NATIONS

UNIES

CERD

Convention internationale

sur l’élimination

de toutes les formes

de discrimination raciale

Distr.GÉNÉRALE

CERD/C/SR.173616 mars 2006

Original: FRANÇAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE

Soixante‑huitième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1736e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le jeudi 23 février 2006, à 10 heures

Présidence: M. de GOUTTES

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS, RENSEIGNEMENTS ET OBSERVATIONS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (suite)

Rapport initial et deuxième à sixième rapports périodiques de la Bosnie‑Herzégovine (suite)

La séance est ouverte à 10 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (point 6 de l’ordre du jour) (suite)

Rapport initial et deuxième à sixième rapports périodiques de la Bosnie-Herzégovine (CERD/C/464/Add.1) (suite)

1. Sur l’invitation du Président, la délégation bosniaque reprend place à la table du Comité.

2.M. NAGRADIĆ (Bosnie-Herzégovine) précise certains aspects de la structure politique et de la réforme constitutionnelle en Bosnie-Herzégovine. La Constitution issue de l’Accord de paix de Dayton donnait plus de pouvoirs aux deux entités de la Bosnie-Herzégovine – Fédération de Bosnie-Herzégovine et Republika Srpska – qu’à l’état central. à partir de 1996, un grand nombre de compétences ont été progressivement centralisées, dans des domaines tels que la défense et la sécurité mais aussi pour des questions comme les droits de l’homme ou les réfugiés. Les autorités bosniaques ont bien conscience que les dispositions de la Constitution sont à certains égards discriminatoires, en particulier dans deux domaines: d’une part, le mode d’élection de la présidence de Bosnie-Herzégovine, dont les trois membres – 1 Bosniaque, 1 Croate et 1 Serbe) doivent obligatoirement être élus dans le territoire de l’entité où le peuple constitutif qu’ils représentent est majoritaire; d’autre part, le mode de désignation analogue de la Chambre des peuples, selon lequel chaque peuple constitutif a le même nombre de représentants. Il existe un consensus parmi les acteurs de la vie politique pour modifier les dispositions issues de l’Accord de Dayton. Un accord a par exemple été trouvé récemment pour supprimer l’indication de l’origine ethnique devant le nom des candidats aux élections parlementaires, ce qui introduit la possibilité que la présidence puisse être un jour ouverte à des candidats qui ne soient plus nécessairement un Serbe, un Bosniaque et un Croate. Le Parlement devra se prononcer sur cette proposition de réforme constitutionnelle issue d’un consensus politique et la Commission électorale devra modifier la loi électorale en conséquence. Un consensus existe également pour permettre à tout candidat à des élections de se faire élire sur le territoire de l’entité où le peuple constitutif dont il est issu n’est pas majoritaire.

3.Le temps presse pour réaliser ces réformes. Les prochaines élections, législatives et présidentielles, doivent avoir lieu le 1er octobre 2006. Or, selon les lois en vigueur, aucun changement ne peut être apporté ni à la Constitution, ni à la loi électorale dans les six mois précédant une élection, ce qui signifie que les réformes devront être accomplies avant le 1er avril de cette année. Au demeurant, l’égalité entre les peuples constitutifs consacrée dans la Constitution de Dayton, de même que le sentiment de cette égalité est déterminant pour la stabilité politique ou autre de la Bosnie-Herzégovine. Aussi, toute modification des dispositions issues de l’Accord de paix de Dayton qui ne résulterait pas d’un accord total entre toutes les composantes politiques et sociales de la Bosnie-Herzégovine risquerait de déstabiliser le pays, qui aspire avant tout à la paix.

4.M. Nagradič indique également que des changements importants sont intervenus au sein des entités depuis un arrêt rendu en 2000 par la Cour suprême, qui a accordé un statut égal à chacun des peuples constitutifs sur la totalité du territoire national. C’est ainsi que la Cour constitutionnelle de la Republika Srpska a actuellement un Président qui se déclare Croate, ce qui aurait été impensable avant cet arrêt. Il reste de nombreux problèmes liés à l’égalité de représentation surtout au niveau des administrations locales, même si les progrès continuent dans ce domaine comme dans d’autres.

5.Mme KALMETA (Bosnie-Herzégovine) dit que les normes internationales ont un rang supérieur aux lois nationales dans l’ordre juridique interne de la Bosnie-Herzégovine. Elles se retrouvent intrinsèquement aussi bien dans la Constitution que dans la législation qui en découle. Les instances qui appliquent directement les instruments internationaux sont principalement la Chambre des droits de l’homme et la Cour constitutionnelle, qui peuvent se référer par exemple dans le cadre de leurs travaux à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Mais au fil du temps, d’autres structures et autorités de l’État ont aussi acquis de l’expérience en ce qui concerne l’application des instruments internationaux. Les principales difficultés tiennent à l’existence d’une tradition de droit européenne en Bosnie‑Herzégovine, au côté de normes internationales s’inspirant surtout du droit anglo-saxon, ce qui pose un dilemme à certains praticiens du droit. Les réformes importantes du système judiciaire qui ont été menées, avec un renouvellement important du personnel judiciaire, ont toutefois déjà commencé de porter leurs fruits.

6.Une nouvelle étape de la réforme législative a été franchie en 2003 avec l’adoption d’un nouveau Code pénal et l’harmonisation des législations pénales des deux entités et de celle du district de Brčko avec celui-ci. Les nouvelles règles autorisent par exemple des recours devant les juridictions bosniaques qui n’existaient pas auparavant en cas de violation des droits de l’homme. Quoiqu’un effort de sensibilisation à ce type de recours soit encore nécessaire, de nombreuses affaires ont déjà été examinées par la Commission des droits de l’homme sur la base de recours présentés par des citoyens. Six de ces affaires concernaient des questions de discrimination raciale. Dans leurs décisions, les autorités judiciaires ordonnent aux administrations ou organismes publics concernés de modifier toute pratique susceptible de porter atteinte aux droits des citoyens. Dans certains cas où les décisions n’étaient pas appliquées assez rapidement ou de manière satisfaisante, le Gouvernement est souvent intervenu avec succès pour y remédier.

7.Mme Kalmeta dit qu’en Bosnie-Herzégovine une disposition interdisant expressément tout type de discrimination, qu’elle soit fondée sur la race, la langue, la religion ou tout autre motif, est désormais systématiquement incorporée dans toute nouvelle loi adoptée par le Parlement. C’est ainsi que la loi sur l’égalité entre les hommes et les femmes, la loi sur la liberté de religion et le statut juridique des Églises et communautés religieuses de Bosnie‑Herzégovine, la loi sur les personnes déplacées et les réfugiés en Bosnie‑Herzégovine ou encore la loi sur les associations et les fondations de Bosnie‑Herzégovine, pour ne citer que quelques-unes d’entre elles, définissent des droits dont chacun peut jouir sans discrimination. Les personnes qui estiment avoir été victimes de discrimination peuvent donc désormais invoquer devant les tribunaux non seulement les conventions et traités internationaux auxquels la Bosnie‑Herzégovine est partie mais aussi les textes nationaux pertinents et demander à ce que des mesures correctrices soient prises ou encore à ce que la Cour constitutionnelle leur octroie des dommages-intérêts. Dans les cas où les plaignants sont des victimes de guerre, l’État n’est souvent pas en mesure de leur verser les montants auxquels ils peuvent prétendre en vertu des normes internationales, ce à cause de la modicité des ressources dont il dispose.

8.Entre 1996 et 2003, de nombreux réfugiés et personnes déplacées cherchant à retourner dans leurs foyers ont renoncé à le faire car ils se sont heurtés à des comportements discriminatoires du fait notamment de leur origine ethnique et de leurs convictions religieuses, en particulier dans le domaine de l’accès à l’emploi. Dès lors que l’article 145 du Code pénal a interdit aux autorités gouvernementales ou aux institutions publiques, nationales et locales, d’encourager la discrimination raciale ou d’y inciter et a érigé en infraction les actes discriminatoires, la situation des rapatriés s’est améliorée et le nombre d’actes délictueux commis à leur égard a nettement diminué. Un sondage réalisé en 2005 auprès des rapatriés a d’ailleurs révélé que près de 77 % des Bosniaques, 63 % des Croates et 64 % des Serbes s’estimaient en sécurité dans leur foyer tandis que 1,5 % des Bosniaques, 3,5 % des Croates et 1,3 % des Serbes déclaraient ne pas s’y sentir en sécurité.

9.Mme Kalmeta fait observer que depuis que les frontières de l’État ont été délimitées et les services douaniers créés, il a été plus facile aux autorités compétentes de combattre l’afflux de migrants clandestins, et, partant, de mieux protéger les droits de ces personnes et de mieux lutter contre la traite des êtres humains.

10.Dans le domaine du droit d’asile, la responsabilité de la plupart des services anciennement assurés par le Haut-Commissariat pour les réfugiés a été confiée il y a quelques années aux autorités de la Bosnie-Herzégovine, qui n’ont malheureusement pas les fonds nécessaires pour créer des centres d’accueil des réfugiés.

11.Mme TARABA (Bosnie-Herzégovine) dit que les quelques lacunes que certains des experts ont relevées dans le rapport à l’examen sont dues au fait que le Ministère des droits de l’homme et des réfugiés, qui est chargé de l’élaboration des rapports sur la mise en œuvre des instruments internationaux auxquels la Bosnie-Herzégovine est partie, est surchargé de travail. Faute de moyens, ce ministère n’a pas pu consulter les organisations non gouvernementales (ONG) au cours du processus d’élaboration du rapport, mais il a veillé à insérer toutes les données disponibles fournies par les ONG sur des sujets qui intéressent le Comité.

12.L’article 143 du Code du travail de la Fédération et l’article 152 du Code du travail de la Republika Srpska permettent aux personnes licenciées illégalement durant la guerre de saisir les commissions ad hoc créées dans chacune des entités en vue d’une éventuelle réparation. Près de 60 000 plaintes ont été reçues par la Commission dans la seule Republika Srpska, mais la procédure d’examen est longue, et les commissions ne disposent pas toujours d’éléments de preuve suffisants pour se prononcer. En outre, le Médiateur des droits de l’homme a souligné dans un rapport publié en 2003 que lorsque les plaignants obtiennent gain de cause, ils ne sont pas toujours sûrs de percevoir l’indemnité qui leur est due en raison du manque de ressources de la Bosnie-Herzégovine.

13.Pour ce qui est des employés de l’usine d’aluminium de Mostar qui ont été licenciés après 1991, Mme Taraba signale qu’un accord a été conclu le 15 juin 2005 entre les représentants des syndicats et le patronat, ce qui représente une avancée majeure et pourrait servir d’exemple à d’autres entreprises qui connaîtraient des problèmes analogues.

14.Pour garantir les droits des minorités religieuses et punir les violations des lieux de culte, la Bosnie-Herzégovine a adopté en 2004 la loi sur la liberté de religion et le statut juridique des Églises et communautés religieuses et le Code pénal érige en délit et punit la profanation des tombes. De plus, elle a mis en place le Conseil interreligieux de la Bosnie-Herzégovine qui joue un rôle fondamental en menant des activités diverses visant à promouvoir la tolérance et la coexistence des différentes religions sur le territoire.

15.Le Médiateur des droits de l’homme est chargé d’appeler l’attention des autorités sur les violations des droits de l’homme qui sont portées à sa connaissance et peut décider d’ouvrir une enquête s’il le juge nécessaire. Des membres de la fonction publique qui ne coopéreraient pas avec une enquête alors qu’ils disposeraient de données utiles pourraient faire l’objet d’une procédure disciplinaire, voire être déférés à la justice.

16.Mme RADIČ (Bosnie-Herzégovine) rappelle aux membres du Comité que la majeure partie du rapport à l’examen a été rédigée avant 2004 et qu’un certain nombre de progrès ont été réalisés dans le domaine de l’éducation depuis lors. Le système éducatif en Bosnie‑Herzégovine a une structure complexe mais, de façon schématique, la majeure partie des compétences en matière d’éducation incombe aux entités cantonales, ce qui explique qu’il existe dans le pays 13 ministères de l’éducation. Au niveau fédéral, le Ministère de l’éducation est uniquement chargé d’assurer la coordination entre les différentes entités cantonales.

17.Les enseignements primaire et secondaire, précise Mme Radič, sont régis par la loi‑cadre de 2003, qui énonce les buts généraux de l’éducation qui découlent des valeurs communément admises d’une société démocratique et de valeurs propres au pays reposant sur les traditions nationales, historiques, culturelles et religieuses. La loi garantit à tous l’accès à l’éducation et veille à la protection du droit à l’éducation. Elle définit un certain nombre de principes éducatifs de base et comprend également des dispositions concernant l’intégration et l’éducation des enfants qui sont rentrés depuis peu dans le pays. La loi‑cadre vise également à harmoniser la législation appliquée par les différents cantons dans le domaine de l’éducation. D’autres lois‑cadres concernant l’éducation préscolaire, l’enseignement professionnel secondaire et l’enseignement supérieur sont en cours d’élaboration.

18.En ce qui concerne les programmes et stratégies mis en œuvre dans le domaine de l’éducation, Mme Radič évoque l’adoption, en 2005, d’un plan national d’action qui est fondé sur le Cadre d’action de Dakar pour l’éducation pour tous et vise à développer la scolarisation. En 2002, les ministères de l’éducation ont signé un accord tendant à promouvoir la scolarisation chez les enfants rentrés depuis peu dans le pays, ainsi qu’un accord visant à mieux répondre aux besoins éducatifs de la minorité rom et des autres minorités.

19.Mme Radič reconnaît que les autorités de la Bosnie‑Herzégovine éprouvent d’énormes difficultés à mettre en œuvre les programmes et stratégies qu’elles ont adoptés dans le domaine de l’éducation et qu’il faudrait un plus grand engagement de leur part. Parmi les difficultés figurent le manque de coordination entre les ministères de l’éducation, l’éclatement des responsabilités entre les différentes entités compétentes en matière d’éducation, le manque de moyens financiers et, dans certains cas, la mauvaise utilisation des ressources disponibles. Le Ministère fédéral de l’éducation entend redoubler d’efforts pour fournir aux différents ministères cantonaux l’appui qui leur est nécessaire pour mieux appliquer les lois et programmes. À cet égard, il convient de noter que le Ministère fédéral de l’éducation n’intervient normalement pas dans le district de Brčko et la Republika Srpska.

20.La représentante de la Bosnie-Herzégovine dit que la plupart des écoles monoethniques, qui étaient relativement nombreuses au lendemain du conflit, sont en train de disparaître et, en tout état de cause, ne sont plus tolérées par les autorités. Il en reste un petit nombre dans les régions où certains groupes ethniques sont nettement majoritaires. La Bosnie‑Herzégovine est davantage préoccupée par la ségrégation ethnique à l’école, qui fait que des écoles partagent les mêmes locaux mais sont administrativement indépendantes et ne dispensent pas le même enseignement. Il existe actuellement 52 écoles de ce type, qui sont concentrées dans trois cantons. Une commission fédérale a été chargée d’effectuer des visites dans les cantons où ces écoles sont les plus répandues et de soumettre un rapport au Parlement sur les moyens de remédier à cette situation.

21.La représentante précise que la loi‑cadre sur l’enseignement primaire et secondaire interdit expressément la discrimination fondée sur la langue et la Constitution reconnaît trois langues officielles (le bosniaque, le croate et le serbe) et deux alphabets (latin et cyrillique). Les trois langues et les deux alphabets sont donc traités de la même façon dans les écoles primaires et secondaires et aucune langue n’est privilégiée. Les autorités ne ménagent aucun effort pour permettre à tous les enfants de bénéficier d’un enseignement dans leur langue maternelle. Dans les régions majoritairement habitées par des Serbes, les enfants commencent à apprendre l’alphabet cyrillique dans le primaire avant d’aborder l’alphabet latin dans le secondaire. De même, les enfants d’origine bosniaque et croate commencent par apprendre l’alphabet latin avant d’étudier l’alphabet cyrillique dans le secondaire.

22.La représentante ajoute que la loi‑cadre sur l’enseignement primaire et secondaire définit un certain nombre d’objectifs généraux dans le domaine de l’éducation, parmi lesquels la promotion du respect des droits de l’homme, la sensibilisation aux traditions culturelles et religieuses, la promotion de la tolérance et de la compréhension mutuelles entre les communautés. Des programmes communs mettant l’accent sur la tolérance et le respect de la diversité entre les communautés ont été mis en œuvre dans tous les cantons en août 2003.

23.Mme ODOBASIČ (Bosnie‑Herzégovine) dit que les instances de réglementation de la presse et des médias électroniques ont réalisé un travail considérable depuis 1998, année où la Bosnie‑Herzégovine comptait près de 3 000 organes de communication écrite et radiotélévisée, qui diffusaient, dans certains cas, des messages de haine à l’égard de telle ou telle communauté ethnique. La Bosnie‑Herzégovine a élaboré un code régissant la diffusion des programmes radiotélévisés, qui est fondé sur les dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme et de la Déclaration universelle des droits de l’homme, en particulier sur l’article 19 de cet instrument.

24.Mme Odobasič indique que l’Agence de régulation des télécommunications (par. 194 des rapports), qui est chargée de réglementer et de sanctionner les organes de télécommunications et les médias électroniques sur tout le territoire de la Bosnie-Herzégovine, a permis d’enregistrer des progrès importants en matière de lutte contre la discrimination raciale. Ainsi, aujourd’hui, les discours incitant à la haine et à l’intolérance ethnique, qui étaient chose courante dans les médias jusqu’en 1998, ont quasiment disparu.

25.M. ABOUL NASR se dit choqué par le paragraphe 112 du rapport périodique de l’État partie où il relève que «les Roms eux-mêmes ne s’intéressent pas [au] problème [de l’éducation]» et que «c’est la raison pour laquelle l’islam pratiqué par les Roms de Bosnie‑Herzégovine non seulement contribue à l’abandon et à l’oubli de la langue, de la culture et de la tradition roms, mais aussi amène beaucoup d’entre eux à se déclarer bosniaques». Il précise à cet égard qu’il n’existe qu’un seul islam et que, par conséquent, celui pratiqué par les Roms de Bosnie-Herzégovine est celui de tous les musulmans du monde.

26.M. AMIR affirme qu’il ne sait toujours pas comment l’article 4 de la Convention a été incorporé à la législation interne de la Bosnie-Herzégovine. Il relève qu’un certain nombre d’organisations et d’associations exercent des activités dans le pays alors qu’elles ne sont pas enregistrées, ce qui empêche les autorités de les contrôler et éventuellement de les sanctionner lorsqu’elles tiennent des propos racistes ou incitant à la discrimination raciale. Il demande à la délégation bosniaque d’indiquer s’il existe une loi pénale condamnant la diffusion d’idées fondées sur la haine raciale et les organisations s’inspirant de théories fondées sur la supériorité d’une race.

27.M. YUTZIS dit qu’il ressort du rapport périodique à l’examen et de la présentation orale de celui-ci par la délégation bosniaque que l’État partie doit respecter un équilibre délicat entre la volonté de parvenir à une certaine forme de centralisation politique tout en tenant compte d’identités culturelles multiples. Il reconnaît que l’élaboration et l’adoption de programmes scolaires nationaux semblables pour tous est sans doute, compte tenu des circonstances, une tâche complexe et délicate, mais estime que la réforme du système éducatif bosniaque nécessitera non seulement une réelle volonté politique des structures fédérales en ce sens mais aussi la coopération et le concours de tous, à tous les échelons politiques et administratifs, locaux et nationaux.

28.M. Yutzis se dit extrêmement troublé par le paragraphe 112 du rapport précité qui laisse entendre que les Roms, pour se sentir intégrés à la société bosniaque, doivent se «désislamiser». Il demande à la délégation bosniaque d’expliquer le contenu de ce paragraphe.

29.L’expert souhaite également obtenir davantage de précisions concernant la situation de la communauté rom en matière de logement et, notamment, savoir s’il existe une loi fédérale dans ce domaine.

30.M. KJAERUM demande à la délégation d’indiquer avec précision quelles mesures ont été prises dans le domaine de l’éducation pour subvenir aux besoins des enfants ayant des besoins spéciaux et des enfants de la minorité rom dont 15 % seulement sont scolarisés.

31.M. Kjaerum souligne qu’en vertu de l’article 2, paragraphe 2 de la Convention, les États parties sont tenus de prendre des mesures spéciales et concrètes pour assurer le développement ou la protection de certains groupes raciaux en vue de leur garantir, dans des conditions d’égalité, le plein exercice des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Rappelant que la délégation bosniaque a indiqué que le Gouvernement envisage de réviser le mécanisme du traitement des plaintes pour discrimination dans le domaine de l’emploi, il demande à la délégation de citer les mesures spéciales qui ont été prises pour faire face à ce qui ressemble à une discrimination systématique dans le domaine de l’emploi, tant dans le secteur public que privé, et pour assurer l’égalité dans le marché du travail.

32.Mme JANUARY-BARDILL comprend parfaitement que la Bosnie-Herzégovine, qui a connu la violence et la guerre, aspire à la stabilité et à la paix. Cependant, elle estime qu’aucun État ne peut prétendre parvenir à ce résultat au détriment de ses propres citoyens. Elle fait part de la préoccupation que lui inspire la violation des principes de non-discrimination et d’égalité, notamment en matière d’éducation et de citoyenneté, en Bosnie-Herzégovine et rappelle que ces principes ne sont ni dérogeables ni négociables. Ces problèmes, qui sont de nature politique et structurelle, nécessitent des solutions politiques et structurelles. Mme January-Bardill rappelle, à cet égard, que l’Afrique du Sud, pays dont elle est ressortissante, a connu également, au moment du régime d’apartheid, un système éducatif compartimenté selon l’appartenance raciale qui a été éradiqué grâce à l’adoption d’une législation établissant un système national d’éducation unique pour tous.

33.Par ailleurs, Mme January-Bardill demande à la délégation d’indiquer si les juges des tribunaux de nombreuses municipalités connaissent les dispositions de l’article 7 de la Convention établissant que les États parties doivent prendre des mesures pour favoriser la compréhension, la tolérance et l’amitié entre nations et groupes raciaux ou ethniques et de préciser si, de son point de vue, tous les citoyens bosniaques font confiance au système de justice pénale du pays.

34.Notant les nombreuses mesures évoquées au paragraphe 53 et suivants du rapport périodique à l’examen interdisant la discrimination fondée sur le sexe dans les sphères publique et privée, Mme January-Bardill souhaite savoir quelles mesures ont été prises en faveur des femmes appartenant aux groupes minoritaires et si l’interdiction de la discrimination fondée sur le sexe est également respectée.

35.Le PRÉSIDENT déclare que le Comité poursuivra à la séance suivante l’examen du rapport initial et des deuxième à sixième rapports périodiques de la Bosnie-Herzégovine.

La séance est levée à 13 heures.

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