Nations Unies

CCPR/C/SR.3616

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

17 juillet 2019

Original : français

Comité des droits de l’homme

1 2 6 e session

Compte rendu analytique de la 3616 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le vendredi 5 juillet 2019, à 10 heures

Président(e) :Mme Pazartzis (Vice-Présidente)

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 40 du Pacte (suite)

Deuxième rapport périodique de la Mauritanie (suite)

La séance est ouverte à 10 heures.

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 40 du Pacte (suite)

Deuxième rapport périodique de la Mauritanie (CCPR/C/MRT/2, CCPR/C/MRT/Q/2, CCPR/C/MRT/Q/2/Add.1 et HRI/CORE/1/Add.112) (suite)

1.Sur l’invitation de la Présidente, la délégation mauritanienne reprend place à la table du Comité.

2.M.  Ould Moulaye Abdallah (Mauritanie) indique qu’un avant-projet de loi portant abrogation et remplacement du Code de la nationalité et intégrant les questions de genre est en cours d’élaboration. Il rappelle toutefois que l’article 6 de la loi no1961-112 portant code de la nationalité mauritanienne, actuellement en vigueur, prévoit que les dispositions relatives à la nationalité contenues dans les traités ou accords internationaux dûment ratifiés et publiés s’appliquent, même si elles sont contraires aux dispositions de la législation interne mauritanienne, et aussi que l’article 35 du Code de procédure pénale dispose que le Parquet a l’opportunité des poursuites. Il dit aussi que l’adultère est incriminé par le Code pénal, qu’un rapport sexuel hors mariage entre personnes consentantes ne peut être considéré comme un viol, et que c’est au juge qu’il revient d’apprécier et de qualifier les faits.

3.La dernière commutation d’une condamnation à la peine capitale en peine d’emprisonnement remonte à 2016. Plusieurs condamnés à mort ont été graciés à la suite d’un compromis avec les ayants droit ou d’un recours en révision. Deux condamnés ont ainsi été graciés en 2019. Aucune grâce ou commutation ne peut être accordée si la peine relève du régime du houdoud ou de la Guissass, exception faite des cas où il n’y a pas de partie civile et des cas où les ayants droit acceptent de pardonner au coupable ou de recevoir la diya, cette dernière pouvant d’ailleurs, dans le cas des condamnés indigents, être payée par l’État. Des acteurs de la société civile, et notamment des chefs religieux, s’investissent dans la médiation de ces affaires. Le plus ancien condamné dans le couloir de la mort est détenu depuis 1989.

4.L’homosexualité est contraire à la loi et aux valeurs culturelles et sociales mauritaniennes ; elle est tolérée à la condition que les personnes concernées ne commettent pas les actes impudiques réprimés par la loi, mais le mariage tel que défini par le Code du statut personnel reste le seul fondement légal de la famille. L’interruption de grossesse est autorisée uniquement si la poursuite de la grossesse met en danger la vie de la mère. La loi no 2018-023 portant incrimination de la discrimination ne reprend pas la définition du Pacte dans son intégralité, mais interdit tout de même de nombreux motifs de discrimination. En outre, la loi relative à la cybercriminalité interdit les discours haineux et les propos discriminatoires diffusés au moyen d’un support de communication électronique.

5.M.  Ould Jedou(Mauritanie) dit que les réserves formulées par la Mauritanie au sujet de l’article 18 du Pacte s’expliquent par la place importante qu’occupe l’islam dans la Constitution mauritanienne, mais ajoute que, si l’islam est la religion du peuple et de l’État mauritaniens, les ressortissants étrangers non musulmans peuvent pratiquer librement leur religion. Le Haut Conseil de la fatwa veille à ce que la charia soit respectée et à ce que le rite malékite soit pratiqué dans la tolérance.

6.M.  Diakite(Mauritanie) dit que le Gouvernement a mené d’importantes réformes économiques, sociales et politiques qui ont permis d’obtenir des résultats significatifs en matière de promotion et d’autonomisation des femmes. Des campagnes de sensibilisation ont encouragé les femmes à se présenter à des mandats électifs, et ont contribué à accroître leur représentation au Parlement et au sein des conseils régionaux et municipaux et du Gouvernement. Grâce à l’organisation d’un concours spécifique, 50 femmes ont pu accéder à l’École nationale d’administration, de journalisme et de magistrature. De nombreux projets ont été menés pour promouvoir les droits des femmes et leur autonomisation, notamment par l’accès à la terre ; certains ont été financés par la Banque mondiale. Les questions de genre sont prises en considération dans la Stratégie de croissance accélérée et de prospérité partagée pour la période 2016-2030.

7.Le projet de loi-cadre de lutte contre les violences basées sur le genre, élaboré en application des recommandations issues de l’Examen périodique universel, a été examiné par le Parlement et est en cours de réexamen par le Gouvernement. Il prévoit la reconnaissance des droits des femmes victimes de violences, la mise en place d’un système de protection institutionnelle, le renforcement du droit pénal et la prise en charge des victimes, et devrait permettre aux organisations non gouvernementales (ONG) de se constituer partie civile dans les affaires de violences fondées sur le genre.

8.La prochaine enquête sur la santé aura lieu à la fin 2019 ou au début de 2020, et permettra de disposer de données statistiques. Le Gouvernement a élaboré un plan de développement de la santé, articulé autour du renforcement de la gouvernance sanitaire, de l’accélération de la réduction de la morbidité et de la mortalité maternelles, de la lutte contre les maladies transmissibles et non transmissibles, et du renforcement du système de santé en vue de la mise en place d’une couverture universelle. Au niveau national, 172 médecins spécialistes ont été recrutés, ainsi que 385 médecins généralistes et plus de 2 500 autres professionnels de santé ; 102 postes de santé, 104 centres de santé, 8 hôpitaux et 5 écoles de santé ont été construits ; et 300 postes de santé, 81 centres de santé et 22 hôpitaux ont reçu de nouveaux équipements. La couverture sanitaire a évolué de façon homogène. Des structures interrégionales ont été mises en place et des hôpitaux multidisciplinaires, des pôles mère-enfant et des centres spécialisés en cardiologie et en neuropsychiatrie ont vu le jour. L’assurance maladie a été renforcée, et les personnes travaillant dans le secteur informel ont maintenant la possibilité de bénéficier d’une couverture maladie. Les capacités de la centrale d’achat de médicaments ont été renforcées. Le taux d’utilisation des services de santé est de 60 %, la couverture des services de 83 % et le taux d’accouchements assistés de 74 %. La couverture vaccinale par le BCG a progressé.

9.M.  Santos Pais s’enquiert de nouveau du projet de loi sur le code du statut personnel. Il réclame à nouveau des statistiques sur la composition ethnique du pays, et souligne que disposer de telles données est indispensable si l’on veut pouvoir mettre en place des mesures d’action positive. Des données statistiques solides sont également nécessaires pour pouvoir lutter contre l’esclavage et les violences fondées sur le genre. M. Santos Pais dit qu’il suppose que la loi sur les violences fondées sur le genre qui est en cours d’élaboration donnera une définition du viol, et demande des informations sur les structures d’aide aux victimes.

10.M. Santos Pais prend note de l’adhésion de la Mauritanie à la Convention contre la torture et se félicite de l’adoption de la loi no 2015-033 relative à la lutte contre la torture, qui intègre la définition de la torture figurant dans la Convention, et de la loi no 2015-034 nstituant un mécanisme national de prévention de la torture. Il observe toutefois que l’article 9 de la loi relative à la lutte contre la torture donne aux autorités compétentes la possibilité d’enquêter lorsqu’il existe des motifs raisonnables de croire que des actes de torture ou des mauvais traitements ont été commis dans leur juridiction ou qu’on a tenté de les commettre, mais qu’il ne crée pas de droit pour les victimes de porter plainte, contrairement à ce que prévoit la Convention. Selon des informations, les prisonniers de droit commun, mais aussi les personnes arrêtées pour des motifs politiques ou liés au terrorisme, seraient toujours soumis à la torture, notamment pendant la garde à vue, les interrogatoires ou les transferts, et les personnes placées en garde à vue n’auraient souvent pas accès à un avocat, et risqueraient donc davantage d’être torturées, de subir des mauvais traitements ou d’être forcées à signer un procès-verbal sans le lire, et n’auraient pas toujours la possibilité de voir un médecin ou de communiquer avec leurs proches. La délégation est invitée à commenter ces informations, et à répondre aux allégations selon lesquelles les magistrats ne tiendraient pas toujours compte des griefs des personnes qui disent avoir été torturées et ne prendraient pas de sanctions appropriées, même lorsque les plaintes sont portés à leur connaissance par la Commission nationale des droits de l’homme, et exerceraient, en dépit de la loi, un pouvoir discrétionnaire pour apprécier la recevabilité des preuves obtenues par la contrainte.

11.M. Santos Pais invite la délégation à donner des exemples de cas d’inobservation des garanties juridiques fondamentales qui auraient donné lieu à des sanctions disciplinaires ou à des poursuites pénales. Il demande si des détenus ont pu former un recours en habeas corpus ou ont eu accès à un autre mécanisme leur permettant de contester la légalité de leur détention. Si l’accès à un conseil est garanti par la loi, il semble que dans la pratique il ne soit possible de s’entretenir avec un avocat qu’après la première prolongation de la garde à vue, soit après quarante-huit heures dans les affaires de droit commun et soixante-douze heures dans les affaires de stupéfiants, et à condition que le Procureur donne son accord. La délégation est invitée à commenter cette information, et à dire si l’obligation d’enregistrer tous les détenus est respectée. M. Santos Pais observe que la durée de la garde à vue est fixée à quarante-huit heures renouvelables, mais qu’en vertu de l’article 56 du Code de procédure pénale, seuls les jours ouvrables sont pris en compte, ce qui a pour effet de prolonger la durée de la garde à vue. Il invite la délégation à donner des explications à ce sujet, et aussi à donner des précisions sur le rôle de contrôle de la durée et des conditions de garde à vue qu’exerce le Parquet et notamment à indiquer si cette fonction s’applique à tous les lieux de détention, quelle est la fréquence des contrôles, et si des anomalies ont été constatées. Il demande s’il existe un mécanisme de collecte systématique des données relatives à la détention qui permette de contrôler la durée des gardes à vue et des détentions provisoires, et, le cas échéant, quelle autorité est chargée d’exercer ce contrôle et à quel niveau. Il souhaiterait savoir si l’État partie envisage de mettre en place la fonction de juge d’application des peines, afin de permettre le suivi effectif de tous les détenus condamnés, y compris les condamnés à mort.

12.M. Santos Pais demande où en est l’examen de la législation relative au terrorisme, combien d’affaires de terrorisme sont pendantes devant les juridictions et quels sont les chefs d’accusation retenus. Il observe que l’article 23 de la loi no 2010-35 relative au terrorisme permet de placer une personne en garde à vue pendant quarante-cinq jours sans la présenter devant un juge et sans que l’intéressé puisse contester la légalité de sa détention. Il demande si cette disposition constitue une dérogation à l’article 57 du Code de procédure pénale, qui fixe la durée de la garde à vue à quarante-huit heures renouvelables, et si les personnes détenues dans ce contexte ont accès à un avocat. Il s’inquiète que, bien que la loi relative à la lutte contre la torture interdise la détention au secret, cette pratique semble tout de même avoir cours, notamment dans les affaires de terrorisme, et que les personnes concernées n’auraient pas accès à un juge ou à un conseil et ne pourraient pas communiquer avec leurs proches. Il demande si des plaintes ont été déposées pour de tels faits, si des enquêtes ont été menées et, le cas échéant, quelle en a été l’issue.

13.M. Santos Pais demande quelles mesures de substitution à la détention provisoire existent, quel est le taux d’utilisation de ces mesures, quel contrôle est exercé en ce qui concerne la durée de la détention provisoire et quelle autorité exerce ce contrôle, si des cas de dépassement de la durée de détention provisoire ont été constatés et quelles sanctions ont été prononcées le cas échéant, et combien d’enfants se trouvent en détention provisoire.

14.M me Tigroudja se joint à M. Santos Pais pour souligner l’importance des statistiques, et notamment des statistiques ethniques, et dit qu’il sera très difficile de lutter contre l’exclusion politique dont souffrent les femmes haratines et les femmes négro-africaines si l’on ne dispose pas d’une vision claire de la composition ethnique du pays. Mme Tigroudja salue les progrès réalisés par la Mauritanie dans la lutte contre la torture. Elle souhaiterait cependant obtenir de plus amples informations à ce sujet et invite la délégation à fournir des données chiffrées sur la mise en œuvre de la loi no 2015-033 relative à la lutte contre la torture, et notamment sur le nombre de plaintes déposées et d’enquêtes ouvertes, et sur l’issue de ces enquêtes, les condamnations prononcées et les réparations accordées aux victimes et à leur famille. Elle rappelle que les hommes et les femmes ne se voient pas infliger le même type de torture et demande si les programmes de formation et de sensibilisation des forces de l’ordre à la lutte contre la torture intègrent les questions de genre. Elle demande à la délégation d’expliquer comment s’organise l’accès des personnes détenues à un médecin, et si des observations concernant leur état de santé sont consignées dès le début de la privation de liberté. Elle précise que cette question recoupe celle de l’irrecevabilité des preuves obtenues par la contrainte ou la torture, l’existence d’actes de torture étant bien plus difficile à prouver sans examen médical.

15.Mme Tigroudja demande comment s’exerce la présidence du Conseil supérieur de la magistrature par le Président de la République, et s’inquiète de la compatibilité de cette présidence avec les objectifs d’indépendance de la justice et d’inamovibilité des magistrats. Elle s’enquiert des mesures prises par l’État partie pour garantir les droits de la défense, notamment l’accès effectif à un avocat et l’accès à un interprète lorsque cela est nécessaire compte tenu de la gravité des peines encourues. Elle invite la délégation à préciser si les cas d’usage excessif de la force par la police, à l’occasion de manifestations d’opposants politiques ou de défenseurs des droits de l’homme, ont donné lieu à des enquêtes, et dans l’affirmative, à présenter des données statistiques sur ces enquêtes et leur issue. Elle souhaite savoir où en est le projet de loi relative aux associations et s’il est conforme au Pacte. Elle demande comment l’État partie préserve la liberté de la presse.

16.M.  Fathalladit que l’article 79 de la loi no 2018-024 du 21 juin 2018 portant code général de l’enfance semble subordonner l’interdiction des châtiments corporels sur les enfants à deux conditions : ces châtiments doivent être infligés de manière répétée et « intentionnellement », « par un fonctionnaire ou toute autre personne agissant à titre officiel, ou à son instigation, ou avec son consentement exprès ou tacite ». De plus, selon l’article 15 de cette même loi, l’interdiction s’applique uniquement aux châtiments corporels qui mettent en danger la santé physique ou mentale de l’enfant. Elle n’a donc pas un caractère général. Les châtiments corporels ne sont pas expressément interdits dans le cadre familial et sont considérés par certaines communautés comme une pratique normale, fondée sur la tradition. Ils peuvent en outre être utilisés pour sanctionner certains crimes. M. Fathalla aimerait entendre la délégation sur ce sujet. Il note, au sujet des conditions de détention, que la prison de Dar Naim accueille près de trois fois plus de détenus que sa capacité ne le lui permet et signale que, selon certaines sources d’information, elle ferait face à divers problèmes. Il demande des précisions sur la situation dans cette prison, en particulier sur la rénovation dont elle doit faire l’objet en 2019 et sur les mesures prises pour remédier à la surpopulation carcérale. Il invite la délégation à réagir aux informations selon lesquelles des adultes et des mineurs seraient parfois incarcérés ensemble au nom du regroupement familial, et des maisons seraient prises en location pour servir de lieux de détention. Il relève que le projet de loi sur l’asile a été approuvé par le Ministre de l’intérieur, mais doit encore être adopté par le Conseil des ministres pour pouvoir être soumis au Parlement. Il demande dans quel délai la loi sur l’asile est susceptible d’être promulguée. Il dit que l’authenticité des cartes d’identification délivrées aux réfugiés est parfois remise en question par les policiers, faute de présenter l’emblème national. Par voie de conséquence, les réfugiés courent un risque élevé de placement en détention, voire de refoulement, et leurs droits à l’accès aux services et à l’emploi sont compromis. M. Fathalla demande ce que l’État partie compte faire pour remédier à la situation. Il note que tout réfugié visé par une procédure d’expulsion dispose d’un délai raisonnable lui permettant de se faire admettre dans un autre pays, mais que l’admission dans un autre pays n’est pas un préalable indispensable à l’expulsion. Il dit que, selon certaines informations, l’État partie recourrait régulièrement au refoulement, comme en attesteraient les cas de 43 personnes récemment repoussées à la frontière avec le Sénégal et de quelques centaines d’autres, refoulées pendant la seule période du 20 au 26 juin 2019. Il invite la délégation à indiquer si ces informations sont exactes et à apporter des éclaircissements. Au vu de la loino 61‑112 et de la loi no 2010-023, il croit comprendre que le droit à une nationalité n’est pas garanti à tous les enfants, et que les enfants nés de parents apatrides sont parmi les principaux lésés. Des précisions sur ce point seraient les bienvenues, de même que de plus amples informations sur les dispositions applicables aux époux apatrides de femmes mauritaniennes. M. Fathalla aimerait aussi savoir combien de personnes parmi les 24 536 Mauritaniens rapatriés du Sénégal ont obtenu des documents d’état civil et combien d’autres ont fait l’objet d’un enregistrement biométrique. Il demande si des membres de l’opposition ont participé au décompte des voix aux élections législatives de 2018 et aux élections présidentielles de 2019, car leur participation serait un gage de transparence. Il demande s’il est vrai que les personnes sans document d’identité ne peuvent pas voter, ce qui serait surtout préjudiciable aux Haratines et aux Afro-Mauritaniens. Il réitère la demande d’informations du Comité concernant la représentation des différents groupes ethniques parmi les candidats aux dernières élections législatives. Il accueille avec satisfaction le document de l’État partie, distribué le 3 juillet 2019, selon lequel la Commission électorale nationale indépendante est désormais composée de 11 membres, et non plus de 15, qui sont nommés par le chef de l’État sur proposition des membres de la majorité et de l’opposition. Il demande si cette procédure a été appliquée aux dernières élections présidentielles et, si tel est le cas, combien de candidats ont été proposés par la majorité et par l’opposition respectivement. Il se félicite également que le Président et le Vice-Président de la Commission électorale nationale indépendante soient élus par les membres de cette institution, et non plus par le Président de la République, et demande comment l’autonomie financière de la Commission est assurée.

17.M.  Ben Achour accueille avec satisfaction l’adoption de la loi no 2015-031 portant incrimination de l’esclavage et réprimant les pratiques esclavagistes. Il recommande à l’État partie d’établir et de publier des données statistiques précises et fiables sur l’esclavage, notamment sur l’accès à l’emploi, l’accès à la propriété foncière, l’exploitation sexuelle, l’exploitation à des fins de travail, la dépendance à l’égard des anciens maîtres, et la stigmatisation des personnes concernées. Ces données seront le meilleur moyen de prendre la mesure exacte du problème et d’appliquer efficacement la loi. Elles permettront d’écarter les autres informations, souvent très divergentes et insuffisamment fondées, qui sont diffusées sur le sujet et qui desservent l’État partie. M. Ben Achour regrette que le tableau figurant au paragraphe 100 des réponses de l’État partie ne fasse pas de distinction entre l’esclavage et la traite des personnes, et surtout, qu’il porte à croire que l’esclavage, qui est un crime, ne puisse être réprimé que sous réserve d’un dépôt de plainte. Il demande pourquoi l’Initiative de résurgence du mouvement abolitionniste (IRA Mauritanie), dirigée par Biram Dah Abeid, n’est pas une association reconnue par les autorités. Il recommande à l’État partie d’abolir le crime d’apostasie, qui est contraire au système international des droits de l’homme. Il l’invite également à redoubler d’efforts pour diffuser les dispositions du Pacte et les observations finales du Comité.

18.M me  Brands Kehris demande si la définition du « discours haineux » qui figure dans la loi relative à la cybercriminalité et la loi portant incrimination de la discrimination renvoie uniquement à « l’incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence », conformément à l’article 20 du Pacte, ou si elle a un champ plus large. Elle s’interroge sur la bonne application des dispositions visant à lutter contre les discours haineux, au vu de la condamnation d’Abdallahi Salem Ould Yali pour la publication de messages dénonçant la discrimination raciale dans l’État partie. Elle demande si, dans les affaires d’esclavage, les peines prononcées sont proportionnées à la gravité des faits. Elle relève qu’à défaut de données officielles, il existe des statistiques officieuses concernant la composition ethnique de la population, selon lesquelles la Mauritanie compterait environ 40 % de Haratines, 25 % de Peuls, 5 % de Wolofs, 10 % de Soninkés et 20 % de Maures blancs. Elle aimerait savoir si ces estimations sont exactes. Elle demande comment l’État partie compte mettre en œuvre sa stratégie de lutte contre la discrimination en l’absence de données statistiques ventilées par origine ethnique, et s’il utilise d’autres types de données. Elle invite également la délégation à s’exprimer sur la sous‑représentation des minorités ethniques aux postes électifs et décisionnels. En effet, selon des sources non officielles, il n’y aurait que 3 Haratines et 5 Afro-Mauritaniens parmi les 33 ministres en exercice et moins de 20 membres de ces communautés parmi les 157 députés. Mme Brands Kehris demande quelles mesures l’État partie entend adopter pour assurer la représentation équitable de toutes les composantes nationales dans les fonctions électives, et s’il prévoit de procéder à la collecte de données ventilées par origine ethnique et à des études de la situation des différentes communautés.

19.M.  Quezada Cabrera se félicite que les informations selon lesquelles la police et la gendarmerie ont recours de manière généralisée à la torture et aux mauvais traitements sont infondées, d’après les réponses écrites fournies par l’État partie. Il relève toutefois que deux exemples de décisions rendues par des tribunaux nationaux, qui invalident des aveux supposément obtenus par la torture, sont mentionnés dans le deuxième rapport périodique. Comment l’État partie explique-t-il cette apparente contradiction ? Est-elle due à la non-tenue de registres appropriés ou à une défaillance statistique ? Dans son dernier rapport en date, le Rapporteur spécial sur la question de la torture a fait état des progrès de l’État partie dans la transposition des dispositions internationales contre la torture en droit interne, mais qu’en est-il de l’application effective de ces dispositions ?

La séance est suspendue à 11 h 15  ; elle est reprise à 11 h 40.

20.M.  Ould Moulaye Abdallah (Mauritanie), répondant aux observations selon lesquelles la pratique de la torture par les autorités d’enquête serait monnaie courante et les garanties juridiques fondamentales ne seraient pas suffisamment respectées, dit que le droit de toute personne placée en garde à vue d’être assistée d’un avocat, d’être examinée par un médecin de son choix et de contacter un membre de sa famille est garanti, étant entendu que le droit à l’assistance d’un conseil dans ce contexte ne signifie pas que l’autorité d’enquête est tenue de commettre un avocat d’office, mais que la personne gardée à vue peut faire appel à un conseil de son choix et s’entretenir avec lui autant qu’elle le souhaite. La Convention contre la torture est intégralement incorporée dans la loi no2015-033 relative à la lutte contre la torture, laquelle est appliquée avec toute la diligence voulue. Depuis l’adoption de la loi, les allégations ou plaintes relatives à des actes de torture qui ont été portées à la connaissance des autorités ont systématiquement donné lieu à des enquêtes, administratives ou judiciaires ; quatre enquêtes portant sur des allégations de cette nature sont d’ailleurs en cours. Le principe établi dans le Code de procédure pénale selon lequel les preuves obtenues par la torture ou la contrainte n’ont aucune valeur est dûment appliqué, comme l’attestent plusieurs décisions judiciaires ayant abouti à l’exclusion de déclarations dont il était avéré, ou seulement allégué, qu’elles avaient été obtenues par la torture.

21.Le cadre réglementaire général de la garde à vue est fixé par le Code de procédure pénale, qui prévoit toutefois expressément que ses dispositions en la matière ne concernent pas les infractions terroristes ni les atteintes à la sûreté de l’État, lesquelles font l’objet d’un cadre juridique distinct établi par la loi no 2010-035 relative à la lutte contre le terrorisme. Une étude diagnostique de cette loi a été réalisée avec l’assistance du bureau régional de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, dont les conclusions seront prises en considération dans l’éventualité d’une révision de ce texte. Toutes les prisons sont pourvues d’un registre d’écrou dans lequel sont consignées les données relatives aux placements en détention. Conformément aux recommandations du mécanisme national de prévention de la torture et d’autres organismes indépendants, une révision de la structure du registre visant à la mettre en conformité avec les normes internationales est en cours. Les commissariats et les brigades de police tiennent également à jour un registre des gardes à vue qui doit être régulièrement visé par le procureur. Celui-ci est par ailleurs tenu d’effectuer des visites, régulières ou inopinées, dans les commissariats afin de vérifier les conditions de détention des personnes gardées à vue. À l’heure actuelle, 39 personnes sont détenues en lien avec des infractions terroristes : trois à titre préventif, pour des infractions de moindre gravité (connivence, appartenance à une organisation terroriste), les autres après avoir été condamnées. À la connaissance de la délégation, il n’existe sur le territoire mauritanien aucun lieu de détention secret.

22.Des mesures de substitution à la détention provisoire sont prévues dans le Code de procédure pénale, aux termes duquel le placement en détention provisoire doit être une mesure de dernier recours, principe que s’efforcent de respecter les magistrats. Des mesures de substitution à l’emprisonnement telles que le placement sous surveillance électronique et la libération conditionnelle existent également ; depuis 2016, 475 personnes en ont bénéficié. Les dernières statistiques disponibles indiquent que 53 enfants sont actuellement détenus dans des centres fermés, dont 12 après condamnation. L’emprisonnement n’est prononcé qu’en dernier recours et pour des infractions particulièrement graves, et les enfants détenus à titre préventif dans ce type d’établissements n’y restent généralement que le temps nécessaire pour leur trouver une structure d’accueil adéquate. Selon ces mêmes statistiques, 27 mineurs vivent dans des centres ouverts ou semi-ouverts où ils ont accès à divers cours et formations et ont la possibilité de suivre des études à l’extérieur et de passer des week-ends en famille.

23.Le Conseil supérieur de la magistrature s’occupe de l’ensemble de la gestion de la carrière des magistrats − nomination, avancement, péréquation. Il est présidé par le Président de la République, et le Ministre de la justice contribue à la préparation de ses travaux, mais ni l’un ni l’autre n’assistent à ses séances lorsqu’il statue en tant que conseil de discipline des magistrats, auquel cas il est présidé par le Président de la Cour suprême lorsque le magistrat poursuivi est un magistrat du siège, et par le Procureur général près la Cour suprême lorsque le magistrat poursuivi est un magistrat du Parquet. L’inamovibilité est un principe consacré à la fois par la Constitution et par le Statut de la magistrature. Les magistrats du siège ne peuvent être déplacés qu’à leur propre demande ou pour nécessité majeure de service, lorsque des postes laissés vacants doivent impérativement être pourvus.

24.Les obstacles pratiques tels que l’éloignement qui peuvent entraver l’accès à un avocat dans certaines régions du pays ne se posent pas dans le cas des personnes poursuivies du chef d’infractions terroristes car elles sont détenues à la Prison centrale de Nouakchott, sous la responsabilité du pôle antiterrorisme du Parquet et du Ministère de l’intérieur, et jugées par la Cour criminelle de Nouakchott-Ouest, seule juridiction compétente pour connaître des affaires de terrorisme. Un ambitieux programme de rénovation et d’agrandissement du parc pénitentiaire a été lancé en 2007, qui a notamment donné lieu à la construction des prisons d’Aleg, de Nouadhibou, de Birmougrein, et de Nbeika, achevée en 2019, ainsi qu’à la rénovation de plusieurs prisons héritées de l’époque coloniale, dont celle de Rosso. La réhabilitation de la prison de Dar Naim, particulièrement vétuste et surpeuplée, a été reportée car il fallait d’abord la désengorger. La construction de la nouvelle prison de Nbeika, d’une capacité de 700 places, venant de s’achever, le transfert des prisonniers de Dar Naim va pouvoir être organisé et les travaux de réhabilitation être lancés. Sept maisons louées par l’État pour servir de lieux de détention existent encore (elles étaient 11 en 2016), mais elles n’accueillent pour la plupart que 10 détenus au plus. Seule celle de Sélibaby a atteint un taux du surpeuplement sans précédent, d’où la décision de l’État d’en faire un chantier prioritaire. Un appel d’offres sera lancé sous peu à cet effet.

25.L’Agence nationale du registre des populations et des titres sécurisés élabore actuellement un avant-projet de loi sur l’apatridie, mais les dispositions du Code de la nationalité en vigueur prévoient que tout enfant né en Mauritanie de parents de nationalité inconnue est automatiquement mauritanien, de même que tout enfant dont l’un des parents est mauritanien et l’autre est de nationalité inconnue. Tout l’arsenal juridique nécessaire pour réprimer l’esclavage et assurer une réparation aux victimes existe. Le droit de porter plainte n’est pas réservé aux victimes et peut être exercé par des organisations de la société civile se constituant partie civile. La loi contre l’esclavage prévoit en outre que tout officier de la police judiciaire ayant connaissance de faits d’esclavage qui ne prend pas les mesures voulues s’expose à des poursuites. Aux termes de l’article 2 de la loi no 2018-023, le discours haineux s’entend de toute déclaration publique qui menace, insulte, ridiculise ou méprise un groupe à cause de sa race, de sa couleur, de son origine ethnique, de sa nationalité, de sa foi, de son handicap ou de son sexe. Abdallahi Salem Ould Yali n’a pas été poursuivi pour avoir dénoncé de tels actes, mais pour avoir appelé publiquement à la guerre civile entre différentes communautés du peuple mauritanien.

26.M.  Ould Jedou(Mauritanie) dit que des modifications ont été apportées aux dispositions régissant le fonctionnement de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) en 2018 en vue de favoriser une représentation plus équitable des partis de l’opposition parmi ses membres. Il n’est pas possible de modifier la composition de la CENI avant le terme du mandat de ses membres actuels, qui est de cinq ans.

27.L’avant-projet de loi sur l’asile, qui est à l’étude depuis plusieurs années et a fait l’objet de consultations avec les différents ministères concernés, la société civile et le secteur privé, devrait être prochainement approuvé par le Gouvernement. Il intègre tous les principes énoncés dans la Convention relative au statut des réfugiés, notamment le principe du non-refoulement. À l’heure actuelle, le respect de ce principe est garanti par le décret no 2005-022 fixant les modalités d’application, en Mauritanie, des conventions internationales relatives aux réfugiés, qui prévoit que « le bénéficiaire du statut de réfugié ne peut faire l’objet de mesures d’expulsion du territoire que pour des raisons de sécurité ou s’il est condamné à une peine privative de liberté pour des faits qualifiés de crime ou de délit » (art. 9), et que « [s]auf pour raison impérieuse de sécurité nationale ou d’ordre public, l’expulsion ne peut être prononcée qu’après avis de la Commission nationale consultative sur les réfugiés devant laquelle l’intéressé sera admis à présenter sa défense ». La procédure d’exécution d’une décision d’expulsion devenue définitive prévoit qu’un délai raisonnable est accordé à l’intéressé pour lui permettre de se faire admettre dans un autre pays, et, lorsqu’il existe un risque de torture dans le pays d’origine du réfugié, l’exécution de la décision d’expulsion est suspendue jusqu’à ce que les services compétents, en coordination avec le Haut-Commissariat pour les réfugiés, détermine une autre destination où l’intéressé ne risquera pas d’être soumis à la torture.

28.M. Ould Jedou dit qu’à la date de clôture de l’opération de rapatriement des Mauritaniens réfugiés au Sénégal plus de 24 000 personnes avaient été enregistrées à l’état civil, mais que d’autres réfugiés se sont présentés à l’état civil par la suite et que, d’après les statistiques les plus récentes dont dispose le Ministère de l’intérieur, le nombre de rapatriés s’établit actuellement à 57 000.

29.L’Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA) est une organisation qui, par sa composition ethnique exclusive, est contraire à la loi de 1964 relative aux associations, qui interdit la constitution d’organisations de la société civile sur des bases ethniques ou raciales. C’est la raison pour laquelle elle ne peut pas être reconnue. Un avant-projet de loi sur les associations a été élaboré il y a quelques années, dont le texte prévoit d’assouplir le système d’enregistrement des associations en le remplaçant par un régime fondé sur une simple déclaration et d’habiliter les autorités locales à délivrer des autorisations aux associations.

30.M.  Ould Bobacar (Mauritanie) dit que la Mauritanie s’est dotée d’un cadre juridique régissant la tenue des manifestations qui tient compte de la nécessité de maintenir l’ordre public et de garantir l’exercice du droit d’organiser des rassemblements et d’y participer. Dès 2015, un nombre considérable de manifestations ont été organisées (195 en 2017 et 158 en 2018) dans le pays. Toutes ont été autorisées et encadrées par les forces de l’ordre et, de manière générale, aucune n’a donné lieu à de graves débordements, contrairement à ce qui s’est produit dans d’autres pays de la sous-région.

31.Depuis quelques années, des efforts soutenus sont déployés pour recruter davantage de femmes dans l’armée, dans la gendarmerie et dans la police. Dans le cadre d’un projet de lutte contre la violence à l’égard des enfants et des femmes, des commissariats de police spécialisés dans l’accueil des victimes ont été créés ; ils sont dirigés par des femmes. Le personnel de ces structures a bénéficié d’une formation spéciale portant notamment sur la législation relative à la protection de l’enfance et de la femme. En outre, afin de s’inspirer de l’expérience d’autres pays dans ce domaine, la Mauritanie a entamé une collaboration avec l’Espagne, pays dont la législation relative à la protection des femmes et des enfants victimes de violence est considérée comme un exemple à suivre dans l’Union européenne. Dans le cadre d’un projet financé par l’agence espagnole de coopération, des fonctionnaires mauritaniens ont suivi une formation sur la prise en charge des victimes, et des procédures spéciales régissant l’enregistrement des plaintes et l’accueil des femmes et des enfants victimes de violence seront mises en place dans les commissariats spécialisés récemment créés. En collaboration avec l’Allemagne, des formations seront organisées pour que ces procédures puissent être appliquées pour prendre en compte d’autres groupes vulnérables, comme les personnes présentant un handicap mental ou physique.

32.La Mauritanie s’est dotée d’une législation réglementant l’accès au territoire et l’éloignement des étrangers en situation irrégulière. Pour obtenir une autorisation de séjour, les étrangers doivent passer par l’un des 53 postes frontières du pays et remplir les formalités requises, notamment se soumettre à la saisie de données biométriques les concernant. Les étrangers en situation irrégulière sont placés dans l’un des deux centres de détention pour migrants que compte le pays, qui sont situés respectivement à Nouakchott et à Nouhadibou. Ces centres ont été régulièrement visités par des fonctionnaires du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et de l’Organisation mondiale pour les migrations, qui les ont jugés conformes aux normes en la matière. La durée moyenne du séjour dans ces centres est de moins de vingt-quatre heures et seule une centaine d’étrangers ont été refoulés. Enfin, toute personne placée en garde à vue doit obligatoirement être examinée par un médecin, et la date et l’heure de la visite médicale sont consignées dans le registre du commissariat, qui est régulièrement consulté par les autorités judiciaires.

33.M.  Diakité (Mauritanie) dit que la loi no 2001-052 portant code du statut personnel est sans doute l’un des textes les plus importants de la législation interne car il a permis aux femmes d’accéder à différents domaines de la vie politique. Les avancées réalisées en matière de protection de la famille, de la femme et de l’enfant ont rendu nécessaire l’actualisation de cette loi et sa mise en conformité avec les instruments internationaux ratifiés par la Mauritanie. Dans sa déclaration de politique générale, le Premier Ministre a annoncé que cette loi ferait l’objet d’une révision et une consultation a été lancée à cette fin.

34.Les articles 79 et 80 de la loi no 2018-024 portant code général de protection de l’enfanceinterdisent d’infliger des actes de torture et des traitements cruels, inhumains ou dégradants à un enfant, et l’article 136 de ladite loi interdit les châtiments corporels et toute sanction susceptible de porter préjudice à la santé physique ou mentale d’un mineur privé de liberté. Plusieurs séminaires de sensibilisation à cette interdiction ont été organisés à l’intention des forces de l’ordre.

35.M me Brands Kehris  invite la délégation à répondre ultérieurement par écrit à la question qu’elle a posée sur les mesures prises pour assurer une représentation équitable de toutes les composantes de la population dans les organes électifs, et à fournir des statistiques ventilées par appartenance ethnique sur la composition de ces organes. Elle tient tout particulièrement à recevoir une réponse à sa question concernant les intentions de l’État partie en ce qui concerne l’abrogation de la loi no 93-23 de 1993 portant amnistie et les mesures qu’il compte prendre pour lutter contre l’impunité, établir la vérité sur les violations perpétrées de 1989 à 1991 et assurer une réparation complète aux victimes ou à leur famille. À ce propos, elle aimerait savoir si l’État partie envisage de mettre sur pied une commission indépendante telle qu’une commission Vérité et Réconciliation afin d’accélérer le processus de réparation.

36.M me Tigroudja souhaiterait recevoir une réponse à sa question concernant les mesures prises pour garantir l’accès effectif à un avocat dès le début de la garde à vue, en particulier lorsque la personne arrêtée est soupçonnée d’une infraction emportant la peine de mort et qu’elle est détenue dans un lieu éloigné de la capitale. Il serait utile de savoir comment l’État partie garantit concrètement l’accès des suspects à un médecin dès le début de leur garde à vue. Un complément d’information sur la représentation des femmes dans les affaires publiques serait bienvenu car, d’après les informations dont le Comité dispose, la représentation des femmes ne serait plus une priorité de l’État. Enfin, la délégation est invitée à fournir davantage de renseignements sur les mesures prises pour garantir la conformité de l’avant-projet de loi sur les associations avec l’article 22 du Pacte.

37.M.  Santos Pais souhaiterait connaître le pourcentage d’affaires dans lesquelles des mesures de substitution à la détention ont été prononcées, et prie la délégation de répondre à sa question sur les cas de non-respect de la durée légale de la garde à vue et sur les sanctions éventuelles prononcées contre les contrevenants. Relevant que les membres du Parquet et les magistrats du siège sont habilités à ouvrir des poursuites d’office lorsqu’ils ont connaissance de faits de torture mais que, dans la pratique, ils refuseraient de donner suite aux allégations dont ils sont saisis, M. Santos Pais voudrait savoir ce qui est fait pour garantir que toute information relative à des faits de torture donne lieu à une enquête. Il souhaiterait en outre recevoir des renseignements sur les mesures prises pour que les personnes soupçonnées de terrorisme qui sont placées en garde à vue aient immédiatement accès à un avocat. Enfin, il précise que sa question sur la tenue des registres dans les commissariats de police portait sur la comptabilisation des jours non ouvrables en cas de placement en garde à vue. En effet, d’après des informations dont dispose le Comité, lorsqu’une personne est arrêtée un vendredi, sa garde à vue n’est inscrite dans le registre que le lundi matin, ce qui appelle des explications de l’État partie.

38.M.  Fathalla souhaiterait recevoir une réponse à sa question concernant le fait que, dans certaines communautés, les châtiments corporels sont considérés comme une pratique légitime car fondée sur la tradition. Il aimerait également recevoir des informations sur les exceptions au principe de la séparation des détenus mineurs des détenus adultes, qui seraient faites sous prétexte de regroupement familial, ainsi que sur les mesures prises pour garantir que les enfants abandonnés et les enfants nés hors mariage puissent obtenir la nationalité mauritanienne.

39.M.  Ben Achour prie la délégation d’indiquer combien de magistrats siégeant dans des juridictions supérieures tels que les cours d’appel et les cours de cassation ont suivi leur formation dans une faculté de droit et combien d’entre eux ont étudié dans un établissement religieux. Réagissant aux explications fournies par la délégation au sujet du rejet de la demande d’autorisation de l’association IRA Mauritanie, qui aurait été motivé par le fait que celle-ci est composée exclusivement de personnes appartenant à un seul groupe racial, M. Ben Achour souligne que le but de cette association est de défendre les droits d’une minorité raciale, ce qui n’est absolument pas contraire au principe de non-discrimination consacré par la Constitution et par le Pacte.

40.M.  Muhumuza Laki espère que la délégation fera parvenir ultérieurement des renseignements sur la question de l’esclavage, qu’elle n’a pas traitée.

41.M.  Ould Sidi (Mauritanie) assure le Comité que la délégation lui fera parvenir les réponses demandées aux questions restées en suspens dans les quarante-huit heures. La Mauritanie examinera attentivement les observations finales que le Comité rendra publiques à la fin de la session en cours et tiendra pleinement compte des recommandations qui y seront formulées.

42.La Présidente  se félicite du dialogue franc et constructif que le Comité a eu avec la délégation mauritanienne. Elle espère que la composition de la délégation qui viendra présenter le troisième rapport périodique de l’État partie sera plus équilibrée pour ce qui est de la représentation des sexes.

La séance est levée à 13 heures.