NATIONS

UNIES

CERD

Convention internationale

sur l’élimination

de toutes les formes

de discrimination raciale

Distr.GÉNÉRALE

CERD/C/SR.174827 mars 2006

Original: FRANÇAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE

Soixante‑huitième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1748e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le vendredi 3 mars 2006, à 10 heures

Présidence: M. de GOUTTES

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (suite)

Rapport initial et deuxième à quatorzième rapports périodiques du Guyana (suite)

La séance est ouverte à 10 h 10.

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (point 6 de l’ordre du jour) (suite)

Rapport initial et deuxième à quatorzième rapports périodiques du Guyana (CERD/C/472/Add.1) (document complémentaire sans cote distribué en séance, en anglais seulement, par la délégation guyanienne) (suite)

1. Sur l’invitation du Président, la délégation guyanienne reprend place à la table du Comité.

2.Mme SHADIK (Guyana) dit qu’il y a toujours eu des tensions entre les communautés indo‑ et afro‑guyaniennes, en particulier lors des élections parlementaires et présidentielles. Au Guyana, la vie politique est marquée par un clivage ethnique hérité de l’histoire coloniale du pays. La représentante rappelle que le Guyana a obtenu son indépendance de la Grande‑Bretagne en 1966 et est devenu une république coopérative en 1970. Depuis une cinquantaine d’années, les deux principaux partis politiques sont le Parti progressiste du peuple (People’s Progressive Party/PPP), à prédominance indo‑guyanienne, et le Congrès national du peuple (People’s National Congress/PNC), à prédominance afro‑guyanienne. Entre 1966 et 1992, c’est le PNC qui, en coalition avec The United Force (TUF), a dirigé le pays en appliquant une politique marxiste. En octobre 1992 se sont tenues les premières élections libres et régulières qui ont vu l’arrivée au pouvoir du PPP. Beaucoup de Guyaniens, quelles que soient leur origine ethnique et leur orientation politique, considèrent l’année 1992 comme le début de la démocratie dans le pays. Le PNC a pourtant prétendu que les élections avaient été truquées, ce qui a entraîné de nombreuses manifestations et a contribué à exacerber les tensions raciales entre les communautés. Bien qu’il ait été démocratiquement élu, le PPP a accepté d’organiser des élections législatives en 2001 alors qu’elles auraient dû se tenir en 2003, conformément à la Constitution. En 2001, le PPP a de nouveau remporté les élections mais le PNC a contesté les résultats et des troubles ont alors éclaté et perturbé la vie politique et sociale. Les tensions raciales sont donc essentiellement liées aux résultats des élections.

3.Le Gouvernement est pleinement conscient du clivage ethnique de la vie politique et déploie tous ses efforts pour promouvoir le dialogue entre les forces politiques et les communautés ethniques. En mai 2003, le Président et le Chef de l’opposition ont publié un communiqué conjoint par lequel ils sont convenus de rechercher ensemble des solutions dans l’intérêt de tout le peuple guyanien, sur la base d’un engagement constructif, bénéfique au développement social, économique et politique à long terme.Les décideurs politiques en général et le Président en particulier accordent une grande attention aux différentes communautés ethniques et se rendent régulièrement dans les régions où vivent les communautés considérées comme les plus vulnérables. Le Guyana n’a pas évoqué dans son rapport la visite que le Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée, M. Doudou Diène, avait rendue dans le pays (E/CN.4/2004/18/Add.1), mais le Gouvernement a néanmoins pris bonne note des recommandations du Rapporteur. Il est notamment conscient qu’il est urgent d’améliorer les relations entre les communautés ethniques, la promotion de la paix à l’échelon national étant une condition sine qua non du développement économique. Mme Shadik souligne par ailleurs que les groupes ethniques amérindiens, chinois ou portugais n’ont pas de partis politiques spécifiques.

4.La représentante du Guyana ne peut indiquer quel pourcentage du PIB est consacré aux Amérindiens car les ressources budgétaires sont ventilées par région administrative et non par groupe ethnique. Toutes les communautés, y compris celles qui vivent dans les régions les plus reculées, ont accès à des soins de santé primaires. Il existe des hôpitaux régionaux, des hôpitaux de district, des polycliniques, des centres sanitaires ainsi que des dispensaires dans les villages isolés. Dans chaque communauté amérindienne, une personne ayant suivi une formation médicale est toujours à la disposition de la population pour lui prodiguer des soins de base. En cas de problèmes de santé graves, étant donné que certaines régions reculées ne sont accessibles que par voie aérienne, l’État a signé des accords avec des compagnies privées pour affréter des avions et transférer les malades vers les hôpitaux les plus proches.

5.Quoique les problèmes d’alcoolisme, de pauvreté, de malnutrition et de viol évoqués au paragraphe 66 du rapport frappent les Amérindiens, l’intervenante tient à préciser que cette communauté n’est pas la seule à être touchée et que tout le territoire est concerné. Le Guyana s’est borné à rapporter les résultats d’une étude réalisée par l’Association des peuples amérindiens.

6.De même, la délégation guyanienne ne peut fournir aucune statistique ventilée par race ou origine ethnique sur le logement, la propriété et la couverture sociale car aucune administration publique ne demande ce type de renseignements dans ses formulaires. Par contre, il est connu que les Amérindiens ont facilement accès aux terres et logements attribués par le secteur public s’ils se trouvent en dehors des communautés amérindiennes. En effet, les terrains situés sur le territoire des communautés amérindiennes appartiennent à tous les Amérindiens et ne peuvent être divisés pour y construire des logements ou des exploitations agricoles. En ce qui concerne les critères d’attribution des logements ou des terrains, il est principalement tenu compte du revenu, de la taille de la famille et du nombre d’enfants. Les familles les plus indigentes, notamment amérindiennes, sont prioritaires pour l’accès aux prêts et bénéficient de taux d’intérêts extrêmement faibles. Le Gouvernement n’épargne aucun effort pour fournir aux plus démunis la possibilité d’exercer une activité rémunératrice et sortir ainsi du cercle vicieux de la pauvreté.

7.Concernant la composition ethnique de l’armée, Mme Shadick indique de nouveau qu’une commission a été nommée par le Gouvernement pour examiner cette question dans tous les corps destinés à assurer la sécurité de l’État (services de défense nationale, police et sapeurs‑pompiers) et corriger les éventuels déséquilibres. Cette commission a remis un rapport au Parlement et une commission parlementaire qui examine actuellement le dossier élaborera au besoin des recommandations qui seront ensuite soumises au Parlement pour adoption.

8.Concernant la législation du Guyana interdisant la discrimination raciale, Mme Shadick dit que son pays s’est doté de deux lois: la loi sur l’hostilité raciale et la loi sur la prévention de la discrimination. La première, adoptée en 1997, vise les crimes et délits à caractère raciste, et tout acte incitant ou tendant à inciter à la haine raciale. À ce jour, elle n’a pas donné lieu à des poursuites pénales en raison du fait que le Guyana ayant une petite population, les témoins de crimes ou délits racistes ne sont pas forcément prêts à témoigner en public dans ce genre d’affaires. En outre, l’adoption récente de cette loi pourrait aussi expliquer qu’elle n’a pas été invoquée jusqu’ici. Quoi qu’il en soit, même en l’absence de procédures judiciaires, l’État ne reste pas inactif et favoriser le règlement des différends par la médiation. Ainsi, dans une affaire récente, l’«Advisory Committee on Broadcasting» (Comité consultatif sur la radiodiffusion et la télévision) a obligé un présentateur de la télévision publique à démissionner pour avoir tenu des propos racistes et en a référé à la Commission des relations ethniques qui est elle aussi intervenue.

9.La deuxième loi concerne les actes de discrimination dans le travail et dans la vie associative, quel que soit le motif de la discrimination (la race, le sexe, l’âge, etc.). Contrairement à la première, elle a donné lieu à des poursuites civiles, notamment dans la période récente contre une entreprise privée dans une affaire de licenciement fondé sur des considérations raciales.

10.S’agissant de la composition ethnique de la police nationale, Mme Shadick explique que le Gouvernement guyanien a créé récemment la Commission des forces de l’ordre (par. 35) qui est chargée, notamment, de recommander des mesures afin d’établir un équilibre ethnique dans les forces de police. Selon les dernières statistiques disponibles, 60 % des membres de la police nationale sont des Afro-Guyaniens, 20 % des Améridiens, 1 % des Portugais et 19 % des Indo‑Guyaniens. Elle précise que, de manière générale, les salaires sont peu élevés dans la fonction publique et que cela est dû au fort endettement du pays qui ne pourra être jugulé que par une gestion financière et budgétaire très stricte.

11.Mme Shadick dit que les députés sont élus à la représentation proportionnelle lors d’élections organisées tous les cinq ans. En outre, en vertu de la loi sur la représentation du peuple (par. 17 du rapport périodique), un tiers au moins des représentants de chaque parti politique se présentant aux élections nationales doivent être des femmes.

12.L’intervenante dit que l’éducation est gratuite pour tous au Guyana et que des mesures financières spécifiques ont été prises en faveur des enfants des groupes de population vulnérables afin d’encourager leur scolarisation. En 2005, 25 000 enfants ont reçu une aide de l’État à ce titre.

13.Répondant à une question de M. Sicilianos, Mme Shadick explique que le peuple amérindien a longtemps été le seul auquel des droits fonciers ont été reconnus sur les terres qu’il habitait. En vertu de la loi sur les Amérindiens (par. 36) récemment modifiée, les Amérindiens qui vivent depuis plus de 30 ans sur des terres appartenant au Gouvernement peuvent demander un titre de propriété sur ces terres. S’ils vivent sur des terrains privés, ils acquièrent le droit de demander un titre de propriété au bout de 13 ans.

14.S’agissant de la pratique des mariages arrangés (par. 80 du rapport périodique), Mme Shadick dit que cette pratique a légèrement reculé mais qu’elle a tendance à perdurer pour des raisons économiques et à des fins de migration. Elle nie en revanche que la pratique des mariages forcés existe au Guyana.

15.M. YUTZIS (Rapporteur pour le Guyana) relevant que, selon les autorités du Guyana, tout citoyen est habilité à revendiquer son appartenance à un peuple autochtone, appelle à cet égard l’attention de la délégation guyanienne sur la Convention no 169 de l’OIT sur les peuples indigènes et tribaux. L’article premier de cet instrument dispose en effet que la Convention s’applique aux «peuples dans les pays indépendants qui sont considérés comme indigènes du fait qu’ils descendent des populations qui habitaient le pays, ou une région géographique à laquelle appartient le pays, à l’époque de la conquête ou de la colonisation ou de l’établissement des frontières actuelles de l’État, et qui, quel que soit leur statut juridique, conservent leurs institutions sociales, économiques, culturelles et politiques propres ou certaines d’entre elles». Le Rapporteur demande par conséquent à la délégation d’indiquer sur quelle base et selon quels critères les autorités nationales considèrent un peuple comme indigène.

16.Le PRÉSIDENT, s’exprimant à titre personnel, recommande au Guyana de s’inspirer des mesures prises par certains États parties pour pallier les problèmes rencontrés en matière de collecte de preuves dans les affaires de discrimination raciale. Certains États ont par exemple décidé d’inverser la charge de la preuve dans les affaires civiles de discrimination raciale et ont de plus en plus recours à la pratique du «testing» qui vise à faire constater l’existence de discriminations raciales patentes par une autorité assermentée.

17.M. AVTONOMOV se réjouit d’apprendre que, alors que l’état partie indiquait dans son rapport périodique qu’aucun groupe racial ne nécessitait une législation spécifique lui garantissant le plein exercice de ses droits fondamentaux, un ministère a en fait été créé pour les questions intéressant les populations autochtones. M. Avtonomov demande si cela signifie que la position du Gouvernement guyanien a changé à cet égard, notamment en ce qui concerne les autochtones. C’est en effet cette population qui est la plus vulnérable, ce qui pourrait justifier des mesures spéciales au sens de la Convention. M. Avtonomov souhaiterait connaître le point de vue de la délégation sur l’opportunité de telles mesures.

18.M. Avtonomov note également avec satisfaction que bon nombre de communautés ont reçu des titres de propriété foncière qui leur donnent des droits substantiels mais que d’autres font l’objet d’une procédure de reconnaissance beaucoup plus longue. Il souhaiterait recevoir des explications sur les raisons de cette différence.

19.M. THORNBERRY dit que l’absence de représentants amérindiens au sein de la Commission des relations ethniques paraît surprenante eu égard aux principes d’égalité de participation et de protection devant la loi. D’un point de vue pratique, il serait utile que cette commission, qui est un instrument de dialogue sur les relations ethniques, bénéficie d’une participation aussi large que possible, l’égalité de participation, au sens du droit international, signifiant qu’une population doit pouvoir participer aux décisions qui la concernent.

20.D’autre part, M. Thornberry note que la délégation guyanienne a parlé de «discrimination positive» en faveur des groupes amérindiens et rappelle que la Convention parle plutôt à cet égard de «mesures spéciales» visant à assurer le progrès de certains groupes ethniques ou raciaux.

21.Mme JANUARY-BARDILL observe que le fait d’élaborer des données ventilées sur les groupes ethniques n’est pas nécessairement incompatible avec l’unité nationale, et que ces données peuvent même être un outil précieux aux fins des politiques visant à favoriser l’unité nationale, comme l’a démontré l’expérience de pays comme l’Afrique du Sud.

22.MmeShadick (Guyana) indique à l’intention de M. Yutzis qu’une modification de la représentation proportionnelle supposerait de modifier la Constitution, et qu’aucune recommandation n’a été faite en ce sens lors de la dernière révision de la Constitution, à laquelle tous les secteurs de la société ont été associés. Un certain degré de représentation régionale a toutefois été introduit en 2001. Mme Shadick signale également que le Parti guyanien pour l’action n’est pas à sa connaissance un parti amérindien, même si son député au Parlement se trouve être un Amérindien.

23.S’agissant de la suggestion de M. de Gouttes, Mme Shadick précise que ce type de solutions est actuellement à l’étude et pourrait être appliqué à l’avenir sachant que la charge de la preuve est déjà moins élevée en matière civile, par exemple. Répondant à M. Avtonomov, elle dit que le principe selon lequel aucun groupe racial ne peut faire l’objet d’une législation spéciale concerne les droits de l’homme fondamentaux et n’admet aucune exception. Ce n’est pas de ces droits qu’il s’agit dans le cas des Amérindiens mais du droit à la terre, à l’accès aux ressources naturelles et à la préservation de la culture. Concernant le commentaire de M. Thornberry sur le droit des populations de participer aux décisions qui les concernent, elle signale que des représentants des Amérindiens et de tous les autres groupes ethniques ont participé à la Commission de réforme constitutionnelle lorsque celle-ci s’est penchée sur le problème des relations ethniques. Par ailleurs, elle reconnaît que l’expression «discrimination positive», même si elle a été employée par des experts du Comité à la séance précédente, paraît effectivement moins judicieuse que l’expression «action positive». Enfin, elle explique à l’intention de Mme January-Bardill que des données ventilées seraient certes utiles, mais que l’état guyanien ne dispose pas de ce type d’information et qu’il juge préférable pour l’instant de ne pas demander à la population de s’identifier racialement, compte tenu de la réticence de beaucoup de personnes à le faire.

24.M. CALI TZAY souhaiterait des explications sur l’affirmation figurant dans l’introduction du document complémentaire distribué par l’État partie, selon laquelle l’ensemble de la loi sur les Amérindiens constitue une mesure de discrimination positive en faveur des Amérindiens, ainsi qu’une mesure spéciale au sens du paragraphe 4 de l’article premier de la Convention, car elle répond selon lui à une obligation fondamentale de l’état partie au regard de la Convention, et ne peut donc être considérée comme une mesure positive ou spéciale. M. Cali Tzay souhaiterait également savoir jusqu’à quelle génération tout descendant des peuples autochtones ou premiers est reconnu comme amérindien en vertu de la loi.

25.En ce qui concerne l’octroi des terres, l’état partie indique, dans sa réponse à la dixième question traitée dans le document complémentaire, qu’il tient compte de critères tels que les coutumes et traditions de la communauté amérindienne, leur utilisation de la terre et la nature de leurs liens particuliers avec la terre, qui reflètent la jurisprudence la plus récente de la Cour interaméricaine des droits de l’homme. Or cette jurisprudence tend plutôt à reconnaître le droit inhérent des populations autochtones à la terre et à affirmer l’obligation incombant aux états de délimiter les terres que les populations autochtones possèdent traditionnellement conformément à leurs traditions et au droit coutumier et de leur délivrer les titres fonciers correspondants. M. Cali Tzay souhaiterait des explications sur cette différence d’interprétation.

26.M. AMIR demande, à propos de la question de M. Cali Tzay, si des populations autochtones, notamment amérindiennes, ont déjà porté plainte devant la Commission interaméricaine des droits de l’homme, pour revendiquer des droits sur des terres ancestrales, sur la base du droit coutumier.

27.Mme RODRIGUES (Guyana) précise à l’intention de M. Avtonomov, que les critères d’acquisition énoncés dans la nouvelle loi sur les Amérindiens sont remplis par les 22 communautés concernées. La lenteur du processus tient au fait qu’au départ, les organisations représentatives de certaines communautés n’étaient pas favorables à la délimitation des terres. Les choses se sont accélérées depuis 2004, où deux titres sur des terres d’une superficie d’environ 7 800 km2 [3 000 square miles] ont été octroyés. De même, quatre titres et une extension de territoire ont été accordés en 2005, trois titres et trois prorogations devraient l’être prochainement et 10 autres demandes sont en cours de négociation. On estime qu’à l’issue de ce processus, 13 % du territoire du Guyana appartiendra aux Amérindiens.

28.Concernant le problème des générations, Mme Rodrigues indique que pour éviter d’obliger les personnes à s’auto-identifier, les autorités guyaniennes ont inclus dans la loi une définition non seulement de la notion d’amérindien, mais aussi de celle de résident dans une communauté amérindienne. C’est la communauté concernée qui décide que quelqu’un est ou non un résident: une personne, amérindienne ou non, peut ainsi perdre le bénéfice de son statut de résident si par exemple elle ne réside pas dans sa communauté pendant cinq ans.

29.Mme Rodrigues dit qu’un changement véritable s’est produit au cours des dernières années en ce qui concerne la participation des Amérindiens à la société. Sur le plan politique, le succès de certains partis qui ont fait campagne en faveur des Amérindiens est aussi une bonne chose, car cela incitera d’autres partis à reconnaître leur importance politique. L’époque est révolue où les Amérindiens étaient à l’écart de la société. Ils sont désormais nombreux par exemple dans la police et l’armée, ou parmi les médecins et les ingénieurs.

30.Concernant la reconnaissance officielle des Amérindiens, le Gouvernement guyanien a instauré en 1995 un mois et une journée du patrimoine amérindien, devenus depuis un événement national majeur auquel tous les Guyaniens participent. C’est également un moment de l’année où l’action du Gouvernement en faveur du développement des Amérindiens est examinée de près par les médias et les organisations de la société civile.

31.Il n’existe pas de chiffres sur le pourcentage du PIB consacré aux Amérindiens, mais entre 1992 et 2006, les crédits budgétaires alloués aux quatre régions peuplées majoritairement d’Amérindiens ont augmenté de plus de 400 %. En outre, le budget du Ministère des affaires amérindiennes créé en 1992 a augmenté de plus de 100 % depuis sa création pour atteindre aujourd’hui environ un million de dollars des États-Unis.

32.Mme Rodrigues dit que l’État a des difficultés à garantir des soins adéquats de santé à tous les groupes de sa population étant donné que certaines communautés vivent dans des régions éloignées et peu accessibles et qu’il manque de personnel de santé pour desservir ces régions. Toutefois, la situation est en voie d’amélioration car de plus en plus d’Amérindiens suivent une formation dans le domaine de la santé. Cependant, afin d’éviter que ces étudiants ne partent à l’étranger une fois formés, ils doivent signer un contrat par lequel ils s’engagent à revenir travailler dans leur communauté d’origine après leurs études. En outre, afin de remédier à la pénurie de médecins dans les régions éloignées, les Gouvernements guyanien et cubain ont conclu un accord bilatéral en application duquel 20 médecins cubains travaillent au Guyana, dont six dans les régions où vivent les communautés amérindiennes, et plusieurs étudiants guyaniens d’origine amérindienne ont été envoyés étudier la médecine à Cuba pour cinq ans, après quoi ils rentreront au Guyana pour prendre la relève des médecins cubains.

33.Par ailleurs, 350 élèves appartenant aux minorités amérindiennes ont reçu une bourse d’études, dont 275 au titre du programme de bourses en faveur des élèves de l’arrière-pays (hinterland scholarship program), et 75 Amérindiens étudient à l’Université du Guyana grâce à une bourse d’études. Les bénéficiaires des bourses étant libres de choisir leur domaine d’études, l’absence d’étudiants amérindiens dans les facultés de droit s’explique uniquement à ce qu’ils n’ont pas fait de demandes d’inscription. En fait, comme les facultés de droit sont saturées, les étudiants amérindiens sont les seuls à être encouragés à choisir ces études.

34.Pour avoir droit à une bourse d’études secondaires, les élèves vivant dans l’arrière-pays doivent obtenir au minimum 470 points. Des bourses sont aussi octroyées aux élèves qui choisissent de poursuivre leurs études dans des instituts techniques et dans d’autres filières. La répartition géographique et le fait d’avoir déjà obtenu une bourse sont d’autres critères dont il est tenu compte. De leur côté, les bourses d’études universitaires sont systématiquement accordées pour autant que l’étudiant remplisse les conditions requises. Aucune demande n’a été refusée à ce jour.

35.Mme Rodrigues précise que les communautés amérindiennes titulaires de droits fonciers sont propriétaires de leurs terres. En vertu de la loi, certaines d’entre elles ont le droit de louer jusqu’à 10 % de leurs terres. Lorsqu’une communauté obtient des droits fonciers, un conseil de village chargé d’administrer les terres concernées doit obligatoirement être créé par le Ministre des affaires amérindiennes.

36.Quant à la question de savoir si les métis qui ont du sang amérindien sont victimes de discrimination, Mme Rodrigues indique qu’étant issue de ce métissage, elle n’a jamais subi de discrimination pour ce motif, ce qui est probablement dû au fait que presque tous les Amérindiens sont des métis.

37.Pour ce qui est de la participation des communautés amérindiennes à la conception des politiques les concernant, Mme Rodrigues indique également que le personnel du Ministère des affaires amérindiennes compte 55 membres, dont une grande partie sont des Amérindiens, qui occupent des postes à tous les niveaux de cette administration. En particulier, trois des six hauts responsables de cet organe sont des Amérindiens.

38.Répondant à la question relative à la capacité du Gouvernement guyanien à assurer aux membres des communautés amérindiennes un bon niveau d’enseignement en anglais, Mme Rodrigues souligne que 20 530 personnes, soit plus d’un tiers de l’ensemble de la population amérindienne, sont scolarisées, le taux moyen de fréquentation scolaire s’établissant à 76 % et celui d’abandon scolaire à 3 %. En outre, le Gouvernement a lancé un programme d’études à distance permettant de former des enseignants au sein des communautés locales. La première promotion d’étudiants ayant bénéficié de ce programme obtiendra son diplôme en 2006. Des enseignants sont également formés à l’université du pays et ceux qui proviennent de l’arrière‑pays touchent un salaire complet pendant les stages.

39.Concernant le fait que le projet de loi sur les Amérindiens tend à laisser plusieurs questions à la libre appréciation du Ministre, Mme Rodrigues précise que, dans les cas évoqués, le Ministre mais également les communautés intéressées doivent donner leur approbation. Pour ce qui est de l’exploitation minière, les communautés amérindiennes ont un droit de veto sur les petites et moyennes exploitations. S’agissant des grandes exploitations, les communautés peuvent saisir les tribunaux.

40.Pour ce qui est de la conservation des langues autochtones, Mme Rodrigues signale que la situation varie considérablement d’une communauté à l’autre: certaines utilisent leur langue en permanence tandis que d’autres la parlent très peu. En outre, les élèves préfèrent généralement apprendre les langues des pays voisins, à savoir l’espagnol ou le portugais, que la langue de leur communauté. Un projet pilote a été lancé pour l’enseignement de deux langues amérindiennes, le makushi et le wapishana, et sera élargi ultérieurement à d’autres langues autochtones.

41.S’agissant de la composition ethnique des 10 parlements régionaux, Mme Rodrigues indique que deux des 10 présidents de ces organes et trois vice-présidents, dont une femme, sont amérindiens.

42.Concernant le droit coutumier, la représentante explique qu’une nouvelle règle coutumière est adoptée par le conseil du village, lorsqu’elle a été approuvée par les deux tiers des votants. Elle est ensuite examinée par le Ministre des affaires amérindiennes, qui s’assure de sa compatibilité avec la Constitution. Les conseils de village ne sont compétents qu’en matière de droit coutumier. En cas d’infraction au droit écrit, ils remettent les suspects à la police afin que les tribunaux ordinaires se chargent de l’affaire.

43.Concernant le logement, Mme Rodrigues indique que les membres des communautés ne peuvent pas hypothéquer des terres appartenant à leur communauté pour acheter un logement. Un programme de crédit a été lancé en faveur de 25 communautés, dans le cadre duquel des emprunts peuvent être souscrits à des taux d’intérêt très bas.

44.En ce qui concerne les allégations selon lesquelles la pauvreté toucherait particulièrement les communautés amérindiennes, Mme Rodrigues doute que les critères de mesure de la pauvreté donnent une image exacte de la réalité.

45.Enfin, concernant l’utilisation du qualificatif «amérindien» plutôt que du terme «autochtone», la déléguée du Guyana dit que de nombreux avis juridiques ont été exprimés sur cette question, qui reste ouverte et sujette à discussion. Après avoir pris en compte le souhait des communautés concernées et observé les pratiques en vigueur dans d’autres pays, il a été décidé de maintenir l’utilisation du terme «améridien» au Guyana.

46.M. THORNBERRY souhaiterait recevoir de plus amples précisions sur la place du droit coutumier dans le droit interne. Est-il incorporé dans la législation de l’État partie?

47.Mme SHADICK remercie les membres du Comité du vif intérêt qu’ils portent au rapport et aux documents distribués en séance par la délégation, qui s’est traduit dans le nombre considérable de questions qu’ils ont posées. Elle souligne que les relations entre les diverses communautés raciales et ethniques du Guyana s’améliorent lentement mais sûrement et assure les membres du Comité que le Gouvernement guyanien est déterminé à soumettre son quinzième rapport périodique en temps voulu.

48.M. YUTZIS (Rapporteur pour le Guyana) dit que, comme il s’est écoulé beaucoup de temps depuis la ratification de la Convention par le Guyana, le Comité avait de fortes attentes, ce qui explique les nombreuses questions qu’il a posées à la délégation guyanienne qui, souhaitant rattraper ce retard, lui a fourni d’abondantes informations. Le dialogue fructueux qui s’est instauré avec la délégation guyanienne lui a permis de saisir les réalités de l’État partie sous un nouvel angle et de remettre en question certaines de ses certitudes. En particulier, il note avec satisfaction que le clivage interethnique hérité du passé s’atténue peu à peu et que, parallèlement, l’État partie a pris des mesures dans les domaines administratif, judiciaire et juridique pour aller dans le sens de la Convention. Le Guyana semble avoir compris la nécessité d’établir un nouveau pacte éthique et social fondé sur le consensus, la participation et l’intégration de tous les groupes sociaux.

49.M. Yutzis estime que l’État partie devrait élaborer un plan national d’action fondé sur la Déclaration et le Programme d’action de Durban adoptés par la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée. En outre, il estime comme le Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée, que l’État partie devrait constituer une commission constitutionnelle de dialogue interculturel (voir le document E/CN.4/2004/18/Add.1, par. 1, p.19) et que ce dialogue interculturel devrait englober le dialogue entre les religions. Enfin, M. Yutzis espère que l’État partie présentera son rapport suivant dans le délai de deux ans prévu, de façon à ce que les informations qui y figureront puissent être confrontées aux réponses reçues pendant la session en cours.

50.Le PRÉSIDENT déclare que le Comité a ainsi achevé l’examen du rapport initial et des deuxième à quatorzième rapports périodiques du Guyana.

51. La délégation guyanienne se retire.

La séance est levée à 11 h 55.

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