NATIONS UNIES

CCPR

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr.GÉNÉRALE

CCPR/C/SR.248319 octobre 2007

Original: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME

Quatre-vingt-onzième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 2483e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le lundi 15 octobre 2007, à 15 heures

Président: M. RIVAS POSADA

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE

Troisième rapport périodique de la Géorgie

La séance est ouverte à 15 heures.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE (point 6 de l’ordre du jour)(suite)

Troisième rapport périodique de la Géorgie (CCPR/C/GEO/3; CCPR/C/GEO/Q/3; HRI/CORE/1/Add.90/Rev.1; réponses écrites de la Géorgie, document sans cote distribué uniquement en anglais)

1. Sur l’invitation du Président, les membres de la délégation de Géorgie prennent place à la table du Comité.

2.M. MIKANADZE (Géorgie) précise que son pays a effectué des progrès considérables ces dernières années dans le cadre de la promotion des valeurs démocratiques et dans le renforcement de l’État de droit. Le Gouvernement considère que le respect des droits de l’homme constitue la pierre angulaire du processus de réforme et est déterminé à poursuivre et améliorer son dialogue constructif avec le Comité. Il a pris de solides mesures pour mettre en œuvre les recommandations du Comité, dont une mise en conformité de la législation et de la politique nationales avec les dispositions pertinentes du Pacte, une promotion du processus de développement institutionnel, en particulier par le biais d’un système de justice pénal efficace, et le respect des dispositions de fond du Pacte en fonction de son champ d’application personnel et territorial.

3.Mme TOMASHVILI (Géorgie) indique que le processus de réforme a été dynamique et novateur. Il n’est pas simple de mettre en œuvre les valeurs démocratiques tout en tenant compte de la culture et des traditions de la société géorgienne. Cela nécessite d’identifier les défis actuels, d’établir un ordre de priorité pour les problèmes et de s’engager à les résoudre. Une grande priorité est accordée à la réforme du système pénitentiaire et de l’appareil judiciaire, ainsi qu’au renforcement des capacités au sein des organismes chargés de faire appliquer la loi. Les autorités se sont engagées à veiller au respect des droits de l’homme non seulement sur le territoire sous le contrôle du Gouvernement central mais également dans les régions d’Abkhazie et de Tskhinvali/Ossétie du Sud.

4.Ces dernières années, le Code de procédure pénale du pays a été amendé pour le mettre en conformité avec les normes spécifiques aux droits de l’homme reconnues à l’échelon régional et international. Les détenus jouissent de garanties procédurales dès leur arrestation; par ailleurs des mesures supplémentaires ont été mises en œuvre afin d’éviter que des suspects ou des personnes accusées soient soumises à une pression physique ou psychologique dans le cadre des poursuites pénales. En matière pénale, les enquêtes se déroulent à présent sur une base obligatoire et non plus discrétionnaire. Les précédentes enquêtes préliminaires et le système d’enquêtes multiétapes ont été abolis. La durée de détention préventive a été réduite, le concept d’accord judiciaire a été introduit et un plan d’action national anti-torture est en cours d’élaboration pour 2008-2009.

5.Le Code de procédure pénale a été modifié pour aligner la définition de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants sur la définition de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. La loi a elle aussi été amendée pour protéger les minorités religieuses et empêcher tout trafic d’êtres humains.

6.Plusieurs mesures ont été prises pour garantir une surveillance efficace des droits de l’homme. Une commission de surveillance indépendante a été mise sur pied pour gérer un mécanisme de prévention nationale dans le cadre du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture. Une commission de coordination interagences comprenant des représentants du Gouvernement, des organisations internationales ainsi que des ONG et des experts élabore des procédures opératoires efficaces pour le mécanisme. Le Bureau du Défenseur du public (Médiateur) a été créé et fait office d’organe de surveillance indépendant. Il existe d’autres organismes de surveillance: le Service de protection des droits de l’homme du Bureau du Procureur général, le Service de protection des droits de l’homme du Ministère de l’intérieur et le Département en charge de la réforme du système pénitentiaire, de la supervision et de la surveillance médicale ainsi que le Service de protection des droits de l’homme des prisonniers du Ministère de la justice. Ces mécanismes ont le droit de référer des dossiers aux instances publiques supérieures voire de faire des recommandations.

7.L’Inspection générale du Ministère de la justice, le Ministère de l’intérieur et le Bureau du Procureur général se sont engagés à lutter contre la corruption. Deux codes d’éthique, chacun d’entre eux comportant des clauses non discriminatoires, ont récemment été formulés pour les procureurs et la police.

8.En dépit des mesures visant à promouvoir la réforme des prisons, la surpopulation et les conditions générales de détention restent un problème dans certaines prisons. Des mesures sont donc prises pour rénover les prisons existantes et en construire de nouvelles au besoin. Deux nouvelles prisons ont déjà été ouvertes et les anciennes prisons inadéquates seront progressivement fermées. Qui plus est, une réflexion a été engagée sur des alternatives aux peines privatives de liberté. Les postes budgétaires pour le traitement médical et les denrées alimentaires des détenus ont été revus à la hausse au cours des trois dernières années. La réforme des prisons a déjà fourni des résultats positifs.

9.La plupart des cellules de détention temporaire au Ministère des affaires intérieures, où les personnes arrêtées sont détenues au cours des 48 premières heures, ont déjà été rénovées en profondeur. Les cellules sont surveillées par le Service de protection et surveillance des droits de l’homme.

10.Le Gouvernement s’efforce de rendre le système judiciaire plus accessible et efficace. Une priorité a été accordée au renforcement de l’indépendance des juges et du Conseil supérieur de justice par le biais d’amendements à la législation existante. Les juges sont incités à se spécialiser et la bureaucratie est réduite. Des mécanismes de discipline judiciaire internes efficaces ont été mis sur pied pour préserver l’équilibre entre la responsabilité et l’indépendance judiciaire. Une Haute école de justice a été créée pour parfaire les qualifications des juges et la dotation budgétaire de l’appareil judiciaire stabilisée.

11.Le Gouvernement n’est pas parvenu à contrôler efficacement les régions dissidentes d’Abkhazie et de Tskhinvali/Ossétie du Sud. Toutefois, il est conscient que ses obligations positives au titre de la législation des droits de l’homme couvrent la totalité du territoire national. Son approche de la résolution des conflits repose sur une croyance absolue dans l’importance de l’autogouvernance politique, de la préservation de l’identité nationale et de la sauvegarde des droits culturels des régions. Il accorde donc la priorité à la protection des droits de l’homme individuels, même dans des régions en conflit, ainsi qu’à l’intégrité et l’inviolabilité de l’État et de la souveraineté nationale. Il est totalement en faveur du renforcement du dialogue direct avec les communautés locales, de la promotion des programmes de réhabilitation, même dans les régions dissidentes et de l’application de formats de négociations existants.

12.Répondant à la question 1 de la liste des points à aborder (CCPR/C/GEO/Q/3) concernant les conclusions du Comité sur la communication n° 975/2001 (Ratiani c. Géorgie), elle indique que le Gouvernement a l’intention de mettre en œuvre les conclusions et d’octroyer des compensations adéquates au plaignant. Toutefois, le Comité a laissé à l’État le soin de décider du montant de l’indemnisation; par ailleurs, les autorités gouvernementales concernées discutent actuellement de la question et examinent les meilleures pratiques. Une fois le montant de l’indemnisation déterminé, le Ministère de la justice sera responsable de l’octroyer, mais il n’est toutefois pas clair si l’autorité en déterminera le montant. Il sera peut-être nécessaire d’amender la loi de manière à confier une telle autorité à l’appareil judiciaire – éventuellement à un tribunal supérieur ou à la Cour suprême elle-même. Dans tous le cas, elle assure au Comité que ses conclusions seront mises en œuvre de bonne foi à l’avenir.

13.Mme GOLETIANI (Géorgie), répondant à la question 2 sur la législation relative à la réhabilitation et à la restitution des biens des victimes de conflits, déclare que compte tenu des conflits armés en Abkhazie et dans la région de Tskhinvali/Ossétie du Sud, il est extrêmement difficile de protéger les droits des victimes ayant été déplacés de ces régions vers d’autres parties de la Géorgie. Le Gouvernement a consacré plusieurs années à l’élaboration d’un cadre légal pour traiter des questions en jeu. La loi sur la restitution résultante, adoptée en décembre 2006 et entrée en vigueur en janvier 2007, cherche à permettre la restitution des biens en compensation des pertes subies consécutivement au conflit armé. Toutefois, la loi s’applique uniquement aux victimes de la région de Tskhinvali/Ossétie du Sud et pas à celles d’Abkhazie. Le Gouvernement se prépare actuellement à mettre en œuvre les dispositions à travers la création d’une commission tripartite et de divers sous-comités. La commission comptera trois membres géorgiens, trois de l’Ossétie et trois représentants de la communauté internationale.

14.Par ailleurs, «My House», programme spécial lancé en 2006 sur la base d’un décret présidentiel, couvre à la fois l’Abkhazie et la Région de Tskhinvali/Ossétie du Sud. Le programme est dirigé par le Ministère des réfugiés et de la réinstallation et cherche à prévenir les transactions illicites et à donner aux victimes le droit d’enregistrer leur propriété sur les territoires concernés. Un département au sein du ministère travaille à la création de cartes détaillées de l’Abkhazie et de la Région de Tskhinvali/Ossétie du Sud. Les personnes qui ont perdu des biens ont fourni des preuves documentaires de leur propriété au ministère et les biens ont été indiqués sur la carte. Plus de 50 000 familles ont enregistré des biens à ce jour. Toutefois, il est très difficile d’évaluer leurs droits sans recourir à une procédure de vérification sur site, étant donné que le Gouvernement n’exerce pas de contrôle de facto sur les régions concernées. Une fois l’évaluation terminée, les plaignants ont obtenu un document du registre civil au Ministère de la justice certifiant leurs droits de propriété.

15.S’agissant de la question 3 sur la mise en œuvre du Pacte en Abkhazie et dans la Région de Tskhinvali/Ossétie du Sud, elle indique que les deux régions font partie intégrante de la Géorgie, de telle manière que l’État de Géorgie est tenu au titre de l’article 2 (1) du Pacte de protéger les droits de l’homme de l’ensemble des individus de ces territoires. Néanmoins, puisque le Gouvernement a été incapable d’exercer sa juridiction de facto dans ces régions en raison de la création de régimes séparatistes au début des années 90, il a déclaré qu’il ne devait être tenu responsable d’aucune violation de droits. La Cour européenne des droits de l’homme a traité une situation similaire dans l’affaire d’Ilaşcu et autres c. la Moldavie et la Russie, dans le cadre de laquelle elle a décrété que l’exercice de la juridiction est une condition nécessaire pour un État contractant afin qu’il puisse être tenu responsable des actes ou omissions occasionnant une allégation de violation de droits et libertés consacrés dans la Convention européenne des droits de l’homme. Toutefois, le Gouvernement prend toutes les mesures adéquates pour honorer ses obligations, agissant conformément au principe de due diligence. Ainsi, à plusieurs occasions, il a informé le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCR) et les procédures spéciales pertinentes des présumées violations des droits de l’homme dans les régions concernées. Il a en outre demandé une aide et une coopération pour prévenir de telles violations. Les agences géorgiennes chargées de l’application de la loi engagent habituellement des enquêtes sur des allégations de violation des droits de l’homme en dépit de leur incapacité à entrer sur le territoire afin de collecter des preuves et d’interroger les témoins. Par ailleurs, en ce qui concerne l’Abkhazie, la Géorgie appuie les mesures de développement de la confiance convenues dans le cadre des négociations de Genève organisées sous les auspices des Nations Unies.

16.Quant à la question 4, elle déclare que les réfugiés en Géorgie ont reçu une indemnité mensuelle prélevée du budget de l’État et qu’à compter d’avril 2007, ils ont été éligibles à «une licence temporaire», leur permettant de travailler, de suivre des études et d’accéder aux soins de santé.

17.Quant à la prétendue déportation illégale de réfugiés tchéchènes, elle signale que les personnes en question n’ont pas été déportées mais extradées en application des pratiques internationales. Quoiqu’il en soit, la Cour européenne des droits de l’homme a découvert que la Géorgie a violé les obligations qui lui incombent au titre de la Convention européenne des droits de l’homme. Face à cette situation, des amendements législatifs ont été introduits pour permettre des recours contre les ordres d’extradition délivrés par le Procureur général. Par ailleurs, les personnes en attente d’extradition doivent être informées de toutes les étapes des poursuites à leur encontre et ne peuvent être extradées vers des États où elles sont susceptibles d’être victimes d’actes de torture ou d’autres formes de traitement inhumain ou dégradant.

18.Mme TOMASHVILI (Géorgie), répondant à la question 5, précise que pour lutter contre la violence domestique le Gouvernement a adopté la loi sur l’élimination de la violence domestique en 2006 et un plan d’action plus récemment. La loi prévoit la délivrance d’ordonnances conservatoires et restrictives, des activités de sensibilisation, une formation spéciale destinée aux agents des forces de l’ordre ainsi que la création de structures d’accueil pour les victimes de violence domestique. Dans ce cadre, des points spécifiques à la violence domestique ont été ajoutés au programme de formation de l’académie de police. Des détails sur la nature, la portée et l’application des ordonnances conservatoires et restrictives sont fournis dans les réponses écrites.

19.L’article 137 du Code pénal qualifie le viol d’infraction pénale, quelle que soit la relation entre l’auteur et la victime, et prévoit donc les mesures requises aux fins de la poursuite et la punition de toutes les formes de viol, dont le viol marital. S’il n’existe aucune disposition explicite relative à l’inceste, le Code pénal prévoit que les abus sexuels impliquant de la violence, les rapports forcés voire tout autre acte de nature sexuelle ainsi que la participation à des relations voire tout autre acte de nature sexuelle avec une personne de moins de 16 ans sont des délits criminels. L’article 9 de la loi sur l’élimination de la violence domestique qualifie également de délits criminels la violence domestique impliquant un meurtre, un traitement inhumain ou dégradant voire les actes impliquant des préjudices corporels. Les données statistiques pertinentes sont fournies dans les réponses écrites.

20.Le fonctionnement des centres d’accueil réservés aux victimes de la violence domestique relève de la responsabilité du Ministère de la santé, du travail et des affaires sociales. Dans la pratique, la plupart des centres d’accueil sont gérés par des ONG, avec un soutien ministériel. Le Ministère formule en ce moment des directives spécifiques à la gestion et à la dotation en personnel de tels centres d’accueil. Le plan d’action national récemment adopté pour lutter contre la violence domestique prévoit notamment une participation des ONG aux campagnes de sensibilisation.

21.Le fondement juridique d’une telle compensation, de nature financière, est fourni par l’article 6 de la Constitution tadjike et la procédure liée à son octroi est définie à l’article 1 106 du Code civil. «Le kidnapping de jeunes mariées» ne se produit que dans des cas isolés, et des mesures ont été prises pour prévenir et punir cette pratique. Ledit kidnapping constitue une «privation illégale de liberté» et est punissable en tant que tel au titre de l’article 143 du Code pénal. Les sanctions vont de 2 à 12 ans d’emprisonnement et aucune réduction des peines n’est prévue en cas de mariage entre l’auteur et la victime. Aux fins de la prévention, la question a été débattue dans le contexte de l’éducation civile et aux droits de l’homme dans les écoles et les universités, les représentants de forces de l’ordre ont suivi une formation spéciale et le réseau d’ONG spécialisées dans la lutte contre la violence a pris part à des activités étendues de sensibilisation et de surveillance. Il espère que toutes les mesures faciliteront l’éradication graduelle du kidnapping des jeunes mariées.

22.M. MIKANADZE (Géorgie), répondant à la question 7, précise que la plupart des décès en prison ont des causes non violentes. Les mesures prises pour traiter le problème, dont des changements institutionnels, la formation du personnel et l’amélioration des soins de santé dispensés aux détenus, ont permis de réduire le nombre de décès en prison ces dernières années. Il existe désormais un hôpital pénitentiaire ainsi qu’un centre séparé pour les détenus souffrant de tuberculose. Si un traitement adéquat ne peut être fourni dans l’une quelconque de ces installations, le prisonnier peut être transféré dans un hôpital d’État ordinaire. Tous les décès en prison font l’objet d’enquêtes pénales. Des informations pertinentes sont proposées sur le Ministère de la justice, actualisées tous les mois.

23.M. GIORGADZE (Géorgie), traitant de la question de l’usage excessif de la force par les agents de la force publique, explique que lorsque le Gouvernement a pris le pouvoir en 2003 il a accordé la priorité aux initiatives de lutte contre les réseaux criminels bien organisés et très développés et le taux de criminalité élevé. Les réseaux criminels ont réagi avec une violence extrême à cette stratégie et les confrontations armées ayant entraîné la mort d’agents de la force publique et de suspects criminels ont été une conséquence regrettable mais inévitable de la lutte légitime contre le crime organisé.

24.Le Gouvernement fait tout ce qui est en son pouvoir pour prévenir de tels incidents, lesquels ont fait l’objet d’enquêtes. La législation actuelle régissant l’utilisation de la force létale par les agents de police est essentiellement conforme aux normes internationales. Elle porte sur des questions telles que la nécessité et la proportionnalité. Elle prévoit des enquêtes obligatoires sur toutes les affaires impliquant l’utilisation d’armes à feu par des représentants de forces de l’ordre, quelle qu’en soit l’issue. Dès lors, le nombre de suspects tués a diminué de moitié en 2007 alors que neuf officiers de police ont perdu la vie en service au cours de la même période. Ces développements positifs sont en partie le fruit de l’élimination progressive des réseaux criminels, mais également de l’amélioration de la formation des droits de l’homme réservée aux représentants de forces de l’ordre en plus de l’accent mis sur le développement de compétences requises aux fins de l’évaluation rapide et réaliste de situations critiques.

25.Des directives régissant le recrutement et la formation des représentants de force de l’ordre ont également été incluses dans un projet de plan d’action anti-torture pour 2008-2009. Par ailleurs, outre leurs aptitudes académiques, les candidats doivent satisfaire à certains critères personnels; ceux enclins à des actes de violence ne sont pas admis à l’académie de police. Dans le code d’éthique récemment adopté pour les officiers de police, l’accent est mis sur les questions spécifiques à l’usage de la force et les campagnes de sensibilisation ont mis l’accent sur la responsabilité des représentants de l’ordre public aux fins de la protection de civils.

26.Des enquêtes approfondies ont été ouvertes sur les incidents survenus dans la prison n° 5 de Tbilissi le 27 mars 2006; des informations détaillées sont proposées à l’annexe I des réponses écrites. Outre l’enquête sur les allégations d’entrave au fonctionnement de la prison et d’abus d’autorité, des procédures distinctes ont été engagées pour déterminer la cause des décès des sept prisonniers. Compte tenu de la nature et de la portée de l’affaire, les enquêtes ont été laborieuses et aucune conclusion n’a été formulée à ce jour.

27.Mme TOMASHVILI (Géorgie), répondant à la question 8, précise que les mécanismes de surveillance des conditions de détention comprennent le Bureau de l’aide judiciaire, le service de protection des droits de l’homme au sein dudit Bureau et le service de surveillance des droits de l’homme du Ministère des affaires intérieures, qui doivent tous avoir accès aux centres de détention sans notification préalable. Les rapports préparés par le mécanisme de surveillance compétent sont soumis au service de protection des droits de l’homme du Procureur général et peuvent servir de base pour lancer des procédures en cas de mauvais traitements en détention ou de violation des garanties de procédure dans le cadre d’une arrestation.

28.En entrant dans un établissement pénitentiaire, les personnes en détention provisoire sont soumises à un examen médical, dont les résultats sont consignés dans un fichier dans la prison. Il existe plusieurs mesures pour garantir que les plaintes des prisonniers soient entendues. Le personnel du service de protection des droits de l’homme ont le droit de visiter les détenus. Par ailleurs, plusieurs systèmes de surveillance internes veillent au respect des droits des prisonniers au sein de toutes les institutions pénitentiaires et du Ministère de la justice. Ce ministère a publié deux décrets visant à s’assurer que le caractère confidentiel des plaintes de détenus est préservé et qu’elles sont adressées à des organes tels que le Bureau de l’aide judiciaire et la Cour européenne des droits de l’homme à l’abri du regard des agents pénitentiaires.

29.Un conseil de coordination interagences a été créé en 2007 afin de formuler des recommandations sur la lutte contre la torture ainsi que les traitements inhumains et dégradants. Ses membres comptent des représentants du Gouvernement, d’institutions gouvernementales dotés de services de protection des droits de l’homme, le Bureau de l’aide judiciaire, des ONG locales et internationales ainsi que des experts individuels sur le terrain. Lors de l’élaboration de son plan d’action antitorture, il a pris en considération des recommandations pertinentes, telles que celles émanant du Comité contre la torture des Nations Unies et du Rapporteur spécial sur la question de la torture. Le projet recommande de s’attacher les services de hauts fonctionnaires afin de garantir une tolérance zéro contre la torture et les mauvais traitements, des poursuites efficaces dans de telles affaires et une plus grande transparence dans le cadre du travail de l’ensemble des services de surveillance des droits de l’homme. Il prône en outre une modification de la législation pour s’assurer que tous les officiers de police et les procureurs respectent leurs codes de déontologie. Au rang des autres recommandations, citons une mise en conformité des directives spécifiques au système pénitentiaire avec les prescriptions spécifiques aux droits de l’homme et un recours moins fréquent à la détention provisoire en guise de mesure privative de liberté. Les statistiques ont montré que le nombre de poursuites dans des affaires d’allégations de torture ou de traitements inhumains et dégradants est passé de 24 en 2005 à 40 en 2007.

30.M. GIORGADZE (Géorgie), traitant de la question 9, indique qu’au titre de la Constitution les victimes de torture ou de traitements ou de peines inhumains ou dégradants par des fonctionnaires d’organes d’État ont droit à une compensation financière. La législation pénale et civile prévoit des mécanismes efficaces au titre desquels l’État est contraint d’accorder une réparation dans des telles affaires. Toutefois, étant donné que ces dispositions ne sont actuellement pas très connues des avocats et du public, le Gouvernement envisage de prendre des mesures visant à sensibiliser davantage au droit de compensation dans de tels cas.

31.M. MIKANADZE (Géorgie), répondant à la question 10, précise que des experts indépendants du Conseil de l’Europe ont essentiellement formulé des suggestions d’ordre technique sur le projet de code pénitentiaire. La majorité de ces suggestions ont été intégrées au projet, actuellement devant le Parlement. En juin 2007, le Parlement a modifié la loi sur l’emprisonnement, autorisant les prisons à augmenter le nombre de visites familiales que les prisonniers peuvent recevoir. Un service social pénitentiaire et la commission de surveillance publique peuvent adresser des recommandations au gouverneur sur la question. Le nombre de visites supplémentaires est à la discrétion des gouverneurs.

32.Quant à la question 11, il affirme que le Gouvernement a pris des mesures significatives pour améliorer les conditions carcérales et réduire la surpopulation. Les prisons actuelles ont été rénovées et de nouvelles construites en consultation avec des experts internationaux afin de garantir le respect des normes internationales minimales pour les prisonniers. Six des 17 prisons du pays souffrent actuellement de surpopulation. Les soins de santé des prisonniers ont été pris en considération dans le système d’assurance santé. Les ressources budgétaires ont été plus que triplées aux fins du traitement de ces derniers dans des hôpitaux d’État et le nombre de médecins de prison a augmenté. L’alimentation dans les prisons a également été fortement améliorée grâce à un refinancement des postes budgétaires. Un grand nombre de prisons ont ouvert des magasins permettant aux prisonniers d’acheter des denrées alimentaires et des vêtements. À l’exception d’une prison, l’exercice en plein air est garanti pour tous les prisonniers. Fin 2007, une nouvelle prison d’une capacité de 4 000 détenus sera construite à Tbilissi, garantissant ainsi ce droit pour tous les prisonniers.

33.M. GIORGADZE (Géorgie), répondant à la question 12, précise que des alternatives à la détention préventive sont inappropriées dans des affaires portant sur le crime organisé. Toutefois, depuis début 2006, des alternatives à la détention provisoire ont de plus en plus été privilégiées dans d’autres affaires conformément à la politique du Bureau du Procureur général. Au titre du Code de procédure pénale amendé, actuellement devant le Parlement, la palette d’alternatives à la détention provisoire a été élargie. Le Gouvernement a décidé d’établir une nouvelle institution nationale des droits de l’homme qui devrait s’avérer plus efficace et transparente que celle en place.

34.Mme PALM salue l’État partie pour les vastes réformes législatives qu’il a mis en œuvre, en particulier dans les domaines de la violence domestique et la réforme judiciaire. Elle se réjouit en outre de la ratification par l’État présentant le rapport du Protocole n°13 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, concernant l’abolition de la peine de mort en toutes circonstances et de son adhésion au Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture.

35.Elle demande quelles mesures spécifiques ont été prises dans le cadre de l’affaire Ratiani, telle qu’il y est fait référence à la question 1 de la liste des questions. Il serait utile de savoir quand des indemnités seront versées. La délégation doit préciser si les individus ont désormais le droit d’invoquer le Pacte devant des tribunaux nationaux. Dans l’affirmative, certains exemples seraient intéressants.

36.Quant à la question de la violence domestique, elle demande si les tribunaux et les procureurs font attention au fait qu’il existe une relation spéciale entre la victime et l’auteur des actes. Il serait en outre utile de savoir si les peines sont plus sévères lorsque la victime est une femme. Il n’est pas clairement établi si le Gouvernement prévoit d’ouvrir de nouveaux centres d’accueil réservés aux victimes de violence domestique. Dans ce cas, la délégation doit stipuler le nombre de centres envisagés. La délégation doit également préciser si les ordonnances de protection et restrictives sont systématiquement respectées et si des sanctions ont été imposées aux auteurs des actes de violence domestique n’ayant pas respecté les conditions de tels ordonnances. Elle doit indiquer le nombre d’affaires de kidnapping de jeunes mariées et les régions concernées.

37.M. KÄLIN souligne que bien qu’un esprit de réforme positif règne à tous les niveaux de l’État partie, l’application du Pacte dans sa totalité pose encore de nombreux défis. Il se réjouit de l’adoption d’une législation relative à la restitution des biens et l’indemnisation de ceux qui ont quitté la Géorgie et se sont implantés en Ossétie du Sud ou dans la région de Tskhinvali. Il est heureux de constater les efforts consentis par le Gouvernement pour la mettre en œuvre. Il demande quand la commission tripartite mentionnée par la délégation sera à même de débuter ses travaux. Il aimerait disposer d’informations sur la relation entre la restitution de biens et l’indemnisation liée à la perte de biens et demande à quel recours la priorité est accordée. Il salue les efforts consentis au niveau de la restitution de biens aux personnes ayant fui l’Abkhazie et qui seraient capables de prouver à leur retour qu’elles en sont propriétaires.

38.La perte de contrôle de facto d’un gouvernement sur un territoire ne signifie pas que la population de ce territoire ne peut plus jouir des droits que le Pacte lui confère. Bien que la Géorgie ait accepté les obligations positives qui lui incombent au titre de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, de telles obligations sont également imposées par le Pacte aux populations d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud. Il salue le fait que le Gouvernement de la Géorgie encourage des mécanismes internationaux de protection des droits de l’homme, dont les procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, à visiter ces territoires de manière à garantir que la population puisse continuer à jouir de leurs droits au titre du Pacte.

39.S’agissant de la question des réfugiés tchétchènes, il précise que le Comité se réjouit des développements positifs, et notamment des modifications de la législation pertinente ainsi que de l’octroi récent de permis de résidence temporaires. Il se demande si ces mesures suffisent pour prévenir la récurrence de tragédies telles que la déportation illégale de réfugiés tchétchènes, auxquelles le Comité a fait référence à la question 4 de la liste des questions suscitées. Il aimerait savoir s’il est envisageable d’instaurer des mécanismes permettant d’accélérer le renvoi de demandeurs d’asile des autorités à la frontières aux autorités responsables de l’asile, afin d’avoir la certitude qu’ils ne soient pas du tout refoulés.

40.M. SHEARER indique avoir pris note de la situation résultant du manque de contrôle de facto du Gouvernement géorgien sur l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud. Il s’interroge sur la situation dans la République autonome d’Adzharie et se demande si le Pacte est totalement mis en œuvre sur ce territoire.

41.S’agissant de la question des décès en garde à vue, il demande la raison de l’augmentation drastique de la population carcérale de 2005 to 2006. Dans le cadre des enquêtes sur les émeutes en prison de mars 2006, les responsables de l’application des lois ont-ils été accusés de meurtre? Il demande à la délégation de commenter le recours aux forces spéciales dans de telles circonstances et d’indiquer si ces forces font partie des gardiens de prison.

42.Il demande par ailleurs si une copie écrite de la législation sur l’usage de la force par la police peut être remise au Comité. En dépit des efforts du Gouvernement pour traiter la question des mauvais traitements dans les prisons, le Comité apprécierait des informations détaillées sur les affaires dans lesquelles des officiers de police ont été condamnés à une privation de liberté pour avoir perpétré des actes de torture ou des mauvais traitements. Il souhaite savoir combien de responsables de l’application des lois ont été suspendus dans le sillage d’allégations de torture ou de mauvais traitement et si les responsables de l’application des lois à l’intérieur ou à l’extérieur des prisons sont tenus de porter des badges avec numéros traçables.

43.Quant à la question 9 de la liste des questions, il demande si l’article 42 (9) de la Constitution est mis en œuvre en pratique, étant donné que le Président du Comité parlementaire géorgien des droits de l’homme et des droits de l’intégration civile a signalé qu’aucune affaire relative à une indemnisation n’a été poursuivie avec succès au titre de cette disposition. Il souhaiterait savoir si les tribunaux peuvent indemniser les victimes de torture lorsque l’auteur des actes n’a pas été condamné, sur la base de la charge de la preuve civile.

44.Le Comité a tendance à encourager des alternatives à la privation de liberté afin d’améliorer la situation de la surpopulation carcérale au lieu de construire de nouveaux établissements pénitentiaires. Il demande s’il est exact que ladite surpopulation est telle que les prisonniers doivent dormir par quarts. Il salue les efforts visant à développer les postes budgétaires pour les soins de santé et la nourriture dans les prisons. Il demande un complément d’information sur les alternatives à la détention après condamnation et si les prisonniers concernés ont accès à la liberté surveillée ainsi qu’à la liberté conditionnelle. Le Comité a été informé qu’en 2006, le Président de la Géorgie a prôné une tolérance zéro pour des délits mineurs, ce qui suggère soit que les auteurs doivent passer du temps en prison soit que le versement de cautions doit être peu fréquent. Il demande une explication à propos des statistiques fournies sur la libération sous caution.

45.Mme MOTOC, faisant référence à la question 10 de la liste des questions, se demande dans quelle mesure les modifications législatives apportées au système pénitentiaire sont réellement mises en œuvre. Elle souhaite savoir si les institutions pénitentiaires font l’objet d’inspections et si la qualité de vie des détenus s’est améliorée dans le sillage des changements. À la lumière de la faible capacité économique de l’État partie, elle s’interroge sur la qualité de vie des prisonniers par rapport à celle du reste de la population ainsi que sur les progrès réalisés à cet égard. Elle demande si l’interdiction de sortir imposée aux prisonniers pour effectuer des exercices n'est pas motivée par la crainte de leur évasion éventuelle compte tenu du manque de sécurité. Par ailleurs, quelle est la fréquence des évasions?

46.M. AMOR précise qu’il salue les progrès permis par la législation et les politiques. Il a étudié la Constitution géorgienne mais n’a pas pu avoir accès à la loi organique sur le tribunal constitutionnel. Il demande des précisions sur la portée concrète des dispositions de l’article 39 de la Constitution. L’article 65 de la Constitution sur la ratification des traités internationaux stipule que le tribunal constitutionnel peut estimer que la ratification d’un traité est impossible pour des motifs constitutionnels. Il demande si cette question a été soulevée en ce qui concerne le Pacte et pourquoi la Géorgie n’a pas fait de déclaration au titre de l’article 41 du Pacte. S’agissant des articles 83, 88 et 89 de la Constitution relatif au tribunal constitutionnel, il demande si le tribunal a exercé un contrôle a priori ou a posteriori; dans le dernier cas, il invite la délégation à expliquer le refus de tenir compte des répercussions des lois jugées inconstitutionnelles par le passé. Il aimerait savoir si une exception peut être accordée par des tribunaux devant lesquels un procès pour inconstitutionnalité a été intenté, voire si de telles questions doivent être renvoyées devant le tribunal constitutionnel. À quelle procédure les civils peuvent-ils recourir pour saisir des affaires devant ce tribunal?

47.Sir Nigel RODLEY précise que le Comité salue la réduction substantielle des allégations de torture policière. Le Comité a néanmoins été informé par les ONG que lors de la première arrestation par la police les inculpés sont souvent traités brutalement, ce qui peut sérieusement entraver les procédures consécutives. Il demande les mécanismes en place pour surveiller le comportement des autorités à cet égard.

48.Sur la question de la surpopulation carcérale, il indique que les personnes que l’État prive de leur liberté ne sont pas en mesure de prendre soin d’elles-mêmes et qu’il convient donc d’édicter une norme internationale minimale pour l’alimentation des prisonniers. La question de la surpopulation reste une source de préoccupation étant donné que la situation est en réalité effroyablement oppressante et ne doit pas être tolérée. Bien que le Gouvernement envisage une réponse en 2008 ou 2009, des solutions plus radicales doivent être envisagées plus tôt, à l’instar de la libération conditionnelle pour tous les primodélinquants non violents.

49.Quant à la question de l’indemnisation pour des cas de torture, il déclare que les dispositions nationales en la matière semblent inadaptées et que la nécessité de poursuivre un individu particulier pour obtenir une indemnisation n’est pas une solution plausible. La délégation a fait référence au chapitre 28 du Code de procédure pénale permettant de traiter un acte de torture ou un mauvais traitement, que la détention elle-même soit légale ou non. Il demande pourquoi il n’a pas été fait usage de ce recours potentiel.

La séance est levée à 18 h 5.

-----