NATIONS

UNIES

CERD

Convention internationale

sur l'élimination

de toutes les formes

de discrimination raciale

Distr.

GÉNÉRALE

CERD/C/SR.1534

24 février 2003

Original : FRANÇAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE

Soixante et unième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1534e SÉANCE

tenue au Palais des Nations, à Genève,le lundi 12 août 2002, à 15 heures

Président : M. DIACONU

puis : M. AMIR (Vice‑Président)

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT A L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (suite)

Onzième à quatorzième rapports périodiques du Yémen

_______________

Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l’une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également incorporées à un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d’édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications aux comptes rendus des séances publiques du Comité seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la session.

La séance est ouverte à 15 h 10.

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (point 4 de l’ordre du jour) (suite)

Onzième à quatorzième rapports périodiques du Yémen (CERD/C/362/Add.8; HRI/CORE/1/Add.115)

Sur l’invitation du Président, la délégation yéménite prend place à la table du Comité.

M. AL-DURAIBI (Yémen) réaffirme l’attachement de son pays aux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et l’appui sans réserve du Gouvernement yéménite aux activités des organes conventionnels. L’importance croissante accordée aux questions des droits de l’homme par les autorités yéménites se reflète dans la nomination récente d’un ministre d’État chargé des droits de l’homme. D’une manière générale, depuis la réunification du pays le 22 mai 1990 et l’arrivée au pouvoir d’un nouveau gouvernement, l’adoption d’une politique fondée sur la démocratie et le pluralisme politique a permis de mieux tenir compte des problèmes qui se posent dans le domaine des droits de l’homme. C’est ainsi qu’en collaboration avec le Haut‑Commissariat aux droits de l’homme et des organisations non gouvernementales nationales et internationales, le Yémen a organisé de nombreuses conférences et manifestations sur le thème des droits de l’homme et accueilli plusieurs délégations d’organisations compétentes en la matière.

Le Yémen a entrepris une profonde réforme de l’appareil judiciaire afin de renforcer l’indépendance des juges et de parvenir à une plus grande transparence dans la prise de décisions par les tribunaux. Les juges sont désormais invités à respecter de manière plus scrupuleuse les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et peuvent suivre dans cette optique une formation aux droits de l’homme. Il faut également signaler que toutes les dispositions législatives pouvant être considérées comme discriminatoires ont été supprimées. Le second grand domaine d’action du Yémen est la fourniture d’une aide aux pauvres car la pauvreté constitue un obstacle à la réalisation des droits fondamentaux. Une politique a été mise en œuvre pour atténuer les disparités entre les classes sociales et des centres de formation professionnelle ont été créés pour permettre aux pauvres, et surtout aux femmes, d’acquérir des compétences et de trouver un travail.

Le Yémen s’emploie à respecter les engagements qui lui incombent en vertu des instruments internationaux mais il doit faire face à des difficultés économiques importantes qui entravent la réalisation de ses objectifs dans le domaine des droits de l’homme. M. Al‑Duraibi espère que les membres du Comité feront preuve de compréhension à cet égard.

M. Amir prend la présidence.

M. RESHETOV (Rapporteur pour le Yémen) souhaite la bienvenue à la délégation yéménite qui est composée d’éminentes personnalités, parmi lesquelles le Ministre d’état chargé des droits de l’homme, dont il faut saluer la nomination. Pour ce qui est des aspects positifs, M. Reshetov appelle l’attention des membres du Comité sur les dispositions essentielles du Code pénal qui figurent aux paragraphes 3 à 5 du rapport à l’examen (CERD/C/362/Add.8). Il se félicite en outre des nombreuses informations qui témoignent de la volonté du Yémen de lutter contre la pauvreté et d’aider les couches les plus pauvres de la population à réaliser leurs droits fondamentaux. Il ressort également très clairement du rapport que le Gouvernement a la volonté de renforcer les organisations de la société civile et de les faire participer davantage à la vie de la société.

Pour ce qui est des points négatifs, M. Reshetov note avec regret que le rapport ne comprend aucune information précise sur la composition démographique du Yémen et sur les affiliations tribales et nomades alors que le Comité en avait fait la demande expresse dans ses conclusions concernant le précédent rapport du Yémen (A/47/18, par. 162). En ce qui concerne le respect par l’État partie des dispositions de la Convention, le Yémen ne fournit aucun renseignement qui prouve que les dispositions de l’article 4 ont été intégrées dans la législation nationale. La délégation pourrait‑elle apporter des précisions à ce sujet? Rappelant par ailleurs que le Yémen du Nord avait émis des réserves au sujet de l’article 5, alinéas c) et d), de la Convention, réserves incompatibles avec les grands principes consacrés par la Convention, M. Reshetov demande si elles ont été levées après la réunification du pays ou si elles sont toujours valables.

M. Reshetov évoque en outre certaines allégations formulées contre le Yémen par des organisations non gouvernementales et d’autres organismes concernés. Ainsi, en ce qui concerne la liberté religieuse au Yémen, il déclare avoir reçu de nombreuses informations selon lesquelles la conversion de l’Islam à une autre religion serait sévèrement sanctionnée en vertu de la législation et serait même passible de la peine de mort. Certaines organisations non gouvernementales ont également souligné les nombreuses difficultés que rencontrerait la minorité juive vivant au Yémen, des difficultés telles que les membres de cette minorité seraient incités à quitter le pays.

Selon d’autres informations, une discrimination serait exercée dans la société yéménite à l’égard de certains membres des minorités, sur la base de l’ascendance, et notamment à l’égard des personnes nées à l’étranger ou dont l’un seulement des parents est de nationalité yéménite, mais aussi des citoyens résidant dans le sud du pays dont on ne reconnaîtrait pas, dans certains cas, les pièces d’identité. Ces personnes se verraient refuser le droit de poursuivre des études universitaires, d’entrer à l’académie militaire ou à l’école de police. Qu’en est‑il réellement? Selon certaines sources, des personnes seraient désignées comme «les serviteurs», voire «les esclaves» et selon certaines informations, les ressortissants africains seraient également victimes d’actes de discrimination. La délégation yéménite peut–elle donner des éclaircissements sur ces allégations?

M. ABOUL‑NASR demande au Rapporteur pour le Yémen d’indiquer au Comité ses sources d’information, notamment pour ce qui est de l’allégation selon laquelle les personnes qui, au Yémen, se convertiraient à une religion autre que l’Islam seraient passibles de la peine capitale.

M. SHAHI juge le rapport périodique du Yémen riche en informations et se félicite qu’il présente en détail les mesures législatives et les autres programmes adoptés pour permettre l’exercice des droits consacrés par la Convention. Cela étant, il regrette que le rapport ne contienne pas de données démographiques et ethniques désagrégées , et ne permette donc pas de mesurer précisément comment sont appliquées les dispositions de la Convention s’agissant des différents groupes de personnes qui composent la société yéménite, et notamment des femmes et des étrangers. Ainsi, bien que le droit de former des syndicats et d’y adhérer, consacré par l’article 2.1 d) de la Convention, semble garanti par la Constitution yéménite et par deux articles du Code du travail, le quatorzième rapport périodique du Yémen ne contient aucune information concrète sur la manière dont est concrètement appliqué ce droit. De même, le paragraphe 47 du rapport indique que des mesures ont été prises pour assurer la protection sociale de certains groupes marginalisés, mais il n’est pas précisé si ces mesures s’appliquent aux personnes qui ont des origines raciales ou ethnique différentes de la population yéménite.

M. Shahi demande en outre à la délégation de préciser quels textes de lois ont été adoptés et quelles politiques sont menées pour décourager et sanctionner l’incitation à la haine raciale. Si la législation yéménite ne prévoit pas de sanctions pénales pour réprimer les crimes fondées sur l’appartenance raciale ou ethnique, cela signifie que dans les faits les auteurs de tels crimes ne sont pas poursuivis, et que l’État partie accorde une sorte d’impunité aux coupables. C’est là un point important qui mérite d’être clarifié. Par ailleurs, même si l’article 47 de la Constitution interdit la pratique de la torture mentale ou physique ainsi que l’obtention d’aveux par la force au cours des enquêtes, qu’en est‑il réellement dans les faits?

M. Shahi note en outre que la loi de 1991 sur l’état civil garantit le droit d’entrer dans son pays et de le quitter, mais relève que ces paragraphes ne traitent que de l’application de ce droit aux ressortissants étrangers et aux membres du corps consulaire et diplomatique étranger. Comment ce droit s’applique–t–il aux ressortissants yéménites?

Si l’on en croit le rapport (par. 203), la loi sur la presse et les publications garantit la liberté d’expression, de pensée et de communication et garantit l’indépendance des organes de presse. Selon cette même loi, «les organes de presse sont libres de recevoir et publier des informations provenant de diverses sources, tout en demeurant responsables des informations qu’ils diffusent, dans les limites autorisées par la loi» (par. 205). Quelles sont précisément les limites imposées par la loi à la liberté d’expression au Yémen? Est‑il vrai que des journalistes ont recours à l’autocensure et que certains d’entre eux ont été arrêtés dans l’exercice de leur profession?

Enfin, s’agissant du droit au logement, M. Shahi demande à la délégation d’indiquer si des programmes de construction ou de rénovation de logements ont été réalisés.

M. VALENCIA RODRIGUEZ regrette, comme M. Reshetov, l’absence de données actualisées dans le rapport du Yémen sur la composition démographique du pays. Il note que le rapport détaille largement (par. 36 et suivants) les fonctions des conseil de district, qui semblent avoir un pouvoir très large dans les domaines économique et social, mais déplore qu’aucune information n’ait été fournie quant à leur composition, et notamment sur l’éventuelle participation à ces conseils de représentants des groupes vulnérables ou marginalisés.

M. Valencia Rodriguez demande s’il existe au Yémen une procédure particulière de naturalisation des étrangers et, le cas échéant, d’en préciser les modalités. Il demande à la délégation de présenter des informations plus détaillées concernant la situation des travailleurs étrangers, en particulier sur leurs salaires moyens, et d’indiquer s’ils ont effectivement le droit d’adhérer à un syndicat. Par ailleurs, les différents programmes mis en place dans les domaines du logement, de la santé et de la protection sociale prennent‑ils en compte les groupes vulnérables et marginalisés et quels résultats ont‑ils permis d’atteindre? Les mesures prises dans le domaine de l’éducation sont très importantes, mais il serait utile de savoir si des mesures spéciales ont été prises pour faciliter l’accès à l’éducation des groupes défavorisés et si l’État partie envisage d’accélérer les mesures susceptibles de réduire le taux d’analphabétisme, en particulier dans les zones rurales.

S’agissant des mesures juridiques et législatives prises par le Yémen en application de l’article 6 de la Convention, M. Valencia Rodriguez demande à la délégation yéménite de donner des éclaircissements sur certaines allégations de discrimination raciale qui concerneraient des tribunaux. Par ailleurs, les organisations de défense de droits de l’homme peuvent‑elles invoquer la Convention devant les tribunaux et intervenir comme organes de médiation ou de conciliation dans les éventuelles affaires de discrimination?

M. THIAM se félicite de l’honnêteté dont a fait montre la délégation yéménite pour exposer certains problèmes difficiles auxquels l’État partie est confronté dans la mise en œuvre de certaines dispositions de la Convention. Cela étant, il convient de relever que l’État partie n’a pas tenu compte dans l’établissement du rapport à l’examen de certaines observations qu’avait formulées le Comité en 1992 lors de la présentation du précédent rapport périodique. Ainsi, l’État partie n’a pas indiqué quelles mesures ont été prises pour que la Convention puisse être invoquée devant les tribunaux et pour promouvoir la connaissance des questions relatives aux droits de l’homme et assurer une meilleure compréhension et une plus grande tolérance entre les groupes sociaux et ethniques du pays. La délégation est‑elle en mesure d’indiquer au Comité quelles mesures ont été concrètement prises en vue d’une plus grande diffusion de la Convention et de sa vulgarisation auprès de la population?

Sur le fond, M. Thiam note que le paragraphe 50 du rapport indique que le Yémen a officiellement instauré le pluralisme politique. Or, il relève que selon la loi électorale de 1999, l’une des conditions d’éligibilité est d’avoir accompli «ses devoirs religieux». Cela signifie‑t‑il que les personnes qui ne pratiquent pas la religion d’État, à savoir l’Islam, n’ont pas le droit d’être élues? Si tel n’est pas le cas, comment les chrétiens et les juifs sont‑ils admis à participer au processus politique? M. Thiam relève par ailleurs que selon le paragraphe 137 du rapport, une révision de la loi sur la nationalité est en cours et demande à la délégation d’indiquer si cette révision s’oriente vers la reconnaissance du droit du sol ou du droit du sang. Pourquoi l’État partie exclut-il du droit à la nationalité l’enfant d’une femme yéménite mariée à un ressortissant étranger et qui serait né hors du Yémen? M. Thiam demande également à la délégation d’indiquer quelles mesures permettent de garantir une protection sociale efficace aux personnes en situation de précarité.

M. TANG se félicite des efforts entrepris par le Gouvernement yéménite pour mettre en œuvre la Convention et de la qualité du rapport présenté mais regrette que ce dernier ne soit pas suffisamment ciblé sur les questions intéressant le Comité.

M. Tang demande ce qu’il faut entendre au paragraphe 131 du rapport par le fait qu’un étranger puisse constituer «une charge pour l’État» et souligne la contradiction qui existe entre les paragraphes 123 et 110 du rapport concernant la possibilité pour tout citoyen d’être élu à la Chambre des représentants. Évoquant comme M. Reshetov la loi électorale de 1999, qui dispose que pour se présenter aux élections, tout citoyen doit, entre autres, «accomplir ses devoirs religieux», il se demande si cette règle n’empêche pas les non‑musulmans de participer à la vie politique du pays. Enfin, M. Tang voudrait des éclaircissements sur les réserves formulées par le Yémen s’agissant de l’application de certaines dispositions de la Convention.

M. BOSSUYT constate que le rapport, quoique volumineux, fait état de nombreuses considérations ne relevant pas du domaine d’application de la Convention (en ce qui concerne la législation, le système constitutionnel, etc.) et regrette notamment le manque de statistiques.

À propos du paragraphe 53 du rapport, M. Bossuyt aimerait savoir ce qu’il faut entendre par «personnes qui risquent de tomber dans la délinquance» et qui sont les «familles des martyrs» dont il est question au paragraphe 165? Il demande par ailleurs des éclaircissements sur le projet de révision de la loi sur la nationalité. Il souhaite notamment savoir si la distinction actuelle existant entre les hommes et les femmes s’agissant de la transmission de la nationalité va être maintenue et s’il existe pour les étrangers, en particulier pour les travailleurs migrants éventuels, une possibilité d’acquérir la nationalité yéménite.

M. Bossuyt se demande en outre si l’inégalité entre hommes et femmes en matière de droit d’héritage (art. 23 de la Constitution) se justifie encore à l’heure actuelle, si elle s’applique aux étrangers, notamment non‑musulmans, et si la polygamie existe toujours au Yémen. Enfin, tout en se félicitant de ce que les journalistes jouissent désormais au Yémen de différents droits (résider avec leur famille au Yémen, visa d’entrée, divers avantages et privilèges), il s’interroge sur l’obligation qui leur est faite d’aviser le Ministère de l’information avant d’entreprendre des missions d’établissement des faits.

M. de GOUTTES regrette que le rapport présente un trop grand nombre d’informations dans des domaines ne relevant pas directement du champ d’application de la Convention, mais se félicite néanmoins de la reprise du dialogue avec le Gouvernement yéménite quelque dix ans après l’examen du dixième rapport périodique.

M. de Gouttes note que depuis 1992, d’importants progrès ont été accomplis au Yémen dans la promotion des droits de l’homme puisque, chose rare et en dépit de quelques violations persistantes, Amnesty International fait état dans son rapport 2002 de progrès notables réalisés dans l’État partie à cet égard. Parmi les aspects positifs, il relève notamment la nomination d’un ministre d’État chargé des droits de l’homme, la signature d’un accord mutuel de coopération technique dans le domaine des droits de l’homme avec le Haut‑Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et la création d’un comité suprême des droits de l’homme. Il demande à la délégation de lui fournir des informations complémentaires sur les programmes mis en place dans le cadre de l’accord mutuel susmentionné et sur les initiatives récemment prises par le Comité suprême des droits de l’homme. Ce dernier peut‑il notamment recevoir et instruire des plaintes émanant de particuliers?

S’agissant de l’application des articles 2 et 4 de la Convention, M. de Gouttes se félicite de l’adoption d’une loi sur la lutte contre le racisme puisqu’en 1992, lorsque le Comité s’était interrogé sur le fait qu’«il n’existait aucune forme de discrimination dans le pays», le Yémen avait répondu qu’il n’était pas nécessaire d’adopter des mesures législatives pour veiller à l’application de l’article 4 de la Convention. Il note qu’il existe désormais dans le Code pénal un article (l’article 5) qui, bien que rédigé en termes généraux, interdit de pénaliser ou de léser quiconque, notamment en raison de sa race et de son origine. M. de Gouttes estime toutefois que les prescriptions de l’article 4 de la Convention ne sont pas complètement respectées. À cet égard, comme M. Shahi, il aimerait savoir si la propagande à caractère raciste et la participation à des organisations de caractère raciste peut tomber sous le coup de la loi pénale et quelles sont les sanctions qui ont été prévues par l’article 5 du Code pénal yéménite.

Quant à l’application de l’article 5 de la Convention, M. de Gouttes se félicite de ce que le Yémen ait adopté une politique semblant désormais favorable aux relations avec les ONG et les institutions de protection des droits de l’homme. Il aimerait savoir si parmi celles‑ci figurent des organismes s’occupant particulièrement des questions de discrimination raciale ou ethnique.

À propos des aspects négatifs soulignés par le Rapporteur pour le Yémen, M. de Gouttes relève lui aussi l’absence dans le rapport d’indications sur la composition ethnique de la population yéménite. Il regrette également, concernant l’application de l’article 6 de la Convention qui stipule que «chacun a le droit de saisir les tribunaux pour protéger ses droits», que le rapport ne fasse état d’aucun exemple pratique de plainte, de poursuite ou de condamnation pour des actes de discrimination à caractère ethnique ou racial. Il souhaiterait enfin obtenir des renseignements complémentaires sur les mesures prises pour diffuser dans le public la Convention, ainsi que les conclusions et recommandations du Comité, sur les mesures adoptées pour former aux droits de l’homme les agents chargés de l’application des lois (policiers, militaires, magistrats, personnel pénitentiaire, fonctionnaires) et sur leur efficacité, sur la position du Gouvernement yéménite concernant la déclaration prévue à l’article 14 de la Convention et sur les mesures susceptibles d’être prises pour mettre en œuvre le Programme d’action adopté à l’issue de la Conférence de Durban ainsi que sur les éventuelles dispositions législatives adoptées par le Yémen au lendemain des attentats du 11 septembre 2001.

M. PILLAI, se référant à l’article 5 de la Convention, aimerait savoir quelles ont été les répercussions de la loi sur les investissements (1995) sur la société yéménite, sachant qu’au Moyen‑Orient, ce type de loi s’accompagne généralement d’une vague d’immigration. En outre, il aimerait savoir comment s’applique le droit en matière de succession pour les non‑musulmans puisqu’au Yémen, le droit successoral est régi par la charia et que le document de base (HRI/CORE/1/Add.115) indique la présence sur le territoire yéménite de quelque 5 000 juifs et chrétiens.

M. Pillai se demande par ailleurs si la loi yéménite sur la sécurité sociale permet à l’État partie d’identifier des communautés ou des groupes particuliers nécessitant des mesures de protection spéciales ou si cette loi est appliquée en fonction de segments de la population déjà définis comme appelant une attention particulière.

À propos du rôle des ONG, M. Pillai juge très encourageant que ces dernières jouissent aujourd’hui d’une certaine liberté et que le Gouvernement encourage leur création, mais demande des renseignements complémentaires sur la contribution précise de ces organisations en matière de lutte contre la discrimination raciale. Enfin, il demande des éclaircissements sur la tendance au Yémen consistant à revoir de plus en plus les instruments juridiques du point de vue des droits de l’homme. Quels en sont les exemples et quelles sont les lois qui ont été révisées sous l’angle de la promotion et de la protection des droits de l’homme?

M. AMIR relève que le Yémen est un État musulman où s’opère une véritable révolution sociale et dont on ne peut que louer les efforts. Il se félicite de ce que la Convention ait été directement intégrée dans les instruments juridiques, judiciaires, législatifs et politiques du pays. Toutefois, il regrette l’absence de statistiques dans le rapport sur l’organisation de la société et se demande à cet égard si le Yémen avance véritablement sur la voie de la démocratie. Il voudrait connaître, notamment, l’âge de la responsabilité pénale et être informé des mesures prises par l’État partie pour lutter contre la criminalité internationale.

M. LINDGREN ALVES se félicite de la qualité du rapport soumis par l’État partie, mais regrette son caractère trop légaliste et souhaite que le Gouvernement yéménite présente dans son prochain rapport périodique des informations plus concrètes sur la mise en œuvre des droits énoncés dans la Convention. Il constate que le Yémen dispose aujourd’hui d’institutions démocratiques, qu’il est résolument engagé dans un effort de promotion et de protection des droits de l’homme et qu’il s’efforce dans une large mesure de mettre en œuvre les dispositions de la Convention. Il prend note en particulier du Programme d’action démographique, qui semble répondre à la plupart des recommandations faites à l’issue de Conférence du Caire de 1994 concernant l’accès aux soins de santé et le développement du planning familial. En revanche, concernant le droit d’héritage, il s’étonne de ce que l’inégalité entre hommes et femmes subsiste, et ce en dépit des recommandations formulées à l’issue de la quatrième Conférence mondiale sur les femmes de 1995. Enfin, M. Lindgren Alves s’inquiète de la situation des personnes sans confession dans un pays où l’islam est la religion officielle et demande à la délégation de fournir des informations sur leurs conditions de vie.

M. THORNBERRY dit que le rapport, déjà complet et précis, gagnerait encore en qualité s’il contenait des données sur les différents groupes de population présents sur le territoire, compte tenu notamment de la complexité de l’histoire culturelle et politique du pays. Selon lui, un complément d’information sur l’intégration des systèmes politiques et juridiques hérités du passé et sur les mécanismes de changement mis en place par l’État partie permettrait au Comité de mieux cerner les implications des lois adoptées dans le cadre de la mise en œuvre de la Convention.

M. Thornberry regrette qu’à de nombreux égards, le rapport ne soit pas suffisamment explicite. Que doit‑on par exemple comprendre, au paragraphe 2, par «l’État garantit la liberté de pensée (…) dans les limites de la loi». Quelles sont ces limites? En matière de nationalité, il est dit au paragraphe 16 que «la nationalité ne peut (…) être retirée à une personne qui l’a acquise que de la manière prescrite par la loi». Ici encore, M. Thornberry souhaiterait que la délégation fournisse des précisions, en citant les critères qui justifient le retrait de la nationalité. De plus, notant que «la loi ne contient aucune disposition qui soit de nature à entraver l’exercice du droit à la non‑discrimination, en particulier dans le domaine économique» (par. 23), M. Thornberry voudrait savoir si, à l’inverse, il existe une loi qui garantisse ce droit. Le paragraphe 21 mentionne «l’appartenance à une tribu» : les droits des tribus sont‑ils protégés par la loi et dans l’affirmative, peut‑on assimiler ces droits à ceux que le droit international reconnaît aux peuples autochtones? M. Thornberry se félicite de ce que l’Accord conclu entre la République du Yémen et le Sultanat d’Oman garantisse les droits des gardiens de troupeaux et tienne compte des coutumes et des pratiques tribales (par. 239), ce qui témoigne de la volonté du Gouvernement yéménite de veiller au respect des droits de tous ses ressortissants. Au paragraphe 52, il est question du droit du peuple à l’autodétermination : la délégation pourrait‑elle donner un complément d’information sur ce qu’englobe ce principe de droit international dans le contexte du Yémen? M. Thornberry demande aussi quel est la position du Gouvernement yéménite concernant la question de l’ascendance, mentionnée sans autre explication au paragraphe 21. Enfin, il lit au paragraphe 144 du rapport que l’islam est la religion de l’État, que l’arabe est sa langue officielle et que la charia islamique est la source de toutes les législations. Qu’en est‑il des communautés non islamiques et de celles dont la langue est autre que l’arabe?

Mme JANUARY‑BARDILL regrette elle aussi que le rapport ne fournisse pas suffisamment de données démographiques, notamment sur les femmes en général et sur les femmes des groupes minoritaires en particulier. Elle demande ce qui explique que le taux de mortalité soit bien plus élevé chez les femmes que chez les hommes. Notant que la politique démographique nationale a pour but de réduire de 50 % le taux de morbidité et de mortalité maternelles d’ici 2005, Mme January‑Bardill voudrait savoir dans quelle mesure les activités mises en place à cette fin bénéficieront aux femmes des groupes minoritaires. Il serait selon elle utile que les prochains rapports périodiques contiennent des données de ce type pour que les membres du Comité puissent évaluer les progrès effectués en la matière.

Mme January‑Bardill lit au paragraphe 170 du rapport que la malnutrition infantile est en augmentation. Elle souhaiterait savoir quelle est l’incidence de ce fléau au sein des groupes minoritaires. Là encore, elle souhaiterait que l’État partie fournisse des données ventilées par groupe de population sur cette question, ainsi que sur celle de l’analphabétisme, qui semble toucher davantage les femmes – et certainement les femmes des minorités en plus grande proportion encore – que les hommes. Enfin, le Gouvernement pourrait–il fournir des données sur l’incidence de la mutilation génitale des femmes au sein des différents groupes démographiques?

M. SICILIANOS fait observer qu’il est arrivé par le passé qu’un État qui succède à un autre État retire les réserves formulées par son prédécesseur par une simple lettre envoyée au Secrétaire général. Compte tenu de l’évolution récente de la situation au Yémen, il semble que rien ne s’oppose à ce que le Gouvernement de la République du Yémen déclare être désormais lié par les articles sur lesquels portaient les réserves de la République arabe du Yémen et de la République démocratique populaire du Yémen. M. Sicilianos rappelle à cet égard que le retrait des réserves fait partie des recommandations formulées dans la Déclaration et le Programme d’action de Durban.

D’après des sources dignes de foi, les réfugiés et les demandeurs d’asile feraient l’objet de harcèlement de la part des forces de police et des agents de sécurité, se verraient confisquer les papiers attestant de leur identité et de leur statut délivrés par le Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, puis incarcérés lorsqu’ils sont dans l’incapacité de produire les documents en question. D’après les mêmes sources, les réfugiées somaliennes dont les maris sont décédés lors de la guerre civile se trouveraient quant à elles dans l’incapacité de se loger et de scolariser leurs enfants dans le système yéménite, faute de garant de sexe masculin. La délégation peut‑elle confirmer ou infirmer ces allégations?

Mme WAHIBA FAREÉ (Yémen) dit que son pays ne compte pas de minorités ethniques. Elle ajoute que l’islam est la religion de l’État, mais qu’il n’y a aucun fanatisme au Yémen. En effet, les personnes d’autres confessions peuvent exercer librement leur culte, dans les temples, les églises ou les synagogues du pays – peu nombreux il est vrai – et jouissent des mêmes droits que les musulmans. Le Gouvernement yéménite reconnaît en outre que la charia ne s’applique pas aux personnes d’autres confessions, notamment en matière successorale et matrimoniale.

Depuis sa création, la République du Yémen accorde une grande importance au respect des droits de l’homme, comme en témoigne la création du Conseil suprême des droits de l’homme, qui a procédé à la révision d’un certain nombre de lois, dont la loi sur la nationalité. En vertu de cette dernière, une Yéménite qui épouse un étranger a désormais le droit d’obtenir la nationalité de son mari. Mme Wahiba Fareé indique en outre que le Conseil suprême des droits de l’homme a instauré une procédure de plaintes qui permet aux personnes qui estiment avoir été lésées, ou avoir été victimes de harcèlement de la part de la police, de se faire entendre. Le Conseil travaille depuis deux ans en collaboration avec des membres du Ministère de la justice, du Ministère des affaires sociales et du Ministère des affaires étrangères notamment pour traiter ces plaintes cas par cas.

En matière de santé, le Gouvernement a créé un grand nombre de centres médicaux dans le pays et a implanté des centres de planification de la famille pour aider à lutter contre la mortalité et la morbidité maternelles et infantiles. Il a en outre adopté une loi interdisant la pratique de la mutilation génitale des femmes, introduite dans le pays par certains groupes d’immigrés.

Mme Wahiba Fareé dit que les «serviteurs» dont a parlé le Rapporteur pour le Yémen ne font l’objet d’aucune législation discriminatoire. Du point de vue sociologique, il semblerait effectivement que cette catégorie de personnes s’élève rarement sur le plan social, mais rien ne les en empêche sur le plan juridique. Enfin, Mme Wahiba Fareé met l’accent sur le fait que le rapport d’Amnesty International a qualifié la société yéménite de société à caractère humain, qui a fait preuve de sa volonté politique d’améliorer la situation en matière de discrimination.

Le PRÉSIDENT dit que la délégation yéménite sera invitée à répondre aux questions des membres du Comité à la séance suivante.

La séance est levée à 17 h 50.

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