NATIONS UNIES

CCPR

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr.GÉNÉRALE

CCPR/C/SR.257317 février 2009

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME

Quatre-vingt-quatorzième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA DEUXIÈME PARTIE (PUBLIQUE)*DE LA 2573e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le mercredi 15 octobre 2008, à 10 heures

Président: M. RIVAS POSADA

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE (suite)

Deuxième rapport périodique de Monaco (suite)

La deuxième partie (publique) de la séance commence à 11 h 10 .

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE (point 7 de l’ordre du jour) (suite)

Deuxième rapport périodique de Monaco (CCPR/C/MCO/2; CCPR/C/MCO/Q/2; CCPR/C/MCO/Q/2/Add.1) (suite)

1. Sur l ’ invitation du Président, la délégation de Monaco reprend place à la table du Comité.

2.Le PRÉSIDENT invite la délégation à répondre à la deuxième partie de la liste des points à traiter (questions nos 15 à 23).

3.Mme SAMPO (Monaco) dit que le projet de modification du Code de procédure pénale n’a été que partiellement adopté. Les dispositions relatives à la garde à vue qui étaient prévues dans ce projet ont été introduites dans la loi no 1343 du 26 décembre 2007 dite «loi de justice et liberté». Toute personne gardée à vue peut désormais, dès le début de la détention, s’entretenir en privé, pendant une heure, avec un avocat de son choix ou avec un avocat commis d’office par le Président du tribunal. À l’issue de cet entretien, l’avocat peut faire des observations écrites, qui pourront être versées au dossier. La personne gardée à vue peut être examinée par un médecin, à sa demande ou d’office si le procureur le juge nécessaire. Elle peut prévenir par téléphone un proche ou son employeur. Elle est informée de ses droits et de la nature de l’infraction qui lui est reprochée, et ces notifications sont consignées dans un procès-verbal. Si la garde à vue est prolongée, le détenu pourra revoir un avocat et un médecin. Enfin, une autre garantie est l’enregistrement audiovisuel des interrogatoires, mais elle ne sera applicable qu’en décembre 2008 en raison du délai d’un an qui doit séparer l’adoption et l’entrée en vigueur de toute nouvelle disposition. Les dispositions relatives à la présomption d’innocence sont contenues dans l’article préliminaire du projet de modification du Code de procédure pénale, qui n’a pas encore été voté. Cet article consacre les grands principes de protection des droits de l’homme énoncés dans le Pacte et dans d’autres instruments: présomption d’innocence, mais aussi respect de la dignité humaine, égalité des parties, droit d’accès à la justice, droit à l’information, droit à réparation, égalité des armes. Il constitue la ligne directrice qui doit guider l’action du pouvoir judiciaire.

4.M. GAMERDINGER (Monaco) explique qu’un groupe de travail, formé notamment de membres de la Cellule des droits de l’homme du Ministère d’État, a été chargé d’élaborer un projet de loi sur la sécurité publique, qui étendra le droit de réunion pacifique à tous les résidents de la Principauté, sans qu’il soit nécessaire de modifier l’article 29 de la Constitution. L’article 13 de ce projet de loi dispose très clairement que les réunions publiques peuvent être tenues librement et sans autorisation préalable. Toutefois, lorsqu’elles sont prévues sur l’espace public, une déclaration devra être faite trois jours à l’avance auprès de l’administration, afin que celle-ci puisse vérifier si les conditions habituelles de sécurité sont remplies. Le projet de loi modifiant la loi sur les associations devrait être examiné à la séance publique du Parlement du 26 novembre 2008. Il consacre clairement le principe de la liberté d’association et prévoit que les associations pourront être créées par simple déclaration, pour autant que leurs statuts soient conformes à la loi et que leur objet ne soit pas contraire à l’ordre public et qu’il n’ait pas non plus un caractère sectaire. Cette dernière condition est particulièrement importante: elle fera l’objet d’une définition précise dans la loi et pourra constituer un motif d’opposition.

5.MmeSAMPO (Monaco) dit que la distinction entre les enfants légitimes et les enfants naturels et adultérins ou incestueux a disparu avec l’adoption de la loi no 1278 du 29 décembre 2003, qui a modifié certaines dispositions du Code civil, du Code de procédure civile et du Code du commerce. Toute différence de traitement, notamment en ce qui concerne les droits successoraux, a été supprimée. En outre, la disposition qui prévoyait une limitation dans l’établissement de la filiation adultérine ou incestueuse a été modifiée.

6.Le projet de réforme du Code pénal qui prévoit d’introduire une sanction spécifique pour la discrimination raciale est encore en cours d’élaboration, mais les insultes racistes ou xénophobes constituent déjà une circonstance aggravante lorsqu’elles accompagnent la diffamation, en vertu des articles 21, 24 et 25 de la loi no 1299 du 15 juillet 2005 sur la liberté d’expression publique, qui punit notamment d’un emprisonnement et d’une amende la diffamation «envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur appartenance, réelle ou supposée, ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, ou à raison de leur orientation sexuelle, réelle ou supposée». Les travaux sur la discrimination raciale s’orientent vers une aggravation des atteintes contre les biens et les personnes lorsque le mobile est raciste ou xénophobe.

7.M. GAMERDINGER (Monaco) ajoute que les attitudes racistes ou xénophobes lors des manifestations sportives seront spécifiquement réprimées dans le projet de loi sur le sport qui est en cours d’élaboration. L’article 80 de ce texte interdit clairement «l’introduction, le port ou l’exhibition dans une enceinte sportive, lors du déroulement d’une manifestation sportive, d’insignes, signes ou symboles rappelant une idéologie raciste, xénophobe ou sectaire». Une autre disposition vise à garantir l’application de mesures prononcées par d’autres juridictions ou autorités administratives européennes. Autrement dit, une personne qui serait interdite d’accès aux stades ailleurs en Europe le serait aussi à Monaco. L’objectif est de mettre en place une véritable solidarité dans la lutte contre la violence et les débordements lors des manifestations sportives, en particulier les matches de football.

8.MmeSAMPO (Monaco) dit que le projet de loi no 818 concernant les délits relatifs aux systèmes d’information sera examiné par le Parlement le 26 octobre 2008. Cependant, les dispositions qui visaient à réprimer la diffusion électronique de matériel raciste ou xénophobe et d’autres manifestations d’intolérance ont été supprimées de ce texte car elles ont été introduites dans la loi no 1299 sur la liberté d’expression publique. On y a maintenu en revanche un article sur les menaces, qui sont punies d’un emprisonnement et d’une amende lorsqu’elles visent «une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance, réelle ou supposée, ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée». En outre, la loi no 1344 du 26 décembre 2007 relative au renforcement de la répression des crimes et délits contre l’enfant a inséré un nouvel article dans le Code pénal, qui réprime «le fait soit de fabriquer, de produire, de transporter, de diffuser par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support un message à caractère violent ou pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine, soit de faire commerce d’un tel message»; l’intention des législateurs était d’inclure les messages à caractère raciste ou xénophobe dans les messages «à caractère violent» ou «de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine» qui sont visés dans cet article. Enfin, l’article 12 de la loi no 1165 du 23 décembre 1993 interdit «la collecte, l’enregistrement et l’utilisation d’informations qui feraient apparaître des opinions ou des appartenances politiques, raciales, religieuses, philosophiques, ou syndicales».

9.En ce qui concerne la formation des juges sur les dispositions du Pacte, il faut rappeler que les magistrats en fonctions à Monaco, qu’ils soient monégasques ou français, reçoivent la même formation initiale à l’École nationale de la magistrature en France. Cette formation inclut bien entendu des enseignements sur les droits de l’homme. Les magistrats peuvent ensuite suivre jusqu’à trois modules de formation continue par an, également à l’École nationale de la magistrature. Par ailleurs, la Direction des services judiciaires organise périodiquement des conférences à l’intention des magistrats et du personnel judiciaire et administratif du Palais de justice. Ces conférences portent principalement sur la Convention européenne des droits de l’homme et la jurisprudence de la Cour européenne, mais aussi sur la protection générale des droits fondamentaux, et la Direction des services judiciaires est disposée à traiter tout autre thème, comme l’application du Pacte. Les surveillants de la maison d’arrêt de Monaco sont eux aussi sensibilisés à la protection des droits de l’homme, notamment aux Règles pénitentiaires européennes, et l’obligation de traiter les détenus dignement et de respecter tous leurs droits est énoncée dans les différents textes qui réglementent la maison d’arrêt. Ces textes seront d’ailleurs modifiés prochainement au vu des recommandations formulées par le Comité européen pour la prévention de la torture.

10.M. GAMERDINGER (Monaco) ajoute que les fonctionnaires de police reçoivent une formation initiale de deux ans, dont un an d’enseignement théorique et un an sur le terrain, sous la direction d’un tuteur, pendant laquelle ils suivent des cours de droit pénal, de procédure pénale et d’éthique policière. Ces cours sont dispensés par des responsables de la Direction de la sûreté publique, mais aussi par des membres de la Cellule des droits de l’homme du Ministère d’État.

11.M. FILLON (Monaco) dit que, pour ce qui est d’encourager l’établissement d’organisations non gouvernementales spécialisées dans le domaine des droits de l’homme, le Gouvernement monégasque estime qu’il n’appartient pas à l’État d’aider la société civile à constituer des organisations non gouvernementales ou des associations. En revanche, il est important que l’État, les organisations non gouvernementales et les associations de la société civile entretiennent un dialogue et des rapports constructifs, ce qui est le cas à Monaco. Un grand nombre des organisations non gouvernementales de Monaco ont pour objectif la protection de l’environnement. Ce fait n’est pas dû au hasard: il s’agit de l’une des priorités de la politique internationale du Gouvernement, qui se veut porteur d’un message de mise en garde sur les risques qu’un développement non maîtrisé comporte pour l’environnement et qui souhaite contribuer à une prise de conscience ainsi qu’à une amélioration dans ce domaine. Le domaine de l’environnement et celui des droits de l’homme touchant à de nombreux problèmes communs, les activités menées sur le plan international par les organisations monégasques dans le domaine de l’environnement ont donc également une incidence sur les droits de l’homme.

12.M. GAMERDINGER (Monaco) dit, en ce qui concerne la question de l’éducation aux droits de l’homme, que la sensibilisation débute dès l’école maternelle. Le 20 novembre de chaque année, une journée spéciale est organisée afin de présenter leurs droits fondamentaux aux jeunes enfants. Pendant les cycles primaire et secondaire, les élèves suivent régulièrement des cours d’instruction civique. Le 26 janvier de chaque année, des actions sont menées dans les lycées afin de s’associer à la commémoration mondiale de la shoah. Les enseignants monégasques reçoivent une formation spécifique à cet effet. En 2006, une délégation monégasque s’est rendue à une conférence des ministres européens de l’éducation consacrée à l’enseignement de la mémoire de la shoah organisée à Prague et, en 2005 et en 2008, des élèves se sont rendus à Auschwitz pour visiter ce lieu de mémoire. Enfin, Monaco mène régulièrement une campagne nationale intitulée «Tous différents, tous égaux» dans les établissements scolaires en vue de sensibiliser les élèves à la diversité culturelle et de promouvoir les droits de l’homme.

13.Le PRÉSIDENT remercie la délégation monégasque des réponses détaillées et invite les membres à faire des observations supplémentaires.

14.MmeWEDGWOOD demande des précisions sur le droit de toute personne placée en garde à vue de s’entretenir avec un avocat de son choix. Elle voudrait savoir si l’intéressé a uniquement le droit de consulter un avocat en privé, ou s’il a le droit d’exiger la présence d’un avocat à tous les stades de son interrogatoire. Elle voudrait également savoir si un avocat a l’obligation d’assister à l’ensemble de l’interrogatoire de son client et de l’avertir qu’il n’a pas à répondre aux questions de la police en son absence, et si la police doit cesser d’interroger un suspect dès lors que celui-ci demande à voir un avocat.

15.En ce qui concerne le projet de loi autorisant les réunions publiques sur déclaration préalable, elle demande confirmation qu’il n’a pas encore été adopté.

16.La délégation a indiqué que le projet de loi modifiant la loi sur les associations interdirait les associations de caractère sectaire, ce qui appelle des précisions sur la définition d’une secte, notion en effet très floue.

17.Concernant la loi qui a supprimé la distinction en droit entre les enfants fondée sur leur naissance, Mme Wedgwood demande si la loi conserve les expressions d’«enfant légitime» et d’«enfant adultérin». Peut-être vaudrait-il mieux utiliser des expressions plus neutres comme «enfant né dans le mariage» et «enfant né hors mariage».

18.M. LALLAH s’associe aux observations de Mme Wedgwood sur l’utilisation d’expressions préjudiciables envers les enfants nés hors mariage. Revenant sur la question des associations, il rappelle les motifs pour lesquels le droit de s’associer librement peut être limité, qui sont énoncés à l’article 22 du Pacte, et demande quel est l’intérêt public ou national que l’interdiction d’associations de caractère sectaire vise à protéger. Il voudrait savoir concrètement ce qu’il faut entendre par «caractère sectaire».

19.En ce qui concerne la diffusion d’une information sur le Pacte, M. Lallah demande si les membres de l’appareil judiciaire et les avocats savent que le Gouvernement a présenté un rapport au Comité, s’ils en connaissent la teneur et s’ils seront tenus informés du dialogue mené avec le Comité et de ses observations finales. Il voudrait savoir quelle publicité sera donnée aux observations finales du Comité. Enfin, M. Lallah relève qu’en Europe le Pacte est moins bien connu que la Convention européenne des droits de l’homme, raison pour laquelle il est nécessaire de prendre des mesures pour le faire mieux connaître, en particulier auprès des membres des professions juridiques et judiciaires.

20.M. SHEARER dit qu’il croit comprendre que le projet de réforme du Code pénal qui prévoit d’introduire des dispositions pour réprimer spécifiquement la discrimination raciale et pour faire des insultes racistes et xénophobes des circonstances aggravantes est toujours à l’examen. Il demande si cette réforme est l’une des priorités du Gouvernement. En ce qui concerne les actes racistes, il voudrait savoir quelle est l’ampleur du phénomène, quels sont les groupes nationaux ou ethniques les plus touchés, et si ces actes pourraient être liés à l’éventuelle arrivée de demandeurs d’asile.

21.M. Shearer demande si la question de l’utilisation de la force est traitée dans la formation que les policiers reçoivent sur le Pacte et si le manuel de déontologie en cours de révision contient des règles à ce sujet. Il demande en outre quel est l’organe chargé de la surveillance de la frontière maritime de Monaco et, s’il s’agit d’une police maritime, si celle-ci et la police ordinaire reçoivent une formation commune concernant l’utilisation de la force.

22.M.AMOR fait remarquer, à propos de la liberté d’association, que le régime de simple déclaration de constitution d’une association évolue dans certains pays vers un régime d’autorisation déguisé, et demande si la non-réception du récépissé de l’administration monégasque dans les délais fixés signifie un refus implicite de sa part et, en cas de refus effectif, de quels moyens les demandeurs disposent et si une assistance judiciaire leur est accordée.

23.M. Amor, reprenant à son compte l’idée que le christianisme, par exemple, n’est jamais qu’une secte qui a réussi, s’inquiète de la signification exacte donnée aux expressions «secte» et«association à caractère sectaire», d’autant que l’arsenal juridique, à Monaco et ailleurs, est suffisamment riche pour permettre de réagir aux cas concrets de dérives et d’abus; il s’agit notamment des dispositions relatives à l’ordre public, la sécurité publique, l’exercice illégal de la médecine ou la protection des enfants. Se pose en effet la question de savoir, d’une part, si l’on doit juger des orientations ou bien des faits et, d’autre part, si l’individu doit être considéré comme responsable de ses choix ou s’il doit être infantilisé, protégé malgré lui.

24.Sir Nigel RODLEY demande, à propos de l’arrestation et de la détention, si la durée maximale de la garde à vue pour les personnes soupçonnées de certaines infractions, notamment d’actes de terrorisme, est bien de quatre-vingt seize heures et, dans l’affirmative, si l’intéressé bénéficie d’autres garanties que la visite d’un avocat, qui est souvent limitée à une heure et a lieu une seule fois pendant chaque période de prolongation. Il souhaiterait également savoir s’il y a eu des cas concrets de garde à vue prolongée de la sorte ou si l’on parle de simples dispositions qui demeurent théoriques. Il appelle par ailleurs l’attention de la délégation sur l’incohérence des chiffres fournis au paragraphe 406 du deuxième rapport périodique de l’État partie («27 détenus dont 10 femmes et 25 étrangers») et demande s’il serait possible d’obtenir les chiffres exacts, ainsi que des statistiques à jour sur le nombre de détenus à la maison d’arrêt, ventilées par durée et régime de détention, type d’infraction, etc., en indiquant si les prévenus y sont séparés des condamnés.

La séance est suspendue à 12 h 1 5 ; elle est reprise à 12 h 3 5.

25.M. FILLON (Principauté de Monaco) indique que la délégation de l’État partie va répondre aux questions des membres en les regroupant par thème.

26.M. GAMERDINGER (Principauté de Monaco) répondra aux questions sur la liberté d’association. Il explique, à propos de la procédure qui sera bientôt adoptée pour l’enregistrement des associations, qu’en cas de non-réception du récépissé dans un délai de quinze jours, le silence de l’administration vaudra acceptation. Si toutefois celle-ci s’oppose à la création de l’association, elle devra en notifier les demandeurs sous la forme d’une réponse écrite du Ministre d’État, et ils pourront envisager de former un recours devant les tribunaux de la Principauté. Il y a refus lorsque les statuts déposés ne sont pas conformes à la loi − ce qui est peu fréquent vu que les demandeurs sont généralement bien informés, par l’administration elle‑même, des formes à respecter − ou que l’objet de l’association est contraire à l’ordre public, ce qui est notamment le cas pour les associations à caractère fasciste, nazi, raciste ou xénophobe.

27.Pour ce qui est de l’illicéité des associations à caractère sectaire, question qui a fait débat dans la Principauté, l’option a été retenue, après concertation, de proposer dans le projet de loi qui sera examiné prochainement par le Parlement la définition suivante: «Doit être considérée comme ayant un caractère sectaire l’association qui poursuit des activités ayant pour finalité ou pour conséquence de créer, de maintenir ou d’exploiter la sujétion psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités.». Il s’agit donc de protéger l’individu et d’assurer le respect des droits fondamentaux de l’être humain. Cela étant, si l’administration s’oppose à la création d’une association pour cette raison, sa décision sera motivée et passible de recours devant les tribunaux de la Principauté. Il pourrait également arriver que dans le cadre du suivi des personnes morales prévu par le projet de loi, on constate que les activités d’une association existante ont bien un caractère sectaire. En pareil cas, les juridictions monégasques, qui seraient saisies par le Procureur de la Principauté, pourraient, après examen de la situation, prononcer la dissolution de l’association.

28.S’il est vrai que, dans ce domaine, il faut agir avec précaution afin de préserver la liberté d’association, il faut aussi protéger les personnes vulnérables et ne pas oublier qu’«Entre le fort et le faible, c’est la liberté qui opprime et le droit qui affranchit.».

29.M. GAMERDINGER (Monaco) dit que le projet de loi sur la sécurité publique émanant de l’administration centrale a été soumis pour avis au Conseil d’État, dont les experts, notamment des magistrats, examineront la pertinence des dispositions envisagées.

30.Mme SAMPO (Monaco) dit qu’au regard de la loi monégasque, tous les enfants sont égaux quelle que soit leur naissance. L’appellation utilisée dans le Code civil pour désigner les enfants dont les parents ne sont pas mariés est «enfants nés hors mariage». La seule différence de traitement qui persiste concerne les enfants nés d’un inceste, dont la loi prévoit que, dans leur intérêt, ils ne peuvent être reconnus que par l’un de leurs parents.

31.M. FILLON (Monaco) dit, à propos de la publicité des travaux du Comité des droits de l’homme, qu’une large diffusion des observations finales que le Comité adoptera à l’issue de l’examen du deuxième rapport périodique de Monaco sera assurée via le site Web de la Direction des affaires internationales, où un lien vers les documents pertinents sera ajouté, ainsi que par un communiqué de presse. Toutes les personnes intéressées, en particulier les juristes et les avocats, pourront ainsi consulter facilement les résultats des travaux du Comité, qui sont d’ailleurs régulièrement invoqués, de même que le Pacte, devant les tribunaux.

32.Mme SAMPO (Monaco) dit qu’une attention prioritaire est accordée à la réforme du Code pénal mais qu’en raison de l’ampleur de la tâche, du soin qui y est apporté et de la procédure législative applicable, ce processus prendra du temps.

33.M. GAMERDINGER (Monaco) dit que les incidents à caractère raciste ou xénophobe ne sont pas fréquents à Monaco, qui a une longue tradition d’accueil, comme en témoignent les quelque 130 communautés étrangères qui y sont représentées. Au cours des quatre dernières années, aucun incident à motivation raciste ou xénophobe n’a été signalé, hormis deux cas d’inscriptions antisémites dont on ne sait si leurs auteurs résidaient à Monaco ou étaient seulement de passage, l’enquête n’ayant pas permis de les retrouver. Les grandes manifestations sportives, qui sont nombreuses à Monaco, ne donnent généralement pas lieu à des comportements répréhensibles de la part des spectateurs et des supporters, même lors des matches de football, pourtant régulièrement dans d’autres stades d’Europe le théâtre de provocations racistes. Les autorités monégasques n’en sont pas moins vigilantes et mettent en œuvre, en liaison avec les associations européennes de football et la Fédération française de football, des dispositions visant à contrôler l’accès aux stades et à surveiller le comportement des supporters. En outre, le projet de loi sur le sport comporte une disposition interdisant l’accès au territoire de la Principauté à tout supporter étranger qui a été interdit de stade dans son pays.

34.Les futurs policiers reçoivent une formation à la fois théorique et pratique concernant l’usage de la force dans l’exercice de leurs fonctions. La formation pratique, qui consiste en des exercices de mise en situation et des entraînements au maintien de l’ordre, est dispensée à Monaco et en France, avec le concours des structures de formation françaises.

35.D’après la loi, la police d’État de Monaco exerce les pouvoirs de police en mer dans les eaux territoriales monégasques. Toutefois, dans les faits, en raison du peu de moyens d’engagement en mer dont elle dispose − une seule embarcation de 18 mètres de long −, elle effectue essentiellement une surveillance côtière. Il lui arrive également d’effectuer des missions en haute mer, soit à des fins de sécurisation, soit à des fins environnementales, par exemple pour le recensement des cétacés dont il existe une zone de préservation en Méditerranée.

36.Mme SAMPO (Monaco) dit que toute personne placée en garde à vue est informée de son droit de s’entretenir avec un avocat. Si elle choisit dans un premier temps de ne pas exercer ce droit, elle peut à tout moment de la garde à vue changer d’avis et demander à communiquer avec un avocat. Lorsqu’une personne est interrogée hors des locaux de la police, par exemple dans le cadre d’une perquisition, son avocat peut la rejoindre sur les lieux où elle se trouve avec les enquêteurs. Lorsque l’avocat arrive en cours d’interrogatoire, celui-ci est interrompu pour lui permettre de s’entretenir avec son client. En cas de prolongation de la garde à vue, les mêmes garanties que celles prévues pendant les premières vingt-quatre heures de la garde à vue s’appliquent. Des statistiques détaillées sur le nombre de personnes gardées à vue, placées en détention provisoire, prévenues ou condamnées ainsi que sur les infractions en cause seront fournies au Comité dans les meilleurs délais afin de lui permettre d’en tenir compte dans ses observations finales.

37.Le PRÉSIDENT remercie la délégation de toutes les réponses qu’elle a données au Comité. Les renseignements additionnels qu’elle souhaite voir refléter dans les observations finales devront être communiqués par écrit dans le délai imparti à cet effet. Le rapport sérieux et détaillé soumis par l’État partie et les renseignements complémentaires apportés par la délégation ont montré qu’il avait été remédié à certaines lacunes dans lesquelles le Comité avait vu un manquement possible aux obligations internationales de l’État partie à l’occasion de l’examen de son précédent rapport. Toutefois, le Comité regrette cette fois encore le maintien de certaines déclarations interprétatives, en particulier celle qui se rapporte au paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte. L’État partie interprète cette disposition comme permettant des restrictions ou exceptions au droit de toute personne déclarée coupable d’une infraction de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité et la condamnation. Le paragraphe 5 de l’article 14 prévoit que ce droit doit être exercé «conformément à la loi», mais il n’est pas concevable que la législation nationale d’un État partie puisse soumettre un droit consacré par le Pacte à des restrictions ou à des exceptions quand le Pacte lui-même n’en prévoit aucune. L’étendue des attributions de la Cellule des droits de l’homme et des libertés fondamentales reste floue, et il n’a pas été donné de raisons justifiant que son mandat porte uniquement sur les questions relevant des obligations découlant de la Convention européenne des droits de l’homme. Le Comité aurait souhaité davantage de précisions sur l’application des droits garantis à l’article 10 du Pacte, en particulier sur le régime juridique de protection des personnes condamnées par des juridictions monégasques qui exécutent une peine d’emprisonnement dans des établissements pénitentiaires français. Au sujet de certaines dispositions de sa législation potentiellement incompatibles avec ses obligations internationales, l’État partie a répondu que les dispositions en question n’étaient plus applicables dans la pratique. On peut donc se demander pourquoi de telles dispositions ne sont pas abrogées. Les explications que pourra donner l’État partie sur ce sujet seront des plus utiles. L’interprétation de la notion de secte est une source perpétuelle de controverse car toute tentative de définition soulève inévitablement la question de l’atteinte à la liberté de religion, à la liberté d’opinion et à la liberté d’association. Le Comité suivra avec intérêt les mesures qui seront prises à l’avenir afin de garantir la compatibilité sans réserve de la législation nationale et de sa mise en œuvre avec les obligations internationales de l’État partie dans le domaine des droits de l’homme.

38.M. FILLON (Monaco) remercie le Président pour l’efficacité avec laquelle il a conduit l’examen du deuxième rapport périodique de Monaco et assure les membres du Comité que leurs observations seront étudiées avec le plus grand soin. Il ajoute que le processus de réforme de la législation nationale a été lancé et sera mené à bonne fin, mais cet exercice requiert des ressources, de la rigueur et par conséquent du temps, en particulier pour un petit État comme Monaco.

39. La délégation monégasque se retire.

La séance est levée à 13 h 5.

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