Nations Unies

CCPR/C/SR.3010

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

18 octobre 2013

Original: français

Comité des droits de l ’ homme

10 9 e session

Compte rendu analytique de la 3010 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le lundi 14 octobre 2013, à 15 heures

Président (e):Sir Nigel Rodley

S ommaire

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 40 du Pacte

Troisième rapport périodique de la Bolivie

La séance est ouverte à 15 h 5.

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 40 du Pacte

Troisième rapport périodique de la Bolivie (CCPR/C/BOL/3, CCPR/C/BOL/Q/3, CCPR/C/BOL/Q/3/Add.1 et HRI/CORE/1/Add.54/Rev.2)

Sur l ’ invitation du Président, la délégation bolivienne prend place à la table du Comité.

M me Quinteros (État plurinational de Bolivie) rappelle que la Bolivie, après avoir porté à la tête de l’État le premier Président autochtone d’Amérique du Sud et mis en place des autorités autochtones paysannes, s’est dotée en 2009 d’une nouvelle Constitution consacrant le caractère plurinational du pays et l’égalité des droits de tous les Boliviens. S’agissant de la protection des droits de l’homme, la Constitution garantit un nouvel ensemble de droits fondamentaux, plus étendu, qui reprend les droits consacrés dans les principaux instruments universels et régionaux. Elle prévoit aussi que les instruments internationaux auxquels la Bolivie est partie priment la Constitution s’ils consacrent des droits plus favorables que ceux qui sont énoncés dans cette dernière, et que les droits constitutionnels sont interprétés à la lumière des instruments internationaux lorsque ceux‑ci contiennent des normes plus favorables. Depuis la présentation du précédent rapport, la Bolivie a ratifié un grand nombre d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, notamment le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte, visant à abolir la peine de mort; elle a aussi adopté diverses lois dans le domaine des droits de l’homme et s’est dotée d’un plan national d’action en faveur de ces droits pour la période 2009-2013, qui tient compte du caractère plurinational et interculturel du pays et est destiné à servir de cadre général à l’élaboration de politiques publiques garantissant la promotion, le respect, la protection, la réalisation et l’exercice des droits de l’homme. Pour remédier aux disparités socioéconomiques et aux taux élevés de pauvreté et d’analphabétisme relevés par le Comité dans ses observations finales de 1997, l’État a modifié les politiques économiques, afin d’assurer une vie digne à tous les Boliviens et Boliviennes et, en l’espace de sept ans et grâce à la nationalisation des ressources naturelles, il est parvenu à sortir 10 % de la population de la pauvreté et à réduire considérablement la pauvreté en milieu rural. Fort d’une croissance économique de 6,5 %, le pays peut à présent investir dans d’importantes mesures de protection sociale et de développement communautaire qui permettent de démarginaliser les groupes traditionnellement vulnérables, en particulier les autochtones et les femmes, d’éliminer l’analphabétisme et de réaliser d’autres avancées dans les domaines de la santé et de l’éducation.

Résumant les réponses écrites de l’État bolivien à la liste des points à traiter établie par le Comité, Mme Quinteros dit que la loi de 2010 contre le racisme et toutes les formes de discrimination établit des mécanismes de prévention et de lutte contre les actes racistes et les pratiques discriminatoires. Dans le rapport qu’il a établi à l’issue de sa visite en Bolivie en 2012, le Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée a rendu compte d’importantes avancées et salué les efforts déployés par les autorités pour mettre fin aux comportements racistes et discriminatoires qui persistaient au sein de la société bolivienne. Des programmes de «décolonisation culturelle» et de revalorisation des savoirs ancestraux sont mis en œuvre pour favoriser l’élimination des pratiques fondées sur le racisme et la discrimination, et une nouvelle loi sur les migrations consacre le principe de la non‑discrimination et garantit à tous les citoyens boliviens et aux étrangers, sans distinction, la jouissance et l’exercice de tous les droits constitutionnels. L’égalité de traitement entre hommes et femmes est l’un des piliers de la nouvelle Constitution, et la présence de femmes dans tous les domaines de la sphère publique et la parité entre hommes et femmes au sein du Cabinet ministériel témoignent de l’importance accordée à cette question. Les élections nationales de 2009 ont vu une hausse importante et historique de la participation politique des femmes et du nombre de femmes élues sénatrices et députés. En outre, la nouvelle loi visant à garantir aux femmes une vie sans violence, adoptée en mars 2013, prévoit l’adoption de mesures et politiques complètes de prévention, de surveillance, de protection et de réparation, assorties des mécanismes voulus, et énonce les sanctions encourues par les agresseurs. En application de cette loi, le Ministère de la justice et les entités territoriales autonomes agiront, chacun dans son domaine de compétence, pour éliminer toutes les formes de violence à l’égard des femmes et établir un nouveau cadre social leur garantissant le respect et une vie digne et sans violence, par des mesures de prévention, la formation et la sensibilisation des personnels travaillant auprès des femmes victimes de violence, l’orientation, l’information et la protection des victimes, des actions de communication pour lutter contre les stéréotypes sexistes, et le suivi et la réadaptation des auteurs d’agressions.

En ce qui concerne le droit à la vie et l’interdiction de la torture, l’État bolivien a ratifié le Protocole facultatif à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et accepté que les organes internationaux compétents visitent régulièrement les lieux de privation de liberté du pays. En 2010, les membres du Sous-Comité contre la torture ont ainsi visité plusieurs prisons boliviennes. Le bureau du Haut-Commissariat aux droits de l’homme en Bolivie a salué l’arrêt 2540/2012 du Tribunal constitutionnel plurinational qui, en se conformant à la jurisprudence nationale et internationale, a exclu de la compétence des juridictions militaires les affaires de violations des droits de l’homme, contribuant ainsi à garantir l’accès des victimes à un tribunal indépendant et à consolider l’indépendance du pouvoir judiciaire. En outre, en application de la loi de 2004 sur les réparations exceptionnelles à accorder aux victimes des violences politiques survenues sous les gouvernements inconstitutionnels, 488 personnes ont reçu une compensation financière. En ce qui concerne les personnes privées de liberté, un avant-projet de loi prévoit la mise en place d’un système garantissant le respect, la protection et l’exercice de leurs droits fondamentaux. La Direction générale de l’administration pénitentiaire met en œuvre des mesures pour améliorer l’infrastructure pénitentiaire et réduire la surpopulation carcérale, en mettant en service de nouvelles installations dans tout le pays. En outre, les autorités s’emploient à remédier aux retards dans l’administration de la justice, qui sont la principale cause de la surpopulation carcérale. En ce qui concerne les garanties de procédure, la Constitution et les lois nationales interdisent l’application de sanctions n’émanant pas d’une autorité compétente, et il est également à signaler que le lynchage n’est pas considéré comme une forme de sanction par les juridictions autochtones paysannes. Depuis l’entrée en fonctions des nouveaux magistrats élus en 2012, le Tribunal constitutionnel plurinational a traité de nombreuses affaires, le Code de procédure constitutionnelle a été adopté, un institut plurinational d’études constitutionnelles a été créé, et d’autres mesures ont été prises pour assurer le fonctionnement de la justice constitutionnelle. Au moyen d’importantes mesures jurisprudentielles, le Tribunal constitutionnel a garanti les principes de l’accès à la justice et de l’égalité des armes. Il a notamment déclaré inconstitutionnelle l’infraction d’outrage, estimant que l’application d’un régime pénal au bénéfice exclusif des fonctionnaires constituait une restriction du droit à la liberté d’information. Enfin, des mesures sont prises pour développer l’aide judiciaire (Service national de défense publique), afin de mieux garantir l’accès à la justice des plus défavorisés.

S’agissant de l’élimination du travail forcé, de la servitude et des formes analogues d’exploitation par le travail, à l’expiration en 2009 du Plan interministériel transitoire en faveur du peuple guarani, le Ministère du travail a lancé un programme de renforcement des capacités institutionnelles conçu pour appuyer les efforts d’élimination du travail forcé et de réalisation des droits sociaux des travailleurs, en particulier ceux des autochtones originaires du Chaco et de l’Amazonie et ceux des saisonniers agricoles vulnérables. Le programme vise à appliquer des mesures − inspections, audiences de conciliation, actions d’information sur les droits sociaux des travailleurs − qui contribueront à l’élimination progressive de la servitude, du travail forcé et d’autres formes analogues d’exploitation des groupes vulnérables, en assurant la présence de l’État par l’intermédiaire d’inspecteurs du travail et en établissant des alliances stratégiques avec des acteurs sociaux. En ce qui concerne l’égalité des armes et le pluralisme juridique, la loi de 2010 relative à la répartition des compétences juridictionnelles garantit aux nations et peuples autochtones paysans le droit d’administrer la justice conformément à leurs propres normes et procédures. En 2011 et en 2012, de nombreux séminaires et ateliers de formation ont été organisés au sujet de cette loi, des systèmes d’administration de la justice autochtone paysanne et des droits des peuples autochtones paysans.

D’importants progrès ont été réalisés dans le domaine de la protection de l’enfance. Le Code de l’enfant et de l’adolescent dispose que tout enfant a le droit de vivre dans la dignité et d’être protégé contre la violence et contre les traitements inhumains, en tout lieu. Les autorités compétentes doivent être informées de tout cas présumé de maltraitance; des mesures d’urgence sont prises pour protéger les enfants victimes et le juge des enfants et des adolescents doit être saisi dans un délai de quarante-huit heures. L’année 2012 a été proclamée «Année de la non-violence à l’égard des enfants et des adolescents», le principal objectif étant de lutter contre toutes les formes de violence à l’égard des enfants des deux sexes. Les ressources nécessaires ont été allouées à ces fins à toutes les autorités concernées. Différentes lois ont également été adoptées, notamment pour exclure de la compétence des juridictions autochtones paysannes les violences à l’égard des enfants et pour faciliter l’identification des auteurs de telles violences (gratuité des tests ADN). Un nouveau projet de code de l’enfant et de l’adolescent a été présenté à l’Assemblée législative plurinationale pour examen en 2013 et le 12 avril a été proclamé «Journée nationale de l’enfance». Enfin, un plan national d’éradication progressive du travail des enfants a été approuvé en 2001 et la responsabilité de sa mise en œuvre a été confiée au Ministère du travail, de l’emploi et de la prévoyance sociale.

M. Salvioli,prenant note de l’information donnée par l’État partie selon laquelle les dispositions du Pacte ne sont pas appliquées directement par les tribunaux mais invoquées à des fins d’interprétation, demande un complément d’information sur la manière dont le Pacte est appliqué au niveau national. Rappelant que la Bolivie a ratifié le premier Protocole facultatif se rapportant au Pacte en 1982, il s’étonne du faible nombre de communications présentées par des particuliers et demande si la population bolivienne est suffisamment informée de l’existence de cette procédure. Il demande de plus si l’État partie prend des mesures pour prévenir les lynchages de délinquants présumés et pour s’assurer que de tels actes ne restent pas impunis.

M. Salvioli voudrait aussi connaître le nombre de bénéficiaires des indemnisations accordées pour des violations des droits de l’homme commises sous les gouvernements anticonstitutionnels, et demande quel budget l’État partie consacre à ces indemnisations. Il souligne le fait qu’aucune mesure de réadaptation n’est prévue pour ces personnes ou pour leur famille et que la charge de la preuve pèse sur les victimes, qui doivent notamment indiquer précisément les dates auxquelles les tortures ou autres mauvais traitements leur ont été infligés. Il demande aussi ce qui est fait pour accélérer les procédures, qui sont très longues. Enfin, M. Salvioli souhaiterait savoir où en sont les enquêtes et les poursuites concernant les actes de racisme commis en mai 2008 à Sucre et les actes de violence commis en septembre 2008 à El Porvenir, et si des mesures de réparation ont été accordées aux victimes.

M. Vardzelashvili demande pourquoi aucune loi sur l’état d’exception n’a été adoptée et s’il existe actuellement des dispositions législatives autorisant le Gouvernement à restreindre les droits protégés par le Pacte ou par la Constitution. Il invite la délégation à faire des observations sur les articles premier et 37 de la Constitution, qui régissent l’instauration de l’état d’exception. L’État partie reste un pays d’origine de la traite des êtres humains et, ces dernières années, ce problème est devenu particulièrement préoccupant. M. Vardzelashvili souhaiterait un complément d’information sur le plan national de lutte contre la traite et le trafic de personnes, notamment sur le calendrier prévu pour sa mise en œuvre et sur les difficultés rencontrées à cet égard. Il souhaiterait aussi savoir pourquoi les statistiques font apparaître un écart important entre le nombre d’affaires de traite qui font l’objet d’une enquête et le nombre de poursuites engagées et de condamnations prononcées. Il souhaiterait de même des statistiques sur les plaintes déposées, les enquêtes ouvertes et les condamnations prononcées concernant des infractions relatives à la traite avant et après l’adoption de la loi globale contre la traite et le trafic de personnes. Il demande pourquoi certains trafiquants n’ont été condamnés qu’à des peines avec sursis. Enfin, il voudrait savoir quelles mesures concrètes ont été mises en place pour protéger les victimes pendant et après l’enquête et si elles bénéficient de l’assistance d’un avocat, ainsi que d’un soutien psychologique.

M. Neuman demande quelles mesures sont prises pour garantir l’application effective de la loi relative à l’interdiction de la discrimination, notamment celle fondée sur le sexe, sur l’orientation sexuelle et sur l’identité de genre. Il voudrait aussi savoir, à cet égard, quelles mesures de sensibilisation sont mises en œuvre pour faire changer les mentalités et les comportements parmi les agents de l’État et le public.Il souhaiterait des statistiques sur la représentation des femmes autochtones dans la sphère politique et sur l’accès des femmes aux postes de responsabilité dans le secteur privé. Enfin, il voudrait connaître le nombre d’enquêtes menées et de sanctions appliquées dans les affaires relatives à des actes de violence dans la famille et de violence à l’égard des femmes, et demande si des efforts sont faits pour augmenter le nombre de foyers d’accueil pour les femmes victimes de violences.

M me Waterval, rappelant que les femmes dont la grossesse résulte d’un viol ou d’un inceste sont autorisées par la loi à faire pratiquer un avortement mais doivent préalablement déposer une plainte et obtenir l’autorisation d’un juge, ce qui constitue un obstacle àl’exercice du droit considéré, voudrait connaître le nombre de plaintes déposées et le nombre d’autorisations accordées. Elle demande quelles mesures sont prises pour prévenir les grossesses non désirées, notamment chez les adolescentes qui ont des comportements sexuels à risque, compte tenu du fait que, selon des informations, les personnes chargées d’informer les jeunes sur la santé procréative ne le font qu’avec réticence, en raison de leurs convictions religieuses. Elle demande aussi si l’État partie envisage de dépénaliser l’avortement et où en est l’adoption du projet de loi sur les droits en matière de sexualité etde procréation.

Mme Waterwal voudrait savoir, de plus, s’il existe une loi interdisant les châtiments corporels en tout lieu. À propos du travail forcé, elle aimerait des précisions sur les programmes visant à éradiquer cette pratique et sur les résultats des évaluations éventuellement effectuées pour en mesurer l’effet utile. Enfin, elle souhaiterait savoir combien d’employeurs ont été poursuivis pour avoir violé la législation du travail, notamment dans la région du Chaco et à l’égard de membre de la nation guaranie, et quelle a été l’issue des poursuites.

M. Rodríguez - Rescia demande quelles mesures sont prises pour prévenir les actes de torture et les mauvais traitements. Il rappelle que le Comité contre la torture, dans ses observations finales adoptées en mai 2013 au sujet de la Bolivie, a insisté sur la nécessité d’adopter une définition de l’infraction de torture qui soit conforme aux dispositions de la Convention contre la torture, et qui mentionne notamment le caractère intentionnel de l’infraction et ses motivations en tant que circonstances aggravantes. M. Rodríguez-Rescia demande si l’État partie entend prendre en compte dans la définition de la torture les actes commis aux fins d’intimider une personne ou de faire pression sur elle, notamment pour obtenir des aveux.

Il ressort des réponses écrites de l’État partie que l’enquête sur la mort de David Olorio Apaza n’est toujours pas close parce que les enquêteurs ont été démis de leurs fonctions sur ordre du chef de la police. La délégation voudra bien expliquer les raisons de cette mesure et indiquer s’il est prévu de remplacer les enquêteurs et, plus largement, de remédier aux obstacles institutionnels responsables de la lenteur des enquêtes. Dans l’affaire relative à la mort du sous-lieutenant Grover Poma, le Tribunal constitutionnel plurinational a conclu que les affaires de violations des droits de l’homme, notamment de torture, devaient être exclues de la compétence des juridictions militaires, ce qui est bienvenu, mais il serait intéressant de savoir quelles mesures ont été prises pour donner suite à cette décision, notamment sur le plan législatif. Plusieurs cas de violence à l’égard de personnes transgenres ont été signalés au Comité, notamment celui de Mayra Claro et de Luisa Durán, décédées après avoir été cruellement torturées. La délégation pourra peut-être donner un complément d’information sur ces deux affaires et indiquer si des mesures sont prises pour protéger cette catégorie de personnes particulièrement exposées à la violence. Il semble qu’il existe deux projets de loi concernant le futur mécanisme national de prévention de la torture: l’un qui désigne le Défenseur du peuple pour assumer ce rôle, et l’autre qui porte création d’un mécanisme entièrement nouveau et doté de pouvoirs plus étendus que ceux du Défenseur du peuple. Il serait intéressant de savoir lequel de ces deux projets est actuellement à l’étude à l’Assemblée législative, dans le cas où il s’agirait du premier, si le texte confère au Défenseur du peuple l’autonomie et les ressources nécessaires pour s’acquitter efficacement des fonctions prévues.

Le P résident propose de suspendre brièvement la séance afin de permettre à la délégation bolivienne de préparer ses réponses aux questions qui lui ont été posées.

La séance est suspendue à 16 h 50; elle est reprise à 17 h 15.

M me Quinteros (État plurinational de Bolivie) dit que la délégation ne dispose pas des éléments nécessaires pour répondre immédiatement à toutes les questions du Comité, mais qu’elle complétera ses réponses à la prochaine séance. L’État plurinational est encore en construction; la nouvelle Constitution n’est entrée en vigueur qu’en 2009 et l’arsenal législatif mis en place pour en assurer l’application et constituer le cadre institutionnel nécessaire est lui aussi récent. Ainsi, la loi contre la traite et le trafic des êtres humains a été adoptée il y a à peine plus d’un an. Il est difficile, à si brève échéance, de mesurer les progrès réalisés et de fournir des statistiques détaillées. Des efforts considérables sont faits pour mobiliser tous les niveaux de gouvernement − central, départemental, municipal et autochtone paysan − contre la traite. L’appareil judiciaire, dont la structure est en cours de consolidation, sera pleinement opérationnel en 2014 et pourra ainsi contribuer à la mise en œuvre de la loi. Le Ministère de la justice a pris des mesures pour assurer une assistance gratuite aux victimes, et un centre d’accompagnement psychologique est en cours d’établissement. Le Gouvernement est conscient que le chemin vers l’éradication de la traite sera long et difficile, mais il s’est lancé dans ce combat avec détermination et ne ménagera aucun effort pour le mener à bien.

Les critères qui régissent l’indemnisation des personnes ayant subi des violations des droits de l’homme sous les régimes de facto ont été définis en consultation avec les associations de victimes, le Défenseur du peuple et divers organismes internationaux. La loi prévoit que l’État doit assumer 20 % du montant de l’indemnisation, les 80 % restants devant être financés par des dons d’organisations internationales ou non gouvernementales. L’État a acquitté sa part, mais ses démarches auprès des donateurs pressentis n’ont pas abouti. Le nombre exact des personnes indemnisées sera communiqué au Comité ultérieurement. Des précisions sur le projet de loi relatif au mécanisme national de prévention de la torture seront également données ultérieurement, mais il faut savoir que ce projet sera probablement très largement modifié à l’issue de son examen par l’Assemblée législative. Le Tribunal constitutionnel plurinational est actuellement saisi d’un recours en inconstitutionnalité contre l’article du Code pénal qui définit les situations dans lesquelles l’avortement peut être autorisé, au motif que ces exceptions sont trop restrictives. La décision du Tribunal, attendue en 2014, déterminera la ligne d’action du Gouvernement.

M. Salvioli dit que le Gouvernement est tenu d’assurer une réparation aux victimes de violations des droits de l’homme et qu’il lui incombe par conséquent de trouver le moyen de financer la part des indemnisations qu’il n’a pas réussi à obtenir auprès des donateurs. Il est également tenu d’assurer aux victimes d’autres formes de réparation; il serait intéressant de savoir quelles mesures sont prises dans ce sens et si elles tiennent compte de la situation particulière des victimes, en particulier lorsque celles-ci sont des femmes ou des autochtones. La délégation voudra bien répondre également aux questions concernant les lynchages et les cas d’usage excessif de la force par la police, en particulier en ce qui concerne les enquêtes menées sur ces faits, les condamnations prononcées contre leur auteurs et les réparations accordées aux victimes.

M. Rodríguez - Rescia, relevant l’écart considérable qui existe entre le nombre de plaintes pour torture reçues par le Défenseur du peuple et le nombre d’enquêtes ouvertes et de condamnations prononcées, demande si le Ministère de la justice envisage d’appliquer le Protocole d’Istanbul afin de traiter plus efficacement ces affaires.

M. Neuman demande des précisions concernant le processus de décentralisation en vertu duquel certaines attributions de l’État sont dévolues aux autorités autonomes locales, y compris autochtones, dans des domaines relevant de l’application du Pacte tels que la lutte contre la violence dans la famille ou la lutte contre la traite. Il voudrait notamment savoir de quels moyens le Gouvernement central dispose pour garantir que les autorités autochtones exercent ces responsabilités d’une manière conforme au Pacte.

M. Shany demande des précisions sur la décision pendante du Tribunal constitutionnel plurinational: ce dernier doit-il se prononcer sur l’interdiction de l’avortement ou uniquement sur la portée des exceptions à cette interdiction? On estime à 67 000 le nombre d’avortements pratiqués chaque année, illégalement dans la majorité des cas; très peu d’autorisations judiciaires sont délivrées (moins de 10 en 2012) et le nombre de poursuites pénales contre des femmes ayant avorté est élevé − plus de 700 procédures ouvertes en 2012. Il serait intéressant de connaître la suite donnée à ces poursuites en attendant la décision du Tribunal.

M.  Vardzelashvili demande comment la délégation explique l’écart entre l’ampleur du phénomène de la traite et le faible nombre de condamnations prononcées pour des faits de traite. Il voudrait également savoir si des mesures spéciales sont prises pour protéger les victimes qui collaborent aux enquêtes.

Le Président propose de commencer l’examen des questions nos 14 à 26 de la liste des points à traiter.

M.  Rodríguez - Rescia, se référant à la question no 14, dit que le système pénitentiaire de l’État partie présente deux écueils majeurs: le taux de surpopulation carcérale extrêmement élevé − entre 200 et 233 % selon les établissements − et le fait qu’entre 80 et 85% des personnes détenues sont en attente de jugement. Il demande si, en dehors des projets de construction de nouveaux établissements, l’État partie envisage de prendre d’autres mesures pour réduire la surpopulation carcérale, en particulier pour éviter le placement systématique en détention préventive. Il voudrait également savoir pourquoi de nombreux détenus − 35 % − demeurent incarcérés au-delà du terme de leur peine. Le drame survenu dans la prison de Palmasola, où plus de 30 détenus sont morts dans un incendie déclenché par d’autres détenus, est révélateur de graves dysfonctionnements dans l’administration des établissements pénitentiaires. La corruption y est systémique et contribue à l’insécurité en permettant à des groupes de détenus de prendre le contrôle des prisons. La délégation voudra bien commenter cette situation et indiquer quelles mesures sont prises pour y remédier.

Le Président remercie la délégation bolivienne et les membres du Comité, et les invite à poursuivre le dialogue à une séance ultérieure.

La séance est levée à 18 heures.