Nations Unies

CCPR/C/SR.2806

Pacte international relatifaux droits civils et politiques

Distr. générale

25 juillet 2011

Original: français

Comité des droits de l’homme

102esession

Compte rendu analytique de la 2806e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mardi 12 juillet 2011, à 15 heures

Présidente:Mme Majodina

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties conformément à l’article 40 du Pacte (suite)

Rapport initial de l’Éthiopie (suite)

Organisation des travaux et questions diverses

La séance est ouverte à 15 heures.

Examen des rapports soumis par les États parties conformément à l’article 40 du Pacte (suite)

Rapport initial de l’Éthiopie (CCPR/C/ETH/1; CCPR/C/ETH/Q/1; CCPR/C/ETH/Q/1/Add.1; HRI/CORE/ETH/2008) (suite)

1.Sur l’invitation de la Présidente, la délégation éthiopienne reprend place à la table du Comité.

2.La Présidente invite la délégation éthiopienne à répondre aux questions complémentaires qui ont été posées par les membres du Comité à la séance précédente.

3.M. Yimer(Éthiopie) dit qu’aucun pays au monde ne peut prétendre que la torture n’existe pas sur son territoire et que l’Éthiopie ne fait pas exception. Ce que l’on peut affirmer en revanche c’est qu’il n’y a pas en Éthiopie de pratique systématique de la torture résultant d’une politique délibérée du Gouvernement. Il peut arriver que des agents des forces de l’ordre se rendent coupables de violations, mais dans ce cas, les procédures prévues par la loi s’appliquent. Comme il est indiqué dans le rapport (par. 52), plusieurs voies de recours sont ouvertes aux personnes qui se disent victimes d’actes de torture. La délégation n’a pas de statistiques ni d’exemples concrets d’affaires dans lesquelles des membres des forces de l’ordre ont été mis en cause et sanctionnés pour faits de torture mais elle s’efforcera de recueillir ces informations et les transmettra au Comité dans les meilleurs délais.

4.M. Teklemariam(Éthiopie) dit qu’il est vrai que les conditions carcérales ne sont pas satisfaisantes, mais cette situation est due à un manque de ressources et non à un désengagement de l’État. Tous les détenus ont accès aux soins médicaux, sans discrimination. Il existe un centre hospitalier réservé exclusivement au traitement des détenus, mais ceux-ci peuvent également se faire soigner dans les établissements de soins ouverts au reste de la population. Pour remédier au problème de la surpopulation carcérale, le Gouvernement fédéral a décidé de construire de nouveaux établissements pénitentiaires. La phase d’élaboration des plans vient de s’achever, et les travaux, auquel un budget de 197 millions de birr a été alloué, commenceront d’ici à 2012. Des projets similaires sont actuellement à l’étude dans les régions. Les détenus reçoivent trois repas par jour. La qualité nutritionnelle varie entre les prisons fédérales et les prisons régionales, ainsi que d’une prison régionale à une autre, en fonction des ressources allouées à l’alimentation. La plupart des administrations pénitentiaires revoient actuellement leur budget à la hausse en vue d’améliorer les prestations dans ce domaine. Les détenus peuvent adresser leurs plaintes aux représentants de la Commission éthiopienne des droits de l’homme, du Parlement et de l’administration pénitentiaire lorsque ceux-ci effectuent des visites dans les prisons ou directement au directeur de la prison, ou encore aux juridictions ordinaires. Des «boîtes à suggestions» sont également à leur disposition; ils peuvent y déposer leurs plaintes, qui sont ensuite transmises au directeur de la prison. Il est veillé à ce que les détenus en attente de jugement soient séparés des condamnés.

5.M. Ayehu(Éthiopie) dit qu’aucun des accusés jugés dans l’affaire des massacres perpétrés dans la région de Gambella en 2003 n’a été condamné à mort. Deux ont été condamnés à la réclusion à perpétuité et les autres à dix ans d’emprisonnement. Pour ce qui est des violences postélectorales de 2005, la Commission d’enquête indépendante a conclu que la force employée avait été proportionnée parce que les forces de sécurité avaient agi pour empêcher la destruction de bâtiments publics et d’équipements collectifs, qui aurait sans leur intervention mis en danger la vie d’un nombre considérable de personnes.

6.M. Tesfaye(Éthiopie) dit que M. Woubishet Taye et M. Reyot Alemu n’ont pas été arrêtés en raison de leurs activités de journalistes, mais parce qu’ils étaient soupçonnés d’avoir comploté avec des complices étrangers pour mener des activités criminelles en Éthiopie. Ils ont été arrêtés en vertu d’un mandat et ont été conduits devant un juge dans les quarante-huit heures suivant leur arrestation. Ils ont pu prendre contact avec leur avocat et leur famille dès le début de la détention. L’enquête est en cours.

7.M. Yimer (Éthiopie) précise que les deux journalistes ont été arrêtés sur la base d’éléments crédibles indiquant qu’ils avaient l’intention de détruire et de saboter des équipements collectifs.

8.M. Molla(Éthiopie) dit que tout suspect placé en détention provisoire par décision d’un juge peut soit être détenu par la police, soit être envoyé dans un établissement pénitentiaire. Dans les établissements pénitentiaires, la séparation entre détenus en attente de jugement et condamnés est strictement observée. La Constitution garantit le droit de tout détenu à un traitement respectueux de sa dignité. Elle garantit également à toute personne détenue du chef d’une infraction pénale le droit d’être assistée par un avocat dès le début de la détention. Des salles sont prévues dans les postes de police pour permettre aux détenus de s’entretenir en privé avec leur avocat, et des directives récapitulant les garanties juridiques fondamentales à assurer aux détenus ont été publiées à l’intention des membres de la police. La législation ne prévoit pas la possibilité pour une personne jugée par contumace de se faire représenter par un conseil au procès. La désignation d’office d’un conseil au titre de l’aide juridictionnelle n’est pas non plus applicable dans ce cas de figure car elle nécessite que le défendeur se présente devant le tribunal et fasse lui-même une demande dans ce sens.

9.M. Getahun(Éthiopie) dit que des renseignements détaillés concernant les circonstances de l’arrestation des deux journalistes évoquée précédemment ainsi que sur les détenus condamnés à mort seront communiqués par écrit ultérieurement. Il faut savoir que la dernière exécution remonte à quatre ans et qu’il n’y a pas eu plus de trois ou quatre exécutions au cours des vingt dernières années.

Un membre du Comité a posé une question sur la mise en œuvre de la recommandation du Comité contre la torture relative aux mesures à prendre pour enquêter sur les actes de torture, poursuivre et punir leurs auteurs et garantir que les membres des forces de l’ordre n’utilisent pas la torture (CAT/C/ETH/CO/1, par. 10). Le Gouvernement a déjà organisé avec les différentes parties prenantes une consultation nationale sur la mise en œuvre des recommandations issues de l’Examen périodique universel. Il prévoit d’organiser des consultations similaires pour les recommandations de chaque organe conventionnel; la recommandation du Comité contre la torture et les mesures à prendre pour la mettre en œuvre seront dûment examinées dans ce cadre. Le Gouvernement finalise en outre un plan d’action global sur les droits de l’homme.

M. Getahun confirme que le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) n’est pas autorisé à se rendre dans la région Somali, ni dans les lieux de détention. Il confirme également que Mme Birtukan Mideksa est entièrement libre et qu’aucune charge ne pèse plus contre elle.

La traite est un problème grave que le Gouvernement prend très au sérieux. Un comité interministériel réunissant des représentants du Ministère des questions relatives aux femmes, du Ministère de la justice et du Ministère des affaires étrangères a été créé pour élaborer et mettre en œuvre un plan d’action national contre la traite. Ce plan comporte un volet répressif mais aussi un volet social axé sur la lutte contre la pauvreté, car l’exploitation de la misère est au cœur du phénomène de la traite. La police fédérale comporte une unité spéciale chargée des enquêtes sur les faits de traite et de la prévention. En 2010, 139 affaires ont été portées devant les tribunaux et ont abouti à des condamnations allant du versement d’amendes à des peines d’emprisonnement de trois à vingt ans. De nombreux programmes de sensibilisation sont également mis en œuvre. Le Ministère des questions relatives aux femmes finance une émission de radio hebdomadaire consacrée à la question de la traite. En 2010, une vingtaine de sessions de formation ont été organisées à l’intention des forces de police et d’autres catégories de fonctionnaires concernés par la lutte contre la traite. Les travailleurs migrants, en particulier s’ils sont en situation irrégulière, sont particulièrement exposés au risque de traite. Il est donc essentiel de renforcer la coopération avec les pays concernés en vue d’établir un cadre juridique pour la protection des travailleurs migrants. À l’échelle nationale, la Proclamation no 104/1998 relative à l’Agence pour l’emploi privé encadre strictement le recrutement d’Éthiopiens par des particuliers ou des entreprises pour des emplois locaux ou à l’étranger. La lutte contre la traite est l’un des objectifs du Plan de croissance et de transformation dont un important volet est consacré aux femmes.

10.La Présidente invite les membres du Comité à faire part de leurs commentaires sur les réponses complémentaires apportées par la délégation avant de passer aux questions nos 21 à 30 de la liste de points à traiter.

11.Sir Nigel Rodley prend note de l’explication donnée par la délégation au sujet de l’emploi de la force par les forces de sécurité lors des violences postélectorales de 2005 et voudrait savoir quelles étaient les infrastructures que les forces de sécurité cherchaient à protéger et par qui et de quelle façon celles-ci étaient menacées. La délégation a indiqué que le droit d’être assisté par un avocat dès le début de la détention était garanti à toute personne détenue du chef d’une infraction pénale. Sir Nigel Rodley voudrait savoir si cette garantie s’applique également dans les affaires de terrorisme, car d’après les éléments dont dispose le Comité ce serait loin d’être le cas. Il souhaiterait également entendre la délégation au sujet des informations selon lesquelles il ne serait pas délivré de certificats de naissance aux enfants de réfugiés nés sur le sol éthiopien. En référence à la question no 21 de la liste de points, Sir Nigel Rodley dit ne pas voir de justification à la disposition du Code de procédure pénale qui interdit à toute personne condamnée sur la base d’une reconnaissance préalable de culpabilité le droit de faire appel de sa condamnation. Une personne pourrait parfaitement avoir plaidé coupable sous la contrainte, par exemple parce que sa famille était menacée, et vouloir légitimement, une fois la menace disparue, revenir sur ses dires et faire réexaminer sa condamnation, mais cette disposition ne le permet pas. Il serait intéressant d’entendre les commentaires de la délégation à ce sujet.

12.M. O’Flaherty note que l’État partie indique dans ses réponses écrites (par. 45) que les décisions des tribunaux de la charia ne peuvent pas être réexaminées par les juridictions ordinaires, ce qui semble difficilement conciliable avec le Pacte. Il renvoie la délégation au paragraphe 24 de l’Observation générale no 32 relative à l’article 14, où le Comité souligne: «L’article 14 est également pertinent quand l’État, dans son ordre juridique, reconnaît les tribunaux de droit coutumier ou les tribunaux religieux […]. Il faut veiller à ce que ces tribunaux ne puissent rendre de jugements exécutoires reconnus par l’État, à moins qu’il soit satisfait aux prescriptions suivantes: les procédures de ces tribunaux sont limitées […] à des affaires pénales d’importance mineure, elles sont conformes aux prescriptions fondamentales d’un procès équitable […] et les jugements de ces tribunaux sont validés par des tribunaux d’État à la lumière des garanties énoncées dans le Pacte.». À propos du consentement de toutes les parties pour être jugées par un tribunal de la charia, le texte des réponses écrites indique clairement qu’il est impératif. Or, comme les autorités de l’État partie le reconnaissent, l’émancipation des femmes n’est pas acquise en Éthiopie, et il peut donc arriver que les femmes ne consentent librement à être jugées en vertu de la charia.

13.M. O’Flaherty s’interroge sur une situation qui n’est pas évoquée dans la liste de points à traiter, mais qui est liée à l’application du Pacte. Il s’agit de l’effet de l’insécurité alimentaire sur l’exercice des droits civils et politiques en Éthiopie. Sans vouloir se substituer au Comité des droits économiques, sociaux et culturels, qui s’occupe des questions relatives au droit à l’alimentation, le Comité ne peut cependant ignorer l’incidence d’une situation d’urgence comme celle que connaissent plusieurs régions de l’Éthiopie sur l’exercice des droits protégés par le Pacte. M. O’Flaherty demande à la délégation de bien vouloir faire part de ses réflexions préliminaires sur la façon dont les autorités éthiopiennes comptent traiter cette question. Plus concrètement, les autorités s’assurent-elles, par exemple, que tous les acteurs de l’aide humanitaire fournissent cette aide selon des modalités respectueuses des droits de l’homme, en veillant notamment tout particulièrement à respecter les droits des personnes les plus vulnérables?

14.M. Rivas Posada salue les efforts déployés par les autorités éthiopiennes pour améliorer les conditions de détention et note qu’elles sont conscientes que beaucoup reste encore à faire. Compte tenu de la situation préoccupante dans les prisons et autres lieux de détention, il souhaiterait savoir si des nouvelles mesures plus concrètes sont envisagées pour remédier aux difficultés.

15.Les restrictions de financement qui découlent de la Proclamation no 621/2009 relative à l’enregistrement et à la réglementation des œuvres caritatives et des associations, qui frappent apparemment le Bureau des défenseurs publics, ont-elles une incidence sur la fourniture de l’aide juridictionnelle aux personnes qui en ont besoin? M. Rivas Posada souhaiterait savoir également quel est le statut du Bureau des défenseurs publics créé sous les auspices de la Cour suprême fédérale, et notamment s’il agit en toute indépendance par rapport à cette juridiction. Les restrictions imposées au fonctionnement du Bureau des défenseurs publics ont certainement affaibli le régime de l’aide juridictionnelle, ce qui pourrait soulever des problèmes au regard du Pacte puisque, conformément à l’article 14 et à la jurisprudence constante du Comité, toute personne accusée d’une infraction doit se voir attribuer un défenseur, sans frais, si elle n’a pas les moyens de le rémunérer.

16.M. Iwasawa dit que ses questions porteront sur le respect de la liberté d’expression, de la liberté de la presse et de la liberté d’association considéré à la lumière du droit de prendre part à la direction des affaires publiques. En effet, ces trois libertés revêtent une importance capitale pour la conduite des affaires publiques, en particulier pour l’exercice effectif du droit de vote, et sont donc directement liées à l’application de l’article 25 du Pacte. Il semblerait que des lois récentes, notamment la Proclamation antiterroriste no 652/2009 et la Proclamation no 621/2009 relative à l’enregistrement et à la réglementation des œuvres caritatives et des associations, aient été utilisées pour intimider des médias indépendants critiques à l’égard des autorités. Il est dit en particulier dans le rapport que des organes de presse privés ont eu un comportement irresponsable nuisible au bon développement démocratique du pays, et ont attisé les violences consécutives aux élections nationales de 2005. À ce titre, ils auraient fait l’objet de poursuites. Selon les informations dont le Comité dispose, 131 personnes physiques ou morales, dont 14 journalistes et 6 maisons d’édition, auraient été inculpées et jugées dans le contexte des manifestations postélectorales, et le Procureur aurait demandé que leur soit appliqué l’article 258 du Code pénal, qui prévoit la peine de mort. Les journalistes en question auraient été soumis à de nouvelles restrictions après la fin du procès et continueraient d’être harcelés jusqu’à aujourd’hui; 13 organes de presse indépendants auraient été fermés. Les journalistes travailleraient dans un climat de peur et pratiqueraient largement l’autocensure. Un certain nombre d’entre eux auraient fui le pays ces dernières années après avoir été victimes de harcèlement. M. Iwasawa demande si les autorités de l’État partie considèrent que la définition des actes terroristes donnée à l’article 3 de la Proclamation antiterroriste n’est pas susceptible d’avoir un effet fortement dissuasif sur l’exercice légitime de la liberté d’expression. La délégation éthiopienne a donné certaines explications concernant la teneur de cet article, mais elles n’ont pas permis de lever tous les doutes. Le paragraphe 3 de l’article 19 du Pacte prévoit des conditions strictes dans lesquelles des restrictions de la liberté d’expression peuvent être imposées, et M. Iwasawa souhaiterait savoir comment le Gouvernement éthiopien justifie les restrictions qu’il applique dans ce domaine au regard des dispositions du paragraphe 3 de l’article 19 du Pacte. Selon les informations dont le Comité dispose, le Gouvernement et le parti au pouvoir disposeraient d’un monopole sur les médias de tout type, et il n’existerait pas de médias indépendants. La législation prévoit apparemment que seules les entreprises dotées de la personnalité morale peuvent entreprendre des activités de presse. M. Iwasawa souhaiterait entendre la délégation éthiopienne sur ces allégations et savoir quelles mesures les autorités ont prises ou entendent prendre pour favoriser un environnement propice à l’expression de la diversité d’opinions et pour garantir sans réserve la liberté d’expression des médias.

17.La diffamation est une infraction pénale passible de lourdes sanctions, en particulier lorsqu’elle vise des agents de l’État. Le Comité élabore actuellement une Observation générale concernant l’article 19 du Pacte, dont le projet recommande aux États parties d’envisager la dépénalisation de la diffamation qui vise des personnalités publiques. M. Iwasawa demande à la délégation éthiopienne d’indiquer les mesures prises pour assurer qu’aucune sanction imposée pour diffamation d’une personnalité publique n’ait un effet fortement dissuasif sur l’exercice légitime de la liberté de la presse.

18.Selon les informations dont le Comité dispose, des membres et des sympathisants de partis d’opposition à l’origine du Forum pour le dialogue démocratique en Éthiopie auraient été harcelés et arrêtés et des membres d’un parti d’opposition du Tigré auraient reçu des menaces et auraient été placés en détention. En outre, le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a considéré que la dirigeante de l’opposition Birtukan Mideksa avait été victime d’une arrestation arbitraire. M. Iwasawa souhaiterait entendre la délégation éthiopienne sur ces allégations de violations des droits de l’homme et savoir quelles mesures ont été prises pour garantir que les membres des partis d’opposition puissent exercer sans réserve leur droit à la liberté d’expression et à la liberté d’association.

19.Selon certaines sources, le Gouvernement éthiopien exercerait une répression contre les organisations de la société civile. En particulier, les autorités refuseraient depuis les années 1990 d’enregistrer le Conseil éthiopien des droits de l’homme en tant qu’organisation de la société civile et auraient gelé ses comptes bancaires; elles auraient également refusé en 1997 d’enregistrer le Centre éthiopien des droits de l’homme et auraient suspendu provisoirement en 2001 l’Association éthiopienne des femmes juristes. En outre, des membres de l’Association des enseignants éthiopiens seraient régulièrement victimes de harcèlement. M. Iwasawa demande à la délégation éthiopienne de bien vouloir commenter ces allégations et d’indiquer les mesures prises pour assurer le développement libre et dynamique des organisations de la société civile. La délégation éthiopienne voudra bien exposer également les mesures prises pour faire en sorte que le cadre réglementaire de l’activité des partis politiques et des organisations de la société civile permette de renforcer les mesures en faveur d’une participation égale des hommes et des femmes et d’assurer une représentation équitable des différents groupes ethniques.

20.La Proclamation relative à l’enregistrement et à la réglementation des œuvres caritatives et des associations prévoit apparemment que seules les organisations de masse peuvent participer au processus de supervision des élections, et il semblerait que cela serve de prétexte pour écarter de ce processus toutes les organisations de minorités. M. Iwasawa voudrait savoir quelle définition est donnée d’une organisation de masse. La Proclamation prévoit aussi qu’une organisation non gouvernementale ne peut obtenir le statut d’œuvre caritative si plus de 10 % de son budget est financé par des sources étrangères. Cette disposition a d’ailleurs entraîné la dissolution de la plupart des associations qui s’occupaient de questions sociales et du respect des droits de l’homme en Éthiopie. Le Comité s’inquiète de ce qu’elle pourrait également servir de prétexte pour interdire des organisations non gouvernementales et empêcher le bon fonctionnement de la société civile. S’il est légitime que les autorités cherchent à encourager les organisations non gouvernementales à être indépendantes financièrement, la règle des 10 % est disproportionnée au but recherché. Les autorités envisagent-elles de fixer des critères moins contraignants, en prévoyant par exemple un allégement fiscal pour les donateurs locaux ou en encourageant les organisations de la société civile à entreprendre des activités lucratives? M. Iwasawa demande également comment la règle des 10 % peut être considérée comme conforme aux dispositions des articles 22 et 26 du Pacte. La même Proclamation prévoit également que toute personne qui en viole les dispositions encourt des sanctions en application du Code pénal. L’application de sanctions pénales en matière de liberté d’expression et de liberté d’association est susceptible d’avoir un effet fortement dissuasif sur l’exercice de ces libertés, et M. Iwasawa demande à la délégation éthiopienne d’expliquer comment cette situation peut être considérée comme compatible avec les articles 22 et 26 du Pacte.

21.MmeWaterval se dit préoccupée par la situation des enfants dans l’État partie. Il y aurait 12 % d’enfants orphelins, essentiellement en raison du sida. Certes ils sont souvent pris en charge par des familles − ce qui est très positif −, mais les orphelins de familles pauvres et les enfants vulnérables ne bénéficient guère de structures d’appui et n’ont pas accès aux services essentiels. En outre, si le Code pénal réprime la traite des enfants à des fins d’exploitation sexuelle ou d’exploitation par le travail, il ne contient pas de définition d’un mineur et d’un enfant, ce qui est une lacune préoccupante. Un autre sujet de préoccupation est la prostitution des mineurs, qui serait très répandue à Addis-Abeba, où des fillettes de 11 ans seraient recrutées dans des maisons de prostitution. Enfin, l’UNESCO indique que plus de 36 % des enfants âgés de 5 à 14 ans exercent une activité économique et ne vont pas à l’école. La situation des enfants orphelins et vulnérables appelle une politique gouvernementale générale de protection et d’appui. Les enfants en conflit avec la loi devraient aussi bénéficier de mesures spéciales. Enfin, en ce qui concerne le droit des minorités linguistiques d’employer leur propre langue ou l’amharique, Mme Waterval souhaiterait des renseignements sur les possibilités offertes aux enfants appartenant à des minorités pour recevoir un enseignement scolaire dans leur langue ou pour apprendre cette langue.

22.M. Salvioli relève que, si les décisions des tribunaux de la charia ne sont pas susceptibles d’appel devant les juridictions ordinaires et si les juges qui y siègent ne sont pas tenus d’appliquer les dispositions du Pacte, comme l’a indiqué la délégation éthiopienne, cela signifie qu’une série de matières pourraient être exclues de l’application du Pacte. Si tel est bien le cas, ce serait très préoccupant, en particulier du fait que cela compromettrait le respect du droit à l’égalité entre hommes et femmes.

23.En ce qui concerne la liberté d’information et la liberté d’expression, M. Salvioli croit savoir que l’autorisation des pouvoirs publics est nécessaire pour la gestion des sites informatiques. En outre, certains sites Web critiques à l’égard de la situation dans le pays ne peuvent pas être visités librement à l’intérieur de l’Éthiopie. M. Salvioli souhaiterait que soit expliqué comment la réglementation de l’accès à Internet garantit le droit de recevoir des informations.

24.MmeChanet, revenant sur la question des procès par contumace, relève que la délégation éthiopienne a semblé étonnée que l’on puisse considérer qu’une personne jugée par contumace a droit à un défenseur. Ce droit a été reconnu comme un droit absolu par la Cour européenne des droits de l’homme entre autres autorités, et il est également largement établi dans la jurisprudence internationale. Pour garantir notamment que la condamnation n’ait pas un caractère d’automaticité il est essentiel que le procès se déroule en présence d’un avocat de la défense, et les procédures par contumace doivent respecter toutes les garanties prévues par l’article 14 du Pacte.

25.Concernant la restriction du droit d’appel d’une personne condamnée sur la base d’une reconnaissance préalable de culpabilité, Mme Chanet concède qu’il y a une certaine logique à considérer, comme le fait l’État partie, que si une personne a reconnu préalablement sa culpabilité, elle ne peut pas faire ensuite appel de la déclaration de culpabilité, et que seule la peine peut être contestée. Sir Nigel Rodley a déjà évoqué certains aspects qui pourraient au contraire justifier que l’on fasse appel de la déclaration de culpabilité en pareil cas, et Mme Chanet tient simplement à appeler l’attention sur le fait que l’interdiction qui frappe les intéressés en Éthiopie n’est pas conforme aux dispositions du Pacte. Si un État partie décide d’imposer ou de maintenir une telle interdiction, il doit alors formuler une réserve au Pacte. En l’absence de réserve, l’État partie a l’obligation d’assurer à toute personne condamnée sur la base d’une reconnaissance préalable de culpabilité la possibilité de faire réexaminer par une juridiction supérieure tant la déclaration de culpabilité que la condamnation, comme le prévoit l’article 14 du Pacte.

26.En ce qui concerne les tribunaux coutumiers, le Comité a établi clairement dans son Observation générale relative à l’article 14 que ces tribunaux ne pouvaient se prononcer que sur des «questions de caractère civil et des affaires pénales d’importance mineure», et dans le plein respect de toutes les dispositions de l’article 14. Leurs jugements doivent être validés par les juridictions ordinaires de l’État partie, qui est responsable de ces décisions. En d’autres termes, l’État partie ne saurait invoquer le principe de l’indépendance de la justice pour entériner des décisions des tribunaux coutumiers qui seraient contraires aux droits garantis par le Pacte, car c’est lui qui, en adhérant au Pacte, s’est engagé à en appliquer les dispositions.

27.M. Bouzid note que l’Éthiopie compte environ 80 langues et se demande si tous les prévenus ont le droit d’être assistés d’un interprète dans une procédure judiciaire. Étant donné que les autorités justifient les retards dans l’administration de la justice par le nombre insuffisant de juges, il serait bon de savoir quelle politique et quelles mesures ont été adoptées ou sont envisagées pour améliorer la situation.

28.M. Fathalla, en complément de la question posée par M. O’Flaherty au sujet de l’insécurité alimentaire en Éthiopie, fait observer que la famine qui menace certaines régions du pays risque d’avoir une incidence sur le droit à la vie, qui est l’un des piliers du Pacte. Dans ce contexte, les autorités ont-elles envisagé une stratégie pour remédier à la situation et assurer le respect de l’article 6 du Pacte?

La séance est suspendue à 16 h 15; elle est reprise à 16 h 35.

29.M. Korcho (Éthiopie) dit que le recours aux tribunaux de la charia est fondé sur le consentement des deux parties en cause, qui ont aussi la possibilité de saisir les tribunaux civils ordinaires. Si ces tribunaux appliquent la charia, la procédure qu’ils suivent repose sur le Code de procédure civile appliquée par les juridictions ordinaires. Ces tribunaux comportent un deuxième degré et les parties peuvent donc faire appel pour contester sur le fond une décision rendue en première instance. Toute erreur de droit peut faire l’objet d’un recours auprès de la Chambre de cassation de la Cour suprême.

30.M. Molla (Éthiopie) dit que jusqu’en 2009 le secteur des organisations non gouvernementales en Éthiopie était régi par la réglementation no 321 de 1959 relative à l’enregistrement des associations et par le Code civil de 1960, qui n’offraient pas un cadre juridique suffisant. La nécessité de définir les domaines d’intervention des organisations de la société civile, de créer un environnement propice à leurs activités, de régler les relations entre ces organisations et l’administration, de déterminer le montant des coûts de fonctionnement et les coûts administratifs et de permettre aux ONG d’entreprendre des activités génératrices de revenus a abouti à l’adoption de la Proclamation no 621/2009 relative à l’enregistrement et à la réglementation des œuvres caritatives et des associations. Ce texte vise principalement à garantir aux citoyens l’exercice de la liberté d’association, consacrée par la Constitution, à promouvoir le rôle des organisations caritatives et des associations dans le développement global de l’Éthiopie et à assurer le fonctionnement transparent et responsable de ces organismes. Seules les organisations éthiopiennes, fondées en vertu de la législation éthiopienne, dont tous les membres sont éthiopiens, dont les revenus sont obtenus en Éthiopie et intégralement contrôlés par des Éthiopiens et dont 10 % du financement au maximum provient de sources étrangères ont le droit de mener les activités énumérées à l’article 14 de la Proclamation. Les organisations caritatives et autres associations dont plus de 10 % du financement est assuré par des sources étrangères n’ont pas le droit de mener des activités dans le domaine des droits de l’homme et de la démocratie. Cette interdiction repose sur la volonté de réserver les activités politiques et la revendication des droits démocratiques aux citoyens éthiopiens. La loi autorise les ONG financées par des sources étrangères à mener des activités liées au développement économique. La Proclamation no 621/2009 ne contrevient en rien aux obligations internationales de l’Éthiopie. Certaines ONG étrangères mènent néanmoins des activités dans le domaine des droits de l’homme, et de la justice et dans le secteur pénitentiaire en vertu d’accords conclus avec le Gouvernement éthiopien dans le cadre d’un mécanisme prévu par la Proclamation. À la suite de l’adoption de la Proclamation, l’Agence des œuvres caritatives et des associations a enregistré plus de 2 700 organisations de la société civile, dont plus de 570 étaient entièrement nouvelles. Le Gouvernement met actuellement en place un groupe de travail des organisations caritatives et des associations, composé de représentants d’organismes publics, d’organisations de la société civile et du Groupe d’aide au développement et chargé d’examiner les moyens de créer des conditions encore plus favorables au fonctionnement des organisations de la société civile en Éthiopie. Le Conseil éthiopien des droits de l’homme et l’Association éthiopienne des femmes juristes sont des ONG enregistrées, qui ont été fondées en vertu de l’ancienne législation pour mener des activités dans le domaine des droits de l’homme et des droits démocratiques. À la suite de la promulgation de la nouvelle législation, elles ont été enregistrées dans la catégorie des organisations caritatives éthiopiennes qui ne sont pas autorisées à recevoir plus de 10 % de leurs fonds de donateurs étrangers. Or, il est apparu que ces organisations avaient sur leur compte en banque un pourcentage de fonds provenant de l’étranger supérieur à 10 %. L’Agence des œuvres caritatives et des associations a donc fait geler leurs avoirs, tout en permettant qu’une partie de l’argent soit utilisé pour payer les salaires dus et les autres frais de fonctionnement. Comme les avoirs bancaires gelés ne peuvent pas être confisqués par le Gouvernement, il reviendra à l’Agence des œuvres caritatives et des associations de décider s’ils doivent être donnés à d’autres organisations caritatives. L’Agence a autorisé à six reprises l’Association éthiopienne des femmes juristes à mener des opérations de collecte de fonds. La Commission éthiopienne des droits de l’homme a également alloué des fonds à ces deux ONG pour leur permettre de réaliser leurs objectifs.

31.En vertu de l’article 16 de la Proclamation no 691/2010 relative à la définition des pouvoirs et des obligations des organes exécutifs de la République fédérale démocratique d’Éthiopie le Ministère de la justice a le pouvoir et l’obligation de représenter les citoyens, en particulier, les femmes et les enfants, qui ne sont pas en mesure d’intenter des actions civiles devant les tribunaux fédéraux. Pour s’acquitter de cette obligation, le Ministère met en place une structure d’aide juridictionnelle. Les unités spéciales chargées des poursuites créées au Ministère de la justice au niveau fédéral ont pour mission non seulement de poursuivre les auteurs d’infractions commises contre des femmes, mais aussi d’assurer une permanence téléphonique pour les femmes victimes et de les représenter en justice, y compris dans les procédures civiles. La Commission éthiopienne des droits de l’homme a mis en place une structure et signé un accord avec les facultés de droit de plus de 15 universités en vue de fournir des services d’aide juridictionnelle aux victimes et aux prévenus indigents. Les associations de femmes apportent aussi des services d’aide juridictionnelle aux femmes prévenues et victimes. Le Ministère de la justice, en collaboration avec le Ministère de la femme, de l’enfance et de la jeunesse et d’autres partenaires a élaboré un projet de permanence téléphonique pour les femmes victimes. En outre, les avocats ont l’obligation de consacrer au moins cinquante heures à la fourniture d’une aide juridictionnelle aux indigents. Le Ministère de la justice élabore actuellement des lignes directrices à ce sujet. Le Bureau des défenseurs publics est un organe de la Cour suprême fédérale, mis en place en vertu de la Constitution, qui bénéficie d’allocations budgétaires régulières.

32.Les centres de réadaptation pour les enfants des rues apportent aux garçons et aux filles qui vivent dans la rue et aux orphelins, dans de nombreuses régions, des services de réadaptation, une aide psychosociale, une aide à la réinsertion dans la société et un soutien à la scolarité, y compris par la distribution de nourriture, d’uniformes et de matériel scolaire, ainsi qu’une aide pour entreprendre des activités génératrices de revenus. Ces centres sont gérés aux niveaux fédéral et régional par les administrations publiques compétentes, en collaboration avec des ONG. L’Éthiopie est partie à la Convention (no 138) de l’OIT sur l’âge minimum, 1973, et à la Convention (no 182) de l’OIT sur les pires formes de travail des enfants, 1999, et le Gouvernement a incorporé les principes de ces conventions dans la Proclamation relative au travail. En outre, les autorités ont exécuté différents programmes, en collaboration avec leurs partenaires de développement, en vue de lutter contre le travail des enfants. Un plan d’action national pour l’élimination des pires formes de travail des enfants a été élaboré et est prêt à être mis en œuvre. Le plan d’action national relatif au travail des enfants pour la période 2010-2014, élaboré par le Ministère du travail et des affaires sociales, est actuellement mis en œuvre en vue d’abolir le travail des enfants et de protéger et d’aider les enfants, y compris les enfants chefs de famille. L’État apporte une aide importante aux orphelinats. Ces établissements ont été inspectés par une équipe composée de représentants de l’Agence des œuvres caritatives et des associations, du Ministère de la justice et du Ministère de la femme, de l’enfance et de la jeunesse qui, en collaboration avec les autorités des États régionaux, a contrôlé la gestion de ces établissements et la qualité de la prise en charge des enfants. L’inspection a permis au Gouvernement de prendre les dispositions nécessaires pour améliorer le fonctionnement des orphelinats et pour faire cesser les violations des droits de l’enfant constatées dans certains cas. Une priorité est accordée aux orphelins dans le programme de répartition des terres dans les zones rurales.

33.Le Gouvernement élabore actuellement un projet de proclamation relatif à l’enregistrement des faits d’état civil et aux statistiques de l’état civil portant notamment sur l’enregistrement des naissances, des décès, des mariages et des divorces. En 2010, l’Éthiopie a accueilli la première réunion des ministres de la justice et des procureurs généraux africains sur l’enregistrement des faits d’état civil et les statistiques de l’état civil. Le Code civil révisé réglemente de manière détaillée les procédures d’adoption. Toute adoption nécessite une décision judiciaire. Les États régionaux ont leur propre législation relative à la famille, qui est compatible avec la législation fédérale. Le Ministère de la femme, de l’enfance et de la jeunesse est habilité à délivrer des attestations aux tribunaux pour les adoptions officielles. Un tribunal spécialisé, soucieux des victimes, a été mis en place en 2002 au niveau fédéral. À partir de 2004, des tribunaux similaires ont été créés dans la plupart des États régionaux. Ces tribunaux cherchent à éviter la victimisation secondaire et à permettre aux victimes, en particulier aux enfants et aux femmes, d’être entendues dans un cadre convivial, depuis une salle spécialement aménagée, sans être confrontées directement à l’auteur de l’infraction notamment grâce à un système de télévision en circuit fermé, et en bénéficiant de l’assistance d’un intermédiaire chargé de leur apporter un soutien. Les audiences ont lieu à huis clos. Pour ce qui est de l’âge de la responsabilité pénale, fixé à 9 ans dans le Code pénal, il serait très difficile de promettre à ce stade qu’il sera relevé.

34.La procédure relative à la reconnaissance préalable de culpabilité est établie aux articles 132 et 134 du Code pénal. En principe, un tribunal peut condamner une personne qui a reconnu sa culpabilité sans examiner d’autres éléments de preuve. Toutefois il a toute latitude, s’il le juge nécessaire, pour demander à l’accusation de produire des preuves complémentaires et peut autoriser le prévenu à demander lui-même ces preuves. L’article 135 du Code pénal dispose que lorsqu’il y a eu reconnaissance préalable de culpabilité et que le tribunal estime, au cours de la procédure, que le prévenu aurait dû plaider «non coupable», il peut décider que le prévenu doit modifier son moyen de défense et plaider «non coupable». Conformément au Code pénal, la personne condamnée sur la base d’une reconnaissance de culpabilité peut faire appel de la décision du tribunal uniquement pour contester le quantum ou la légalité de la peine. La disposition de l’article 14 du Pacte relative au droit pour toute personne déclarée coupable d’une infraction de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité et la condamnation est interprétée par les autorités éthiopiennes comme concernant les personnes qui ont plaidé «non coupable».

35.M. Ayehu (Éthiopie) dit que, en vertu du paragraphe 1 de l’article 19 et du paragraphe 7 de l’article 20 de la Constitution, les personnes arrêtées et soupçonnées d’avoir commis une infraction peuvent bénéficier des services d’un interprète, aux frais de l’État, pendant toute la procédure depuis l’arrestation jusqu’au prononcé de la condamnation, lorsque le procès se déroule dans une langue qu’elles ne comprennent pas.

36.M. Assefa (Éthiopie) dit que les médias indépendants sont indispensables pour que les citoyens puissent se former une opinion en toute connaissance. Il convient toutefois de mentionner que, après les élections de 2005, certains médias n’ont pas joué ce rôle en raison de l’inexactitude des informations publiées, d’une attitude irresponsable et de prises de positions politiques subversives. Il a été mis fin à l’activité de certains journaux. En 2008, le Gouvernement a adopté la Proclamation no 590/2008 relative à la liberté des médias et à l’accès à l’information, qui fait obligation au Gouvernement de communiquer régulièrement des informations à tous les journalistes et qui ne prévoit plus la détention pour les journalistes soupçonnés d’avoir commis une infraction liée à la publication d’informations dans les médias. Cette nouvelle loi ne réduit pas les possibilités de débat politique et aucune de ses dispositions ne contrevient aux engagements internationaux souscrits par l’Éthiopie. L’existence d’une loi antiterroriste n’a pas d’effet négatif sur les médias et n’implique pas nécessairement une restriction des libertés garanties par la Constitution.

37.Le système fédéral fait une place à toutes les minorités linguistiques en accordant à chaque groupe linguistique, quelle que soit sa taille démographique, au moins un siège à la Chambre de la Fédération (seconde chambre du Parlement fédéral). Le droit de chaque groupe d’utiliser sa propre langue dans l’enseignement et dans l’administration est également garanti aux niveaux régional et local. Étant donné que plus de 80 langues sont parlées dans le pays et que les ressources disponibles sont limitées, il est très difficile de produire du matériel d’enseignement dans chacune de ces langues. Malgré tout, d’importants efforts sont faits pour aider les communautés à se doter des moyens d’utiliser leur langue dans le système éducatif. Grâce à sa représentativité, le système fédéral choisi par l’Éthiopie, dont certains observateurs avaient craint au départ qu’il n’entraîne des risques de division, a au contraire permis de renforcer l’unité du pays et de parvenir à une répartition plus équitable des richesses.

38.M. Getahun (Éthiopie) dit que certains membres du Comité ont formulé dans leurs questions et leurs commentaires des jugements et des généralisations parfois contestables. Il était difficile pour la délégation de répondre directement à la teneur des positions ainsi exprimées mais les informations qu’elles a données décrivent bien les moyens législatifs mis en œuvre pour créer un environnement propice à l’exercice des libertés fondamentales. La Proclamation relative à l’enregistrement et à la réglementation des œuvres caritatives et des associations a pour but de promouvoir la transparence et la responsabilité et de faciliter les activités des associations et groupes de défense locaux. L’adoption de ce texte s’est traduite par une augmentation immédiate du nombre d’enregistrements d’organisations formées en Éthiopie ou à l’étranger. De même, la Proclamation relative à la liberté des organes d’information et à l’accès à l’information a pour but de favoriser la liberté d’expression, par des mesures telles que la suppression de la détention avant jugement pour les infractions liées aux médias, la protection juridique des droits éditoriaux, la simplification des procédures d’accréditation ou l’obligation pour les organes gouvernementaux de communiquer des informations au public.

39.La sécheresse dans la corne de l’Afrique a touché et continue de toucher durement la population de l’est du pays, en particulier les réfugiés et les personnes déplacées. Il s’agit là d’une situation d’urgence mais on ne peut pas parler de famine à proprement parler, dans la mesure où les autorités s’emploient à faire en sorte que les personnes victimes de cette situation due à des conditions climatiques très défavorables ne meurent pas de faim, notamment en facilitant l’acheminement et la distribution de l’aide humanitaire internationale. Outre les mesures d’urgence, le Gouvernement a également mis sur pied un plan à long terme visant à garantir la sécurité alimentaire.

40.Le Plan national de croissance et de transformation (2011-2015) a des objectifs ambitieux. Il vise à consolider les fondements démocratiques de l’État et à créer les conditions d’une croissance stable et durable, notamment par la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement. Il prévoit des mesures visant à renforcer et améliorer l’éducation, les services de santé et les services sociaux et comprend un volet spécifique concernant la protection des personnes vulnérables, en particulier des enfants. Il met en outre l’accent sur l’amélioration de la productivité agricole, condition indispensable pour parvenir à la sécurité alimentaire. Tous ces objectifs sont assortis d’échéances et les crédits nécessaires à la mise en œuvre du Plan ont été budgétisés.

41.M. Iwasawa dit, en ce qui concerne la liberté d’expression, que le Comité a entrepris l’élaboration d’un projet d’Observation générale sur la question, dans lequel il souligne que le paragraphe 3 de l’article 19 du Pacte énonce trois conditions à réunir cumulativement pour pouvoir imposer des restrictions à l’exercice de la liberté d’expression: les restrictions doivent être «fixées par la loi»; elles ne peuvent être imposées que pour l’un des motifs établis aux alinéas a et b du paragraphe 3 (respect des droits ou de la réputation d’autrui et sauvegarde de la sécurité nationale, de l’ordre public et de la santé ou de la moralité publiques); enfin elles doivent être justifiées par l’État partie qui doit montrer qu’elles sont «nécessaires» pour l’un de ces motifs. Dans sa définition du critère de nécessité, le Comité met en avant le principe de proportionnalité et souligne que l’État partie doit démontrer de manière spécifique et individualisée la nature précise de la menace et établir un lien direct et immédiat entre l’expression et la menace. Le Comité a récemment adopté pour pratique de diffuser ses séances publiques, comme celle en cours, sur le Web. La délégation pourra peut-être indiquer si les séances consacrées à l’examen du rapport initial de l’Éthiopie ont effectivement pu être visionnées dans le pays, compte tenu du fait que certains sites sont bloqués dans le pays.

42.Sir Nigel Rodley demande à la délégation si elle peut confirmer que l’accès à un avocat est garanti à toutes les personnes en détention, y compris celles qui sont soupçonnées de terrorisme, dès le début de la privation de liberté. Il invite en outre la délégation à préciser si des certificats de naissance sont établis pour tous les enfants, y compris les enfants de réfugiés.

43.Mme Waterval dit qu’elle a été étonnée d’entendre la délégation affirmer qu’il était difficile de promettre que l’âge minimum de la responsabilité pénale fixé dans la loi serait relevé. Est-ce à dire que le Gouvernement n’envisage même pas d’étudier la question?

44.M. Getahun (Éthiopie) répond que la délégation a dûment pris note de la préoccupation du Comité concernant l’âge minimum de la responsabilité pénale mais qu’elle ne peut pas s’avancer sur les éventuelles mesures législatives qui pourraient être prises en la matière. Pour ce qui est de l’enregistrement des naissances, la loi prévoit l’établissement de certificats de naissance pour tous les enfants nés sur le territoire éthiopien. S’il existe des différences de traitement dans la pratique, les autorités ne manqueront pas de s’occuper de ce problème. L’accès à un avocat est garanti à toutes les personnes détenues, quelles que soient les charges retenues contre elles.

45.M. Thelin souhaite revenir sur la question de l’accès à des sites Web que, d’après certaines sources, les autorités éthiopiennes bloqueraient. Il souhaiterait savoir si tel est bien le cas et s’il est vrai qu’il n’est pas possible d’accéder, en Éthiopie, aux sites diffusant en direct les séances du Comité consacrées à l’examen du rapport.

46.M. Yimer (Éthiopie) répond que la délégation ne dispose d’aucune information sur la diffusion des débats du Comité en direct sur le Web. Il se félicite du dialogue fructueux et enrichissant auquel a donné lieu l’examen du rapport initial de l’Éthiopie et remercie les membres du Comité pour leurs nombreuses observations et questions, auxquelles la délégation s’est efforcée de répondre de la manière la plus complète et la plus honnête possible.

47.LaPrésidente dit que le Comité salue l’engagement de l’Éthiopie à s’acquitter de ses obligations internationales, dont témoigne la composition de la délégation de haut niveau et la qualité du dialogue qui vient d’avoir lieu. Elle relève néanmoins certains domaines de préoccupation, parmi lesquels l’application du Pacte par les juridictions internes, les pratiques préjudiciables aux femmes, les restrictions à la liberté d’expression et d’association, les effets de la législation antiterroriste et les allégations faisant état d’une pratique généralisée de la torture. Au cours du dialogue qui a eu lieu, la délégation a pu voir quels sont les domaines dans lesquels la situation sur le terrain peut être améliorée, dans le sens d’une plus grande protection des droits des individus.

48.La délégation éthiopienne se retire.

La séance est suspendue à 17h45; elle est reprise à 17h50.

Organisation des travaux et questions diverses

49.La Présidente invite les membres du Comité à utiliser le temps de séance restant pour faire part de leurs commentaires et suggestions suite à la rencontre avec les ONG qui a eu lieu la veille.

50.M. Flinterman souligne à quel point les relations entre les organes conventionnels et les ONG ont évolué au fil des années et dit qu’il serait utile de faire le point sur la longue expérience du Comité dans ce domaine en rédigeant une déclaration sur la question, comme l’a fait récemment le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes. Un tel texte pourrait ensuite servir de base à une déclaration conjointe des différents organes conventionnels sur la contribution des ONG à leurs travaux.

51.M. Thelin appuie la suggestion de M. Flinterman et propose que le Bureau commence à étudier les modalités concrètes d’une telle déclaration.

La séance est levée à 18 heures.