NATIONS UNIES

CERD

Convention internationale

sur l’élimination

de toutes les formes

de discrimination raciale

Distr.GÉNÉRALE

CERD/C/SR.17962 mars 2007

Original: ANGLAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE

Soixante-dixième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1796e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le vendredi 23 février 2007 à 15 heures

Président: M. de GOUTTES

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS, COMMENTAIRES ET INFORMATIONS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (suite)

Quinzième à dix-neuvième rapports périodiques de l’Inde

La séance est ouverte à15 h 05.

EXAMEN DES RAPPORTS, COMMENTAIRES ET INFORMATIONS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (point 5 à l’ordre du jour) (suite)

Quinzième à dix-neuvième rapports périodiques de l’Inde (CERD/C/IND/19)

1. Sur l’invitation du Président, les membres de la délégation de l’Inde prennent place à la table du Comité.

2.M. SINGH (Inde) dit que la Constitution indienne interdit la discrimination pour tout motif, notamment la race. La législation appropriée a été adoptée pour mettre cette disposition en application, notamment le Code pénal, qui interdit la diffusion d’idées favorisant la discorde pour quelque raison que ce soit. La Constitution est à la base de programmes d’action positive pour les personnes socialement défavorisées. Une structure administrative et institutionnelle est en place pour lutter contre différentes formes de discrimination. Le système judiciaire indépendant de l’Inde, les médias en état permanent de vigilance et une société civile active renforcent les efforts du Gouvernement pour parvenir à l’égalité.

3.Le Comité connaît la position de l’Inde sur le problème des castes: son Gouvernement considère la discrimination en fonction de la caste comme un problème extérieur au champ d’application de la définition de la discrimination raciale en vertu du premier paragraphe de l’article premier de la Convention. Cela reste la position de la délégation indienne. La Constitution indienne aborde directement la question des castes par des droits clairement garantis et une action positive destinée à intégrer les castes défavorisées dans la société générale. La Constitution fait une distinction entre caste, race et ascendance, qu’elle considère comme des concepts distincts. Bien que le Gouvernement soit ouvert aux conseils de ceux qui, en Inde et dans la communauté internationale, souhaitent contribuer au processus d’intégration des castes défavorisées, toute discussion de cette question doit se faire dans le cadre des paramètres fixés par la Constitution. Le Gouvernement n’est donc pas en mesure d’accepter des obligations de rapports en la matière en vertu de la Convention. La délégation fournira toutefois des informations relatives aux castes pouvant intéresser le Comité.

4.Il n’y a pas de discrimination institutionnalisée, cautionnée par l’État contre un quelconque citoyen ou groupe de citoyens en Inde. Le Gouvernement a conscience qu’il reste beaucoup à faire en vue d’éliminer la discrimination dans la pratique, parce que la législation seule ne suffit pas. Des efforts sont en cours pour fournir l’éducation universelle et assurer la progression économique des plus déshérités. L’objectif est de rendre autonomes les secteurs défavorisés de la société, car ce n’est que par la pleine réalisation de son potentiel que l’Inde pourra consolider sa croissance économique et sociale. À mesure que l’économie indienne se modernise et s’étend, les ressources seront disponibles en plus grande quantité pour sensibiliser, fournir des emplois et des formations à ceux qui en ont le plus besoin. L’Inde est un des pays les plus affectés par le terrorisme, fait qui renforce la nécessité de protéger la vie des gens.

5.M. VAHANVATI (Inde) dit que la Constitution garantit l’égalité du statut et des chances à tous les citoyens indiens. La justice sociale, l’égalité et la dignité de la personne sont les pierres angulaires de la démocratie sociale, un outil de changement qui améliorera le sort des pauvres, pour le plus grand bien de l’ensemble de la société. La Constitution garantit à tous l’égalité en droit et la protection égale de la loi. Il est interdit à l’État de refuser à quiconque l’une ou l’autre de ces garanties. Dans la structure constitutionnelle indienne, les cours supérieures peuvent exercer les pouvoirs de contrôle judiciaire pour l’application de tout droit fondamental, notamment le droit à l’égalité. Les articles 14 à 18 de la Constitution forment le Code constitutionnel relatif à l’égalité, qui vise à assurer l’égalité non seulement en cas de traitement inégal de personnes de même rang, mais aussi en cas de traitement égal de personnes de rangs différents. Ces articles interdisent la discrimination fondée sur la religion, la race, la caste, le sexe et le lieu de naissance, et garantissent l’égalité des chances pour tous les citoyens en matière d’emploi ou de désignation à tout poste de la fonction publique. La discrimination positive s’étend aux catégories de citoyens qui accusent un retard social et éducationnel, aux castes et tribus répertoriées. Le Gouvernement de l’Union et plusieurs États pratiquent la discrimination positive et l’action positive dans ce domaine. Ces programmes et politiques ne doivent pas être déraisonnables ni arbitraires, et ne doivent pas léser d’autres intérêts publics vitaux ni le bien général.

6.La Constitution a aboli l’intouchabilité et sa pratique est interdite sous toutes ses formes. Les tribunaux d’Inde sont compétents pour traiter la question de la discrimination et le système judiciaire s’efforce constamment d’assurer la justice sociale, d’être réceptif aux objectifs d’égalité des chances et de statut, énoncés dans la Constitution, et de remédier aux doléances des pauvres, des opprimés et des défavorisés. La Cour suprême a déclaré que le contrôle judiciaire, l’État de droit et l’égalité font partie de la structure fondamentale de la Constitution indienne et ne peuvent être ni modifiés ni abrogés.

7.En réponse à la première question de la liste présentée par le Rapporteur de pays (document sans cote), il dit que son Gouvernement ne doute pas que la signification habituelle de l’expression «discrimination raciale» n’inclut pas la caste. Il est généralement admis que le système indien des castes n’a rien de racial au départ. La caste est une institution spécifique à l’Inde et n’a pas été prise en considération par ceux qui ont rédigé la Convention. Le Comité a posé, pour la première fois, la question de la discrimination fondée sur la caste dans le cadre de la notion de discrimination basée sur l’ascendance, plus de 30 ans après sa mise en place. Le terme «ascendance» a une signification précise dans la Constitution indienne et a trait à la discrimination dans la fonction publique.

8.S’agissant de la proposition de l’Inde d’inclure le mot «ascendance» dans les motifs d’interdiction de discrimination pendant les travaux préparatoires de la Convention, il dit que rien dans cette proposition n’étaie l’affirmation que le mot «ascendance» était destiné à comprendre la caste comme forme de discrimination raciale. La préoccupation première de son Gouvernement pendant ce temps portait sur l’usage des termes «origine nationale». Il convient de ne pas sortir de leur contexte les observations et les discours prononcés à l’époque. La proposition du Gouvernement d’inclure le terme «ascendance» se fonde sur des inquiétudes concernant le traitement discriminatoire à l’égard des Indiens dans leur propre pays à l’époque coloniale et des personnes d’ascendance indienne dans les pays où ils se sont installés en grand nombre.

9.Plusieurs dispositions constitutionnelles font spécifiquement référence aux castes et tribus répertoriées. L’incapacité électorale fondée sur la caste est interdite et des sièges sont réservés aux membres des castes et tribus répertoriées dans les assemblées législatives de l’Union et des États. En vertu de la Constitution, les membres des castes et tribus répertoriées doivent être pris en considération lors des désignations aux postes et fonctions dans les affaires de l’Union ou d’un État. La Commission nationale des castes répertoriées et la Commission nationale des tribus répertoriées ont été instaurées en vertu de la Constitution. Les dispositions constitutionnelles déclarent que l’Union de l’Inde a une responsabilité particulière concernant le bien-être des territoires et tribus répertoriés. Son Gouvernement n’a pas l’intention de changer sa position selon laquelle les castes ne doivent pas être incluses dans la discussion sur la discrimination raciale.

10.M. GUPTA (Inde) énonce les raisons sociologiques pour lesquelles il ne faut pas confondre la caste et la race, l’une d’entre elles étant que les deux concepts ont des origines différentes. La discrimination fondée sur la caste est totalement différente de la discrimination fondée sur la race. La caste et la race sont toutes deux des notions sociologiques – et non scientifiques. La raison en est, premièrement, qu’il y a une ressemblance phénotypique entre les membres de différentes castes, alors qu’il n’y en a pas – ou il n’est pas censé y en avoir – entre différentes races. Il est difficile de distinguer les membres des castes supérieures et inférieures.

11.On pense que les membres des castes diffèrent les uns des autres par certaines substances mystérieuses codées, invisibles et impossibles à comprendre, raison pour laquelle les gens de différentes castes ne se mélangent pas, de façon à éviter de mélanger leurs substances et d’occasionner une «pollution». Toutes les castes observent ce principe. Néanmoins, le principe selon lequel les brahmanes sont inattaquables et sans rivaux au sommet de la hiérarchie est erroné. En fait, des preuves empiriques montrent que les distinctions entre les castes et les races augmentent. Ainsi, il n’est pas vrai qu’une seule caste exploite toutes les autres. Toutes les castes – hautes ou basses – ont mauvaise opinion des autres. Aucune caste n’admet se composer de substances de base. Il est incorrect de croire qu’une idéologie domine tout le monde et que tous les membres de la caste acquiescent ou que les membres des castes inférieures participent à leur propre asservissement. Les membres de l’ordre des castes croient que s’ils se trouvent dans les castes inférieures à un moment donné, c’est le fait du hasard, d’une supercherie, de guerres ou des dieux vengeurs indiens.

12.Les castes ne peuvent pas être distinguées en termes de blocs: ce sont des groupes locaux, reconnus dans un rayon de 200 miles, très morcelés et obsédés par des différences minimes. Le prétendu système à quatre castes – brahmanes, guerriers, commerçants et intouchables – est un mythe qui n’existe pas en réalité. Ce qui existe, ce sont de petits groupes de caste qui identifient les personnes qui en font partie et édictent des règles de conduite et d’interaction avec les autres.

13.La caste ne peut pas être considérée comme une ascendance, qui suppose des caractéristiques généalogiquement démontrables. Les personnes d’une même caste ont de nombreuses ascendances et ne peuvent pas se marier entre elles: elles doivent sortir de leur propre lignage. Plus la caste est riche et puissante, plus loin ses membres choisissent leurs conjoints.

14.L’Inde est parvenue à abolir légalement les castes bien avant beaucoup d’autres États nations indépendants. Il lui reste aujourd’hui à tourner la page des castes. L’action positive aux États-Unis, par exemple, est différente des politiques contre la discrimination fondée sur les castes, parce qu’elle ne comporte pas de quotas, ce qui est le cas en Inde. En effet, le système de quotas indien – qui réserve un certain nombre de sièges au Parlement, dans les Départements ministériels et autres institutions, aux catégories de citoyens qui accusent un retard social et éducationnel, ainsi qu’aux castes et tribus répertoriées sous-représentées – vise non à assurer la représentation de différentes races, couleurs ou communautés au sein des organismes publics, mais à éradiquer les castes. Les castes répertoriées, connues également sous le nom de Dalits, et les tribus répertoriées, connues également sous le nom d’Adivasis, sont considérées comme des «parias» et font l’objet de discrimination.

15.Bien que l’Inde doive encore lutter contre les préjugés de caste des citoyens, la politique publique a atteint des résultats impressionnants. Ainsi, la pauvreté, l’anémie ou la malnutrition ne touchent plus aujourd’hui les castes répertoriées – traditionnellement les Indiens les plus pauvres – davantage que les autres ressortissants. Le système des quotas a augmenté le nombre de membres des castes répertoriées aux postes de niveau A de l’administration indienne, de moins de 1 % lors de l’indépendance à 12,2 % en 2002 (par rapport à 15 % pour la population totale). Leur taux d’alphabétisation a progressé pour atteindre 74 %, au lieu de 66 % pour le reste de la population.

16.M. SICILIANOS, Rapporteur de pays, dit que le Comité a conscience que le fait que des gens réputés appartenir à des castes différentes en Inde ou ailleurs ne constituent pas des groupes qu’il est possible de distinguer du reste de la population en fonction de caractéristiques raciales. Il est d’avis, cependant, que la situation des tribus et castes relève de la Convention. En fait, le champ d’application de la Convention est mieux représenté par le titre de la conférence de Durban: «Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée».

17.Dans sa recommandation générale XXIX, le Comité dit que «l’ascendance», au premier paragraphe de l’article premier de la Convention ne fait pas référence uniquement à la «race», mais possède une signification et une application qui complètent les autres bases interdites de discrimination et que la discrimination fondée sur l’«ascendance» comprend la discrimination contre les membres de communautés basées sur des formes de stratification sociale, comme le système des castes et autres systèmes analogues de statut hérité, qui invalide ou entrave la jouissance égale des droits de l’homme.

18.Bien que le Comité sache que la Constitution indienne et la législation ont aboli le système de castes et la discrimination connexe, et que le Gouvernement a pris des mesures importantes d’action positive, en pratique, cette discrimination basée sur l’ascendance existe toujours. La Commission nationale des droits de l’homme déplore la persistance des pratiques suivantes contre les Dalits, largement documentées par les ONG, les organes conventionnels des Nations Unies et autres institutions internationales: châtiment extrajudiciaire du mariage inter-castes, notamment par lynchage ou viol des couples ou de leurs parents; collecte et fouille manuelle des déchets, avec répercussions graves pour la santé des Dalits (anémie, diarrhée, maladies cutanées et respiratoires, trachome); différentes formes de double discrimination contre les femmes dalits, notamment la prostitution forcée, appelée «devadasis» (prostitution divine); la pratique de l'«intouchabilité», qui donne lieu à une ségrégation de fait en termes d’accès à l’eau, au logement, à l’éducation, à l’emploi dans la fonction publique ou à la propriété; déplacement sans dédommagement; discrimination de fait en matière d’exercice des droits politiques, malgré les quotas instaurés par la loi; abus policiers ou absence de protection des Dalits contre le pillage, les agressions sexuelles, le viol ou autres traitements inhumains. Le Comité voudrait en savoir davantage concernant les mesures prises pour mettre en application les recommandations de la Commission nationale de police et les directives de la Cour suprême, en particulier en ce qui concerne la protection des Dalits contre la torture.

19.D’après des informations de différentes sources, il semble y avoir en Inde une nette tendance à l’impunité de la police ou d’autres agents de l’État en cas d’abus allégués contre les Dalits et les communautés dalits ont toujours du mal à accéder à la justice et faire valoir leur droit à réparation. Les communautés dalits ont également fait l’objet de discrimination pendant les phases d’urgence, de secours et de réhabilitation, à la suite du tsunami, comme l’indique le rapport «Making things worse: how ‘caste blindness’ in Indian post-tsunami disaster recovery has exacerbated vulnerability et exclusion» [Pour aggraver les choses, ‘l’aveuglement de caste’ a exacerbé la vulnérabilité et l’exclusion après le tsunami en Inde].

20.En vue de réduire la disparité entre les dispositions constitutionnelles contre la discrimination fondée sur la caste et leur mise en application pratique, l’État partie a-t-il l’intention d’agir en fonction des recommandations du rapport 2004 de la Commission nationale des droits de l’homme en ce qui concerne les atrocités contre les castes répertoriées?

21.Le 27 décembre 2006, à la Conférence internationale sur la minorité dalit à New Delhi, le Premier Ministre indien a fait une déclaration historique: «les Dalits sont confrontés à une discrimination unique dans notre société, fondamentalement différente des problèmes des groupes minoritaires en général. Le seul point de comparaison avec la pratique de l’intouchabilité est l’apartheid en Afrique du Sud. L’intouchabilité n’est pas simplement une discrimination sociale, c’est une honte pour l’humanité». Vu cette déclaration du plus haut dignitaire de l’Inde, la position de la délégation indienne semble tout à fait intenable.

22.En ce qui concerne les 80 millions de personnes autochtones et des tribus, principalement les Adivasis, il semble ne pas y avoir de critères précis pour définir les tribus répertoriées, ce qui exclut de nombreux groupes des bénéfices des divers programmes ou mesures spéciales qui leur sont destinés. En outre, d’après les informations dont le Comité dispose, les peuples autochtones ou tribaux n’ont pas accès à un traitement égal devant les tribunaux et autres organes de justice, pour plusieurs raisons dont l’application discriminatoire du Code de procédure pénale, la qualification de certaines tribus de «criminels-nés» au titre de la loi sur les délinquants habituels de 1952, le manque de séparation du pouvoir judiciaire dans certains États tribaux comme l’Arunachal Pradesh et le Mizoram, l’impunité accordée aux forces de sécurité en vertu de plusieurs lois.

23.Le Comité s’inquiète en particulier de l’impunité accordée aux forces de sécurité au titre de la loi de 1958 sur les forces armées (pouvoirs spéciaux), applicable dans les situations de conflit interne dans les régions habitées par les peuples autochtones et tribaux. Le 1er octobre 2006, le Comité a reçu une demande de décision au titre des mesures d’alerte précoce et des procédures d’urgence dénonçant la discrimination systématique et autres violations des droits de l’homme contre les peuples autochtones dans le cadre de la loi de 1958 et la construction imminente de 168 barrages dans l’ensemble des territoires autochtones du nord-est du pays. La requête soulignait la persistance de violations systématiques et largement répandues de diverses dispositions de la Convention et demandait une action urgente en réponse à l’escalade de la haine et de la violence contre les peuples autochtones. Il invite la délégation à commenter ces allégations, en vue de guider le Comité dans sa décision en la matière.

24.Le Comité s’inquiète des rapports selon lesquels la religion Sarna des Adivasis n’est pas formellement reconnue et que certains intégristes hindous s’activent ouvertement à reconvertir les peuples tribaux et autochtones. Les rapports selon lesquels quelque 23 000 enfants meurent chaque année de privations dans les régions tribales du Maharashtra sont inquiétants également.

25.La création de la Commission nationale des tribus répertoriées est louable, mais le bruit court qu’elle manque cruellement de personnel. Il voudrait des informations complémentaires sur son indépendance et l’attribution de ressources.

26.La générosité de l’État partie, qui accueille de nombreux réfugiés, est digne de louange. Toutefois, la délégation devrait expliquer pourquoi il n’a pas adhéré à la Convention de 1951 sur le statut des réfugiés ni adopté une législation nationale pertinente. La loi de 1946 sur les étrangers, qui régit actuellement le traitement des réfugiés, contient des exigences rigoureuses et ne fait aucune distinction entre les réfugiés et autres étrangers. À cet égard, il voudrait des informations concernant la situation des réfugiés du Myanmar qui, dit-on, ne bénéficient d’aucune aide publique.

27.Mme DAH dit que l’Inde est un pays de contrastes, voire de contradictions, et sert de référence à de nombreuses nations en développement. Pour les pays qui ont des systèmes comparables de stratification sociale, il peut être décevant d’apprendre que l’Inde considère que la discrimination fondée sur la caste ne relève pas de la Convention. Toutefois, la reconnaissance dans le rapport que le système de castes est source de discrimination peut servir de base à un débat.

28.Les programmes et politiques mentionnés dans le rapport, destinés à combler l’écart entre les membres des tribus répertoriées et des castes répertoriées et les autres citoyens sont louables. Mais dans la mesure où 166,6 millions de personnes appartiennent aux castes répertoriées et 84,3 millions aux tribus répertoriées, elle n’est pas certaine que les ressources attribuées suffisent pour assurer l’efficacité de ces mesures. Elle demande si une personne peut quitter une caste dans le courant de sa vie et, dans l’affirmative, par quel moyen.

29.Félicitant l’État partie pour la mise en place de mécanismes de règlement à l’amiable des petits litiges, elle demande s’il est envisageable d’universaliser ce système ou d’introduire des systèmes complémentaires de justice traditionnelle en vue d’accélérer le traitement des cas et de rapprocher la justice des populations.

30.Il est quelque peu surprenant qu’aucune des 70 000 plaintes examinées par la Commission nationale des droits de l’homme depuis son instauration en 1993 ne porte sur la discrimination raciale et elle demande à la délégation d’expliquer ce fait.

31.M. CALI TZAY demande des informations complémentaires concernant les Dalits, en particulier leur droit à la terre. Il se dit inquiet de l’autoségrégation signalée des familles dalits pour éviter la discrimination dans les abris après le tsunami. Les rapports selon lesquels les parents des castes dominantes interdisent à leurs enfants de partager les repas scolaires préparés par des cuisiniers dalits et font pression pour leur licenciement sont tout aussi inquiétants. Les deux actions indiquent que la discrimination dont les Dalits font l’objet est profondément ancrée dans la société.

32.Il demande quelles mesures l’État partie a prises pour mettre en application la recommandation antérieure du Comité visant à revoir les pouvoirs spéciaux attribués aux membres des forces armées et à abroger la loi sur les forces armées (pouvoirs spéciaux).

33.M. YUTZIS reconnaît que la race est un concept controversé, vague et idéologique, qui dénote des différences entre les peuples et peut ne pas s’appliquer aux castes. Il soutient néanmoins l’avis que le Comité est compétent pour traiter les questions liées aux castes en tant que manifestations de discrimination fondée sur l’ascendance au sens de l’article premier de la Convention. Une étude effectuée par le fondateur d’ATD Quart-Monde révèle que l’exclusion sociale qui affecte certaines familles ou groupes date parfois du Moyen Âge et est donc étroitement liée à l’ascendance. On peut dire la même chose des systèmes de stratification sociale et il appelle l’État partie à adopter une approche plus souple pour examiner les manifestations de discrimination au titre de la Convention.

34.En l’absence de données ventilées, il est difficile d’établir la véracité des informations fournies par le Gouvernement, qui sont parfois en contraste flagrant avec les rapports des ONG. Dans son prochain rapport, l’État partie devrait fournir des données ventilées par secteurs sociaux concernant le pourcentage du PIB consacré à corriger les inégalités sociales en matière de distribution de la terre, de santé et d’éducation, notamment. Il importe de garder à l’esprit que la forte croissance économique que connaît actuellement l’État partie n’est pas synonyme de développement.

35.M. THORNBERRY souligne que, indépendamment de la position de l’État partie sur l’applicabilité de la Convention à la discrimination fondée sur les castes, la compétence du Comité ne peut être niée en ce qui concerne les questions relatives aux peuples autochtones et tribaux. Il est regrettable dès lors que le rapport ne fournisse pas d’informations pertinentes. Il s’enquiert de savoir quelles mesures sont prises pour reconnaître le droit à la propriété collective des terres traditionnelles, comme stipulé dans la Convention n° 107 de l’Organisatiion internationale du Travail concernant la protection et l’intégration des populations aborigènes et autres populations tribales et semi-tribales dans les pays indépendants, à laquelle l’Inde est partie. En ce qui concerne la loi sur les tribus répertoriées et autres habitants des forêts (reconnaissance des droits forestiers) de 2005, en attente d’approbation présidentielle, il craint que l’inclusion d’autres habitants des forêts dans le texte ne dilue la protection accordée aux populations tribales. À cet égard, il s’enquiert des critères utilisés pour identifier les membres des groupes tribaux.

36.L’argument selon lequel il ne faut pas confondre la caste et la race n’a pas vraiment de raison d’être, dans la mesure où la discrimination raciale au sens de l’article premier de la Convention comprend la discrimination basée sur l’ascendance. En droit international, une interprétation évolutive des termes est pratique courante. Au fil du temps, le Comité a développé une large interprétation du terme «ascendance» et est d’avis que la formulation de la Convention englobe la notion de discrimination fondée sur la caste. Il importe de garder à l’esprit l’objectif principal d’examiner la discrimination raciale pratiquée par les institutions, les individus ou les organisations – c’est-à-dire entamer la réflexion et le dialogue publics, pour s’attaquer à des schémas de discrimination sociale profondément ancrés.

37.M. VALENCIA RODRÍGUEZ exhorte le Gouvernement à examiner plus avant les réflexions du Comité sur l’étendue du terme «caste», sur la base de l’article premier de la Convention et éclaircies dans sa recommandation générale XXIX. Il désire savoir dans quelle mesure le Gouvernement a mis en application les recommandations faites par la Commission nationale des droits de l’homme. Des mesures importantes ont été prises pour améliorer l’éducation et la santé dans l’État partie, mais il serait utile de savoir quelles mesures supplémentaires le Gouvernement prévoit de prendre pour poursuivre sa politique de réduction de la pauvreté. Le Comité voudrait des informations actualisées concernant la progression du Programme national d’amélioration des bidonvilles. Il demande des statistiques relatives à la représentation des groupes minoritaires dans les principaux organes publics nationaux et régionaux. Il voudrait des informations complémentaires sur toute limitation du droit des membres des groupes ethniques de contracter des mariages mixtes, avec des conjoints d’autres groupes ethniques ou des étrangers. Il demande si les enfants d’un citoyen indien, qui a épousé un étranger (une étrangère) a automatiquement droit à la nationalité indienne.

38.M. PROSPER demande si les Dalits peuvent éventuellement devenir un groupe ethnique. Dans la mesure où l’appartenance ethnique est une notion subjective, ils pourraient s’identifier en tant que tels ou être considérés comme tels par d’autres, en fonction de leur culture ou de leurs caractéristiques communes. Il aimerait avoir l’avis de la délégation à ce sujet.

39.Le Comité a reçu de nombreux rapports concernant la violence sexuelle contre les femmes dalits. Ils sont préoccupants à la fois en termes de mode opératoire et d’ampleur des délits concernés. Il demande ce que le Gouvernement fait dans le domaine juridique ou au-delà de la législation pour protéger ce groupe vulnérable. Il désire savoir si de quelconques campagnes ont été lancées pour sensibiliser le public à l’ampleur du préjudice causé par le viol systématique de ces femmes, pour apprendre aux victimes et aux personnes vulnérables leurs droits et leurs recours pour se protéger et être protégées, ou aider les victimes à faire face aux traumatismes et aux problèmes médicaux qui en résultent. Il serait utile également d’entendre parler de toute campagne visant à informer la population, en particulier les auteurs ou auteurs potentiels de ces délits, des conséquences de leurs actes. Il se demande si le Gouvernement prévoit de mettre en place une équipe spéciale pour mettre fin à ces méfaits. Y a-t-il eu des poursuites visibles, même symboliques, pour envoyer un message clair que l’État de droit sera appliqué et est déterminant? Il serait intéressant de savoir si le Gouvernement prévoit d’adopter un règlement de preuve sensible aux victimes, afin de faciliter ces poursuites ou de créer une chambre spéciale axée sur cette question.

40.M. LINDGREN ALVES dit que, étant donné l’insistance de l’Inde en 1965 pour inclure le terme «ascendance» dans la liste des causes de discrimination de l’article premier de la Convention, il est difficile de comprendre pourquoi le Gouvernement est aujourd’hui si intransigeant dans son refus de considérer toute référence au terme de caste comme synonyme de race. Il désire savoir quand et pourquoi le Gouvernement a changé d’avis au sujet des castes.

41.La signification des termes «harmonie» et «désaccord» dans le rapport périodique n’est pas claire. Il se demande s’il faut entendre que les Dalits n’ont pas le droit de lutter pour améliorer leur situation.

42.Il convient d’éclaircir le fait que la ségrégation raciale est un acte passible de la peine de mort.

43.M. AVTONOMOV observe que le Gouvernement prend de nombreuses mesures pour éliminer la discrimination résultant du système de castes et il est donc difficile de comprendre pourquoi l’Inde refuse d’examiner l’élimination de la discrimination résultant de ce système dans son ensemble. La Convention ne porte pas uniquement sur la notion de race, qui a nettement changé au cours de ces 200 dernières années. L’ascendance et la caste ne sont pas une seule et même notion, mais les enfants naissent dans la caste de leurs parents et ces questions sont donc clairement liées.

44.Il demande des informations complémentaires sur le projet prévu par le Gouvernement concernant les peuples autochtones et tribaux. Il serait utile de savoir comment ces groupes sont définis en Inde. La délégation devrait indiquer si le Gouvernement a l’intention de ratifier l’amendement de l’article 8 de la Convention et s’il fera une déclaration au titre de l’article 14.

45.M. TANG Chengyuan dit que la question de la caste et de la race n’est pas un problème conceptuel. Il pose une vraie question de discrimination, en particulier contre les Dalits. Il est possible de résoudre certains problèmes par des mesures éducatives, mais d’autres requièrent des amendements législatifs.

46.M. EWOMSAN dit que la notion de caste est un phénomène sociologique, mais il n’est pas neutre. Même le racisme peut s’expliquer avec des arguments scientifiques. La notion de caste équivaut à la discrimination. Il soutient les arguments avancés par M. Sicilianos.

47.Mme JANUARY-BARDILL s’associe à la description par Mme Dah de l’Inde comme un pays dynamique que l’on ne peut ignorer. En tant que Sud-Africaine, elle désire tisser des liens plus étroits avec l’Inde, mais aussi avec le Brésil, pour promouvoir les intérêts du Sud. Dans ce contexte, elle salue l’insistance de la délégation sur la fraternité dans le respect des droits de l’homme.

48.Elle ne comprend pas pourquoi, si l’Inde s’engage vraiment sur la voie de la cohésion sociale et veut éliminer la bigoterie et les préjugés, elle considère la Convention comme une menace plutôt qu’une occasion de remettre en question le système de castes. Elle demande si le Gouvernement ne peut pas utiliser la Convention comme un outil pour contribuer au projet de fraternité destiné à construire une citoyenneté matérielle.

49.Elle demande au Gouvernement de tenir compte de la recommandation générale XXV du Comité sur les dimensions sexospécifiques de la discrimination raciale, dans son analyse des problèmes auxquels sont confrontées les femmes dalits pour son prochain rapport.

50.L’affirmation du présent rapport selon laquelle il n’y a pas de discrimination en Inde n’est pas crédible. La discrimination n’est pas intégrée dans la loi, mais la pratique sociale a des effets discriminatoires. Elle exhorte le Gouvernement à réexaminer cette question en vue de permettre un dialogue plus constructif avec le Comité à l’avenir.

La séance est levée à 18 h 05.

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