l’obligation de parité dans la direction des affaires publiques. Ainsi, les fonctions gouvernementales devraient être également réparties entre les deux sexes, et toute liste de candidats aux élections qui ne comporterait pas autant de femmes que d’hommes devrait être rejetée. Le projet de loi prévoit enfin la création d’un organisme indépendant chargé spécifiquement de veiller à la promotion de l’égalité et à la lutte contre la discrimination à l’égard des femmes.

5.Le projet de loi sur le droit des femmes à une vie sans violence vise à protéger les femmes contre toutes les formes de violence − sociale, économique, sexuelle − dont elles peuvent être victimes. Les débats, déjà bien avancés, se poursuivent à l’Assemblée législative. Il est difficile de dire quand le projet pourra être adopté, mais le processus est en bonne voie. Dans le cadre de la politique nationale de promotion de la femme, L’ISDEMU a conçu plusieurs mesures axées sur la protection des femmes contre la violence, notamment l’ouverture de foyers pour accueillir les femmes victimes et les accompagner dans leurs démarches auprès de la police. L’autonomisation des femmes à travers l’éducation et l’emploi est un autre volet important de l’action de l’ISDEMU. Un vaste programme consacrée à ces questions ainsi qu’à la santé des femmes, en cours d’élaboration, devrait être mis en œuvre prochainement.

6.Le Président remerciela délégation de ses réponses et invite les membres du Comité à poser des questions complémentaires.

7.M. O’Flaherty dit qu’ilne comprend pas comment l’État partie peut à la fois multiplier les hommages à la mémoire de Mgr Romero et permettre que ses assassins ne soient pas punis. À quoi bon l’ériger en héros national et faire de sa mort le symbole de tous les crimes commis pendant le conflit interne si la justice n’est pas rendue? En ne poursuivant pas les auteurs de ce crime El Salvador commet une violation flagrante du Pacte. En préférant l’oubli à la justice, l’État partie fait un choix dangereux, que le Comité l’engage vivement à reconsidérer.

8.M me  Majodina note que les poursuites engagées entre 2002 et 2007 contre des policiers auxquels étaient imputées de graves violations des droits de l’homme ont abouti dans la majorité des cas à un acquittement. La délégation pourra peut-être expliquer pourquoi les condamnations n’ont pas été plus nombreuses.

9.M. Salvioli rappelle que plusieurs lois d’amnistie similaires à la loi salvadorienne de 1993 ont été frappées de nullité par la Cour interaméricaine des droits de l’homme et que le maintien en vigueur de pareilles lois n’est plus compatible avec le droit international. Plusieurs pays d’Amérique latine ont en leur temps adopté des lois d’amnistie auxquelles ils ont fini par déroger, traduisant les responsables en justice, conformément à leurs obligations internationales. Le Comité espère qu’El Salvador trouvera la volonté politique de faire de même. L’augmentation du taux de scolarisation des filles, y compris en milieu rural, est une très bonne chose mais le taux d’abandon scolaire reste élevé. Il faudrait savoir comment l’État partie entend remédier à ce problème. À propos de l’avortement, M. Salvioli dit qu’il a pris note des explications données par la délégation mais maintient que la législation en vigueur n’est pas conforme aux normes internationales. Les peines encourues et la perspective d’une condamnation certaine continuent de pousser les femmes à avorter clandestinement, dans des conditions qui mettent leur vie en danger. L’État partie devrait revoir sa législation pour mettre un terme à cette situation.

10.M. Amor salue les initiatives prises par l’État partie pour honorer la mémoire de Mgr Romero mais note avec préoccupation que le problème de l’impunité reste entier. Il voudrait savoir si l’État partie envisage de revoir le régime de l’amnistie et celui de la prescription de manière à exclure certains crimes de leur champ d’application. Il voudrait également des précisions concernant la procédure suivie pour assurer la mise en œuvre des observations finales du Comité, et demande notamment s’il existe un mécanisme qui en est spécifiquement chargé et, dans l’affirmative, quel en est le statut juridique.

11.M. Morales Cruz (El Salvador) dit que la délégation comprend les préoccupations exprimées par les membres du Comité au sujet de l’impunité qui continue d’entourer l’assassinat de Mgr Romero. Il est vrai que pendant plus de vingt ans, l’État a nié l’histoire et a honoré ceux qui étaient responsables de crimes. Le nouveau gouvernement s’est fait un devoir de rompre avec cette attitude négationniste en reconnaissant la vérité. Il est certain qu’il faudra bien plus que de bonnes intentions pour mettre fin à l’impunité et que le chemin est encore long pour y parvenir, mais les recommandations du Comité ne pourront qu’aider le Gouvernement à progresser dans cette voie.

12.M me  Navas Umaña (El Salvador) dit que le taux d’acquittement élevé dans les affaires de violations graves des droits de l’homme imputées à des membres de la Police nationale civile s’explique par le fait que l’Inspection générale de la Police nationale civile n’a pas toujours mené ses enquêtes avec l’indépendance et l’impartialité voulues et qu’elle a passé sous silence, voire justifié, un certain nombre de violations commises par des policiers. Le gouvernement actuel a entrepris de changer cet état de choses et de rétablir pleinement l’Inspection générale dans son rôle de contrôle. Des mesures ont également été prises pour rendre systématique l’enregistrement des cas de violations imputées à des membres de la police ayant donné lieu à des poursuites ainsi que des condamnations éventuellement prononcées, en vue d’établir des statistiques détaillées. En outre, l’enseignement des droits de l’homme fait désormais partie de la formation continue des forces de police dans laquelle il occupe une place de premier plan.

13.M me  Hernández de Espinoza (El Salvador) dit qu’il est vrai qu’en dépit de l’augmentation notable du taux de scolarisation des filles enregistrée ces dernières années, celles-ci abandonnent souvent l’école avant d’avoir terminé leurs études secondaires. Le Ministère de l’éducation mène une politique active pour lutter contre les pratiques traditionnelles qui empêchent les filles d’exercer leur droit à l’éducation comme les garçons. Il est par exemple courant que les filles soient retirées prématurément de l’école pour s’occuper de la maison ou pour aller travailler dans le secteur informel afin d’assurer un revenu à la famille. Des bourses et des dispositifs de soutien financier ont été mis en place pour favoriser le maintien des filles dans le système scolaire. Des campagnes de sensibilisation sont également menées pour faire évoluer les mentalités.

14.Concernant la question de l’avortement, la Chambre constitutionnelle de la Cour suprême de justice a estimé que le principe constitutionnel qui fait commencer la vie humaine à la conception était conforme au préambule de la Déclaration des droits de l’enfant adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies en 1959, dans lequel il est énoncé que l’enfant, en raison de son manque de maturité physique et intellectuelle, a besoin d’une protection spéciale et de soins spéciaux avant comme après la naissance. Cela étant, toute recommandation du Comité sur l’étendue de la protection juridique à accorder à l’enfant à naître d’une part et le respect des droits de la femme d’autre part sera utile à El Salvador pour faire avancer le débat sur la question de l’avortement et parvenir à une solution compatible avec l’ensemble des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme.

15.M. Morales Cruz dit qu’El Salvador ne dispose pas de mécanisme national de coordination chargé du suivi des recommandations émanant d’organes internationaux de protection des droits de l’homme. Toutefois le gouvernement actuel a prévu de mettre en place d’ici à 2014 un mécanisme permanent de coordination des organismes publics, qui associera les organisations de la société civile, les organisations qui s’occupent de droits de l’homme et les victimes. El Salvador a d’ailleurs déjà pris devant le Comité des droits de l’enfant l’engagement de créer un mécanisme de suivi des recommandations de la Cour interaméricaine des droits de l’homme dans des affaires individuelles, mécanisme qui pourrait également assurer le suivi des recommandations émanant des organes des Nations Unies.

16.Le Président invite les membres du Comité à poser des questions complémentaires à la délégation.

17.M. Salvioli note que le phénomène des maras (bandes de jeunes) pose d’importants problèmes de sécurité publique dans l’État partie, comme dans de nombreux autres pays d’Amérique latine. Il est légitime de prendre des mesures pour protéger l’ensemble de sa population car la sécurité publique est un droit fondamental. Toutefois, ces mesures ne doivent pas entraîner d’atteintes aux droits énoncés dans les instruments internationaux. Le Comité contre la torture et le Comité des droits de l’enfant ont récemment fait un certain nombre d’observations à ce sujet. La question des moyens mis en œuvre par El Salvador pour lutter contre le phénomène des maras a également été évoquée dans le cadre de l’Examen périodique universel, en particulier la possibilité donnée à la police d’arrêter des jeunes membres de maras, et la façon dont ceux-ci sont traités dans les centres de détention ou pendant la phase de jugement. Il serait intéressant de savoir comment les dispositions législatives promulguées par l’État partie, dont certaines peuvent être incompatibles avec le Pacte, sont appliquées dans la pratique.

18.Concernant la liberté d’expression, M. Salvioli note que dans ses réponses écrites l’État partie se borne à indiquer que le législateur n’a pas considéré que la modification apportée à l’article 296 du Code pénal pour augmenter la peine d’emprisonnement encourue par quiconque offense les convictions et les sentiments religieux de façon répétée et publique, était incompatible avec le Pacte. Il serait intéressant de savoir comment cette opinion se justifie. En vertu de l’article 19 du Pacte et de l’article 13 du Pacte de San José de Costa Rica, instrument auquel El Salvador est aussi partie et dont la portée est plus étendue encore, un certain nombre de conditions doivent être respectées pour pouvoir restreindre l’exercice de la liberté d’expression. Dans ses réponses écrites, l’État partie fait valoir que la constitutionnalité d’une norme susceptible d’être contraire à un instrument international peut toujours être contestée, mais il reste que tous les organismes publics sont tenus de s’acquitter des obligations découlant d’instruments internationaux et que ces questions ne doivent pas être laissées à l’appréciation du pouvoir judiciaire.

19.M me  Majodina relève avec appréciation les diverses mesures prises par l’État partie pour lutter contre le fléau de la violence au foyer, ainsi que les importantes tâches dévolues à l’Institut salvadorien pour la promotion de la femme en la matière, l’adoption d’un programme d’amélioration des relations familiales, les modifications apportées à la loi contre la violence au foyer en vue d’en renforcer l’efficacité, et l’ouverture de nouveaux foyers d’hébergement pour les victimes. Toutefois les plaintes relatives à des actes de violence dans la famille demeurent très nombreuses, ce qui dénote la persistance de stéréotypes sexistes dans l’ensemble de la société salvadorienne et de déséquilibres dans les relations hommes-femmes. Il est louable qu’un grand nombre de structures soient chargées des questions relatives à la violence au foyer, mais il semblerait que leurs actions ne soient pas vraiment coordonnées, tant dans le secteur public que dans la société civile. Existe-t-il un mécanisme central chargé de suivre l’application des différents programmes de lutte contre la violence au foyer? Des renseignements sur les poursuites engagées contre les auteurs d’actes de violence au foyer, sur l’aide juridictionnelle offerte aux victimes et sur les recours dont elles disposent seraient les bienvenus. D’après les informations portées à la connaissance du Comité, le nombre de femmes décédées des suites d’actes de violence au foyer serait passé de 227 en 2002 à 437 en 2007, ce qui représente une hausse significative. Des sources indiquent en outre que 1 754 enfants et adolescents auraient été victimes d’homicides entre 2004 et 2009. Malgré tous ses efforts, il ne semble pas que l’État partie obtienne des progrès dans le domaine de la violence au foyer. Enfin, il est particulièrement préoccupant que 68 % des cas de harcèlement et de violence à l’égard des femmes employées dans la fonction publique soient de la Police nationale civile.

20.En ce qui concerne la traite des êtres humains, un problème préoccupant en raison de la perméabilité des frontières d’El Salvador, Mme Majodina note que les renseignements communiqués ne concernent que la traite des femmes; or les hommes sont également victimes de ce phénomène. L’État partie a certes pris des mesures pour s’y attaquer, mais il est regrettable que les cas de traite de femmes ne donnent pas systématiquement lieu à des enquêtes; entre 2004 et 2010, 16 condamnations seulement ont été prononcées, ce qui est très peu. Il est aussi préoccupant qu’un seul foyer accueille les victimes de la traite et que celui-ci soit exclusivement réservé aux jeunes filles.

21.L’État partie n’a pas vraiment expliqué quelles dispositions régissent le mandat et la révocation des juges, ni quelles mesures disciplinaires leur sont applicables. Il n’a pas non plus précisé le nombre de juges et de magistrats qui ont été poursuivis pour des faits de corruption et, le cas échéant, condamnés. Le Comité a besoin de davantage d’informations sur les mesures prises par El Salvador pour assurer une bonne administration de la justice et le bon fonctionnement de l’appareil judiciaire, ce qui suppose que les juges soient compétents, indépendants et impartiaux. Enfin, l’adoption d’un plan d’action national visant à éliminer le travail des enfants, en particulier dans les secteurs de la canne à sucre et de la pêche, et les inspections effectuées sur les lieux de travail doivent être saluées, mais on ne sait rien de ce qui est fait concernant les fillettes employées comme domestiques. La délégation pourra peut-être donner des renseignements à ce sujet.

22.M. Rivas Posada note que dansses réponses écrites à la question no 18, relative à la durée maximale de la détention avant jugement fixée par la loi, l’État partie indique que l’expression «détention préventive» («preventiva») n’est pas celle qui est utilisée dans la législation salvadorienne et que cette détention est appelée «administrativa» ou «provisonial». Il voudrait savoir si les deux expressions sont synonymes ou s’il existe des différences. L’État partie indique également que toute personne placée en détention «administrative» doit être traduite devant un juge dans les soixante-douze heures suivant l’arrestation et que le juge dispose du même délai après audition de l’intéressé pour ordonner sa détention provisoire ou sa remise en liberté. Or la durée habituelle de la garde à vue est déjà dépassée. Pour la détention «provisoire», la durée est fonction de la gravité de l’infraction et peut aller de douze à vingt-quatre mois. L’article 9 du Pacte dispose que tout individu arrêté ou détenu du chef d’une infraction pénale doit être traduit «dans le plus court délai» devant un juge ou une autre autorité habilitée par la loi à exercer des fonctions judiciaires, et que tout individu arrêté ou détenu du chef d’une infraction pénale devra être jugé «dans un délai raisonnable» ou libéré. Il serait donc intéressant de savoir comment se déroule la procédure dans la pratique. Des données chiffrées sur le nombre de prévenus et des précisions sur les recours dont dispose la personne placée en détention seraient aussi utiles.

23.Pour ce qui est de la lutte contre la surpopulation carcérale, problème aggravé par le phénomène des maras, l’État partie envisage-t-il la possibilité d’appliquer des peines de substitution à l’emprisonnement − comme le port d’un bracelet électronique − ou à des mesures de libération conditionnelle ou anticipée? Les États ont de plus en plus recours à de telles mesures pour enrayer l’augmentation de la population carcérale, qui entraîne des atteintes aux droits fondamentaux.

24.En ce qui concerne l’expulsion des étrangers, M. Rivas Posada voudrait savoir quelles garanties sont accordées aux étrangers susceptibles d’être expulsés pour l’un des motifs prévus par loi. Les renseignements communiqués à ce sujet par l’État partie dans ses réponses écrites témoignent de sa volonté de surmonter les difficultés qu’il rencontre pour respecter les dispositions des instruments internationaux relatives au traitement des étrangers. Mais il faudrait connaître le nombre d’expulsions ou la teneur des plaintes dénonçant une violation de droits des étrangers pour pouvoir se faire une idée plus précise de l’ampleur et de la gravité du problème au regard de l’article 13 du Pacte.

25.Enfin, en ce qui concerne le droit des fonctionnaires de constituer des syndicats, question qui fait l’objet d’un débat approfondi dans l’ensemble des pays d’Amérique latine, il y a lieu de relever les efforts déployés par l’État partie pour mettre sa législation en conformité avec le droit international; les nouvelles dispositions sur la question répondent aux exigences de la Convention no 87 de l’Organisation internationale du Travail sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical.

26.M. O ’ Flaherty dit qu’il a été frappé de lire dans la déclaration prononcée par le procureur pour la défense des droits de l’homme devant le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale à sa session d’août 2010, que la situation des peuples autochtones était particulièrement préoccupante en El Salvador et constituait un véritable problème social. Certes, le Gouvernement s’+efforce par des stratégies particulières de promouvoir les droits des peuples autochtones et de répondre à leurs difficultés, mais il reste encore des progrès à faire, comme l’a relevé le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale dans ses observations finales concernant les quatorzième et quinzième rapports périodiques d’El Salvador (CERD/C/SLV/CO/14-15). Il faudrait connaître la suite qui a été donnée à la recommandation tendant à ce que l’État partie améliore ses méthodes de recensement de façon à rendre compte de la complexité ethnique de la société salvadorienne. Il serait également intéressant de savoir si le projet de réforme constitutionnelle aux fins de la reconnaissance des peuples autochtones, présenté à l’Assemblée législative en décembre 2008, a été adopté. El Salvador à été engagé à ratifier la Convention no 169 de l’OIT relative aux peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants; M. O’Flaherty voudrait savoir quelle est la position du Gouvernement sur cette question particulièrement importante. En ce qui concerne les droits économiques, sociaux et culturels des peuples autochtones, il demande quelles mesures ont été prises pour améliorer l’accès des peuples autochtones à l’eau potable et à leurs terres ancestrales, et il invite l’État partie à se préoccuper du sort des langues autochtones autres que le nahuatl-pipil.

27.Enfin il conviendrait de diffuser largement le rapport de l’État partie et les observations finales qui seront formulées par le Comité. Ces documents devraient notamment être affichés sur tous les sites Web pertinents du Gouvernement et tous les agents intervenant dans le domaine des droits de l’homme, notamment le Procureur pour la défense des droits de l’homme et les ONG, ainsi que les représentants des groupes les plus vulnérables, en particulier les peuples autochtones, et toutes les bibliothèques publiques devraient en recevoir une copie. Il serait aussi souhaitable, si les règles de fonctionnement du Parlement le permettent, que les observations finales fassent l’objet d’un débat parlementaire ou qu’elles soient au moins déposées à la bibliothèque du Parlement.

28.M. Bhagwati souligne que l’indépendance de la justice figure au nombre des principes fondamentaux énoncés par le Pacte, il demande si les juges sont nommés par le pouvoir exécutif ou par un organe indépendant et si la promotion des juges aux échelons supérieurs est décidée par le pouvoir exécutif ou par un organe supérieur du pouvoir judiciaire ou encore par la Cour suprême. Il voudrait aussi savoir s’il existe une procédure particulière pour la mutation des juges et qui prend la décision en cas de mutation. Il demande quelle est la composition de la Commission nationale de réparation pour les victimes de violations graves des droits de l’homme dans le contexte du conflit armé interne, quelles sont les fonctions de cette commission, comment est assurée son indépendance et comment elle fonctionne. Il voudrait aussi connaître le statut, la composition et les fonctions du Conseil national de la magistrature.

29.M. Bhagwati souhaiterait un complément d’information sur le dispositif de réparation en cas d’erreur judiciaire, mentionné au paragraphe 162 du rapport. Il voudrait savoir si ce dispositif dépend du pouvoir exécutif ou du pouvoir judiciaire et s’il est compatible avec le principe de l’indépendance de la justice. Enfin, il demande quelles sont les nouvelles infractions énoncées dans le nouveau Code pénal.

30.M. Thelin dit que le nouveau Code de procédure pénale semble prendre pleinement en compte les victimes. Il encourage l’État partie à passer plus rapidement à un système pénal accusatoire qui, à son avis, offre un meilleur équilibre entre l’efficacité de l’action publique et la sécurité juridique du défendeur. Se référant à la question no 16, il souligne qu’il importe de trouver un équilibre entre la nécessité de garantir l’indépendance du juge et la nécessité de lutter contre la corruption au sein du corps judiciaire. Vu que dans certains systèmes il existe une différence de traitement entre les juges titulaires et les juges non titulaires, il voudrait savoir si les 75 fonctionnaires de justice qui ont été démis de leurs fonctions pour faits de corruption mentionnés au paragraphe 111 des réponses écrites étaient tous des juges ou s’il s’agissait d’autres personnels de l’appareil judiciaire. Pour ce qui est des sanctions prononcées, on n’insistera jamais assez sur la nécessité de veiller à écarter toute intervention du pouvoir exécutif; les juges, même soupçonnés de corruption, doivent comparaître devant des organes judiciaires. Enfin, il demande si la compétence du tribunal d’éthique gouvernementale, mentionné au paragraphe 112 des réponses écrites, s’étend à l’appareil judiciaire, ce qui ne devrait pas être le cas. Il souhaiterait un complément d’information sur ces questions.

31.M. Amorse réfère aux incidents mentionnés au paragraphe 118 du rapport de l’État partie qui, tels qu’ils sont présentés, sont inadmissibles, et qui seraient le résultat d’une action menée par une secte. Or l’on qualifie souvent de «sectaires» des mouvements religieux ou pseudo-religieux et des communautés qui ne s’inscrivent pas dans la tradition et rappelle que, dans un certain nombre de pays, la notion de «secte» a été utilisée de manière attentatoire à la liberté de religion ou de conviction. Il demande quelle définition les autorités donnent au terme de «secte», si les sectes doivent faire l’objet d’un enregistrement et si elles peuvent mener leurs activités dans le cadre de la loi. Il voudrait savoir si le phénomène sectaire est nouveau en El Salvador, quelle est son importance, s’il trouve ses origines dans le pays ou à l’étranger, si les éventuelles sectes qui existent dans le pays constituent une forme de dissidence d’avec l’Église catholique et une réaction contre un dogme.

32.M me Motoc dit qu’en El Salvador une importante proportion de la population autochtone a disparu et une proportion tout aussi forte est menacée de disparition et demande des détails sur la manière dont l’État partie envisage de rétablir les peuples autochtones dans leurs droits. Compte tenu du phénomène, nouveau en El Salvador, du regroupement des peuples autochtones dans certaines régions, elle voudrait savoir quel regard le Gouvernement salvadorien porte sur les principaux droits énoncés dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, tels que le droit à la terre, le droit d’être reconnu en tant que peuple autochtone ou le droit d’être consulté sur les projets que le Gouvernement entend réaliser dans les régions concernées. Elle voudrait aussi savoir ce qu’il en est des droits des femmes appartenant à des peuples autochtones et quelle est la situation des enfants et des jeunes autochtones, notamment s’ils rencontrent des difficultés dans le domaine de la scolarisation, et s’il existe des programmes visant à promouvoir leurs droits.

33.M. El-Haiba se déclare préoccupé par le fait que, chaque jour, un mineur de 18 ans est tué en El Salvador et demande quelles mesures ont été prises en faveur des enfants depuis l’examen des troisième et quatrième rapports périodiques de l’État partie par le Comité des droits de l’enfant en janvier 2010. Il souhaiterait aussi des précisions sur le programme visant à sensibiliser les personnels de la justice et de la police aux droits de l’homme et demande dans quelle mesure ce programme d’éducation fait évoluer les mentalités et les pratiques et si les universités participent aux programmes d’éducation aux droits de l’homme.

La séance est suspendue à 11 h 50; elle est reprise à 12 heures.

34.M me Navas Umaña (El Salvador) dit que la politique de répression appliquée par l’ancien gouvernement pour lutter contre les bandes criminelles n’a pas donné de bons résultats et n’a fait qu’aggraver le phénomène. La politique de sécurité, de justice et de coexistence et le Plan stratégique de la Police nationale civile élaborés par le nouveau Gouvernement portent sur la prévention autant que sur la répression des délits. Le phénomène des maras a des causes multiples et il convient avant tout d’appliquer des mesures de prévention pour éviter que des enfants et des adolescents, garçons et filles, n’entrent dans ces bandes. La priorité des autorités est aujourd’hui de garantir à la population le droit à la sécurité. La Police nationale civile a aujourd’hui pour instruction de ne pas procéder systématiquement à l’arrestation de jeunes soupçonnés d’appartenir à une mara et de privilégier les enquêtes.

35.Si les homicides d’hommes restent beaucoup plus nombreux que ceux concernant des femmes, les assassinats de femmes ou «féminicides» revêtent un caractère très grave: ils sont en général perpétrés à l’arme blanche et sont précédés d’actes d’une violence extrême. La police tente d’analyser du mieux possible le phénomène et d’obtenir des données chiffrées. Il existe en effet une violence fondée sur le sexe, qui vise en particulier les femmes directement ou indirectement liées à des bandes criminelles et qui sont parfois tuées au seul motif qu’elles sont des femmes. L’objectif du Gouvernement est d’éradiquer ce type de délits.

36.L’École nationale de la sécurité publique dispense aux personnels de police un enseignement relatif aux droits de l’homme. L’Inspection générale de la Police nationale civile est un organe chargé d’enquêter sur d’éventuelles violations des droits de l’homme commises par des membres de la police et de renforcer la sensibilisation aux droits de l’homme des personnels de police. En 2010, le Gouvernement a consenti beaucoup d’efforts pour faire mieux connaître aux membres de la police les engagements pris par El Salvador au niveau international en matière de droits de l’homme et dans le cadre des formations organisées l’accent est mis sur la situation des personnes atteintes du VIH/sida et sur le respect des droits des personnes ayant des orientations sexuelles diverses.

37.M. Morales Cruz (El Salvador) ajoute que l’Inspection générale de la Police nationale civile a été beaucoup remise en question par le bureau du Procureur pour la défense des droits de l’homme, qui considérait qu’elle ne fonctionnait pas correctement. L’Inspection générale a récemment été soumise à une procédure rigoureuse de contrôle et ses attributions ont été renforcées, malgré les menaces de mort répétées et les diverses pressions politiques dont a fait l’objet le responsable de cet organe.

38.La révision de l’article 296 du Code pénal, qui a alourdi la peine prévue pour le délit d’atteinte à la liberté de religion, effectuée à la suite des actes et des rites commis en public par des membres de la secte «Ministerio Internacional Creciendo en Gracia», correspond à la position de l’État sur la liberté de religion et sur la liberté d’expression, position qui n’a pas été considérée par l’Assemblée législative comme incompatible avec le Pacte. Le phénomène sectaire n’est pas un phénomène de grande ampleur en El Salvador. Certains mouvements, comme l’Église évangélique, qui étaient qualifiés de «sectes religieuses» dans les années 1980 et 1990, sont aujourd’hui reconnus comme des organisations religieuses. Il est vrai que l’utilisation dans le rapport du terme «secte» a pu être à l’origine d’une confusion et les autorités salvadoriennes veilleront à l’avenir à ne pas utiliser de terminologie à connotation discriminatoire.

39.La Commission nationale de réparation pour les victimes de violations graves des droits de l’homme dans le contexte du conflit armé interne sera placée sous la coordination du Secrétariat à l’intégration sociale et du Ministère de la santé publique et de l’assistance sociale, du Ministère des relations extérieures et du Ministère de la défense. Elle fonctionnera pendant quatre mois et cherchera à établir un dialogue avec les organisations de défense des droits de l’homme et avec les victimes de violations des droits de l’homme. Elle proposera ensuite un programme d’indemnisation des victimes du conflit reposant sur des lignes budgétaires spécifiques. Les autorités espèrent que cette commission pourra entrer en fonction dans les mois à venir et pourra travailler efficacement.

40.La loi relative à la détermination du statut de réfugié n’offre de protection qu’aux personnes qui déposent une demande d’octroi du statut de réfugiés. Les autres étrangers relèvent de la loi relative à la migration et aux étrangers, qui date des années 1950 et est donc obsolète; de plus ses dispositions garantissent une protection minime et laissent la porte ouverte à des pratiques arbitraires. Des efforts sont faits pour élaborer un nouveau projet de loi sur la migration et les étrangers qui corresponde aux normes constitutionnelles et aux normes internationales et les observations du Comité seront prises en considération pour rédiger le nouveau texte. Les Salvadoriens à l’étranger représentent environ un tiers de la population nationale, et nombre d’entre eux sont victimes de graves violations de leurs droits fondamentaux, en particulier lorsqu’ils font route vers le nord. De son côté, El Salvador accueille de nombreux migrants économiques, qui cherchent du travail dans le pays ou transitent. Face à ces deux situations, le Gouvernement s’emploie à renforcer les mécanismes de protection consulaire, par l’action du vice-ministère pour les Salvadoriens à l’étranger, et à mettre sur pied une politique de coordination interinstitutions pour la protection des droits des migrants.

41.M. Rauda Portillo (El Salvador) indique qu’au 5 octobre 2010, le nombre de personnes en détention provisoire était de 8 286. La durée de la détention provisoire va de six mois pour les délits mineurs à douze mois pour les infractions graves, renouvelables une fois dans certaines circonstances particulières, énoncées dans la loi. Conformément à l’article 6 du Code de procédure pénale, elle ne peut pas excéder deux ans. Dans un arrêt récent, la Chambre constitutionnelle de la Cour suprême a fait droit à un recours en habeas corpus introduit par une personne qui avait passé plus de deux ans en détention provisoire, dont elle a ordonné la libération immédiate.

42.Le système actuel de nomination des juges date de la réforme constitutionnelle qui a eu lieu au moment de la signature des accords de paix. Le Conseil national de la magistrature propose des candidats aux postes de magistrat et les juridictions concernées choisissent ensuite parmi ces candidats. La loi relative à la profession judiciaire prévoit plusieurs types de sanctions contre les juges, en fonction de la gravité de la faute commise. Les 75 personnes dont il est question dans les réponses écrites sont des juges qui ont été démis de leurs fonctions en application de cette loi. L’indépendance du pouvoir judiciaire est garantie, et l’exécutif n’influe en aucune façon sur les décisions des juges.

43.La législation prévoit plusieurs types de peines de substitution à l’emprisonnement en matière civile, parmi lesquelles l’amende, l’emprisonnement de fin de semaine, l’assignation à domicile et le travail d’intérêt général. En matière pénale, seule est prévue la libération conditionnelle, au terme de la moitié ou des deux tiers de la peine. Le Gouvernement a néanmoins entrepris d’étudier la possibilité d’appliquer des mesures non privatives de liberté, comme l’utilisation de bracelets électroniques. Le pays connaît un grave problème de surpopulation des prisons, avec 24 700 détenus pour 8 100 places. Pour faire face à cette situation, le Ministère de la justice et de la sécurité publique a mis sur pied un plan de réduction de la surpopulation carcérale, qui a pour objectif la libération conditionnelle de 10 % des détenus actuels, prononcée par un juge. La séparation des détenus appartenant à des bandes (pandillas) du reste de la population carcérale a été décidée pour éviter les agressions et les violences entre bandes rivales. Il faut savoir que plus de 8 000 détenus ont été identifiés comme étant des membres actifs de ces bandes et que, même chez les autres détenus, les liens avec les pandillas sont souvent étroits. À l’heure actuelle, la population carcérale compte 15 742 condamnés, dont 690 bénéficient d’un régime ouvert (513 sont en «phase de confiance» et 177 en semi-liberté). L’intention du Gouvernement est de renforcer l’application du système progressif d’exécution de la peine prévu par la loi pénitentiaire, qui permet ce type d’aménagement.

44.M me Hern á ndez de Espinoza (El Salvador) dit que l’âge de la responsabilité pénale est effectivement de 12 ans. Pour les délinquants âgés de 12 à17 ans, un traitement juridique spécial est appliqué, qui est axé sur les mesures d’éducation et de réadaptation. Le décret-loi «anti-pandillas» promulgué en 2003 dans le cadre de la politique dite de la «main de fer», qui prévoyait en son article 2 la possibilité pour les juges de demander une expertise pour déterminer si un enfant de plus de 12 ans auteur d’une infraction était capable de discernement et pouvait donc être traité judiciairement comme un adulte, a depuis été déclaré anticonstitutionnel et abrogé.

45.Le Gouvernement a conscience de la gravité du problème de la violence dans la famille, qui touche de très nombreuses femmes et fillettes. La situation est d’autant plus préoccupante que les chiffres disponibles sont de toute évidence nettement inférieurs à la réalité, étant donné que de nombreuses victimes n’ont pas accès aux mécanismes de plaintes et que les plaintes enregistrées par la police correspondent souvent à d’autres infractions, comme les coups et blessures ou les agressions sexuelles. Une première mesure qui s’impose d’urgence est donc de collecter des données fiables pour pouvoir mettre en œuvre des politiques appropriées. Le manque de coordination des actions menées par les différents organes de l’État doit être reconnu comme un problème structurel, tenant essentiellement au fait que longtemps l’Institut salvadorien pour la protection de la femme s’est occupé uniquement de la mise en œuvre de programmes d’assistance et n’a pas joué le rôle directeur qui lui incombait. Des efforts vont donc être engagés pour lui redonner la place qui est la sienne. De plus, le Gouvernement a mis au point un projet de centres de justice intégrés visant à faciliter l’accès à la justice des femmes victimes de violence, ainsi que leur prise en charge et leur protection.

46.La lutte contre le travail des enfants, en particulier ses pires formes, constitue également un objectif de taille. Si le nombre d’enfants qui travaillent demeure élevé, une diminution a néanmoins pu être constatée ces dernières années. Le but est aujourd’hui d’accélérer cette évolution. Le Gouvernement actuel a entrepris de réviser la liste des pires formes de travail des enfants pour qu’elle corresponde mieux à la réalité, notamment en y inscrivant le travail domestique, dont le Ministère du travail a récemment reconnu officiellement qu’il s’agissait d’une des formes les plus graves de travail des enfants.

47.Des mesures ont été prises depuis l’examen par le Comité des droits de l’enfant du rapport périodique d’El Salvador en janvier 2010 en vue de mettre en place un système national de protection complète de l’enfance et de l’adolescence. La première étape a consisté à faire une estimation des crédits budgétaires nécessaires et à passer en revue les mécanismes existants afin de les adapter et de les compléter par de nouveaux dispositifs. Le nouveau système devrait fonctionner dès janvier 2011.

48.De nombreux organes étatiques et non étatiques s’emploient à lutter contre la traite des personnes et à améliorer la prise en charge des victimes de la traite. Cependant, peu d’enquêtes sont ouvertes et peu de poursuites engagées contre les auteurs de la traite, en raison essentiellement du manque de coordination entre la police nationale et les organes judiciaires. Pour corriger cette situation, le Comité national contre la traite des personnes prépare un protocole de coordination interinstitutions pour la judiciarisation des affaires de traite. Des mesures ont également été prises pour mettre en place des mécanismes de prise en charge globale des victimes et créer davantage de lieux d’accueil à leur intention.

49.L’organisation du premier Congrès national autochtone, qui se tient ce jour même, témoigne de l’adoption d’une nouvelle approche dans la gestion des affaires autochtones. Le Gouvernement est résolu à donner aux peuples autochtones les moyens de prendre pleinement part aux décisions les concernant, dans un esprit de dialogue et de consensus. Il met également l’accent sur la promotion de la culture et des langues des groupes autochtones nahua-pipiles, lencas et cacaoperas.

50.M. Rauda Portillo (El Salvador) indique que l’accès à un avocat, qu’il soit désigné par la personne détenue ou commis d’office, est garanti dès le placement en détention.

51.Le Président remercie la délégation et invite les membres du Comité à poser des questions complémentaires.

52.M. Rivas Posada souhaiterait savoir à partir de quel moment les personnes en détention ont accès à l’assistance d’un conseil.

53.M. Thelin dit qu’il serait utile d’avoir par écrit des précisions et des observations supplémentaires de l’État partie sur la question de l’indépendance du pouvoir judiciaire.

54.M. O’Flaherty invite la délégation à faire parvenir au Comité, par écrit, une réponse à sa question concernant la mise en œuvre des recommandations du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale.

55.M. Morales Cruz (El Salvador) dit que la délégation salvadorienne va s’employer à réunir les renseignements complémentaires demandés par le Comité, notamment en ce qui concerne l’entrée et l’expulsion des étrangers. La question de l’indépendance du pouvoir judiciaire mérite un suivi particulier et devrait être examinée aussi sous l’angle des relations internes dans la magistrature, étant donné le rôle clef joué par la Cour suprême dans les décisions relatives à la nomination des juges.

56.M. Arene Guerra (El Salvador) se félicite du dialogue enrichissant qui vient d’avoir lieu et assure le Comité que toutes ses questions et observations seront transmises au Gouvernement afin que celui-ci puisse renforcer son action en faveur de la promotion et de la protection des droits de l’homme.

57.Le Président remercie la délégation de sa franchise et de son esprit de collaboration, qui a permis un échange fructueux, et l’invite à faire parvenir des informations complémentaires avant 13 heures le jeudi 14 octobre, afin qu’il puisse en être tenu compte dans les observations finales.

La séance est levée à 18 heures.