Nations Unies

CCPR/C/SR.3495

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

14 septembre 2018

Original : français

Comité des droits de l’homme

1 2 3 e session

Compte rendu analytique de la 3495 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le jeudi 5 juillet 2018, à 10 heures

Président (e)  :Mme Waterval (Rapporteuse)

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 40 du Pacte (suite)

Quatrième rapport périodique de l’Algérie (suite)

La séance est ouverte à 10 h 5.

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 40 du Pacte (suite)

Quatrième rapport périodique de l’Algérie (CCPR/C/DZA/4, CCPR/C/DZA/Q/4, CCPR/C/DZA/Q/4/Add.1 et HRI/CORE/1/Add.127) (suite)

1.Sur l’invitation de la Présidente, la délégation algérienne reprend place à la table du Comité.

2.La Présidente invite la délégation à répondre aux questions de suivi posées par les membres du Comité à la séance précédente.

3.M.  Soualem (Algérie) tient à signaler que les allégations selon lesquelles des violations des droits de l’homme auraient été commises pendant des décennies dans les camps de réfugiés sahraouis ont suscité de nombreuses réactions indignées d’acteurs présents sur le terrain depuis quarante ans. Des fonctionnaires du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), du Programme alimentaire mondial (PAM), de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), des membres de la Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO) et des représentants d’organisations non gouvernementales (ONG) occidentales ont contacté la délégation pour lui dire qu’ils n’avaient jamais entendu parler de telles violations alors qu’ils étaient les mieux placés pour en être informés et que, s’ils en avaient eu connaissance, ils les auraient dénoncées. Le Comité voudra peut-être inviter le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) à effectuer une mission sur le terrain afin de vérifier le bien-fondé de ces allégations.

4.La Constitution algérienne garantit en son article 150 la primauté des instruments internationaux sur la législation interne. Si le Conseil constitutionnel constate une incompatibilité entre les lois nationales et le droit international ou la Constitution, il peut s’autosaisir. Il n’existe pas d’organe chargé spécifiquement de la lutte contre la discrimination et les litiges dans ce domaine se règlent devant les tribunaux. L’Algérie ne connaît pas le communautarisme, l’islam étant la religion d’État depuis plus de quinze siècles et l’écrasante majorité de la population étant musulmane. Le recensement de la population et l’établissement de statistiques ventilées selon l’appartenance ethnique sont considérés comme des pratiques discriminatoires et ne sont donc pas autorisés. Tous les Algériens ont des origines amazighes et il n’y a pas lieu d’établir des distinctions entre eux sur la base de ce critère. Force est toutefois de reconnaître que des propos hostiles aux Amazighs sont publiés sur les réseaux sociaux. Cependant, l’État algérien n’a pas les moyens de lutter contre ce phénomène ni de poursuivre les auteurs de ces discours de haine car les fournisseurs d’accès sont généralement basés à l’étranger et les comptes des utilisateurs sont anonymes. Pour ce qui est des droits de l’homme, le Parlement compte deux organes chargés spécifiquement de cette question : la Commission des affaires juridiques et administratives et des droits de l’homme, qui relève du Conseil de la nation (Sénat), et la Commission des affaires juridiques et administratives et des libertés, qui fait partie de l’Assemblée populaire nationale. Enfin, M. Soualem souligne que les journalistes sont des justiciables comme les autres et que ceux qui sont actuellement poursuivis le sont parce qu’ils sont soupçonnés d’avoir enfreint la loi. Leur qualité de journaliste ne leur confère pas l’immunité de poursuites.

5.M.  Sid Ahmed (Algérie) souligne que la clause du pardon ne peut aucunement être invoquée dans les affaires de viol car le viol constitue un crime et non un délit et, en tant que tel, il relève de la compétence des tribunaux criminels. À propos de ces juridictions, il convient de signaler que, comme suite à une modification apportée en 2015 à la Constitution, un deuxième degré de juridiction a été instauré. Il existe donc désormais des tribunaux criminels de première instance et des cours criminelles d’appel. En ce qui concerne la peine capitale, il faut préciser que, lorsque les faits reprochés à un accusé sont passibles de la peine de mort et que celui-ci ne se présente pas à son procès, le tribunal le juge par contumace, en l’absence de jury, et prononce automatiquement la peine maximale. Cependant, si l’intéressé comparaît ultérieurement devant le tribunal et fait valoir ses arguments, le jugement est annulé et, dans la plupart des cas, une peine moins sévère est prononcée.

6.Compte tenu de leur vulnérabilité, les femmes victimes de violence jouissent du droit de bénéficier gratuitement des services d’un avocat. Un fonds d’indemnisation a été mis en place afin que les femmes divorcées dont l’ex-mari ne paie pas la pension alimentaire ou les dommages et intérêts qu’il est censé verser ne soient pas lésées.

7.La Constitution ne comporte certes pas de définition de la torture, mais elle stipule expressément que les instruments internationaux ratifiés par l’Algérie ont force de loi et priment le droit interne. L’Algérie étant partie à la Convention contre la torture et ayant incorporé la définition qui y figure dans son Code pénal, son arsenal juridique est suffisamment complet dans ce domaine.

8.D’après des statistiques publiées en janvier 2018, l’Algérie compte 148 lieux de privation de liberté, dont des centres de détention provisoire, des centres de rééducation et des centres de réadaptation, et 10 établissements ouverts. Le nombre d’agents pénitentiaires est actuellement estimé à 25 000 fonctionnaires, chiffre qui englobe non seulement les gardiens de prison, mais aussi tous les personnels travaillant en milieu carcéral, soit les médecins, les dentistes, les psychologues et d’autres personnels médicaux.

9.S’agissant de l’affaire d’apologie du terrorisme citée à la séance précédente par le Rapporteur, la délégation ne peut mentionner le nom de l’intéressé car elle a une obligation de réserve. L’individu en question est soupçonné de faits graves, ayant lancé des appels à passer à l’acte sur les réseaux sociaux et proféré des discours radicaux. Une enquête a été ouverte, son ordinateur a été saisi et des images d’exécutions de militaires commises par un groupe terroriste très connu au plan international y ont été trouvées. Cet homme a été condamné à deux ans d’emprisonnement avec sursis et a été remis en liberté.

10.M.  Santos Pais signale que l’État partie a la possibilité de fournir au Comité des réponses par écrit sur les affaires sensibles au sujet desquelles la délégation ne peut communiquer de renseignements en séance publique. En ce qui concerne la place du Pacte dans le droit interne, il prend acte du fait que cet instrument prime les lois nationales, mais constate qu’il se situe à un niveau inférieur à la Constitution. Or, étant donné que la version actuelle du préambule de la Constitution semble conférer à la Charte pour la paix et la réconciliation nationale un rang constitutionnel, il serait intéressant de savoir si le Pacte prévaudrait sur la Charte en cas de conflit et si des particuliers auxquels la Charte a été appliquée et qui s’estiment victimes d’une violation de leurs droits pourraient invoquer directement le Pacte devant les tribunaux. Citant plusieurs articles de la Convention de Vienne sur le droit des traités, M. Santos Pais souligne que les obligations que les États contractent en ratifiant un instrument ne sauraient varier en fonction de leurs circonstances particulières.

11.En ce qui concerne le camp de réfugiés de Tindouf, M. Santos Pais dit qu’il ne préjuge pas du bien-fondé des allégations de disparitions et d’exécutions portées à la connaissance du Comité mais qu’il estime préoccupant que l’État partie considère que les actes qui pourraient avoir été commis sur une partie de son territoire ne sont pas de son ressort et qu’il s’en remette au Front Polisario et aux organisations internationales pour faire la lumière sur ces allégations et demander des comptes aux responsables. Il serait souhaitable que l’État partie revoie sa position à ce sujet.

12.En ce qui concerne la suite donnée aux constatations rendues par le Comité, M. Santos Pais dit que l’attitude du Gouvernement n’est pas acceptable. Les actes dénoncés dans les communications en question constituent des violations graves des droits de l’homme et, en outre, les auteurs de certaines de ces communications auraient été victimes de harcèlement de la part de la police et des autorités judiciaires algériennes. À ce propos, il invite la délégation à se reporter aux paragraphes 4, 11, 13, 15 et 20 de l’observation générale no 33 du Comité sur les obligations des États parties en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte et aux Principes directeurs relatifs à la lutte contre l’intimidation ou les représailles (Principes directeurs de San José).

13.En ce qui concerne l’indépendance de la magistrature, M. Santos Pais constate que l’exécutif a des pouvoirs étendus sur l’appareil judiciaire car tous les magistrats sont nommés par le Président de la République, sur proposition du Ministre de la justice. En outre, les magistrats ont l’interdiction de faire grève et ne deviennent inamovibles qu’après dix années de service. Le parquet, pierre angulaire de la préservation de l’indépendance de la justice, est entièrement soumis à l’autorité du Ministre de la justice, qui est habilité à suspendre, révoquer et mettre à la retraite les magistrats en cas de faute grave. Rien qu’en 2011, 300 juges ont été mis à la retraite par décret présidentiel, ce qui est préoccupant. Compte tenu de ces éléments, M. Santos Pais prie la délégation de fournir un complément d’information sur la réforme judiciaire, notamment sur les objectifs, les étapes et le calendrier qui ont été fixés, et de décrire les mesures prises pour assurer l’indépendance du Conseil supérieur de la magistrature. Des statistiques sur les éventuelles enquêtes et poursuites pour corruption qui auraient été ouvertes contre des magistrats seraient bienvenues.

14.M. Santos Pais prend note des déclarations de l’État partie selon lesquelles plusieurs milliers de manifestations ont eu lieu pendant le processus électoral, mais il est préoccupé par les restrictions draconiennes imposées à la liberté de rassemblement pacifique par la loi no 91-19 relative aux réunions et manifestations publiques, qui est plus stricte que la précédente loi. Les manifestations sont soumises à un régime d’autorisation discrétionnaire, un préavis de huit jours est exigé et des sanctions pénales sont prévues en cas de non‑respect de ce régime. M. Santos Pais s’interroge sur le bien-fondé du maintien de l’interdiction de manifester à Alger, puisque l’état d’urgence a été levé en 2011, et demande si l’État partie entend abroger le décret du 18 juin 2001 par lequel a été instaurée cette interdiction. Il souhaiterait également savoir si l’État partie envisage de réformer la loi no 91-19 et de remplacer le régime d’autorisation préalable par un régime de notification. Il s’interroge sur les critères retenus pour estimer qu’une manifestation menace ou non l’ordre public, et demande des statistiques sur les décisions de refus concernant des réunions publiques et privées. Il demande à la délégation de confirmer que les personnes qui gèrent des lieux de réunion privés ne font pas l’objet de poursuites ou de harcèlement. Il s’enquiert enfin des mesures prises pour prévenir l’usage excessif de la force par les agents de la force publique lors de la dispersion de rassemblements.

15.M. Santos Pais dit que, si la création de syndicats est en théorie soumise à un régime déclaratif, il est en pratique fréquent que l’administration refuse d’enregistrer des syndicats indépendants. L’État partie a été interpellé à ce sujet par le Parlement européen et par la Commission de l’application des normes de la Conférence internationale du travail, qui l’a appelé à mettre fin aux pratiques qui entravent l’enregistrement des syndicats autonomes et à réintégrer tous les travailleurs suspendus ou licenciés à cause de leurs activités syndicales. D’après les informations dont dispose le Comité, il semble que des grèves et des manifestations de syndicats autonomes soient parfois interdites, et que les manifestations soient dispersées violemment. M. Santos Pais invite la délégation à dire combien de plaintes ont été introduites par des syndicats auprès du Ministère du travail à la suite d’un refus d’enregistrement, et quelles suites ont été données à ces plaintes, et à confirmer que toute entrave à la création et à l’enregistrement de nouveaux syndicats, notamment des syndicats autonomes, donnera lieu à une procédure adéquate dans les délais impartis, et que les éventuels refus seront motivés. La délégation est également invitée à faire part de ses commentaires au sujet de la répression, du harcèlement judiciaire, des actes d’intimidation et des menaces (de licenciement ou de suspension par exemple, notamment au sein de l’administration publique) dont font l’objet les syndicalistes.

16.M me Brands Kehris demande à la délégation de confirmer que l’État partie répondra par écrit aux questions précises qu’elle a posées sur les cas de disparitions forcées et les enquêtes et poursuites les concernant, ainsi que sur les recours offerts aux familles et les mesures prises pour identifier les dépouilles retrouvées dans des fosses communes ou dans des sépultures anonymes et informer les familles. Selon de nombreux rapports, il n’y a pas eu d’enquêtes sur les massacres, et de nombreuses familles ignorent ce qu’il est advenu de leurs proches et n’ont pas pu exercer de recours effectif ; la délégation est invitée à commenter ces informations.

17.Mme Brands Kehris sait gré des informations qui ont été communiquées au sujet des condamnations prononcées en application de l’article 175 bis du Code pénal. Toutefois, il serait utile d’avoir des précisions sur les raisons d’incriminer les personnes qui quittent le territoire algérien sans passer par les postes frontière et sur la manière dont sont appliquées les dispositions législatives concernant la sortie du territoire. La délégation est également invitée à donner des précisions sur les cas d’interdiction de quitter le territoire, et notamment sur le cas de 96 militants qui souhaitaient se rendre à Tunis pour participer au treizième forum social mondial et qui se seraient vu arbitrairement interdire de quitter le territoire. Elle pourra dire en outre s’il est toujours recouru à l’interdiction de sortie du territoire, et donner des précisions sur la modernisation du système de documents de voyage mentionnée dans le rapport (CCPR/C/DZA/4).

18.Mme Brands Kehris demande, au sujet de la liberté de religion, un complément d’informations sur l’application de l’ordonnance no 06-03 du 28 février 2006 fixant les conditions et règles d’exercice des cultes autres que le culte musulman et des dispositions de cette ordonnance qui répriment le fait d’inciter, contraindre ou utiliser des moyens de séduction tendant à convertir un musulman à une autre religion et de fabriquer, entreposer, ou distribuer des documents imprimés ou métrages audiovisuels ou tout autre support ou moyen qui visent à ébranler la foi d’un musulman, ainsi que sur sa compatibilité avec l’article 18 du Pacte. Elle demande des précisions sur les cas de Noureddine Belabbes, pasteur de l’église de Tiaret, condamné le 24 janvier 2018 à deux ans d’emprisonnement sur la base de cette ordonnance pour avoir transporté 56 bibles dans son véhicule en 2015 ; d’Idir Hamdad, un chrétien condamné à six mois d’emprisonnement puis, en appel, à une amende pour importation de matériel religieux ; de trois chrétiens arrêtés en décembre pour possession de bibles et qui seraient menacés d’un procès pour prosélytisme. Elle invite également la délégation à commenter l’information selon laquelle depuis novembre 2017, plusieurs églises évangéliques ont reçu ordre de fermer leurs lieux de culte pour non‑conformité aux normes de sécurité et à l’ordonnance citée plus haut. Elle demande en outre des informations sur la situation des Ahmadis et les raisons pour lesquelles au moins 280 personnes appartenant à cette communauté ont fait l’objet d’enquêtes après le refus d’enregistrement d’une association et la fermeture d’une mosquée par l’État partie. Elle s’enquiert des obstacles à l’enregistrement d’associations à but religieux et demande comment l’État partie garantit la liberté religieuse et la proportionnalité des demandes législatives et administratives. Enfin, elle souhaiterait savoir si les personnes qui ne jeûnent pas pendant le ramadan sont passibles de sanctions en vertu du Code pénal, et quelles mesures sont prises pour protéger ces personnes des attaques physiques ou verbales dont elles peuvent faire l’objet.

19.M.  Koita souhaiterait avoir davantage d’explications sur l’absence de cadre institutionnel spécifique de prévention de la torture, et notamment sur l’absence de mécanisme national de prévention ou de mécanisme chargé d’enquêter sur les allégations d’actes de torture mettant en cause des agents publics. Il note que la loi n’interdit pas expressément l’utilisation comme preuves des aveux obtenus par la torture et que, selon des informations transmises au Comité, plusieurs personnes condamnées sur la base de tels aveux seraient toujours privées de liberté. Il rappelle que le Comité contre la torture et le Comité des droits de l’homme ont recommandé à l’État partie, respectivement en 2007 et en 2008, d’interdire explicitement l’utilisation, devant toutes les juridictions, d’aveux obtenus par la torture, et recommande à l’État partie de renforcer sa législation en incluant, par exemple dans son Code de procédure pénale, des dispositions excluant la recevabilité de tels aveux comme preuve, conformément à l’article 14 du Pacte. Il invite la délégation à dire combien de recours concernant des condamnations prononcées sur le fondement d’aveux obtenus par la torture ont été formés, et qu’elle en a été l’issue. Il demande aussi combien de poursuites ont été engagées pour utilisation de la torture, notamment dans le cadre de la lutte antiterroriste, et quelles peines ont été prononcées, et si l’État partie a mis en place un dispositif préventif ainsi que des formations à l’intention des personnes chargées de l’application de la loi.

20.M. Koita relève que plusieurs cas de détention arbitraire portés devant les organes conventionnels n’ont ni fait l’objet d’enquête ni donné lieu à des réparations, et que l’État partie a ignoré les décisions de ces organes et celles des mécanismes des procédures spéciales soulignant le caractère arbitraire des privations de liberté et lui rappelant son obligation d’enquêter et d’offrir des réparations. Il demande quelles mesures ont été prises pour mettre fin notamment à la détention de M. Djameleddine Laskri, détenu depuis vingt‑quatre ans et dont la détention a été jugée arbitraire par le Groupe de travail sur la détention arbitraire dans un avis daté du 30 avril 2014 et demandant sa libération. Il demande également des informations sur le cas de M. Ali Attar, membre de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme, détenu arbitrairement depuis 2015 et dont le cas a été soumis au Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste.

21.M. Koita relève que le Code de procédure pénale, dans sa version modifiée par l’ordonnance no 15-02 du 23 juillet 2015, prévoit que chaque personne gardée à vue a le droit de communiquer soit avec un membre de sa famille soit avec un avocat, la durée de l’entretien avec l’avocat étant limitée à trente minutes. Il souhaiterait des précisions sur cette disposition, et aimerait notamment savoir si la personne gardée à vue peut ou non s’entretenir avec un avocat si elle a déjà choisi de communiquer avec un membre de sa famille. De plus, étant donné que l’ordonnance impose la présence d’un officier de police judiciaire lors des entretiens entre la personne gardée à vue et son avocat, il s’interroge sur la confidentialité de ces entretiens. Il demande également si l’accès effectif à un avocat est garanti dès le début de la garde à vue, indépendamment de la nature de l’infraction. Plusieurs sources indiquent que dans les affaires de terrorisme, où l’accès à un avocat n’est garanti qu’à l’expiration de la moitié de la durée maximale de la garde à vue (soit six jours), cette garantie procédurale n’est pas toujours respectée. La délégation est invitée à commenter cette information, ainsi que celles indiquant que les médecins chargés d’examiner les personnes à l’issue de la garde à vue en cas de plainte pour torture refusent généralement de constater les séquelles d’actes de torture. M. Koita demande si l’État partie pourrait envisager de ramener à quarante-huit heures la durée maximale de la garde à vue en toute matière et de permettre l’accès immédiat, confidentiel et effectif à un avocat, d’assurer à toute personne privée de liberté le droit de contester la légalité de sa détention devant une autorité judiciaire indépendante et impartiale, et de garantir l’accès à un avocat à tous les stades de la procédure, notamment pour les personnes soupçonnées de crimes passibles de la peine de mort.

22.M. Koita relève que la législation de l’État partie autorise le placement d’une personne en détention provisoire pour des durées allant de quatre à vingt et un mois, ce qui est excessif au regard du droit d’être jugé dans des délais raisonnables, et ilajoute qu’en pratique, des accusés ont été maintenus plusieurs années en détention provisoire. Il cite le cas de M. Malik Medjnoune, et demande quelles suites l’État partie a données aux constatations du Comité le concernant, et notamment si l’intéressé a été libéré et indemnisé. M. Koita demande ce qui est fait pour garantir l’accès à des voies de recours utiles permettant de contester devant un tribunal le bien-fondé de la détention provisoire etd’obtenir une remise en liberté si la détention est jugée illégale. Sachant qu’environ 45 500 personnes sont actuellement en détention provisoire, soit 11% de la population carcérale, il serait bon également de savoir quelles mesures sont prises pour faire baisser ce taux.

23.M me Jelić demande des informations actualisées sur l’adoption de la loi relative au droit d’asile. Elle souhaiterait savoir ce qui est fait pour délivrer des documents d’identité aux réfugiés et aux demandeurs d’asile et pour garantir l’accès de ces personnes à une protection internationale, et quelles mesures ont été prises pour protéger les enfants réfugiés et demandeurs d’asile contre la violence et la traite, et aussi pour veiller à ce que tous soient scolarisés. Elle invite aussi la délégation à décrire les mesures prises pour lutter contre l’apatridie et garantir la protection des personnes apatrides. Remarquant que l’Algérie n’a pas adhéré à la Convention sur la réduction des cas d’apatridie, elle demande s’il est envisagé d’y remédier. La délégation est également invitée à commenter les informations préoccupantes émanant de la société civile et des médias concernant les conditions dans lesquelles ont lieu les expulsions de migrants, et notamment le cas de 13 000 personnes, dont des femmes enceintes et des enfants, qui auraient été abandonnées en plein Sahara.

24.Mme Jelić souhaiterait en savoir plus sur les mesures prises en vue de promouvoir le pluralisme politique. Elle demande quels droits sont accordés à l’opposition parlementaire en vue de sa participation effective. Le niveau de participation de la société civile et de l’ensemble de la société, notamment des minorités, étant un bon indicateur du caractère démocratique d’une société, elle s’inquiète de la réponse de l’État partie selon laquelle cette participation n’est pas autorisée.

25.M.  de Frouville demande des précisions sur les mesures prises pour lutter contre les stéréotypes et la stigmatisation à l’égard des lesbiennes, des gays, des bisexuels et des transgenres (LGBT), ainsi que sur une éventuelle révision de l’article 338 du Code pénal qui réprime les relations sexuelles consenties entre personnes de même sexe. Il souhaite savoir si les valeurs civilisationnelles évoquées par l’État partie interdisent de lutter contre la stigmatisation ou d’abroger l’article 338 du Code pénal.

26.En ce qui concerne la peine de mort, M. de Frouville croit comprendre que toutes les condamnations à la peine capitale seront commuées en peines de prison à perpétuité, mais il souhaite savoir quand et demande à l’État partie de prendre un engagement sur la question.

27.M. de Frouville souhaiterait des renseignements complémentaires sur la loi, adoptée en mai 2018, qui assouplit les conditions de recours à l’interruption volontaire de grossesse, et demande si une dépénalisation totale est envisagée.

28.M. de Frouville sait gré des explications fournies quant à la compatibilité de la loi organique no 12-05 du 12 janvier 2012 relative à l’information avec l’article 19 du Pacte. Il remarque que l’État partie avait accepté la recommandation visant à réviser cette loi qui avait été formulée dans le cadre de l’Examen périodique universel, mais qu’aucune mesure n’a été prise dans ce sens. Il s’inquiète du caractère restrictif de ce texte, et notamment de son article 2, qui définit l’information comme une activité et non comme une liberté, et de son article 92, qui exige le strict respect par le journaliste de l’éthique et de la déontologie, mais exige aussi le respect des attributs et symboles de l’État et interdit toute atteinte à l’histoire nationale, ainsi que la diffusion d’images ou de propos amoraux ou choquants. Outre ces limites excessives sur le contenu du discours, la loi fixe également des conditions très restrictives à l’exercice même de la liberté d’expression. Il demande notamment des précisions sur l’article 121, qui interdit la publication et la diffusion des comptes rendus de débats concernant des procès relatifs à l’état des personnes et à l’avortement.

29.M. de Frouville indique qu’en pratique, il semble que le Code pénal continue de restreindre la liberté d’expression dans l’État partie. Plusieurs de ses dispositions, qui avaient suscité la préoccupation du Comité il y a dix ans, ont été modifiées mais demeurent problématiques, comme les articles 96, 144, 144 bis, 144 bis 2, 146, 296 et 298. M. de Frouville demande à la délégation de commenter le cas de Hassan Bouras, membre dirigeant de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme, poursuivi pour complicité d’outrage à corps constitué après avoir filmé et diffusé des vidéos de témoignages de victimes d’abus policiers, et condamné à un an d’emprisonnement ; le cas de Mohamed Tamalt, arrêté le 27 juin 2016 pour offense aux institutions et au Président de la République et décédé en détention le 11 décembre 2016 ; et l’arrestation en janvier 2017 du blogueur Merzoug Touati, qui a été condamné à dix ans d’emprisonnement. Il fait part enfin de son inquiétude quant aux chiffres communiqués par l’État partie sur l’application des dispositions du Code pénal citées plus haut, car ils montrent que celles-ci, loin d’être symboliques, sont appliquées dans de très nombreux cas. On relève en effet 7 000 plaintes et 5 000 condamnations chaque année, un chiffre très élevé pour ce qu’il est convenu d’appeler des délits d’opinion.

30.En ce qui concerne la liberté d’association, M. de Frouville note que sous le régime de la loi no 12-06 du 12 janvier 2012, plusieurs associations sont toujours en attente d’une reconnaissance légale, leur demande d’agrément ayant été refusée ou étant restée sans réponse. La loi stipule que l’objet et le but des associations doivent ne pas être contraires aux valeurs nationales, lesquelles sont mal définies et permettent potentiellement d’interdire toute association. La loi impose aux associations nationales d’obtenir l’accord préalable des autorités compétentes pour coopérer avec une ONG étrangère ou en recevoir un financement, ce qui restreint considérablement ce type de coopération. M. de Frouville invite la délégation à donner des explications sur ce qui précède et à commenter les informations selon lesquelles les associations sont constamment menacées de dissolution pour ingérence dans les affaires internes du pays ou atteinte à la souveraineté nationale, et les associations créées en vertu de la précédente législation sont tenues de se mettre en conformité avec la nouvelle loi dans un délai de deux ans, mais la procédure mise en place sert de prétexte pour ne pas renouveler leur agrément.

31.M.  Politi, rappelant que la ratification d’un traité international est une décision souveraine, demande des explications au sujet de la décision de l’Union africaine qui empêcherait l’Algérie de ratifier le Traité de Rome.

32.M.  Ben Achour souligne que le Comité ne demande pas à l’État partie de reconnaître publiquement le mariage homosexuel mais de dépénaliser les relations entre personnes de même sexe. Il estime que l’État partie devrait jouer un rôle moteur pour faire changer les mentalités à cet égard. Il prie également la délégation de donner des éclaircissements au sujet de la demande d’indemnisation et de réparation faite par l’Association des Marocains victimes d’expulsion arbitraire d’Algérie.

33.M.  Soualem (Algérie) explique que l’éloignement des ressortissants marocains en 1975 a été décidé à la suite de l’expulsion du Maroc et de l’expropriation de plus de 200 Algériens, sans indemnisation ni compensation, en application du dahir du 2 mars 1973. L’Algérie et le Maroc ont tenté de résoudre ce contentieux de manière bilatérale dans le cadre de commissions mixtes. En juin 2003, notamment, lors de la visite du Ministre des affaires étrangères marocain, les deux parties sont convenues d’échanger la liste des biens et des personnes concernés. Cependant, le 14 février 2006, dans le but de se soustraire à ses obligations, le Gouvernement marocain a publié un dahir permettant l’abrogation de certaines dispositions du dahir de 1973. Cette mesure unilatérale visait à torpiller les efforts déployés au niveau bilatéral pour trouver une solution globale et à remplacer le mécanisme bilatéral convenu par un examen au cas par cas réalisé exclusivement par le Maroc. Par ailleurs, il convient de noter que la majorité des Marocains éloignés pour lesquels des dédommagements ont été demandés ne possédaient pas de titre de propriété.

34.Sur la question de l’enregistrement des organisations, M. Soualem indique que dans les très rares cas où des ONG se sont vu refuser l’agrément, ce refus était motivé par la non‑conformité de leur dossier constitutif. Ainsi, des ONG percevant un financement public n’ont pas été en mesure de présenter des comptes certifiés par un commissaire aux comptes. Dans d’autres cas, la direction de l’ONG faisait l’objet d’un litige, lequel devait être réglé devant un tribunal administratif avant qu’une demande d’agrément puisse être déposée. Pour ce qui est de la coopération avec des organisations étrangères, elle est autorisée à condition qu’elle soit conforme aux buts de l’ONG algérienne. De plus, l’association qui sollicite un financement d’une ONG étrangère doit en informer préalablement le Ministère de l’intérieur afin d’assurer la traçabilité des fonds.

35.S’agissant de l’Examen périodique universel, l’État partie a accepté 178 des 228 recommandations qui en sont issues et a expliqué pourquoi il n’adhérait pas aux 50 autres. Un projet de loi visant à améliorer le Code de l’information est en cours d’élaboration. En ce qui concerne les cas spécifiques mentionnés, des informations circonstanciées ont été fournies aux mécanismes compétents et ces informations sont disponibles auprès du secrétariat et des mécanismes en question.

36.M. Soualem explique que la décision de ne pas ouvrir la mosquée construite à Blida a été prise en raison du non-respect de l’obligation d’afficher les informations requises. Il précise par ailleurs que l’importation du livre religieux est réglementée. La littérature religieuse a fait des ravages en Algérie, et l’État a le droit de demander l’origine et l’usage des livres importés et de vérifier qu’ils respectent le principe de tolérance. Concernant le jeûne, M. Soualem dit n’avoir pas connaissance de cas de personnes poursuivies ou condamnées pour n’avoir pas jeûné.

37.En réponse à diverses questions, M. Soualem dit qu’à chaque fois qu’une personne a été arrêtée pour avoir participé à un massacre, l’intéressé a été traduit en justice et condamné et son identité a été révélée publiquement ; qu’une magistrate a été nommée déléguée nationale à l’enfance et qu’un comité directeur pour l’enfance a été créé, lequel effectue un travail transversal et public, avec la participation de la société civile ; et qu’en ce qui concerne la liberté de mouvement, l’obligation de disposer de documents de voyage et de passer par les postes frontière pour quitter le territoire national s’applique dans tous les pays, et pas seulement en Algérie.

38.L’Algérie subit une énorme pression migratoire. Elle offre une protection internationale à toutes les personnes qui en ont besoin et qui y sont éligibles, conformément à la Convention de 1951 et au Protocole de 1967. Un projet de loi sur l’asile est en cours d’élaboration mais le contexte actuel impose à l’État de prendre le temps nécessaire pour s’assurer que la nouvelle loi est adaptée. Cela étant, les demandeurs d’asile et les réfugiés peuvent déposer leur demande auprès du bureau du Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR) établi dans le pays. Le cas échéant, les migrants sont rapatriés avec l’accord de leur pays d’origine, en toute transparence. Les allégations selon lesquelles l’État partie aurait abandonné des migrants en plein désert sont infondées et ont été démenties par le représentant de l’Organisation internationale pour les migrations lui-même. Le problème de la migration appelle une solution globale, et le pacte global qui devrait être achevé à la fin de cette année jouera un rôle à cet égard.

39.M. Soualem indique qu’à chaque réunion du Conseil de sécurité, l’Algérie demande que la question des Sahraouis en Algérie soit ajoutée au mandat de la MINURSO, de manière à obtenir une image exacte de la situation. Il ajoute que des mesures de confiance ont permis à des réfugiés sahraouis en Algérie de visiter leurs proches dans le territoire occupé et inversement et que, sur plus de 20 000 personnes, moins de 10 sont restées sur place, ce qui montre que les allégations de torture, de disparition forcée et d’exécution sommaire sont infondées. Il insiste sur le fait que ces chiffres proviennent des rapports du Haut-Commissariat pour les réfugiés et du Représentant spécial du Secrétaire général.

40.En ce qui concerne la ratification du Statut de Rome, la décision pertinente est disponible sur le site Web de l’Union africaine. M. Soualem conclut en affirmant qu’aucun citoyen n’a été poursuivi pour avoir critiqué la Charte pour la paix et la réconciliation nationale et en rappelant que les voies de recours internes doivent avoir été épuisées avant que les mécanismes internationaux puissent être saisis.

41.Répondant aux allégations relatives à l’article 45 de l’ordonnance d’application de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, formulées dans des communications soumises au Comité,M.  Sid Ahmed (Algérie) demande si les personnes en question ont réellement déposé plainte en Algérie et ont vraiment épuisé tous les recours internes disponibles ; il souhaite en outre qu’on laisse les juges statuer dans les cas d’espèce conformément au Code de procédure pénale. S’agissant des personnes qui n’observent pas le jeûne, M. Sid Ahmed souligne qu’aucune disposition du Code pénal algérien ne réprime la non-observance du jeûne ; d’ailleurs, de plus en plus de personnes souffrant notamment de diabète ou d’hypertension ont l’obligation de s’alimenter et sont donc dans l’impossibilité d’observer le jeûne.

42.Par comparaison avec d’autres pays de la région, les modifications apportées au Code de procédure pénale algérien entre 2004 et 2018 sont comparables à une véritable révolution sur le plan juridique, car il est par exemple désormais possible de consulter un avocat dans la première heure de la garde à vue. En outre, les cas de torture sont devenus extrêmement rares en Algérie et ces pratiques n’ont plus cours. Toute personne admise dans un établissement carcéral est systématiquement examinée par un médecin, et s’il arrivait que des actes de torture soient commis, les responsables devraient en répondre au pénal. De plus, toute personne gardée à vue a le droit d’être examinée par un médecin, et les procureurs de la République, ainsi que les organisations internationales comme le Comité international de la Croix-Rouge, peuvent en tout temps et de manière inopinée se rendre dans les commissariats pour examiner les conditions dans lesquelles les personnes sont gardées à vue.

43.Concernant la proportion de prévenus dans la population carcérale, le taux de 11 % annoncé pour l’Algérie est comparable aux taux enregistrés pour de nombreux pays européens et il est parfaitement conforme à l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela). Ce chiffre tient au fait qu’à compter de 2016, la compétence de délivrer des mandats de dépôt à l’encontre de personnes arrêtées en flagrant délit, jusqu’alors exercée par les procureurs, a été confiée aux juges du siège, lesquels peuvent ordonner la comparution immédiate des personnes soupçonnées d’une infraction. Actuellement, environ 10 % de la population carcérale est en détention provisoire.

44.La question de la protection des enfants demandeurs d’asile contre l’exploitation sexuelle doit être examinée en parallèle avec celle de la traite des personnes. L’Algérie s’est dotée récemment d’une loi de protection de l’enfance et a créé la fonction de délégué national à la protection de l’enfance et mis en place un Comité national de prévention et de lutte contre la traite des personnes. En outre, elle s’est dotée d’une loi réprimant la traite des personnes, qui reprend fidèlement les dispositions de la Convention de Palerme et de ses trois Protocoles additionnels. Tous les cas d’exploitation d’enfants à des fins sexuelles sont assimilables à de la traite, et lorsque des enfants demandeurs d’asile sont victimes de traite, la saisine du juge des mineurs est automatique, et les enfants bénéficient systématiquement d’un suivi médical et psychologique.

45.L’indépendance du Conseil supérieur de la magistrature est garantie par le Président de la République ; le Conseil bénéficie d’une autonomie financière et administrative en vertu de la Constitution, et les magistrats qui le constituent sont élus par leurs pairs.

46.M.  Soualem (Algérie) ajoute que si le Président de la République signe les décrets de nomination des juges du Conseil supérieur de la magistrature, le processus de nomination des juges ainsi que l’ensemble du régime des carrières, des mutations, des retraites et des sanctions disciplinaires relèvent de la compétence des magistrats, qui sont placés sous l’autorité du premier président de la Cour suprême.

47.M.  Sid Ahmed (Algérie) fait observer que récemment la composition du Conseil supérieur de la magistrature a été partiellement renouvelée à la suite d’élections organisées au sein de cet organe et que, lorsqu’il se réunit en tant qu’organe disciplinaire, le Conseil est présidé par le Président de la Cour suprême et non pas par le Ministre de la justice. Il précise en outre que l’Algérie compte 6 400 magistrats, dont près de la moitié sont des femmes, et 450 magistrats du parquet, qui sont placés sous l’autorité du Ministre de la justice contrairement aux juges du siège et aux juges d’instruction, qui gèrent leurs dossiers et prennent leurs décisions en toute indépendance.

48.M.  Mostefai (Algérie) dit que la seule obligation nouvelle qui incombe aux associations est de se conformer aux dispositions prévues par la loi no12-06 du 12 janvier 2012 concernant la désignation d’un commissaire aux comptes et la domiciliation, en raison de la distinction entre les associations nationales, inter-wilayales, wilayales et communales. En ce qui concerne la participation de la société civile à la gestion des affaires publiques, le Ministère de la solidarité, le Ministère de la santé, le Ministère de la jeunesse et des sports et le Ministère de l’intérieur, notamment, font participer le mouvement associatif à leurs travaux, notamment dans le cadre de certaines institutions comme l’Observatoire national du service public ou l’organe chargé de la sécurité routière. Des subventions sont allouées dans le cadre d’un contrat-programme et en fonction du but poursuivi par l’association. S’agissant des dispositions de la loi relative aux associations mentionnées par M. Santos Pais, notamment les articles 23, 39 et 46, et plus particulièrement l’article 2, qui interdit de créer une association dont le but est contraire aux valeurs consacrées par le droit international, M. Mostefai dit qu’elles s’inscrivent dans l’esprit du Pacte et sont conformes à son article 22 notamment. En outre, en matière d’autorisation de création d’une association, seul le juge est compétent. Depuis l’indépendance de l’Algérie en 1962 jusqu’à l’adoption de la loi no 12-06 en 2012, le régime d’agrément applicable à la création des associations a évolué pour devenir un régime déclaratif en vertu duquel une association est légalement constituée si, à l’échéance d’un certain délai, l’administration ne s’est pas opposé pas à sa création. S’agissant de l’article 39 de ladite loi, qui permet de dissoudre une association ou d’en suspendre les activités, M. Mostefai explique que la suspension n’est imposée que si l’association ne s’est pas conformée aux exigences qui lui ont été fixées par l’administration, et que la dissolution n’est prononcée que par une instance judiciaire. La révision constitutionnelle de 2016 a octroyé à la loi relative aux associations le rang de loi organique afin de donner davantage d’importance au mouvement associatif. En ce qui concerne la possibilité offerte aux associations algériennes de coopérer avec des entités étrangères, M. Mostefai dit qu’elle ne figurait pas dans la loi no 90-31 du 4 décembre 1990 relative au statut des associations mais qu’elle est prévue par la loi no 12‑06 relative aux associations, notamment aux articles 23 et 30, ce dernier article accordant aux associations le droit de conclure un accord sur le financement d’un projet pour autant que ce financement soit obtenu en toute transparence et conformément aux objectifs de l’association considérée. La liberté de manifestation pacifique est prévue par le nouvel article 49 de la Constitution de 2016, et le Ministère de l’intérieur s’emploie à mettre la loi no 89‑28 relative aux réunions et manifestations publiques en conformité avec les règles internationales.

49.M.  Sid Ahmed (Algérie) dit qu’en vertu de la loi, les interdictions de quitter le territoire national ne peuvent être prononcées que par l’autorité judiciaire, et qu’en ce qui concerne la protection des libertés, les opérateurs de téléphonie ont reçu pour instruction de ne plus communiquer d’informations, par exemple à la police, sur l’historique des conversations et l’identité des abonnés, sauf sur injonction d’un procureur de la République.

50.En ce qui concerne la ratification du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, M.  Politi évoque une décision prise à l’occasion du Sommet de l’Union africaine tenu en 2017 dans laquelle il est recommandé à l’Union africaine d’adopter à l’égard de la Cour pénale internationale une double approche visant, d’une part, à réformer le fonctionnement de cet organe et, d’autre part, à renforcer l’engagement politique de la Cour auprès des parties intéressées ; il ajoute qu’aucune recommandation ou décision de l’Union africaine ne préconise la dénonciation du Statut de Rome, que seul le Burundi s’est retiré de la Cour pénale internationale, et que la ratification du Statut de Rome relève de la souveraineté de chaque État.

51.Sur la question du pardon qui peut être accordé à son agresseur par la victime d’un viol, M.  Ben Achour reconnaît que le Code pénal algérien ne prévoit pas que le violeur échappe aux poursuites s’il épouse sa victime mais il souhaite savoir s’il est vrai que, dans la pratique, les tribunaux font preuve d’indulgence à l’égard des violeurs qui épousent leur victime.

52.M me Brands Kehris demande s’il est exact que des personnes qui n’observent pas le jeûne sont condamnées par les tribunaux pour atteinte à l’islam et violation du caractère sacré du ramadan. Revenant sur la question posée la veille par M. Ben Achour au sujet de la conformité avec le Pacte de certaines dispositions de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, elle souhaite savoir si l’État algérien entend continuer de faire systématiquement référence à l’aide‑mémoire sur ladite Charte ou d’opposer l’argument du non-épuisement des recours internes dans certaines communications relatives notamment à l’article 45 de l’ordonnance no 06-01.

53.Faisant écho aux remarques de Mme Brands Kehris et de M. Ben Achour à propos de communications individuelles et rappelant que le Comité examine systématiquement si les recours internes ont été épuisés, M.  Shany dit qu’il espère que l’État partie donnera une explication sur l’absence de recours internes constatée par le Comité dans les cas qui ont été mentionnés.

54.M.  Santos Pais remercie la délégation algérienne pour son engagement et sa disponibilité.

55.M.  Soualem (Algérie) reconnaît que l’Algérie doit encore relever de nombreux défis, notamment ceux qui sont liés à la menace terroriste, à la baisse de ses revenus provenant de l’industrie pétrolière, au dividende démographique et à l’emploi des jeunes. Il ajoute que son pays sort d’une période très douloureuse qui a laissé de profondes cicatrices dans l’ensemble de la société. Le processus de justice transitionnelle mis en place dans le cadre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale est la solution qui a été retenue par l’Algérie pour tenter de sortir de la crise qu’elle a connue. Soulignant qu’il est important que les organisations non gouvernementales aient pu participer à l’examen du rapport présenté par l’Algérie, il rappelle que son pays reste attaché à la consolidation de l’état de droit et des libertés.

La séance est levée à 13 h 10.