COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE
Soixante-huitième session
COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1735e SÉANCE
tenue au Palais Wilson, à Genève,le mercredi 22 février 2006, à 15 heures
Président: M. de GOUTTES
SOMMAIRE
EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (suite)
Rapport initial et deuxième à sixième rapports périodiques de la Bosnie-Herzégovine
La séance est ouverte à 15 h 15.
EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (point 6 de l’ordre du jour) (suite)
Rapport initial et deuxième à sixième rapports périodiques de la Bosnie-Herzégovine (CERD/C/464/Add.1; HRI/CORE/1/Add.89/Rev.1)
1. Sur l’invitation du Président, les membres de la délégation de la Bosnie-Herzégovine prennent place à la table du Comité.
2.M. NAGRADIC (Bosnie-Herzégovine), présentant le rapport initial et les deuxième à sixième rapports périodiques de son pays (CERD/C/464/Add.1), dit que plus d’une année s’est écoulée depuis l’achèvement de ce rapport. Depuis, l’environnement pour la promotion et la protection des droits de l’homme en Bosnie-Herzégovine a évolué, entraînant une atténuation générale de la discrimination dans de nombreux domaines. Des progrès ont été engrangés dans les domaines suivants: l’élaboration de nouvelles lois, une sensibilisation accrue aux droits de l’homme et à la discrimination, le renforcement des mécanismes relatifs aux droits de l’homme, le renforcement du secteur des ONG, une attention accrue aux besoins des groupes vulnérables et l’élaboration de stratégies, de plans d’action et de réformes dans tous les domaines du spectre social. Ces résultats ont été rendus possibles par, notamment, la coopération dont la Bosnie-Herzégovine a bénéficié de la part de diverses organisations internationales gouvernementales et non gouvernementales, qui ont organisé de multiples conférences, tables rondes, ateliers et colloques scientifiques sur des questions relatives à la discrimination.
3.Du point de vue de la mise en œuvre de la Convention, le problème principal n’est pas tant la discrimination raciale que les autres formes de discrimination, essentiellement celles liées à la diversité ethnique et nationale. Cette diversité est un facteur qui complique à l’extrême les efforts nécessaires à la lutte contre la discrimination. Un autre facteur est le processus en cours de réhabilitation et de réconciliation qui a suivi les troubles civils interethniques d’il y a seulement dix ans. En conséquence, les progrès sont encore lents. Les défis qu’il faudra encore relever comprennent la promotion de l’éducation aux droits de l’homme et la sensibilisation à la Convention, l’élargissement des connaissances du public à propos de l’élimination des formes existantes de discrimination et la prévention de l’émergence de nouvelles formes de discrimination. Il est temps de déplacer l’accent mis sur les actions de la protection des droits des personnes déplacées et rapatriées vers la protection des groupes vulnérables, notamment les enfants handicapés, les victimes de la guerre et les pensionnés. Renforcer l’identité culturelle des minorités nationales et religieuses et veiller à ce qu’elles aient accès à l’information sont deux autres priorités.
4.Mme TARABA (Bosnie-Herzégovine) dit que la Convention (ICERD) est entrée en vigueur en 1993 dans son pays et a été intégrée à la Constitution; ses dispositions peuvent être invoquées directement devant les tribunaux. Comme c’est le cas avec d’autres traités internationaux, tels la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, les dispositions de la l’ICERD ont la primauté sur la législation nationale.
5.La Bosnie-Herzégovine étant un État complexe aux caractéristiques très particulières et les valeurs de tolérance et de coexistence ayant été gravement menacées pendant la guerre de 1992‑1995, le rapport donne uniquement des informations sur les progrès réalisés après la guerre sur la période 1996-2004. Le rapport a été préparé sur la base de données collectées par des ministères et organes administratifs d’État, des ministères au niveau des entités (c’est-à-dire ceux de la Fédération de Bosnie-Herzégovine, de la Republika Srpska et du district de Brčko) ainsi que par des ONG et instituts universitaires travaillant directement sur les questions abordées dans le rapport.
6.L’un des principaux problèmes auxquels le Ministère des droits de l’homme et des réfugiés a dû faire face lors de la préparation du rapport a été l’absence d’un système unifié de collecte des données. Le dernier recensement ayant été réalisé en 1991, les chiffres présentés dans le rapport ne sont plus à jour. Si son Gouvernement reconnaît que la structure sociale et ethnique du pays a changé depuis 1991, il s’est avéré impossible de collecter des statistiques actualisées et donc de répondre avec précision à de nombreuses questions du Comité. Le manque de ressources financières et matérielles a également entravé la préparation du rapport. Le Gouvernement a bien conscience du fait qu’une coopération accrue des ONG aurait amélioré le document final.
7.M. BOYD, Rapporteur de pays, dit que dix ans après la fin du conflit armé au sein de l’État partie, le Comité se réjouit de l’opportunité qui se présente d’examiner avec la délégation la façon dont le Gouvernement met en œuvre la Convention. Si le rapport fournit beaucoup d’informations et aborde de nombreuses questions pertinentes pour la Convention, il n’apporte pas suffisamment d’éléments attestant les efforts que l’État partie fournit pour mettre en œuvre les droits formulés dans des dispositions essentielles, en particulier ceux visés par l’article 5. Si des statistiques ne sont pas disponibles, le Comité aimerait obtenir des exemples pratiques de la mise en œuvre de ces droits.
8.Le Comité se réjouit de l’affirmation que les dispositions des instruments des Nations Unies ratifiés par l’État partie et de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales sont appliquées directement et ont la primauté sur toute législation nationale, en vertu de l’article 2 de la Constitution. La délégation devrait toutefois préciser quels instruments internationaux ont été intégrés dans la Constitution par une référence spécifique et quel a été l’impact d’une telle intégration pour les tribunaux nationaux d’État et au niveau des entités.
9.On ne sait pas clairement si les violations constitutionnelles commises sur la base de la race peuvent faire l’objet d’un renvoi devant les cours, les tribunaux ou des organes administratifs. Il serait utile de connaître la portée et la gamme des voies de recours envisageables et de savoir si de telles affaires de discrimination raciale ont déjà été examinées. Il serait intéressant de connaître le nombre d’affaires, les personnes qui les ont initiées, les cours qui ont statué, la région géographique où les procès ont eu lieu et les conclusions des procédures. Ces informations sont-elles désagrégées par race, origine ethnique, nationalité ou religion?
10.Il serait utile de savoir depuis combien de temps la prohibition à l’encontre des fonctionnaires refusant des droits ou accordant des privilèges sur une base discriminatoire est intégrée au Code pénal (chapitre XV, article 14). Y a-t-il eu des poursuites dans le cadre de cette loi et des fonctionnaires ont-ils été condamnés? Existe-t-il un équivalent civil à cet article et, dans l’affirmative, quels tribunaux et organes administratifs ou exécutifs peuvent connaître de ces dossiers? Quelles voies de recours sont disponibles pour obtenir réparation devant ces tribunaux? Le Comité apprécierait avoir des exemples d’affaires pertinentes.
11.Il est difficile de comprendre en quoi la Convention est compatible avec la Constitution de la Bosnie-Herzégovine et avec les constitutions de ses entités constituantes, résultant de l’Accord de paix de Dayton. La Constitution de la Republika Srpska reconnaît les Serbes comme le peuple constitutif dominant dans cette région et la Constitution de la Bosnie-Herzégovine reconnaît les Bosniaques et les Croates comme les peuples constitutifs dominants dans la Fédération. Cette reconnaissance a donné lieu à l’octroi d’un statut spécial aux Serbes, aux Bosniaques et aux Croates. Ceci semble créer un système dans lequel l’origine ethnique est le facteur déterminant pour la participation au processus électoral, et dès lors pour l’accès des individus au pouvoir politique.
12.Aux termes de l’article 5 de la Constitution, les membres de groupes minoritaires nationaux semblent exclus du processus d’élection de membres pour la présidence, comme le sont les peuples constitutifs vivant dans une entité dont ils ne sont pas les constituants dominants. De la même manière, les électeurs peuvent faire leur choix entre Bosniaques et Croates uniquement au sein de la Fédération; en Republika Srpska, ils ne peuvent choisir que des Serbes. De plus, les membres de chaque groupe constitutif peuvent être élus uniquement depuis le territoire où la Constitution leur accorde un statut préférentiel. Des règles tout aussi normatives s’appliquent aux élections des membres de la Chambre des peuples du Parlement. Les restrictions sur l’auto-identification excluent les personnes d’origine ethnique mixte qui refusent de choisir une identité ethnique plutôt que l’autre. Ceci ne donne-t-il pas comme résultat que les minorités nationales et les peuples constitutifs vivant dans une entité ne les reconnaissant pas comme tels sont dans les faits privés du droit de vote? Si le cadre constitutionnel existant a indubitablement été un des prix de la paix à Dayton, une réforme constitutionnelle significative semble aujourd’hui nécessaire. Il serait utile d’entendre la réaction de la délégation à cette suggestion.
13.Par ailleurs, il serait intéressant d’entendre l’opinion de la délégation sur les liens apparents entre cette participation fondée uniquement sur l’origine ethnique et d’autres pratiques discriminatoires relatives à l’accès à l’emploi, aux soins de santé et à l’éducation. Est-il exact de dire qu’il existe un lien tangible entre le pouvoir politique, attribué par la loi en fonction de l’origine ethnique, et la non-jouissance par les minorités ethniques de leurs droits consacrés par l’article 5 de la Convention? Une telle exclusion peut-elle contribuer à expliquer la pauvreté chronique que connaissent certaines minorités nationales, en particulier les Roms, ainsi que le caractère mono-ethnique de nombreux quartiers et la préoccupation croissante quant à l’existence d’écoles appliquant la ségrégation et proposant des programmes distincts?
14.En ce qui concerne le cadre légal pour les lois anti-discrimination, le Comité aimerait obtenir des informations complémentaires sur la loi relative à la protection des minorités nationales. Il souhaite connaître les conditions spécifiques que cette loi impose concernant le mandat et les responsabilités des autorités nationales et les ressources mises à leur disposition. Il demande par ailleurs à la délégation de fournir des exemples d’actions entreprises par les autorités en vertu de cette loi. Il souhaite également connaître les droits et devoirs des membres de minorités nationales par rapport à leurs identités ethniques, culturelles, linguistiques et religieuses, comme exposé à l’article 1er de cette loi.
15.S’intéressant au rôle du Médiateur, il dit que bien que les paragraphes 26 et 77 du rapport exposent le but de la création du Bureau du Médiateur des droits de l’homme, il n’est toujours pas certain de la portée du mandat du Médiateur. De la même manière, on ne sait pas non plus clairement si les enquêtes du Médiateur sont limitées aux violations commises par des fonctionnaires ou si elles peuvent également porter sur la conduite de personnes privées. Du point de vue de l’article 2 de la Convention, il se demande quels droits et libertés constitutionnels précis le Médiateur est habilité à protéger. Il note que les droits comprenant la non‑discrimination dans les secteurs du logement et de l’emploi n’ont pas été abordés dans ce contexte et demande à la délégation d’indiquer quel aspect de la législation nationale garantit la protection de ces droits. Il souligne que cette question est particulièrement pertinente aux yeux du Comité pour l’évaluation du respect par l’État partie des articles 2, 5 et 6 de la Convention.
16.Selon le paragraphe 146 du rapport, le Médiateur n’est pas habilité à représenter les citoyens devant la justice. Cependant, le Comité a appris qu’il est déjà arrivé qu’un médiateur intente des actions au civil au nom de victimes de discrimination raciale ou ethnique. Il se demande dès lors s’il existe en fait des homologues au Médiateur au niveau des entités qui pourraient être habilités à représenter des victimes d’actes de discrimination. Dans l’hypothèse où le Médiateur ne dispose pas d’un tel pouvoir, il souhaite savoir si d’autres départements du Gouvernement, au niveau de l’État ou des entités et en dehors d’un procureur au pénal, sont habilités à demander réparation pour des victimes d’actes de discrimination.
17.Le Comité souhaite recevoir des données quantitatives et qualitatives sur le travail réalisé par le Médiateur à ce jour. Il aimerait savoir combien de plaintes ont été déposées, quelle était leur nature et comment elles ont été résolues. Dispose-t-on de données désagrégées par race, origine ethnique, nationalité ou croyance religieuse des plaignants, des victimes et des défendeurs? De la même manière, il demande si des organes gouvernementaux sont habilités à demander ou à apporter une réparation aux victimes d’une discrimination liée aux droits visés à l’article 5 de la Convention.
18.Faisant un commentaire d’ordre général sur la procédure de rapport, il dit qu’il serait utile à l’avenir que la délégation fournisse des informations sur le nombre, la nature et la localisation des poursuites pénales engagées par les pouvoirs publics, en vertu des articles 145 et 146 du Code pénal, sur l’identité des auteurs, sur les victimes et sur les décisions rendues.
19.Il invite la délégation à donner des détails sur les travaux de la Chambre des droits de l’homme et de l’organe qui l’a remplacée, la Commission des droits de l’homme. Plus spécifiquement, des informations sont requises sur la nature des plaintes de discrimination raciale ou ethnique portées devant la Commission. Il s’intéresse à la manière dont les plaintes sont traitées et aimeraient en connaître les conclusions, y compris les verdicts rendus et les réparations octroyées.
20.Au vu des nombreuses allégations de menaces à l’encontre de membres de minorités nationales retournant dans leurs anciennes maisons, il souhaite savoir quels mécanismes d’application existent pour appliquer la loi sur les réfugiés et les personnes déplacées et ses amendements, qui protègent ces personnes rentrant chez elles. Il se demande également si ces mécanismes font l’objet d’une publicité suffisante, si l’on dispose de ressources suffisantes pour en contrôler le respect et quelle agence gouvernementale assume cette responsabilité. Il demande également si des plaintes ont été déposées ou des inculpations pénales formulées à cet égard et, dans l’affirmative, si la délégation peut donner une idée des résultats obtenus. Par ailleurs, il aimerait connaître le lien existant entre cette législation et l’article 146 du Code pénal, qui criminalise l’emploi de la force, ou de la menace de la force, par quiconque pour empêcher ou dissuader les personnes déplacées de rentrer chez elles.
21.M. SICILIANOS loue le Gouvernement de Bosnie-Herzégovine pour les progrès importants qu’il a réalisés en matière de législation nationale et de traités internationaux, tout en tenant bien compte de la nature spécifique de la situation dans le pays et en tendant à garantir la reconnaissance d’une véritable identité bosniaque, dans un contexte démocratique.
22.Il note l’adoption proposée d’une législation civile et administrative complète pour lutter contre la discrimination directe et indirecte fondée sur l’origine ethnique ou nationale et demande à la délégation de fournir des détails sur les actions entreprises à ce jour. Concernant la question de la discrimination ethnique alléguée en matière de sécurité sociale et d’indemnités de retraite, il souligne que ces droits doivent être garantis par l’État, qui doit éliminer les obstacles actuels à leur jouissance. L’adoption de ces mesures faciliterait grandement le retour sans heurts des réfugiés et des personnes déplacées.
23.Par ailleurs, il souligne la nécessité de dispenser un enseignement dans un système qui s’adapte aux différents besoins ethniques et linguistiques et, ainsi, de prévenir l’ancrage de préjugés et d’une animosité qui persisteraient sur plusieurs générations.
24.M. KJAERUM, louant la délégation pour sa présentation franche et autocritique du rapport, reconnaît l’ampleur des obstacles rencontrés par le Gouvernement. Il demande si le Gouvernement a disposé de moins de ressources pour la préparation du présent rapport au Comité que pour faire rapport à d’autres organes conventionnels.
25.Il souhaite également en savoir davantage sur les difficultés que le Gouvernement a rencontrées dans son interaction avec la société civile pendant l’élaboration du rapport. Soulignant l’importance des apports d’ONG, au stade du rapport et de nouveau au stade de la mise en œuvre des recommandations du Comité, il demande à la délégation ses commentaires sur les obstacles rencontrés.
26.Attirant l’attention sur l’utilisation systématique du terme «autres» en opposition à «peuples constitutifs», il demande si la notion «autres» renvoie exclusivement aux membres de minorités nationales ou si elle englobe toutes les personnes qui ne souhaitent pas être associées avec l’un des trois groupes de peuples constitutifs. Plusieurs représentants de minorités nationales ont indiqué qu’ils trouvent offensante l’utilisation de cette expression et qu’elle laisse entendre une exclusion sociale.
27.Concernant l’emploi, il demande si l’une ou l’autre forme d’action positive a été prise pour accroître la représentation des rapatriés «ethniques» dans la population active et si des mécanismes administratifs permettent de gérer les plaintes concernant la discrimination sur le marché du travail.
28.S’intéressant au paragraphe 11 du rapport, qui mentionne la création de l’organe consultatif «Comité des Roms», il note que ce comité n’a pas été réellement effectif pour plusieurs raisons, notamment un manque de ressources, et n’a pas souvent été consulté par les ministères concernés. Il est dès lors curieux de savoir comment le Gouvernement perçoit le rôle de ce comité et le renforcement de l’intégration de la communauté rom au sein de la société dans son ensemble. Il attire l’attention sur le taux d’assiduité extrêmement faible des enfants roms au niveau de l’école primaire et note qu’il n’est pas indiqué dans le rapport quelle action est prévue pour remédier à cette situation. Il laisse entendre que le Gouvernement pourrait tirer des enseignements de la vaste expérience des pays voisins qui ont abordé avec succès la question de l’enseignement dans les communautés roms.
29.M. VALENCIA RODRÍGUEZ dit que la notion de minorités a en effet émergé de la nature pluriethnique de la Bosnie-Herzégovine et qu’elle oblige l’État à assurer la protection de celles‑ci. Il note que plusieurs ONG et groupes politiques ont été créés par ces minorités, et en leur nom, et se demande si une telle mobilisation doit être comprise comme une conséquence de la guerre. Il souhaite également savoir quelles mesures concrètes ont été prises pour améliorer le niveau de vie des minorités nationales, conformément à l’article 2 de la Convention.
30.Concernant l’article 4, le rapport indique que des mesures adéquates ont été prises pour satisfaire aux exigences de l’article 4 (b) sur la caractérisation de la promotion de l’intolérance et de la discrimination raciale comme une infraction punissable. Le Comité apprécierait toutefois obtenir davantage d’informations sur les éventuelles initiatives administratives ou judiciaires qui ont été prises pour assurer la conformité avec les dispositions de l’article 4 (a).
31.Il note le recensement imprécis des minorités, en particulier la population rom, et demande des commentaires supplémentaires sur l’étendue des représailles à l’encontre des minorités et sur le niveau de la représentation politique obtenue par ces communautés. Il demande par ailleurs si des affaires d’expulsion forcée fondée sur l’affiliation ethnique et de discrimination raciale flagrante à l’encontre de rapatriés ont fait l’objet d’enquêtes et quelles actions ont été entreprises pour traduire les auteurs de telles violations en justice.
32.Donnant suite à des questions posées par le Rapporteur de pays, il souligne également la nécessité d’une clarification sur le rôle du Médiateur, plus spécifiquement sur les types de dossiers que le Médiateur est habilité à traiter. Pour conclure, il demande la confirmation de la primauté de la Convention par rapport à la législation nationale et des informations sur la procédure permettant à des citoyens d’invoquer des affaires de discrimination raciale directement devant les tribunaux nationaux.
33.M. AVTONOMOV demande à la délégation de compléter les informations données dans le rapport sur l’élection des représentants des minorités. Une clarification est également demandée sur l’extradition de citoyens naturalisés mentionnée au paragraphe 17 du rapport; il ne comprend pas en quoi la naturalisation diffère de la nationalité. Il demande si le projet de loi sur l’enseignement primaire et secondaire visé au paragraphe 157 a été adopté et s’il comprend des dispositions sur l’égalité des chances et la non-discrimination. On ne sait pas clairement si les actes de discrimination sont régis par la législation fédérale ou par la législation en vigueur dans les deux entités politiques qui composent la République de Bosnie-Herzégovine. Il souhaite également savoir quels critères sont adoptés pour distinguer les résidents du Monténégro du groupe qualifié de «minorité de Czarna Gorá».
34.M. YUTZIS dit qu’il est regrettable que les informations fournies dans le rapport sur les médias semblent se concentrer sur des questions relatives à la liberté d’expression et à la liberté de la presse, alors qu’il est dit peu de choses sur la diffusion d’idées fondées sur la supériorité ou la haine raciales. Les paragraphes 209 et 210 laissent penser que la propagande raciste existe bel et bien mais ne disent rien sur les mesures prises pour lutter contre le phénomène. Il demande à la délégation de commenter ce point.
35.Le rapport indique que le retour des Roms déplacés dans leurs maisons et la restitution de leur propriété sont des éléments essentiels pour qu’ils puissent jouir de leurs droits fondamentaux. Parallèlement, il indique que la grande majorité des Roms vivent actuellement dans des villages informels sans statut de propriété clair et pourraient être expulsés de force. Il demande si la législation de l’État partie garantit le droit des citoyens au logement et si les familles roms peuvent être expulsées d’un endroit dont elles sont propriétaires. La délégation devrait expliquer pourquoi l’État partie considère que l’islam contribue à la perte de la langue, de la culture et des traditions de la population rom, comme le laisse entendre le paragraphe 112 du rapport. Il demande si la séparation ethnique, l’intolérance, la ségrégation et la discrimination dans le système éducatif sont proscrites par la loi. Dans l’affirmative, la délégation devrait expliquer ce qui entrave la mise en œuvre effective des dispositions pertinentes.
36.M. AMIR demande si la diffusion d’une propagande raciste est criminalisée. Dans le cas contraire, il souhaite savoir ce que le Gouvernement a l’intention de faire pour combler ce vide juridique. La délégation devrait également décrire les mesures prises pour identifier et traduire en justice les responsables de la traite des êtres humains et pour protéger les réfugiés.
37.M. LINDGREN ALVES dit que la disparité entre la Constitution de Bosnie-Herzégovine et la Convention constitue un sérieux obstacle à la mise en œuvre de cette dernière. Des efforts soutenus sont nécessaires pour élaborer des moyens de contrôle de la discrimination, qui semble omniprésente, et de protection et d’indemnisation des victimes. Des informations complémentaires sont requises sur les motifs de la sous-représentation des enfants roms dans l’enseignement et sur l’extradition des personnes naturalisées décrite au paragraphe 17.
38.M. SHAHI dit que, étant donné les difficultés posées par la Constitution en vigueur, l’engagement formulé par les dirigeants bosniaques, serbes et croates d’entamer une réforme constitutionnelle est encourageant. Il déduit des informations fournies dans le rapport que les minorités nationales peuvent participer à la vie politique du pays; on ne sait toutefois pas clairement si des groupes minoritaires ont été exclus ni comment l’État partie garantit la cohérence avec les principes de non-discrimination à toutes les étapes du processus électoral.
39.La délégation devrait décrire les moyens de réparation et d’indemnisation mis à la disposition des victimes de la discrimination, en particulier celles qui ont été les plus touchées par le conflit. Il souhaite connaître les mesures supplémentaires qui ont été prises pour s’assurer que les 180 000 personnes déplacées restantes puissent rentrer chez elles en toute sécurité et dignité, en se fondant sur le principe de non-discrimination. La disparité des pensions dans différentes parties du pays constitue un sérieux obstacle au processus de retour. Quelles mesures ont été prises pour garantir l’égalité des pensions dans toute la Bosnie-Herzégovine afin de prévenir la discrimination ethnique? La délégation devrait expliquer comment l’État partie garantit l’égalité d’accès à l’enseignement, à l’emploi et aux soins de santé.
40.Le fait que les membres de la communauté rom n’aient pas de documents d’identité les empêche de jouir de leurs droits fondamentaux; il aimerait dès lors obtenir des informations sur les démarches entreprises pour réduire le nombre de Roms sans papiers. Il s’enquiert des progrès réalisés dans la mise en œuvre de la stratégie nationale pour les Roms adoptée en juillet 2005.
41.Il est heureux d’apprendre que plus de 80 % des recommandations formulées par le Médiateur des droits de l’homme sont appliquées par les autorités concernées. Cependant, le sous-financement rapporté de l’institution menace de miner son efficacité. Au vu du rôle du Médiateur qui est de défendre les droits de l’homme de l’ensemble des citoyens, la partialité rapportée de mandataires en faveur d’un groupe ethnique donné, qui résulte de la structure tripartite de l’institution, est également une source de préoccupation.
42.M. THORNBERRY note avec satisfaction la vaste gamme de dispositions législatives ayant trait aux minorités nationales. Cependant, la portée de la législation civile et pénale relative aux autres formes de discrimination est comparativement limitée. La législation en matière de minorités n’est pas un substitut à une législation anti-discrimination plus vaste et il encourage l’État partie à prendre des mesures pour remédier à ces lacunes. Des mesures devraient également être prises pour intégrer les concepts de l’apprentissage interculturel dans les programmes éducatifs.
43.Il s’inquiète également de la discrimination qui s’exprime dans la structure politique actuelle de l’État partie. Si la Convention prévoit une dérogation temporaire au principe de non‑discrimination, celle-ci ne pourra pas être prolongée indéfiniment et des mesures doivent être prises pour apporter les changements nécessaires. Toutefois, plutôt que de souligner de manière excessive les incompatibilités existantes avec les principes de la Convention, il serait plus constructif de tendre à une approximation graduelle en adoptant une approche au cas par cas.
44.M. TANG demande quelles mesures administratives et législatives ont été prises pour faciliter la relocalisation de Roms dans des régions autres que le district de Brčko. Il demande également si des dispositions spécifiques permettent de garantir la restitution des propriétés et l’indemnisation des personnes déplacées.
La séance est levée à 18 heures.
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