NATIONS UNIES

CERD

Convention internationale

sur l’élimination

de toutes les formes

de discrimination raciale

Distr.GÉNÉRALE

CERD/C/SR.182317 août 2007

Original: FRANÇAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE

Soixante et onzième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1823e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le jeudi 2 août 2007, à 15 heures

Président: M. de GOUTTES

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (suite)

Deuxième à quatrième rapports périodiques du Kirghizistan

La séance est ouverte à 15 h 20.

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (point 4 de l’ordre du jour) (suite)

Deuxième à quatrième rapports périodiques du Kirghizistan (CERD/C/KGZ/4; HRI/CORE/1/Add.101) liste des points à traiter (document sans cote distribué en séance, en anglais seulement)

1. Sur l’invitation du Président, la délégation kirghize prend place à la table du Comité.

2.M. DJUMALIEV (Kirghizistan), se félicitant de ce que la liste des points à traiter est parvenue suffisamment tôt aux autorités kirghizes pour qu’elles puissent préparer ses réponses, indique que la présentation orale du rapport consistera essentiellement à répondre aux questions figurant dans ce document. Il signale par ailleurs, qu’en avril 2007, la Haut‑Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme a effectué une visite au Kirghizistan à l’issue de laquelle un mémorandum d’accord a été signé en vue de la création d’un bureau régional du Haut‑Commissariat dans le pays. Actuellement, ce mémorandum est examiné par le Parlement aux fins de son approbation. En outre, un séminaire a été organisé tout récemment sur l’application des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, auquel des représentants de tous les ministères et départements concernés ont participé.

3.M. Djumaliev précise que les rapports relatifs à l’application par le Kirghizistan des instruments relatifs aux droits de l’homme sont soumis non seulement aux organes de suivi des traités de l’Organisation des Nations Unies, mais aussi au Parlement, ce qui signifie que ce dernier contrôle la manière dont le Gouvernement veille au respect des obligations internationales contractées par le Kirghizistan en matière de droits de l’homme.

4.Répondant à la question 1 de la liste des points à traiter, dans laquelle les autorités kirghizes sont priées d’indiquer si les dispositions du deuxième chapitre de la Constitution kirghize s’appliquent aux non‑ressortissants, compte tenu de la recommandation générale XXX du Comité concernant la discrimination contre les non‑ressortissants, M. Djumaliev indique que, conformément à l’article 3 de la loi sur la situation juridique des étrangers vivant au Kirghizistan, les non‑ressortissants sont égaux devant la loi indépendamment de critères tels que l’origine raciale ou ethnique, la religion, le sexe, la situation sociale ou financière ou le niveau d’instruction. Les étrangers qui souhaitent s’établir de façon temporaire ou permanente dans le pays doivent se faire délivrer un permis de séjour par les services du Ministère de l’intérieur et ceux qui sont des réfugiés ayant fui leur pays pour des raisons politiques ou autres peuvent demander l’asile, la décision finale en cette matière revenant au Président de la République.

5.Les non‑ressortissants qui ont un permis de séjour permanent sont autorisés à exercer une activité professionnelle dans les mêmes conditions que les Kirghizes. Les étrangers qui ont un titre de séjour temporaire ont le droit de travailler, pour autant que leur activité soit compatible avec la durée de leur permis ou s’ils ont reçu une autorisation spéciale du Ministère de l’intérieur. Conformément à la loi, les non‑ressortissants ne peuvent occuper certaines fonctions qui, de par leur nature, sont réservées aux ressortissants kirghizes.

6.La législation interne protège les droits personnels des non‑ressortissants, notamment ceux liés à l’intangibilité de la personne, l’inviolabilité du domicile et la liberté de circuler. Un étranger ne peut se voir imposer des restrictions à sa liberté de circuler et de choix sur son lieu de résidence que si la sécurité de l’État, la santé et la moralité publiques ou les droits et les intérêts de la population sont menacés. Enfin, les dispositions de la loi sur la situation juridique des étrangers s’appliquent également aux apatrides, à moins que la législation nationale n’en dispose autrement.

7.Concernant la question 2 de la liste des points à traiter, qui porte sur l’application directe de la Convention par les tribunaux kirghizes, M. Djumaliev indique que l’alinéa 3 de l’article 12 de la Constitution prévoit que les instruments internationaux auxquels le Kirghizistan a adhéré et les normes et principes du droit international universellement reconnus font partie intégrante du droit interne. Toutefois, il n’est pas en mesure de citer des exemples d’application directe de ces instruments par la justice kirghize, ce cas ne s’étant pas encore présenté.

8.En réponse à la question 3 de la liste des points à traiter, qui concerne l’incorporation de la définition de la discrimination raciale dans la législation nationale, M. Djumaliev indique que, comme les instruments internationaux font partie intégrante du droit interne, ce dernier ne comporte pas d’autre définition de la discrimination raciale que celle prévue à l’article premier de la Convention.

9.Abordant le groupe de questions de la liste des points à traiter consacrées à l’article 2 de la Convention, M. Djumaliev indique, en réponse à la question 4 relative à l’adoption par le Kirghizistan d’une loi sur la prévention de la discrimination donnant effet aux dispositions du paragraphe 1 de l’article 2 et de l’article 13 de la Convention, que le Gouvernement kirghize considère que la législation en vigueur contient suffisamment de garanties pour prévenir la discrimination et que, par conséquent, l’adoption d’une loi complémentaire dans ce domaine n’est pas nécessaire.

10.Concernant la question 5 de la liste des points à traiter, qui porte sur les compétences respectives de la Commission nationale des droits de l’homme et du Médiateur, M. Djumaliev indique que les activités de ces deux institutions ne se chevauchent pas et sont en fait complémentaires. La Commission des droits de l’homme a un rôle essentiellement consultatif et est chargée notamment d’aider le chef de l’État à assumer son rôle en matière de protection des droits de l’homme, de contribuer à mettre en conformité la législation nationale relative aux droits de l’homme avec la Constitution et les instruments internationaux pertinents et d’informer la population de ses droits. En outre, elle examine les plaintes des particuliers, coordonne l’élaboration et l’exécution du plan d’action national relatif au renforcement des mécanismes de protection des droits de l’homme, participe à l’élaboration des rapports destinés aux organes de suivi des traités des Nations Unies et de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), assure le suivi des activités des organes de l’État chargés de la protection des droits de l’homme, formule des recommandations à l’intention du Président de la République concernant l’amélioration des mécanismes de protection des droits de l’homme.

11.Conformément à l’article premier de la loi sur le Médiateur, ce dernier a pour tâche de surveiller la bonne application des droits et libertés garantis par la Constitution sur l’ensemble du territoire national et, en vertu de l’article 3 de ladite loi, d’assurer la protection des droits et libertés individuels énoncés dans la Constitution et les instruments internationaux auxquels le Kirghizistan est partie, de prévenir les violations de ces droits et libertés, de participer aux travaux d’harmonisation de la législation nationale avec la Constitution et les normes internationales et de promouvoir le renforcement de la coopération avec les organisations internationales dans le domaine des droits de l’homme. De plus, l’article 10 de ladite loi habilite le Médiateur à recevoir les plaintes présentées par les citoyens kirghizes, les étrangers ou les apatrides vivant dans le pays ou leurs représentants contre des fonctionnaires de l’administration publique ou d’autres personnes. Le Médiateur est également habilité à recevoir des plaintes présentées directement par le Parlement ou par son entremise. Il décide en toute indépendance d’ouvrir des enquêtes et, le cas échéant, demande à l’organe ou au fonctionnaire mis en cause de répondre par écrit dans les quinze jours aux accusations portées contre lui.

12.Répondant à la question 6 de la liste des points à traiter, tendant à obtenir des exemples des activités menées par l’Assemblée du peuple du Kirghizistan (par. 35 du rapport) dans le domaine de la promotion de la tolérance interethnique, M. Djumaliev rappelle que cette institution a notamment pour objectifs de promouvoir les droits des minorités ethniques et la préservation de leur langue, de leurs coutumes et traditions, de favoriser le développement de la société civile et d’une culture du dialogue au sein de la société et de prévenir l’incitation à la haine raciale ou religieuse. Chaque année, l’Assemblée du peuple du Kirghizistan organise toute une série de manifestations, dont le kouroultaï (Conseil national) du peuple (rapport, par. 33) et des fêtes populaires tendant à favoriser la paix et la tolérance entre les divers groupes ethniques du pays. Au cours de la cinquième session du kouroultaï, tenue en été 2006, le Président de la République, M. Bakiev, a été nommé Président de l’Assemblée du peuple, qui est donc désormais placée sous la supervision directe du chef de l’État.

13.M. NASIZA (Kirghizistan), abordant les questions consacrées à l’article 4 de la Convention, rappelle que le Comité a demandé dans la question 7 pourquoi l’article 9 de la Constitution de 2003, qui prévoit l’interdiction de l’incitation à la haine interethnique, n’a pas été maintenu dans la Constitution de 2006. M. Nasiza précise que la Constitution en vigueur au Kirghizistan n’est pas celle de 2006 mais une nouvelle version promulguée en 2007, et que les dispositions de cette dernière interdisent expressément la discrimination sous quelque forme que ce soit et consacrent l’égalité de tous les citoyens devant la loi.

14.Répondant à la question 8, dans laquelle des renseignements sont demandés sur l’application des articles 134 et 299 du Code pénal, M. Nasiza précise que les auteurs de violations de l’article 134 dudit Code peuvent être condamnés à verser des dommages et intérêts ou à deux ans de travaux dans une colonie de rééducation par le travail ou à deux ans de prison, s’il s’agit d’un agent de l’État. À ce jour, il n’y a eu aucune affaire dans laquelle ledit article aurait été appliqué.

15.S’agissant de l’article 299 du Code pénal (incitation à la haine raciale ou religieuse), dont la violation est punie par des peines allant du versement de dommages et intérêts à des peines d’emprisonnement d’une durée maximale de trois ans, M. Nasiza indique que, d’après des informations communiquées par l’administration pénitentiaire, huit personnes auraient été poursuivies et condamnées en application dudit article.

16.Concernant la question 9 de la liste des points à traiter, dans laquelle le Comité demande des exemples d’application concrète des dispositions de la loi sur les médias (par. 55 et suiv. du rapport) réprimant la diffusion de propos racistes, M. Nasiza dit que les tribunaux kirghizes n’ont pas encore eu l’occasion d’appliquer les articles pertinents de ladite loi.

17.La question 10, relative à l’application de l’article 5 de la Convention, tend à obtenir des statistiques ventilées sur les demandes d’asile ainsi que des renseignements sur les mesures prises afin de protéger les droits des requérants d’asile et d’éviter en particulier qu’ils ne soient expulsés avant la fin de la procédure les concernant. M. Nasiza explique à ce sujet la suite des événements survenus à Andijan (Ouzbékistan) au milieu du mois de mai 2005, le statut de réfugié a été accordé à 451 ressortissants ouzbeks résidant en République kirghize et refusé à quatre autres Ouzbeks frappés d’une demande d’extradition émanant du Procureur général de la République. Après avoir examiné leur dossier, la Commission des migrations a rejeté la demande d’asile de ces quatre personnes au motif qu’elles étaient poursuivies dans leur pays pour des faits indépendants des événements d’Andijan. L’une d’entre elles avait en effet été condamnée pour trafic de stupéfiants et s’était évadée de prison lors des événements tandis qu’une autre était suspectée d’avoir assassiné le Procureur de la ville d’Andijan. Après une série de recours, la Cour suprême a entériné en dernier ressort la décision de la Commission des migrations, suite à quoi les personnes concernées ont été extradées en août 2006. Le Ministère de l’intérieur du Kirghizistan avait au préalable obtenu des autorités ouzbèkes l’assurance que ces personnes auraient le droit d’être assistées par un avocat. Les enquêtes relatives à ces quatre affaires sont désormais achevées et les jugements devraient être prononcés prochainement.

18.En réponse à la question 12 de la liste des points à traiter relative aux mesures prises par l’État pour améliorer les relations et faciliter le dialogue entre les communautés kirghize et doungane, notamment après les émeutes de février 2006 à Iskra, M. Nasiza indique que des assemblées de l’amitié ont été créées dans les villages où ces deux communautés coexistent. Par ailleurs, une commission d’enquête créée à la suite des émeutes et composée de deux représentants de chacune des nationalités concernées a révélé que les troubles avaient été le fait de jeunes des deux communautés et ne pouvaient être qualifiés d’affrontements interethniques.

19.En réponse à la question 13 relative aux mesures prises pour garantir une représentation équitable des minorités ethniques au Parlement, au Gouvernement et dans l’administration, M. Nasiza indique en outre que 11 % des parlementaires sont ouzbeks. Il indique également que la représentation des minorités est garantie par l’article 3 de la loi électorale, en vertu duquel toute personne âgée de 18 ans ou plus a le droit de voter et d’être élue, indépendamment de sa race, de sa nationalité, de ses convictions politiques, religieuses ou autres.

20.Pour répondre à la question 14, M. Nasiza dit que la délégation ne dispose pas de statistiques actualisées sur le pourcentage de mariages interethniques et ne peut donc ni confirmer ni infirmer les informations parvenues au Comité, selon lesquelles le nombre de mariages de ce type serait en diminution. Le Kirghizistan fournira au Comité un complément d’information sur la question.

21.M. MURZAHALILOV (Kirghizistan) indique, en réponse à la question 15, que les activités de différents mouvements considérés comme terroristes, dont le Mouvement islamique de libération de l’islam, le parti islamique Hizb‑ut‑Tahrir (Parti de la libération) et le Mouvement islamique du Turkestan oriental ont été interdites en 2004 en vertu d’une décision de la Cour suprême. Par ailleurs, la législation antiterroriste nationale, adoptée en 2006, condamne le terrorisme sous toutes ses formes comme une menace pour la sécurité nationale et une violation flagrante des droits de l’homme.

22.La République kirghize est partie à la Convention de Shanghai pour la lutte contre le terrorisme, le séparatisme et l’extrémisme et coopère avec les États voisins que sont l’Ouzbékistan, le Tadjikistan et le Kazakhstan et avec les États de la CEI pour démanteler les réseaux de trafic d’armes et lutter contre le financement du terrorisme.

23.M. DJUMALIEV (Kirghizistan) dit, pour répondre à la question 16, que les droits consacrés à l’alinéa e de l’article 5 de la Convention, notamment le droit au travail et au logement, sont garantis à tous les citoyens kirghizes, y compris ceux qui appartiennent à une minorité nationale ou ethnique. En effet, l’article 4 de la loi du 27 juillet 1998 sur la promotion de l’emploi consacre l’égalité de tous les citoyens, sans distinction de race, d’appartenance nationale ni de langue dans l’exercice du droit au travail et du libre choix d’un métier et n’exclut ni ne privilégie aucun groupe ethnique particulier. La législation pertinente interdit toute discrimination dans l’emploi et impose de respecter le principe «À travail égal, salaire égal».

24.Quant à la protection des droits des ressortissants kirghizes ayant émigré vers des pays voisins pour y trouver du travail, qui fait l’objet de la question 17, M. Djumaliev indique qu’une Commission des migrations et de l’emploi a été créée en 2005 et chargée d’élaborer des politiques en la matière et d’anticiper les flux migratoires afin de mieux y faire face. Cette commission s’occupe également de la protection des quelque 700 000 Kirghizes travaillant à l’étranger, en particulier en Fédération de Russie et au Kazakhstan, avec lesquels le Kirghizistan a passé des accords bilatéraux pour garantir la protection des droits des travailleurs migrants. Enfin, le Kirghizistan a adhéré en avril 2003 à la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

25.En réponse à la question 18 concernant les possibilités d’emploi des réfugiés, M. Djumaliev indique qu’en vertu de la loi pertinente, les personnes qui ont le statut de réfugié peuvent être salariées, exercer une activité commerciale ou encore créer leur propre entreprise sans aucune restriction.

26.En réponse à la question 19 relative à l’utilisation des langues par les minorités ethniques, M. Djumaliev dit que les Dounganes, les Allemands, les Ouïgours et d’autres minorités ethniques publient leurs propres journaux et disposent de leurs propres écoles où l’enseignement se fait dans leur langue maternelle, et ont le droit d’émettre sur les radios et télévisions publiques. Par ailleurs, dans le but d’exclure toute discrimination liée à la langue, le Parlement a adopté le 25 mai 2000 la loi sur la langue officielle qui donne à la langue russe le statut de langue officielle et rend passible de poursuites tout fonctionnaire qui refuse d’examiner un recours déposé dans cette langue.

27.M. Djumaliev indique ensuite, pour répondre aux questions 20 et 21, que l’Institution du Médiateur n’a été saisie d’aucune plainte pour discrimination raciale depuis sa création, en 2002. En revanche, la loi pertinente prévoit la possibilité pour les victimes de discrimination raciale de saisir la justice pour obtenir réparation.

28.Pour répondre à la question 22 concernant les mesures prises par l’État partie pour atténuer les tensions entre les communautés kirghize et ouzbèke dans le sud du pays, M. Djumaliev dit que des échanges sont organisés par l’Assemblée du peuple du Kirghizistan par l’intermédiaire des centres culturels pour que chaque communauté apprenne à connaître les us et coutumes de l’autre et encourager la tolérance et la paix.

29.En réponse à la question 23 relative à la sensibilisation des membres de l’appareil judiciaire aux principes consacrés dans la Convention, M. Djumaliev dit qu’il a été mis en place en coopération avec l’OSCE et le Haut‑Commissariat aux droits de l’homme (HCDH) un programme spécial prévoyant l’organisation de séminaires et colloques à l’intention des étudiants, des enseignants et des personnels de la fonction publique sur les principes consacrés par la Convention.

30.En réponse à la question 24 sur la place de l’histoire et de la culture des différents groupes ethniques dans les manuels scolaires destinés aux élèves de l’enseignement primaire et secondaire, M. Djumaliev dit que dans le cadre du programme d’éducation pour tous, les personnes chargées de l’élaboration des manuels en question réfléchissent au moyen de sensibiliser les élèves aux différences culturelles des différents groupes de population du pays.

31.Enfin, pour répondre à la question 24, M. Djumaliev indique que son pays devrait examiner prochainement la possibilité de ratifier la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie ainsi que la Convention relative au statut des apatrides de 1954.

32.M. VALENCIA RODRIGUEZ (rapporteur pour le Kirghizistan) dit que le Kirghizistan est un pays multiethnique qui compte 90 nationalités, parmi lesquelles les Kirghizes, les Russes, les Ukrainiens et les Tatares, auxquels s’ajoutent les réfugiés et demandeurs d’asile. Il croit comprendre que 11 000 organisations non gouvernementales œuvrent dans le pays à la promotion et à la protection des droits de l’homme. Il souhaiterait obtenir des éclaircissements sur leur rôle, en particulier dans la mise en œuvre et la diffusion de la Convention.

33.Se référant aux paragraphes 11 et 12 du rapport dans lequel il est question du rôle qui incombe à la Commission nationale des droits de l’homme d’examiner les recours qui lui sont directement adressés par des citoyens pour des questions afférentes au respect des droits et libertés, M. Valencia Rodriguez voudrait savoir si celle-ci peut être saisie de plaintes pour discrimination en vertu de la Convention et si elle enquête sur les raisons qui peuvent expliquer les tensions interethniques apparemment fréquentes dans le pays. Il voudrait en outre savoir de quelle manière le décret du 14 janvier 2001 visant à améliorer la protection des droits et libertés de la personne et du citoyen a influé sur la mise en œuvre de la Convention.

34.Faisant référence au paragraphe 36 du rapport, M. Valencia Rodriguez juge qu’il conviendrait que l’Assemblée du peuple du Kirghizistan veille, dans le cadre de son rôle consultatif auprès de la présidence pour tout ce qui touche les relations interethniques et les politiques concernant les nationalités, à ce que soient appliquées les dispositions pertinentes de la Convention.

35.En outre, M. Valencia Rodriguez aimerait savoir si les conclusions et recommandations issues des séminaires organisés en 1996 et 1997 conjointement par l’Assemblée du peuple, le HCDH et l’OSCE sur les minorités nationales, ont été largement diffusées dans la population et surtout à tous les groupes ethniques et quels ont été les résultats concrets de ces efforts sur le renforcement de la concorde interethnique et la promotion des droits des groupes ethniques.

36.M. Valencia Rodriguez demande un complément d’information sur la nature des lois envisagées consacrant le principe de non-discrimination, et souhaiterait savoir à quel stade en est leur élaboration. De plus, M. Valencia Rodriguez apprécierait de recevoir des informations détaillées sur la mise en œuvre de diverses dispositions nationales, telles que l’article 18 de la Constitution, la loi sur les médias, la loi sur les garanties et la liberté d’accès à l’information, et les articles 134 et 299 du Code pénal, qui ont des rapports avec l’application de l’article 4 de la Convention. À ce sujet, il aimerait recevoir des explications supplémentaires sur la portée de l’article 3 de la loi sur les associations compte tenu des fins de l’alinéa b de l’article 4 de la Convention.

37.M. Valencia Rodriguez voudrait savoir si les travailleurs étrangers, les réfugiés et les demandeurs d’asile jouissent du droit d’adhérer aux syndicats dans des conditions d’égalité avec les citoyens kirghizes. Il demande quel jugement a été rendu, suite à l’appel interjeté par quatre citoyens ouzbeks auprès du tribunal interarrondissements de Bichkek (par. 128 du rapport). Notant que le taux de chômage atteint 18 %, le rapporteur souhaite connaître les mesures adoptées par l’État partie pour remédier à cette situation.

38.Tout en se félicitant que le Kirghizistan ait conclu de nombreux accords bilatéraux avec les pays membres de la CEI aux fins de la protection des travailleurs, M. Valencia Rodriguez aimerait savoir de quelle manière lesdits accords ont contribué à promouvoir l’harmonie et l’entente entre les groupes ethniques. Il évoque les événements survenus à Andijan (Ouzbékistan) en mai 2005 et, rappelant que le Haut‑Commissaire aux droits de l’homme a estimé dans son rapport (E/CN.4/2006/119) qu’il était urgent de surseoir à l’expulsion vers l’Ouzbékistan des demandeurs d’asile et témoins oculaires ouzbeks des événements d’Andijan, qui couraient le risque d’être torturés en cas de rapatriement, et que le Haut‑Commissaire pour les réfugiés a indiqué que les réfugiés ouzbeks reconnus devraient être réinstallés d’urgence dans un pays tiers, il constate qu’il en a été ainsi fait dans de nombreux cas.

39.Le rapporteur voudrait savoir si tous les habitants, y compris les étrangers, les réfugiés et les demandeurs d’asile, peuvent bénéficier des allocations citées au paragraphe 136 du rapport. Il demande quelles mesures sont prises pour lutter contre la pauvreté extrême qui touche de nombreux habitants du Kirghizistan et en particulier les groupes les plus vulnérables. Au sujet de l’assurance maladie obligatoire, il demande à quoi se réfère l’expression «autres catégories de citoyens» utilisée à la fin du paragraphe 141.

40.M. Valencia Rodriguez croit comprendre que d’après la loi sur l’éducation, tout citoyen de la République kirghize a le droit à l’éducation et que les élèves qui parlent une des quatre langues principales du pays ont le droit de suivre un enseignement dans leur langue. Toutefois, selon certaines sources d’information, la majorité de la population non russophone aurait des difficultés à suivre une formation professionnelle. La délégation est invitée à faire des commentaires à ce sujet. Par ailleurs, le rapporteur demande des informations sur l’accès au logement, en particulier pour les minorités ethniques, les étrangers, les réfugiés et les demandeurs d’asile. En outre, il voudrait savoir pourquoi les Ouzbeks et les Ouïgours ont des difficultés à obtenir le statut de réfugié ou de demandeur d’asile et sont souvent expulsés du territoire.

41.S’agissant de l’application de l’article 6 de la Convention, M. Valencia Rodriguez croit comprendre que seuls les actes de discrimination raciale ou ethnique pratiqués par des fonctionnaires sont réprimés et demande ce qu’il en est des actes de discrimination pratiqués par des particuliers. Notant au paragraphe 171 du rapport que la loi rend passible de poursuites tout fonctionnaire qui refuse d’accepter et d’examiner un recours déposé par un citoyen dans la langue officielle, à savoir le russe, le rapporteur demande si les non‑russophones ont le droit de s’adresser aux autorités dans d’autres langues reconnues officiellement.

42.M. Valencia Rodriguez se félicite qu’un centre de formation et de rééducation des juges de la République a été créé en janvier 1998. Cependant, il estime qu’une formation devrait être dispensée à tous les fonctionnaires de l’appareil judiciaire, indépendamment de leur rang, et que la diffusion et l’examen de la Convention devraient faire l’objet d’une attention particulière. Il demande par ailleurs des informations sur l’application des décisions prises par le quatrième Congrès des juges de la République kirghize, qui s’est tenu en mai 2001, en particulier celles qui concernent la lutte contre la discrimination raciale. Il fait observer que dans son rapport (E/CN.4/2006/52/Add.3), le Rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et des avocats a recommandé au Kirghizistan de renforcer l’indépendance des juges et de prendre des mesures pour remédier à la méfiance de la population à l’égard des juges.

43.M. Valencia Rodriguez note avec satisfaction que plusieurs universités dispensent des cours relatifs aux droits de l’homme et estime que les dispositions de la Convention et les recommandations issues de la Conférence de Durban devraient faire partie intégrante de cette formation. Il voudrait recevoir des précisions sur les cours d’été sur le thème des droits de l’homme évoqués au paragraphe 189, ainsi que sur les émissions radiophoniques consacrées à la culture et à l’histoire de la diaspora turcomane, et à la culture et aux activités de la diaspora ouïgour.

44.Enfin, le rapporteur rappelle que dans ses précédentes observations finales (CERD/C/304/Add.77), le Comité a recommandé à l’État partie de ratifier les amendements au paragraphe 6 de l’article 8 de la Convention et de faire la déclaration prévue à l’article 14 de la Convention.

45.M. AVTONOMOV demande quels organes sont chargés de la mise en œuvre du programme national intitulé «Le Kirghizistan: notre maison commune» (par. 31 du rapport), quelles ressources budgétaires sont allouées au programme et quels résultats sont obtenus. Il voudrait des explications sur le statut de la langue officielle (le russe), celui de la langue d’État (le kirghize), et celui des langues des minorités nationales. Il souligne que pour des personnes extérieures à la région, il est difficile de saisir la différence entre langue officielle et langue d’État. Il voudrait également savoir si les langues des minorités nationales sont enseignées et si les étrangers, réfugiés et demandeurs d’asile ont la possibilité de suivre des cours gratuits pour apprendre le kirghize.

46.M. KJAERUM dit qu’à la lecture du rapport, il est difficile de savoir exactement quels sont les droits conférés aux citoyens et ceux reconnus aux non‑ressortissants. Par exemple, il note au paragraphe 162 que l’État garantit aux citoyens le droit de saisir la justice pour tout acte de discrimination raciale portant atteinte à leurs droits et à leurs libertés et demande si ce droit s’applique également aux non‑ressortissants. À cet égard, il appelle l’attention de la délégation sur la recommandation générale XXX du Comité concernant la discrimination contre les non‑ressortissants, en particulier les paragraphes 6 et 7 dans lesquels les États parties sont invités à réexaminer et réviser la législation afin de la rendre pleinement conforme à la Convention et de veiller à ce que les protections légales contre la discrimination raciale s’appliquent aux non‑ressortissants indépendamment de leur statut. Enfin, M. Kjaerum voudrait des informations sur les droits et les obligations des organisations non gouvernementales travaillant dans le pays.

47.Mme DAH voudrait savoir quelle est la proportion des Kirghizes et des autres nationalités dans la fonction publique en général et dans la police et la justice en particulier. Elle voudrait par ailleurs obtenir des renseignements concrets sur les activités de l’Assemblée du peuple évoquée au paragraphe 36 du rapport. Elle note que la réforme du système juridique est longuement traitée dans le rapport mais qu’aucune information ne porte sur les mesures concrètes visant à renforcer l’indépendance et l’autonomie des tribunaux. Elle aimerait savoir comment les magistrats sont recrutés. Enfin, elle note avec préoccupation que les femmes brillent par leur absence dans le rapport et voudrait avoir une idée de la place qui leur est faite au Kirghizistan.

48.Mme JANUARY‑BARDILL souhaite que l’État partie rende compte avec plus de transparence de la discrimination raciale dans le pays. Elle constate que le rapport à l’examen manque cruellement d’exemples concrets sur la mise en œuvre de la Convention. Elle estime que l’État partie devrait procéder à un réel examen de la situation afin d’être en mesure de s’attaquer aux problèmes qui se posent.

49.M. TANG félicite le Kirghizistan d’avoir su se doter d’un système juridique assez complet en matière de protection des droits de l’homme alors qu’il n’a accédé à l’indépendance qu’en 1991. Le fait que le pays comptait en 2005 plus de 11 000 organisations non gouvernementales (ONG) atteste de l’attachement de l’État partie aux principes démocratiques universels. Il félicite aussi le pays d’avoir su instaurer un État multinational dans lequel coexistent plus de 90 groupes ethniques (par. 5).

50.S’agissant de la mise en œuvre de l’article 4, M. Tang s’étonne que le Kirghizistan n’ait pas connaissance d’une quelconque violation des droits établis par la Convention alors que selon des informations transmises par des ONG, divers groupes ethniques auraient été visés par des actes discriminatoires qui, dans certains cas, auraient causé la mort des victimes. Il souhaite que la délégation kirghize apporte des précisions sur ce point. M. Tang aimerait par ailleurs connaître la nature précise du mandat du Médiateur (par. 192) et savoir s’il a été saisi de cas de violations des dispositions de la Convention imputables à des fonctionnaires de l’État.

51.M. PILLAI demande à la délégation d’indiquer dans quelle mesure les ONG participent à la préparation des rapports périodiques de l’État partie au Comité et aux autres organes conventionnels de l’ONU.

52.M. Pillai note que le Médiateur est compétent pour recevoir et examiner les plaintes individuelles ou collectives déposées par les particuliers pour dénoncer toute violation de leurs droits pour des motifs tenant à l’appartenance raciale ou nationale; par contre, il s’étonne que le rapport périodique à l’examen ne donne aucune indication sur la nature ou le nombre des plaintes reçues par le Médiateur. Il demande des précisions sur ce point. Il souhaite également savoir dans quelle mesure les activités du Médiateur sont liées à celles de la Commission nationale des droits de l’homme.

53.M. CALI TZAI souhaite savoir combien de langues sont parlées dans l’État partie et à quels niveaux de l’éducation elles sont enseignées. Notant que les Kirghizes représentent près de 70 % de l’ensemble de la population, il demande à la délégation d’apporter des précisions sur la nature des relations entre ce groupe majoritaire et les minorités ethniques. Il s’interroge également sur la manière dont le principe de non‑discrimination raciale est reflété dans le Code civil et le Code pénal.

54.M. THORNBERRY aimerait recevoir davantage d’informations sur le contenu des programmes scolaires, notamment savoir s’ils abordent les différentes cultures et langues parlées dans le pays et retracent l’histoire des principaux groupes ethniques vivant sur le territoire kirghize.

55.Notant que l’article 34 de la Constitution kirghize consacre le principe de l’égalité d’accès des citoyens à la fonction publique, M. Thornberry souhaite savoir quel pourcentage des membres des minorités ethniques occupent un poste dans la fonction publique, et plus particulièrement dans les forces de police et dans le système judiciaire.

56.M. YUTZIS estime que le rapport périodique du Kirghizistan ne contient pas les informations qui permettraient au Comité de se faire une idée juste de la réalité sociale au Kirghizistan et notamment d’apprécier le niveau de coexistence entre les Kirghizes, majoritaires, et les 90 groupes ethniques vivant dans le pays.

57.Selon plusieurs informations communiquées aux membres du Comité, le Kirghizistan serait confronté à des problèmes importants dus à la récente progression de la croissance démographique, notamment dans le domaine de l’emploi, qui risqueraient d’avoir des effets négatifs à court terme sur le développement économique du pays. D’autre part, l’État partie serait confronté à l’augmentation considérable de l’exode rural, qui concernerait 250 000 personnes appartenant à diverses minorités ethniques et nationales.

58.Par ailleurs, selon le rapport de la Fédération internationale Helsinki pour les droits de l’homme pour 2007, le Kirghizistan a enfreint les normes internationales de protection des demandeurs d’asile. M. Yutzis demande à la délégation kirghize d’indiquer les mesures qui ont été prises pour faire face aux problèmes créés par l’exode rural, pour garantir les droits des minorités dans les domaines du logement et de l’emploi et protéger les demandeurs d’asile.

59.Le PRÉSIDENT, parlant en sa qualité d’expert, s’étonne que plusieurs articles du Code pénal kirghize, notamment les articles 134 et 229, permettent de sanctionner les actes de racisme et que dans le même temps, les organes judiciaires et les forces de police n’aient répertorié aucune plainte pour de tels actes. Il rappelle que pour les membres du Comité, la rareté des plaintes pour violation des droits de l’homme n’est pas forcément un indicateur positif car cela peut en fait être révélateur d’une information insuffisante des victimes sur leurs droits ou de la défiance de la population à l’égard de l’efficacité des autorités de police ou de justice. En outre, de nombreuses informations sont parvenues au Comité, faisant état de fortes discriminations raciales et ethniques dont seraient victimes les minorités, notamment les Ouïgours, les Tchétchènes et certains groupes islamistes. Des précisions sur ces questions seraient bienvenues.

60.M. DJUMALIEV (Kirghizistan) indique que sa délégation répondra aux nombreuses questions posées par les experts du Comité à la séance suivante. Il affirme que les autorités kirghizes n’ont rien à cacher et s’engage à fournir toutes les informations relatives aux mesures prises par son gouvernement pour prévenir et lutter contre la discrimination raciale dans le pays.

La séance est levée à 17 h 55.

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