NATIONS

UNIES

CCPR

Pacte international

relatif aux droits civils

et politiques

Distr.

GÉNÉRALE

CCPR/C/SR.1887

6 décembre 2000

Original : FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME

Soixante-dixième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA PREMIÈRE PARTIE (PUBLIQUE)*

DE LA 1887ème SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,

le vendredi 27 octobre 2000, à 15 heures

Présidente : Mme MEDINA QUIROGA

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 40 DU PACTE (suite)

Deuxième rapport périodique du Gabon (suite)

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*Le compte rendu analytique de la deuxième partie (privée) de la séance est publié sous la cote CCPR/C/SR.1887/Add.1.

________________

Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l'une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également incorporées à un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d'édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications aux comptes rendus des séances publiques du Comité seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la session.

La séance est ouverte à 15 heures 15.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 40 DU PACTE (point 4 de l'ordre du jour) (suite)

Deuxième rapport périodique du Gabon (CCPR/C/128/Add.1, HRI/CORE/1/Add.65/Rev.1 et CCPR/C/70/L/GAB)

1.Sur l'invitation de la Présidente, la délégation gabonaise reprend place à la table du Comité

2.La PRÉSIDENTE invite la délégation à répondre aux questions posées par les membres du Comité concernant la Liste des points à traiter à l'occasion de l'examen du deuxième rapport périodique du Gabon (CCPR/C/70/L/GAB).

3.M. MISSONGO (Gabon) commence par la question du travail des enfants (point 20 de la Liste), qui est un phénomène nouveau et choquant pour le Gabon. Il s'agit d'une pratique des communautés étrangères, à savoir des populations ouest‑africaines, qui font venir des enfants au Gabon pour les employer à leur service à des tâches pénibles. Lorsque la police interpelle ces enfants, ceux qui les emploient se présentent en disant que ce sont leurs enfants. Les autorités gabonaises ont fini par comprendre qu'il s'agissait d'enfants que l'on avait fait venir pour les faire travailler et ce trafic a été dénoncé et il y a maintenant un texte à l'examen visant à compléter les lois existantes afin que tout ce qui concourt au trafic des enfants soit sévèrement puni par les tribunaux. Pour plus de précision, le chef de la délégation laisse la parole à Mme Bike, Ambassadeur à Genève, qui a travaillé sur ce problème.

4.Mme BIKE (Gabon) dit que la délégation tient à la disposition du Comité un résumé de la plate‑forme commune d'action adoptée par la Consultation sous‑régionale sur le développement de stratégies de lutte contre le trafic des enfants à des fins d'exploitation du travail en Afrique de l'Ouest et du Centre, réunion qui s'est tenue à Libreville du 22 au 24 février 2000. Fruit de la collaboration entre l'UNICEF, l'OIT et le Gouvernement gabonais, cette réunion, à laquelle ont participé 21 pays de la région de l'Afrique de l'Ouest et du Centre, avait notamment pour objectifs d'approfondir la connaissance des problèmes liés au trafic des enfants à des fins d'exploitation du travail dans la région et d'aboutir à l'adoption d'une plate‑forme commune. Il convient de préciser que le Gabon est un pays d'immigration, ce qui est rare en Afrique, où les pays sont pour la plupart des pays d'émigration. Il y a des communautés qui déferlent au Gabon à la recherche d'un travail et la gestion d'une telle immigration est très difficile pour un petit pays. Le Gabon a identifié l'origine de ce phénomène; il s'agit d'un réseau de criminalité transnational, qui fait venir ces enfants de loin sous le couvert de personnes se prétendant leurs parents mais qui en réalité les exploitent. Sur le plan national, il existe une commission qui recherche en collaboration avec plusieurs services comment arrêter ce phénomène au stade de la détection des enfants. Les autorités gabonaises essaient de remonter la filière jusqu'aux parents réels des enfants, au Bénin, au Mali, au Togo et ailleurs, et essayent avec l'UNICEF de rapatrier les enfants pour les protéger; mais ce n'est pas facile de prendre en charge de tels enfants, car ceux‑ci ont peur des représailles. Le Gabon se félicite de la collaboration et de la compréhension des pays d'origine des enfants. Il ne s'agit donc pas d'un phénomène culturel propre au Gabon, mais d'un trafic de main‑d'œuvre dû à des filières organisées que le Gabon essaie de combattre sur le plan international.

5.M. MISSONGO (Gabon) répond aux questions posées sur le problème des réfugiés, et notamment sur le cas des réfugiés rwandais arrivés au Gabon en 1997. Il s'agissait en réalité de militaires rwandais ayant traversé les deux Congos avant d'entrer au Gabon et d'y terroriser la population à la frontière. Devant ce phénomène, la seule solution à laquelle ont pu recourir les autorités gabonaises a été de renvoyer ces gens pour assurer la sécurité de la population gabonaise elle‑même. Il est à signaler toutefois qu'il y a au Gabon beaucoup de Rwandais et de Burundais, ainsi que des Béninois du reste, qui exercent des professions médicales dans les cliniques privées ou fonctions dans l'enseignement. C'est dire que, loin d'être animé d'un sentiment de xénophobie, le Gouvernement gabonais a été confronté en l'occurrence à un problème ponctuel et que, pour le reste, les choses se déroulent dans le pays conformément à la législation en vigueur sur l'entrée et le séjour des étrangers. Une personne reconnue comme étant réfugiée reçoit le même traitement qu'un Gabonais, et, à cet égard, le Gabon collabore avec le Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés.

6.Mme BIKE (Gabon) complète cette explication en indiquant que le HCR vient d'ouvrir un bureau à Libreville. On a parlé d'un traitement inégalitaire qui serait réservé aux réfugiés au Gabon. Il s'agit d'une affirmation infondée car ces derniers ont le même accès à l'éducation, aux soins de santé et au travail que les nationaux et ne font l'objet d'aucune discrimination, même lorsqu'il s'agit de réfugiés économiques. Du reste, le Gabon consacre une large part de son budget à la santé et les écoles publiques sont ouvertes à tous les enfants étrangers qui parlent le français. Pour les enfants de langue anglaise ou espagnole, il existe des écoles privées, payantes évidemment. Pour l'accès à l'enseignement primaire, en tout cas, il n'y a pas de différence entre enfants gabonais et étrangers. Enfin, Mme Bike indique qu'il existe une commission nationale pour les réfugiés, dont le statut a été revu par les textes législatifs, qui est maintenant fonctionnelle et qui a pour mandat de déterminer qui peut obtenir le statut de réfugié, lourde tâche compte tenu de la très forte immigration que connaît le Gabon.

7.M. MISSONGO (Gabon) dit, en ce qui concerne l'indépendance de la magistrature, qu'au Gabon, les juges obéissent à la seule autorité de la loi lorsqu'ils rendent leurs décisions.

8.M. NDONG ESSONO (Gabon) expose les principes qui régissent l'activité des magistrats au Gabon et garantissent leur indépendance. En vertu du principe de la présomption d'innocence, qui est consacré dans la Constitution de la République, ne peut être déclarée coupable qu'une personne ayant été jugée par une juridiction compétente. Ce principe est strictement observé tout au long de la procédure, qui débute dans les services de police, lorsque la personne est mise en cause. Avant d'être renvoyée devant le tribunal, la personne concernée est inculpée, c'est‑à‑dire qu'on lui notifie les charges retenues contre elle, moment à partir duquel elle bénéficie d'un délai pour choisir un avocat. La personne inculpée peut à tout moment bénéficier de toutes les garanties prévues par la loi et invoquer le respect des droits de la défense. La violation de ces droits est d'ailleurs un motif de cassation.

9.L'indépendance de la justice au Gabon découle d'abord des textes de base, au premier rang desquels figure la Constitution qui prévoit l'indépendance du pouvoir judiciaire par rapport à l'exécutif et au législatif. Les magistrats constituent un corps autonome et, dans l'exercice de leurs fonctions, les juges sont indépendants pour ce qui est de l'application du droit puisqu'ils n'obéissent qu'à la loi, civile ou pénale. En d'autres termes, les juges ne peuvent invoquer que l'application de la loi, à l'exclusion de toute autre considération. Les juges doivent en outre motiver leur décision, c'est‑à‑dire en indiquer les raisons fondamentales, décision qui peut faire l'objet d'un contrôle par les juridictions supérieures : les cours d'appel par rapport aux décisions rendues par les tribunaux de première instance ou la Cour de cassation pour les décisions rendues par les cours d'appel. La Cour de cassation a en outre pour mission d'orienter la jurisprudence, c'est‑à‑dire de faire en sorte que les décisions judiciaires rendues dans différentes affaires aillent dans le même sens, afin d'éviter les disparités ou les contradictions. Le juge qui rend sa décision peut être mis en cause par une partie au procès si, pour une raison ou pour une autre, celle‑ci estime que l'indépendance ou l'impartialité du juge sont sujettes à caution. Tout juge récusé cesse immédiatement de connaître de l'affaire en cours. Il s'agit d'une garantie supplémentaire au bénéfice du justiciable.

10.Toujours à propos de l'indépendance de la justice, la délégation gabonaise a déjà évoqué le rôle du Conseil supérieur de la magistrature. En vertu de la Constitution (art. 71), ce dernier est présidé par le Président de la République, assisté par un vice‑président, le ministre de la justice; y siègent également le Président de la Cour de cassation, le Président du Conseil d'État, le Président de la Cour des comptes, le Procureur général près la Cour de cassation, le Haut‑Commissaire général à la loi auprès du Conseil d'État et le Procureur général de la Cour des comptes. Y siègent aussi les procureurs généraux et présidents des trois cours d'appel, et enfin deux magistrats représentant les tribunaux de première instance plus cinq parlementaires. Cette composition très large est une garantie supplémentaire étant donné que la nomination des magistrats doit faire l'objet de décisions prises à l'unanimité. Ainsi, le pouvoir judiciaire n'est inféodé ni au pouvoir exécutif ni au pouvoir législatif puisque les composantes essentielles du peuple participent à la désignation des magistrats.

11.M. Ndong Essono poursuit en apportant des précisions sur la Cour constitutionnelle, qui est composée de personnalités nommées par le Président de la République, le Président de l'Assemblée nationale et le Président du Sénat (art. 89 de la Constitution). Le Président de la République ne peut nommer que trois membres, parmi lesquels il est tenu de choisir au moins deux juristes, et il choisit le Président de la Cour. Le Président de l'Assemblée nationale nomme trois membres, dont deux juristes au moins, et il en va de même pour le Président du Sénat. Parmi les juristes figurent trois magistrats choisis sur une liste établie par le Conseil de la magistrature. La Cour constitutionnelle comporte donc neuf membres parmi lesquels sept juristes, ce qui montre bien qu'il ne s'agit pas d'une instance politique. Du reste, pendant toute la durée de leur mandat, les membres de la Cour constitutionnelle ne peuvent ni obtenir de promotion ni être révoqués, ce qui les met à l'abri de diverses sollicitations. Le juge qui a failli à ses obligations de probité et de moralité peut être mis en cause par un conseil de discipline présidé par le Président de la Cour de cassation. Lorsque ce conseil siège, il s'appelle Conseil supérieur de la magistrature statuant en matière disciplinaire et il est composé uniquement de magistrats qui jugent leur collègue, lequel peut se faire assister par un collègue de son choix. Sur ce plan, donc, les juges ne sont pas sanctionnés par l'autorité exécutive ou législative, mais par une instance de régulation interne.

12.L'activité de la police judiciaire est un aspect annexe de la question de l'indépendance du pouvoir judiciaire. Cette activité est placée sous le contrôle des magistrats, et notamment du Procureur de la République, qui a pour mission de s'assurer du bon fonctionnement de la police judiciaire, de veiller au respect des mesures de garde à vue, de garantir la salubrité et la tranquillité dans les cellules de garde à vue. Il s'agit donc d'une instance placée sous les autorités judiciaires, dont la délégation gabonaise affirme que le personnel joue correctement son rôle. Il peut évidemment y avoir des défaillances et il arrive du reste que des plaintes soient déposées contre la police. S'il s'agit d'une défaillance d'ordre disciplinaire, les supérieurs hiérarchiques en sont saisis immédiatement et prennent les sanctions qui s'imposent. À titre d'exemple, la délégation cite le cas d'un policier qui avait commis des violences sur une femme pendant la garde à vue; ce policier a été révoqué suite à une décision du conseil de discipline et une procédure a été ouverte contre lui.

13.Répondant aux questions concernant les conditions carcérales, M. Ndong Essono dit qu'il y a au Gabon neuf provinces comptant chacune une prison, dont certaines datent de l'époque coloniale alors que d'autres sont plus récentes. La situation dans ces différentes prisons ne peut donc être comparée, en raison notamment de la vétusté de certaines d'entre elles. Les autorités gabonaises font toutefois des efforts pour améliorer la situation des détenus. Ainsi, plusieurs prisons sont en construction, notamment à Franceville, et il y a deux prisons nouvelles à Port‑Gentil et à Tchibanga. À Libreville, où est regroupée la moitié de la population carcérale, la prison a été agrandie et rénovée de manière à assurer le respect des droits de l'homme des détenus, lesquels sont suivis régulièrement par un service de santé, qui est un service spécifique de la sécurité pénitentiaire et qui veille à l'hygiène des lieux. Pour ce qui est de l'organisation interne des prisons, celle‑ci est conçue de manière que les différentes catégories de prisonniers soient regroupées en fonction soit du sexe, soit du degré de gravité des faits commis, soit de l'âge. C'est ainsi que les femmes occupent un quartier spécial, les mineurs également, de même que les prisonniers accusés d'actes de grand banditisme. En outre, une distinction est faite dans les établissements pénitentiaires entre les condamnés et les prévenus. La population carcérale connaissant des fluctuations quotidiennes, il est difficile de donner des statistiques, mais le Gouvernement gabonais reviendra sur ce point dans son prochain rapport périodique. Enfin, en ce qui concerne les détenus atteints du virus du sida, M. Ndong Essono précise qu'aucune distinction n'est faite entre les détenus séropositifs et les autres. Au Gabon, l'ensemble de la population séropositive bénéficie des mêmes attentions et, en vertu d'une décision récente, du Gouvernement, les personnes atteintes du sida seront entièrement prises en charge par l'État.

14.Pour ce qui est de la place du Pacte dans l'ordre juridique interne gabonais, M. Ndong Essono indique que la hiérarchie des normes juridiques au Gabon est la suivante : au premier rang vient la Constitution de la République, puis les lois organiques, puis les lois ordinaires et enfin les décrets et arrêtés. Une norme inférieure qui contredit une norme supérieure peut être annulée par le Conseil d'État ou, pour certains textes, par la Cour constitutionnelle. Sur le plan multilatéral, le Gabon a ratifié de nombreuses conventions, la règle observée étant que celles‑ci doivent être conformes à la Constitution pour être ratifiées et être incorporées dans l'ordre juridique interne gabonais. Donc, si une disposition d'une convention ratifiée accorde plus de droits que la loi nationale, toute personne concernée peut invoquer l'application de celle‑ci devant les juridictions du pays et lorsque le cas s'est produit, la disposition invoquée a été appliquée.

15.Ces remarques concernent aussi la situation de la loi par rapport à la coutume, qui est non écrite. Ainsi, s'il y a conflit entre la coutume et la loi, c'est la loi qui l'emporte nécessairement, même si les personnes concernées n'en réfèrent pas nécessairement aux autorités chargées de l'application des lois. Il s'agit d'un problème de comportement qui relève de l'éducation des mentalités et sur lequel le Gouvernement gabonais s'est penché, notamment dans le cadre de la formation des adultes.

16.Mme BIKE (Gabon) dit que, bien que le fait ne soit pas reflété dans le rapport, les femmes ont toujours été très dynamiques au Gabon. Traditionnellement, les femmes âgées sont mêmes considérées comme des sages et sont consultées pour les décisions importantes. L'égalité entre les sexes est consacrée dans la Constitution et même si, comme dans la plupart des pays, des progrès restent à faire, la situation des femmes gabonaises est sans doute l'une des plus enviables parmi les pays du continent africain. Ainsi, l'excision n'est pas pratiquée, il existe une réelle égalité de salaires et les femmes mariées n'ont légalement besoin d'aucune autorisation de sortie pour quitter le territoire. La première préoccupation des femmes identifiées lors du forum organisé au début des années 90 est la question des droits de la femme, en particulier s'agissant de la participation à la vie politique, car c'est dans ce domaine que l'inégalité se fait le plus sentir. Alors que la Cour constitutionnelle est présidée par une femme et que le pays compte plusieurs femmes députés, ministres et généraux dans l'armée, les femmes restent peu représentées dans les partis politiques et un débat a été lancé dans le pays sur la possibilité d'instaurer des quotas. Par ailleurs, dans le domaine de l'emploi, il ressort des statistiques que les femmes sont majoritaires dans certains secteurs, en particulier la santé et l'éducation. Néanmoins, aucune discrimination n'est à déplorer dans l'enseignement. Les parents encouragent aussi bien les filles que les garçons à suivre des études et les filles ont même bien souvent de meilleurs résultats. Lorsque les filles mettent un terme à leur scolarité, c'est généralement en raison d'une grossesse précoce, raison pour laquelle des cours d'éducation sexuelle ont été inscrits dans les programmes scolaires dès l'école primaire. À cet égard, Mme Bike indique que la polygamie relève de la coutume, mais que l'État a légiféré, restreignant le nombre d'épouses à quatre et imposant aux époux de choisir entre mariage monogamique et polygamique, mais que les mentalités évoluent lentement. Il arrive d'ailleurs que ce soit la femme, et non l'homme, qui préfère opter pour un mariage polygamique. Quant à l'expression "devoir d'obéissance", elle ne doit pas être prise à la lettre car la femme gabonaise n'a rien d'une femme soumise. La question de la succession fait elle aussi débat et, là également, malgré des pesanteurs culturelles, des progrès ont été accomplis : ainsi, si, auparavant, la loi ne prévoyait rien, elle accorde aujourd'hui à la veuve l'usufruit d'un quart des biens meubles et immeubles du défunt. D'une manière générale, les autorités gabonaises s'interrogent sur la question de la discrimination, comme le montre la création de la Commission interministérielle chargée de recenser toutes les formes de discrimination. Dans ce cadre, des formes de discrimination à l'encontre des hommes ont également été identifiées, notamment en matière de garde d'enfant.

17.Mme MBOUMBA LOUEYI BOUDDHOU (Gabon) indique que la Commission nationale des droits de l'homme est composée de 14 membres, dont trois membres désignés par le Président de la République, le Président de l'Assemblée nationale, le Président du Sénat, un avocat désigné par le barreau, un médecin désigné par le Conseil de l'Ordre, trois représentants d'associations de défense des droits de l'homme et des droits de l'enfant élus par les membres de ces associations, un magistrat désigné par le Conseil de la magistrature, un membre du Comité international de la Croix‑Rouge et un représentant des médias élu par ses pairs. La Commission a pour rôle de contrôler, par des visites sur le terrain, les conditions de détention, d'assister les autorités en examinant l'application des lois en vigueur et en proposant de nouveaux projets de loi, de proposer des programmes de sensibilisation et de recherche, de collaborer avec les autres organismes de défense des droits de l'homme et d'examiner les plaintes déposées par les particuliers.

18.Mme BIKE (Gabon), répondant aux questions posées sur la vie politique du pays, dit qu'il existe au Gabon plus de 20 partis politiques. Depuis les élections législatives de 1993, le Parlement est composé à 55 % de députés de la majorité et à 45 % de députés de l'opposition. Par ailleurs, tout comme les partis politiques, les syndicats sont très actifs, ce qui relève d'une tradition très ancienne, datant d'avant l'indépendance et qui veut qu'à chaque grande corporation correspond un syndicat. Le Gabon a ratifié la quasi‑totalité des conventions de l'OIT et le patronat, les syndicats et le Gouvernement sont représentés à chaque réunion de l'OIT. La vie associative est, elle, moins ancienne, mais tout aussi riche, et constitue un vrai relais pour le Gouvernement. Ce sont ainsi les associations, dont certaines ont établi des liens avec des pays étrangers, qui ont sensibilisé le Gouvernement au problème du VIH/sida et pris l'initiative de récolter des fonds pour acheter des médicaments. Enfin, s'agissant des Témoins de Jéhovah, Mme Bike indique que ce mouvement avait effectivement été interdit, mais que l'interdiction a été levée au début des années 90.

19.M. NDONG ESSONO (Gabon), répondant à Lord Colville, dit qu'en vertu de la loi No 004/98 du 20 février 1998 relative à l'organisation générale des forces de sécurité, les services de police sont un corps paramilitaire placé sous la tutelle du Ministère de l'intérieur.

20.Mme BIKE (Gabon) dit que le Gabon est un pays de destination pour bon nombre de travailleurs étrangers, arrivant par mer ou par route. Ces travailleurs occupent de petits emplois dans le secteur de la pêche, le commerce et le secteur informel. Compte tenu de la sous‑population, le pays a besoin de main‑d'œuvre étrangère. L'essentiel est donc de réglementer pour que les immigrants puissent travailler au grand jour et de lutter contre l'entrée de bandits sur le territoire et contre les trafics organisés.

21. S'agissant de la liberté de la presse, Mme Bike affirme que les journalistes ne sont plus persécutés aujourd'hui. Les plaintes déposées contre les journalistes sont pour la plupart le fait de particuliers qui estiment être victimes de diffamation, ce qui tend à prouver que la liberté d'expression est une réalité. En outre, même s'il existe quelques organes de presse rattachés à des partis politiques, la presse privée est libre. Toutes les grandes chaînes de radio et de télévision des grands pays du monde peuvent être captées sur le territoire. Enfin, le Conseil national de la communication n'exerce aucune censure : il ne fait que contrôler les programmes pour s'assurer qu'ils respectent les bonnes mœurs et imposer un code de bonne conduite aux médias pour les responsabiliser.

22.La PRÉSIDENTE remercie la délégation de ses réponses et invite les membres du Comité à lui poser des questions orales additionnelles.

23.Mme CHANET ne doute pas que la femme gabonaise ne soit pas une femme soumise. Elle n'est cependant pas convaincue par les propos de la délégation sur la polygamie. Selon elle, le fait que la polygamie soit plus répandue dans les milieux ruraux et dans les familles de faible niveau d'instruction montre bien que le maintien de cette pratique nuit aux plus faibles des femmes. Mme Chanet fait par ailleurs observer qu'elle n'a pas reçu de réponse à sa question concernant les juridictions d'exception et se permet de demander à nouveau s'il existe une cour de sûreté au Gabon. Elle demande en outre si les étrangers ont besoin d'un visa de sortie pour quitter le territoire gabonais. Enfin, s'agissant de la hiérarchie des normes, elle demande si la Constitution prime sur les traités. Si c'était le cas, il faudrait que l'État incorpore dans la Constitution les droits consacrés dans le Pacte, ce qui serait d'autant plus utile que chaque citoyen peut intenter un recours devant la Cour constitutionnelle.

24.M. BHAGWATI n'est pas sûr d'avoir bien compris si la Commission nationale des droits de l'homme était habilitée à recevoir des plaintes et à mener des enquêtes et, par ailleurs, si les veuves héritaient aussi d'un quart des terres.

25.M. ZAKHIA se félicite de ce que deux femmes fassent partie de la délégation gabonaise. Il a cru comprendre que toute loi interne contraire au Pacte pouvait faire l'objet d'une demande d'annulation par les citoyens. Il demande en conséquence si les lois relatives au mariage polygame et au devoir d'obéissance peuvent, dans la mesure où il s'agit de textes inégalitaires et discriminatoires, faire l'objet d'une telle demande d'annulation. Il comprend que les comportements personnels soient multiples et que certaines femmes puissent choisir le devoir d'obéissance, mais la loi, elle, doit être égalitaire. Il demande enfin s'il existe au Gabon un statut personnel unique ou si les statuts personnels sont divers, en fonction, par exemple des religions. S'il n'y pas de statut personnel unique, il engage fortement l'État à en prévoir un, qui pourrait être facultatif dans un premier temps.

26.M. ANDO voudrait savoir si un parti politique peut être créé en fonction de critères ethniques ou régionaux.

27.M. MISSONGO (Gabon) répond que les critères de l'ethnie, de la religion, etc., ne sauraient présider à la création d'un parti politique, qui constitue un rassemblement de personnes unies par des convictions politiques communes.

28.Mme BIKE (Gabon) ajoute, que pour créer un parti politique, il faut recueillir un certain nombre de signatures dans chacune des provinces, ce qui a pu faire penser qu'il y avait là un critère régional. En fait, cette exigence vise à éviter qu'un parti ne soit composé que des membres d'une seule tribu ou d'une seule région, étant donné que certaines provinces sont peuplées presque exclusivement des membres d'une même ethnie.

29.M. MISSONGO (Gabon), répondant à la question de Mme Chanet, indique que la Cour de sûreté de l'État n'est pas une juridiction permanente. Elle est constituée dans des situations particulières. Il ajoute qu'aucune personne n'est détenue au Gabon aujourd'hui pour délit d'opinion ou atteinte à la sûreté de l'État.

30.M. NDONG ESSONO (Gabon) précise que, conformément à l'article 82 de la Constitution gabonaise, les juridictions d'exception autres que la Cour de sûreté de l'État sont également des instances non permanentes, créées par la loi. En ce qui concerne la Cour de sûreté de l'État, elle a  siégé pour la dernière fois en 1981, soit près de 10 ans avant la mise en œuvre du processus démocratique. Elle est essentiellement composée de parlementaires et s'apparente ainsi à bien des égards à un jury populaire.

31.Mme BIKE (Gabon), revenant sur la question de la polygamie, dit que cette pratique, ne concerne pas seulement les femmes vivant en milieu rural mais touche aussi les femmes dites "modernes", qui entendent ainsi "se partager le fardeau". Cette expression est assez sévère à l'égard des hommes, certes, mais elle traduit un point de vue assez répandu chez les femmes. Celles‑ci ont néanmoins affirmé que la loi devait être égalitaire pour tous et elles luttent pour atteindre cet objectif. Force est de constater toutefois qu'une des formes d'égalité qu'elles envisagent passe par la reconnaissance de la polyandrie, qu'elles ont expressément appelée de leurs vœux. Les autorités gabonaises sont conscientes que la polygamie est une institution incompatible avec les instruments relatifs aux droits de l'homme, mais elle traduit une réalité culturelle que l'on ne peut simplement ignorer. Toutefois, il faut espérer que les travaux de la commission interministérielle chargée des questions de discrimination aboutiront à la suppression des dispositions du Code civil consacrant une inégalité entre hommes et femmes.

32.M. NDONG ESSONO (Gabon), répondant sur la question de la hiérarchie des normes juridiques, fait observer que le droit gabonais présente un certain nombre de traits tout à fait originaux. La délégation gabonaise a déjà évoqué la possibilité pour tout citoyen de saisir la Cour constitutionnelle et le fait que l'interprétation de la valeur des dispositions constitutionnelles par rapport aux instruments internationaux auxquels le Gabon est partie relève du Conseil d'État et de la Cour constitutionnelle. En ce qui concerne les conflits de normes, ils sont rares puisqu'un traité doit être déclaré conforme à la Constitution pour pouvoir être appliqué. Si la Cour constitutionnelle le déclare inconstitutionnel, il en découle automatiquement une modification de la Constitution.

33.En ce qui concerne la question de savoir si une loi qui serait contraire aux droits des femmes, par exemple en matière de divorce, peut être annulée, M. Ndong Essono précise que les particuliers peuvent demander, devant une juridiction nationale ou internationale, l'application d'une norme internationale pour faire valoir leurs droits. Le Pacte, en particulier, a été intégré à l'ordre juridique interne gabonais et il est applicable au même titre que la législation interne. En cas de conflit avec une loi gabonaise, c'est le Pacte qui l'emporte. Enfin, concernant l'obligation pour les étrangers d'obtenir un visa de sortie pour quitter le territoire national, M. Ndong Essono confirme que cette obligation existe. Toutefois, elle est manifestement contraire au bon sens et les autorités envisagent de la supprimer.

34.Mme MBOUMBA LOUEYI BOUDDHOU (Gabon), répondant à la question de M. Bhagwati sur la Commission nationale des droits de l'homme, indique que celle-ci est habilitée à enquêter sur les violations des droits de l'homme. Elle peut être saisie par toute personne qui s'estime victime d'une violation de ses droits pour autant que l'identité du plaignant puisse être établie et que la violation soit expressément alléguée. La plainte ne doit pas porter sur une violation qui a cessé ou a déjà fait l'objet d'une mesure de réparation. En outre, elle ne peut contenir de termes injurieux ou outrageants à l'égard d'une personne, d'un groupe de personnes ou d'un membre d'une administration publique ou privée. Enfin, elle ne peut pas concerner une affaire déjà en cours d'examen devant une autre instance.

35.M. NDONG ESSONO (Gabon), répondant à la question qui a été posée sur les droits en matière de divorce, rappelle ce qui a été dit précédemment par la délégation gabonaise, à savoir que la loi n'établit pas de distinction entre les hommes et les femmes au regard de leurs droits en cas de divorce. La loi reconnaît cependant un "gagnant", et un "perdant" dans la procédure. Cela tient au fait que celle-ci repose sur la notion de faute (le non‑respect des obligations découlant du mariage), et que le divorce par consentement mutuel n'est pas encore prévu dans la législation gabonaise.

36.En ce qui concerne les droits de succession, les femmes ont un statut unique sur tout le territoire national, à savoir qu'au décès de l'époux, elles héritent en usufruit du quart de ses biens. La loi ne fait pas de distinction entre les biens mobiliers et immobiliers, et s'applique donc de la même façon aux uns et aux autres. Par ailleurs, répondant à la question de M. Zakhia concernant le statut personnel, M. Ndong Essono indique que tous les Gabonais sont soumis à un statut personnel unique, qui n'est pas fonction de la région d'origine, de l'ethnie, de la religion ou des convictions politiques.

37.M. AMOR, retenu par d'autres obligations, n'était pas présent lorsque la délégation gabonaise a répondu aux questions des membres du Comité, et elle voudra bien l'excuser de souligner des aspects préoccupants sur lesquels elle a peut-être déjà fourni des éclaircissements. Premièrement, en ce qui concerne la polygamie, s'il ne fait aucun doute qu'il faut tenir dûment compte des spécificités culturelles, celles‑ci ne sauraient en aucun cas compromettre les droits de l'homme et la dignité de la personne. Certaines situations ne peuvent être justifiées par de telles spécificités. Il en va ainsi de la polygamie, qui constitue l'inégalité et l'injustice les plus flagrantes dont les femmes sont victimes, au Gabon comme d'ailleurs dans bien d'autres pays. Les États ont une responsabilité à cet égard, d'autant plus quand ils ont souscrit à des engagements internationaux relatifs aux droits des femmes, et si les réalités du pays ne concordent pas pleinement avec les engagements souscrits, la législation peut favoriser l'évolution de la situation. C'est au droit qu'il appartient de saisir la réalité pour provoquer les changements nécessaires en matière de droits de l'homme, et non pas l'inverse.

38.Deuxièmement, le Gabon attache à l'évidence une haute importance au respect des droits de l'homme, comme le prouve son adhésion à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, qui consacre tant les droits des particuliers que ceux de la collectivité. Or la conciliation de ces intérêts n'est pas toujours chose facile, loin de là. C'est pourquoi M. Amor souhaiterait savoir si les autorités gabonaises se heurtent à un problème de cohérence entre les obligations auxquelles elles ont souscrit en vertu du Pacte et celles que leur crée la Charte africaine. En outre, le Gabon a‑t‑il émis des réserves à l'égard de la Charte en question ou de la cour des droits de l'homme qui a été récemment créée dans le cadre de l'Organisation de l'unité africaine ?

39.En troisième lieu, M. Amor voudrait savoir si, outre la Cour de sûreté de l'État, d'autres juridictions d'exception peuvent être mises en place ou existent déjà. Certes, la Cour de sûreté de l'État ne s'est pas réunie depuis 1981, mais elle reste néanmoins prévue dans les textes. M. Amor souligne que ce type d'instance a souvent une composition mi‑judiciaire, mi‑politique, et l'on sait que quand la politique est présente dans une institution judiciaire, la justice est menacée. En ce qui concerne la Cour de sûreté de l'État du Gabon, il croit comprendre qu'elle est essentiellement composée de parlementaires, ce qui fait craindre que la justice qu'elle est appelée à rendre ait un caractère politique, et il souhaiterait être rassuré sur ce point. En outre, il souhaiterait avoir des informations précises sur sa composition, les règles de sa saisine, les modalités de l'instruction devant cette juridiction et les spécificités de la procédure. Enfin, étant donné que la Cour de sûreté de l'État ne fonctionne plus depuis 1981, pourquoi ne pas la supprimer complètement ?

40.M. NDONG ESSONO (Gabon) souscrit pleinement au point de vue de M. Amor concernant les liens entre politique et justice. Pour ce qui est des juridictions d'exception, l'article 82 de la Constitution les mentionne effectivement au pluriel, mais elles ne sont créées que dans des circonstances particulières. M. Ndong Essono mentionne la Haute Cour de justice, qui est compétente notamment pour juger le Président de la République et les membres des corps constitués, et est aussi une institution non permanente. Elle peut être saisie par le Président de la République, le Président du Parlement et le Procureur général près la Cour de cassation. L'instruction est conduite par des parlementaires et des magistrats, conformément au droit commun. Les parlementaires sont désignés par leurs pairs, et les magistrats par le Conseil supérieur de la magistrature. Les plaintes sont adressées directement à la Haute Cour.

41.En ce qui concerne la Cour de sûreté de l'État, compte tenu de tout ce qui a été dit, il est tout à fait pertinent de s'interroger sur la nécessité de son maintien, d'autant que sa composition est devenue caduque. En effet, elle réunissait auparavant des parlementaires et des membres du parti unique. Aujourd'hui, le Gabon vit à l'heure du multipartisme et une telle composition ne correspond donc plus à la réalité. Sa suppression est toutefois une question de fond, à laquelle M. Ndong Essono peut difficilement répondre sans disposer des éléments d'appréciation nécessaires.

42.La PRÉSIDENTE remercie la délégation gabonaise. Comme l'ensemble des membres du Comité, elle regrette que le deuxième rapport périodique soit si succinct et que la délégation gabonaise ait fourni des réponses, elles aussi, très succinctes aux questions qui ont été posées lors de la séance précédente. La discussion qui a eu lieu à la séance en cours a toutefois marqué un véritable dialogue et a permis au Comité de mieux comprendre la situation au Gabon. Le Comité manque toutefois encore d'information tant sur les textes que sur la réalité concrète. Plusieurs questions sont restées sans réponse, en particulier pour ce qui est des critères de la détention au regard de l'article 9 du Pacte. Lors de l'examen du rapport initial du Gabon (CCPR/C/31/Add.4), le Comité avait exprimé des préoccupations concernant l'application de l'article 9, et la situation n'a apparemment pas évolué depuis. Il en va de même en ce qui concerne l'application de l'article 11 du Pacte.

43.Certains éléments encourageants doivent néanmoins être soulignés, comme le fait que la police soit maintenant de nouveau sous la tutelle du Ministère de l'intérieur, et la jurisprudence très originale en vertu de laquelle un traité international peut primer la Constitution gabonaise. Toutefois, des améliorations doivent être apportées dans plusieurs domaines. En particulier, la délégation gabonaise a indiqué que la Constitution garantissait la liberté d'expression des médias audiovisuels et de la presse mais l'article 95 de la Constitution prévoit une série de contrôles qui laissent à penser que la liberté d'expression n'est pas aussi garantie que cela a été dit.

44.Pour ce qui est de l'application de l'article 27 du Pacte, la Présidente a écouté avec intérêt les réponses fournies par la délégation gabonaise, notamment au sujet des Pygmées. Toutefois, elle relève un problème de fond, à savoir que le Gabon ne paraît pas considérer que l'article 27 comprend des aspects prévoyant une action de l'État. Ce dernier a l'obligation non seulement de respecter les dispositions du Pacte, mais de garantir les droits qui y sont consacrés et il est tenu de prendre toutes les mesures nécessaires à cet effet.

45.Pour ce qui est de l'égalité entre les hommes et les femmes, la Présidente souligne que l'interdiction de la discrimination est un élément central du système de protection des droits de l'homme. Il ne fait aucun doute que les femmes gabonaises s'efforcent de faire valoir leurs droits. Dans tous les pays du monde, d'ailleurs, ce sont les femmes qui mènent le combat en faveur de l'égalité entre hommes et femmes. Ce qui importe au Comité est de savoir ce que fait l'État partie pour promouvoir et protéger ces droits, et quelles mesures d'information et d'éducation il prend à cet effet. Le Comité a été unanime à condamner la polygamie et la Présidente rappellera simplement que cette pratique est incompatible avec le Pacte, et qu'elle doit être interdite. Certes, il y a eu des améliorations, en particulier le nombre des épouses dans un mariage polygame est désormais limité à 4, mais le problème demeure. La délégation gabonaise a dit que la polygamie traduisait le choix librement consenti d'adultes. Dans un pays où les lois placent les femmes dans une situation d'infériorité, on peut se demander s'il s'agit d'un consentement véritablement libre. Certains facteurs, en particulier sociaux, peuvent influer sur le choix des personnes, et les autorités ne sauraient échapper à leurs responsabilités au nom de la liberté des individus. De même, les dispositions prévoyant que la veuve hérite en usufruit du quart des biens de son époux défunt, après ses enfants, sont incompatibles avec le Pacte et devraient être modifiées.

46.Dans le domaine de l'emploi, s'il n'y a pas d'inégalités sur le plan des salaires, les femmes sont cependant concentrées dans certains emplois, et il conviendrait par conséquent d'assurer un salaire égal pour un travail de valeur égale, et non pas pour un travail égal. Enfin, pour ce qui est du divorce, la Présidente croit comprendre que l'époux dont le tort est reconnu perd tout, ce qui n'est guère acceptable surtout quand on sait qu'il perd non seulement des biens matériels mais aussi d'autres droits comme celui de la garde des enfants.

47.En conclusion, la Présidente espère que le troisième rapport périodique du Gabon contiendra beaucoup plus d'informations que le rapport à l'examen et tiendra dûment compte des directives du Comité relatives à l'établissement des rapports des États parties. Au nom du Comité, elle adresse tous ses vœux de succès aux autorités gabonaises pour assurer la promotion et la protection des droits de l'homme dans leur pays.

48.M. MISSONGO (Gabon) remercie le Comité et dit que l'État partie est conscient de l'importance du combat pour les droits de l'homme et du fait que, pour pouvoir légiférer dans ce domaine, il est indispensable de sensibiliser la population aux notions de droits fondamentaux et d'égalité et aux réalités du monde. Le Gabon ne ménagera aucun effort pour faire en sorte que son troisième rapport périodique traduise une situation dans laquelle les inégalités, à défaut d'avoir complètement disparu, auront du moins été considérablement réduites.

49.La PRÉSIDENTE déclare que le Comité a achevé l'examen du deuxième rapport périodique du Gabon.

50.La délégation gabonaise se retire.

51.La PRÉSIDENTE annonce que le Comité a adopté un document, qui sera publié officiellement, contenant une série de règles à suivre en ce qui concerne l'examen des rapports présentés par les États parties.

La première partie (publique) de la séance prend fin à 17 h 15.

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