Nations Unies

CCPR/C/SR.2662

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

8 décembre 2009

Original: français

Comité des droits de l ’ homme

Quatre-vingt- dix-septième session

Compte rendu analytique de la 2662 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le jeudi 15 octobre 2009, à 10 heures

Président:M. Iwasawa

S ommaire

Examen des rapports fournis par les États parties conformément à l’article 40 du Pacte (suite)

Deuxième rapport périodique de la Croatie (suite)

La séance est ouverte à 10 h 5.

Examen des rapports soumis par les États parties conformément à l’article 40 du Pacte (point 6 de l ’ ordre du jour) (suite)

Deuxième rapport périodique de la Croatie (HRI/CORE/1/Add.32/Rev.1; CCPR/C/HRV/2; CCPR/C/HRV/Q/2; CCPR/C/HRV/Q/2/Add.1)(suite)

1. Sur l ’ invitation du Président, la délégation croate reprend place à la table du Comité.

2.Le Président invite la délégation à répondre aux questions complémentaires posées par les membres du Comité à la séance précédente.

3.M. Maderić (Croatie) dit que la loi sur la lutte contre la discrimination a un champ d’application très large en ce qu’elle s’applique à tous les organes de l’État, aux niveaux national, régional et local, aux personnes morales du secteur privé et à toutes les personnes physiques. La loi définit trois types d’actions pouvant être intentées au civil par des personnes qui s’estiment victimes de discrimination; l’une vise à faire reconnaître l’existence d’une discrimination, la deuxième à faire cesser une discrimination et la troisième à obtenir réparation pour le dommage subi en raison de la discrimination. La loi prévoit également qu’en cas de discrimination exercée à l’égard d’un groupe, une action collective peut être intentée. Les actes motivés par la haine constituent des infractions pénales. En 2009, 11 cas d’infractions de ce type ont été portés devant la justice. Des recours contre la discrimination dans le milieu du travail et en matière d’emploi sont prévus aussi bien dans la loi sur la lutte contre la discrimination que dans la loi sur le travail, de sorte que les victimes de ce type de discrimination ont à leur disposition un large éventail de moyens pour faire valoir leurs droits. La loi sur la lutte contre la discrimination vise expressément la discrimination à l’égard des minorités sexuelles. Le programme quinquennal (2008-2013) de lutte contre la discrimination prévoit tout un ensemble de mesures dont l’objectif ultime est l’élimination de toutes les formes de discrimination. Les vétérans sont un groupe particulièrement vulnérable, du fait des traumatismes physiques et psychologiques que leur a infligés la guerre. Ils bénéficient à ce titre d’une priorité à l’embauche destinée à favoriser leur réinsertion. Toutefois ils ne peuvent avoir la préséance sur un autre candidat que s’ils peuvent justifier de compétences égales.

4.M. Kukavica (Croatie) dit qu’à la suite de la diffusion dans les médias de photographies et de témoignages faisant état d’atteintes graves aux droits des patients de l’hôpital psychiatrique de Rijeka, mis en cause dans l’affaire Ana Dragi č evi č, à la demande des services du Procureur, la police a ouvert une enquête en mars 2009 à l’issue de laquelle des poursuites ont été engagées contre le directeur de l’hôpital. La procédure est en cours.

5.Les incidents à caractère raciste enregistrés dans le pays sont le fait d’individus et ne présentent aucun lien entre eux qui permettrait de conclure à l’existence d’une action organisée. Les statistiques données dans les réponses écrites (question no 8) montrent en outre qu’il n’y a pas eu d’augmentation du nombre d’incidents de ce type depuis 2007. Un membre du Comité a demandé pourquoi des incidents manifestement dirigés contre la communauté serbe avaient fait l’objet de poursuites en tant que délits mineurs plutôt qu’au titre de la disposition qualifiant le crime de haine introduite dans le Code pénal en 2006. Pour répondre à la question, il faudrait savoir exactement de quels incidents il s’agit. Il faut bien voir que ne peuvent être considérés comme des crimes de haine que les actes constitutifs d’une infraction pénale dont le mobile est discriminatoire. S’il ne peut pas être établi sans conteste que l’auteur a délibérément choisi sa victime en raison de sa race, son sexe, son orientation sexuelle, sa langue, sa religion, ses convictions politiques ou d’autres caractéristiques définies par l’article pertinent du Code pénal, la qualification de crime de haine ne s’applique pas et l’acte en question sera réprimé au titre d’autres articles de la loi pénale. Il est souvent délicat de déterminer l’existence d’un mobile discriminatoire, et c’est le procureur qui, après évaluation des éléments recueillis par la police, décide de la qualification appropriée.

6.En 2006, la Croatie a participé à un projet de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) qui portait sur la formation des forces de police à la reconnaissance des infractions commises pour des motifs discriminatoires et aux moyens d’y répondre efficacement. Une vingtaine de fonctionnaires de police croates ont suivi la formation et devraient former à leur tour d’autres membres des forces de police. Pour sensibiliser tous les secteurs de la société et favoriser ainsi la prévention, la formation a également été ouverte à des représentants des services du Procureur, du Bureau des droits de l’homme et de la société civile. En outre, la question des infractions motivées par des considérations discriminatoires a été intégrée dans la formation de base des futurs policiers. Depuis 2006, des instructions du Directeur de la police font obligation aux policiers de consigner tous les cas de manifestations d’idées ou de sentiments susceptibles de déboucher sur la perpétration d’infractions pour des motifs discriminatoires. Il faut signaler aussi que la société croate a profondément changé et que les comportements racistes ne sont plus tolérés aujourd’hui ni par les autorités ni par la population.

7.M me  Nola (Croatie) traitera de la question de l’application de la loi d’amnistie. Un peu plus de 22 000 personnes ont bénéficié de l’amnistie en vertu de cette loi, dont un grand nombre de Serbes. La loi d’amnistie (art. 3) exclut expressément de son champ d’application les auteurs de crimes de guerre. Toute personne qui a bénéficié de l’amnistie pour une infraction pénale dont il apparaît ultérieurement qu’il s’agissait en fait d’un crime de guerre peut être rejugée. La Cour suprême a rendu plusieurs arrêts confirmant que l’ouverture de nouvelles poursuites en pareil cas était parfaitement légitime et n’entrait pas en conflit avec les principes de res judicata et de non bis in idem.

8.M. Palijaš (Croatie) dit que les allégations selon lesquelles les poursuites pour crimes de guerre sont menées de façon discriminatoire en fonction de la nationalité de l’auteur ou de la victime sont sans fondement. Le Procureur met en mouvement l’action publique dès lors qu’il existe des faits et des preuves suffisants pour soupçonner un individu d’avoir commis un crime de guerre. En outre, les accords de coopération conclus avec les États voisins et l’accès aux archives du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie facilitent grandement la collecte de renseignements et renforcent l’efficacité des poursuites. Grâce aux séminaires et autres activités de formation consacrés à la question des crimes de guerre qui ont été organisés à leur intention avec le concours de différentes organisations internationales, les juges et les procureurs appelés à connaître de ce type d’affaires possèdent aujourd’hui toutes les compétences nécessaires pour conduire les procédures avec la diligence voulue. Le Comité trouvera dans les réponses écrites (question no 12) des statistiques détaillées concernant les poursuites engagées pour crimes de guerre, les condamnations, les acquittements et les abandons de poursuites. Il n’existe pas de ventilation de ces statistiques par nationalité − serbe ou croate − des personnes visées.

9.Le Code de procédure pénale a été modifié de manière à renforcer la protection des témoins. Une loi spéciale sur la protection des témoins a en outre été adoptée, en vertu de laquelle une unité spéciale a été créée au sein des services de police pour assurer la protection de témoins. Des accords bilatéraux ont également été conclus dans ce domaine. En réponse à la recommandation d’un membre du Comité visant à ce que le délai de prescription soit suspendu pour tous les homicides et atteintes graves à l’intégrité physique commis pendant le conflit, M. Palijaš dit que dans ces cas, même si les faits sont prescrits, l’auteur sera poursuivi s’il est établi que l’infraction en question constituait un crime de guerre.

10.M. Turkalj (Croatie) dit que la Croatie a fait un grand pas vers la justice en reconnaissant que certains procès qui s’étaient déroulés dans les années 1990 en l’absence des prévenus ne respectaient pas les garanties d’une procédure régulière et en modifiant son Code pénal et son Code de procédure pénale de manière à permettre le réexamen des jugements rendus à l’époque. Elle a également manifesté sa volonté de coopérer pleinement avec le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY). Pour ce qui est des documents réclamés par le Procureur du TPIY dans le procès d’un ancien général croate qui restent introuvables à ce jour, la Croatie a invité le Procureur du TPIY à envoyer ses propres experts afin qu’ils participent aux travaux de recherche. Un accord de coopération avec la Bosnie visant à garantir l’exécution des condamnations a été soumis au Parlement pour approbation. Grâce à cet accord, les auteurs d’infractions ayant la double nationalité qui auront été condamnés dans l’une des Parties et auront fui dans l’autre ne pourront plus échapper à la justice.

11.M me  Štimac-Radin (Croatie) dit que les mesures législatives et le plan d’action stratégique en faveur de la promotion de l’égalité entre hommes et femmes portent leurs fruits. Les stéréotypes qui cantonnaient les femmes à la vie domestique ne correspondent plus à la réalité actuelle. Les femmes occupent aujourd’hui 35 % des postes à haute responsabilité dans l’administration, et la proportion de femmes élues lors des élections municipales de mai 2009 a augmenté de 7 % par rapport aux élections de 2005. Plusieurs femmes sont candidates aux prochaines élections présidentielles.

12.La politique du Gouvernement produit également ses effets dans le secteur privé. Des mesures d’incitation ont été adoptées par le Ministère de l’économie, notamment sous la forme de prêts à des taux préférentiels pour la création d’entreprises, et aujourd’hui environ 30 % des chefs d’entreprises croates sont des femmes, ce qui correspond à la moyenne européenne. Dans le domaine des sciences et de la recherche, les femmes sont également en bonne place, puisqu’elles occupent 45 % des postes et en 2009, pour la première fois, parmi les doctorants en sciences il y avait davantage de femmes que d’hommes. Il convient également de noter que 60 % des personnes qui poursuivent des études universitaires sont des femmes. Il n’en reste pas moins vrai que la majorité des personnes sans emploi sont des femmes, entre autres causes parce que les employeurs restent réticents à embaucher des femmes qui ont ou sont susceptibles d’avoir des obligations maternelles. Une vaste enquête a été menée sur le marché de l’emploi, dont les résultats ont servi de base à l’élaboration d’une nouvelle loi; adopté en juillet dernier, ce texte prévoit l’application de sanctions à l’encontre des employeurs qui exercent une discrimination à l’embauche à l’égard des femmes. Les femmes jeunes et peu qualifiées constituent un groupe particulièrement vulnérable, et un programme spécial doté d’un budget d’un million d’euros a été mis en place pour promouvoir leur accès à l’emploi.

13.Le Gouvernement a pris de nombreuses mesures pour éliminer les stéréotypes dans le système éducatif. Ainsi, le Ministère de l’éducation a adopté des normes concernant l’élaboration des manuels qui interdisent l’utilisation de stéréotypes. Aujourd’hui, 94 % des manuels scolaires emploient un langage tendant à promouvoir la parité afin de lutter contre la discrimination, avec des résultats probants. Dans le domaine de l’emploi également les stéréotypes ont disparu. On ne considère plus que certaines professions sont réservées aux hommes ou aux femmes et, dans les faits, qu’il y a des représentants des deux sexes dans toutes les professions. En coopération avec des ONG et différents ministères, le Gouvernement a organisé de nombreuses campagnes, conférences et tables rondes visant à l’élimination des stéréotypes dans différents domaines de la vie sociale.

14.Une campagne nationale de prévention de la violence dans la famille est menée depuis plusieurs années et d’autres campagnes ont été lancées dans le cadre du Conseil de l’Europe. Des clips visant à lutter contre la violence familiale sont diffusés à la télévision par le Gouvernement. Grâce à ces efforts, la Croatie est parvenue à faire diminuer le nombre de cas de violence familiale. Les statistiques montrent qu’il y a eu parallèlement une augmentation du nombre de plaintes déposées au cours des huit dernières années, qui signifie non pas qu’il y ait plus de cas mais que davantage de cas sont signalés. Le Gouvernement et des ONG ont lancé conjointement une campagne de lutte contre la violence dans la famille et les autres formes de violence à l’égard des femmes. En outre, la loi sur la radio et la télévision interdit désormais la diffusion d’émissions qui présentent les hommes ou les femmes de façon humiliante ou stéréotypée. Certains spots publicitaires fondés sur des stéréotypes ont d’ailleurs été interdits. De nombreuses mesures concrètes ont donc été prises, qui ont porté leurs fruits, comme en témoigne par exemple le fait qu’à la suite d’une table ronde visant à lutter contre les stéréotypes dans l’industrie cinématographique, pour la première fois depuis de nombreuses années, une femme a reçu des fonds pour la réalisation d’un film.

15.M. Turkalj (Croatie), faisant référence au scandale des établissements psychiatriques, dit que tout le monde − la délégation comme le Comité − a été choqué en voyant les photos des lits utilisés dans ces institutions. Toutefois, il faut savoir que ces lits sont ceux qui ont toujours été utilisés et continuent à être employés dans les hôpitaux et les établissements psychiatriques, auxquels des filets en coton avaient été ajoutés pour éviter que les enfants ne sautent des lits. À la publication de ces photos, les filets ont immédiatement été retirés. Peu de temps après, un enfant a sauté de son lit et s’est blessé. Le Gouvernement est conscient que les conditions dans ces institutions ne sont pas satisfaisantes et il entend poursuivre les efforts visant à les améliorer dans la limite de ses capacités économiques.

16.Le Président remercie la délégation croate de ses réponses détaillées et invite les membres à faire des observations supplémentaires.

17.M. Amor félicite le Gouvernement croate pour les nombreux efforts qu’il déploie dans le domaine des droits de l’homme et le remercie de son rapport et de ses réponses écrites et orales. Concernant la mise en œuvre de l’article 4 du Pacte, l’État partie a indiqué dans ses réponses, en se fondant notamment sur l’article 17 de la Constitution, que les restrictions qui pouvaient être imposées en cas de danger public exceptionnel ne concernaient pas les droits essentiels. M. Amor voudrait savoir s’il existe une loi qui régit l’état d’exception donnant effet à l’article 17 de la Constitution et, le cas échéant, si cette loi comprend une définition des restrictions susceptibles d’être imposées et détermine leur étendue. De même, il serait intéressant de savoir s’il existe des lois qui répriment expressément la propagande en faveur de la guerre et l’appel à la haine nationale, raciale ou religieuse, comme l’exigent les paragraphes 1 et 2 de l’article 20 du Pacte, ou si c’est le droit pénal général qui s’applique. Pour ce qui est de l’article 18 du Pacte, l’État partie a indiqué qu’une éducation religieuse était assurée dans les écoles à raison de deux heures de cours par jour. M. Amor demande si ces cours sont obligatoires ou si les élèves d’une autre religion ou qui n’en ont aucune peuvent obtenir une dispense.

18.M me  Wedgwood remercie la délégation croate pour son rapport très complet et ses réponses. Il semblerait toutefois que la question qu’elle a posée concernant la procédure de vérification des antécédents ou procédure dite de «lustration» ait été mal comprise. Elle ne voulait pas parler des cas où des personnes ont été démises de leurs fonctions après condamnation, mais des cas où des personnes auraient été révoquées sans que des poursuites n’aient été engagées. Mme Wedgwood voudrait savoir s’il est arrivé que des personnes haut placées dont on avait établi qu’elles avaient commis des actes graves soient malgré tout restées en fonction. Concernant la prescription, la préoccupation exprimée par Mme Wedgwood ne portait pas sur le fait qu’il ne soit pas possible de rouvrir une affaire, mais sur le fait qu’une fois le délai de prescription passé, même les enquêtes s’arrêtent. Selon les informations émanant d’une ONG, la grande majorité des personnes qui ont été poursuivies et condamnées seraient serbes. Mme Wedgwood ignore si tel est le cas, mais elle sait en revanche que la menace de poursuites est très fréquemment brandie pour dissuader certaines personnes se trouvant à Belgrade de rentrer chez elles. Elle se demande s’il serait possible qu’il existe, au niveau local, une tendance involontaire à engager des poursuites contre certains groupes de personnes plutôt que d’autres, et si le Gouvernement a établi des statistiques en vue de corriger tout éventuel déséquilibre. Il serait intéressant de savoir si le Gouvernement a étudié de telles statistiques, si l’évaluation de cette ONG est correcte et, le cas échéant, quelles mesures seront prises à cet égard.

19.M. O’Flaherty remercie la délégation de ses réponses à ses questions. Il croit comprendre que toutes les ambiguïtés constitutionnelles existant en ce qui concerne la protection des droits de l’homme seront examinées à l’occasion du prochain examen constitutionnel. Il serait bon d’avoir l’assurance que tous les aspects encore flous seront effectivement examinés. Pour ce qui est de l’affaire de la jeune fille qui a été soumise à un traitement à Rijeka visant à «soigner» son homosexualité considérée comme une «maladie», il est encourageant d’apprendre qu’il est donné suite à ce cas. Toutefois, le simple fait que cela ait pu se produire semble indiquer la persistance de certains préjugés. M. O’Flaherty espère que le Gouvernement dégagera les ressources nécessaires pour mener des actions d’information auprès du public afin de lutter contre l’homophobie et les préjugés qui y sont associés et d’éviter que de tels faits ne se reproduisent.

20.La délégation n’a pas vraiment répondu à la question sur la ségrégation des Roms à l’école. Elle a indiqué que d’excellents programmes et politiques étaient mis en œuvre dans ce domaine, et que le Gouvernement avait fait de cette question une priorité, mais le Comité souhaiterait savoir si la ségrégation des élèves roms subsiste dans la pratique.

21.Au sujet des enfants placés dans des lits-cages, M. O’Flaherty prend note du fait que la délégation a également été choquée par les photos publiées, toutefois, cette réaction, qui révèle une surprise, montre que ce groupe vulnérable est caché de la société. Or plus un groupe vulnérable est caché, plus l’État doit s’attacher à garantir ses droits fondamentaux. Le Gouvernement devrait donc donner la priorité à cette question dans l’allocation de ses ressources et dans ses programmes.

22.M me  Keller dit que les informations qu’elle a citées précédemment sont tirées du rapport de Human Rights Watch de septembre 2006intitulé «Croatia: A Decade of Disappointment − Continuing Obstacles to the Reintegration of Serb Returnees». Il est dit dans ce rapport qu’une grande partie des incidents qui se sont produits en 2006 étaient des actes d’intimidation, tels que des insultes et des menaces verbales, mais qu’il y a également eu des dégradations délibérées de biens, des passages à tabac et des inscriptions de graffitis à contenu raciste. Le rapport contient une liste de cas très représentatifs que la délégation voudra peut-être examiner. Elle pourra alors expliquer pour quelle raison ces infractions sont considérées comme des délits mineurs.

23.Concernant le programme de protection des témoins, Mme Keller demande quelles mesures concrètes sont prises avant, pendant et après le procès, et si ce programme est appliqué dans d’autres cas que la criminalité organisée et les crimes de guerre. Elle voudrait également savoir s’il prévoit des mesures spéciales pour la protection des personnes particulièrement vulnérables, telles que les femmes et les enfants.

24.M. Fathalla demande s’il existe une définition des trois cas dans lesquels l’état d’urgence peut être déclaré qui sont mentionnés dans la réponse écrite à la question no 9. Par exemple, existe-t-il une définition des actes qui constituent une «menace immédiate pour l’indépendance et l’unité de l’État», ou une liste de ces actes?

25.M me  Majodina dit qu’elle prend note des progrès accomplis concernant la représentation des femmes aux postes de responsabilité tant dans la fonction publique que dans le secteur privé. Toutefois, il serait intéressant de savoir de quelle façon ces changements se répercutent sur la vie quotidienne des femmes. La délégation a indiqué que de nombreuses mesures étaient prises pour lutter contre la violence dans la famille. Mme Majodina souhaiterait connaître le nombre d’affaires soumises aux tribunaux, le nombre de condamnations et les peines prononcées. Elle demande s’il existe des tribunaux spéciaux pour ce type d’affaires ou, à défaut, des chambres spéciales au sein des tribunaux, de façon à faciliter l’accès des femmes victimes à la justice, ainsi que des centres d’accueil sûrs pour les femmes victimes de violence familiale, administrés par l’État.

26.M. Turkalj (Croatie) dit que la délégation pensait que la question relative à la procédure de «lustration» faisait référence à l’action menée dans certains pays suite à l’effondrement du régime communiste mais qui ne concernait pas la Croatie. M. Turkalj a eu l’occasion, alors qu’il participait à la préparation du procès intenté contre la Serbie sur plainte de la Croatie, de s’entretenir avec des victimes croates de la région de Vukovar, où se trouve le plus grand nombre de personnes qui sont rentrées chez elles; elles lui ont dit que des policiers d’origine serbe étaient toujours en poste dans la police croate. Toutefois, il y a déjà eu trois changements de gouvernement depuis le début des années 1990, et aujourd’hui plus aucun chef de la police de cette époque n’est en fonctions. Dix-sept ans se sont écoulés, et il est trop tard pour entreprendre une telle procédure.

27.M. Palija š (Croatie) dit qu’il n’y a pas lieu de craindre qu’après l’expiration du délai de prescription les enquêtes relatives à des crimes de guerre s’arrêtent, car il est toujours possible de rouvrir une affaire à tout moment. À ce propos, il convient de mentionner que la Croatie a commencé à recueillir des informations supplémentaires ainsi que de la documentation et qu’elle élabore actuellement sa propre base de données. Tous les éléments relatifs à ces affaires pourront ainsi être réunis ce qui permettra, dans les cas appropriés, de poursuivre les actions en justice.

28.M. Turkalj (Croatie) ajoute que cela fait deux ans que le Gouvernement débat de cette question, et qu’il est parvenu à la conclusion que le meilleur moyen d’obtenir des réponses objectives et transparentes était d’établir une base de données concernant tous les faits considérés comme des crimes de guerre. Cette initiative est devenue une entreprise régionale qui permettra l’échange d’informations entre les pays. Plusieurs conférences réunissant les chefs des parquets des pays de la région ont déjà été organisées. En ce qui concerne la question de la prescription, il y a en Croatie un réseau étendu d’ONG qui se chargent d’examiner toutes les affaires qui ne sont pas soumises aux tribunaux. Il n’y a donc pas de risque qu’un cas soit oublié.

29.M me  Jakir (Croatie) dit que la ségrégation dans le système scolaire est bien entendu interdite. Cependant, comme certains enfants roms ne parlent pas croate, dans plusieurs écoles primaires il s’est révélé nécessaire d’ouvrir des classes spéciales, qui ne comprennent pas plus d’une dizaine d’élèves. Dans ces classes, les instituteurs, aidés d’assistants roms, enseignent le croate et préparent ces enfants à la poursuite de leur scolarité dans le système primaire et au collège. Il s’agit habituellement d’écoles locales, dans de petits villages où la population rom est importante. Pour l’année scolaire 2008/2009, on compte des élèves roms dans 944 classes réparties dans 17 districts, dont 877 classes sont mixtes et 67 sont réservées aux Roms. Saisie de la question, la Cour constitutionnelle a rendu un arrêt autorisant le fonctionnement de ces classes, à titre exceptionnel, de la cinquième à la huitième année pour les enfants dont la maîtrise du croate est insuffisante. Cette solution n’est certes pas idéale, mais le problème devrait disparaître avec le temps. Pour ce qui est de l’éducation religieuse, l’État a conclu des accords avec différentes communautés religieuses qui déterminent l’enseignement religieux à dispenser dans les écoles. Contrairement à ce qui a été dit, il y a deux heures d’enseignement par semaine, et non par jour. Ces cours sont facultatifs. Au début de l’année scolaire, un questionnaire est envoyé aux parents pour leur demander s’ils souhaitent que leur enfant suive un enseignement religieux ou non. Au niveau secondaire, l’enseignement religieux est remplacé par des cours d’éthique.

30.M me  Nola (Croatie) dit qu’en ce qui concerne la propagande en faveur de la guerre, la Constitution contient un article qui, conformément aux dispositions de l’article 20 du Pacte, dispose que tout appel à la guerre et à l’intolérance est interdit. Depuis la présentation du rapport initial de la Croatie la Constitution et la législation ont changé, et la Croatie applique les dispositions du Pacte en la matière. De nouvelles qualifications pénales ont été introduites, comme les crimes contre l’humanité et le recrutement de mercenaires. En outre, l’article 244 du Code pénal, relatif à la discrimination, a été amélioré. Le paragraphe 3 réprime l’instigation aux crimes de guerre, la propagande en faveur de la guerre, l’incitation à la haine raciale, sexuelle et religieuse et la diffusion de toute idée de la supériorité ou domination d’un groupe sur un autre. Le paragraphe 4 vise les mêmes actes commis par voie informatique, notamment sur Internet. Ces infractions sont punies d’emprisonnement allant de trois à six ans. La définition du crime de terrorisme a également été modifiée et de nouvelles infractions, dont l’instigation publique au terrorisme, ont été introduites conformément aux dispositions adoptées par le Conseil de l’Europe concernant la lutte contre le terrorisme. Les peines encourues pour les actes de violence dans la famille ont été présentées dans les réponses écrites. Il convient de signaler qu’il existe également une législation spéciale qui punit les actes de ce type par des sanctions telles que des peines de prisons et des amendes. En outre, diverses mesures de protection peuvent être appliquées. Cette législation fait actuellement l’objet de modifications. Pour ce qui est des chiffres, en 2007, 625 personnes ont été condamnées pour des actes de violence dans la famille, dont 25 étaient des femmes; dans 211 une condamnation avec sursis a été prononcée. En 2008, 676 personnes ont été condamnées, dont 25 femmes, et dans 577 cas une condamnation avec sursis a été prononcée.

31.Le Président invite la délégation à répondre à la seconde partie de la liste de points à traiter (questions nos 15 à 26).

32.M. Turkalj (Croatie) dit qu’en 2008 la Croatie a adopté un protocole relatif à l’identification, l’assistance et la protection des victimes de la traite des êtres humains ainsi qu’un programme de lutte contre la traite pour les trois prochaines années et a dispensé une formation intensive à 450 personnes travaillant dans ce domaine. En 2007, une campagne avait également été menée pour lutter contre le phénomène.

33.L’amélioration du système carcéral est l’une des priorités du Gouvernement depuis trois ans. Des mesures ont été prises pour régler le problème de la surpopulation carcérale, ainsi que pour améliorer l’administration des établissements pénitentiaires; de nombreux directeurs de prisons ont été remplacés par des personnes plus compétentes. Le système d’exécution des peines a été modifié en 2008 et il a été décidé de mettre en place un nouveau système de probation. Une stratégie a été élaborée, un projet de loi est en lecture au Parlement et une direction de la probation a déjà été créée au Ministère de la justice.

34.Quelque 350 000 réfugiés ou déplacés sont rentrés chez eux et 5,3 milliards d’euros ont été investis dans des programmes d’aide au retour. La loi sur les étrangers a été adoptée en 2007 et modifiée deux fois depuis; elle est maintenant totalement conforme aux lois analogues d’autres pays européens. Cette mise en conformité est une condition préalable à l’entrée de la Croatie dans l’Union européenne.

35.La réforme judiciaire est l’une des principales priorités du Gouvernement. Le plan d’action adopté en juillet 2008 vise principalement à améliorer l’indépendance, l’impartialité et le professionnalisme du pouvoir judiciaire. Par exemple, la carte judiciaire a été revue de façon à réduire le nombre de tribunaux et la longueur des procédures, et 10 tribunaux sont déjà informatisés, l’objectif étant qu’ils le soient tous d’ici cinq ans. Les affaires sont attribuées selon un système aléatoire de façon à garantir l’impartialité. De nouveaux critères, plus transparents, ont été définis pour le recrutement des juges et des procureurs. Des formations en gestion sont dispensées aux juges, afin de renforcer aussi leur efficacité sur le plan administratif.

36.L’accès à la nationalité est garanti à tous sur un pied d’égalité, aussi bien par la Constitution que par la législation. Une attention particulière est accordée aux Roms: des équipes spéciales ont été créées pour les aider à exercer leurs droits dans ce domaine, mais aussi pour effectuer d’autres démarches, par exemple en matière de séjour. Les Roms ont également accès à une assistance juridique gratuite.

37.À propos des attaques visant des journalistes, il convient de préciser que seul un cas concernait un journaliste qui enquêtait sur des crimes de guerre. D’une façon générale, les autorités ont toujours réagi immédiatement, et plusieurs responsables ont déjà été identifiés, même s’il est vrai que les affaires les plus médiatisées ne sont pas encore réglées.

38.Le Président remercie la délégation de ses réponses et invite les membres du Comité à poser des questions sur les questions nos 15 à 26.

39.M. O’Flaherty aimerait des précisions sur la traite des êtres humains. Il se demande notamment si l’État partie a pour politique d’accorder une autorisation de séjour pour raisons humanitaires aux victimes et, dans l’affirmative, si cette mesure est réservée à celles qui collaborent avec la justice − et, voudrait aussi savoir s’il existe des accords de coopération avec les pays voisins pour lutter contre cette pratique au niveau régional. Des informations seraient également bienvenues sur l’efficacité des initiatives dans ce domaine.

40.En ce qui concerne les agressions visant les journalistes, force est de reconnaître qu’elles sont particulièrement fréquentes pour un pays démocratique. Un très grand nombre d’organisations ont fait part de ce problème au Comité et il serait donc utile d’avoir de plus amples renseignements à ce sujet. Il semble par exemple que la police n’ait toujours pas ouvert d’enquête sur les menaces de mort proférées contre M. Peratović. La société civile a le sentiment que les autorités n’agissent pas suffisamment et un tel sentiment, même lorsqu’il n’est pas fondé, suffit souvent à provoquer une autocensure de la presse. Le Gouvernement devrait donc envisager de prendre des mesures en vue de renforcer sa crédibilité.

41.La réponse de l’État partie sur la promotion du Pacte est particulièrement succincte. Le Comité considère qu’il ne suffit pas de mettre en ligne les documents pertinents, tels que le texte du Pacte, les rapports périodiques et les observations finales; il estime que les États parties doivent jouer un rôle plus actif pour faire connaître ses travaux au grand public. Ces documents devraient par exemple être distribués dans les bibliothèques publiques, ainsi qu’à tous les échelons de l’administration, en particulier au niveau local. En outre, ils doivent être diffusés dans les langues officielles du pays certes, mais aussi dans celles qui sont le plus usitées.

42.Enfin, il ressort des réponses écrites qu’une seule organisation non gouvernementale a été invitée à participer à l’élaboration du rapport périodique. Or elles ont été très nombreuses à manifester leur intérêt pour l’examen de ce rapport et à apporter des informations au Comité. L’État partie devrait donc envisager d’élargir la participation au processus, en s’inspirant des recommandations du Conseil des droits de l’homme pour l’élaboration des rapports soumis dans le cadre de l’Examen périodique universel.

43.M me Majodina relève que la surpopulation carcérale reste la principale cause de détérioration des conditions de détention: d’après certaines informations, la moitié des établissements du pays dépassent leur capacité d’accueil de plus d’un tiers. Le Plan d’action pour l’amélioration du système pénitentiaire adopté en 2009 contient des mesures visant à renforcer le cadre législatif de la détention, rénover les prisons, en construire de nouvelles, ou proposer des formations à la fois au personnel et aux détenus; mais rien ne semble avoir été prévu pour tenir compte des besoins particuliers des groupes de détenus dits «à risque», comme ceux qui souffrent de troubles post-traumatiques, les toxicomanes ou encore les anciens militaires. De plus, des informations préoccupantes font état de punitions arbitraires et excessivement sévères; par exemple, 28 prisonniers non croates condamnés pour crimes de guerre auraient été privés de sortie et de travail uniquement pour s’être plaints de leurs conditions de détention. L’absence de soins médicaux semble également être un grave problème, qui a valu à l’État partie d’être condamné par la Cour européenne des droits de l’homme en juillet 2009 dans l’affaire Testa c. Croatie.

44.Les efforts déployés par le Gouvernement pour faciliter le retour des personnes déplacées ou des réfugiés sont louables, mais il faut rappeler que ces personnes, déracinées et souvent séparées de leur famille, sont particulièrement vulnérables. Un important budget a été alloué aux initiatives dans ce domaine, mais il semble que les mesures qui sont prises concernent principalement la reconstruction de logements et d’infrastructures, ou encore la restitution de biens. Or il ne faut pas négliger le soutien psychologique dont ces personnes peuvent avoir besoin. Elles ne pourront se réinsérer durablement que si elles ont confiance, en elles-mêmes et dans le système qui les accueille, en particulier si elles appartiennent à une minorité. D’après les organisations non gouvernementales, le retour et la réinstallation des déplacés et des réfugiés ne se passent pas très bien: 60 % des personnes rentrées chez elles seraient reparties à cause des conditions inhospitalières qui les attendaient. Il faut veiller en outre à ce que le retour soit toujours volontaire. À ce sujet, l’État partie est invité à tenir compte des Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays. Beaucoup d’efforts ont également été faits pour relancer la croissance économique dans les régions dévastées par le conflit, mais celles-ci demeurent très en retard par rapport au reste du pays; dans certaines zones rurales autrefois prospères, la présence de mines empêche la reprise des activités agricoles. Enfin, il faut veiller à ce que l’hébergement dans les centres collectifs provisoires, qui accueillent actuellement près d’un millier de candidats au retour, reste précisément une mesure provisoire; souvent, ces personnes ne rentrent pas pour la simple raison qu’elles n’ont pas les moyens de payer le voyage, et il devrait donc être relativement facile de les aider.

45.À propos de l’accès à la nationalité, l’État partie ne mentionne que les mesures prises en faveur des Roms, alors que d’autres minorités rencontrent également des difficultés dans ce domaine. Par exemple, les Serbes et les Monténégrins nés au Kosovo ont beaucoup de mal à obtenir la nationalité croate, parce qu’ils doivent pour cela renoncer dans un délai de deux ans à leur nationalité d’origine, chose pratiquement impossible car les autorités kosovares ne leur délivrent pas les documents nécessaires à temps. Des problèmes analogues se posent aux personnes qui, à l’époque de l’ex-Yougoslavie, ont omis de mentionner leur nationalité croate dans leur acte de naissance ou dans d’autres documents. Les conditions d’octroi de la nationalité sont certes établies par la loi, mais il convient de veiller à appliquer celle-ci dans le respect du principe de non-discrimination.

46.M me Keller, se référant aux modifications apportées à la loi sur les étrangers, demande si tous les étrangers en possession d’un titre de séjour temporaire peuvent prétendre au regroupement familial ou si cette mesure est réservée à certaines catégories (par. 151 des réponses écrites). Elle souhaite aussi des précisions sur l’octroi d’un titre de séjour temporaire «jusqu’à la fin de l’utilisation d’un bien immobilier» (par. 153), ainsi que sur la condition de «séjour temporaire habituel en Croatie» qui est demandée, pour l’obtention d’un titre de séjour permanent, aux personnes rentrées en Croatie dans le cadre du programme pour le retour et l’accueil des personnes déplacées, réfugiées et réinstallées (par. 154). Enfin, elle demande si la loi contient des dispositions relatives au refus d’entrée ou de sortie du territoire, au séjour irrégulier, à l’expulsion, au déplacement forcé et à l’accueil temporaire des étrangers dans des centres.

47.M me Wedgwood demande à partir de quel moment exactement une personne soupçonnée d’une infraction peut être assistée d’un avocat. Elle souhaite également des précisions sur la nomination des juges. À propos de l’arriéré judiciaire, elle se demande si l’État partie a recours aux procédures non contentieuses de règlement des litiges.

48.Il serait intéressant de chercher à connaître les raisons pour lesquelles des personnes réfugiées en Serbie ou en Hongrie ne sont pas revenues; leurs motifs pourraient servir de base à l’élaboration de mesures. Pour ce qui est de la vérification des activités passées des membres de la police, il est vrai que beaucoup de temps s’est écoulé, mais, même longtemps après, il peut être utile d’effectuer cette vérification au moins dans les régions majoritairement serbes, car la peur peut être un véritable obstacle au retour des minorités déplacées. Enfin, existe-t-il un médiateur pour les minorités, qui permette à celles-ci de soumettre leurs problèmes directement au Gouvernement?

49.M. Bouzid demande si les avocats sont suffisamment nombreux pour garantir dans la pratique le droit à l’aide juridictionnelle.

50.Le Président invite la délégation à répondre aux questions des membres du Comité.

51.M. Turkalj (Croatie) explique, à propos de l’aide juridictionnelle, que le choix du défenseur est libre et que tous les avocats du pays sont inscrits sur les listes, ce qui représente quelque 3 000 défenseurs disponibles. Pour ce qui est de la présence éventuelle d’anciens criminels au sein des forces de sécurité, il faut savoir que la rotation du personnel est très élevée dans la police et qu’aucun chef en poste au début des années 1990 ne s’y trouve encore aujourd’hui.

52.Un poste de médiateur des minorités n’est pas nécessaire car, entre les différents services et conseils spécialement chargés des minorités aux niveaux national et régional, il y a suffisamment d’organes pour s’occuper efficacement de ces questions. En outre, toutes les minorités sont liées à une coalition politique et donc représentées au gouvernement. Le parti serbe par exemple, est très actif. On ne sait pas pourquoi certains réfugiés ne sont pas rentrés, mais les autorités sont en contact avec les représentants en Serbie du Haut-Commissariat pour les réfugiés et collaborent aux initiatives d’aide au retour. À l’heure actuelle, les juges sont nommés par le Parlement sur proposition du Conseil judiciaire de chaque région, mais il est prévu de supprimer l’intervention du pouvoir législatif dans ce processus, de sorte que les juges seront élus par leurs pairs selon des critères objectifs et transparents. Les procédures non contentieuses de règlement des litiges ne faisaient pas partie de la culture judiciaire croate, mais elles existent depuis plusieurs années maintenant et leur utilisation est vivement encouragée.

53.M me Nola (Croatie) explique qu’en vertu de la loi relative aux droits de la défense entrée en vigueur en janvier 2009, tout accusé a le droit de choisir un avocat pour assurer sa défense; s’il ne le fait pas, il lui en est commis un d’office. De plus, la nouvelle loi dispose que toute personne arrêtée est immédiatement informée de ses droits. Conscient du problème de la surpopulation carcérale, le Gouvernement a pris des mesures en vue d’augmenter la capacité des prisons; avec le nouveau Code pénal, qui devrait être adopté au début du second semestre 2010, les mesures de remplacement à l’emprisonnement (sursis, liberté surveillée, peines de substitution) seront privilégiées et la durée des peines privatives de liberté sera réduite.

54.M. Katic (Croatie) décrit la situation des déplacés et des rapatriés. La Constitution garantit à tous un accès égal à la nationalité, dont les conditions d’obtention sont régies par la loi de 1991 sur la nationalité. Il est de fait que certains citoyens du Kosovo, qui faisait alors partie de la Serbie-et-Monténégro, ont rencontré des difficultés lorsqu’ils ont voulu renoncer à leur citoyenneté, alors qu’ils remplissaient toutes les conditions pour obtenir la nationalité croate. La Croatie leur a accordé un délai de deux ans pour présenter leur renonciation à leur nationalité et, lorsque les autorités de Serbie-et-Monténégro ont rendu les choses encore plus difficiles, leur a permis d’acquérir la nationalité croate sans devoir renoncer à leur ancienne nationalité. La procédure d’acquisition privilégiée de la nationalité requiert des documents, une déclaration et des preuves; le plus souvent, il est demandé au candidat de déclarer dans un document qu’il fait partie de la nation croate. Si la nationalité ne peut pas être obtenue selon cette procédure, il est possible de la demander en apportant la preuve d’un séjour ininterrompu de cinq ans au moins en Croatie. Ces cinq dernières années, près de 1,5 million de personnes ont obtenu la nationalité croate. Ce chiffre est particulièrement important, si on le compare au nombre total d’habitants du pays, qui est de 4,5 millions. Le Ministère de l’intérieur s’attache à faciliter les démarches des Roms qui souhaitent acquérir la nationalité croate et qui, souvent, ont un niveau d’instruction faible et ne peuvent pas prouver qu’ils peuvent subvenir à leurs besoins. La loi sur les étrangers entrée en vigueur le 21 mars 2009 fixe les conditions de l’acquisition de la nationalité sur la base du regroupement familial élargi, et prévoit la délivrance d’un permis de séjour temporaire aux personnes présentes en Croatie par exemple pour leur travail, faire des études ou suivre un traitement médical. Les motifs humanitaires sont aussi prévus et c’est ainsi que les victimes de la traite des êtres humains peuvent bénéficier d’un permis de séjour temporaire de deux ans, à condition de participer à un programme d’aide et de protection judiciaire. À ce jour, 21 personnes sont dans ce cas. Les réfugiés et ceux qui reviennent en Croatie dans le cadre d’un programme de rapatriement peuvent obtenir la résidence temporaire, sans avoir à justifier de moyens de subsistance ni d’un titre de propriété foncière. Il convient aussi de mentionner que les ressortissants de l’Union européenne reçoivent un permis de séjour temporaire d’un an s’ils possèdent un bien foncier en Croatie et qu’ils peuvent prouver qu’ils ont une assurance maladie et des moyens de subsistance; pour les ressortissants de pays autres que de l’Union européenne, cette période est de six mois. La Croatie est particulièrement attentive au sort des mineurs et a modifié ses dispositions législatives pour leur appliquer un régime particulier, conforme aux normes établies par les accords de Schengen. Le régime de l’expulsion des étrangers a également été modifié; aujourd’hui, l’expulsion n’est décidée que si la personne a commis un délit et a été condamnée à une peine d’emprisonnement de plus d’un an ou qu’elle est auteur d’un crime pour lequel un emprisonnement de plus de trois ans a été prononcé, le crime ayant été commis dans les trois mois précédant l’arrêté d’expulsion.

55.M. Maderi ć (Croatie) dit qu’il existe une loi et un organe central de lutte contre la discrimination. Depuis l’entrée en vigueur de la loi en question, 117 plaintes pour faits de discrimination ont été déposées. Les foyers destinés aux victimes de la violence familiale et leur famille sont financés par l’État et gérés par des organisations non gouvernementales. S’agissant de la traite des êtres humains, la lutte contre ce fléau ne peut être efficace que si tous les États concernés s’y attaquent et coopèrent entre eux. La Croatie participe à plusieurs initiatives et projets transnationaux, que ce soit à l’échelle régionale, en vue d’harmoniser les systèmes de lutte et organiser la collaboration entres les États, ou en collaboration avec des organisations intergouvernementales. L’autoévaluation est toujours un exercice difficile mais il est certain que la Croatie est très active dans la lutte contre la criminalité organisée et la traite des êtres humains. Elle fait en effet partie du groupe des 27 pays les plus actifs dans la lutte contre la traite des êtres humains, selon un rapport du Département d’État des États‑Unis.

56.M. Kukavica (Croatie) dit, en ce qui concerne la question des journalistes qui subissent des agressions physiques, des menaces de mort ou d’autres manœuvres d’intimidation, qu’au cours des seize dernières années on a enregistré 40 cas (soit un peu moins de 3 par an) de menaces, agressions, voire homicides, visant des journalistes. Conscient que ces atteintes entravent gravement la liberté d’expression et posent des problèmes majeurs de sécurité, l’État est résolu à les réprimer et a mis en place d’importantes mesures de police. Dans six cas les faits ont été qualifiés de délits mineurs, certaines affaires ont été classées. Dans 36 affaires les auteurs ont été identifiés et 20 personnes ont fait l’objet d’un jugement. Le cas le plus grave est celui du journaliste Ivo Pukanic et de son collègue, tués lors d’un attentat à la voiture piégée à Zagreb, en octobre 2008. Grâce à la collaboration efficace des polices de la région, les auteurs, des ressortissants de Bosnie-Herzégovine, de Serbie et de Croatie, ont été retrouvés. Il s’agit là d’un excellent exemple de collaboration de la police des trois pays. Toutes les affaires de menace et d’agression contre des journalistes n’ont pas encore été élucidées.

57.M me Radi ć (Croatie) répondra aux questions relatives au retour des réfugiés et des déplacés. La Croatie a une expérience considérable dans ce domaine puisqu’au début des années 1990 elle a accueilli plus d’un demi million de réfugiés et de déplacés et qu’elle a alors abondamment collaboré avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, dont les services ont été installés dans les locaux de l’administration nationale. Actuellement, une aide à la reconstruction des logements est apportée à 2 000 personnes, qui devraient ainsi pouvoir rentrer chez elles. Quelque 200 personnes, majoritairement des réfugiés de Bosnie, handicapés ou âgés, sont prises en charge dans deux institutions. Dès 1997, la Croatie s’est employée à reconstruire les logements, les hôpitaux et les écoles ou encore à rétablir l’électricité. Le pays a investi depuis lors plus de 700 millions d’euros non seulement dans la reconstruction des infrastructures publiques mais aussi dans leur modernisation, notamment dans des régions moins développées du pays. Les zones touchées par les hostilités jouissent d’un régime spécial d’encouragement fiscal. Elles sont pour l’essentiel peuplées de rapatriés serbes et croates. En ce qui concerne la population partie en Serbie définitivement, les raisons pour lesquelles elle n’est pas revenue en Croatie ont été étudiées. Il y a le souhait de ne pas déménager une fois de plus, et de s’installer là où les enfants sont scolarisés. Bien souvent, les familles possèdent un appartement ou une maison en Croatie et viennent en visite tout en vivant principalement en Serbie.

58.M. Turkal j (Croatie) dit que le Gouvernement s’emploiera à diffuser les observations et recommandations du Comité, notamment sur Internet ou dans le réseau des bibliothèques publiques, et à favoriser le dialogue à ce sujet avec les organisations non gouvernementales intéressées, avec qui il collaborera lors de l’établissement du prochain rapport. Il ne manquera pas d’établir un dialogue avec les représentants des minorités pour trouver la meilleure manière de diffuser des informations dans les principales langues parlées dans le pays.

59.M. Soč anac (Croatie) dit qu’en 2010 la Croatie sera examinée dans le cadre de l’Examen périodique universel du Conseil des droits de l’homme. Un appel sera lancé prochainement pour que l’ensemble des interlocuteurs nationaux aient l’occasion de collaborer à la préparation du rapport national.

60.M. Turkal j (Croatie) dit que toutes les questions auxquelles il n’a pas pu être répondu seront traitées par écrit. La préparation du rapport et des réponses complémentaires a été l’occasion de passer en revue la décennie qui venait de s’écouler; il est incontestable qu’en dix ans des progrès considérables ont été réalisés, au sortir de la période difficile que le pays venait de connaître. Aujourd’hui, il est devenu possible de s’occuper de questions telles que la tolérance ou l’égalité des hommes et des femmes. Au nom de sa délégation, il remercie le Comité de son attention et reste à sa disposition pour toute information complémentaire.

61.Le Président remercie la délégation pour sa collaboration. Il espère que le dialogue constructif qui vient de se tenir ainsi que les observations finales qui seront publiées à la fin de la session aideront la Croatie à continuer de progresser.

62.La délégation croate se retire.

La séance est levée à 13 h 5.