Nations Unies

CERD/C/SR.2018

Convention internationale sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

12 août 2010

Original: français

Comité pour l ’ élimination de la discrimination raciale

Soixante- dix-sept ième session

Compte rendu analytique de la 2018 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le jeudi 5 août 2010, à 15 heures

Président: M. Kemal

Sommaire

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention (suite)

Sixième et septième rapports périodiques de l ’ Ouzbékistan

La séance est ouverte à 15h 5.

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention (point 4 de l ’ ordre du jour) (suite)

Sixième et septième rapports périodiques de l’Ouzbékistan (CERD/C/UZB/6-7; CERD/C/UZB/Q/6-7)

1.Sur l ’ invitation du Président , la délégation ouzbèke prend place à la table du Comité.

2.M. Saidov (Ouzbékistan) indique que les sixième et septième rapports périodiques de l’Ouzbékistan ont été établis avec la participation d’organismes publics, d’organisations non gouvernementales (ONG), d’institutions de la société civile et de médias.

3.Depuis son indépendance, l’Ouzbékistan accorde une importance prioritaire à la protection des droits de l’homme et à l’entente interethnique et interreligieuse. Les grandes orientations de sa politique de protection des droits de l’homme et de lutte contre la discrimination sont d’encourager l’application des lois relatives à la protection des droits de l’homme et d’adopter des mesures en vue d’améliorer le cadre juridique; de surveiller la situation en ce qui concerne la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales; de prendre des mesures permettant une participation active des ONG, des institutions de la société civile et des médias à la vie publique et politique du pays; de renforcer la coopération avec les systèmes de protection des droits de l’homme de l’Organisation des Nations Unies.

4.L’Ouzbékistan a accompli des progrès notables dans les domaines de l’éducation, de l’égalité des sexes, de la santé et dans d’autres aspects de la protection sociale des citoyens au moyen d’un ensemble de mesures visant à assurer la mise en œuvre de la Convention, de la Déclaration et du Programme d’action de Durban, de la recommandation générale no 28 du Comité concernant le suivi de la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, et du Document final de la Conférence d’examen de Durban. Parallèlement, l’Ouzbékistan prend des mesures en vue d’atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement afin notamment de réduire la pauvreté, d’améliorer les conditions de vie et de promouvoir l’égalité entre les groupes ethniques et religieux.

5.Le Gouvernement adopte des mesures législatives, administratives, économiques et autres afin de protéger les droits de l’homme et les libertés et de combattre la discrimination raciale. Il a défini les cinq orientations prioritaires en vue d’assurer la mise en œuvre de la Convention: améliorer le cadre législatif, mettre en place le cadre institutionnel nécessaire, poursuivre les réformes du secteur judiciaire, mener des activités d’éducation et d’information, et développer la coopération internationale en matière de droits de l’homme.

6.Entre 2007 et 2010, l’Ouzbékistan s’est efforcé d’appuyer les activités des organismes gouvernementaux et non gouvernementaux visant à lutter contre la discrimination raciale, et les deux Chambres du Parlement ont accordé une grande attention au suivi de la mise en œuvre de la Convention et des observations finales et recommandations du Comité. En vue de la mise en œuvre des observations finales et de la recommandation générale no 17 du Comité, le Conseil des ministres a adopté une décision relative aux mesures d’appui de l’État aux institutions nationales des droits de l’homme en 2008. Cette décision a pour objet d’apporter un appui au Commissaire aux droits de l’homme (médiateur) et au Centre national pour les droits de l’homme afin de renforcer les moyens matériels et les effectifs de ces institutions, qui sont par ailleurs tout à fait conformes aux Principes de Paris.

7.Afin de renforcer les garanties légales relatives aux activités du Médiateur, le Parlement ouzbek a adopté en avril 2009 une loi qui élargit ses compétences: il peut désormais se rendre dans les établissements pénitentiaires, rendre visite à des détenus et s’entretenir avec eux, et recevoir les lettres qui lui sont adressées par des détenus sans aucune censure.

8.L’Ouzbékistan accorde une grande attention au renforcement du contrôle public du respect des droits de l’homme et de la lutte contre la discrimination. Conformément aux recommandations du Comité, le Centre culturel international républicain a supervisé en 2008 les activités des centres culturels nationaux et a veillé au respect des droits des minorités nationales dans la République de Karakalpakstan, dans les provinces et à Tachkent.

9.Des mesures importantes ont été prises pour poursuivre les réformes et promouvoir l’indépendance du système judiciaire. Au cours des cinq dernières années, 58 lois ont été adoptées dans le cadre de cette réforme en vue notamment d’assouplir le système de sanctions pénales, d’assurer la légalité des activités des organes chargés de l’application des lois et de renforcer le rôle des tribunaux indépendants.

10.À l’occasion du quarante-cinquième anniversaire de la Convention, une brochure spéciale intitulée «La Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale et son application dans la République d’Ouzbékistan» a été publiée. Des mesures ont été prises pour améliorer l’éducation en matière de droits de l’homme et les dispositions de la Convention figurent dans les programmes scolaires à tous les niveaux de l’enseignement.

11.La mise en œuvre de la Convention se heurte toutefois à certaines difficultés, liées notamment à des problèmes économiques et sociaux touchant en particulier les groupes vulnérables, à des problèmes internes de la procédure de transition vers un système démocratique, à la situation environnementale dans le bassin de la mer d’Aral qui a des répercussions sur la sécurité alimentaire et l’accès à l’eau potable, à des problèmes liés à l’instabilité politique en Asie centrale, à des menaces liées au terrorisme international et à l’extrémisme religieux, facteurs d’instabilité qui utilisent les rares ressources disponibles.

12.M. Saidov rappelle en conclusion que l’Ouzbékistan appuie totalement la résolution 62/90 de l’Assemblée générale visant à promouvoir le dialogue interreligieux et interculturel, et qu’il accorde une grande importance, dans le cadre de l’Année internationale du rapprochement des cultures, à l’organisation d’événements favorisant le dialogue interculturel.

13.M. Akhmedov (Ouzbékistan) reconnaît qu’il est important de procéder au recensement de la population, mais fait remarquer que cela exige du temps et des ressources financières. À cet égard, il indique que tous les citoyens ouzbeks, sans aucune forme de discrimination, prennent part tous les cinq ans aux élections des organes locaux et de l’État. Le jour des élections, le Comité national de la statistique procède au recensement des citoyens ayant 18 ans révolus. Les informations concernant les mineurs sont fournies par le Ministère de l’éducation nationale, le Ministère de l’enseignement supérieur et secondaire spécialisé et le Ministère de l’intérieur. Selon les données du Comité de la statistique, la population de l’Ouzbékistan s’élevait en 2010 à plus de 28 millions d’habitants. Un document en anglais contenant les données statistiques détaillées relatives à la composition de la population a été distribué aux membres du Comité.

14.M. Saidov (Ouzbékistan) précise que l’Ouzbékistan mène une réforme du système de statistiques national et qu’il n’y a pas eu de recensement de la population depuis 1979. Toutefois, les données statistiques collectées auprès des électeurs lors des dernières élections législatives, ainsi que les directives concernant la réforme du système de statistiques pourront être transmises par écrit au Comité.

15.M. Akhmedov (Ouzbékistan) fait remarquer que l’Ouzbékistan se caractérise par une grande tolérance interethnique, interreligieuse et interculturelle, et que, depuis son indépendance, son pays n’a pas connu de conflit interethnique ou interreligieux. L’Ouzbékistan compte plus de 120 groupes ethniques différents et il est possible d’y suivre un enseignement dans huit langues différentes. Il existe plus de 2 000 organisations religieuses et une centaine de centres culturels nationaux.

16.La Constitution garantit le respect de la diversité des langues et des traditions de toutes les ethnies et nationalités vivant sur le territoire ouzbek et les conditions nécessaires à leur développement; elle stipule que tous les citoyens ont les mêmes droits et libertés et sont égaux devant la loi, sans distinction de sexe, race, nationalité, langue, religion, convictions, statut personnel ou social et d’origine sociale. La liberté de conscience et celle des organisations religieuses est consacrée dans la Constitution et garantie par la politique de l’État.

17.Le droit interne de l’Ouzbékistan est pleinement conforme aux dispositions de la Convention, et l’administration n’a enregistré pratiquement aucune affaire relative à des violations des dispositions de la Convention.

18.Au cours des dix-neuf dernières années, le Parlement a adopté plus de 500 lois régissant les droits de l’homme et les libertés fondamentales. Les dispositions de la Convention sont intégrées notamment dans le Code pénal, le Code de procédure pénale, le Code du travail et les lois électorales. Le Code du travail prévoit que tous les citoyens ont les mêmes droits au travail et proscrit toute limitation ou préférence dans le domaine professionnel fondée sur des critères discriminatoires. De même, le Code pénal prévoit que toutes les personnes ayant commis un délit sont égales devant la loi, sans aucune discrimination. En outre, le Code pénal sanctionne toute violation du principe d’égalité des citoyens ou de liberté de conscience, et pénalise le génocide et l’incitation à la haine fondée sur des critères de race, de nationalité ou de religion. Le Code de procédure pénale prévoit que tous les citoyens sont égaux devant la loi et les tribunaux, sans aucune discrimination. Une étude récente a montré que le système juridique ouzbek constitue une base juridique suffisante pour assurer la protection des citoyens contre la discrimination raciale.

19.M. Saidov (Ouzbékistan) précise que l’Ouzbékistan ne s’est pas doté d’une loi visant exclusivement la discrimination raciale, mais que c’est aussi le cas de la majorité des États du monde. Cela étant, l’interdiction de toute forme de discrimination en Ouzbékistan est consacrée par de nombreux textes législatifs, comme il a été dit précédemment, notamment par l’article 141 du Code pénal qui couvre de manière très complète toutes les formes de discrimination.

20.M. Rakhmanov (Ouzbékistan) indique que sur l’ensemble des personnes condamnées en 2006 en Ouzbékistan, 0,07 % l’ont été au titre de l’article 156 du Code pénal relatif à l’incitation à la haine ethnique, raciale ou religieuse. Elles ne représentaient plus que 0,03 % de l’ensemble des condamnés en 2007, et 0,04 % en 2008 et 2009.

21.Le Code pénal sanctionne les actes constituant une incitation à la haine ou à l’intolérance envers tout groupe ethnique, racial ou national, ainsi que les cas de préférence fondée sur une notion de supériorité nationale ou ethnique. L’absence de plainte concernant des actes de discrimination raciale n’est pas due à l’ignorance des victimes eu égard à leurs droits ou à de la méfiance à l’égard des organes policiers ou judiciaires. Une affaire pénale sur deux, une affaire civile sur quatre et une affaire administrative sur six font l’objet d’un recours auprès d’instances supérieures, lesquelles se prononcent sur toutes les allégations des plaignants. En outre, le fait que les organisations de l’État et de la société civile répondent chaque année à des centaines de milliers de demandes émanant des citoyens laisse penser que ceux-ci n’ignorent pas leurs droits. En ce qui concerne des infractions plus graves, telles que la traite des personnes, des informations détaillées seront présentées ultérieurement par la délégation.

22.M. Mukhammadiev (Ouzbékistan) dit que son pays compte plus de 150 centres culturels ethniques placés sous l’égide du Centre culturel interethnique qui, depuis 1992, coordonne leurs activités et leur fournit une aide pratique et technique, contribuant ainsi à répondre aux aspirations culturelles des membres des diverses nationalités et ethnies. La société ouzbèke est une des sociétés les plus tolérantes au monde et nombre de personnes persécutées ont trouvé refuge en Ouzbékistan. Il n’existe aucune forme de discrimination et les minorités comptent des représentants à tous les niveaux dans les organes de l’État. À titre d’exemple, les 150 000 Coréens du pays sont parfaitement intégrés et certains d’entre eux occupent des postes de responsabilité.

23.Douze années de scolarisation sont obligatoires, dont neuf ans dans l’enseignement général et trois dans l’enseignement spécialisé. L’Ouzbékistan ne consacre pas moins de 12 % de son PIB à l’éducation. Les minorités ont évidemment accès à l’éducation, en particulier à des écoles qui dispensent un enseignement dans leur langue: 737 écoles en russe, 705 en kazakhe, 380 en karakalpak, 267 en tadjik et 50 en turkmène. Il a été remédié au problème du manque de matériel pédagogique et 98 % des besoins sont désormais satisfaits en la matière. L’Ouzbékistan a en outre élaboré de nouveaux manuels scolaires.

24.M. Rakhmanov (Ouzbékistan) dit que les services d’un interprète et d’un avocat sont fournis à titre gracieux par l’État lorsqu’une partie à un procès (accusé, victime, témoin…) ne maîtrise pas suffisamment la langue dans laquelle l’affaire est jugée ou qu’elle est sourde et muette. Tous les documents du procès doivent aussi être traduits. L’absence d’un interprète ou d’un avocat constitue une infraction grave à la législation et entraîne l’annulation de toutes les décisions et un nouvel examen de l’affaire. Le droit ouzbek impose que les procès se déroulent en ouzbek, en karakalpak ou dans la langue parlée par la majorité de la population de la localité où le procès se déroule. Conformément à la loi, les parties au procès qui ne maîtrisent pas suffisamment la langue du procès ont le droit de présenter une déclaration écrite ou orale, de fournir des preuves et des explications, de soumettre une plainte ou une requête ou d’intervenir dans leur langue maternelle ou une autre langue qu’ils maîtrisent et ont le droit de faire appel aux services d’un interprète lors de l’examen des pièces du dossier. Le nombre de procès dans lesquels interviennent des interprètes et des avocats est en constante augmentation depuis 2007. De nos jours, des interprètes sont fournis gracieusement par l’État dans 99 % des affaires pénales et civiles.

25.M. Akhmedov (Ouzbékistan) dit que l’obligation pour les citoyens ouzbeks comme pour les étrangers et les apatrides de déclarer leur domicile ne porte absolument pas atteinte à leur liberté de circuler. Cette dernière est totale sur l’ensemble du territoire, à l’exception de quelques restrictions visant à garantir la sécurité de l’État et des citoyens. Tous les étrangers, y compris ceux originaires de la Communauté d’États indépendants (CEI), doivent obtenir du Ministère de l’intérieur un permis de séjour temporaire, à défaut duquel ils sont passibles d’une amende. Afin de pouvoir se rendre à l’étranger, les Ouzbeks doivent obtenir du même Ministère une autorisation de sortie qui est valable pendant deux ans. Cette situation va radicalement changer puisque, à compter de 2011, les citoyens ouzbeks titulaires de passeports biométriques pourront se rendre librement à l’étranger pendant une période de dix ans.

26.M. Saidov (Ouzbékistan) dit que depuis que son indépendance, acquise en 1991, l’Ouzbékistan ne délivre plus de passeport spécifique pour voyager à l’étranger. Toute personne qui souhaite quitter le territoire ouzbek doit se présenter au Ministère de l’intérieur avec son passeport pour y faire apposer un autocollant autorisant sa sortie du territoire.

27.M. Akhmedov (Ouzbékistan) dit que le droit à la nationalité ouzbèke est accordé à toute personne qui réside en permanence sur le territoire de l’État indépendamment de son appartenance raciale ou ethnique (art. 4 de la loi sur la nationalité). Les étrangers et les apatrides peuvent se faire naturaliser ouzbeks indépendamment de leur origine raciale ou ethnique, la naturalisation étant soumise aux conditions suivantes: le demandeur doit renoncer à la nationalité étrangère, doit avoir résidé en permanence sur le territoire ouzbek pendant les cinq années précédant sa demande et doit respecter les dispositions de la Constitution ouzbèke.

28.L’Ouzbékistan n’a certes pas ratifié la Convention de 1951 relative au statut des apatrides ni le Protocole de 1967 s’y rapportant, mais il accueille néanmoins des milliers de réfugiés avec l’assistance du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR). Ainsi, entre 1993 et 1997, le HCR a rapatrié par le territoire ouzbek plus de 17 000 Tadjiks qui se trouvaient en Afghanistan ou au Turkménistan.

29.L’État ouzbek compte améliorer sa législation relative aux réfugiés. Ainsi, pour remédier à l’absence de loi spécifique relative à l’extradition, l’Ouzbékistan a ratifié la Convention de Minsk relative à l’entraide judiciaire en ce qui concerne les citoyens de la Communauté d’États indépendants (CEI) et a conclu 27 accords bilatéraux avec d’autres pays. L’État a déjà renvoyé dans leur pays d’origine des étrangers qui avaient commis des délits afin qu’ils puissent y purger leur peine. Toutefois, le Code de procédure pénale prévoit un certain nombre de cas dans lesquels un étranger ne peut être extradé: l’absence d’accord bilatéral avec le pays d’origine; la personne visée a déjà été condamnée pour le délit visé dans la demande d’extradition, ou la prescription. Conformément à l’article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, l’Ouzbékistan n’expulse, ne refoule ni n’extrade aucune personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture. Des garanties en la matière sont toujours demandées à l’État vers lequel la personne est extradée.

30.Les Tziganes qui vivent en Ouzbékistan sont appelés «Lyuli» par la population locale. Ils parlent le tadjik et l’ouzbek. La langue qu’ils parlent quotidiennement est le tadjik, parsemé d’expressions roms. La principale religion pratiquée par les Tziganes vivant en Ouzbékistan est l’islam. Il est impossible d’évaluer leur nombre précisément, beaucoup d’entre eux disant appartenir à d’autres groupes ethniques. D’après un recensement effectué en 1926, l’Ouzbékistan comptait alors 3 710 Tziganes mais en 1989, leur nombre était estimé à environ 20 000. Selon des spécialistes, ils ont toujours été au moins deux fois plus nombreux que ne le laissent entendre les chiffres officiels. Le mode de vie tzigane en Ouzbékistan est mixte, car l’adaptation à la société ouzbèke s’accompagne non seulement d’une détermination à préserver leur identité ethnique et culturelle mais aussi à transmettre les traditions et le mode de vie tziganes. Pratiquement tous les Tziganes interrogés (99 %) ont répondu que les autorités ouzbèkes n’entravaient ni n’établissaient aucune restriction à leur choix de pratiquer leur mode de vie traditionnel. La majorité des Tziganes sont des citoyens ouzbeks, les autres ont un statut de résident.

31.M me  Crickley (Rapporteuse pour l’Ouzbékistan) est consciente des problèmes spécifiques de l’Ouzbékistan situé dans une région où la situation géopolitique est complexe et où la stabilité et la paix sont parfois fragiles. Elle se félicite d’un certain nombre de progrès réalisés ces dernières années dans l’État partie, en particulier l’abolition de la peine de mort en 2008 et les efforts déployés pour renforcer l’éducation dans le domaine des droits de l’homme. Elle rappelle la doctrine du Comité selon laquelle l’absence de cas de discrimination n’est pas forcément un indicateur positif car elle peut être liée à un manque d’information de la population sur ses droits. À cet égard, elle s’étonne de n’avoir reçu des organisations non gouvernementales (ONG) aucune information sur la situation des droits de l’homme en Ouzbékistan.

32.Mme Crickley demande à la délégation ouzbèke de fournir au Comité des renseignements plus détaillés sur la procédure de naturalisation en vigueur et d’expliquer le nombre très élevé d’apatrides vivant dans le pays.

33.S’agissant des Roms, Mme Crickley souhaite savoir pourquoi, si l’on en croit le paragraphe 297 du rapport à l’examen, «le nombre de Roms était estimé à environ 20 000 en 1989 mais que selon les spécialistes, ils ont toujours été au moins deux fois plus nombreux que ne le laissent entendre les chiffres officiels» alors qu’on lit dans ce même paragraphe qu’«il est impossible de calculer les effectifs de cette catégorie de la population». Notant que les Roms sont appelés Tziganes par les autorités et «Lyuli» par la population locale, elle attire l’attention de la délégation sur le fait que la plupart des Roms d’Europe orientale refusent d’être appelés Tziganes ou Gitans.

34.La rapporteuse demande quelles mesures peuvent être prises par les autorités nationales, sur le plan des statistiques, pour observer les changements démographiques et mesurer les progrès effectués en vue d’éliminer la discrimination raciale.

35.Mme Crickley relève l’absence d’une définition de la discrimination raciale qui soit pleinement conforme au paragraphe 1 de l’article premier de la Convention dans la législation ouzbèke et se demande comment les autorités entendent lutter contre un phénomène qui n’est ni visé ni défini dans la loi. Elle rappelle également que dans ses observations finales précédentes concernant l’État partie (CERD/C/UZB/CO/5), le Comité a demandé à l’Ouzbékistan de clarifier la situation concernant l’indépendance des juges, les juges des juridictions supérieures étant nommés par la chambre haute du Parlement et les juges ordinaires par le Président, sur la recommandation de la Haute Commission de qualification (par. 12). Mme Crickley demande à la délégation ouzbèke d’indiquer comment les autorités s’assurent que la pratique en vigueur en matière de nominations des magistrats garantisse pleinement l’indépendance et l’impartialité de la justice.Elle souhaite également recevoir des informations plus détaillées sur les mesures visant à favoriser l’harmonie entre les différents groupes ethniques et religieux du pays et sur les mécanismes institués pour permettre aux communautés ethniques de participer au processus d’élaboration des politiques publiques qui les concernent.

36.S’agissant des femmes issues des minorités, Mme Crickley constate que les statistiques fournies concernant la présence des femmes aux postes de responsabilité dans les organes de l’État ne révèlent pas de réels progrès en la matière et souhaite savoir quelles mesures les autorités ouzbèkes comptent prendre pour garantir la participation des femmes des minorités ethniques à la vie du pays. Elle demande quelles mesures ont été prises pour veiller à ce que ces femmes, en particulier celles qui ne maîtrisent pas la langue nationale, soient en mesure de donner leur assentiment à toute procédure ou tout traitement médical dont elles font l’objet, notamment en matière de stérilisation.

37.Citant le paragraphe 299 du rapport périodique à l’examen, qui indique que pour «pratiquement tous les Tziganes interrogés (99 %) (…) les autorités n’entravaient ni n’établissaient aucune restriction à leur choix de suivre, en Ouzbékistan, leur mode de vie traditionnel», Mme Crickley se demande si cette affirmation reflète réellement la situation des Roms et si l’Ouzbékistan a pris des mesures pour veiller à ce qu’ils ne soient pas l’objet de discriminations masquées.

38. M. Diaconu souhaite obtenir des informations sur la République de Karakalpakstan et notamment savoir sur quelles bases elle a été créée, s’il s’agit d’une entité autonome et si elle a pour but de rassembler les Karakalpaks, une minorité numériquement moins importante que les Tadjiks.

39.Relevant qu’en Ouzbékistan, «si un instrument international auquel la République d’Ouzbékistan est partie énonce d’autres règles que celles qui figurent dans la législation nationale sur la famille, ce sont les règles de l’instrument international qui s’appliquent» (ibid., par. 135), M. Diaconu remarque que le paragraphe 157 du rapport périodique de l’État partie indique que le droit interne de la République d’Ouzbékistan reconnaît la primauté du droit international sur la législation nationale mais que, pour être applicable, un instrument international doit d’abord être intégré à la législation interne. Voyant là une contradiction, il encourage l’État partie à réviser sa législation afin d’accorder le rang qui convient aux instruments internationaux ratifiés par le pays, notamment à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

40.S’agissant de la mise en œuvre de l’article 4 de la Convention, M. Diaconu relève que l’article 156 du Code pénal ouzbek dispose que «sont punis d’une peine de privation de liberté (…) les actes (…) qui sont perpétrés dans l’intention délibérée d’inciter à la haine» (ibid., par. 320) et souligne que l’article 4 ne contient aucune mention d’intention, délibérée ou non.

41.Notant que l’Ouzbékistan compte 86 703 apatrides (ibid., par. 374), M. Diaconu juge ce chiffre beaucoup trop élevé et souhaite savoir si les causes de cette situation ont été analysées de manière approfondie afin d’y remédier.

42.M. Avtonomov, relevant à son tour que les paragraphes 296 à 302 du rapport périodique de l’Ouzbékistan contiennent de très nombreuses informations sur les Roms, appelés «Tziganes» dans le rapport périodique et «Lyuli» par la population locale, souhaite savoir comment les intéressés souhaitent être désignés et quelle est l’appellation qu’ils considèrent comme étant la plus respectueuse à leur égard.

43.M. Avtonomov relève en outre que, selon le paragraphe 299 du rapport périodique de l’Ouzbékistan, pratiquement tous les Tziganes interrogés (99 %) ont indiqué que les autorités n’établissaient aucune restriction à leur choix de suivre leur mode de vie traditionnel. Cependant, comme il lit au paragraphe 297 qu’un grand nombre d’entre eux disent appartenir à d’autres groupes ethniques, il demande à la délégation ouzbèke d’expliquer pour quelles raisons les Tziganes préfèrent s’identifier à d’autres groupes ethniques et dissimuler, ce faisant, leur véritable origine ethnique, et d’indiquer si une étude a été effectuée à ce sujet. L’expert souligne que dans d’autres pays, les Roms agissent souvent de la sorte par crainte de la stigmatisation sociale. Même si cette situation n’est pas toujours due à une politique d’État mais aux difficultés que rencontrent au quotidien les membres de cette minorité, les États parties n’en ont pas moins l’obligation de prendre les mesures nécessaires pour éliminer cette discrimination de facto.

44.M. Avtonomov demande à la délégation d’expliquer pourquoi seuls 13,9 % des élèves roms ont terminé leur scolarité dans le secondaire (ibid., par. 301) alors que l’enseignement secondaire général est obligatoire en Ouzbékistan.

45.M. Avtonomov souhaite par ailleurs savoir pourquoi plus de 16 % des Roms vivant dans le pays ne bénéficient que du statut de résident et pour quelle raison ils n’ont pas été naturalisés. Il souhaite également savoir comment un enfant dont un parent est ouzbek et l’autre apatride ou étranger peut obtenir le statut de résident dans l’État partie.

46.L’expert relève en outre que selon le paragraphe 72 du rapport à l’examen, le Ministère de la justice et ses sections locales ont enregistré officiellement 1 587 organisations non gouvernementales (ONG) à but non lucratif et en ont répertorié 3 446, alors que le paragraphe 407 indique qu’au 1er janvier 2005, plus de 4 000 ONG sans but lucratif étaient actives en Ouzbékistan. Il serait utile que la délégation donne quelques explications sur ces chiffres et explique notamment la différence qui existe entre le fait d’enregistrer des ONG et de les répertorier officiellement. Il aimerait également disposer de statistiques sur la représentation des membres des minorités ethniques dans l’appareil judiciaire, les collectivités locales, le Parlement et l’administration ouzbeks.

47.M. Murillo Martínez note que, d’après les statistiques fournies dans le rapport concernant le revenu par habitant (tableau 14), le niveau de vie de la population se serait nettement amélioré de 2005 à 2007. Toutefois, ces données n’étant pas ventilées, il est impossible de savoir si toute la population a effectivement bénéficié de cette évolution ou si ces chiffres cachent des disparités. Il serait donc souhaitable que les rapports périodiques à venir de l’État partie contiennent des statistiques désagrégées par groupe ethnique. En outre, des explications seraient bienvenues concernant le fait que, sur les 27 millions d’habitants que compte la population ouzbèke, 16 millions se sont rendus aux urnes lors des élections de 2007. Cette forte participation est-elle due à une obligation imposée aux électeurs ou à un intérêt pour la politique particulièrement marqué dans l’État partie?

48.Enfin, la délégation ouzbèke voudra bien indiquer si les questions posées dans le cadre de l’enquête sur la situation économique et sociale des Roms réalisée par le Centre d’étude de l’opinion publique (CERD/C/UZB/6-7, par. 295) ont été élaborées en consultation avec les intéressés et si l’État partie s’est doté de stratégies tenant compte du mode de vie itinérant des Roms afin d’améliorer le taux de scolarisation de cette minorité.

49.M. Ewomsa m, lisant dans le rapport que l’harmonie régnant entre les groupes ethniques vivant dans l’État partie est due notamment à la générosité du peuple ouzbek (par. 291), fait observer que, si ces sentiments charitables venaient à disparaître, des conflits interethniques pourraient éclater dans le pays. La coexistence pacifique et harmonieuse entre tous les groupes ethniques devrait reposer avant tout sur le respect du principe d’égalité et l’accès du public à des mécanismes de plainte en cas de violation de la Convention. Constatant que l’État partie s’est doté d’une législation solide réprimant la discrimination raciale, il souhaiterait savoir comment s’explique l’absence de plaintes dans ce domaine.

50.M. de Gouttes relève que, même si l’État partie reconnaît que les dispositions de l’article 141 du Code pénal ne contiennent pas de mention des objectifs de la discrimination raciale, alors que cet élément figure dans la définition énoncée à l’article premier de la Convention, il considère que cette lacune n’affecte en rien la qualification de l’acte lui-même (CERD/C/UZB/6-7, par. 320) et qu’il n’y a pas de divergence entre les deux formulations. Si tel est effectivement le cas, l’État partie ne pourrait-il pas envisager d’harmoniser le libellé de l’article 141 du Code pénal avec celui du paragraphe 1 de l’article premier de la Convention?

51.M. de Gouttes souhaiterait recevoir des informations complémentaires sur le rôle de l’appareil judiciaire dans la lutte contre le racisme et, notant que les cas d’application de l’article 141 du Code pénal qui sont cités dans le rapport concernent des affaires de traite des êtres humains (CERD/C/UZB/6-7, par. 484), formule l’espoir que le rapport périodique suivant de l’État partie contiendra des exemples de plaintes et de poursuites se rapportant spécifiquement à des faits de discrimination raciale proprement dite.

52.Enfin, il souhaiterait recevoir de plus amples informations sur les mesures prises pour renforcer l’indépendance du pouvoir judiciaire et demande si l’État partie a l’intention de faire la déclaration prévue à l’article 14 de la Convention.

53.M. Kut, se référant au tableau 27 du rapport périodique de l’Ouzbékistan, qui donne un aperçu de la composition ethnique de la population, se dit surpris de constater que plus de 421 000 personnes sont rangées dans la catégorie intitulée «Autres», alors que ce tableau est par ailleurs très détaillé. Il souhaiterait savoir quels groupes nationaux ou ethniques englobe cette catégorie et, en particulier, si elle inclut les Turcs meskhètes. À cet égard, lisant dans le rapport qu’aucun conflit interethnique n’a été recensé entre 2006 et 2008 et que les différends interethniques se limitent généralement à des désaccords relevant de la sphère privée (CERD/C/UZB/6-7, par. 294), il rappelle que, pendant les années précédant l’accession de l’Ouzbékistan à l’indépendance, la vallée de Ferghana a été le théâtre de graves conflits interethniques. En conséquence, l’État partie devrait être prudent et se doter de politiques de prévention afin d’empêcher que ce type de conflit ne resurgisse.

54.Enfin, le fait que les services du Médiateur n’ont reçu aucune plainte entre 2006 et 2008 ne signifie pas nécessairement qu’aucun acte de discrimination raciale n’a été commis dans le pays. Lorsque les personnes qui s’estiment lésées ne portent pas plainte, cela peut créer de graves problèmes par la suite, voire des conflits interethniques. L’État partie devrait donc mettre au point des stratégies pour recenser les cas de discrimination raciale qui ne sont pas signalés, le but étant de déceler les signes avant-coureurs de tensions interethniques. Enfin, M. Kut fait observer que, lorsque le Médiateur n’est jamais saisi de plaintes, il perd toute crédibilité auprès de la population. L’État partie devrait donc prendre des mesures pour informer le public de la possibilité de porter plainte devant cette institution.

55.M. Peter relève avec satisfaction que, bien que 90 % de la population de l’État partie soit musulmane et que, généralement, les pays musulmans soient favorables au maintien de la peine de mort, cette dernière a été abolie en Ouzbékistan. À ce propos, il constate que le décret portant abolition de la peine de mort a été signé par le Président de la République en août 2005, mais qu’il n’est entré en vigueur qu’en 2009, après sa ratification par le Parlement. M. Peter souhaiterait donc savoir quel est l’équilibre des forces entre le Président, le Parlement et le Conseil des ministres et, en particulier, quelle valeur est accordée à la signature du Président.

56.En outre, compte tenu de l’absence de plaintes déposées devant le Médiateur, M. Peter demande quelles mesures ont été prises pour informer le public de l’existence de la loi du 20 avril 2009 visant à améliorer les activités du Médiateur et prie la délégation ouzbèke d’expliquer pourquoi le nombre de femmes siégeant au Sénat n’a pas augmenté depuis 2005, compte tenu en particulier que le Président, qui a le pouvoir de nommer discrétionnairement les membres du Sénat, n’y a nommé que deux et quatre femmes, en 2005 et 2010.

57.M. Saidovdemande quel rôle joue le Centre national pour les droits de l’homme dans la lutte contre la discrimination raciale et, en particulier, s’il est habilité à recevoir des plaintes et à les examiner.

58.M. Lindgren Alves, notant que, d’après la présentation orale de la délégation ouzbèke, la propiska serait essentiellement utilisée comme document d’identité et n’aurait pas d’incidence sur la liberté de circulation des personnes, demande de plus amples précisions sur la nature de ce document. Il souhaiterait en outre savoir si, en Ouzbékistan, certaines populations rurales ont un mode de vie nomade, semblable à celui des Roms.

La séance est levée à 18 heure s.