Nations Unies

CCPR/C/SR.2811

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

8 octobre 2012

Français

Original: anglais

Comité des droits de l'homme

102 e session

Compte rendu analytique de la 2811 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le vendredi 15 juillet 2011, à 10 heures

Présidente:Mme Majodina

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties conformément à l'article 40 du Pacte (suite)

Rapport initial du Kazakhstan (suite)

La séance est ouverte à 10 heures.

Examen des rapports soumis par les États parties conformément à l'article 40 du Pacte (suite)

Rapport initial du Kazakhstan (suite) (CCPR/C/KAZ/1; CCPR/C/KAZ/Q/1 et Add.1)

1.Sur l'invitation de la Présidente, la délégation kazakhe reprend place à la table du Comité.

2.M.  Akhmetov (Kazakhstan), répondant à une question sur la santé génésique posée à la séance précédente, dit que son pays a enregistré ces dernières années une certaine baisse du nombre d'avortements chez les jeunes femmes de moins de 18 ans et qu'il cherche à en réduire encore le taux (3,3% en 2010) grâce à un programme global de sensibilisation. Le Ministère de l'éducation met également en place, avec la participation d'ONG, une stratégie de programmes scolaires sur la santé génésique et des programmes sanitaires spéciaux destinés aux femmes sont également mis en œuvre dans les zones rurales. En outre, un nouveau programme d'emploi contribue à améliorer la situation des femmes dans tous les domaines.

3.M.  Lepekha (Kazakhstan) dit que la loi relative à la prévention de la violence au foyer, adoptée en décembre 2009, définit les différentes formes de ce type de violence, notamment physique, psychologique et sexuelle, source également de difficultés financières. Elle énonce des mesures de prévention, telles qu'ordonnances d'interdiction d'approcher, ainsi que la procédure en matière de plaintes, qui peut être entamée par les particuliers victimes de violence au foyer, ou dans le cadre d’une enquête de la police ou des organes publics et autorités locales. La loi contient des dispositions permettant aux organisations d'assister les victimes et de signaler à la police tous actes effectifs ou éventuels de violence au foyer. La police collabore avec 28 centres d'urgence, dont 20 sont financés par l'État. La loi dispose en matière de défense des victimes et de sanctions envers les auteurs, dont l'emprisonnement. Depuis l'adoption de la loi, plus de 30 000 ordonnances d'interdiction d'approcher ont été prononcées dans des affaires de violence au foyer et, en 2010, ces mesures ont permis de réduire sensiblement le nombre d'infractions de ce type.

4.M.  Kustavletov (Kazakhstan), répondant à une question concernant la torture, dit que son gouvernement assume pleinement ses obligations découlant du droit international en la matière. Le Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants s'est rendu au Kazakhstan en 2010 et, dans son rapport au Conseil des droits de l'homme (par. 31 du document A/HRC/16/52), a remercié le Gouvernement kazakh pour son invitation officielle à effectuer une visite de suivi dans le pays, attestant ainsi "sa réelle volonté de lutter contre la torture et d’améliorer les conditions de détention".

5.M.  Seidgapparov (Kazakhstan), répondant à une question sur les mesures visant à combattre le terrorisme, dit que les droits et libertés des citoyens, tels que reconnus dans le Pacte, sont respectés durant les opérations de lutte contre le terrorisme. La législation nationale dispose en matière de restrictions temporaires, qui, toutefois, sont appliquées uniquement dans des cas extrêmes et en conformité avec la loi, en particulier les restrictions au droit de circuler librement pendant lesdites opérations. Au titre de la loi relative à la lutte contre le terrorisme, le Bureau du procureur général veille à l'application de la législation durant ces opérations. S'il s'ensuit des lésions corporelles graves, incompatibles avec la légitime défense, les auteurs doivent en répondre et sont passibles de sanctions.

6.L'état d'urgence peut être déclaré dans les cas d'instabilité politique, ou de menaces graves et immédiates à l'ordre public, comme en dispose le paragraphe 16 de l'article 44 de la Constitution.

7.M.  Kustavletov (Kazakhstan), indique, à propos de la question de la peine capitale, qu'il existe des garanties processuelles pour le réexamen des affaires. Le gouvernement prévoit de ratifier le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques en vue d'abolir la peine de mort. Son engagement à cet effet a été réaffirmé par sa participation à l'examen périodique universel (EPU) en 2010.

8.Des détenus qui purgent une peine de prison à vie pourraient bénéficier d'une libération anticipée et sans caution au titre des dispositions pertinentes du Code de procédure pénale. La Constitution fixe de strictes limites à l'application de la peine capitale, qui n'est encourue que pour actes terroristes entraînant la mort ou pour crimes graves commis en temps de guerre. La définition de l'acte de torture a été pleinement alignée sur l'article premier de la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

9.Le gouvernement s'est attaché à dépénaliser un certain nombre d'infractions par voie de modifications au Code pénal en janvier 2011. Il a aussi dépénalisé plus d'une vingtaine d'infractions, en abolissant la privation de liberté au titre de sanction et en réduisant la durée de détention pour différentes infractions. La torture est considérée comme l'un des crimes les plus graves, comme il apparaît dans son plan d'action pour 2010-2012 concernant l'exécution des recommandations du Comité contre la torture.

10.Le Bureau du procureur général participe directement à la vérification des rapports et enquêtes en matière de torture et autres méthodes illégales de recherche et d'enquête impliquant le mauvais traitement des parties aux procédures pénales. Au premier trimestre de 2011, le Bureau a été saisi de 70 déclarations pour actes de torture ou mauvais traitements qui toutes ont fait l'objet d'une enquête et se sont soldées par deux procédures pénales. Récemment, des policiers ont été condamnés à plusieurs années d'emprisonnement pour avoir infligé des tortures à un détenu, qui a obtenu réparation. Toutes les victimes de torture ont en fait été indemnisées.

11.Concernant la question relative à l'Organisation de coopération de Shanghai, M. Kustavletov dit que la ratification par le Kazakhstan de la Convention sur la lutte contre le terrorisme de cette organisation n'annule, ne restreint, ni ne modifie autrement les obligations de son gouvernement découlant d'autres instruments, la législation kazakhe accordant une importance égale à tous les traités. La ratification des traités est précédée d'un examen de leur conformité avec des traités et obligations antérieurs.

12.Quant à la question de l'inscription non motivée de personnes sur les listes dites noires, les autorités ne peuvent y recourir sans une décision judiciaire correspondante. Cette décision doit résulter d'un arbitrage judiciaire équitable effectué en application de toutes les obligations pertinentes et dans le respect des droits de l'homme.

13.M.  Sadybekov (Kazakhstan) dit que le Code d'application des peines réglemente les conditions de détention et de situation juridique des personnes condamnées à la réclusion à perpétuité. Elles exécutent leurs peines dans des locaux spéciaux et sont placées dans des cellules pour deux personnes. Elles ont droit à trois visites de courte durée (2 heures) et trois visites longues (3 heures) par an de parents proches et de tiers, notamment de membres de leur confession. En outre, tous les prisonniers, y compris ceux qui purgent des peines de prison à vie, peuvent rencontrer sans restriction leurs défenseurs et quiconque représente leurs intérêts.

14.Les détenus purgeant une peine de prison à vie ont droit à une promenade quotidienne d'une heure et demie. La durée des promenades peut passer à deux heures pour bonne conduite. Ils reçoivent trois repas chauds par jour et peuvent obtenir des aliments et des objets de toilette supplémentaires. Ils peuvent également téléphoner, se faire soigner et suivre des cours.

15.Un programme quadriennal visant à améliorer le régime d'application des peines a été récemment adopté. Il prévoit notamment: le placement de détenus dans des cellules individuelles, l'amélioration des conditions de détention, des mesures de substitution à l'emprisonnement, la modernisation du régime carcéral en appliquant le principe "des gardiens à la technologie" et l'emploi des détenus.

16.La société civile continuera d'être associée à la surveillance des lieux de détention. Les autorités élaborent avec des ONG kazakhes un projet commun de suivi des structures accueillant des détenus condamnés à la prison à vie, ainsi que leur statut juridique.

17.M me Keller note qu'une commission spéciale a été chargée de vérifier si les traités que le Kazakhstan doit ratifier sont compatibles avec ses obligations contenues dans les traités internationaux en vigueur. Elle demande si la commission cherche systématiquement à savoir si les nouveaux traités proposés sont compatibles avec les obligations en matière des droits de l'homme.

18.Tout en se félicitant d'apprendre que nul n'est inscrit sur la liste noire sans décision de justice, Mme Keller souhaite savoir comment le Kazakhstan traite les personnes inscrites sur une liste noire par d'autres membres de l'Organisation de coopération de Shanghai. L'organisation accepte-t-elle ces inscriptions indépendamment du fait qu'elles ont été entérinées par une décision judiciaire?

19.Au dire de la délégation, la Charte de l'Organisation de coopération de Shanghai exige que les membres soient liés par tous les traités relatifs aux droits de l'homme et les principes de la Charte des Nations Unies. Mme Keller note cependant que le conflit entre lutte contre le terrorisme et protection des droits de l'homme est pour ainsi dire universel. Son propre pays, la Suisse, par exemple, se trouve toujours assignée devant la Cour européenne des droits de l'homme dans l'affaire Nada c. Suisse.

20.M.  Salvioli se félicite du fait que l'État partie admet l'existence de la torture au Kazakhstan, ainsi que de sa détermination à prendre des mesures vigoureuses à cet égard.

21.Quelle est la politique du gouvernement dans les cas où une personne qui doit être extradée risque d'être soumise à la torture dans le pays requérant? Le Comité contre la torture a préconisé des mesures provisoires en vue de surseoir à l'extradition de 28 ressortissants ouzbèks. Le groupe a toutefois été extradé. Un certain nombre d'ONG se sont déclarées préoccupées par de telles pratiques. Quelles mesures l'État partie prend-il pour empêcher des violations du principe de non-refoulement?

22.M.  Neuman n'est pas certain d'avoir bien compris la description par la délégation des dispositions visant à concilier la législation sur la lutte contre le terrorisme avec la Constitution et le Pacte. L'article 4 du Pacte concernant l'état d'urgence a-t-il été invoqué pour étayer la dérogation à certains droits reconnus par la législation en question?

23.M.  Thelin se dit quelque peu déçu d'apprendre que l'État partie ne prévoit pas d'adhérer dans le proche avenir au deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte. Aucune date ne saurait être fixée avant la deuxième série de l'EPU, même si le passage du moratoire de facto à l'abolition de jure de la peine capitale n'exige pas, à son sens, de longues délibérations.

24.Accueillant avec satisfaction les renseignements fournis sur les conditions des détenus purgeant une peine de prison à vie, M. Thelin a entendu des estimations contradictoires quant au nombre total de ces personnes. Il n'est pas précisé en outre quelles sont leurs perspectives de placement en libération conditionnelle. Si le Code pénal ne contient pas une disposition en ce sens, l'État partie pourrait adopter une modification y relative.

25.M.  Seidgapparov (Kazakhstan) dit que la législation pénale au Kazakhstan compte le Code pénal, le Code de procédure pénale et le Code d'application des peines. Ce dernier réglemente la manière dont les peines doivent être exécutées et les droits et obligations des condamnés. L'article 170 dudit code traite la possibilité d'une libération conditionnelle, également pour les détenus qui purgent une peine de prison à vie.

26.La loi relative à la lutte contre le terrorisme fixe les délais propres à toutes dérogations aux droits et libertés individuels. Les restrictions sont applicables exclusivement pendant la durée des opérations de lutte contre le terrorisme et sur le territoire concerné. De plus, elles portent sur les droits et libertés pour lesquels la Constitution et le Pacte admettent des limitations. Le paragraphe 3 de l'article 39 de la Constitution contient les droits et libertés qui ne peuvent être restreints en aucune circonstance, même dans le cadre de mesures visant à lutter contre le terrorisme. Ses dispositions sont pleinement conformes à celles du Pacte.

27.La torture est également interdite dans la lutte contre le terrorisme. L'État suit une politique de tolérance zéro envers toutes formes de torture et de mauvais traitements. Tout participant à une opération de lutte contre le terrorisme qui enfreint l'interdiction de la torture ou de mauvais traitements encourt une sanction sévère.

28.M.  Sadybekov (Kazakhstan) dit que son pays a adopté une démarche progressive en vue de l'abolition de la peine capitale. Un moratoire est en vigueur et nul détenu ne risque la peine de mort. L'emprisonnement à perpétuité remplace la peine capitale depuis le 1er janvier 2004. Aujourd'hui, 86 personnes purgent une peine de prison à vie; l'effectif de 71 indiqué dans les réponses par écrit concerne 2009.

29.M me Jarbussynova (Kazakhstan) dit que le Département des migrations de la ville d'Almaty a décidé, le 9 juin 2011, de rejeter une demande d'obtention du statut de réfugié émanant de 28 ressortissants ouzbèks, qui ont alors été extradés conformément à une demande officielle du Bureau du procureur général de l'Ouzbékistan. La demande était étayée de documents attestant la participation des requérants à des crimes graves en Ouzbékistan. Certains d'entre eux avaient auparavant obtenu le statut de réfugié auprès du HCR qui l'a ensuite annulé. Le Bureau du procureur général du Kazakhstan a demandé des garanties par écrit que les droits de l'homme des ressortissants ouzbèks seront respectés et a attendu de les recevoir avant d'autoriser l'extradition. L'Ouzbékistan est partie au Pacte et à la Convention contre la torture; son gouvernement a donné au Bureau du procureur général les assurances que des représentants du CICR, de l'OMS et d'ONG internationales auront accès aux lieux de détention des personnes extradées.

30.Mme Jarbussynova assure le Comité que son pays adhérera au deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte avant la deuxième série de l'EPU. Il achèvera la procédure d'adhésion dès que sa législation sera mise en conformité avec les normes internationales. À cet égard, le Kazakhstan a fait sienne la déclaration faite par l'Union européenne sur l'abolition de la peine capitale le 19 décembre 2006 à la soixante et unième session de l'Assemblée générale. Il est également membre de la Commission internationale contre la peine de mort établie à l'initiative du Gouvernement espagnol.

31.M.  Salvioli note que le Comité sur l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes s'est déclaré préoccupé par les incertitudes qui subsistent sur le fait de savoir si le viol conjugal est pénalisé (CEDAW/C/KAZ/CO/2). Il demande si le Code pénal contient désormais des dispositions relatives au viol conjugal.

32.M.  Neuman accueille avec satisfaction l'adoption de la loi de 2009 relative aux réfugiés et les récentes modifications à l'article 523 du Code de procédure pénale, qui interdisent l'extradition dans certains cas. L'obligation de non-refoulement, prévue à l'article 7 du Pacte, ne vise pas toutes les formes de persécution, mais elle proscrit l'extradition, l'expulsion et toute autre forme de renvoi dans un pays où les individus risquent d'être soumis à la torture, à d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Contrairement à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, le Pacte ne contient aucune clause d'exclusion, rendant ainsi les obligations de non-refoulement applicables à des individus accusés de crimes graves. Il sera utile de savoir si la législation de l'État partie est conforme à l'article 7 du Pacte à cet égard, ou si la loi prévoit des exceptions qui n'ont pas été mentionnées dans les réponses écrites.

33.M. Neuman demande si l'article 523 du Code de procédure pénale interdit l'extradition dans tous les cas où il existe un risque effectif de torture ou traitement cruel, inhumain ou dégradant, ainsi que des détails sur la norme applicable de probabilité selon cette disposition. Il serait bon de vérifier si les définitions de la torture et d'un traitement cruel, inhumain ou dégradant applicables à l'article 523 sont les mêmes que celles figurant dans le Pacte et dans la Convention contre la torture. Le Comité souhaiterait savoir si l'État partie remplit pleinement l'obligation de non-refoulement dans la pratique, voire dans des cas d'extradition ou d'expulsion vers des États de l'ex-Union soviétique et vers la Chine.

34.M. Neuman demande si la Convention de Minsk sur l'entraide judiciaire pour des ressortissants de la Communauté des États indépendants (CEI), qui interdit apparemment la protection par le statut de réfugié de ressortissants d'autres États de la CEI, s'applique d'une manière incompatible avec le Pacte. Il souhaite que lui soit précisé si le gouvernement et les tribunaux conçoivent les obligations découlant du Pacte et de l'article 523 du Code pénal comme une limitation de leurs obligations d'extrader au titre de la Convention de Minsk et du Traité de l'Organisation de coopération de Shanghai. L'État partie extrade-t-il ou expulse-t-il des personnes qui craignent la torture ou un traitement cruel, inhumain ou dégradant en se fondant sur des assurances diplomatiques qu'elles ne seront pas maltraitées? Dans ce cas, les assurances diplomatiques portent-elles tant sur la torture que sur le traitement cruel, inhumain ou dégradant et sont-elles accompagnées d'une procédure qui permet de s'assurer qu'elles ont été respectées par les autres États en cause?

35.Le Comité a reçu des informations indiquant que depuis l'entrée en vigueur de la loi relative aux réfugiés, l'État partie a réduit la coopération avec le HCR et limité les possibilités pour cette Organisation d'accomplir son rôle protecteur. L'assistance du HCR pouvant également servir à assurer le respect de l'article 7 du Pacte, M. Neuman souhaiterait que la délégation s'exprime sur l'application de restrictions au HCR et en donne les motifs.

36.Tout en se félicitant de l'interdiction par l'État partie des châtiments corporels infligés aux enfants, M. Neuman note que le Comité a été informé du fait que des enfants sont soumis à des bastonnades, notamment avec des objets en bois ou en métal, à titre de sanction dans les locaux de détention pour mineurs, les orphelinats et autres structures collectives. Quelles mesures l'État partie prend-il pour supprimer ces traitements comme l'exige sa propre législation? Il sera également utile de savoir si l'interdiction s'applique aux écoles militaires. Les châtiments corporels étant apparemment largement répandus à l'égard d'enfants qui vivent avec leurs parents, l'État partie met-il en œuvre des mesures pour encourager le recours par les parents à des méthodes disciplinaires moins violentes?

37.Passant à la question des conditions carcérales, M. Neuman demande si des mesures sont prises pour éliminer l'usage du stakan – sorte de cachot où les détenus sont parfois confinés pendant plus d'un jour pour exécuter une peine inhumaine – dans les prisons et autres lieux de détention. Les commissions de suivi indépendantes et publiques de l'État partie ont-elles accès à tous les lieux de détention et, dans l'affirmative, peuvent-elles concrètement visiter inopinément ces lieux? Plus particulièrement, des visites surprises ont-elles lieu dans des institutions gérées par les services de sécurité, notamment UK-161/3 à Zhitykara? Durant sa visite à l'État partie en mai 2009, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants n'a pas pu effectuer de visites surprises dans les lieux de détention. Il a constaté l'existence de quartiers carcéraux, voire de prisons entières où certains détenus sont autorisés à agresser, y compris sexuellement, d'autres détenus et, dans certains cas, des détenus y sont transférés à cette fin. Les commentaires de la délégation à ce sujet seront les bienvenus.

38.Les statistiques concernant les décès survenus en cours de détention étant préoccupantes, l'État partie procède-t-il à des enquêtes pour déterminer la cause de tous ces décès? Quelles mesures prend-il pour réduire le surpeuplement carcéral, en particulier prévoit-il des plans visant à accroître la capacité ou à adopter des peines de substitution n'exigeant pas la détention.

39.M.  Thelin demande si la législation interne contient une disposition qui impose à la police d'informer les détenus de leur droit d'être assisté d'un avocat (question 15 de la liste des points à traiter), ce droit demeurant sans effet tant que les détenus n'en sont pas informés. Si la législation interne ne contient aucune disposition de ce type, l'État partie est invité à en adopter sans tarder. Le Comité demeure préoccupé par le fait qu'il a été refusé à des avocats de prendre contact avec leurs clients et interdit de les représenter en justice dans des affaires portant sur les "secrets d'État". La réponse écrite à la question 15 n'invoquant aucune exception de ce type, les commentaires de la délégation à ce sujet seront les bienvenus.

40.M. Thelin demande qu'il soit précisé si la période maximale de détention de 30 jours continue d'être appliquée dans les centres de détention provisoire, d'adaptation et de réinsertion de jeunes dans l'État partie (question 17). Il serait utile d'avoir des détails sur les incidences pratiques précises du transfert de responsabilité du Ministère des affaires intérieures au Ministère de l'éducation. Il serait souhaitable de recevoir confirmation que les tribunaux pour mineurs visés au paragraphe 28 du rapport initial et les tribunaux pour jeunes mentionnés au paragraphe 118 sont les mêmes. L'État partie a-t-il fixé une date à laquelle la justice pour mineurs entrera pleinement en fonction? Quelles sont les mesures de substitution à la privation de liberté destinées aux jeunes auteurs d'infractions "mineures" ou "modérément graves" (par. 58 des réponses écrites) et quel est le type exact de ces infractions?

41.D'après la réponse écrite de l'État partie à la question 18, le gouvernement ne dispose d'aucune information officielle à l'appui des allégations selon lesquelles le Service de la sécurité nationale utilise, dans le cadre de ses opérations de lutte contre le terrorisme, des lieux non officiels de détention, tels que des appartements et logements loués pour y détenir des suspects de manière de facto ou clandestine. Le gouvernement détient-il des informations officieuses étayant ces allégations, ou peut-il confirmer qu'aucun lieu de cette nature n'existe?

42.Passant à la question 19, M. Thelin dit qu'il semble, d'après les renseignements dont dispose le Comité, que le pouvoir judiciaire de l'État partie est sous l'autorité du pouvoir exécutif. Dès lors que le Président nomme le Haut Conseil judiciaire, il ne comprend pas comment cette institution peut être libre de toute ingérence du pouvoir exécutif.

43.En 2004, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur l'indépendance des juges et des avocats a constaté que 50% des plaintes en matière de corruption visaient la police et le pouvoir judiciaire. M. Thelin demande des statistiques actualisées sur les accusations de corruption au sein du pouvoir judiciaire et les mesures disciplinaires prises à l'égard des magistrats, notamment le nombre de destitutions. Comment la Cour suprême et le Bureau du Procureur général peuvent-ils assurer le suivi des activités professionnelles des juges et procureurs sans enfreindre leur intégrité et leur indépendance? Une explication détaillée sur ce que représente concrètement ce suivi serait la bienvenue. Le Comité apprécierait également les commentaires de la délégation sur les informations prétendant qu'il est impossible de devenir juge sans relations ou corruption, ainsi que sur le manque de transparence quant aux mesures disciplinaires à l’égard des juges. Pour faire suite à un décret présidentiel de 2010 sur les mesures visant à optimiser les ressources humaines des organes gouvernementaux, quelque 400 juges ont été destitués. Alors que la raison officielle invoquait des restrictions budgétaires, la plupart des 400 juges ont apparemment manifesté une indépendance d’esprit. Les commentaires de la délégation sur ces pratiques seront les bienvenus.

44.Étant donné que l'État partie a instauré le système des jurés, M. Thelin souhaite savoir s'il a également adopté le principe du contradictoire, où le juge est un arbitre neutre entre l'accusation et la défense. Il ressort que seul 1% de toutes les procédures pénales se solde par un acquittement du fait que le système judiciaire continue d'appliquer l'ancienne méthode soviétique où les juges statuent rarement contre des procureurs, considérés comme leurs supérieurs hiérarchiques.

45.Quel est le nombre d'affaires où des juges n'ont pas tenu compte des preuves obtenues par la torture (question 20)?

46.Sir Nigel Rodley souhaite savoir pourquoi les cas de traite de personnes ont augmenté dans l'État partie, malgré la législation interne stricte en la matière. S'agit-il d'une question d'application des lois ou d'un conflit de droit? De toutes les procédures pénales engagées par le service chargé de la traite des personnes, durant les neuf premiers mois de 2010, les deux tiers étaient dues au proxénétisme et à la tenue de maisons de prostitution (par. 69 des réponses écrites), qui font encourir une peine maximale de cinq ans d'emprisonnement. À titre comparatif, moins d'un dixième de ces procédures ont été engagées pour traite de personnes, qui fait encourir une peine maximale de 15 ans d'emprisonnement. On peut en déduire que le service s'occupe davantage des victimes de traite et de délinquants mineurs que des passeurs. Des ONG ont indiqué qu'il est courant dans l'État partie que des travailleurs du sexe étrangers, pris dans un réseau de traite, soient expulsés avant qu'une procédure soit entamée. Ils ne peuvent ainsi plus témoigner contre ceux qui les ont exploités. Tout en compromettant l'application des lois, cette pratique soulève la question de l'obligation des États parties d'aider les victimes de la traite. Quelles sont les mesures prises concrètement pour s'occuper de ces victimes dans l'État partie? Le Comité apprécierait tous renseignements disponibles sur les peines prononcées dans les affaires énumérées au paragraphe 69 des réponses écrites.

47.M me Chanet dit qu'il serait utile de disposer d'un document de fond qui fournirait au Comité des renseignements détaillés sur l'État partie, en particulier son organisation administrative, son pouvoir judiciaire et sa procédure pénale.

48.Dans leurs rapports respectifs, tant le Rapporteur spécial sur la torture (A/HRC/13/39/Add.3) que le Rapporteur spécial sur l'indépendance des juges et des avocats (E/CN.4/2005/60/Add.2) ont manifesté leur préoccupation quant au rôle joué par les procureurs dans l'État partie, qui n'est manifestement pas conforme aux dispositions du Pacte. Comme l'a souligné le Rapporteur spécial sur l'indépendance des juges et des avocats, les procureurs représentent un obstacle majeur, car ils peuvent intervenir dans des affaires pénales ou civiles, ont un rôle décisif en matière de détention provisoire, peuvent en appeler d'une décision judiciaire même si l'affaire est classée et suspendre l'exécution d'une condamnation pendant deux mois. À la suite de sa visite au Kazakhstan en 2004, le Rapporteur spécial a conclu qu'il sera impossible de progresser vers l'indépendance sans changements radicaux en vue de rétablir l'équilibre des compétences et pouvoirs entre le procureur, le juge et l'avocat de la défense.

49.Mme Chanet ne comprend pas comment l'assertion au paragraphe 105 du rapport initial, selon laquelle des particuliers peuvent être emprisonnés ou condamnés au travail forcé, ne viole pas les dispositions de l'article 11 du Pacte, à savoir, nul ne peut être emprisonné pour la seule raison qu'il n'est pas en mesure d'exécuter une obligation contractuelle.

50.Eu égard à l'article 12 du Pacte, Mme Chanet demande si le système du permis de résidence obligatoire de citoyen (propiska) a été aboli, permettant ainsi aux citoyens de circuler librement dans tout le pays sans devoir enregistrer leur lieu de résidence.

51.M.  Bouzid demande si la loi relative aux réfugiés contient des dispositions précisant que les réfugiés ne seront pas sanctionnés au motif d'entrée illégale dans l'État partie, ainsi que sur le regroupement familial. Si tel n'est pas le cas, l'État partie prévoit-il de modifier sa législation pour l'aligner sur la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés? Pour quelles raisons les apatrides sont-ils expulsés de l'État partie et de quels pays proviennent‑ils? Des données complémentaires à leur sujet, ventilées par sexe et par âge, seraient les bienvenues.

L a réunion est suspendue à 12 h  5; elle est reprise à 12 h 20.

52.M.  Lepekha (Kazakhstan), répondant aux points soulevés par des membres, dit que la violence au foyer entraîne de lourdes sanctions légales. Le Code pénal dispose en matière de meurtre, d’infractions provoquant des blessures corporelles graves et de toutes formes de sévices sexuels dans le cadre de la violence au foyer.

53.Les enfants sont protégés par le Code pénal et le Code des infractions administratives. Le Code pénal comprend des parties relatives à la délinquance juvénile et au comportement asocial, à la prostitution infantile, à la traite et au délaissement d'enfants. Des modifications à la législation sur la protection des mineurs, conçues pour humaniser davantage la politique de l'État, sont entrées en vigueur le 23 novembre 2010. L'âge de la responsabilité pénale en matière d'infractions telles que vol qualifié a été porté de 14 à 16 ans et une disposition prévoit des peines non privatives de liberté appliquées, avec le consentement de la victime, aux mineurs accusés d'infractions. Les modifications augmentent également la responsabilité pénale des parents, des enseignants et autres personnes chargées de la protection des enfants en matière d'infractions sexuelles. Les parents risquent une peine de 10 à 20 ans d'emprisonnement pour ce type d'infraction, les enseignants peuvent être frappés d'interdiction d’exercer. Inciter un mineur à commettre des actes asociaux (art. 132 du Code pénal) fait désormais encourir une peine de dix ans au maximum d'emprisonnement (six ans auparavant) et le faire participer à la pornographie une peine de 3 à 8 ans d'emprisonnement ; en outre, la vente de pornographie à un mineur est également qualifiée d'infraction.

54.En 2010, la police a adopté des mesures préventives visant 12 000 familles à risque, dont plus de 20 000 enfants. Plus de 7 000 parents ont comparu en justice au motif de délaissement et 1 200 d'entre eux ont été déchus de l'autorité parentale.

55.Au titre de la nouvelle politique qui tend à davantage humaniser la loi applicable aux mineurs, ces derniers sont dorénavant privés de liberté pour des infractions très graves tels que meurtres ou actes provoquant des blessures corporelles graves. Des mesures de substitution, notamment travail d'intérêt général, ont été appliquées dans 2 500 affaires en 2010, ou la mise en liberté sous l'autorité d'un parent dans 635 affaires.

56.Répondant à une question sur le droit aux services d'un avocat, M. Lepekha précise que les récentes réformes visent entre autres à assurer aux victimes un meilleur soutien, voire une aide judiciaire, le cas échéant. Au titre des articles 68, 70 et 134 du Code de procédure pénale, les détenus doivent être informés des motifs de leur arrestation dans les trois heures qui suivent et bénéficier de la possibilité de designer un avocat. Les détenus peuvent s'entretenir avec leur avocat en privé. Depuis 2008, la détention ne peut dépasser 72 heures avant que l'affaire soit portée devant un juge.

57.À une question sur la traite des personnes, M. Lepekha répond qu'en 2010, 88 affaires concernaient directement la traite, par rapport à 54 en 2009. La police a consacré d'énormes ressources à la lutte contre la traite, raison pour laquelle davantage de cas ont été décelés. En 2010, 220 cas ont fait l'objet de poursuites en application de l'article 271 du Code pénal (tenue de maisons de prostitution et proxénétisme): cet article est souvent le seul sur lequel se fondent les poursuites, s'agissant dans la plupart des cas de groupes de femmes qui louent un appartement où elles offrent des services sexuels. En 2010, le tribunal a été saisi de quatre affaires de traite par des groupes du crime organisé. Dans une affaire très récente, quatre citoyens kazakhs ont été condamnés à une peine de 12 ans d'emprisonnement au motif de traite de personnes dans d'autres pays.

58.M me Sher (Kazakhstan) dit qu'en janvier 2011, la responsabilité concernant les centres d'isolement temporaire, d'adaptation et de réinsertion de mineurs est passée du Ministère des affaires intérieures au Ministère de l'éducation. Dans les centres, désormais dotés d'un personnel civil – enseignants et psychologues –, les mineurs ne sont plus enfermés. Des séminaires de formation ont été organisés et des recommandations élaborées avec le concours d'experts de l'UNICEF. Les centres offrent un soutien spécialisé aux familles en difficulté afin de réduire le nombre d'enfants délaissés et abandonnés. Dans la mesure du possible, les enfants sont placés auprès de proches ou dans une famille d'accueil, de préférence à une institution. Ainsi, sur les 165 enfants placés dans des centres à des fins d'isolement temporaire, d'adaptation et de réinsertion au 1er juin 2011, deux ont été depuis envoyés dans des établissements spécialisés pour enfants manifestant un comportement anormal, 68 ont été confiés à des proches et les autres ont été rendus à leurs parents.

59.M.  Baishev (Kazakhstan) dit que la Constitution réglemente le système judiciaire. Les juges de la Cour suprême sont élus par le Parlement et nommés à vie: ils ne peuvent être destitués que selon la procédure établie dans la Constitution et la législation. Les juges locaux sont nommés par le Président sur recommandation du Haut Conseil judiciaire, à la suite d'un concours. Le Conseil, qui est constitué de membres du Parlement, d'avocats, de membres universitaires et de juges, ne subit par conséquent pas l'influence des autorités locales. La nomination des juges locaux est transparente et accessible aux observations du public et des médias.

60.Les juges de la Cour suprême peuvent être destitués uniquement par le Parlement sur recommandation du Haut Conseil judiciaire. Un collège de juges, désignés par le Conseil, recommande des mesures disciplinaires. Les juges locaux ne peuvent être destitués que par le Parlement sur recommandation du Conseil. En 2010, 152 juges locaux ont fait l'objet de mesures disciplinaires sur un effectif total de quelque 2 000 juges, chiffre que le gouvernement considère comme étant élevé. Les plaintes sur la manière dont un juge conduit un procès sont toujours examinées.

61.Des tribunaux pour mineurs ont été établis à Astana, la capitale et à Almaty. Des tribunaux de ce type seront par la suite installés dans les 17 provinces. Ces instances connaissent d'infractions moins graves et imposent des sanctions non privatives de liberté – amendes, désignation d'un tuteur ou surveillance à domicile. Des jeunes peuvent également être envoyés dans des établissements éducatifs spécialisés en dehors du système carcéral. Il s'agit de leur donner une chance de s'amender.

62.Répondant à une question sur les liens entre juges et procureurs, M. Baishevdit que la procédure au Kazakhstan est contradictoire, à savoir que l'accusation et la défense ont le même droit de fournir et d'apprécier des éléments de preuve; le juge demeure neutre et la décision, fondée sur les éléments de preuve disponibles, est conforme à la Constitution et à la législation. Les juges ne favorisent pas les organes de l'État au détriment des particuliers: quelque 80% des plaintes déposées par des citoyens contre des institutions de l'État ont donné raison aux citoyens. Si un acte d'un organe de l'État est illégal, la loi sera modifiée pour en empêcher la répétition. Les tribunaux sont financés par le budget central de la République, non par un ministère particulier, et sont partant exempts de toute influence du pouvoir exécutif.

63.Il a été prétendu qu'il est impossible de devenir juge sans verser des prébendes. C'est faux: les juges sont nommés à la suite d'un concours qui rassemble de 50 à 100 candidats par poste. Les modalités de nomination sont libres et transparentes et les juges sont soumis à une évaluation professionnelle. Toutefois, il est vrai que les juges, parfois, peinent à surmonter leur lourde charge de travail. Ainsi, M. Baishev, en sa qualité de juge de la Cour suprême, a dû examiner 83 affaires en 15 jours seulement.

64.Un très faible nombre d'affaires – environ 1% – dont les tribunaux sont saisis se soldent par un acquittement. Toutefois, cela tient en partie au fait que des affaires font d'abord l'objet d'une enquête préliminaire, qui peut durer jusqu'à deux mois; les affaires, dont les éléments de preuve sont estimés insuffisants, sont classées à ce stade. Seules les affaires reposant sur de solides éléments de preuve seront renvoyées en jugement. Le nombre d'affaires abandonnées au stade de l'enquête préliminaire et celui des inculpés officiellement acquittés par les tribunaux s'élèveraient approximativement à 10% de l'ensemble des affaires.

65.Répondant à une question sur l'extradition de particuliers vers des pays où ils sont exposés au risque de torture, M. Baishev dit que les arrêts de la Cour suprême en la matière obligent les tribunaux à s'assurer que le pays demandant l'extradition n'a pas d'antécédent de violations flagrantes et multiples des droits de l'homme. S'il existe des preuves de ce type de violations, voire de fortes suspicions, la personne concernée ne peut être extradée. Un arrêt de la Cour suprême du 28 décembre 2009 définit les violations des droits de l'homme liées à la torture et aux peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ainsi que les sanctions applicables par les tribunaux.

66.Quant aux questions de corruption parmi les juges, un juge a été reconnu coupable de corruption en 2009 et deux autres affaires se trouvent au stade de l'enquête préliminaire: signe de la détermination de tous les groupes de la société à lutter contre la corruption.

La séance est levée à 13 heures.