COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME
Quatre-vingt-seizième session
COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA PREMIÈRE PARTIE (PUBLIQUE)* DE LA 2640e SÉANCE
tenue au Palais Wilson, à Genève,le mardi 2 juillet 2009, à 15 heures
Président: M. IWASAWA
SOMMAIRE
EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE (suite)
Troisième rapport périodique de l’Azerbaïdjan
La séance est ouverte à 15 h 5.
EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE (point 6 de l’ordre du jour) (suite)
Troisième rapport périodique de l’Azerbaïdjan (CCPR/C/AZE/3; CCPR/C/AZE/Q/3; CCPR/C/AZE/Q/3/Add.1)
1. Sur l ’ invitation du Président, la délégation azerbaïdjanaise reprend place à la table du Comité.
2.M. LALLAH relève avec satisfaction que le rapport donne des informations détaillées sur les nombreuses mesures prises pour lutter contre les stéréotypes et la ségrégation sociale dont sont victimes les personnes handicapées. Toutefois, dans ses réponses écrites, l’État partie ne répond pas entièrement à la question no 21) où il demande des précisions sur les effets concrets de ces mesures. Il serait bon d’avoir des statistiques ventilées selon le type de handicap et de connaître la proportion de la population souffrant d’un handicap.
3.Concernant les droits des personnes appartenant à des minorités, l’État partie renvoie à son précédent rapport, qui date de 2001. Faut-il en déduire que la situation n’a pas évolué depuis? Si des mesures ont été prises dans ce domaine, il serait utile de connaître les résultats dans la pratique. M. Lallah a trouvé des renseignements à ce sujet dans le rapport du Comité consultatif du Conseil de l’Europe sur la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales consacré à l’Azerbaïdjan. Le Comité consultatif relève notamment que la loi de 2002 sur la langue de l’État, qui dispose que toutes les chaînes de radio et de télévision du pays doivent émettre en azéri, n’est pas compatible avec la Convention-cadre dont il surveille l’application; pour M. Lallah elle est également incompatible avec l’article 27 du Pacte mais aussi avec l’article 19. Il faudrait à tout le moins adopter de nouvelles dispositions législatives pour garantir que les membres des minorités puissent suivre un enseignement et communiquer avec les autorités dans leur langue et améliorer la participation des minorités aux processus décisionnels.
4.Mme WEDGWOOD dit que maintenant que l’Azerbaïdjan n’est plus sous la férule de l’Union soviétique, il doit s’atteler à progresser résolument, et à concrétiser les espoirs que le démantèlement de l’URSS avait fait naître, ce qui suppose de reconnaître la réalité; c’est à cela que le dialogue avec le Comité devrait servir.
5.La situation est particulièrement préoccupante en ce qui concerne la liberté de la presse. L’Azerbaïdjan occupe le cinquième rang sur la liste des pays qui emprisonnent le plus les journalistes et certains sont en butte à de véritables persécutions. Le cas d’Agil Khalil, forcé de quitter le pays après avoir réchappé à plusieurs tentatives d’assassinat, en est un exemple. En ne protégeant pas les journalistes contre les attaques dont ils sont la cible, l’État partie devient responsable de ces attaques. C’est ce qu’a confirmé un arrêt marquant de la Cour interaméricaine des droits de l’homme, qui a établi que l’État était responsable de la protection des personnes se trouvant sous sa juridiction et que son incapacité à assurer cette protection engageait sa responsabilité. Il semble en outre que différentes radios étrangères, telles que la BBC, Voice of America, Radio Free Europe/Radio Liberty, sont interdites d’émission en modulation de fréquence.
6.La situation en ce qui concerne la liberté de réunion est tout aussi préoccupante. L’organisation de manifestations est subordonnée à l’autorisation des autorités municipales, autorisation dont les conditions d’octroi sont très contraignantes, et plusieurs manifestations de protestation ont récemment été réprimées avec violence. De telles méthodes rappellent une époque que l’on espérait révolue et qu’il ne faudrait pas laisser revenir.
7.La loi interdit aux personnes qui ont fait leurs études à l’étranger de célébrer des cérémonies religieuses, ce qui pose problème en particulier pour les minorités; en effet, souvent il n’y a personne dans leur communauté qui ait fait des études en Azerbaïdjan.
8.Pour de nombreux États, mettre des obstacles au financement des ONG est un moyen d’empêcher celles-ci de fonctionner. Les ONG peuvent obtenir un financement de donateurs étrangers mais sous réserve de l’approbation des autorités. En outre, un capital minimal serait exigé pour la création d’une ONG et les personnes n’ayant pas la nationalité azerbaïdjanaise n’auraient pas le droit de fonder des ONG. Est-ce exact? Les ONG sont des acteurs importants dans la vie d’un pays, qui peuvent jouer un grand rôle dans l’amélioration des organismes étatiques, notamment la police et l’armée, aussi le Gouvernement devrait-il prendre des mesures pour en faciliter la formation et les activités.
9.Selon le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme de l’OSCE, des irrégularités ont entaché les élections présidentielles de 2008; le président en exercice a bénéficié d’une plus grande couverture médiatique que les autres candidats, les possibilités de rassemblements politiques des autres partis ont été restreintes et des commissions électorales non paritaires auraient été constituées. Selon l’organisation National Democratic Institute, un tribunal de Bakou a fermé le centre de surveillance des élections en mai 2008 pour une raison administrative mineure. Mme Wedgwood voudrait entendre la délégation sur ces différents points. Elle souhaiterait également savoir si d’autres organismes que l’OSCE ont été invités à suivre les élections en tant qu’observateurs.
10.Sir Nigel RODLEY dit qu’il est étrange de voir à quel point tout ce qui touche à l’activité des journalistes indépendants et d’opposition en Azerbaïdjan se caractérise par l’illégalité: les journalistes commettent des délits de droit commun pour lesquels ils sont traduits en justice quand ils ne sont pas eux-mêmes victimes de délits, comme Agil Khalil, plusieurs fois agressé. Ce cas est connu mais il est une autre affaire, très récente, au sujet de laquelle les commentaires de la délégation seraient bienvenus. Le 8 juillet 2009, Emin Milli et Adnan Hajzadeh, deux blogueurs, se sont rendus à la police parce qu’ils avaient été agressés. Ils ont alors été arrêtés pour hooliganisme et maintenus en détention pendant deux mois à l’issue d’une procédure à huis clos. Quelles que soient les explications avancées par l’État partie pour tenter de justifier les actes des autorités dans ces affaires, il est difficile de croire que les journalistes indépendants exercent leur profession en toute liberté. Il serait bon que le Gouvernement s’interroge sur ce qui semble être une tendance généralisée, plutôt que de chercher à expliquer des cas particuliers.
11.M. BOUZID demande s’il est exact que les avocats sont en nombre si insuffisant que l’exercice des droits de la défense s’en trouve compromis, et que pour certaines affaires pénales concernant des infractions graves, notamment militaires, le tribunal ordonne le huis clos.
12.M. O’FLAHERTY dit qu’il traitera d’abord de la question des objecteurs de conscience. Dans ses précédentes observations finales, le Comité avait recommandé l’adoption d’une législation d’application pour garantir le respect du droit d’accomplir un service de remplacement inscrit dans la Constitution. Or, selon les informations dont le Comité est saisi, aucune législation d’application n’a été adoptée à ce jour. Toutefois, en octobre 2008 le Gouvernement a indiqué à l’OSCE qu’un projet de loi avait été soumis au Parlement; si tel est le cas pourquoi le texte n’a-t-il pas été publié et soumis au débat public? Certaines sources, se fondant sur des commentaires de milieux gouvernementaux, signalent que la loi pénaliserait les objecteurs de conscience parce qu’elle imposerait des conditions de service civil plus pénibles que celles du service militaire. M. O’Flaherty demande des éclaircissements sur tous ces points et voudrait savoir si, en attendant l’adoption de la nouvelle loi, l’État partie envisage de décréter un moratoire sur les poursuites engagées contre les personnes qui invoquent le droit à l’objection de conscience.
13.Il faut noter avec satisfaction la dépénalisation de l’homosexualité, en 2001. Toutefois, le Comité a reçu des informations selon lesquelles les homosexuels sont victimes d’actes de violence de la part de policiers ou d’agents pénitentiaires, et les personnes appartenant aux communautés lesbienne, homosexuelle, bisexuelle et transsexuelle seraient la cible de chantage, de harcèlement et de violences physiques et sexuelles. M. O’Flaherty demande si l’Azerbaïdjan envisage d’adopter un code de déontologie à l’intention de ces agents de l’État, et d’ajouter l’orientation sexuelle aux motifs de discrimination dans la législation relative à l’interdiction de la discrimination, notamment dans les domaines de l’emploi et des soins de santé.
14.M. MUSAYEV (Azerbaïdjan), complétant les réponses qui ont été apportées à propos des garanties de l’indépendance de la magistrature, dit que les autorités ont à cœur d’améliorer encore le système judiciaire, notamment en augmentant le nombre de juges et d’avocats. Il y a 700 avocats aujourd’hui en Azerbaïdjan, ce qui ne permet pas de répondre aux besoins, surtout dans les régions. Les mesures prises, en particulier l’introduction d’un examen complémentaire pour l’exercice de la profession d’avocat et la mise en place d’une formation obligatoire dans la nouvelle Académie de justice, devraient déboucher sur un accroissement des effectifs judiciaires et garantir leur professionnalisme. Un autre volet de l’action menée dans ce domaine par le Gouvernement, avec l’aide des institutions internationales, consiste à rénover les infrastructures judiciaires et à les équiper de moyens de communication modernes. Cela étant, il ne suffit pas d’opérer une sélection judicieuse des personnels de justice et de leur assurer une formation de qualité pour garantir une bonne administration de la justice. Il arrive en effet que les juges n’aient pas toute la conscience professionnelle voulue et certains se laissent même corrompre. Les autorités sont conscientes du problème et prennent des mesures pour y remédier. Plus généralement, elles exercent une surveillance de l’activité judiciaire, dont les résultats sont analysés avec les représentants de l’OSCE, et elles entendent poursuivre leurs efforts pour améliorer la situation, rendre l’administration de la justice plus efficace, assurer la primauté du droit et parvenir à un juste équilibre entre les différentes branches du pouvoir. C’est là tout le sens de la réforme judiciaire qui a été entreprise.
15.En réponse à la question qui a été posée concernant la publicité des audiences dans certaines procédures pénales, en particulier militaires, M. Musayev indique que 95 % des procès sont publics et se déroulent dans la transparence. Toutefois, le juge peut ordonner le huis clos dans certains cas, en particulier pour des raisons liées à la sécurité de l’État. Ces cas restent néanmoins très rares et ne sont donc pas une source de préoccupation.
16.L’article 76 de la Constitution de l’Azerbaïdjan prévoit que les personnes pour lesquelles l’exercice d’un service militaire est contraire à leurs convictions peuvent, dans certains cas prévus par la loi, accomplir un service de remplacement. En application de cette disposition, un groupe de travail ad hoc a été constitué, auquel ont été associés des experts du Conseil de l’Europe, pour élaborer un projet de loi relatif au service de remplacement. Il est exact que ce projet de loi n’a pas fait l’objet d’une consultation populaire, mais le projet est encore en cours d’élaboration. Il devrait être ensuite soumis à l’examen du Parlement et les autorités azerbaïdjanaises espèrent que le texte en sera publié.
17.En ce qui concerne les poursuites engagées contre des journalistes pour diffamation, offense ou injure, le groupe de travail chargé d’améliorer la législation étudie la possibilité de supprimer les deux articles du Code pénal réprimant ces infractions. Il faut cependant souligner que la société azerbaïdjanaise est majoritairement opposée à la suppression de ces dispositions, lesquelles ne visent d’ailleurs nullement les journalistes en particulier, mais ont bien plutôt pour objet de protéger l’honneur et la dignité de tous les citoyens. La question a été examinée également dans le cadre d’une commission parlementaire et les représentants des ONG qui participaient aux débats ont considéré, comme les autorités, qu’il n’y avait pas lieu de supprimer les dispositions législatives en question. Au total, les poursuites pénales engagées en vertu de ces deux articles du Code pénal représentent moins de 0,1 % de l’ensemble des poursuites, ce qui est insignifiant. S’il est exact qu’il y a quelques années les juridictions pénales connaissaient un grand nombre d’affaires de ce type, la situation est aujourd’hui radicalement différente, et la plupart du temps les plaignants saisissent une juridiction civile pour défendre leur honneur ou leur dignité. Quoi qu’il en soit, le groupe de travail chargé d’améliorer la législation ne manquera pas d’examiner la question sous l’angle considéré par le Comité.
18.M. ASGAROV (Azerbaïdjan) dit que les communautés religieuses ne sont pas soumises à une obligation d’enregistrement en tant que telle. La loi prévoit simplement qu’une communauté religieuse qui souhaite obtenir le statut de personne morale et les droits afférents doit être enregistrée. D’une façon générale, la Constitution garantit la séparation de l’Église et de l’État. La législation prévoit des restrictions concernant l’accès des responsables de communautés religieuses au service dans la fonction publique, les forces de l’ordre et l’appareil judiciaire, ainsi que leur participation aux processus électoraux, mais ces restrictions ne s’appliquent pas aux simples croyants.
19.À propos des liens entre les musulmans azerbaïdjanais et la Direction spirituelle des musulmans du Caucase, M. Asgarov rappelle que les Azerbaïdjanais sont en majorité musulmans. La Direction spirituelle des musulmans du Caucase est une institution indépendante de l’État, qui indique simplement au Comité d’État chargé des affaires religieuses si telle ou telle communauté religieuse qui demande à être enregistrée est une communauté musulmane ou non. Il est à noter qu’aucune communauté religieuse qui s’était adressée à cette institution n’a été écartée, et toutes ont été enregistrées.
20.Les musulmans azerbaïdjanais sont essentiellement des chiites, mais il existe également une importante communauté sunnite et aussi un courant sunnite rassemblant des personnes qui ont vécu à l’étranger. On distingue notamment dans ce courant la communauté wahhabite, qui est officiellement enregistrée et mène des activités conformément à la loi. Une mosquée de cette communauté a été effectivement fermée temporairement, la mosquée Abou Bakr à Bakou, pour des raisons de sécurité liées à un acte terroriste commis contre un dirigeant de la communauté par des éléments appartenant à un courant radical de cette communauté. Les autorités ont fermé la mosquée également pour prévenir de nouvelles infractions terroristes. Les fidèles pouvaient toutefois continuer de prier librement dans l’une des nombreuses autres mosquées que compte la ville de Bakou.
21.Les préoccupations du Comité concernant les conditions de l’enregistrement et du financement des ONG en Azerbaïdjan sont probablement suscitées par un projet de loi qui avait été soumis à l’examen du Parlement à la fin de juin 2009; le texte prévoyait de fait un certain nombre de restrictions, qui ont été d’ailleurs vivement critiquées par les ONG nationales et les représentants des ONG internationales présentes à Bakou. Quoi qu’il en soit, le projet de loi a été examiné par les députés et par différents autres experts, et il n’a pas été adopté.
22.En ce qui concerne la commission électorale centrale mise en place dans le cadre de la dernière élection présidentielle, M. Asgarov précise que la législation prévoyait une représentation équilibrée de tous les partis politiques dans cette commission, assurée par l’observation de la règle des «trois tiers» (un tiers pour le parti au pouvoir, un tiers pour l’opposition et un tiers composé d’indépendants). Cette législation a été appliquée strictement. Toutes les décisions concernant les activités de la commission électorale étaient adoptées au suffrage direct et égal, et les restrictions qui ont été imposées aux partis politiques dans le cadre de la campagne électorale étaient les mêmes pour tous; par exemple, les temps d’antenne sur les chaînes de radio et de télévision ont été attribués aux différents partis dans des conditions d’égalité.
23.Les droits des minorités nationales sont pleinement protégés dans la loi et dans la pratique, que ce soit dans le domaine de la culture, de l’éducation ou dans d’autres sphères d’activité. La chaîne de télévision nationale comme les chaînes privées et les stations de radio offrent des programmes dans les langues minoritaires, et dans les régions où elles sont numériquement importantes, notamment dans le sud, le sud-est et le nord du pays, les minorités ont leur propre chaîne de télévision. Il existe également des journaux publiés dans les langues des minorités.
24.M. RAHIMOV (Azerbaïdjan) dit que les autorités déploient de grands efforts pour améliorer la condition des handicapés et assurer leur intégration dans la société. Dans ce domaine comme dans bien d’autres des réformes sont en cours. On recense 420 000 handicapés, ce qui représente 5 % de la population. Ils se répartissent en trois groupes, selon qu’ils sont aptes au travail (groupe III), inaptes au travail sauf à certaines conditions (groupe II), ou totalement inaptes (groupe I). L’État apporte une assistance aux handicapés sous la forme de pensions, d’allocations ou d’autres types d’aide, et chaque année un programme relatif à la protection sociale des handicapés prévoyant des mesures dans différents domaines (formation professionnelle, logement, accès à l’emploi, etc.) est financé sur le budget de l’État. Ces dernières années ont été créés 12 centres de réadaptation offrant différentes prestations médicales et sociales, et en particulier une formation permettant à certains handicapés d’intégrer par la suite le marché du travail. Le système de réadaptation des handicapés permet chaque année à environ 10 % d’entre eux de changer de catégorie et d’intégrer le groupe II ou III, ou de surmonter complètement leur handicap. M. Rahimov précise enfin qu’en 2008 la législation azerbaïdjanaise a été modifiée de façon à remplacer les termes «enfants handicapés» par «enfants ayant des déficiences physiques», considérés comme moins péjoratifs.
25.M. KHALAFOV (Azerbaïdjan), revenant sur la question de l’autorisation d’émettre pour certaines stations de radio comme la BBC ou Radio Svoboda, dit qu’il est exact que ces stations ne peuvent pas émettre en modulation de fréquence, conformément à la loi, mais qu’elles sont néanmoins entièrement libres d’utiliser toute la gamme des autres moyens de communication existant en Azerbaïdjan, notamment l’Internet. La loi pertinente a d’ailleurs été soumise à l’examen du Conseil de l’Europe, qui ne l’a pas considérée comme contraire aux normes qu’il préconise.
26.M. ASGAROV (Azerbaïdjan), répondant aux questions de Sir Nigel Rodley au sujet des deux blogueurs incarcérés pour hooliganisme, dit que d’après le dossier, les intéressés ont été arrêtés le 8 juillet 2009 parce qu’ils avaient troublé l’ordre public en insultant et en agressant physiquement des personnes dans un restaurant. La décision de les placer en détention rendue en première instance a été confirmée par une juridiction d’appel le 20 juillet. L’affaire a suscité de nombreuses critiques de la part de représentants de la communauté internationale à Bakou auxquels le Procureur et le Ministère de l’intérieur ont demandé, dans une déclaration conjointe, de s’abstenir de tout commentaire afin de laisser la justice faire son travail sereinement. La peine à appliquer relève de la compétence exclusive du juge, et il n’y a pas lieu de douter que le principe de proportionnalité a été respecté. Les juges azerbaïdjanais connaissent en effet parfaitement les normes internationales relatives au droit à la liberté de la personne. Des cours de formation et des séminaires sont régulièrement organisés à leur intention sur la question et il existe une abondante jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, à laquelle ils peuvent se référer.
27.Le PRÉSIDENT remercie la délégation pour ses réponses et invite les membres du Comité qui le souhaitent à poser des questions complémentaires.
28.M. O’FLAHERTY dit qu’il n’a pas été répondu à la question des mesures éventuellement prises pour lutter contre les attaques dont sont victimes certaines personnes en raison de leur orientation sexuelle et de la possibilité d’inclure l’orientation sexuelle parmi les motifs de discrimination interdits par la loi. Il remercie la délégation pour les informations très utiles qu’elle a données au sujet du projet de loi sur le service civil et voudrait savoir si un moratoire sur les poursuites susceptibles d’être engagées contre des objecteurs de conscience sera appliqué en attendant l’adoption du texte.
29.Mme MOTOC dit qu’il semble contradictoire que, d’un côté, l’opinion publique soit opposée à la suppression des dispositions du Code pénal qui répriment la diffamation, l’offense et l’injure, et que, de l’autre, la plupart des procès en diffamation se fassent au civil; des éclaircissements seraient utiles. À propos de l’infraction de hooliganisme, il faudrait en connaître la définition exacte car un grand nombre de journalistes et de professionnels des médias sont condamnés à des peines d’emprisonnement pour ce chef d’accusation, ce qui appelle des explications.
30.M. AMOR souhaiterait obtenir une réponse à sa question relative à la durée du service militaire ainsi que des précisions sur les fonctions que peuvent exercer les responsables de communautés religieuses formés à l’étranger. Il souhaiterait également savoir si un enseignement religieux est proposé dans les écoles publiques et, dans le cas contraire, dans quel autre cadre ce type d’enseignement est dispensé.
31.M. MUSAYEV (Azerbaïdjan) dit que les dispositions du Code pénal qui prévoient l’incrimination de diffamation, d’offense ou d’injure ont un rôle dissuasif et qu’il n’y a donc pas de contradiction entre la volonté populaire de les maintenir et le fait que la majorité des personnes s’estimant victimes de telles infractions préfèrent la voie civile à la voie pénale. Comme il a été dit précédemment, le groupe de travail chargé d’examiner la législation étudie l’opportunité de maintenir ou de supprimer ces dispositions. En ce qui concerne la situation des objecteurs de conscience, il faut attendre l’adoption du projet de loi. On notera toutefois que les appelés qui souhaitent effectuer un service de remplacement restent jusqu’à présent très minoritaires. La durée du service militaire est normalement de dix-huit mois et d’un an pour les étudiants de l’enseignement supérieur.
32.M. ASGAROV (Azerbaïdjan) dit que l’Azerbaïdjan s’efforce de concilier ses valeurs traditionnelles et l’évolution de la société moderne. La loi n’établit aucune discrimination fondée sur l’orientation ou l’identité sexuelle. Les personnes homosexuelles, bisexuelles et transsexuelles ont acquis une plus grande visibilité en Azerbaïdjan où elles exercent librement le droit de manifester et d’exprimer leurs revendications. Aucune plainte pour discrimination fondée sur l’orientation sexuelle n’a à ce jour été enregistrée; il ne semble donc pas nécessaire dans l’immédiat de légiférer sur la question. En revanche, si des violations des droits des personnes appartenant à des minorités sexuelles venaient à être constatées, une réflexion devrait être menée en vue d’élaborer un cadre législatif approprié pour la protection de ces minorités. En ce qui concerne l’enseignement religieux, aucune restriction ne s’applique au droit des personnes formées à l’étranger d’enseigner la religion en Azerbaïdjan. Un enseignement religieux est dispensé dans les madrassas, écoles coraniques indépendantes des structures gouvernementales d’éducation, dont les étudiants, une fois obtenu leur diplôme, sont habilités à exercer en tant que chefs religieux.
33.M. KHALAFOV (Azerbaïdjan) dit que l’Azerbaïdjan a parcouru beaucoup de chemin depuis la présentation de son rapport initial au Comité des droits de l’homme en 1993. Désormais partie aux principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, il a entrepris des réformes radicales sur les plans politique, législatif, judiciaire, social et économique afin de créer un environnement propice à la réalisation des droits de l’homme et de se conformer à ses obligations internationales. Après des années passées sous le joug du régime soviétique, la société azerbaïdjanaise s’approprie progressivement les valeurs de la démocratie et des droits de l’homme et les mentalités changent. La population est davantage sensibilisée à ses droits et ses exigences à l’égard de l’État sont de plus en plus élevées. Le Gouvernement s’efforce de répondre aux attentes, mais l’ampleur des changements à opérer exige du temps et de la détermination. Les observations et les recommandations du Comité sont d’une grande utilité car elles mettent en lumière les domaines dans lesquels des lacunes subsistent et donnent des indications précieuses quant à la manière d’y remédier. Elles seront diffusées à toutes les parties prenantes et dûment prises en considération dans l’élaboration des politiques et réformes qui pourront être mises en œuvre à l’avenir.
34.Le PRÉSIDENT remercie la délégation d’avoir répondu de manière aussi complète et détaillée que possible aux questions du Comité. Tout complément d’information devra être communiqué par écrit avant le 23 juillet 2009, à 13 heures, afin qu’il puisse être pris en compte dans le texte des observations finales du Comité.
35. La délégation azerbaïdjanaise se retire.
La première partie (publique) de la séance prend fin à 16 h 40.
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