Quatre-vingt-douzième session

Compte rendu analytique de la 2517e séance

Tenue au Siège, à New York, le jeudi 20 mars 2008, à 10 heures

Président :M. Rivas Posada

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties en vertu de l’article 40 du Pacte (suite)

Rapport initial du Botswana (suite)

La séance est ouverte à 10 h 5.

Examen des rapports présentés par les États parties en vertu de l’article 40 du Pacte (suite)

Rapport initial du Botswana (suite) (CCPR/C/BWA/1; CCPR/C/BWA/Q/1)

1. À l’invitation de la Présidente, les membres de la délégation botswanaise prennent place à la table du Comité.

2.L a Président e a invité la délégation botswanaise à continuer de répondre aux questions soulevées concernant les points 22 à 25 de la liste des points à traiter (CCPR/C/BWA/Q/1).

3.M me Mongwa (Botswana) dit que les femmes inscrites sur les listes électorales ont représenté 56 et 57 %, respectivement, des électeurs en 1999 et 2004. Sur les 61 membres du Parlement, sept sont des femmes, et pour les postes de décision de façon générale, tant dans le secteur privé que dans le secteur public, le pourcentage de femmes est de 41 %. De fait, dans les deux secteurs, des progrès importants ont été réalisés à cet égard au cours de ces dernières années et des femmes sont notamment devenues Procureur général, gouverneurs de banque et ambassadrices.

4.M.  Skelemani (Botswana), répondant au point 23, dit que le Botswana, comme de nombreux autres pays en développement, a dû relever le défi d’une juste redistribution de ses maigres ressources et pour cette raison, mettre en place une politique nationale des établissements humains. Son objectif est de s’assurer que, grâce au regroupement démographique, la plus grande partie de la population peut bénéficier des services et infrastructures nécessaires, y compris les écoles, les dispensaires, les routes et l’eau; les personnes disséminées dans la réserve animalière du Kalahari central ont par conséquent été encouragées à quitter la réserve, sans toutefois y être forcées. Le développement national est considéré comme un processus partant de la base et se fonde sur le système du kgotla, qui permet aux communautés locales de jouer un rôle dans l’établissement des priorités nationales. Le jugement rendu par la Haute Cour le 13 décembre 2006 mentionné dans la question, a porté principalement sur le coût de la réinstallation, qui a été mis en doute par les demandeurs; ces derniers n’ont pas insisté pour que la décision de justice concernant la réserve fasse l’objet d’éclaircissements et elle demeure par conséquent valide. Ceux qui ont demandé à retourner dans la réserve, y compris les 30 personnes dont le nom ne figurait pas sur la liste initiale des demandeurs, seraient autorisés à le faire sur présentation de leur carte nationale d’identité mais devraient s’approvisionner en eau et obtenir tout autre service nécessaire par eux-mêmes car, selon la décision du tribunal, la prestation de ce type de services ne fait pas partie des obligations du Gouvernement. Des permis de chasse peuvent être demandés, comme précédemment, au Ministère de la faune sauvage et des parcs nationaux, qui a, de fait, continué à les délivrer en dehors de la période de reproduction des animaux concernés. Pour ce qui est des animaux domestiques, ceux qui se trouvent à l’intérieur de la réserve peuvent y rester, mais une fois qu’ils la quittent, ils ne sont pas autorisés à y retourner. De toute façon, toutes les questions ayant trait à la réserve se règlent mieux par négociation, dans le cadre du système du kgotla, que par l’intermédiaire des tribunaux. Cela s’applique également à la question des droits des Basarwas, qui vivent en majorité dans les établissements humains situés en dehors de la réserve. Elle doit être abordée directement avec la population concernée, et aucune organisation extérieure ne doit intervenir. Le Gouvernement estime qu’il est de son devoir de persuader tous les citoyens d’adopter l’orientation générale.

5.S’agissant du point 24, l’orateur indique que certaines personnes ont estimé que les versions précédentes des articles de la Constitution mentionnés étaient discriminatoires et que le Gouvernement les avait donc modifiées. Il ne s’agit là que du début d’un long processus, car les membres de certaines minorités, qui souhaitent garder ce qu’elles considèrent comme des droits acquis, résistent. Selon les nouvelles dispositions constitutionnelles, les membres de la Chambre des chefs doivent être élus par un collège électoral composé de chefs de village, en d’autres termes, de personnes assumant les fonctions de kgosi, et pas nécessairement de chefs de tribu. En outre, le Président a nommé cinq de ses membres et utilisé ses pouvoirs pour assurer une plus grande participation des femmes et des groupes sous-représentés. Il a été prétendu que chaque communauté tribale devrait pouvoir faire nommer son chef à la Chambre des chefs, mais cela ne tient pas compte du problème que constitue la définition de ce que recouvre une tribu. Les Basarwas, par exemple, sont disséminés sur l’ensemble du territoire et certains d’entre eux ne sont même pas capables de se comprendre. L’existence de chefferies doit contribuer au développement du Botswana en tant que république; elles n’ont autrement pas leur place. La loi sur le bogosi a par conséquent abrogé et remplacé la loi concernant les chefferies, notamment afin que la notion de communauté tribale ne soit pas liée à celle de territoire tribal. Un citoyen a le droit de faire une demande de terres du fait qu’il est ressortissant botswanais et non parce qu’il appartient à une entité tribale quelconque; ce droit n’est en outre limité ni à un territoire tribal, ni à une zone de résidence. La République a dépassé le stade de la lutte pour des territoires tribaux et en vertu de la loi sur ces territoires, a rendu possible la reconnaissance des tribus, la désignation des chefs et l’accès aux terres, sans qu’il soit fait référence à ce type de territoire.

6.S’agissant du point 25, l’orateur indique que bien que le setswana et l’anglais soient les seules langues officiellement utilisées dans les écoles, le Gouvernement a reconnu que d’autres langues parlées dans le pays devraient être incorporées dans le programme d’études. Il a par conséquent revu sa politique linguistique afin d’appuyer l’enseignement des langues locales dès la maternelle. Cet enseignement dépend toutefois, en grande partie, du financement, notamment parce que pour certaines de ces langues, il n’existe pas d’orthographe établi. Des mesures faisant l’objet d’un large consensus ont commencé à être prises dans ce sens, même si les vues diffèrent concernant le rythme de mise en œuvre.

7.L a Président e invite le Comité à poser des questions de suivi concernant les points 14 à 25 de la liste.

8.M. Khalil note qu’il se félicite des informations supplémentaires fournies sur les mesures prises par l’État partie pour garantir l’indépendance des pouvoirs judiciaires. Il serait toutefois utile d’avoir confirmation qu’au moins deux membres du tribunal mentionné au paragraphe 310 du rapport sont des juges. Sur la question de l’assistance juridique, il est clair que bien que les personnes passibles de la peine de mort puissent bénéficier des services d’un conseil pro deo, la rémunération accordée par le Gouvernement n’est pas suffisante pour attirer des avocats suffisamment qualifiés. En outre, du fait des niveaux de pauvreté élevés, nombre d’individus accusés d’autres crimes n’ont simplement pas les moyens de se faire représenter comme il convient. L’intervenant espère que l’étude concernant l’assistance juridique mentionnée par l’État partie fera l’objet d’une attention prioritaire afin que tous les citoyens, y compris les indigents, puissent avoir droit à un procès juste, conformément à l’article 14 du Pacte.

9.Se référant au point 16 de la liste, il se déclare préoccupé par l’application inégale de la loi régissant la juridiction et les procédures des tribunaux de droit coutumier, compte tenu notamment du fait qu’environ 85 % de l’ensemble des affaires pénales sont jugées par ce type de tribunaux. L’ignorance générale de la loi et le fait qu’elle n’ait pas été traduite en setswana ou dans d’autres langues locales ne fait qu’entraver encore les efforts déployés pour veiller au respect des dispositions de l’article 14 du Pacte.

10.M me Palme, se référant à la liberté d’expression (points 17 et 18), demande si les trois stations de radio privées ont le même rayonnement que les deux stations publiques. Il semblerait que le Botswana n’ait qu’une station de télévision privée, GBCTV. Il serait par conséquent intéressant d’obtenir des informations plus détaillées sur les critères retenus concernant l’octroi de licences de diffusion aux sociétés privées. L’intervenante souhaiterait également savoir combien il existe de stations publiques et connaître leur rayonnement.

11.La réponse de l’État partie au point 18 n’est pas suffisamment détaillée. Les dispositions de l’article 90 du Code pénal étant plutôt vagues, il serait utile de disposer d’exemples d’affaires dans lesquelles elles ont été appliquées. Il serait également bon que la jurisprudence relative à l’application de l’alinéa 1) de l’article 93 de ce code sur l’utilisation de termes injurieux, obscènes ou insultants à l’endroit du Président ou de tout autre représentant de l’État soit fournie. L’oratrice voudrait savoir ce que recouvrent les termes insultants mentionnés dans ledit article.

12.M. Iwasawa se déclare préoccupé par le fait qu’étant donné que l’article 14 de la loi sur le mariage ne s’applique pas aux unions contractées dans le cadre du droit coutumier, des personnes de moins de 18 ans sont en théorie autorisées à se marier en vertu de ce droit. Il se félicite toutefois des mesures prises par le Gouvernement pour modifier la loi et promouvoir l’enregistrement de tous les mariages. S’agissant du point 20 de la liste, il souligne combien il importe de prendre toutes les mesures nécessaires pour s’assurer que le droit coutumier n’est pas appliqué de façon à être incompatible avec les dispositions du Pacte.

13.S’agissant de la question de la participation aux affaires publiques (art. 25 du Pacte), l’intervenant note qu’il serait utile de disposer d’informations plus détaillées sur la situation politique au Botswana. Des données sur le nombre de partis politiques existants et leurs membres s’avèreraient particulièrement instructives. Le Gouvernement n’étant pas responsable du financement de ces partis, l’orateur se demande s’il y a eu des cas de corruption impliquant des donateurs privés. Bien que les femmes ne représentent encore que 11 % de l’ensemble des parlementaires, il est encourageant de constater qu’en termes absolus, leur nombre a augmenté. Il semblerait en outre que sept des 18 ministres que compte actuellement le Gouvernement, soit environ 28 %, soient des femmes. Des informations supplémentaires sur le nombre de femmes juges, en particulier présidant la Cour d’appel, de procureurs et d’avocates ainsi que le nombre de femmes occupant des postes de décision et de gestion dans les secteurs public et privé seraient utiles.

Pour ce qui est de droits des personnes appartenant à des minorités, il est regrettable que l’État partie n’ait pu fournir des données statistiques ventilées par tribu. Ces données devraient figurer dans le deuxième rapport périodique. Les réponses concernant le point 23 de la liste laissent penser que le Gouvernement n’a pas forcé les résidents de la réserve animalière du Kalahari central à partir. L’orateur a toutefois obtenu des informations d’autres sources selon lesquelles ces résidents avaient été obligés de partir car le Gouvernement avait cessé de fournir des services de base à la réserve. Il serait utile à cet égard que des renseignements plus détaillés soient fournis sur les résultats de la mission d’enquête mentionnée aux paragraphes 279 à 282 du rapport. L’intervenant souhaite également savoir si l’article 14 3) c) de la Constitution, qui comprenait des dispositions spéciales concernant les Barsarwas, a été modifiée dans l’affirmative, si les modifications ont eu un effet sur la situation des Basarwas vivant dans la réserve. Un complément d’information sur les conditions de vie de ce groupe, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la réserve, serait également utile. Enfin, l’orateur félicite l’État partie d’être disposé à trouver une solution négociée aux problèmes relatifs à la réserve.

M. O ’ Flaherty félicite l’État partie de vouloir respecter les droits de tous les groupes ethniques vivant sur son territoire, mais note que le manque de données ventilées par tribu constitue un grave obstacle à ces efforts. Il est préoccupé par le fait que les négociations en cours sur la création d’une nouvelle chambre des chefs risquent d’être entravées par la nécessité de tenir compte de certains groupes d’intérêts, ce qui pourrait se traduire par un maintien des distinctions traditionnelles entre les tribus majoritaires et minoritaires. Des informations plus détaillées sur la question seraient les bienvenues. Des préoccupations ont également été exprimées. Le fait que la loi sur le bogosi ne semble pas avoir fait l’objet d’un vaste débat public est également préoccupant. Si tel est le cas, il serait intéressant de savoir si le Gouvernement est prêt à reconsidérer sa position sur la question et à tenir des audiences publiques.

Pour ce qui est de la discrimination contre certains groupes ethniques en particulier, il semblerait que des préjugés existent contre les populations non tswanas. De fait, d’après les informations dont dispose l’intervenant, 9 des 12 secrétaires du Conseil foncier du pays étaient tswanas, même si les Tswanas ne représentent pas la majorité de la population. L’orateur souhaiterait obtenir une explication concernant cette situation. Le Comité a également reçu des allégations selon lesquelles la discrimination contre les Wayeyis serait courante et de longue date, et que deux chefs wayeyis successifs seraient morts dans des circonstances suspectes. Non seulement la police n’a-t-elle guère montré d’empressement à enquêter sur ces décès, mais le Gouvernement n’a pas encore reconnu le nouveau chef wayeyi. Il souhaiterait obtenir les observations de l’État partie sur la question. Enfin, tout en félicitant l’État partie d’avoir adopté une nouvelle approche pour l’enseignement des langues, il estime qu’il serait intéressant d’en savoir davantage sur les allégations selon lesquelles les stations de radio n’aiment guère diffuser des chansons dans des langues non tswanas.

M. B hagwati, se référant aux points 14 et 15 de la liste, demande si les recommandations de la Commission de la magistrature concernant les fautes professionnelles commises par les juges lient le Président. L’État partie devrait indiquer le nombre de recommandations de ce type faites et la suite donnée. Bien que des services d’assistance juridique soient mis à la disposition des personnes passibles de la peine capitale, le rapport n’indique pas clairement si les individus accusés d’autres crimes peuvent donner lieu à ce type d’assistance. L’orateur souhaiterait savoir si une législation appropriée a été promulguée et dans l’affirmative, obtenir un résumé détaillé de sa teneur. Il serait également utile de connaître le nombre de cas dans lesquels une assistance juridique a été fournie.

M. Johnson, revenant à la question de la peine capitale, demande quelles sont les mesures prises ou envisagées pour donner suite aux demandes de moratoire sur la peine de mort au Botswana émanant d’organisations régionales et autres. Il souhaiterait également savoir si le Gouvernement a pris des mesures pour modifier l’opinion des chefs tribaux sur la peine capitale en vue de son abolition.

M. Amor indique qu’il souhaiterait obtenir davantage d’informations sur la participation à venir des femmes aux travaux de la nouvelle Chambre des chefs. Il voudrait également savoir si les débats de cette chambre sont régis par le droit positif ou le droit coutumier, si la Chambre peut prendre des décisions ou seulement faire des recommandations et si ces décisions ou recommandations sont mises en œuvre par des institutions établies en vertu du droit coutumier ou par des organes d’État. Si leur application se fait selon le droit coutumier, l’État a-t-il un rôle dans le suivi?

Les tribunaux de droit coutumier au Botswana ne semblent pas s’intéresser aux garanties prévues par le Pacte. Ces tribunaux connaissent d’affaires tant civiles que pénales, il serait utile de savoir si l’appareil judiciaire de l’État est compétent pour superviser leurs décisions et si les personnes qui ne sont pas satisfaites des décisions rendues par les tribunaux de droit coutumier peuvent faire appel devant les tribunaux d’État.

La politique adoptée par l’État partie consistant à réinstaller les individus et les groupes habitant dans des zones reculées dans des régions plus peuplées est parfaitement légitime, car elle facilite la fourniture des services sociaux de base. Il est toutefois important d’assurer le respect de la liberté de mouvement des individus et groupes réinstallés. L’orateur demande par conséquent si les anciens résidents de la réserve animalière du Kalahari central peuvent quitter la réserve et y revenir comme bon leur semble.

Enfin, s’agissant de la question des groupes et langues minoritaires, l’intervenant indique que la diversité culturelle est un atout important, même si elle est parfois difficile à gérer. Le Botswana a été soumis au joug du colonialisme pendant de nombreuses années et s’efforce par conséquent de se forger une identité nationale fondée sur l’unité de ses peuples. En même temps, il est conscient de la nécessité de respecter les droits de tous ses groupes ethniques. Tous les efforts devraient être faits pour s’assurer que l’exercice des droits collectifs n’entrave pas celui des droits individuels tels qu’ils sont consacrés par la Constitution et par le Pacte.

M me Wedgwood indique qu’il semble exister une contradiction latente entre les différents arguments de l’État partie : le Botswana s’efforce de créer une identité nationale, mais le système des tribunaux de droit coutumier est tenu à l’écart des idéaux de justice qui font partie de cette identité. Il est par conséquent nécessaire de transformer les tribunaux de droit coutumier, aussi difficile que cela soit.

La raison pour laquelle les avocats ne sont pas autorisés à être présents lors des audiences des tribunaux de droit coutumier n’apparaît pas clairement; plutôt que de compliquer les problèmes, les avocats pourraient contribuer à améliorer l’éducation juridique des juges et à mieux faire connaître leurs droits aux clients, notamment ceux qui sont prévus par le Pacte. Cette assistance juridique est particulièrement importante lorsqu’il s’agit de personnes vulnérables, notamment d’illettrés ou de jeunes femmes. Les avocats pourraient, au bout du compte, jouer un rôle utile dans le développement du droit coutumier en le rapprochant de la common law et du Pacte. Par conséquent, bien qu’il soit compréhensible de ne pas exiger la présence d’avocats, les empêcher d’être présents semble extrême. Il faudrait en outre officiellement informer les individus de leur droit de transférer leur affaire et il devrait y avoir trace écrite du fait qu’ils renoncent à exercer ce droit.

Tout en reconnaissant que la protection de la réserve animalière du Kalahari central est importante pour l’économie du pays, l’intervenante indique qu’elle ne comprend pas vraiment pourquoi l’État partie ne permet pas aux Barsawas de la réserve de se servir des puits artésiens pour se procurer de l’eau, en particulier compte tenu du fait que l’approvisionnement en eau à l’extérieur de la réserve est extrêmement coûteux. Il faut également se poser des questions sur les graves restrictions imposées en matière de chasse quand on sait que la chasse est un élément vital pour la population vivant dans la réserve. Si certaines personnes venant de la réserve ont obtenu en justice le droit d’y retourner, ce droit devrait également s’appliquer à ceux qui se trouvent dans la même situation, même s’ils n’ont pas été formellement demandeurs. En outre, il semble inutilement sévère d’empêcher les habitants de la réserve d’y introduire du bétail, et notamment des chèvres, alors que le lait peut faire partie de leur alimentation. Bien que la volonté de gérer la faune sauvage et de protéger la réserve pour en faire une attraction touristique de premier plan soit compréhensible, il est également important de préserver les modes de vie traditionnels; de fait, il pourrait s’avérer peu clairvoyant sur le plan économique de laisser se perdre les connaissances traditionnelles nécessaires à ce type d’existence.

L’intervenante demande si le Botswana a envisagé de ratifier le Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples concernant la création d’un tribunal africain des droits de l’homme et des peuples. Cette démarche pourrait être utile car elle permettrait un examen régional des plaintes et un recours direct à ce tribunal.

M. Skelemani (Botswana) indique que les juges ne peuvent être démis que s’ils sont incapables de s’acquitter de leurs fonctions pour des raisons de santé ou conduite inappropriée. Au titre de l’article 97.3 de la Constitution, si le Président du Botswana estime que pour démettre un juge de la Haute Cour, il faut procéder à une enquête, il constitue un tribunal d’enquête composé d’au moins trois personnes, à savoir un président et deux membres qui, s’ils ne doivent pas forcément être juges eux-mêmes, doivent occuper ou avoir occupé des hautes fonctions judiciaires. Le tribunal fait rapport sur les faits de la cause au Président et lui conseille de démettre le juge ou non; les recommandations faites sont toujours mises en œuvre. En d’autres termes, le pouvoir de démettre un juge revient au tribunal et non au Président.

Pour ce qui est de la représentation juridique dans les affaires de peine capitale, l’intervenant estime que, compte tenu du fait que le métier d’avocat est une profession pour laquelle il est nécessaire de prêter serment, augmenter les honoraires des avocats ne les inciterait pas forcément à améliorer leur prestation. Engager des avocats de l’extérieur est coûteux et il n’est pas certain qu’ils seraient prêts accepter de défendre quelqu’un sur la base de ce que le Gouvernement est en mesure de payer. L’intervenant attend avec intérêt les résultats de l’étude sur l’assistance juridique qui devrait indiquer la méthode appropriée à adopter non seulement dans les affaires de peine capitale, mais également dans celles qui concernent des personnes indigentes.

Pour ce qui est des tribunaux de droit coutumier, de son expérience de ces derniers, en tant notamment que président, il ne se souvient pas d’un seul exemple où un requérant aurait été désavantagé simplement parce que son affaire avait été portée devant un tribunal de droit coutumier. Le fait de confier une affaire à ce type de tribunal implique simplement pour les personnes accusées d’être jugées sur la base du droit coutumier. Toute personne assistant à l’audience joue d’une certaine façon le rôle d’avocat en posant des questions aux différents témoins ou en les interpellant. Aucun avocat de métier n’est par conséquent nécessaire. Il existe bien sûr quelques règles élémentaires, notamment le droit de l’accusé de déposer à l’appui de sa propre défense ou celui de citer et de contre-interroger des témoins. Les tribunaux de droit coutumier ne devraient en aucun cas être assimilés aux tribunaux rendant une parodie de justice, même s’il est souhaitable d’améliorer leur fonctionnement.

S’agissant de la presse et de la radio, l’orateur indique que l’on peut demander une licence librement dans le cadre de la législation; il n’existe toutefois au Botswana que peu d’individus souhaitant investir dans les médias. Une station de radio a été autorisée à avoir un rayonnement national et, récemment, un certain nombre de collectivités ont pu demander à créer et opérer leur propre station de radio. La possibilité que les programmes puissent être diffusés dans les langues ethniques a initialement suscité quelques préoccupations, mais il a par la suite été décidé que cette situation ne poserait pas problème. S’agissant de la télévision, il existe une station d’État. Une autre station a obtenu une licence mais n’est toujours pas opérationnelle. Toute personne souhaitant opérer une station de télévision a le droit de demander une licence.

S’agissant de la question des termes injurieux, obscènes ou insultants à l’endroit du Président ou de tout autre représentant de l’État (rapport, par. 359), l’intervenant se souvient d’au moins deux affaires dans lesquelles une action pénale a été engagée pour insultes directes contre le Président. Ces insultes ne doivent toutefois pas être confondues avec le manque de manières. En sa qualité de Procureur général, l’intervenant a traité des affaires dans lesquelles, parce qu’il estimait que le type de langage utilisé n’était pas interdit, il a décidé de ne pas poursuivre les individus dans le cadre de la disposition pertinente. Des données statistiques seront fournies ultérieurement.

Concernant la loi sur le mariage, bien que certains groupes ethniques aient encore pour coutume de laisser les hommes choisir des jeunes filles comme futures conjointes, cette coutume est en train de perdre de sa popularité; en outre, les jeunes filles, une fois devenues femmes, ont le droit de se marier avec quelqu’un d’autre. L’intervenant prend toutefois note des vues du Comité concernant le respect de l’âge minimum légal du mariage et convient qu’il n’est pas souhaitable de disposer de lois coutumières appliquées en dehors du cadre du Pacte.

Il n’existe actuellement pas plus de 13 partis politiques au Botswana. Le nombre exact sera confirmé sur la base des informations fournies par le chef du service qui enregistre les partis qui en font la demande et se composent d’un nombre minimum de membres. Le financement provient souvent des amis et de la famille des membres du parti ou des contributions demandées de l’inscription audit parti. La situation en matière de corruption est matière à supputation, mais il est possible de citer un exemple où une importante donation qui aurait dû être répartie entre les divers partis d’opposition au cours de la récente campagne électorale a été gardée par le dirigeant de l’un des partis.

La majorité des femmes continuent de voter pour des hommes même si la situation évolue rapidement, les femmes s’efforçant de participer davantage à la vie politique. L’idée de mettre de côté un certain nombre de sièges destinés aux femmes n’est pas considérée comme une option attrayante, car elle écarte le concept de concurrence loyale. Il existe peu de femmes dans la magistrature : trois en plus du Procureur général, notamment au conseil des prud’hommes, qui a un rang similaire à celui de la Haute Cour. Une proportion toujours croissante de femmes étudiant le droit, le nombre de femmes juges va obligatoirement augmenter à l’avenir.

S’agissant de la question de la ventilation des données statistiques par tribu, le Botswana n’est guère enclin à identifier les individus en fonction de leur origine tribale; il estime que chacun doit plutôt être considéré comme botswanais. Le recueil de statistiques tribales et l’établissement de rapports en la matière, pourraient se traduire par des tensions ethniques. Lorsque l’on s’efforce de construire une nation, il est essentiel de maintenir l’unité, même si l’existence des tribus ne peut, à l’évidence, être ignorée.

Pour ce qui est de l’approvisionnement en eau des Basarwas dans la réserve animalière du Kalahari central, l’intervenant réitère que la Haute Cour n’a pas contesté le droit du Gouvernement de mettre un terme aux services fournis à la réserve. De fait, même les rapports de Survival International ont indiqué que le Gouvernement n’avait pas d’obligation à cet égard; la Cour a examiné la question des dépenses que représente la prestation de ce type de services. L’alternative à la réinstallation existe. Il doute que les Basarwas aient assez d’argent pour creuser des puits artésiens mais, s’ils le souhaitent, ils doivent simplement en demander la permission, comme tout un chacun, auquel cas il faudra d’abord leur octroyer une parcelle de terrain. Certaines organisations ont indiqué dans un premier temps qu’elles étaient disposées à aider les Basarwas à transporter l’eau dans la réserve; il craint toutefois que cette offre n’ait été faite que dans l’espoir de susciter une confrontation en provoquant le refus du Gouvernement. De fait, le Gouvernement n’a pas interdit ce transport mais les organisations concernées n’ont pas donné suite à leur offre. L’intervenant ne dispose pas d’informations sur la mission d’enquête mentionnée par M. Iwasawa. Le Gouvernement souhaite parvenir à une solution durable par le biais de négociations.

Selon lui, l’article 14 3 c) de la Constitution, tel qu’il a été modifié, empêche les non-Basarwas de pénétrer librement dans la réserve, mais pas les Basarwas d’en sortir ou d’y entrer. Toutefois, étant donné qu’il s’agit d’une réserve animalière, l’accès aux non-Basarwas est limité par les lois régissant les réserves de ce type. Pour ce qui est des conditions de vie des Basarwas, il importe de noter que les autorités locales mènent régulièrement des évaluations afin de déterminer quels sont les individus qui peuvent se nourrir et s’habiller eux-mêmes et ceux qui ne le peuvent pas. Ceux qui ne le peuvent pas ont droit à des vêtements et des rations de nourriture. Ces rations ne sont pas transportées à l’intérieur de la réserve; toutefois, si des Basarwas vivant dans la réserve se rendent dans des communautés voisines à l’occasion des évaluations, comme ils le font parfois, ils sont habilités à recevoir ces rations. En résumé, on ne sait pas s’il est préférable pour les Basarwas de demeurer à l’intérieur de la réserve ou d’en sortir. Selon l’orateur, leur situation est meilleure à l’extérieur car ils ont accès plus facilement aux écoles, aux dispensaires et à une alimentation de base. Compte tenu des coûts impliqués, il est extrêmement difficile d’éduquer des populations dispersées.

Les efforts déployés pour dénombrer les tribus du Botswana se sont soldés par un échec car elles sont trop nombreuses, tout comme leurs subdivisions. En outre, les données établies au cours de la période coloniale n’ont fait que refléter le concept de tribu des colonisateurs. Actuellement, certains membres de tribus se trouvent dans des zones situées à des milliers de kilomètres de leurs terres ancestrales pour diverses raisons économiques. Afin d’éviter d’identifier des zones données avec des tribus, le Gouvernement a décidé de les rebaptiser de manière neutre. Cette décision a toutefois suscité une telle indignation qu’il a été forcé de différer toute action. Le Botswana s’achemine néanmoins sur la voie qui lui permettra de devenir une république. À l’avenir, les chefs n’auront plus les pouvoirs actuellement associés aux chefferies, qui seront régis par statut.

Lorsque la loi sur les Bogosi est passée en première lecture au Parlement et a été envoyée à la Chambre des chefs, ces derniers ont eu 30 jours pour consulter le peuple. Dans sa circonscription, l’orateur a participé à des assemblées publiques locales pour expliquer la loi. Il ne sait pas combien d’autres représentants de l’État ont fait de même. Les chefs de l’ensemble du pays ont toutefois examiné la loi et proposé des modifications que le Gouvernement a acceptées.

S’agissant des secrétaires du Conseil foncier, il s’agit de fonctionnaires qui sont assignés à des zones données sans qu’il soit tenu compte de leur ethnicité ou de leur tribu. Les postes sont pourvus uniquement sur la base de la qualification des candidats. Pour ce qui est du chiffre de 9 secrétaires sur 12 d’origine tswana qui a été cité, l’identité et les motifs de ceux qui ont vérifié l’ethnie des secrétaires ne sont pas connus. L’assertion selon laquelle des chansons non tswanas ne sont pas diffusées à la radio est fausse comme toute personne qui a écouté les stations de radio botswanaises peut l’attester. L’orateur a entendu des chansons à la radio dans différentes langues, notamment la sienne. Il n’existe pas de restriction quant à l’utilisation des langues minoritaires au Botswana. Il est devenu en outre de plus en plus évident qu’il faut que les fonctionnaires apprennent certaines des nombreuses langues du pays en plus de l’anglais. Les décès suspects des chefs wayeyis mentionnés n’ont donné lieu à rien d’autre qu’à des demandes d’autopsie permettant de déterminer s’il s’était agi d’un acte criminel. Ces autopsies ont pu se dérouler sans entrave. Toute allégation selon laquelle le Gouvernement est impliqué est dénuée de fondement.

Le tribunal mentionné au paragraphe 310 se compose de trois personnes occupant ou ayant occupé de hautes fonctions judiciaires. Le tribunal conseille au Président d’éventuellement démettre certains juges. S’agissant de l’assistance à des accusés n’ayant pas les moyens de payer les services d’un avocat, un conseil pro deo est fourni dans certaines des affaires dont est saisie la Haute Cour. Ce type d’assistance n’existe toutefois pas pour les tribunaux de première instance. Il est regrettable qu’une personne qui possède une chèvre ne soit pas capable d’obtenir l’assistance du Gouvernement même si le revenu qu’elle en tire ne peut couvrir les honoraires d’un avocat. Le greffier de la Haute Cour peut néanmoins fournir une assistance aux personnes qui n’ont pas les moyens de payer les services d’un avocat lorsqu’il est estimé que l’affaire doit être portée devant les tribunaux.

S’agissant de la peine de mort, il ne voit pas pourquoi le Gouvernement devrait nourrir un prisonnier condamné à perpétuité lorsque ce prisonnier est détenu pour avoir écorché vives ses victimes ou prélevé certaines parties de leur corps. Ces personnes méritent d’être exécutées. L’intervenant est toutefois d’accord pour poursuivre le débat sur la question. Bien que le Gouvernement ne mène pas de campagne pour sensibiliser les chefs tribaux aux dispositions pertinentes du Pacte, les affaires jugées par ces derniers ne donnent pas lieu à la peine capitale. Certains des chefs estiment que la peine capitale ne doit pas être abolie alors que d’autres considèrent qu’elle doit s’appliquer à des délits moins graves qu’actuellement, position que l’intervenant conteste.

S’agissant des normes régissant la Chambre des chefs dans le cadre de la Constitution, la Chambre peut examiner toute question dont le Parlement est susceptible d’être saisi et donne des conseils à celui-ci. Les résolutions de la Chambre ne lient toutefois pas le Parlement. Pour ce qui est des tribunaux de droit coutumier, certains différends sont réglés par les chefs tandis que d’autres sont examinés par les tribunaux qui fournissent un procès-verbal écrit à la Cour d’appel de droit coutumier. Ces tribunaux doivent prouver que l’accusé a été informé de ses droits notamment le droit de faire appel. Les avocats n’ont pas leur place dans les tribunaux de droit coutumier car ils ont tendance à compliquer les affaires de façon excessive en soulevant des points de détails. Dans son tribunal de droit coutumier par exemple, l’intervenant n’a pas de temps à consacrer à des subtilités juridiques. Les tribunaux de droit coutumier traitent directement des questions dont ils sont saisis. Par ailleurs, les avocats ne sont en général pas très au fait du droit coutumier.

L’orateur ne comprend pas pourquoi des non-parties à une procédure judiciaire ayant débouché sur des directives autorisant les membres de la tribu basarwa à retourner dans la réserve animalière du Kalahari central devraient également bénéficier de ces directives et se demande si elles auraient dû également participer aux coûts si l’affaire avait eu une issue différente. Il rappelle que les puits artésiens appartiennent au Gouvernement.

Enfin, le Gouvernement botswanais a pris des mesures législatives pour donner suite au point soulevé concernant les droits en matière de domicile en cas de divorce. Dans le cadre de la législation actuelle, hommes et femmes ont les mêmes droits. Il fournira un exemplaire des textes au Comité.

M me  Motoc dit qu’elle souhaiterait disposer de davantage d’informations sur les efforts déployés par le Gouvernement pour sensibiliser la population du Botswana à la nécessité d’aligner les principes du droit coutumier sur ceux consacrés par le Pacte.

M me  Wedgwood dit que les personnes qui ne sont pas parties à un procès devraient pouvoir bénéficier du jugement rendu par un tribunal s’il clarifie la législation. Le Gouvernement est une partie unique et a l’obligation de suivre la loi. Pour ce qui est des puits artésiens, bien qu’ils soient sa propriété, le Gouvernement pourrait se montrer généreux dans la façon dont il les met à la disposition des peuples autochtones.

M. Iwasawa prend note du paragraphe 291 du rapport qui cite les vues d’un groupe de défense des droits de l’homme selon lesquelles la décision de ne plus fournir de services de base aux résidents de la réserve animalière du Kalahari central est illégale. Il voudrait savoir si les résidents qui sont actuellement autorisés à apporter à l’intérieur de la réserve autant d’eau qu’ils le veulent en ont les moyens financiers.

M me  Palm indique qu’elle attend avec impatience de recevoir la jurisprudence relative aux articles 90 et 93 du Code pénal et souhaiterait obtenir des données statistiques sur le nombre de personnes condamnées au titre des dispositions figurant dans ces articles et les peines encourues.

Sir Nigel Rodley dit qu’il espère que des détails sur les 40 cas d’exécution seront communiqués au Comité. Il voudrait notamment savoir la proportion de condamnés ayant écorché vives leurs victimes.

La Présidente dit que le dialogue entre le Comité et la délégation sur le rapport initial a été particulièrement important. Le Comité est conscient des difficultés que rencontre un pays aussi culturellement divers que le Botswana pour harmoniser les principes de ses institutions coutumières et ceux du Pacte. Il s’est déclaré toutefois gravement préoccupé par la compatibilité entre un certain nombre de décisions prises par les chefs tribaux et les tribunaux de droit coutumier et les dispositions très claires du Pacte. Il importe par conséquent que le Gouvernement continue de fournir les informations au Comité sur sa mise en œuvre du Pacte et de sensibiliser les autorités compétentes à ses dispositions. Le Comité attache également beaucoup d’importance à la création d’institutions nationales promouvant et protégeant les droits de l’homme.

La discrimination sexiste est également un sujet de préoccupation. Le Gouvernement doit poursuivre ses efforts pour assurer l’égalité entre les hommes et les femmes dans des domaines tels que l’âge minimum du mariage. La criminalisation des activités sexuelles entre personnes de même sexe est également préoccupante car elle est contraire au Pacte et à la jurisprudence du Comité. Le Comité s’est également déclaré gravement préoccupé par les dispositions concernant la peine de mort. La Présidente se demande s’il existe des crimes passibles de la peine capitale autres que ceux cités par la délégation. Les membres du Comité ont souligné la nécessité de tenir compte d’éventuelles circonstances atténuantes avant d’imposer la peine de mort.

Le Comité s’est également déclaré préoccupé par l’absence de données statistiques permettant de quantifier les problèmes relatifs aux droits de l’homme et d’en évaluer la portée. La protection de ces droits n’est pas limitée à la législation; elle implique également l’étude des réalités du pays.

La question de la construction de nouvelles prisons et de la mise au point de politiques visant la réinsertion des prisonniers a également été soulevée. Le fait de ne pas remettre le corps des personnes exécutées à leur famille semble constituer un traitement inhumain et dégradant pour les membres de la famille concernée. La Présidente réitère le souhait du Comité de poursuivre son dialogue avec le Botswana, qui dispose des moyens, des institutions et de la stabilité nécessaires pour harmoniser sa législation avec les dispositions du Pacte.

La séance est levée à 1 h 5.