NATIONS UNIES

CCPR

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr.GÉNÉRALE

CCPR/C/SR.248726 octobre 2007

Original: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME

Quatre-vingt-onzième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 2487e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le mercredi 17 octobre 2007, à 15 heures

Président: M. RIVAS POSADA

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE (suite)

Quatrième rapport périodique de la Jamahiriya arabe libyenne

La séance est ouverte à 15 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE (point 6 de l’ordre du jour) (suite)

Quatrième rapport périodique de la Jamahiriya arabe libyenne (CCPR/C/LBY/4; CCPR/C/LBY/Q/4; HRI/CORE/1/Add.77; réponses écrites de la Jamahiriya arabe libyenne, document sans cote distribué uniquement en arabe)

1. Sur l’invitation du Président, les membres de la délégation de la Jamahiriya arabe libyenne prennent place à la table du Comité.

2.M. ABUSEIF (Jamahiriya arabe libyenne), présentant le quatrième rapport périodique de son pays (CCPR/C/LBY/4), indique que la négation des droits de l’homme fondamentaux et du droit de la population à une participation effective n’est pas seulement une tragédie pour les citoyens individuels, mais peut également nuire à la stabilité politique et sociale, engendrer de la violence ainsi que des conflits. C’est la raison pour laquelle le peuple libyen a adopté la Grande Charte verte des droits de l’homme en 1988 ainsi que la loi relative à la promotion de la liberté, transposant ses dispositions en loi, en 1991. Les Libyens et Libyennes jouissent désormais de droits égaux. Ils ont le droit de créer des syndicats et d’autres associations afin de protéger leurs droits dans le domaine du travail, et bénéficient d’une liberté d’opinion et d’expression. Le pouvoir judiciaire est indépendant et tout citoyen libyen peut exercer le droit d’ester en justice. Le droit de travailler, le droit à un logement convenable et le droit à la vie sont garantis. La peine de mort ne peut être imposée que dans des cas de qisas (loi du talion) ou lorsqu’une personne représente une menace permanente pour la société. De la même manière, seuls ceux qui sont une menace pour les autres peuvent être privés de leur liberté; par ailleurs, un accusé est présumé innocent jusqu’à ce que sa culpabilité ait été établie par un tribunal. En outre, la loi interdit de soumettre les accusés à toute forme de torture mentale ou physique voire à un traitement cruel ou dégradant. La loi confère à tous les Libyens le droit à une protection de leur vie privée et à la jouissance des fruits de leur labeur; la propriété privée est inviolable.

3.Son Gouvernement a pris des mesures déterminées pour l’amélioration de la condition de la femme, leur permettant d’être des acteurs à part entière du processus de développement. Les femmes occupent des postes à responsabilité dans les sphères politique, économique et sociale, ainsi qu’au sein du corps diplomatique, du pouvoir judiciaire, de la police et des forces armées. Les enfants libyens jouissent eux aussi d’une protection spéciale, puisque les châtiments corporels et toutes les formes de torture ainsi que de mauvais traitement à leur encontre sont interdits par la loi. Ils bénéficient en outre de soins de santé généralisés et d’un enseignement gratuit.

4.Les droits de l’homme constituant la thématique principale des religions révélées sont inaliénables. La charia garantit les droits de l’homme à travers un cadre cohérent et exhaustif applicable partout et en tout temps. En ce qui concerne l’héritage, la recommandation du Coran stipulant que la part d’un homme doit équivaloir au double de celle d’une femme n’est pas une règle générale et ne s’applique que dans un cas limité de cas. Trois critères de base sont pris en considération à cet égard. Le premier porte sur le degré de parenté avec le défunt: plus le degré de consanguinité est important, plus la part d’un héritier homme ou femme est importante. Le deuxième critère est d’ordre générationnel, la priorité étant accordée à la plus jeune génération, quel que soit le sexe, sur la base du principe selon lequel la charge de responsabilité d’un plus jeune héritier sera plus importante que celle d’un membre de la plus ancienne génération. Dès lors, la fille du défunt est censée hériter davantage que la mère ou le père du défunt, même si elle est encore en bas âge. Le troisième critère, à savoir la charge financière à supporter par l’héritier masculin vis-à-vis d’autres parties, est le seul nécessitant une distinction entre les hommes et les femmes. Toutefois, il n’implique aucune répercussion négative pour la femme. C’est en effet le contraire en général.

5.M. AL JETLAW (Jamahiriya arabe libyenne), répondant à la première question de la liste des points à aborder (CCPR/C/LBY/Q/4), indique que le contenu du Pacte fait partie de l'héritage islamique de son pays depuis plus de 1 400 ans. La législation nationale libyenne est donc conforme aux dispositions du Pacte à moins que celles-ci soient en contradiction avec la charia, une approche basée sur le principe de la liberté de croyance et de culte garantie par le Pacte.

6.M. ABUSEIF (Jamahiriya arabe libyenne), répondant à la question 2, précise que les conclusions du Comité ont été communiquées aux parties concernées afin qu’elles puissent prendre les mesures requises. Quant à la communication n° 1107/2002, le consulat libyen au Maroc a délivré un passeport à Mme Loubna El Ghar. Aucune information n’est disponible à ce stade sur la communication n° 440/1990 (Youssef El-Megreisi c. Jamahiriya arabe libyenne).

7.M. AL MAJDOUB (Jamahiriya arabe libyenne), faisant référence à la question 3, précise que l’autorité législative libyenne a adopté une politique imposant des sanctions pénales plus strictes en cas de violence contre les femmes. Cette politique transparaît dans les articles 390 à 395 du Code pénal relatif à l’avortement, les articles 407 et 408 érigeant en infraction le viol, l’article 416 érigeant en infraction la prostitution forcée et l’article 411 érigeant en infraction le mariage par enlèvement. Les mauvais traitements infligés par un mari à sa femme sont punissables au titre des articles 396 à 398 du Code.

8.M. AL JETLAWI (Jamahiriya arabe libyenne), répondant à la question 4, indique que la loi n°70 de 1973 relative à l’adultère est basée sur le Coran. Une société licencieuse est incompatible avec le particularisme culturel ainsi qu’avec la liberté de croyance et de culte. La virginité des femmes et filles est uniquement vérifiée lorsqu’elles ont été victimes de viols. Des établissements de réadaptation sociale réservés aux victimes de violence de sexe féminin ont été créés pour protéger les filles et les préserver des éventuelles attaques de proches imputables à une réaction sociale. Il s’agit en fait de centres d’assistance sociale et non de centres de détention; par ailleurs, la loi garantit aux filles le plein exercice de leurs droits.

9.M. ABUSEIF (Jamahiriya arabe libyenne) précise avoir répondu à la question 5 sur l’héritage dans sa déclaration liminaire. Il souhaite simplement affirmer à nouveau que les injonctions stipulées dans le Coran ne font l’objet d’aucun amendement, d’aucune exemption ou extension.

10.M. MARKUS (Jamahiriya arabe libyenne), répondant à la question 6, déclare que la loi n°10 de 1984 relative au mariage et au divorce garantit aux femmes une totale égalité en cas de demande de divorce motivée par l’abandon du domicile conjugal ou des violences familiales. Les femmes ont en outre le droit au khul (divorce à la demande de la femme).

11.M. DERBI (Jamahiriya arabe libyenne), répondant à la question 7, indique que la législation de son pays en matière de lutte contre le terrorisme repose sur le chapitre premier du Code pénal, la loi de 1967 régissant les armes, munitions et explosifs ainsi que la loi n°7 de 1981 concernant le port d’armes, de munitions et d’explosifs, ainsi que la loi n°13 de 1993 relative au vol avec violence, lesquelles érigent toutes en infraction le terrorisme individuel, de groupe et d’État. Il signale qu’aucune définition du terrorisme n’a encore été convenue à l’échelon international et que chaque État tend à adopter une approche différente pour traiter ce problème.

12.M. AL JETLAWI (Jamahiriya arabe libyenne), faisant référence à la question 8, souligne qu’au cours des cinq dernières années la peine de mort n’a été imposée qu’en cas d’homicides prémédités. La peine est exécutée par un peloton d’exécution, en application du Code de procédure pénale. Les délibérations sur la liste des peines pouvant faire l’objet d’une peine de mort ne sont pas encore terminées.

13.M. ABUSEIF (Jamahiriya arabe libyenne), répondant à la question 9, indique que son pays n’envisage pas pour l’instant d’abolir la peine de mort.

14.M. AL JETLAW (Jamahiriya arabe libyenne), répondant à la question 10, en rapport avec des cas d’exécutions sommaires, extrajudiciaires ou arbitraires ainsi qu’avec des personnes placées en détention, précise que la Jamahiriya arabe libyenne est un État basé sur la règle de droit, en application de l’article 1er du Code pénal, édictant le principe de nullum crimen, nulla poena, sine lege. Nul ne peut être accusé ou puni sauf sur la base d’une disposition préexistante et d’un décret d’un tribunal de justice. Tous les arrêtés sont publiés et personne n'est mis à mort en l’absence d’une peine de mort.

15.M. AL MAJDOUB (Jamahiriya arabe libyenne), répondant à la question 11, précise que les prisons et le personnel carcéral font l’objet d’un contrôle judiciaire. Des comités composés de membres du ministère public procèdent à des inspections régulières et examinent les plaintes des détenus. Les cas de torture sont considérés comme des violations des articles 337 et 435 du Code pénal, lesquels prévoient des sanctions plus strictes si les actes sont commis par un fonctionnaire. La loi de réforme institutionnelle n°5 de 2005 garantit les droits des détenus, dont le droit de déposerdes plaintes.

16.M. AL JETLAWI (Jamahiriya arabe libyenne), répondant à la question 12, souligne que la flagellation et l’amputation sont des sanctions infligées en cas d’adultère, de vol et de vol avec violence. L’imposition de telles peines est soumise à des conditions très strictes de manière à préserver les droits de l’accusé. En outre, un contrevenant qui s’est repenti est exempt de telles sanctions. La charia est la source de la législation libyenne pertinente.

17.M. DERBI (Jamahiriya arabe libyenne), répondant à la question 13, précise qu’il n’existe pas de centres de détention spécifiques pour les demandeurs d’asile. Toutes les questions liées à l’entrée, au départ ou à la résidence d’étrangers sur le territoire libyen sont régies par la loi n° 6 de 1987. L’article 21 de la loi Promotion de la liberté de 1991 stipule que «la Jamahiriya est un lieu de refuge pour les persécutés et les combattants de la liberté, et aucun réfugié ne peut être livré à une partie quelle qu’elle soit». Le Congrès général du peuple est responsable de l’octroi du statut de réfugié et de décider du traitement réservé aux réfugiés.

18.Les personnes incarcérées dans des centres de détention sont entrées clandestinement dans le pays et sont dans la plupart des cas des migrants sans papiers envisageant d’entrer en Europe.

19.M. AL MAJDOUB (Jamahiriya arabe libyenne) précise que les dispositions régissant les quisas et la diyah (prix du sang) peuvent être invoquées pour prévenir l’imposition de la peine de mort dans le cas d’un homicide volontaire. Les dispositions en question ne sont pas incompatibles avec le Pacte, car elles sont appliquées conformément aux exigences d’un procès équitable et sont basées sur la charia.

20.M. AMOR, Rapporteur de pays, indique regretter la brièveté du rapport et des réponses écrites à la liste des questions de la Jamahiriya arabe libyenne. Le dialogue du Comité avec la délégation sera par conséquent de la plus grande importance puisque les informations qui lui sont parvenues à ce stade émanent d’autres sources.

21.Il demande le statut dévolu au Pacte dans la législation libyenne, et le degré de conformité de la législation nationale et plus particulièrement de la législation sur les successions aux dispositions du Pacte. L’État partie a ratifié le Pacte sans aucune réserve, et il se demande si le traitement des femmes au titre de la charia ainsi que les dispositions sur la loi du talion (qisas) et le prix du sang (diyah) peuvent être jugés conformes aux dispositions du Pacte. Il souhaite savoir si le Pacte jouit du même statut que la Constitution et la Déclaration de 1977 sur l’établissement de l’autorité du peuple ainsi que sa position au sein de la hiérarchie de lois. Il se demande si un plaignant a le droit d’invoquer le Pacte devant un tribunal, si les tribunaux peuvent prononcer des peines sur la base des dispositions du Pacte plutôt que de la législation nationale et, dans ce cas, si la délégation peut fournir des informations spécifiques sur de tels cas.

22.M. SHEARER indique partager la préoccupation de M. Amor quant au manque d’informations fournies par l’État partie. Il demande une clarification sur les activités de l’État partie en réponse aux deux communications mentionnées à la question 2 de la liste des points à aborder: communications n° 1107/2002 (Loubna El Ghar c. Jamahiriya arabe libyenne) et n°440/1990 (Youssef El-Megreisi c. Jamahiriya arabe libyenne), la première concernant une jeune femme libyenne ayant temporairement résidé au Maroc et ayant sollicité une prolongation de son passeport afin de pouvoir poursuivre des études supérieures en Europe. Elle s’est uniquement vu octroyer une prolongation de deux ans, ce qui l’a empêchée d’obtenir une bourse. L’issue de l’affaire a laissé transparaître de graves difficultés de communication entre le Comité et l’État partie.

23.La seconde affaire est bien plus grave et il a été déçu d’entendre la délégation répondre qu’elle ne disposait d’aucun complément d’information à ce sujet. En 1990, l’affaire avait été intentée par le frère de M. El‑Megreisi. M. El-Megreisi avait disparu après son emprisonnement et avait été aperçu vivant en 1992, période à laquelle il a reçu la visite de sa femme en prison. Bien que le Comité ait cherché à obtenir des informations sur l’affaire, et notamment sur les chefs d’accusation contre M. El-Megreisi, sur sa condamnation éventuelle, son lieu de détention et son état de santé, l’État partie n’a pas répondu. Son manque de coopération dans cette affaire a empêché le Comité d’honorer ses obligations au titre du Protocole facultatif au Pacte. Le Comité apprécierait par conséquent un complément d’information.

24.Il attire l’attention de l’État partie sur le fait que, en application des droits du Pacte auxquels on ne peut déroger, l’État partie est tenu d’enquêter sur des violations présumées. Même en l’absence d’un complément d’information, le Comité ne peut être satisfait à moins que l’État partie ne procède à une enquête.

25.Faisant référence à la question 12 de la liste des points à traiter liés aux flagellations et amputations infligées en guise de sanction pour certains délits criminels, il déclare que, malgré le fait que le Comité ait demandé en 1999 que l’État partie abolisse officiellement les flagellations ainsi que les amputations en tant que punitions, le Comité a été informé qu’elles avaient été infligées par l’État partie ces dernières années. La révision du Code pénal se poursuit depuis plusieurs années et il souhaite savoir quand elle prendra fin ainsi que ses répercussions sur ces punitions, lesquelles sont contraires à la doctrine du Pacte de même qu'aux obligations que la Jamahiriya arabe libyenne s’est engagée à honorer.

26.Mme MAJODINA signale que l’examen du Comité se déroule sur la base d’informations inadéquates de la part de l’État partie, ce qui rend son travail particulièrement difficile. En dépit des développements positifs constatés dans le cadre de la promotion de l’égalité entre les sexes, elle reste préoccupée par le traitement des cas de violence domestique au sein du système juridique libyen. Bien que le rapport périodique précise au paragraphe 26 qu’il n’est nullement nécessaire de criminaliser le viol ou les agressions maritales, il ne fournit aucune information précise sur le traitement réservé à ce type de violence. Des informations doivent être communiquées sur le nombre de cas de violence domestiques, les taux de poursuites et condamnations, le nombre de décisions rendues ainsi que les types de peines et d’indemnisation. Elle demande un complément d’information sur les centres de détention pour les femmes, et notamment sur la situation des femmes dans des centres de réhabilitation sociale, qui, selon les ONG, n’ont aucune possibilité de contester leur détention devant un tribunal. Une telle privation de liberté de mouvement, de dignité et de vie privée est incompatible avec les dispositions du Pacte.

27.À propos de la question 8 de la liste des points à aborder, elle déclare qu’aucun détail n’a été communiqué sur les peines précises pour lesquelles une peine de mort peut être imposée au titre du Code pénal révisé. Elle se demande quand le Code révisé sera finalisé. En dépit de la déclaration dans la Grande Charte verte des droits de l’homme précisant que l’État partie a l’intention d’abolir la peine de mort, il ne semble y avoir aucun développement à cet égard. Elle se demande si l’État partie envisage de ratifier le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

28.Sur la question des réfugiés et des demandeurs d’asile, elle déclare que le Comité se réjouit de la mise sur pied d’une nouvelle commission chargée d’élaborer une législation pertinente. Elle est toutefois préoccupée par le fait que de nombreux étrangers, demandeurs d’asile et réfugiés, en particulier d’Afrique subsaharienne, sont systématiquement renvoyés dans des lieux où ils risquent d’être torturés. Il existe en outre des rapports faisant état d’actes de torture sur des réfugiés africains incarcérés dans l’État partie en attendant leur retour dans leur pays d’origine. Elle demande des informations sur les mesures que l’État partie envisage pour mettre sur pied des mécanismes visant à permettre à ces ressortissants étrangers de contester la légalité de leur détention et/ou de leur expulsion.

29.M. O’FLAHERTY demande si l’État partie a mis fin aux pratiques discriminatoires consistant à accorder la garde des enfants aux hommes en cas de divorce, à priver les femmes de leurs droits et à les contraindre à indemniser leurs maris s’ils ont engagé une procédure de divorce et à accorder aux femmes le droit de se marier uniquement avec le consentement de leur tuteur légal.

30.Quant à la question de la lutte contre le terrorisme, il précise que l’État partie a adressé plusieurs rapports au Comité contre le terrorisme des Nations Unies, et il salue la déclaration selon laquelle toutes les activités antiterroristes seront menées dans le total respect de la législation internationale et plus particulièrement la législation relative aux droits de l’homme et le droit humanitaire. Le projet de code pénal comporte des éléments sur le terrorisme; par ailleurs, en ce qui concerne le respect du Pacte, certains points sont source d’inquiétude, en particulier en ce qui concerne l’utilisation ou la menace de la force ou la violence ainsi que la propagation de la propagande, certains types d’associations ou d’entités et les actes de terrorisme par téléphone ou messages en tous genres. En l’absence d’une définition précise des termes «terroriste» et «terrorisme», des dispositions aussi largement définies offrent la possibilité de prendre des mesures contraires entre autres aux droits à la liberté d’association et d’expression. Il se demande si l’État partie a l’intention d’ajouter dans le Code pénal révisé une définition juridique précise du terrorisme. Les pratiques anti-terrorisme en vigueur et leurs révisions sont‑elles suffisamment respectueuses du principe de non-refoulement? Il demande un complément d’information sur les mesures visant à garantir que les lois anti-terroristes respectent les droits non dérogeables consacrés à l’article 4 du Pacte.

31.Il prie la délégation de commenter les allégations selon lesquelles des personnes d’autres pays ont fait l’objet d’une extradition en Jamahiriya arabe libyenne: des citoyens de nationalité libyenne ont été enlevés en Afghanistan et au Pakistan avec l’aide d’autres États et ont été renvoyés en Libye, où au moins cinq d’entre eux sont en détention. Il s’enquiert de la véracité de telles allégations et de la situation de ces personnes le cas échéant. Il demande s’il est exact que les femmes peuvent être détenues pour garantir leur propre sécurité et si elles peuvent être soumises à des tests de stérilisation de force. Il souhaiterait disposer d’informations précises sur la situation des réfugiés et demandeurs d’asile d’Érythrée.

32.M. KHALIL indique que le dialogue entre l’État partie et le Comité doit reposer sur des informations communiquées par l’État partie. Le Comité est déçu de recevoir si peu d’informations et d’apprendre que ses précédentes recommandations, qui cherchaient à aider l’État partie à respecter les dispositions du Pacte, n’ont pas été prises en considération. Il espère que la délégation profitera de la présente réunion pour informer le Comité des initiatives qu’il met sur pied aux fins de la mise en œuvre du Pacte.

33.L’État partie n’a pas fourni les statistiques demandées à la question 10 de la liste des points à aborder: s’il est utile d’en savoir davantage sur la législation pertinente, c’est la mise en œuvre pratique de la législation qui importe. Le Comité a reçu des informations alarmantes de plusieurs sources fiables, dont un rapport de Human Rights Watch, indiquant qu’en janvier 2006 258 détenus ont été placés au secret. Certains d’entre eux sont décédés depuis dans des circonstances mystérieuses. Le Comité apprécierait une réponse à la question 11, en particulier sur les mesures qu’il a prises pour veiller à prévenir toute torture ou maltraitance des prisonniers. Il convient de fournir des statistiques et autres informations sur l’application pratique de la législation pertinente.

34.Mr. SÁNCHEZ CERRO précise que les réponses de l’État partie sont insatisfaisantes, en particulier parce qu’elles n’ont pas permis de déterminer si le Gouvernement a planifié, voire ont même eu la volonté politique de mettre la législation en conformité avec les dispositions du Pacte.

35.Quant à la question 13, un rapport du Haut‑Commissariat pour les réfugiés des Nations Unies (HCR) a affirmé que seul un quart des 12 000 réfugiés et demandeurs d’asile actuellement sur le territoire libyen sont enregistrés auprès du HCR. Il est difficile de savoir comment ces personnes peuvent être protégées, en particulier compte tenu du manque de politiques et structures pertinentes dans l’État déclarant. Il est intéressant de noter que l’État partie n’a signé aucun instrument international concernant les réfugiés ou les demandeurs d’asile; il doit néanmoins s’efforcer de développer une législation et des mécanismes permettant de les protéger. Il demande quelles enquêtes ont été réalisées sur l’affaire des 70 réfugiés d’Érythrée ayant prétendument été torturés à plusieurs reprises en Libye le 8 juillet 2007. Il serait plus particulièrement utile de savoir si les fonctionnaires responsables de ces actes ont été poursuivis ou s’ils le seront.

36.Mme CHANET déclare que depuis que l’État partie a ratifié le Protocole facultatif au Pacte, il est contraint de fournir des détails des mesures prises à la lumière des conclusions du Comité en rapport avec les communications nos 1107/2002 et 440/1990. Elle ne parvient pas à comprendre comment l’État partie peut autoriser les flagellations et l’amputation au titre de la charia étant donné que ces pratiques sont en violation directe avec les dispositions du Pacte sur les traitements inhumains et dégradants. Les réponses fournies par l’État partie sur la législation régissant le divorce et l’héritage ont uniquement fourni des informations sur les exceptions; le Comité aimerait savoir si les hommes et les femmes jouissent des mêmes droits en matière de divorce et d’héritage. Puisque la législation nationale ne comporte aucune définition du terrorisme, il serait utile de savoir quelles lois s’appliquent aux actes de terrorisme ainsi que le type d’actes pouvant être qualifiés de terrorisme. La délégation doit fournir des détails sur tout cas dans lequel des personnes ont été jugées coupables d’actes de terrorisme au titre de la législation en vigueur ainsi que sur les justifications légales de ces poursuites.

37.Elle demande si les infirmières bulgares et le médecin palestinien qui ont été détenus dans l’État partie ont signé un document stipulant qu’ils n’engageraient aucune poursuite contre les autorités libyennes pour les actes de terrorisme dont ils ont été victimes. Dans l’affirmative, elle apprécierait que la délégation explique en quoi un tel document est conforme à l’article 2 du Pacte.

38.Mme WEDGWOOD invite la délégation à préciser de quelle manière le rapport périodique a été préparé. Elle aimerait en particulier savoir si des questionnaires interagences ont été utilisés et si les parties concernées ont été interrogées pour glaner des informations.

39.Elle s’enquiert en outre de la date à laquelle les conclusions de la commission d’enquête sur la révolte à la prison d’Abu Salim en juin 1996 seront publiées. Elle demande en quoi la peine de mort pour diffamation et comportement non violent, à l’instar de l’organisation d’un groupe politique contestant les principes révolutionnaires de 1969, est compatible avec l’article 6 du Pacte.

40.Compte tenu de l’annonce de l’ouverture de centres de réhabilitation pour les femmes et filles afin de les protéger contre toutes représailles fatales éventuelles menées par des membres de leur famille, il est difficile de comprendre pourquoi l’État ne traite pas les crimes d’honneur de manière plus directe. Elle aimerait connaître les mesures édictées pour modifier cette pratique sociale et donc rendre de tels refuges inutiles. Il serait plus spécifiquement utile de savoir si le Président a condamné les crimes d’honneur et si la police a répondu aux menaces à l’encontre des femmes. La délégation doit par ailleurs préciser si les femmes et filles peuvent quitter ces refuges uniquement sous la garde d’un proche de sexe masculin ou si elles consentent au mariage.

41.Elle demande pourquoi les poursuites des 10 responsables accusés d’avoir pris part aux mauvais traitements infligés aux infirmières bulgares ont échoué. Il est surprenant de constater que certaines allégations de torture concernent des agressions sexuelles, surtout à la lumières des positions à l’encontre des crimes d’honneur au sein de l’État partie.

42.Elle rappelle que la jurisprudence du Comité n’a jamais cessé d’interdire la flagellation et les amputations. Il a été fait état de cas en 2002 dans lesquels quatre hommes ont été amputés d’une main et d’un pied pour avoir volé des voitures et des fournitures dans une entreprise d’exploration pétrolière chinoise. Par ailleurs, la loi n°70 de 1973 et n°52 de 1974 autorisent la flagellation en cas d’adultères, de fornication et de diffamation. Elle demande que la délégation commente l’incohérence entre ces cas et les dispositions ainsi que l’article 7 du Pacte.

43.M. LALLAH demande si les congrès et comités populaires, présentés dans le document principal de l’État partie comme les deux piliers de la démocratie populaire directe, ont été consultés dans le cadre de la préparation du rapport périodique. Il demande comment le Comité peut venir en aide pour garantir l’abolition de la peine de mort. Il serait utile de savoir quels amendements sont prévus dans le projet de code pénal. Il demande des détails spécifiques sur la législation de l’État partie relative au terrorisme. L’État déclarant concerné est-il préoccupé par le fait qu’un tribunal aux États-Unis ait refusé l’extradition d’un prisonnier de Guantanamo vers la Libye au motif qu’il serait probablement victime de torture à son arrivée dans ce pays?

44.Sir Nigel RODLEY regrette qu’en dépit de la grande expertise de la délégation, l’État partie semble ne pas souhaiter répondre sérieusement au Comité, comme l’illustre la réponse proposée au paragraphe 6 du quatrième rapport périodique à la préoccupation formulée au paragraphe 7 des précédentes observations finales du Comité. Le Comité contre la torture n’a plus reçu d’informations utiles en réponse aux préoccupations qu’il a formulées. Toutefois, les comités ne sont pas importants; le fait est que l’État partie s’est engagé à honorer des obligations vis-à-vis de la communauté internationale, et en particulier des autres États parties et du peuple libyen, dont les droits de l’homme sont supposés être protégés par le Pacte. La pauvreté des informations fournies par l’État partie témoigne donc d’une attitude dédaigneuse non pas envers le Comité, mais envers la communauté internationale et le peuple libyen.

45.Il demande des informations sur le sort réservé à Mansour Al-Kikhia, l’ancien représentant permanent de l’État partie aux Nations Unies et activiste des droits de l’homme, qui, ironiquement, a disparu alors qu’il participait à la Conférence générale de l’organisation arabe des droits de l’homme au Caire en 1993. Selon les informations à disposition du Comité, les autorités libyennes ont rédigé une lettre à Amnesty International en 2002 indiquant avoir «effectué toute une série d’enquêtes afin de déterminer les agissements de Mansour Al-Kikhia», mais que «sa disparition reste un mystère». La lettre a par ailleurs laissé entendre qu’il ait pu être «enlevé de force dans le cadre d’un règlement de conflits entre des groupes concurrents voire au titre de tactiques orchestrées par les services d’intelligence étrangers». La délégation doit préciser la nature et la portée de ces enquêtes et indiquer si les autorités ont examiné l’implication éventuelle des agents d’État eux-mêmes dans la disparition de M. Al-Kikhia.

La séance est suspendue à 17 h 15; elle est reprise à 17 h 35.

46.M. ABUSEIF (Jamahiriya arabe libyenne) indique que les instruments internationaux ratifiés par son pays sont automatiquement intégrés dans la législation nationale et peuvent être directement invoqués devant les tribunaux nationaux. La Jamahiriya arabe libyenne a accédé au Pacte de son plein gré et il est inacceptable pour tout membre du Comité d’impliquer que le Gouvernement n’est pas désireux de coopérer. Sa délégation est précisément venue à Genève pour engager un dialogue avec le Comité. Son Gouvernement accorde la plus grande importance aux droits de l’homme et a nommé un représentant de chaque ministère pour prendre part à un comité qui a consacré plusieurs mois à examiner les dispositions du Pacte, les rapports pertinents ainsi que la liste des questions à aborder pour préparer les réponses. Sa délégation fera de son mieux pour répondre aux questions supplémentaires soulevées par le Comité, bien que certaines, dont la disparition de Mansour Al-Kikhia et l’«affaire des infirmières bulgares», ne relèvent pas nécessairement du rapport.

47.M. AL JETLAWI (Jamahiriya arabe libyenne) précise que les cinq Libyens condamnés à une amputation n’ont pas été accusés du simple vol de véhicule, mais qu’ils ont été jugés coupables d’appartenir à un gang qui a participé à un vol armé avec violence à grande échelle. Terroriser et même tuer des voyageurs qui ne se doutent de rien dans le désert est un délit grave qui mérite un châtiment sévère.

48.Les enquêtes sur les incidents survenus dans la prison de Bouslim sont en cours et des informations détaillées seront communiquées une fois l’enquête initiale conclue.

49.Son Gouvernement fait l’impossible pour faire la lumière sur la disparition de Mansour Al‑Kikhia; les allégations évoquant une implication officielle dans l’incident ne sont pas fondées.

50.Quant à la prétendue détention et au refus d’autoriser l’entrée de réfugiés, il souligne qu’il est primordial de distinguer entre les réfugiés et les migrants en situation irrégulière. Les autorités ont en effet refusé de laisser entrer des personnes essayant de traverser clandestinement la frontière méridionale de la Jamahiriya arabe libyenne sans les documents adéquats. En application de la loi n°6 de 1986 régissant l’entrée, la résidence et le départ de ressortissants nationaux, les résidents clandestins peuvent être rapatriés même après qu’ils ont résidé dans le pays pendant plusieurs mois ou années. Dans le cadre du Dialogue 5+5, son Gouvernement a entrepris de coopérer avec d’autres pays méditerranéens dans la lutte contre la migration illégale et pour veiller à ce que le pays ne serve pas de couloir de l’immigration clandestine vers l’Europe. Les ressortissants de l’Union africaine, dont les citoyens de l’Érythrée, se voient accorder un statut spécial.

51.Mme MARKUS (Jamahiriya arabe libyenne) indique que, lorsque Mme Loubna El Ghar (communication n° 1107/2002) a demandé un passeport libyen au consulat libyen à Casablanca (Maroc) le 16 septembre 2002, le consulat a pris les mesures adéquates pour demander la permission auprès des autorités pertinentes. Mme El Ghar a été invitée à soumettre des photographies de passeport et quelques documents supplémentaires. Ne s’étant pas exécutée, le traitement de sa demande a été retardé. Deux jours après la demande initiale, Mme El Ghar est revenue au consulat pour demander un document lui permettant de se rendre dans la Jamahiriya arabe libyenne, lequel lui a été remis. La documentation fournie par le candidat étant inadéquate pour la rendre éligible à l’obtention d’un passeport, la Direction générale des Passeports et de la Nationalité à Tripoli a demandé un complément d’information. Une fois cette requête satisfaite, la direction générale a autorisé le consulat par écrit, le 2 mars 2003, à délivrer un passeport en échange du document de voyage temporaire. Toutefois, après réception dudit document, Mme El Ghar n’est plus entré en contact avec le consulat. La Direction générale a une nouvelle fois confirmé sa décision d’accéder à la demande de Mme El Ghar en septembre 2003 et le passeport a été délivré après qu’elle a soumis les documents requis.

52.M. ABUSEIF (Jamahiriya arabe libyenne) ajoute qu’en application de la législation libyenne, les passeports délivrés par les consulats libyens à l’étranger sont uniquement valables pendant deux ans; un second passeport délivré à l’étranger a une validité de quatre ans. La délivrance d’un passeport valable pendant deux ans à Mme El Ghar est donc conforme à la loi, et ne constitue nullement un acte de discrimination.

53.Mme MARKUS (Jamahiriya arabe libyenne) précise que les centres de réhabilitation sociale pour les femmes mentionnés dans la liste de points à aborder sont financés par la caisse de sécurité sociale. Loin d’être des lieux de détention, les centres accueillent des femmes qui ne peuvent pourvoir à leurs besoins, qui sont incapables de retourner dans leurs familles pour avoir été accusées d’un comportement immoral ou qui ont été accusées de délits mineurs n’entraînant pas de peines de prison. Les centres garantissent la protection des femmes, des soins de santé, des services sociaux, des formations, des programmes éducatifs ainsi qu’une aide à la recherche d’un emploi gratuits. Ils aident par ailleurs les femmes à organiser leur mariage ou une réconciliation avec leurs époux.

54.Il existe des centres séparés pour les femmes en détention provisoire, dont des mineurs sans domicile fixe. Les conditions de détention respectent la législation pertinente. Les filles ou femmes ayant accompli leur peine, mais qui sont incapables de retourner dans leurs familles, sont regroupées dans une aile distincte; elles sont libres de partir quand bon leur semble. Ces centres ont pour principale tâche de veiller à la protection et au bien-être des femmes dépourvues d’autres moyens de subsistance. Les dispositions du Code pénal s’appliquent aux hommes et aux femmes, sans distinction.

55.M. AL-MAJDOUB (Jamahiriya arabe libyenne), répondant à l’allégation selon laquelle les infirmières bulgares traduites en justice dans son pays ont été battues et torturées afin d’obtenir des aveux, déclare que l’affaire a été étroitement suivie par les médias, que le procès a eu lieu en présence d’avocats bulgares et que les infirmières ont été condamnées en application de la loi. Au cours du procès, il n’a été question à aucun moment d’allégations de torture. Celles-ci ont été faites uniquement après que les accusées aient quitté le pays.

56.La loi n° 10 de 1984 régit le mariage et le divorce. Tant les femmes que les hommes peuvent demander le divorce. Les femmes ont le droit de demander le divorce en cas d’abandon ou d’abus; elles peuvent en outre demander le divorce sans le motiver. Toutefois, dans ce cas, elles n’ont droit à aucune indemnisation de quelque nature que ce soit. La garde peut être accordée soit au père soit à la mère, en fonction des circonstances individuelles de l’affaire. La violence à l’encontre des femmes est une infraction punissable.

La séance est levée à 18 heures.

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