Nations Unies

CERD/C/SR.1916

Convention internationale sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

15 janvier 2010

Français

Original: anglais

Comité pour l ’ élimination de la discrimination raciale

Soixante- quatorzième session

Compte rendu analytique de la première partie (publique)* de la 1916 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mardi 24 février 2009, à 15 heures

Président e: Mme Dah

Sommaire

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention (suite)

Onzième et douzième rapports périodiques du Suriname

La séance est ouverte à 15 h 15.

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention (point 5 de l ’ ordre du jour) (suite)

Onzième et douzième rapports périodiques du Suriname (CERD/C/SUR/12; HRI/CORE/1/Add.39/Rev.1); liste des points à traiter et réponses écrites de l’État partie (documents sans cote distribués en séance, en anglais seulement)

1. Sur l ’ invitation de la Présidente, la délégation surinamaise prend place à la table du Comité.

2.M. MacD onald (Suriname) dit que la population du Suriname est composée de multiples groupes ethniques qui ont leur propre culture, langue et religion. Toutes les ethnies et les personnes d’origines et de traditions culturelles différentes vivent en harmonie et coexistent pacifiquement. Elles sont toutes représentées au niveau gouvernemental.

3.Le Conseil interreligieux, créé en 1989, constitue une plate-forme de consultation et de dialogue entre les grandes religions du pays. Ses membres, qui sont les représentants de ces dernières, se réunissent au minimum deux fois par mois pour discuter de projets d’activités œcuméniques et de leurs positions sur diverses politiques gouvernementales, le cas échéant. Le Conseil a plusieurs fois contribué à trouver des solutions aux impasses politiques importantes dans lesquelles s’est trouvé le pays.

4.Des mesures modestes mais significatives ont été prises pour donner effet à la reconnaissance par le Gouvernement du droit des communautés autochtones et tribales de posséder, mettre en valeur, contrôler et exploiter leurs terres ancestrales. Des discussions franches se sont poursuivies, en coopération étroite avec les groupes cibles, afin de trouver une solution aux problèmes pertinents. Le Gouvernement surinamais a signé un Mémorandum d’accord avec une organisation non gouvernementale (ONG) afin de délimiter les territoires des populations tribales. Cette ONG a effectué des recherches sur les liens entretenus par ces communautés avec les terres revendiquées ainsi que sur le cadre juridique en vigueur au niveau national en matière de droits fonciers. Plusieurs ateliers de renforcement des capacités ont été organisés auxquels ont participé des représentants des autochtones et des Marrons et des membres du Gouvernement. Cette initiative a permis aux participants de mieux comprendre le régime surinamais des droits fonciers et, au niveau international, d’établir des contacts avec d’autres peuples autochtones d’Amérique latine. Divers groupes ont été constitués pour discuter du cadre éventuel de la reconnaissance des droits fonciers au Suriname et des progrès à accomplir en ce sens.

5.Le Gouvernement surinamais est conscient que le fait d’autoriser des projets d’exploitation minière et d’infrastructure connexes risque de mettre en danger les droits fonciers des populations autochtones et tribales mais ce risque a été mesuré au regard de la responsabilité qui lui incombe d’encourager le développement économique et social de tous, y compris des communautés autochtones et tribales. Comme indiqué au paragraphe 95 du rapport périodique, les communautés autochtones et tribales sont consultées avant tout octroi de concessions.

6.S’agissant des questions judiciaires, M. MacDonald rappelle que la Cour interaméricaine des droits de l’homme a demandé au Gouvernement de son pays de prendre des mesures pour réparer les exactions commises contre le village de Moiwana et le peuple des Saramaka. Même si le Gouvernement aurait préféré régler ces questions en vertu de sa législation nationale, il n’entend pas nier à ses citoyens le droit d’obtenir réparation aux niveaux régional et international. Le Gouvernement reconnaît que le rythme de mise en œuvre des arrêts de la Cour interaméricaine des droits de l’homme ne satisfait pas toutes les parties mais ne ménage aucun effort pour y parvenir. Le représentant précise que des progrès significatifs ont été réalisés pour donner effet à l’arrêt de la Cour concernant le village de Moiwana. Au niveau national, le procès des personnes accusées d’avoir commis de graves exactions pendant la dictature militaire (y compris l’assassinat, le 8 décembre 1982, de 15 personnalités réputées) est en bonne voie. Le Gouvernement surinamais est convaincu que la justice prévaudra dans cette affaire.

7.Dans le contexte international actuel, le Gouvernement surinamais déploie, comme beaucoup d’autres, des efforts accrus pour garantir le développement économique et social et le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales de tous. Le Gouvernement condamne énergiquement toutes les formes de discrimination raciale et continuera de respecter les obligations contractées par le pays en vertu de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

8.M. Murillo Martí nez (Rapporteur pour le Suriname) donne un bref aperçu de l’histoire, de la géographie et de la composition de la population du Suriname, qui sont décrites en détail dans le rapport périodique à l’examen. Passant en revue le système politique et judiciaire de l’État partie, il note que la recommandation du Comité relative à la création d’une cour constitutionnelle en tant que mécanisme de protection des droits de l’homme n’a toujours pas été suivie d’effet. Il regrette que le Suriname, qui compte une multitude de groupes ethniques, est partie à la plupart des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et a soutenu l’adoption de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, n’ait toujours pas signé la Convention no 169 de l’OIT relative aux peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants. Le Rapporteur note, en revanche, avec satisfaction que la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale est un instrument essentiel de la législation nationale et que celle-ci contient une définition de la discrimination raciale qui est conforme aux dispositions de l’article premier de la Convention. Bien que le Code pénal surinamais soit dans l’ensemble conforme aux principaux éléments de l’article 4 de la Convention, les dispositions pénales relatives à l’interdiction des organisations qui encouragent la discrimination raciale ne sont pas conformes aux dispositions de l’article 4, alinéa b de la Convention. Le Rapporteur relève également que le Suriname n’a pas ratifié l’amendement à l’article 8 ni fait la déclaration prévue à l’article 14 de la Convention.

9.M. Murillo Martínez regrette que le rapport périodique à l’examen n’ait pas été élaboré conformément aux Directives du Comité en matière d’établissement des documents se rapportant spécifiquement à la Convention (CERD/C/2007/1) et que certaines parties du document soumis par l’État partie prêtent à confusion. Tout en se félicitant de l’élargissement des services d’éducation, il considère préoccupant le taux élevé d’analphabétisme parmi les Marrons et les populations autochtones et demande donc des informations complémentaires sur les mesures prises par les autorités pour garantir l’accès de ces groupes à l’enseignement, et notamment à un enseignement supérieur de qualité. En outre, attendu que l’État partie envisage d’adhérer à la Convention no 169 depuis plus de quinze ans, il serait également utile de connaître la position actuelle des autorités surinamaises sur ce point.

10.M. Murillo Martínez souhaite également obtenir davantage d’informations sur la législation relative à l’exploitation minière, en particulier sur le point de savoir si les groupes ethniques qui vivent sur des terres ancestrales ont un droit de préemption sur les activités minières qui y sont réalisées, et sur les différents régimes de propriété foncière en vigueur dans le pays. Il demande à la délégation surinamaise d’indiquer combien d’autochtones et de Marrons sont propriétaires d’un titre foncier et si les principes de consentement éclairé et de consultation préalable ont été respectés avant l’avalisation des projets d’exploitation des ressources naturelles, des projets immobiliers ou d’autres activités menées sur les terres ancestrales des autochtones et des Marrons.

11.Le Rapporteur demande également à la délégation surinamaise de fournir des renseignements actualisés sur la réalisation des termes de l’Accord de réconciliation nationale et de développement, en particulier des dispositions de l’Accord qui concernent les peuples autochtones et les Marrons.

12.Le Rapporteur souhaite également disposer de données détaillées, ventilées par appartenance ethnique, sur les mesures prises par l’État partie pour remédier au problème de la forte prévalence du paludisme et du VIH/sida.

13.M. Murillo Martínez demande par ailleurs à la délégation surinamaise de fournir des renseignements sur le niveau de représentation des groupes autochtones et des Marrons au sein des instances décisionnelles des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire, et aux postes de responsabilité des services chargés de l’application des lois.

14.M. Murillo Martínez souhaite connaître l’impact du plan général d’action visant à lutter contre la pauvreté et en particulier l’effet qu’il a eu sur la situation des populations autochtones et des Marrons. Il demande à la délégation d’indiquer si les politiques adoptées par l’État partie tiennent différemment compte du critère de jouissance effective des droits des groupes ethniques, en particulier de ceux qui ont longtemps été victimes de racisme et de discrimination raciale.

15.M. Murillo Martínez souhaite aussi obtenir des précisions sur les mesures prises par le Gouvernement du Suriname pour appliquer les recommandations antérieures du Comité concernant le Suriname et donner effet aux arrêts de la Cour interaméricaine des droits de l’homme. À cet égard, il cite les décisions 3 (62) (CERD/C/62/Dec.3) et 1 (69) (CERD/C/DEC/SUR/5), adoptées par le Comité dans le cadre des mesures d’alerte rapide et de sa procédure d’action urgente, la décision 3 (66) (CERD/C/66/SUR/Dec.3) adoptée dans le cadre de la procédure de suivi des recommandations du Comité, et les arrêts pertinents de la Cour interaméricaine des droits de l’homme, à savoir Peuple saramaka c. Suriname et Village de Moiwana c. Suriname.

16.Le Rapporteur indique que les arrêts précités de la Cour concernent des violations des droits fondamentaux des peuples autochtones surinamais causées par l’exploitation des forêts, les activités minières et l’octroi de concessions d’exploitation. Il souhaite en particulier savoir quelles mesures l’État partie a prises pour donner effet à la décision de la Cour rendue dans l’affaire Peuple saramaka c. Suriname qui demande au Gouvernement du Suriname de reconnaître les droits fonciers ancestraux des Saramaka et de garantir leur droit de participer à la gestion des projets de développement menés sur leurs terres et d’en partager les bénéfices.

17.Le Rapporteur souhaite également recevoir des informations sur la suite donnée à l’arrêt de la Cour interaméricaine des droits de l’homme dans l’affaire Village de Moiwana c. Suriname, consécutif au massacre d’habitants du village de Moiwana, sur l’état d’avancement de l’enquête diligentée sur ces faits et sur les poursuites engagées contre leurs auteurs. Conformément à la décision rendue par la Cour en l’espèce, il demande des informations sur les mesures prises par les autorités de l’État partie pour reconnaître les droits fonciers collectifs des habitants de Moiwana, assurer la sécurité de ces derniers, créer un fonds financé par l’État pour la reconstruction du village, formuler des excuses publiques et ériger un monument à la mémoire des victimes. Ajoutant que la Cour est actuellement saisie d’une autre affaire dont elle examine la recevabilité, l’affaire Peuples Kaliñ a et Lokono c. Suriname, le Rapporteur demande à la délégation surinamaise de préciser la teneur de la plainte.

18.M. Murillo Martínez fait valoir que le Suriname doit veiller à ce que les droits des peuples autochtones soient reconnus, que leur viabilité soit garantie et que les populations autochtones puissent participer à la gestion et à l’exploitation de leurs terres ancestrales. Des pays tels que le Brésil, la Colombie, l’Équateur et le Honduras, qui ont encouragé la consultation des autochtones concernés par des projets de développement et le dialogue interculturel sont ainsi parvenus à éviter les conflits. Le Suriname devrait s’inspirer de ces exemples. Le Rapporteur recommande également à l’État partie de respecter les recommandations formulées à son sujet par les organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, de garantir les droits des peuples autochtones, et de veiller à ce que l’exploitation des terres autochtones s’effectue avec la coopération et le consentement éclairé des communautés concernées. Le Suriname devrait également ratifier la Convention no 169 de l’OIT et en mettre en œuvre les dispositions.

19.M. Avtonomov convient qu’il est difficile pour les petits États de consacrer les ressources nécessaires à la promotion des droits de l’homme et rappelle que le Suriname peut tout à fait solliciter l’assistance technique du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, notamment pour ce qui concerne l’élaboration de ses rapports périodiques. Il encourage également le Suriname à respecter les directives du Comité en matière d’établissement de rapports.

20.Sur le fond, M. Avtonomov se félicite des progrès accomplis par le pays pour garantir l’égalité de tous les groupes ethniques, notamment en matière d’enregistrement des mariages, mais insiste sur le fait que le Suriname doit promulguer une législation garantissant l’égalité de tous devant la loi, conformément aux instruments internationaux qu’il a ratifiés, et notamment à la Convention. Il souhaite en outre obtenir des informations plus précises sur la question du mariage, et notamment savoir si, de même que l’union entre deux personnes pratiquant des religions reconnues peut être officiellement légalisée, le mariage entre deux personnes pratiquant une religion non reconnue par l’État, comme par exemple l’Église orthodoxe, et les mariages célébrés en vertu du droit tribal ou coutumier, qui sont souvent informels, peuvent être officiellement enregistrés. En outre, étant donné que les populations autochtones n’ont pas de langue écrite, il se demande sous quelle forme l’acte de mariage est établi.

21.M. Avtonomov demande en outre des informations sur le statut du projet de loi sur les mines, qui n’est apparemment pas finalisé et souhaite notamment savoir si le texte en question contient des garanties suffisantes pour protéger les droits des communautés autochtones et indemniser celles dont les terres ont été endommagées par des activités d’extraction minière. Il souligne que les droits de tous les groupes concernés doivent être garantis et que les populations autochtones et tribales qui subissent les conséquences adverses des activités minières réalisées sur leur territoire doivent être consultées. À cet égard, il invite la délégation surinamaise à se reporter à la Recommandation générale XXIII du Comité, relative aux droits des peuples autochtones, et aux dispositions de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, adoptée par l’Assemblée générale en septembre 2007. M. Avtonomov demande également à la délégation d’indiquer si le Gouvernement envisage éventuellement de ratifier la Convention no 169 de l’OIT.

22.M. Cali Tzay juge préoccupant que le rapport périodique soumis par le Suriname n’aborde pas réellement les questions soulevées par le Comité dans ses observations finales antérieures concernant le pays (CERD/C/64/CO/9) non plus que les observations qu’il avait formulées lors de l’examen de la situation au Suriname dans le cadre de la procédure d’alerte et d’action urgente (CERD/C/DEC/SUR/4). Il estime, en effet, que les nombreuses raisons invoquées dans le rapport à l’examen pour justifier l’absence de mesure relative aux droits autochtones ont déjà été rejetées par la Cour interaméricaine des droits de l’homme dans plusieurs arrêts. Il demande, à cet égard, à la délégation d’expliquer en quoi consistent les «difficultés concernant les droits fonciers des populations vivant dans des communautés tribales», invoquées dans le rapport.

23.L’expert rappelle que dans ses précédentes observations finales concernant le Suriname, le Comité avait souligné que l’État partie devait consulter les populations autochtones et tribales avant tout octroi de concessions d’exploitation sur leurs territoires et que la Cour interaméricaine des droits de l’homme a considéré que les communautés concernées devaient, à cette fin, donner leur consentement éclairé. Il souhaite, à cet égard, savoir si la communauté autochtone vivant sur le territoire où est mené le grand projet hydroélectrique, dans l’ouest du pays, a été consultée avant la réalisation des travaux.

24.M. Cali Tzay dit que selon certaines sources, les frais de scolarisation seraient trois fois plus élevés dans les zones autochtones qu’ailleurs mais note que le rapport périodique à l’examen ne contient pas d’information sur la qualité de l’enseignement dispensé dans le pays. Il ajoute que la Banque interaméricaine de développement, qui a analysé cette question, a constaté de graves lacunes en termes de quantité et de qualité des services éducatifs dispensés dans les zones où vivent majoritairement des populations autochtones. Il relève en outre que selon le rapport à l’examen (CERD/C/SUR/12, par 73), les dépenses totales du Suriname en soins de santé représenteraient 180 dollars É.-U. par habitant alors que des sources médicales affirment que ces dépenses représenteraient en réalité moins d’un tiers de ce chiffre. Il souhaite, par conséquent, savoir comment l’État partie est parvenu au chiffre avancé. M. Cali Tzay attire l’attention de la délégation sur le fait que même si les autochtones disposent d’un logement, sont raccordés au réseau électrique et font leurs courses dans les supermarchés, ils doivent aussi avoir le droit de s’identifier comme autochtones. Il invite la délégation surinamaise à présenter ses vues sur ces questions.

25.M. Cali Tzay note que dans l’affaire Peuple saramaka c. Suriname, la Cour interaméricaine des droits de l’homme a demandé à l’État partie de modifier sa législation afin de protéger les droits fonciers collectifs des Saramaka et de leur permettre d’exploiter leurs terres et les ressources naturelles nécessaires à leur survie. Il demande des précisions sur les mesures prises pour donner effet à cette décision de la Cour et protéger les droits des peuples autochtones.

26.M. de Gouttes souhaite savoir quelles mesures l’État partie envisage d’adopter pour promouvoir l’éducation des populations autochtones et tribales dans leur langue maternelle et quand la Cour constitutionnelle sera instituée. Il demande également si l’amendement de l’article 175 du Code pénal érigeant en infraction la discrimination et le projet d’ajout de deux nouveaux articles au Code pénal, les articles 176 b) et 176 c), qui incriminent, respectivement, le soutien à des activités visant à exercer une discrimination et la commission d’une discrimination, dans l’exercice de ses fonctions ou de sa profession, ont effectivement été adoptés.

27.S’agissant de la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels, M. de Gouttes demande des informations sur les progrès réalisés pour lutter contre le chômage des Marrons et des autochtones, notamment par le biais du Centre de formation professionnelle. Il souhaite également recevoir des précisions sur l’action concrète menée par le Conseil pour le développement de l’intérieur du pays.

28.M. de Gouttes demande en outre à la délégation surinamaise de préciser la nature des difficultés rencontrées par le pays en matière de droits fonciers des populations vivant dans des communautés tribales. Prenant note du processus mené en vue de l’octroi de concessions minières, qui est décrit dans les paragraphes 79 à 98 du rapport à l’examen, et du fait que le Parlement est saisi d’un projet de loi sur l’exploitation minière, il souhaite connaître l’état d’avancement de ce texte et la situation qui prévaut en matière d’exploitation minière. Enfin, se référant à la question 15 de la liste des points à traiter, il demande à la délégation d’indiquer si des plaintes ont été déposées en rapport avec l’exploitation sexuelle des enfants et le viol de femmes appartenant à des communautés autochtones et tribales qui vivent dans les régions où sont menées des activités minières et forestières.

29.M. Huang Yong ’ an salue les mesures positives prises par l’État partie dans le domaine de la protection des droits des peuples autochtones et tribaux, mais souligne qu’il est nécessaire de concilier le développement économique des zones où ils vivent avec la protection de leurs intérêts. À cet égard, il se dit préoccupé par les informations selon lesquelles le Gouvernement surinamais soutiendrait les entreprises qui violent les droits et les intérêts des peuples autochtones et tribaux qui ont perdu leurs forêts et leurs terres agricoles suite à des opérations minières ou des projets de construction de barrages. Si le développement économique est, évidemment, vital pour les pays en développement comme le Suriname, le Gouvernement doit tenir compte de l’intérêt, des plaintes, requêtes et opinions des peuples autochtones et non les ignorer purement et simplement.

30.M. Prosper considère que le nombre persistant de plaintes formées auprès d’instances judiciaires internationales permet de douter de la compétence réelle des juridictions surinamaises pour traiter les plaintes relatives à des violations des droits des peuples autochtones et souhaite entendre le point de vue de la délégation de l’État partie sur cette question. Puisque les juridictions nationales ne sont pas en mesure de répondre adéquatement à de telles plaintes, il serait en effet utile de savoir ce que fait l’État partie pour renforcer la compétence des juridictions nationales et s’il a demandé ou obtenu l’aide de la communauté internationale dans ce domaine.

31.M. Peter se félicite que le rapport périodique du Suriname contienne des données statistiques sur la composition ethnique de la population. Il se félicite également de ce que, selon le paragraphe 41 du rapport, les contrats passés avec les multinationales précisent que ces entreprises feront appel à la main-d’œuvre locale dans toute la mesure possible et qu’en cas de pénurie locale de personnel qualifié, l’entreprise recrutera ce personnel à l’étranger mais offrira à la main-d’œuvre locale une formation pour devenir ouvrier qualifié. À cet égard, M. Peter est d’avis que la ratification de la Convention no 169 de l’OIT permettrait d’améliorer davantage la protection des peuples autochtones et tribaux. En ce qui concerne la question soulevée par M. Cali Tzay au sujet de l’octroi de concessions minières, il souhaite savoir comment le Gouvernement s’assure que les chefs de district ont effectivement consulté les populations autochtones et tribales avant l’octroi d’une concession d’exploitation sur leurs terres.

32.Se référant à la question posée par M. Prosper à propos de la compétence des juridictions nationales pour traiter les plaintes relatives à des violations des droits des peuples autochtones, M. Peter exhorte l’État partie à intensifier ses efforts en vue de la création d’une Cour constitutionnelle. Il ajoute qu’il est difficile pour des citoyens ordinaires de saisir la Cour interaméricaine des droits de l’homme et que tout État doit pouvoir compter sur des juridictions nationales fiables.

33.M. Lindgren Alves dit que l’État partie doit respecter les directives établies par le Comité en matière d’établissement de rapports. Il demande à la délégation de confirmer que les différents groupes ethniques énumérés au paragraphe 12 du rapport à l’examen ont été répertoriés sur la base des informations fournies par les intéressés sur leur appartenance ethnique déclarée. Il souhaite également obtenir des précisions au sujet des termes «Kaukasisch», utilisé dans la version anglaise du rapport, et «Créole». Il se félicite que le Suriname donne la possibilité aux personnes interrogées de se déclarer comme métisses (mixed race) et souhaite savoir si celles qui le font se désignent ainsi.

34.M. Lindgren Alves demande en outre à la délégation de confirmer que pour être officiels, les mariages religieux doivent être enregistrés par un officier d’état civil aux fins de reconnaissance légale, d’indiquer si la règle du libre consentement des futurs époux, mentionnée au paragraphe 29 du rapport à l’examen, s’applique aussi aux mariages religieux, et de préciser si cette règle est effectivement respectée. Il accueille avec satisfaction la création d’une commission présidentielle chargée de codifier plus avant le régime des droits des populations tribales et autochtones sur leurs terres et félicite l’État partie du sérieux avec lequel il traite cette question. L’expert en veut pour preuve l’affirmation par le Suriname que la décision de ratifier la Convention no 169 de l’OIT devra être approuvée à l’unanimité par le Gouvernement, les communautés autochtones et les Marrons.

35.M. Thornberry rappelle que dans le cadre de l’affaire Peuple saramaka c. Suriname portée devant la Cour interaméricaine des droits de l’homme, l’État partie a fait allusion à la complexité de la codification des droits des populations autochtones et souhaite savoir si le Suriname a sollicité l’aide du Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme et des libertés fondamentales des populations autochtones.

36.Rappelant les travaux que mènent différents organes des Nations Unies dans le domaine du droit à l’éducation des groupes minoritaires, dont l’État partie devrait, du reste, s’inspirer, M. Thornberry considère que le Suriname devrait élaborer des stratégies pour améliorer l’accès à l’éducation des groupes minoritaires défavorisés qui ne maîtrisent pas la langue officielle du pays. Outre la responsabilité qui incombe aux États en matière de promotion des langues patrimoniales, plusieurs études ont démontré que les systèmes qui combinent un enseignement dans la langue maternelle des élèves à une introduction progressive de la langue officielle obtiennent de meilleurs résultats en termes d’acquisition de la langue nationale qu’une immersion totale dans l’apprentissage de celle-ci.

37.M. Thornberry croit en outre comprendre que les services en matière d’éducation offerts aux peuples autochtones et aux Marrons sont souvent confiés à des missions religieuses et souhaite savoir, si tel est le cas, quelles missions religieuses sont effectivement concernées en l’espèce et quel cadre régit les droits et les responsabilités de ces missions et de l’État. Il souhaite également savoir si le terme «Marron» est accepté par les populations concernées.

38.M. Amir, se référant au nombre de Marrons et Créoles auquel les paragraphes 13 et 116 a) du rapport à l’examen font référence, se demande si les différents groupes ethniques surinamais ont réellement tous le même accès à l’emploi et souhaite connaître les raisons de cette situation. Il s’interroge aussi sur le point de savoir pourquoi le rapport de l’État partie n’indique pas le montant du produit national brut, estimant que des informations sur le revenu par habitant seraient fort utiles, en particulier compte tenu du potentiel considérable de génération de revenus des activités minières, qui sont quasiment toutes effectuées grâce à des capitaux étrangers. L’expert souhaite aussi connaître la suite donnée à la décision 1 (67) du Comité de novembre 2005, par laquelle il était demandé aux autorités de veiller à ce que le projet de loi révisé sur les mines soit conforme aux dispositions de la Convention.

39.M. Amir demande par ailleurs à la délégation d’indiquer quelles mesures ont été prises par le Suriname pour donner effet aux observations finales du Comité de 2004 concernant l’état d’application de la Convention dans le pays. Il se dit préoccupé par les conséquences potentielles des activités minières sur la santé des peuples autochtones locaux et demande à la délégation d’apporter des précisions sur cette question.

40.M. MacD onald (Suriname), répondant aux observations formulées par les membres du Comité, reconnaît que le rapport périodique soumis par son pays n’est pas conforme aux directives du Comité en matière d’établissement de rapports mais dit que cela est en grande partie dû à un manque de ressources financières et humaines. Il explique que son parcours personnel, depuis l’obtention de son diplôme à l’Université du Suriname, en 1994, grâce à une bourse de recherche d’un an accordée par l’Organisation des États américains à l’Université de Washington, aux États-Unis, à sa nomination en 1996, à la fin de ses études aux États-Unis, en tant que conférencier à l’Université du Suriname, montre à lui seul le cruel manque de ressources humaines dont souffre le Suriname. Il ajoute que des partenariats sont souvent conclus entre l’Université et le secteur privé pour obtenir un niveau de financement adéquat, et qu’il l’a personnellement fait en organisant un club de compétition sportive universitaire. L’un des lauréats, Mme Margo Waterval, qui a gagné une bourse d’études à l’Université américaine de Washington, est aujourd’hui une avocate respectée spécialisée en matière de droits de l’homme et membre de la délégation du Suriname. Il ajoute que plus récemment, il n’a pu obtenir le financement d’une formation aux droits de l’homme que parce que ce programme de formation a été présenté comme faisant partie d’un projet de la Communauté des Caraïbes. Il précise que les deux autres membres de sa délégation ont bénéficié de cette formation.

41.Le représentant surinamais conclut en assurant que bien que sa délégation soit de composition restreinte, elle compte examiner les observations formulées par les membres du Comité afin d’y répondre de manière aussi complète que possible à sa réunion suivante.

La première partie (publique) de la séance prend fin à 17 h 35.