Quatre-vingtième session

Compte rendu analytique de la 2177e séance

Tenue au Siège, à New York, le 22 mars 2004, à 15 heures

Président :M. Amor

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties conformément à l’article 40 du Pacte (suite)

Rapport initial de l’Ouganda

La séance est ouverte à 15 h 5.

Examen des rapports soumis par les États parties conformément à l’article 40 du Pacte (suite)

Rapport initial de l’Ouganda (CCPR/C/UGA/2003/1, CCPR/C/80/UGA; HRI/CORE/1/Add.69)

Sur l’invitation du Président, les membres de la délégation ougandaise prennent place à la table du Comité.

M. Butime (Ouganda), présentant le rapport initial de son pays (CCPR/C/UGA/2003/1), dit que pendant près de 30 ans les gouvernements successifs ont perpétré des violations des droits de l’homme mais qu’avec l’accession au pouvoir du Mouvement de résistance nationale en 1986, on a rétabli la démocratie et la bonne gouvernance et on a accordé la priorité au respect des droits de l’homme. L’une des premières mesures a été de créer une Commission d’enquête sur les violations des droits de l’homme commises depuis les années 60 par des agents de la fonction publique. En outre, le Parlement, le pouvoir judiciaire, la Commission ougandaise des droits de l’homme et des membres de la société civile ont surveillé la situation des droits de l’homme.

Le Pacte a été ratifié en 1995 et le chapitre 4 de la nouvelle Constitution qui a été adoptée contient une charte des droits de l’homme et des libertés. La Constitution incorpore la plupart des dispositions du Pacte et garantit des droits tels que le droit à l’égalité et le droit de ne pas faire l’objet de discrimination (art. 21 de la Constitution); le droit à la vie (art. 22); le droit à la liberté personnelle (art. 23); la protection contre la torture et autre peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (art. 24); la protection contre l’esclavage (art. 25); le droit à un procès équitable (art. 28); les droits à la liberté de conscience, d’expression, de circulation, de religion, de réunion et d’association (chap. 4).

Étant donné que le Gouvernement dispense désormais une formation aux techniques d’établissement de rapports, l’intervenant est convaincu que les prochains rapports périodiques seront présentés selon le calendrier prévu. Pour établir le rapport initial, le Gouvernement a consulté des organisations de la société civile et a tenu un débat ouvert avec des membres du Parlement, du corps diplomatique et d’organisations non gouvernementales. La délégation ougandaise se réjouit du dialogue avec le Comité.

Le Président, se félicitant des efforts du Gouvernement en dépit de la présentation tardive de son rapport, invite la délégation à aborder la liste des points à traiter (CCPR/C/80/L/UGA).

Cadre constitutionnel et juridique dans lequelle Pacte est appliqué (art. 2 du Pacte)

M me  Zaale (Ouganda), se référant à la question 1 sur la liste des points à traiter, dit qu’étant donné que 98 % des dispositions du Pacte ont été transposées dans le chapitre 4 de la Constitution et, partant, dans la législation du pays, le Pacte a implicitement force de droit en Ouganda, même s’il n’a jamais été directement invoqué devant les tribunaux. Toutefois, la Commission ougandaise des droits de l’homme a invoqué certaines dispositions du Pacte pour statuer sur des plaintes dont elle était saisie – par exemple, dans le contexte d’une plainte pour torture déposée en 2000, le tribunal de la Commission a invoqué l’article 7 dans sa décision contre le Procureur général.

M. Kamya (Ouganda) dit que dans le cadre des mesures prises par le Gouvernement afin de lutter contre l’impunité officielle qui entoure les atteintes aux droits de l’homme et de poursuivre effectivement les agents de l’État qui ont commis des violations (question 2), les victimes peuvent demander réparation auprès des tribunaux pénaux ou du tribunal quasi judiciaire de la Commission ougandaise des droits de l’homme, qui dispose également de vastes pouvoirs. En outre, tous les organes publics sont dotés de services disciplinaires internes habilités à prendre des sanctions appropriées.

M me  Tindifa Mirembe (Ouganda), se référant à l’accès aux services juridiques (question 3), dit que la majorité des nécessiteux, qui sont victimes d’atteintes aux droits de l’homme s’adressent depuis peu au tribunal de la Commission ougandaise des droits de l’homme. Conformément à la loi de 2002 portant modification de la réglementation de la profession d’avocat, tous les avocats ougandais sont tenus chaque année de s’occuper de trois affaires à titre gracieux, en tant que condition préalable à l’obtention d’un certificat de juriste praticien. À présent 275 affaires au total sont traitées gratuitement chaque année, chiffre appelé à augmenter lorsque la loi sera appliquée dans son intégralité et étendue à tous les cabinets d’avocats. Par ailleurs, un certain nombre d’organisations membres de l’association des prestataires de services d’aide juridique ont mené à bien une enquête initiale visant à accroître la couverture nationale de leurs services.

Pour veiller à la rapidité des procès, on a par ailleurs lancé la « Chain Linked Initiative », réseau de toutes les institutions participant à l’appareil judiciaire. La police a quant à elle créé un bureau pour les droits de l’homme et les plaintes ainsi qu’un service de protection de l’enfance et de la famille tout spécialement chargé des violations des droits fondamentaux, qui s’adresse en particulier aux personnes qui n’ont pas les moyens de se procurer des services juridiques. Les forces de police ont par ailleurs institué un programme de proximité afin de mieux sensibiliser tant la police que le public aux droits de l’homme. Dans le cadre de ce programme, la police est autorisée à procéder à des contrôles ponctuels dans les prisons pour s’assurer que les normes relatives aux droits de l’homme y sont respectées.

La loi sur les services collectifs de 2000 a considérablement amélioré la qualité de la justice pour les personnes démunies. Elle donne pouvoir aux tribunaux de proposer des services aux victimes de violation. En outre, le projet de loi de 2004 portant modification du Code pénal prévoit que les mineurs victimes de délits sexuels doivent être dédommagés.

En réponse à la question 4, l’intervenante précise que la Commission d’enquête sur les violations des droits de l’homme (rapport, par. 31 à 38), établie en 1986 pour enquêter sur les différents aspects de ces violations, sur les atteintes à l’état de droit et sur les abus de pouvoir commis entre 1962 et 1986 par des fonctionnaires, a commencé dès 1986 à mener une enquête sur les massacres et les privations arbitraires de la vie; sur les nombreuses arrestations, détentions, emprisonnements arbitraires et détentions abusives relevant de la législation nationale en matière de sécurité; sur le déni du droit à un procès équitable; sur les incidents de torture ou de traitement cruel, inhumain ou dégradant; sur les abus de pouvoir et toute violation connexe des droits de l’homme commis par des agents chargés de faire respecter la loi et par des organes de la sécurité de l’État; sur les déplacements, les expulsions massives de personnes et les disparitions connexes; sur la discrimination exercée sous quelque forme que ce soit par des agents de l’État dans l’application des lois ou dans l’accomplissement de leurs fonctions; sur le déni de tous les autres droits et libertés fondamentaux prévus au chapitre 3 de la Constitution et sur la protection dont ont bénéficié les auteurs de violations.

Dans le cadre de ses travaux, la Commission a fait des recommandations visant à rétablir l’ordre et à empêcher que l’histoire turbulente de l’Ouganda ne se répète, et bon nombre de ces recommandations ont été incorporées dans la Constitution de 1995 notamment celles concernant la création d’une Commission permanente chargée des droits de l’homme habilitée à enquêter et obtenir réparation au nom des victimes, ainsi que la promulgation d’une déclaration très complète des droits de l’homme et des libertés, assortie des mécanismes nécessaires pour la faire respecter. Bien que la Commission ait recommandé de prendre des dispositions pour faire toute la lumière sur les violations passées des droits de l’homme, le sentiment général est qu’il suffit de révéler qui sont les auteurs des violations et que la réconciliation nationale doit l’emporter sur la vengeance et le châtiment.

M. Kakooza (Ouganda) dit que la Commission ougandaise des droits de l’homme (question 5) créée en application de la Constitution de 1995, est habilitée à connaître des allégations de violations des droits de l’homme, pouvoirs comparables à ceux de la Haute Cour de justice. Son président a le statut d’un juge de la Haute Cour, tous les autres membres sont des experts en droit ou en administration générale. La Commission a des pouvoirs d’enquête et peut octroyer des dédommagements. Les décisions concernant l’octroi de dédommagements sont exécutées de la même manière que les ordonnances judiciaires. Il existe divers départements dans la Commission, dont un chargé d’informer le public de ses travaux et des procédures de plainte et un autre chargé de la recherche. La Commission peut également faire des recommandations au Gouvernement quant à la nécessité de respecter les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et peut conseiller au Gouvernement de les ratifier. Les ressources de la Commission, qui permettent de financer les salaires et les dépenses de fonctionnement, proviennent de fonds publics et de donateurs extérieurs.

M. Ssonko (Ouganda), se référant à la compatibilité du dispositif ougandais de lutte contre le terrorisme avec le Pacte (question 6), dit que bien qu’ayant fait l’objet d’un accueil mitigé de la part de certaines organisations non gouvernementales, la loi antiterroriste de 2002 a considérablement contribué à réduire les multiples actes terroristes et autres crimes violents qui ont secoué la capitale entre 1998 et 2000 et ont fait de nombreux morts. Pour faire face au problème du terrorisme, il faut une poigne de fer et le Gouvernement fait appel à un Groupe mixte de lutte contre le terrorisme qui réunit l’Organisation de la sécurité interne, l’Organisation de la sécurité extérieure, les forces de police, le Chef des services de renseignement militaire et l’armée. Les personnes soupçonnées d’être des terroristes sont actuellement jugées par le Tribunal militaire général.

Égalité des sexes et interdiction de la discrimination (art. 3 et 26 du Pacte)

M. Kacwa (Ouganda) fait remarquer, à propos de la promotion de la femme dans les secteurs public et privé (question 7), que la Constitution de 1995 affirme l’égalité des sexes et a remarquablement contribué à améliorer la participation des femmes dans tous les domaines. La Constitution prévoit des dispositions sur la discrimination positive, les objectifs nationaux et les principes politiques concernant les femmes et l’égalité des sexes. Dans le même esprit, une ordonnance de 2002 du Procureur général a contribué à la prise en compte d’une représentation équilibrée des hommes et des femmes aux postes gouvernementaux. Des dispositions spéciales ont été prises pour permettre aux femmes de siéger au Parlement, et au moins un tiers des postes des systèmes d’administration locale doivent être pourvus par des femmes. Dans le secteur privé, les femmes sont de plus en plus actives dans l’industrie du microfinancement et sont les principales bénéficiaires du microcrédit. Le Gouvernement applique aussi une politique soucieuse d’égalité des sexes en s’appuyant sur un plan d’action visant à autonomiser les femmes pour qu’elles participent en plus grand nombre au développement du pays.

M. Kakooza dit que parmi les pratiques traditionnelles, historiques, culturelles ou religieuses, qui contreviennent aux dispositions du Pacte (question 8), il y a le « prix de la mariée », la polygamie, les mutilations génitales féminines, l’héritage de la veuve par le frère du défunt, la transmission du patrimoine, l’âge du mariage et le consentement au mariage. Comme elles relèvent du droit des personnes, ces pratiques sont difficiles à abolir par décret; à titre d’exemple, la polygamie est tolérée en droit islamique également. La législation a dans une certaine mesure cherché à réduire les effets de ces pratiques sur la vie sociale et économique du pays et en particulier sur les femmes. Un projet de loi concernant les relations familiales dont est actuellement saisi le Parlement vise à réconcilier les systèmes juridiques statutaires, coutumiers et islamiques en encourageant le mariage monogame, en réglementant plus strictement le mariage polygame et en éliminant le « prix de la mariée » en tant que condition préalable au mariage dans le contexte de tout système. Ce projet de loi a pour objet de rendre illégal l’héritage d’une veuve, à garantir l’égalité des droits des époux en matière de patrimoine et à fixer l’âge du mariage à 18 ans tout en prévoyant que l’union soit consensuelle.

En réponse à la question 9, l’intervenant dit qu’à part les interdictions générales concernant la violence et la torture énoncées dans la Constitution, le Code pénal et le droit de la responsabilité délictuelle, l’Ouganda n’a pas de législation portant précisément sur la violence familiale. La Commission ougandaise de réforme de la législation et le Ministère de l’égalité des sexes, du travail et du développement social rédigent un projet de loi sur la violence familiale qui sera présenté au Gouvernement en 2005.

M. Kacwa (Ouganda), se référant à la question 10, dit que la Constitution prévoit un cadre juridique afin de mettre un terme aux mutilations génitales féminines. Le Gouvernement met en œuvre des programmes de sensibilisation et de mobilisation par l’intermédiaire du Ministère de l’égalité des sexes, du travail et du développement social et apporte un appui à REACH, une organisation non gouvernementale qui aide ceux qui pratiquent la circoncision à se recycler. Une autre organisation non gouvernementale, Hope after Rape (Espoir après le viol), propose des services d’assistance aux femmes victimes de viol. En outre, une information sur les problèmes de santé liés aux mutilations génitales féminines est dispensée aux populations locales. De façon générale, la politique nationale d’égalité des sexes de 1997 constitue le cadre d’action institutionnel pour éliminer les déséquilibres fondés sur le sexe dans tous les domaines. On appuie notamment les efforts déployés dans le cadre du projet de loi sur les relations familiales pour favoriser l’égalité des sexes et décourager les pratiques traditionnelles préjudiciables. Le Gouvernement ougandais condamne les mutilations génitales féminines ainsi que toute forme de violence à l’égard des femmes qui s’apparente à la torture. Toutefois, ces efforts de prévention se heurtent à la culture, à la pauvreté, aux mentalités et au manque d’information.

En ce qui concerne la question 11, l’intervenant déclare que, suite à la discrimination positive dans les universités publiques de Mbararaa et de Makerere, le taux de scolarisation des jeunes filles n’a cessé d’augmenter, pour passer de 30 % au début des années 90 à 47 % en 1997 et à 48 % en 2000, et être quasiment égal à celui des garçons. En 2001 et à nouveau en 2003, 49,5 % des filles et 50,5 % des garçons étaient inscrits à l’école primaire. En 2003, on comptait 3,6 millions de filles et 3,7 millions de garçons inscrits dans l’enseignement primaire. La scolarisation primaire est encouragée par des programmes tels que la stratégie d’éducation des petites filles du Forum for African Women Educationalists (Forum pour les éducatrices africaines) et Complementary Opportunities for Primary Education (COPE) (Possibilités complémentaires d’enseignement primaire). Un programme d’éducation de base alternative a permis de scolariser un plus grand nombre d’enfants nomades karimojong dans le primaire, ceux-ci passant de 5 500 en 1997 à 9 873 à présent.

Droit à la vie (art. 6 du Pacte)

M. Nsalasatta (Ouganda), répondant à la question 12, dit que la Commission de la réforme de la législation ougandaise a proposé une modification au Code pénal en vue d’abolir la peine de mort pour avilissement. La peine de mort pour cette infraction, définie en tant que rapport sexuel avec une fille âgée de moins de 18 ans, a été instituée au plus fort de la crise du VIH/sida au début des années 90. D’après les résultats de l’enquête nationale de la Commission pour la réforme de la législation ougandaise sur l’imposition de la peine de mort pour des infractions sexuelles, y compris l’avilissement, les avis sont partagés entre le maintien de la peine de mort pour des abus sexuels commis sur des enfants de moins de 10 ans et l’emprisonnement à vie. L’intervenant signale qu’il y a eu 445 condamnations pour avilissement mais qu’aucune n’a entraîné la peine de mort.

La plupart des vols qualifiés ont été commis à main armée; environ 65 % des inculpés ont utilisé ou menacé d’utiliser une arme à feu. Les condamnés pour vols qualifiés représentent 27,3 % de tous les détenus dans le quartier des condamnés à mort. Au total, 462 personnes sont encore dans le quartier des condamnés à mort – 441 hommes et 21 femmes –, dont 326 ont été condamnées pour meurtre, 126 pour vol qualifié, 7 pour trahison, 2 pour enlèvement avec intention de meurtre et 1 pour lâcheté dans l’exercice de fonctions au service de l’Armée de résistance nationale. Les exécutions les plus récentes ont eu lieu le 29 avril 1999, lorsque 28 prisonniers ont été exécutés.

En vue d’abolir la peine de mort, le Gouvernement ougandais a établi en 2000 la Commission Odoki et l’a chargée de sonder l’opinion publique en la matière. Le public était à l’époque en majorité favorable au maintien de la peine de mort pour les crimes les plus graves – meurtre, vol avec circonstances aggravantes, viol et avilissement. La Commission d’examen de la Constitution étudie actuellement les demandes formulées par certains secteurs de la société, notamment le service pénitencier ougandais, en faveur de l’abolition de la peine de mort. Un groupe d’avocats remet aussi en question la peine de mort devant le Tribunal constitutionnel (Kigala Suzan et autres c. le Procureur général de l’Ouganda).

M. Ssonko (Ouganda), se référant à la question 13, dit que les allégations d’exécutions extrajudiciaires sont complètement fausses. Les forces de défense du peuple ougandais opèrent selon des lois très strictes, notamment dans des régions telles que l’Ouganda du Nord. Ces lois sont totalement incompatibles avec une quelconque exécution extrajudiciaire en toute impunité. Si un officier de l’armée est accusé d’avoir commis une infraction pendant son service, une enquête approfondie est menée à son sujet et, si suffisamment de preuves sont réunies, l’affaire est portée devant le tribunal militaire.

Le Président se déclare convaincu que, malgré la brièveté de certaines réponses de la délégation, une discussions féconde s’ensuivra et éclaircira toute question qui pourrait subsister.

M. Shearer estime, comme le Président, que les réponses ont été brèves, particulièrement celles aux questions 1 à 4 sur la liste des questions. Pour ce qui est de la question 1, il serait utile que la délégation précise quelles sont les affaires dans lesquelles la Commission ougandaise des droits de l’homme a invoqué les dispositions du Pacte. Le Pacte a-t-il été cité devant les tribunaux nationaux ordinaires, là où il risque d’avoir le plus d’effet en profondeur, et, dans la négative, cela signale-t-il la nécessité d’une information complémentaire des magistrats et avocats? En outre, l’intervenant souhaiterait un complément d’information sur les affaires de torture dont il est question au paragraphe 148 du rapport.

Pour ce qui est de la question 2, l’intervenant demande si le Tribunal des droits de l’homme évoqué dans la réponse de l’État partie renvoie en fait à la Commission ougandaise des droits de l’homme. Ni la loi de 1997 sur la Commission ougandaise des droits de l’homme ni la constitution ne semblent autoriser la Commission à fonctionner en tant que tribunal ayant compétence pour connaître de plaintes. L’intervenant aimerait que l’État partie lui fournisse des précisions sur le fait que des activités rebelles présumées figurent sur la liste des violations des droits de l’homme. L’ordre d’exécution donné par la Commission d’enquête dans le cas du meurtre du prêtre irlandais Declan O’Toole est surprenant, la délégation ayant affirmé que, depuis 1999, il n’y avait eu aucune exécution en Ouganda. La Commission d’enquête qui a imposé la peine est-elle un tribunal militaire, et peut-on solliciter la grâce ou faire appel en cas d’inculpations devant un tribunal militaire?

À propos de la question 3, l’intervenant aimerait en savoir plus sur la façon dont le projet Chain Linked Initiative permettra d’accélérer les procès.

Enfin, à propos de la question 4, il demande si la Commission d’enquête de 1986 existe encore ou si elle a été remplacée par la Commission ougandaise des droits de l’homme.

M. Scheinin, se félicitant du mandat de vaste portée qui incombe à la Commission ougandaise des droits de l’homme et de ses pouvoirs judiciaires en particulier, aimerait des précisions sur le degré d’indépendance de la branche exécutive, compte tenu du fait que le Procureur général est membre de la Commission et peut assister à ses réunions.

À propos de la question 6, l’intervenant demande si tous les éléments constitutifs d’un acte de terrorisme sont définis avec exactitude dans la législation ougandaise, et s’ils sont suffisamment précis eu égard à l’article 15 du Pacte (principe de nullem crimen). Il serait en outre utile de connaître les critères utilisés pour déterminer si quelqu’un est membre d’une organisation terroriste si l’intéressé n’a pas commis d’acte de terrorisme.

En venant à la question 8 et à la mesure dans laquelle les pratiques traditionnelles empêchent l’application du Pacte, l’intervenant demande pourquoi le projet de loi sur les relations familiales dont le Parlement est saisi n’adopte pas une position plus ferme sur l’interdiction de la polygamie. Pour ce qui est de la question 10, il sera aussi intéressant de voir si le projet de loi sur les relations familiales aura un quelconque effet sur le problème des mutilations génitales féminines, toujours très fréquentes dans certaines régions. De façon plus générale, l’intervenant se demande si la pratique est interdite par la législation pénale ou si l’État partie se borne à des activités de sensibilisation et d’information.

Pour ce qui est de la question 13, l’intervenant demande à la délégation de confirmer si, comme l’affirment certaines organisations non gouvernementales, on a tendance à poursuivre davantage les auteurs d’infractions passibles de la peine de mort. Il serait crucial de savoir quels crimes entraînent obligatoirement la peine de mort sans aucune autre possibilité, ce qui, de l’avis du Comité, constitue une privation arbitraire de la vie. Bien que la délégation nie que des exécutions extrajudiciaires se soient produites dans le nord de l’Ouganda, elle devrait toutefois préciser si des exécutions extrajudiciaires ont eu lieu sur le territoire de l’État partie, en particulier du fait de l’Armée de résistance du Seigneur. Selon des organisations non gouvernementales, des autorités gouvernementales ont aussi été responsables d’exécutions extrajudiciaires. Dans ce contexte, l’intervenant demande si des exécutions extrajudiciaires ont eu lieu lors du raid de la prison de Gulu, le 16 septembre 2002, et il souhaiterait obtenir des informations sur la politique de tir à vue déclarée dans l’opération Wembley en juillet et août 2002. Les forces de police ont-elles utilisé à dessein des armes meurtrières avant d’engager des poursuites? Enfin, pour ce qui est du droit à la vie, l’intervenant souhaiterait obtenir des informations actualisées sur la couverture du traitement rétroviral des patients séropositifs ou sidéens dans le contexte de la « 3 by 5 Initiative » de l’Organisation mondiale de la santé (3 millions de personnes vivant avec le VIH/sida d’ici à 2005).

M. Glèlè Ahanhanzo se déclare préoccupé par la lenteur du système judiciaire ougandais, en particulier compte tenu du taux de criminalité de plus en plus élevé et de l’imposition de travaux forcés à tous les prisonniers, notamment à ceux qui devraient en être dispensés, et par l’absence de progrès dans le renforcement de la démocratie et dans la vie politique. Il aimerait aussi avoir des renseignements sur la nature et les fonctions de la Commission ougandaise des droits de l’homme et savoir, par exemple, si celle-ci a de véritables pouvoirs judiciaires. Il souhaite également obtenir des informations sur les activités de la Commission depuis sa création, notamment sur les types de violations qu’elle examine, en particulier les violations du droit à recevoir des soins commises à l’encontre de victimes du VIH/sida et les atteintes aux droits de l’homme par les forces de la sécurité. Il aimerait aussi comprendre quelle est la relation entre la Commission et les autorités judiciaires.

L’intervenant souhaiterait un complément d’information sur les travaux de la Commission d’amnistie créée par la loi d’amnistie de 2000, en particulier eu égard à l’Armée de résistance du Seigneur et à l’Alliance des forces démocratiques. Il aimerait aussi des précisions sur le nombre de poursuites engagées pour des affaires passibles de la peine de mort et leurs résultats. Dans ce contexte, il constate que la durée de l’incarcération des condamnés à mort est souvent horriblement longue et cite le cas de M. Abdullah Nassur, qui a été gracié après avoir passé 20 ans dans le quartier des condamnés à mort.

M. Bhagwati demande si la Commission des droits de l’homme a des pouvoirs équivalant à ceux d’un tribunal ou si elle ne joue qu’un rôle consultatif. Il souhaite obtenir des informations sur le nombre et la nature des plaintes qu’elle a examinées et les dispositions prises. Il demande si les requérants ont droit à une audition devant la Commission et si la Commission est habilitée à ordonner un dédommagement et à remédier à des situations découlant d’atteintes aux droits de l’homme commises par des agents de l’État. Il exprime sa préoccupation devant la persistance des informations concernant le recours à la torture par l’unité de police pour la répression des crimes avec violence et se demande quelles dispositions sont prises pour éliminer la torture, conformément à l’article 7 du Pacte.

Notant le grand nombre de séropositifs et sidéens, l’intervenant demande des informations sur les dispositions que l’État partie a prises pour veiller à ce que ces personnes puissent se procurer des médicaments antirétroviraux, qui sont particulièrement chers. Il constate avec satisfaction qu’aucune exécution n’a eu lieu depuis 1999, mais il juge intolérable que les prisonniers languissent dans le quartier des condamnés à mort année après année. Il demande combien de temps en moyenne un condamné à mort passe en prison. Étant donné qu’aucun d’entre eux n’a en fait été exécuté depuis un certain nombre d’années, il engage l’État partie à abolir la peine de mort.

L’intervenant aimerait obtenir des données statistiques sur la représentation des femmes dans l’appareil judiciaire, notamment à la Cour d’appel et à la Cour suprême, dans la profession juridique en général et dans la fonction publique en particulier, ainsi que des informations sur la façon dont les membres des tribunaux de juridiction supérieure sont nommés. Il se demande quels sont les mécanismes permettant de vérifier comment le Gouvernement nomme les magistrats et si ces nominations sont effectuées ou vérifiées par un organe indépendant. En outre, il voudrait savoir quelle est la durée du mandat des juges et s’ils peuvent être limogés avant la fin de leur mandat et, dans l’affirmative, de quelle façon et, en général, quelles garanties existent pour protéger l’intégrité du système judiciaire.

M. Yalden dit que la Commission des droits de l’homme, tout le moins théoriquement, a de vastes pouvoirs, mais demande des informations plus précises sur ses travaux. Les explications sur les affaires examinées par la Commission qui ont été fournies oralement par la délégation en réponse à la liste des questions ont porté, dans la plupart des cas, sur des affaires militaires et politiques; il reste à savoir si la Commission est aussi saisie d’affaires de nature différente. Il serait utile au Comité de disposer d’un exemplaire du rapport annuel que la Commission a été priée de présenter au Parlement. De façon générale, l’État partie devrait fournir des informations plus précises sur les procédures et les programmes mentionnés dans son rapport périodique.

M me  Wedgwood constate que l’article 33 f) de la Constitution ougandaise interdit les lois, les cultures, les coutumes et les traditions contraires à la dignité, au bien-être ou aux intérêts des femmes. Elle se demande donc quelles dispositions sont prises en dehors des activités de sensibilisation, notamment les poursuites, pour lutter contre la pratique des mutilations génitales féminines. Elle rappelle également que le Comité est d’avis que les obligations de l’État partie aux termes du Pacte s’appliquent aussi aux activités des forces militaires dans les domaines relevant de leur contrôle et elle se demande s’il existe un mécanisme national chargé d’enquêter sur les allégations faisant état de victimes civiles du fait d’opérations menées par les forces militaires ougandaises en République démocratique du Congo. Enfin, constatant que les agissements de l’Armée de résistance du Seigneur ont été portés devant le Tribunal pénal international, elle se demande pourquoi des institutions nationales ne sont pas en mesure de traiter de cette situation.

M. Ando demande un complément d’information sur la violence familiale et les mutilations génitales féminines. Il constate avec étonnement par exemple que la délégation, dans ses réponses orales à la question 9, a déclaré que les médias, le niveau de revenu et la cohabitation contribuaient à la violence familiale. Il accueille favorablement la Stratégie nationale sur les violations sexistes et demande des précisions sur le rôle de la police et les travaux du Service de protection de la famille, en particulier pour ce qui est de promouvoir la réconciliation entre les parties intéressées. En ce qui concerne les mutilations génitales féminines (question 10), il se demande à nouveau en quoi la pauvreté peut y contribuer et voudrait des précisions sur les efforts déployés pour fournir des incitations financières à ceux qui ont abandonné la pratique.

Sir Nigel Rodley demande des informations sur le nombre de condamnations à mort et d’exécutions depuis 1999 dans le cadre du système de justice militaire. Il constate avec inquiétude que l’on a recours à des tribunaux militaires à procédure sommaire et il demande où en est l’enquête sur les cours martiales qui a fait suite au massacre du père O’Toole et de deux autres personnes. Il demande comment l’absence de procédure d’appel et l’imposition par les tribunaux de la peine de mort peuvent être réconciliées avec l’article 6 du Pacte sur le droit à la vie et avec le paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte sur le droit à un examen judiciaire. Il est en particulier préoccupé par la conclusion de l’enquête selon laquelle les garanties constitutionnelles ne s’appliquent pas aux cours martiales.

La séance est suspendue à 17 h 10 et reprise à 17 h 30.

M. Byamukama (Ouganda) dit que, dans son rapport de 2001 intitulé « Protectors or Pretenders? » (Protecteurs ou prétendants?), l’organisation Human Rights Watch a cité la commission ougandaise des droits de l’homme comme étant l’un des organes les plus efficaces en matière de droits de l’homme sur le continent africain. Aux pages 24 et 25 des réponses de la délégation à la liste de questions du Comité figure une liste des affaires examinées par la Commission ougandaise des droits de l’homme et, dans la plupart des cas, le Pacte ou le Comité lui-même ont été évoqués. La Commission n’est pas seulement un organe consultatif : elle reçoit les plaintes, entreprend des enquêtes sur les affaires et ordonne le paiement d’indemnisations. Les pouvoirs de la Commission découlent de l’article 53 de la Constitution. La Commission des droits de l’homme a remplacé la Commission d’enquête sur les violations des droits de l’homme. Il s’agit d’un organe indépendant dont les membres sont nommés par le Président et approuvés par le Parlement. Les membres de la Commission servent pendant six ans, alors que le mandat du Président de la République n’est que de cinq ans.

La Commission des droits de l’homme a des pouvoirs quasi judiciaires tels que prévus dans la Constitution. Toutefois, il n’y a pas de conflit entre les organes juridiques nationaux et la Commission, parce que l’article 52 de la Constitution donne à la Commission un mandat différent de celui des organes constitutionnels. La Commission a la fonction d’un tribunal, mais elle fournit aussi des services de médiation et de réconciliation. Ces services sont fournis à titre gracieux et sont donc accessibles aux citoyens les plus démunis. Dans les cas où la Commission n’est pas habilitée à connaître de la plainte, elle la renvoie à l’attention des organes compétents.

M me  Zaale (Ouganda) dit que l’article 50 de la Constitution donne aux tribunaux le droit de connaître des plaintes concernant des atteintes aux droits de l’homme, et les tribunaux nationaux ont parfois invoqué le Pacte. En ce qui concerne la question 8 (mutilations génitales féminines), elle signale que l’article 37 de la Constitution affirme le droit de toute personne à appartenir à toute culture et à adopter et manifester toute conviction, encore qu’il importe de comprendre que les mutilations génitales féminines ne sont pas largement répandues en Ouganda. Le paragraphe 6 de l’article 33 interdit par ailleurs la pratique de toute culture ou l’application de toute loi qui porte atteinte au bien-être ou à la condition de la femme. Le projet de loi sur les relations familiales a trait à la pratique des mutilations génitales féminines, afin de résoudre le problème, compte tenu de ces dispositions apparemment contradictoires de la Constitution. Le Gouvernement a décidé d’engager un programme de sensibilisation avant d’abolir complètement la pratique. En outre, le paragraphe 7 de l’article 28 de la Constitution prévoit que nul ne peut être inculpé d’un acte qui ne constituait pas une infraction pénale au moment où il a été commis. Ainsi, on ne peut considérer les mutilations génitales féminines comme une infraction pénale étant donné que le Code pénal ne reconnaît pas la pratique. Le Gouvernement prendra des dispositions pour rectifier cette anomalie.

M. Kamya (Ouganda) dit que l’opération Wembley a eu lieu à la suite d’une période de crimes violents, au cours de laquelle 48 personnes ont trouvé la mort. Comme il est prévu à l’article 212 de la Constitution, la police a fait appel à d’autres organismes nationaux pour l’aider à réduire la criminalité. C’est parce que les suspects étaient si violents que la police a tiré à balles réelles, encore que l’état d’urgence n’ait pas été déclaré. La force utilisée par la police a été proportionnelle à la violence à laquelle elle a fait face. La police a tiré à vue sur des individus qui refusaient de se rendre; ceci est considéré comme une forme de légitime défense. Toutefois, ceux qui se sont rendus ne sauraient se voir refuser le droit à un procès équitable devant les tribunaux.

En réaction aux plaintes de la société civile, l’opération a été placée sous le contrôle total de la police et l’unité de police pour la répression des crimes avec violence a été créée. Tout fonctionnaire soupçonné d’avoir pris part à des actes de torture est traduit en justice ou présenté devant un tribunal disciplinaire de police. La violence familiale relève d’un service spécial de protection de l’enfance et de la famille. Les membres de ce service sont formés à la prestation de conseils et aux techniques de médiation et apprennent à traiter de questions délicates. Bien que de nombreuses femmes aient signalé des actes de violence familiale à la police, elles ont souvent retiré leurs plaintes parce que leur mari subvient aux besoins de la famille. Toutefois, si les abus persistent et la vie de la femme est menacée, le mari sera traduit en justice.

M. Kakooza (Ouganda) dit que le projet de loi sur les relations familiales a établi une série de critères régissant la polygamie. L’homme doit prouver qu’il est en mesure de subvenir aux besoins de toutes ses femmes sur le plan financier, de leur offrir des foyers séparés et de les traiter émotionnellement et sexuellement sur un pied d’égalité. Il doit aussi avoir l’assentiment de ses autres femmes. Ces dispositions rendent la polygamie quasiment impossible. Pour ce qui est des dispositions prises par le Gouvernement eu égard au VIH, l’intervenant fait observer que le Gouvernement a posé sa candidature pour obtenir les licences de fabrication des médicaments utilisés dans le traitement du VIH. Conformément aux réglementations de l’Organisation mondiale du commerce, ces médicaments pourront alors être fabriqués en Ouganda. Le Gouvernement américain a par ailleurs offert une aide, et les médicaments contre le VIH sont déjà quasiment gratuits.

La séance est levée à 18 heures.