Quatre-vingt-dix-huitième session

Compte rendu analytique de la 2687 e  séance

Tenue au Siège, à New York, le mardi 9 mars 2010, à 10 heures

Président :M. Iwasawa

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties en application de l’article 40 du Pacte (suite)

Cinquième rapport périodique du Mexique (suite)

La séance est ouverte à 10 h 12.

Examen des rapports présentés par les États parties en application de l’article 40 du Pacte (suite)

Cinquième rapport périodique du Mexique (suite)(CCPR/C/MEX/5)

À l’invitation du Président, les membres de la délégation du Mexique prennent place à la table du Comité .

Le Président invite les membres de la délégation du Mexique à répondre aux questions orales posées par les membres du Comité à la séance précédente.

M. Mercado Casillas (Mexique) dit que le Gouvernement de son pays vient de lancer un programme à Ciudad Juárez afin d’associer tous les ministères fédéraux à l’exécution d’un plan d’intervention visant à remédier aux causes profondes de la violence et à reconstruire le tissu social de la ville. Le plan est axé sur les zones les plus vulnérables et la participation des citoyens à sa conception, à son exécution et à son suivi est essentielle. Ce plan porte sur cinq domaines, à savoir pauvreté et vulnérabilité, santé, éducation, création et récupération d’espaces et possibilités de développement économique et d’emploi.

Le Gouvernement fédéral est déterminé à améliorer les normes juridiques de manière à assurer la reconnaissance et l’exercice du droit de la femme à une vie sans violence et à mettre en place les mécanismes institutionnels nécessaires pour réprimer la violence et prévenir sa récurrence. Il s’agit d’un processus radical visant à renforcer le système actuel en adoptant des réformes à tous les niveaux, notamment en matière civile et pénale. Le Gouvernement est en train de mettre en œuvre des propositions prévoyant l’annulation des lois discriminatoires et la modification de la législation pénale qui empêche les femmes d’accéder à la justice.

M. Navarrete Gutiérrez (Mexique) affirme que si la violence à l’égard des femmes est condamnée sans équivoque par le Gouvernement mexicain, la garantie d’une vie sans violence constitue un grand défi. Le cadre législatif ne suffit pas encore à éliminer la misogynie. Le Gouvernement a pourtant pris des mesures pour améliorer les politiques publiques de manière à changer les causes structurelles de la violence. En dépit de la crise économique, il a consacré des ressources sans précédent, qui sont revues tous les trimestres, à la lutte contre la discrimination à l’égard des femmes. La création de services de l’égalité entre les sexes dans les 12 ministères fédéraux montre bien que la question de la parité entre les sexes est prise en compte partout. Les 31 entités fédérales sont toutes dotées de mécanismes de promotion de la femme et bénéficient d’un appui financier et autre. Environ 900 organes municipaux ont été créés pour régler les questions liées à la problématique hommes-femmes à l’échelon local et plusieurs initiatives ont été lancées par l’appareil judiciaire pour promouvoir l’équité entre les sexes. Des institutions telles que la Cour suprême de justice et le Tribunal électoral ont mis en place des services chargés de former le personnel judiciaire au respect des droits des femmes et des droits de l’homme. Malgré la lenteur du processus, plus de 10 500 fonctionnaires ont reçu une formation depuis 2007. Le Ministère de la défense nationale tient compte de l’égalité des sexes dans le processus de recrutement pour tous les postes. Les questions liées à la problématique hommes-femmes et aux droits de l’homme ont été intégrées aux programmes scolaires et les écarts salariaux ont été comblés dans l’armée, permettant à un plus grand nombre de femmes d’accéder aux postes de commandement intermédiaires et supérieurs. Les femmes peuvent désormais intégrer la prestigieuse école d’ingénieurs de l’armée navale. Le Ministère de la défense nationale et le Ministère des affaires navales ont récemment publié leurs programmes d’équité entre les sexes.

Bien qu’elle ne soit pas parfaite, la loi sur la lutte contre la violence a été appliquée au bout de deux ans seulement. Quelques États sont en train d’adapter leur législation au droit fédéral et aux traités internationaux. Chihuahua et Chiapas ont récemment modifié leur législation afin de mettre en place des mécanismes de suivi du système fédéral d’alerte en cas de discrimination, qui fonctionne déjà sur tout le territoire mexicain, même dans les États qui ne l’ont pas prévu dans leur législation.

S’agissant de la question du droit à la vie, les constitutions de 18 États ont été modifiées de manière à donner corps à ce droit; 10 États continuent d’interdire l’avortement. Quatre États seulement ont modifié leur droit pénal compte tenu des réformes constitutionnelles fédérales. La réforme législative locale ne dispense pas les États de l’obligation de respecter les traités internationaux ou les normes relatives aux mécanismes de contrôle nationaux, comme l’indique la Cour suprême de justice à propos de la réforme de la question de l’avortement dans le District fédéral. Il n’est pas facile d’appliquer la norme nationale officielle no 46 à la violence familiale dans tout le pays et d’éliminer les contradictions entre la législation de l’État et les dispositions de la Constitution et/ou des traités internationaux relatifs aux droits de l’homme. Néanmoins, le Gouvernement est déterminé à promouvoir les droits des femmes, en particulier en matière de procréation et de sexualité, et de veiller à leur plein exercice.

M. Fernández del Castillo (Mexique) indique que les services de soins de santé relèvent de la compétence des États depuis la décentralisation de 1996. Il est vrai que le Ministère de la santé a établi des procédures sur les modalités d’application de la législation relative aux soins de santé en ce qui concerne les services dispensés aux victimes de viol en particulier, mais les autorités locales sont libres de suivre les recommandations nationales, si elles le jugent utile.

M. Ballados Villagómez (Mexique) dit que le Tribunal électoral a réglé plusieurs affaires concernant la participation des femmes à la vie politique. La réglementation relative à l’accès aux postes politiques a été précisée. L’examen critique d’une affaire par des universitaires indépendants est mis à la disposition du Comité. Les femmes sont actuellement plus nombreuses à porter plainte au niveau fédéral; plus de 50 % des affaires entendues par le Tribunal électoral en 2009 ont fait suite à des plaintes déposées par des femmes. La délégation a fourni une liste de plus de 200 affaires dans lesquelles le Tribunal a invoqué le Pacte et les décisions qu’il a prises ont toutes été communiquées à l’Organisation des États américains (OEA) et à l’Institut interaméricain des droits de l’homme (IIDH). Le Tribunal électoral a toujours accordé la priorité à toutes les interprétations favorisant l’égalité d’accès aux droits électoraux et au système de justice et a toujours fait appel en leur faveur, bien que les normes électorales actuellement en vigueur ne contiennent pas encore de dispositions à ce sujet. Les progrès réalisés dans l’exercice des droits électoraux des autochtones sont exposés en détail dans le chapitre du rapport consacré à l’article 26 du Pacte intitulé « Égalité devant la loi et non-discrimination » (CCPR/C/MEX/5, par. 954 à 957).

M. Durán Ortegón (Mexique) dit que le Gouvernement s’efforce d’aider les femmes autochtones à exercer leurs droits. Dans ce cadre, il a lancé un programme d’organisation productive qui comporte une formation aux droits de l’homme, à la notion d’égalité entre les sexes, aux dimensions multiculturelles et à la durabilité; 70 % des femmes autochtones participant au programme ont indiqué que celui-ci avait permis de faire baisser la discrimination. Les deux tiers des participants ont déclaré que leur revenu avait augmenté et l’on pouvait constater qu’ils participaient davantage à la vie familiale et communautaire. Plus de 1 000 ateliers ont été organisés pour accroître l’équité entre les sexes et plus de 40 000 femmes autochtones en ont bénéficié. Il est clair que la garantie des droits autochtones va de pair avec une lutte efficace contre la pauvreté et la marginalisation.

M me  Heredia Rubio (Mexique) estime que malgré l’importance des résultats obtenus sur le plan de la participation des femmes à la vie politique, il reste beaucoup à faire. La réforme constitutionnelle a garanti des droits électoraux à tous les citoyens et exigé des partis politiques qu’ils veillent à ce que les femmes représentent au moins 40 % des candidats aux élections pour le Congrès. Environ 28 % des députés sont des femmes, contre 17 % en 2000. Le Tribunal électoral est compétent pour juger d’affaires de non- application des lois électorales et les citoyens peuvent déposer des plaintes auprès du Tribunal pour défendre leurs droits politiques. En décembre 2009, le pouvoir exécutif a proposé de continuer d’élargir et d’accroître la participation politique de tous les citoyens et d’autres entités politiques ont soumis d’importantes propositions à ce sujet. Au moins trois initiatives présentées pour examen au Sénat ont clairement pour objectif d’élargir la participation politique en interdisant la multiplicité des mandats des législateurs, en encourageant les initiatives venant directement des citoyens et en autorisant les candidatures indépendantes aux élections.

M. Guevara Bermúdez (Mexique) dit que l’amendement de l’article 33 de la Constitution confirme que la décision finale quant à l’expulsion des étrangers relève du pouvoir exécutif, qui contrôle également la procédure administrative concernant le lieu et la durée de la détention. Compte tenu de la complexité de la procédure législative au Mexique, il est impossible d’indiquer une date pour l’achèvement de la réforme constitutionnelle, bien que le Sénat soit décidé à procéder à un examen rapide. L’emploi de l’expression « instruments les protégeant » (réponse écrite à la question 1 de la liste) doit servir à distinguer la protection des droits de l’homme des autres mécanismes de protection juridique. Le Gouvernement est en train de coopérer avec un certain nombre d’organismes des Nations Unies et d’examiner la compétence du Comité des disparitions forcées. Malgré les difficultés posées, le Gouvernement est déterminé à respecter pleinement les décisions de la Cour interaméricaine des droits de l’homme, y compris celle qui concerne l’affaire Campo Algodonero. Les décisions de la Cour ont été publiées sur support papier et sur l’Internet. L’amendement porté à l’article 215 du Code pénal fédéral pour le rendre compatible avec les traités internationaux témoigne de la volonté du Gouvernement d’adopter des lois en réponse à toutes les décisions de la Cour interaméricaine. Des mesures sont en train d’être prises dans tout le pays pour harmoniser les méthodes d’enquête avec le Protocole de Minnesota et le Protocole d’Alba consacré au règlement de la situation à Ciudad Juárez. De plus, le Bureau du Procureur général est en train de créer une base de données ADN sur les personnes portées disparues.

Les progrès réalisés dans le domaine des droits de l’homme par les entités fédérales sont inégaux, mais la collaboration entre celles-ci est encouragée à tous les niveaux. Les accords signés par les gouvernements fédéraux et locaux se sont traduits par des études sur les droits de l’homme, des programmes sur les droits de l’homme dans les entités fédérales, des activités de formation aux droits de l’homme pour le personnel de sécurité et des campagnes de promotion des droits de l’homme dans tout le pays. Les mécanismes de coordination entre organismes publics ont aidé à donner suite aux rapports et aux recommandations des organismes internationaux, y compris ceux de la Cour interaméricaine des droits de l’homme et du Comité des droits de l’homme. Le Gouvernement est en train de renforcer les mécanismes pertinents afin d’accélérer les enquêtes locales tout en évitant tout dommage irréparable aux droits individuels.

Le Mexique est conscient de la contribution des organisations non gouvernementales (ONG) et des défenseurs des droits de l’homme à la promotion et à la protection des droits de l’homme. Le programme national relatif aux droits de l’homme pour 2008-2012 prévoit des mesures de protection contre la violence. Le Gouvernement a accepté la plupart des recommandations issues de l’examen périodique universel effectué par le Conseil des droits de l’homme, y compris celles qui se rapportent aux défenseurs des droits de l’homme. Un projet de plan d’action a été rédigé pour promouvoir et protéger les droits des défenseurs des droits de l’homme et adopter et renforcer des mesures destinées à faire respecter les recommandations énoncées dans l’examen périodique universel. Le plan d’action encourage les gouvernements des États à publier des instruments juridiques ayant trait aux activités des défenseurs des droits de l’homme. Il met en place et favorise des mécanismes destinés à protéger les journalistes et les défenseurs des droits de l’homme. Il comporte aussi des mesures concernant les enquêtes sur le harcèlement, les menaces et les autres infractions perpétrées à l’encontre des défenseurs des droits de l’homme.

M. Alcántara Martínez (Mexique) dit que la Cour suprême de justice reconnaît tous les traités internationaux relatifs aux droits de l’homme ratifiés par l’État. La décision qu’elle a prise récemment n’a aucune incidence sur la place prioritaire qu’occupent les traités internationaux dans l’ordre juridique. Cette décision est de caractère informatif et l’on peut y accéder sur l’Internet.

M. Guevara Bermúdez (Mexique) déclare que le Conseil national de prévention de la discrimination a examiné 3 184 affaires d’allégations d’actes de discrimination, dont 1 790 auraient été commis par des fonctionnaires publics, et que 3 024 d’entre elles ont été réglées. Des mesures administratives ont été prises pour proposer des ateliers de sensibilisation, de consultation et de formation aux sociétés privées et aux organismes fédéraux. Toute discrimination fondée sur le sexe, y compris pour cause d’orientation ou de préférence sexuelle, est interdite par la Constitution. Des programmes visant à promouvoir l’acceptation des préférences sexuelles et de l’identité sexuelle et des lois concernant les soins de santé sont envisagés pour accroître l’accès aux soins de santé des transsexuels et des bisexuels. Le programme national relatif aux droits de l’homme pour 2008-2012 prévoit l’obligation de reconnaître la personnalité juridique des transsexuels et des bisexuels et d’appliquer des programmes d’action positive pour garantir l’accès des groupes marginalisés en raison du sexe au marché de l’emploi. Une proposition faite par la Commission chargée de la politique gouvernementale en matière des droits de l’homme prévoyant de faire du 17 mai la Journée nationale de lutte contre l’homophobie est sur le point d’être approuvée. La Cour suprême de justice protège quiconque demande un nouveau certificat de naissance après changement de sexe; les politiques du District fédéral accordent le même respect à ce groupe de personnes. La cohabitation officielle de couples de même sexe est autorisée par la loi; 96 % de ces couples sont enregistrés dans le District fédéral. Tel qu’amendé, le Code civil du District fédéral dispose que les couples de même sexe peuvent se marier et adopter des enfants. La Cour suprême de justice a rejeté des recours constitutionnels allant à l’encontre de l’amendement, mais elle est en train de réexaminer sa position à la suite d’une décision du Bureau du Procureur général.

Tous les homicides, y compris les crimes motivés par la haine, font l’objet d’une enquête par le Bureau du Procureur général. Le District fédéral est en train de créer un bureau de poursuites pour enquêter sur les crimes liés à l’homophobie, conformément à l’accord A/02 2010. L’État donnera suite aux observations finales du Comité à propos du cinquième rapport périodique, comme il l’a fait pour les recommandations issues de l’examen périodique universel, par l’intermédiaire de la Commission chargée de la politique gouvernementale en matière de droits de l’homme. Un sous-comité de la Commission est en train d’élaborer un programme d’éducation nationale en matière de droits de l’homme afin de promouvoir et de défendre ces droits et de diffuser les traités internationaux relatifs aux droits de l’homme. Ce programme doit être lancé au milieu de 2010.

M me  de la Madrid (Mexique) dit que le nombre de cas de torture n’est pas dû à un manque de volonté ou à l’incapacité d’appliquer le principe de prévention de la torture. L’engagement du Gouvernement à cet égard est illustré dans le programme national relatif aux droits de l’homme pour 2008-2012 qui contient une base de données sur les cas de torture dans laquelle on peut observer les tendances et les modèles de comportement dans ce domaine. Le District fédéral et les 31 entités fédérales ont proposé une formation sur l’Opinion médico-psychologique spécialisée pour les affaires de torture et/ou de mauvais traitements éventuels dans les ministères publics, les départements de la sûreté générale et dans tous les bureaux de procureur. Treize bureaux de procureur se sont engagés à respecter le Protocole d’Istanbul et l’Opinion médico-psychologique spécialisée et ont élaboré une législation à ce sujet.

Le Bureau du Procureur général de la République a pris 172 décisions entre septembre 2003 et décembre 2009. Il a établi des actes de torture dans 34 cas, dont 9 de torture physique et 11 de torture psychologique et une combinaison des deux dans le reste. Entre 2003 et 2010, le Bureau a formé des milliers de fonctionnaires des administrations fédérales, des soins de santé et de la sécurité à l’application de l’Opinion médico-psychologique spécialisée. Un deuxième programme de formation est en train d’être mis en route et l’on a déjà envisagé d’assurer une formation dans sept autres bureaux de procureur. Des dispositifs ont été créés pour enregistrer les opinions médicales relatives à la torture.

Abordant ensuite la question de la charge de la preuve dans les affaires de torture, Mmede la Madrid dit que le concept de présomption d’innocence a été incorporé à l’article 20 de la Constitution à la suite de la réforme des systèmes de justice pénale et de sécurité publique. La loi fédérale pour prévenir et réprimer la torture est fondée sur la Convention interaméricaine pour la prévention et la répression de la torture et sur la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants des Nations Unies. Les travaux d’harmonisation sont difficiles, mais ils se poursuivent.

Le Bureau du Procureur général de la République ne peut être saisi d’affaires de traite de personnes ou de violence à l’égard des femmes que s’il s’agit d’affaires locales et fédérales et de crimes qui ont été instigués, préparés ou commis en dehors du pays tout en ayant ou en risquant d’avoir une influence sur le territoire mexicain, ou d’affaires liées à la criminalité organisée. Le Bureau du Procureur général de la République est en train d’élaborer des amendements législatifs afin d’étendre sa compétence aux affaires qui intéressent la société dans son ensemble et dans lesquelles les intérêts individuels entravent les poursuites. Bien que la plupart des crimes de traite des personnes et de violence à l’égard des femmes relèvent de la compétence des États, au 16 février 2010, 389 plaintes ont été reçues au niveau fédéral : 51 affaires de traite (dont une impliquant un fonctionnaire fédéral) et 228 pour violence à l’égard de femmes. Huit affaires de torture, dont 4 liées à la criminalité organisée, et 16 affaires de violence à l’égard de femmes ont été jugées. En octobre 2009, deux affaires de violence à l’encontre de femmes ont été jugées, dont une pour abus sexuel; le reste des affaires relevait de la compétence des États.

Le Mexique est en train d’adapter la définition de la disparition forcée évoquée dans son code pénal fédéral aux normes internationales, en particulier celles qui sont énoncées dans la Convention interaméricaine sur la disparition forcée des personnes. Le Bureau du Procureur général de la République, en vertu de l’accord A/317/06, a fermé le Bureau du Procureur spécial pour les mouvements sociaux et politiques du passé et transféré les affaires en instance au Coordonnateur général des enquêtes du Bureau du Procureur général sans aucune interruption des services. Le Coordonnateur général est en train d’enquêter sur 551 affaires en utilisant des techniques de pointe. Les recommandations prévoyant la réouverture du Bureau du Procureur spécial pour les mouvements sociaux et politiques du passé n’ont pas été suivies, les affaires étant désormais prises en charge par le Coordonnateur général.

Le Gouvernement est déterminé à assurer un environnement plus sûr aux journalistes. Dans le plan de développement national pour 2008-2012, la liberté d’expression est un élément clef de la politique publique. Le Bureau du Procureur général de la République est en train de collaborer avec les autorités des États pour enquêter sur les crimes perpétrés à l’encontre de journalistes et punir les auteurs. Le Gouvernement souhaiterait que le Comité lui communique des renseignements précis au sujet des 14 affaires qu’il a mentionnées.

M. Pérez (Mexique) dit que même dans un état d’urgence, les droits ne peuvent pas être suspendus sans l’accord des pouvoirs exécutif et législatif (art. 29 de la Constitution). La déclaration de l’état d’urgence doit être approuvée également par le Congrès, les départements ministériels et le Bureau du Procureur général de la République. Un état d’urgence doit être limité dans le temps et les mesures imposées doivent être de caractère général. La loi sur la sécurité nationale et son amendement prévoient des mécanismes pour la protection des droits. Les droits fondamentaux n’ont été suspendus dans aucun État pour des raisons de prévention de crimes ou d’instauration de l’ordre public. L’article 89 de la Constitution dispose que les agents de la sécurité publique sont autorisés à demander l’aide des forces armées et la Cour suprême de justice a confirmé la légalité de cette disposition. Ainsi, le Congrès n’a rien changé à la Constitution ou aux lois pour doter les forces armées d’une plus grande autorité depuis que l’état d’urgence a été déclaré à Chihuahua. L’intervention des forces armées a été limitée par la réforme de l’article 57 du Code de justice militaire. De plus, des mesures ont été prises pour promouvoir une culture du respect des droits de l’homme et réglementer le comportement au sein de l’armée.

Le système pénitentiaire a cruellement besoin d’attention et c’est pour cela que l’État a entamé des mesures à court et à long terme en 2008. Les prisonniers peuvent participer à des programmes de travail et de formation technique et à des programmes d’éducation, de santé et d’activités sportives afin de faciliter leur réinsertion sociale. Le secteur commercial est incité à coopérer à des programmes de réinsertion qui permettront aux prisonniers de gagner de l’argent et d’offrir une indemnisation aux victimes. L’objectif est de créer un système viable et durable du point de vue économique. Un des problèmes les plus immédiats est le surpeuplement carcéral qui touche 231 des 442 prisons. Pour y remédier, le Ministère de la sécurité publique a proposé de mettre en place un système d’information national pour aider à la répartition des détenus, de créer de nouvelles infrastructures suivant des normes unifiées et soucieuses de l’égalité entre les sexes au niveau de la fédération et des États, et de faire appel à des moyens alternatifs tels que la liberté surveillée et la libération anticipée. Dans le cadre des plans d’aide sociale, les personnes dont le revenu est insuffisant ou celles accusées d’infractions non graves sont dispensées de la caution.

Chaque État ayant son propre système judiciaire, il y a d’énormes disparités entre les divers lieux de détention destinés aux femmes. Les femmes représentent 5 % de la population carcérale de tout le pays, qui possède 31 systèmes pénitentiaires différents. Étant donné que la Commission des droits de l’homme recommande de ne pas emprisonner les femmes dans des établissements fédéraux, 263 établissements accueillent des femmes dans les États. Certains d’entre eux sont dotés de centres pour femmes seulement, alors que les autres sont mixtes. Les États sont en train de remédier aux insuffisances, compte tenu des recommandations et des rapports qui font état de manque d’équité à divers égards. La prison d’Islas Marias accueille 59 femmes qui seront bientôt réinstallées dans des bâtiments distincts avec leur famille. Malgré les efforts déployés par l’État pour adapter le traitement des enfants et des femmes détenus aux normes internationales des droits de l’homme, les services varient encore en fonction de l’emplacement de l’établissement.

M. Chávez García (Mexique) dit que les entités fédérales sont en train de modifier leurs systèmes de justice pénale compte tenu de la réforme constitutionnelle de 2008, qui porte également sur le code de justice militaire. Ils le font pour réaliser les objectifs du programme national relatif aux droits de l’homme et par souci d’harmonie avec les traités internationaux relatifs aux droits de l’homme. Le droit d’accès des victimes des tribunaux militaires aux registres est énoncé à l’article 439 du Code de la justice militaire et à l’article 20 de la Constitution.

M. Thelin dit que chaque État a le droit de lutter contre la criminalité organisée en utilisant les moyens les plus puissants dont il dispose pour protéger les droits de l’homme. Il prend note des efforts déployés par le Gouvernement pour combattre la violence commise à l’encontre des défenseurs des droits de l’homme et pour lutter contre les crimes de torture. Il aimerait savoir avec plus de précision s’il y a une disposition constitutionnelle ou une réforme spéciale du code pénal fédéral qui annule les preuves ou les aveux obtenus par la force. Le passage au système de procédure contradictoire devrait éliminer le besoin de la confession anticipée qui caractérise la procédure inquisitoire.

M me  Chanet dit que le fait de confier à l’armée l’administration de la justice dans les affaires civiles constitue une violation des droits de l’homme. Étant donné que le combat contre des ennemis militaires est différent du maintien de l’ordre public, les forces militaires devraient envisager de proposer une formation distincte au personnel affecté au maintien de l’ordre en cas de manifestation et de troubles civils et au personnel chargé de lutter contre le trafic de drogues et la criminalité organisée. Ni la question des réserves au Pacte ni celle qui concerne M. Herrera n’ont reçu de réponse. La délégation n’est pas tenue de répondre tout de suite, mais le Comité aimerait recevoir les réponses avant de rédiger ses observations finales. MmeChanet serait prête à fournir les renseignements dont elle dispose au sujet de M. Herrera.

Sir Nigel Rodley constate que la place des traités internationaux relatifs aux droits de l’homme dans la hiérarchie du droit mexicain n’est pas encore claire et demande des précisions sur la manière dont les obligations internationales peuvent l’emporter sur la législation nationale et sur celle des États. L’État partie considère-t-il que la justice militaire ne devrait pas être appliquée aux affaires pénales concernant des violations des droits de l’homme? Pourquoi l’armée a-t-elle son propre système de justice? L’État partie devrait être plus précis au sujet de la charge de la preuve et décrire toutes initiatives visant à effectuer un enregistrement audiovisuel des interrogatoires. Enfin, il serait utile de savoir si la restructuration du Bureau du Procureur général de la République signifie que l’analyse médico-légale ne relèvera plus de ses compétences.

M. Bouzid demande un complément d’informations au sujet des meurtres présumés de personnes innocentes aux postes de contrôle de la police et de l’armée.

M. Salvioli dit qu’avant que le Comité ne rédige ses observations finales, la délégation devrait indiquer par écrit si les normes internationales des droits de l’homme sont invoquées plus fréquemment par les tribunaux depuis que le personnel judiciaire a reçu une formation en matière de droits de l’homme et d’égalité entre les sexes. Il se félicite du fait que le Mexique est déterminé à appliquer la norme nationale officielle no46 sur la violence familiale dans tous les services destinés aux victimes de viol au niveau des États.

M. Amor demande des précisions au sujet de la décision prise récemment à cet égard par la Cour suprême de justice, y compris des exemples concrets sur les situations où les juges peuvent décider de privilégier les normes internationales par rapport à la législation nationale.

M. Gómez Sánchez (Mexique) dit que le droit de ne pas être torturé est absolu et incontestable. Les aveux obtenus sous la torture ne sont jamais admissibles. La charge de la preuve n’est pas assumée par l’accusé et les juges ont les moyens de vérifier la manière dont les aveux ont été obtenus. S’il est vrai, en général, que des aveux rapides ont plus de valeur du fait que l’accusé a moins de temps pour réfléchir, il ne s’agit pas d’une vérité absolue. On ne dispose d’aucun mécanisme pour contrôler la manière dont les juges appliquent la Constitution ou les lois secondaires. Lorsque les parties intéressées estiment qu’une décision du tribunal constitue une violation d’un droit fondamental garanti par les traités internationaux ou par la Constitution, elles peuvent faire appel et la décision peut être considérée nulle et non avenue.

M. Natarén Nandayapa (Mexique) dit que la réforme constitutionnelle devrait aboutir à l’élimination de droit et de fait du système de procédure inquisitoire. Selon la nouvelle réglementation, qui s’applique aussi sur les aveux rapides, seule la preuve obtenue en public est acceptable. Le nouveau système ne sera appliqué qu’en 2016, mais le Mexique est résolu à réaliser le changement dans toutes les entités fédérales le plus rapidement possible. Ce système fonctionne déjà dans six États et la transition devrait être effectuée dans deux autres d’ici un an. Le Gouvernement a créé une institution spécialisée pour offrir une assistance technique et financière pendant le processus.

M. López Portillo (Mexique) dit que le Mexique est en train de prendre des mesures pour se conformer à toutes les décisions de la Cour interaméricaine des droits de l’homme. Le Ministère de la défense nationale est en train d’adapter l’article 57 du Code de justice militaire sur le système d’accusation en essayant de le rendre plus propice à l’exécution des peines. Le Ministère est aussi en train d’explorer les moyens d’harmoniser le Code avec le système judiciaire. Le processus de réforme n’ayant pas encore été achevé, l’ancien système continue d’être appliqué dans l’examen des affaires faisant actuellement l’objet d’enquêtes. La Commission nationale des droits de l’homme a traité de plus de 2 000 plaintes et fait des recommandations à leur sujet, y compris en vue de décisions à l’encontre de personnel militaire. D’autres affaires ont été transférées vers le système de justice militaire et vers le Ministère de la défense nationale.

M. Castillo Sánchez (Mexique) dit que les juges de la famille ont invoqué la Convention relative aux droits de l’enfant dans le cadre de plusieurs affaires et qu’ils avaient appliqué les dispositions prévues dans la Convention en les privilégiant par rapport à celles des législations nationales et locales.

M. Negrín Muñoz (Mexique) dit que des moyens sont en train d’être envisagés dans le cadre du programme national relatif aux droits de l’homme pour accélérer le retrait des réserves aux traités, notamment la réserve à l’article 13 du Pacte, et la ratification des instruments internationaux et des protocoles facultatifs. La Cour interaméricaine des droits de l’homme a annulé la réserve à l’article 14 de la Convention interaméricaine sur la disparition forcée des personnes.

M. Guevara Bermúdez (Mexique) dit que le Gouvernement est au courant de la disparition de M. Herrera et qu’il a pris des mesures pour enquêter sur ce crime. Des réunions ont été organisées avec les représentants des personnes disparues et de leur famille et la Commission nationale des droits de l’homme, le Bureau du Procureur général de la République et le Ministère de la défense nationale ont lancé une enquête à ce sujet. Le 4 mars 2010, la Cour interaméricaine des droits de l’homme a ordonné au Gouvernement de prendre trois mesures de précaution pour protéger les victimes et d’autres mesures pour soutenir leur famille. Un groupe de travail doit se réunir à Ciudad Juárez pour entamer l’application effective de ces mesures.

M. Alcántara Martínez (Mexique) dit qu’il soumettra des informations par écrit sur les résultats de la formation relative à la sensibilisation aux droits de l’homme et à la problématique hommes-femmes avant que les observations finales ne soient rédigées. La décision prise récemment par la Cour suprême de justice n’a pas modifié le rang des traités internationaux au vu de la Constitution et du droit national. Il recommande d’attendre que le texte de la décision soit disponible pour bien comprendre le point de vue des juges. L’amparo est une procédure locale qui peut être contestée quant à sa constitutionnalité et à sa compatibilité avec les instruments internationaux.

M. Ballados Villagómez (Mexique) dit qu’il fournira par écrit des détails au sujet des décisions de justice relatives à l’équité entre les sexes. Le Tribunal électoral a invoqué la problématique hommes-femmes dans sa décision concernant l’affaire Villareal contre le parti de la révolution démocratique (Partido de la Revolución Democrática, PRD), en déclarant que les partis politiques devaient respecter la proportionnalité entre les sexes lors de la désignation des candidats. Lorsque le Parti de l’action nationale (Partido Acción Nacional, PAN) a contesté la représentation proportionnelle, on lui a demandé de prendre l’équité entre les sexes en considération.

M me  de la Madrid (Mexique) dit que lorsqu’on suspecte que des aveux ont été faits sous la torture, le procureur et le représentant du prévenu doivent procéder à une vérification. Les procureurs généraux des États, le Ministère de la sécurité générale et les forces armées connaissent bien le Protocole d’Istanbul et sa définition de la torture. La restructuration du Bureau du Procureur général de la République n’a aucune influence sur les services, qui sont considérés comme les moyens techniques de prouver la culpabilité ou l’innocence. Le District fédéral, l’État de Jalisco et le Bureau du Procureur général de la République procèdent à un enregistrement audiovisuel des interrogatoires. Le Ministère de la défense nationale dispose d’un programme des droits de l’homme dont une description sera soumise par écrit.

M. Flores González (Mexique) dit que le Ministère de la défense nationale et le Ministère des affaires navales sont au courant des politiques publiques en matière de droits de l’homme et souhaitent travailler avec les institutions en vue de leur application. En collaboration avec la Commission nationale des droits de l’homme, les deux ministères ont été renforcés de sorte qu’ils puissent se pencher sur toutes les questions institutionnelles touchant aux droits de l’homme, donner suite au programme national relatif aux droits de l’homme et remédier aux lacunes. Les mesures prises par le Ministère des affaires navales pour réglementer le recours légitime à la force conformément aux instruments des Nations Unies ont été publiées dans le Journal officiel. Cet élément d’information sera soumis au Comité par écrit.

Le Président invite la délégation à répondre aux questions 14 à 26 de la liste (CCPR/C/MEX/Q/5).

M. Negrín Muñoz (Mexique), répondant à la question 14 de la liste, dit que la réforme constitutionnelle a porté essentiellement sur les droits de l’homme. Appelant l’attention sur le paragraphe 152 des réponses à la liste de questions (CCPR/C/MEX/Q/5/Add.1), il note que presque tous les articles du code pénal ont été modifiés. La mise en œuvre de la réforme est progressive, mais elle se poursuit. Cette réforme prévoit notamment la modification des systèmes pénaux fédéral et militaire et de ceux des 31 entités fédérales. Les questions de budget, de publication et de formation ont été elles aussi examinées. Quarante pour cent des entités fédérales ont entamé la réforme et 25 États l’auront achevée d’ici à la fin de 2012. Plusieurs États ont conduit des procès oraux. La réforme constitutionnelle du système devrait se terminer avant 2016.

Passant à la question 15 sur l’arraigo (CCPR/C/MEX/Q/5), il dit que le cadre juridique est réglementé par la loi fédérale relative à la lutte contre la criminalité organisée jointe en annexe au cinquième rapport périodique. La réforme constitutionnelle a fait de l’arraigo (détention de courte durée) un moyen efficace de combattre la criminalité organisée sans violer les normes internationales des droits de l’homme. Ce type de détention fait l’objet d’une surveillance judiciaire, notamment de mesures pour prévenir la torture. Les personnes concernées peuvent compter sur le respect de leurs droits et choisir de déposer une plainte; toutefois, il n’y a pas eu de cas de torture touchant des personnes détenues en vertu de l’arraigo.

Cinq réformes liées à la poursuite de personnel militaire (question 16 de la liste) sont exposées au paragraphe 182 des réponses (CCPR/C/MEX/Q/5/Add.1). Un soin particulier est accordé à la réforme pénitentiaire, y compris la construction de 15 nouveaux établissements, dont 3 sont consacrés aux adolescents. Les mesures prises pour réglementer les centres de rétention des migrants (par. 195 à 199 des réponses) consistent notamment à améliorer les conditions de détention dans ces centres, à appliquer des systèmes de localisation géographique et à assurer des soins médicaux aux femmes et aux enfants. L’article 33 de la Constitution n’est pas appliqué depuis quelque temps et les droits des migrants et des immigrés sont respectés.

La séance est levée à 13 heures.