Nations Unies

CERD/C/SR.1992

Convention internationale sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

10 mars 2010

Original: français

Comité pour l ’ élimination de la discrimination raciale

Soixante-seizième session

Compte rendu analytique de la 1992 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le lundi 1er mars 2010, à 10 heures.

Président: M. Kemal

Sommaire

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention (suite)

Quatrième et cinquième rapports périodiques du Kazakhstan (suite)

La séance est ouverte à 10 h 5.

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties conformément à l ’ article 9 de la Convention (point 6 de l’ordre du jour) (suite)

Quatrième et cinquième rapports périodiques du Kazakhstan (suite) (CERD/C/KAZ/4-5; CERD/C/KAZ/Q/4-5; CERD/C/KAZ/Q/4-5/Add.1, document distribué en russe seulement)

1. Sur l ’ invitation du Président, la délégation kazakhe reprend place à la table du Comité.

2.M. Telebayev (Kazakhstan) dit que, bien que la République du Kazakhstan soit un État jeune, son accession à l’indépendance datant de 1991, il a une longue histoire et un riche patrimoine culturel, que lui ont légué les peuples qui ont vécu sur son territoire. Les relations entre les principaux groupes ethniques qui composent sa population se caractérisent par la tolérance mutuelle, laquelle découle de plusieurs siècles de cohabitation pacifique et d’interactions fructueuses entre les diverses communautés linguistiques et religieuses. Les principales religions du pays sont l’islam et le christianisme orthodoxe, dont les adeptes représentent près de 90 % de la population. Située à la croisée des chemins, la population kazakhe a subi des influences culturelles, linguistiques et religieuses, qui expliquent sa tolérance naturelle et son esprit d’ouverture à l’égard d’autrui.

3.M. Prokopenko (Kazakhstan) dit qu’à l’exception des incidents survenus à Aktau, tous les conflits interethniques qui ont éclaté ces dernières années, dont ceux de Shelek, Malybai, Malovodnoe et Mayatas, se sont produits dans le sud du pays, région où la densité de population est forte et où les villages comptent généralement de 35 à 40 000 habitants, soit l’équivalent de la population d’une petite ville. Ces conflits ne surviennent pratiquement jamais dans les grandes agglomérations pour des raisons bien spécifiques, à savoir notamment la présence de communautés importantes d’Ouïgours et le taux élevé de chômage chez les jeunes dans les zones rurales. En effet, les statistiques montrent que, chez les Ouïgours vivant dans ces zones, la natalité est trois fois plus forte que la mortalité et, en règle générale, que les familles ouïgoures comptent environ six membres. Étant donné que très peu d’Ouïgours partent s’installer dans les grandes villes, ils sont particulièrement nombreux dans les zones rurales, ce qui crée des tensions en ce qui concerne l’accès aux terres agricoles et à l’emploi et la représentation au sein des organes locaux. Ces tensions peuvent prendre une dimension interethnique du fait que cette minorité domine le marché des biens et des services et a des revenus supérieurs à ceux de la population locale. Afin de régler les problèmes socioéconomiques dans les zones rurales et, partant, de prévenir les conflits interethniques et de favoriser la cohabitation entre les diverses minorités vivant dans ces régions, le Gouvernement kazakh a lancé un programme triennal pour le développement des aouls (villages), dans le cadre du Plan stratégique de développement de la République du Kazakhstan, qui doit être appliqué jusqu’en 2020.

4.L’Assemblée du peuple, qui a été créée en 1995, servait à ses débuts d’intermédiaire entre l’État et les associations de minorités ethniques et jouait un rôle consultatif auprès du Président de la République. En vertu de la loi sur l’Assemblée du peuple adoptée en octobre 2008, elle a notamment pour tâche de promouvoir la coopération entre les organes publics et les organisations de la société civile en matière de renforcement de la tolérance et de l’entente entre groupes ethniques, de préserver et de favoriser le développement des cultures, des langues et des traditions des peuples vivant au Kazakhstan et d’apporter un appui méthodologique et juridique aux associations ethnoculturelles du pays.

5.L’Assemblée du peuple est composée de 820 associations ethnoculturelles. Elle est constamment en contact avec 46 associations de minorités ethniques quelle consulte régulièrement lors de réunions nationales et régionales. Elle organise des séminaires et des colloques afin d’informer les responsables de ces organisations des nouvelles mesures adoptées afin d’améliorer les relations interethniques. Ces membres sont habilités à participer à l’élaboration et à l’exécution des politiques publiques, à la rédaction de projets de lois relatifs aux relations interethniques, et à assurer la mise en œuvre du droit de tout ressortissant kazakh d’utiliser sa langue maternelle et de recevoir un enseignement dans sa propre langue. Chaque année, le secrétariat de l’Assemblée approuve un plan annuel prévoyant des projets en faveur des minorités ethniques. En 2009, 35 projets de ce type ont été lancés et des crédits d’un montant de 146 millions de tenges ont été alloués à leur réalisation. Il est prévu de poursuivre l’exécution de ces projets en 2010.

6.L’application des politiques publiques en faveur des groupes ethniques incombe non seulement à l’Assemblée du peuple mais aussi à tous les organes publics compétents. Les mesures de promotion des minorités ethniques prévues pour 2010 ont été définies sur la base de recommandations émanant du chef de l’État et des participants à la réunion annuelle de l’Assemblée du peuple. Au sein du Parlement, un groupe de neufs députés élus par l’Assemblée du peuple examine régulièrement les questions touchant les minorités ethniques.

7.Étant donné l’influence que peut avoir la situation socioéconomique sur les relations interethniques, l’Assemblée du peuple mène des enquêtes sociologiques sur ce sujet. D’après l’enquête effectuée en juillet 2009, les Kazakhs de souche sont le groupe le plus largement représenté dans tous les secteurs professionnels (bâtiment, élevage, sciences, éducation, santé, etc.), à l’exception du monde des affaires, où les Ouzbeks et les Tatars sont les plus nombreux. Environ 28 % des Coréens, 20 % des Allemands, 18 % des Ouïgours et seulement 10 % des Kazakhs de souche qui ont été interrogés se définissaient comme aisés; 55 % des Kazakhs de souche, 50 % des Tatars, et 43 % des Russes et des Ouïgours disaient appartenir à la classe moyenne; et environ 40 % des Kurdes et 25 % des Ukrainiens se considéraient comme étant de condition très modeste. Ainsi, des inégalités socioéconomiques existent entre les principaux groupes ethniques vivant au Kazakhstan mais, dans l’ensemble, les écarts de revenus ne sont pas extrêmes. Toutefois, dans les zones rurales où la concentration de certaines minorités ethniques est forte, ces écarts peuvent être considérables, ce qui peut engendrer des conflits. Le Gouvernement kazakh s’est fixé comme objectif de réduire les inégalités de revenus, considérant que la présence d’une classe moyenne solide garantit la stabilité sociale.

8.M. Tastemir Abishev (Kazakhstan), répondant aux observations relatives à l’absence de dispositions portant expressément sur la discrimination raciale dans le droit interne, rappelle que les traités internationaux ratifiés par le Kazakhstan l’emportent sur les normes internes et sont directement applicables, ce qui vaut donc également pour la Convention. En outre, le Code pénal dispose que la motivation raciste d’une infraction constitue une circonstance aggravante et réprime toute atteinte directe ou indirecte aux libertés et droits fondamentaux fondée sur des considérations telles que la race, l’appartenance ethnique ou nationale, la religion ou la langue. De même, la loi sur la lutte contre l’extrémisme, adoptée le 18 février 2005, réprime l’incitation à la haine raciale ou religieuse. En outre, le paragraphe 2 de l’article 14 de la Constitution, en vertu duquel nul ne peut faire l’objet de discrimination d’aucune sorte fondée sur l’origine, la situation sociale, officielle ou de fortune, le sexe, la race, la nationalité, la langue, l’attitude envers la religion, les convictions, le lieu de résidence ou toute autre situation, peut être interprété de façon à couvrir tous les cas de figure possibles. Le Code des infractions administratives prévoit que la motivation raciste d’une infraction audit Code constitue une circonstance aggravante.

9.Le 5 mai 2009, le Président a approuvé le Plan d’action national pour les droits de l’homme pour 2009-2019. Conformément à ce document et afin de mettre en œuvre l’article 4 de la Convention, le Gouvernement et le Parlement kazakhs élaboreront une loi contre la discrimination raciale ou, le cas échéant, une loi établissant la responsabilité administrative et pénale des individus qui prônent la supériorité d’un groupe racial ou ethnique ou qui incitent à la haine raciale ou religieuse.

10.En novembre 2008, un programme visant à renforcer les connaissances juridiques du grand public et à améliorer l’efficacité de l’enseignement du droit a été adopté pour la période 2009-2011. Ce programme prévoit l’élaboration de projets de modification de la législation et de programmes de sensibilisation du public aux droits de l’homme. Le Comité de défense des droits de l’enfant, qui a été créé conformément à une recommandation du Comité des droits de l’homme, est chargé notamment de faire connaître aux enfants non seulement la Convention relative aux droits de l’enfant, mais aussi la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

11.Avec l’appui de l’Organisation des Nations Unies, la Commission nationale des droits de l’homme a créé une bibliothèque numérique des droits de l’homme en vue de permettre à la population d’avoir gratuitement accès aux textes juridiques relatifs aux droits de l’homme. En plus de la bibliothèque de ce type qui existe à Almaty, il est prévu d’en créer plusieurs autres au sein des organes régionaux et locaux. Tous les documents de cette bibliothèque sont disponibles en russe et en kazakh, notamment les textes de la Convention et de la Déclaration et du Programme d’action de Durban, ainsi que tous les renseignements nécessaires concernant la procédure permettant de saisir le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale d’une plainte individuelle.

12.D’après les statistiques pour 2009, deux personnes ont été jugées pour des actes de discrimination raciale en vertu de l’article 164 du Code pénal et huit autres ont fait l’objet d’une procédure administrative pour des faits de discrimination raciale. En 2009 également, la Commission des droits de l’homme a reçu 1 500 plaintes, dont trois concernaient des violations du droit du travail liées à la discrimination fondée sur l’appartenance nationale. Toutefois, le bien-fondé de ces plaintes n’a pas pu être démontré.

13.M me Aukasheva (Kazakhstan) dit que de 2004 à 2009, le Défenseur des droits de l’homme a reçu 20 plaintes pour discrimination au motif de l’appartenance nationale commises pour la plupart à l’embauche ou lors du licenciement par des organes locaux de l’État. Toutefois, les enquêtes menées par le Défenseur des droits de l’homme n’ont pas permis d’établir le bien-fondé de ces allégations et, dans un certain nombre de cas, la plainte a été retirée. Des informations sur la procédure à suivre pour saisir le Défenseur d’une plainte et sur les instruments internationaux qui peuvent être invoqués, dont la Convention, sont publiées sur le site Web du Défenseur. En outre, avec l’assistance d’organisations non gouvernementales (ONG) internationales, le Défenseur mène des activités de sensibilisation aux droits de l’homme visant les fonctionnaires de l’administration publique et du système pénitentiaire et les représentants des ONG locales. Enfin, tous les trimestres, il publie un bulletin d’information sur ses activités.

14.M me Kultumanova (Kazakhstan) dit que le droit de choisir librement son école et sa langue d’enseignement est garanti au Kazakhstan. Le système scolaire actuel répond aux besoins des enfants et des familles en permettant aux élèves de suivre un enseignement dans leur langue maternelle soit dans des écoles distinctes soit dans des écoles mixtes, qui regroupent des élèves d’origines différentes. Ainsi, sur les 102 457 enfants ouzbeks d’âge scolaire, 79 109 suivent un enseignement dans leur langue nationale, 18 490 en russe et 4 858 en kazakh. L’enseignement en ouzbek est dispensé dans 62 établissements qui n’utilisent que cette langue et 80 établissements mixtes. Les enfants ouïgours d’âge scolaire sont eux au nombre de 42 606. Plus d’un tiers d’entre eux étudient en ouïghour, dans 14 écoles ouïgoures et 49 établissements mixtes. Dix-neuf autres langues sont enseignées dans 104 établissements, qui accueillent 14 000 élèves au total. En outre, 81 écoles du dimanche enseignent également les langues, traditions et cultures des différentes minorités.

15.Une nouvelle génération de manuels scolaires et de méthodes d’enseignement a vu le jour, dans laquelle l’enseignement des langues des minorités nationales occupe une place importante. Sept cent quatorze manuels ont été publiés dans les différentes langues utilisées et 672 titres ont été traduits en ouïghour, en ouzbek et en tadjik. La formation des enseignants en ouïghour, en ouzbek, en tadjik et dans les autres langues a été renforcée. Grâce à l’enseignement dispensé dans les écoles normales du pays, notamment à l’Université de relations internationales et de langues étrangères et à l’Université de pédagogie, les compétences du personnel enseignant dans les langues autres que le kazakh ou le russe se sont considérablement améliorées.

16.Le kazakh et le russe sont les deux langues officielles de la République. Ils sont donc enseignés dans tous les établissements scolaires, à raison de trois heures par semaine pour le russe dans les écoles qui dispensent un enseignement dans une autre langue et de cinq heures par semaine pour le kazakh dans les écoles non kazakhes. En 2009, des mesures ont été prises pour permettre aux élèves des établissements d’enseignement en ouzbek, en ouïghour et en tadjik de prendre part à un système unique d’examen en choisissant soit de passer les examens dans leur langue maternelle soit de participer aux examens nationaux en russe ou en kazakh. Des examens mixtes sont également proposés. Le Gouvernement a en outre entrepris d’étudier les moyens de faciliter l’accès à l’enseignement supérieur dans les langues des minorités nationales. Le Commissaire aux affaires nationales de la République met en œuvre un projet pilote intitulé «Intégration des diplômés des écoles ouzbèkes au système d’enseignement et d’information kazakhe», qui a pour but de permettre aux élèves des écoles ouzbèkes, mais aussi ouïgoures et tadjikes, d’accéder plus facilement à l’enseignement mixte. En 2009, une conférence internationale sur le renforcement de l’intégration sociale par le plurilinguisme s’est tenue au Kazakhstan, avec la participation du Haut-Commissaire pour les questions de nationalité et des centres nationaux et culturels ouzbeks, ouïgours et tadjiks. Ces mesures ont permis à 1 195 élèves des communautés concernées d’entrer à l’université en 2009.

17.L’histoire des différents groupes et cultures qui composent la société kazakhe est indissociable de l’histoire du Kazakhstan. Elle est inscrite dans les manuels scolaires et enseignée à tous les élèves. Cette histoire n’est pas faite de conflits ou de rapports hostiles mais de commerce, d’échanges et de dialogue. La route de la soie, par exemple, occupe une place importante dans les manuels d’histoire; elle concrétise le rapprochement des cultures asiatique et européenne, source d’enrichissement mutuel. Tous les manuels d’histoire et de littérature contiennent des informations sur la culture, l’histoire et les traditions des Ouïgours, des Dounganes, des Ukrainiens et des autres minorités.

18.La politique linguistique en matière d’enseignement est régie par la loi sur les langues, qui énonce notamment les obligations de l’État quant à la création de conditions qui permettent l’enseignement et le développement de toutes les langues, et par la loi sur l’éducation, qui a été modifiée notamment pour réglementer les établissements dits mixtes. Les dispositions selon lesquelles l’enseignement dispensé par ces établissements est fonction des possibilités existantes ne traduisent pas un refus de l’État de créer les conditions voulues. Elles visent simplement à tenir compte non seulement de la formation et de la disponibilité des enseignants, mais aussi des besoins et des souhaits des différents groupes concernés pour ce qui est de recevoir un enseignement dans leur langue maternelle. La dimension ethnoculturelle de la Constitution se retrouve donc dans le modèle éducatif, qui vise à préserver le mode de vie et les valeurs culturelles des différents groupes ethniques.

19.Si l’apprentissage du kazakh est aujourd’hui encouragé, c’est parce qu’il ouvre les perspectives d’intégration dans la société et sur le marché du travail. Il est un fait que le kazakh est de plus en plus utilisé, notamment par les populations issues de la diaspora, qui ne maîtrisent pas le russe. D’après les enquêtes et les sondages réalisés récemment, la majorité des jeunes du pays sont favorables à l’utilisation de l’une des deux langues officielles. Dans une étude publiée en 2006, l’OSCE a d’ailleurs reconnu que la politique linguistique du Kazakhstan était une des plus libérales au monde.

20.M. Habilsayat Abishev (Kazakhstan), rappelant que la discrimination est interdite par la Constitution, dit qu’au moment de leur adoption, tous les textes de loi sont soumis à un examen visant à vérifier qu’ils ne comportent aucune disposition discriminatoire ou pouvant entraîner une discrimination. Le Conseil constitutionnel peut être saisi en cas de restriction aux droits et libertés des citoyens ou d’atteinte au principe de non-discrimination. C’est ainsi qu’est garantie la conformité des lois sur l’immigration et sur le statut des étrangers avec les normes constitutionnelles et les obligations internationales contractées par le Kazakhstan.

21.Depuis son indépendance, le Kazakhstan a accueilli plus de 200 000 familles de souche kazakhe émigrées qui avaient choisi d’y revenir, soit près d’un million de rapatriées appelés «oralmans». Diverses mesures ont été prises pour encourager et faciliter le retour des Kazakhs de l’étranger; ils peuvent obtenir la citoyenneté même s’ils ne remplissent pas la condition des cinq ans de résidence et n’ont pas à fournir de justificatif de ressources et ils reçoivent des aides à la réinstallation. Les étrangers ayant une spécialisation rare au Kazakhstan peuvent aussi obtenir une dérogation à la règle des cinq ans et obtenir un permis de séjour. En outre, des accords ont été passés avec le Bélarus, l’Ukraine, le Kirghizistan et la Fédération de Russie pour simplifier les procédures d’octroi de la citoyenneté. Un programme réglementant les questions liées aux rapatriés est mis en œuvre depuis 2008. Il comprend notamment des mesures visant à faciliter la recherche d’un logement ou d’un emploi.

22.La loi sur les réfugiés est entrée en vigueur le 1er janvier 2010. Ont aujourd’hui le statut de réfugiés au Kazakhstan 622 Afghans, 314 Tadjiks, 146 Pachtounes, 107 Hazaras, 27 Ouzbeks et 12 autres personnes de différentes nationalités. Il est à noter qu’aucune demande de statut de réfugié n’a été déposée par des Ouzbeks ou des Tchétchènes. La nouvelle loi prévoit notamment l’émission de documents de voyage pour les réfugiés afghans, et l’établissement d’un document d’identité pour les personnes apatrides. Elle garantit le respect de principes fondamentaux tels que la confidentialité de l’information, la protection des enfants, le regroupement familial et le non-refoulement. Les demandeurs d’asile sont placés sous la protection de l’État; ils ont le droit de séjourner au Kazakhstan pendant toute la durée de la procédure d’asile, à condition d’être enregistrés auprès des services du Ministère de l’intérieur. Tout rejet d’une demande d’asile doit être motivé par écrit et peut faire l’objet d’un appel.

23.L’évolution des flux migratoires ne doit pas être interprétée uniquement à la lumière de critères ethniques. L’augmentation des flux migratoires est aussi liée à des facteurs historiques et économiques. De nombreuses personnes venues pour l’industrialisation du Kazakhstan et dans le cadre du programme des «terres vierges» ont quitté le pays lorsqu’il a accédé à l’indépendance. Toutefois, l’émigration a fortement ralenti ces dernières années. Les besoins de regroupement familial ne sont plus aussi marqués et la situation économique et politique du pays s’est stabilisée. Cette stabilité intérieure explique le solde migratoire positif enregistré pour la période 2004-2005. En 2009, on estimait à 67 500 le nombre d’étrangers résidant dans le pays.

24.M. Ryskulov (Kazakhstan) dit que les autorités centrales et locales s’emploient à garantir le respect des prescriptions légales concernant l’utilisation du kazakh et du russe dans toutes les administrations et toutes les activités officielles. Tout fonctionnaire qui enfreint la législation en la matière, par exemple en refusant un document ou une plainte au motif qu’il n’en comprend pas la langue, encourt des sanctions disciplinaires et administratives. Des règles strictes s’appliquent aussi aux indications figurant sur les produits en vente et à la publicité. Les services de la Procurature effectuent régulièrement des contrôles du respect de la législation sur les langues. En 2009, ils ont procédé à 6 450 vérifications, suite auxquelles 9 956 personnes ont fait l’objet de mesures disciplinaires et 5 300 de sanctions administratives. En outre, des activités de sensibilisation et de prévention sont menées auprès des acteurs concernés.

25.En ce qui concerne les poursuites engagées pour incitation à la haine, les chiffres disponibles pour la période de 2003 à 2007 font apparaître que la majorité des affaires examinées concernaient des actes d’incitation à la haine religieuse, le plus souvent sous la forme de distribution de tracts. Sur 222 infractions constatées, 15 concernaient l’incitation à la haine raciale ou religieuse. Le nombre de condamnations prononcées est resté relativement faible, en raison de la difficulté à identifier les personnes diffusant les documents incriminés.

26.Le Président remercie la délégation pour ses réponses détaillées et invite les membres du Comité à lui poser des questions complémentaires.

26.M. Murillo Martínez, évoquant l’immense superficie du Kazakhstan, voudrait un complément d’information sur l’occupation des terres par les différents groupes ethniques. Il demande en particulier si l’accès à la terre crée des tensions entre les différentes minorités ethniques.

27.M. Avtonomovse félicite de la politique de réinsertion des enfants des Kazakhs de souche rapatriés, appelés «oralmans», et voudrait savoir si le Kazakhstan a mis en place des programmes de coopération avec ses voisins afin de favoriser le retour des Kazakhs ou le maintien de liens avec les Kazakhs qui se sont trouvés en dehors des frontières nationales après l’indépendance. Il cite des sources non gouvernementales selon lesquelles la politique consistant à rebaptiser systématiquement les villes qui portaient un nom russe aurait soulevé des interrogations parmi la population, voire créé des tensions entre les communautés, et il invite la délégation à faire part de son point de vue sur la question.

28.M me Crickley prend note des informations fournies par la délégation kazakhe selon lesquelles le Bureau du Médiateur n’a été saisi que de 20 plaintes pour discrimination et fait observer que la rareté des plaintes ne signifie pas que la discrimination ait disparu dans l’État partie. Elle voudrait savoir s’il existe des politiques visant à mieux faire connaître les mécanismes de plainte ou à permettre aux citoyens kazakhs de porter plus facilement plainte en cas de discrimination. Elle prend note avec satisfaction des mesures adoptées pour mieux combattre la discrimination et le racisme dans la société et voudrait savoir si l’État prévoit d’adopter une loi d’ensemble contre la discrimination raciale. Enfin, elle voudrait en savoir plus sur la façon dont les minorités ethniques sont représentées au sein de l’Assemblée du peuple.

29.M. de Gouttes, relevant au paragraphe 26 du rapport à l’examen que l’influence et la place de la religion se renforcent, que les fonctions sociales de la religion se développent et que le nombre des croyants et des associations religieuses augmente, demande quelles sont les raisons de la montée en puissance des religions. Il voudrait savoir s’il existe un lien entre le développement des pratiques religieuses et les tensions interreligieuses enregistrées dans le pays.

30.M. Amir évoque les problèmes de circulation des ruraux qui vivent dans des montagnes reculées et qui ont du mal à vendre leurs produits agricoles dans les villes. Il voudrait savoir si l’État a prévu un budget pour développer les infrastructures routières et mettre ainsi un terme à la marginalisation des communautés rurales reculées.

31.M me Onlasheva(Kazakhstan) dit qu’avant l’indépendance, le Kazakhstan était un État communiste et laïque, où la pratique de la religion n’était guère tolérée. Après l’indépendance, les autorités kazakhes ont souhaité promouvoir d’autres valeurs et manifesté une grande tolérance à l’égard de la religion. La pluralité des pratiques confessionnelles est bien réelle même si 74 % des pratiquants sont musulmans. Il n’y a pas eu d’augmentation des tensions interreligieuses et les incidents auxquels les membres du Comité ont fait référence ne sont dus qu’à une seule organisation, d’ailleurs interdite, qui revendique la lutte contre le pluralisme religieux au nom de la suprématie de l’islam.

32.M. Tuyakbayev (Kazakhstan) dit que l’expression «minorité nationale» ne figure pas littéralement dans la Constitution mais que les textes normatifs liés aux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme y font référence. En tout état de cause, l’expression «minorité nationale» a une connotation négative en russe. Tous les groupes ethniques ont le même statut juridique dans le pays et les différentes minorités nationales reflètent la diversité des intérêts. Le Kazakhstan estime que toutes les minorités nationales ont un destin historique commun et doivent ainsi contribuer à promouvoir la cohésion nationale.

33.M me Utegenova(Kazakhstan) dit que l’harmonie interconfessionnelle est largement reconnue dans le pays et qu’il n’y a pas d’autre voie que le dialogue entre les religions et les civilisations. À cet égard, le Kazakhstan compte parmi les pays qui ont fait campagne au sein de l’Assemblée générale des Nations Unies pour que 2010 soit proclamée «Année internationale du rapprochement des cultures».

34.M. Kozhabayev (Kazakhstan) explique que le Conseil constitutionnel contrôle la constitutionnalité des accords internationaux avant leur signature et ratification et qu’en cas d’incompatibilité avec les normes internes, les traités et accords internationaux ne peuvent être ni signés ni mis en vigueur au Kazakhstan. C’est la raison pour laquelle le pays ne dispose pas de disposition relative à la dénonciation des traités internationaux en cas de conflit avec la législation interne.

35.En outre, le Conseil constitutionnel garantit sur tout le territoire de la République la protection des droits et des libertés inscrits dans la Constitution, notamment au paragraphe 2 de l’article 14, qui dispose que nul ne peut faire l’objet d’une quelconque discrimination fondée sur la race, l’appartenance ethnique ou sur toute autre situation.

36.Répondant à une question de M. Thornberry, le délégué du Kazakhstan ajoute que l’article 19 de la Constitution reconnaît à chacun, sans exception, le droit de pratiquer sa langue et sa culture maternelles et de choisir librement sa langue de communication, d’éducation et d’instruction. Le Programme national d’utilisation et de développement des langues pour la période 2001-2010, approuvé par décret présidentiel en 2001, vise non seulement à revitaliser et élargir l’usage de la langue kazakhe mais à préserver les fonctions culturelles générales de la langue russe et à développer les langues des minorités.

37.M. Lepeha (Kazakhstan), répondant aux questions relatives à la situation des étrangers sur le territoire kazakh, dit que la Constitution garantit le droit de circuler librement sur ce territoire et de choisir librement son lieu de résidence. La loi sur le statut juridique des étrangers (CERD/C/KAZ/4-5, p. 49), dont l’objet était de mettre cette disposition constitutionnelle en application, définit les principaux droits et devoirs des étrangers et en régit l’entrée, le séjour et la circulation dans le pays ainsi que leur sortie. L’article 3 de cette loi prévoit que les étrangers sont égaux devant la loi, sans distinction d’origine, de statut social et de patrimoine, de race, de nationalité, de sexe, d’éducation, de langue, d’attitude à l’égard de la religion ou du type ou de la nature de l’activité exercée.

38.En 2009, 1 167 000 étrangers avaient été enregistrés dans le pays, dont la majorité est originaire des pays de la Communauté d’États indépendants. Le Kazakhstan a ratifié la Convention des droits de l’homme et des libertés fondamentales de la Communauté le 31 décembre 2009.

39.S’agissant de la recommandation formulée par le Comité lors de l’examen du rapport périodique précédent, relative à la ratification de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (ibid, p. 49), M. Lepeha précise qu’un groupe de travail a été établi afin d’examiner les modifications législatives qu’une telle ratification entraînerait. Le Parlement devrait adopter en 2010 un projet de loi sur les migrants qui encouragera l’entrée dans le pays de cadres et de spécialistes et énoncera les mesures de prévention contre l’immigration clandestine et les sanctions applicables à la traite des êtres humains, notamment.

40.Répondant à M. Avtonomov qui a demandé à la séance précédente des renseignements complémentaires sur les causes des incidents interethniques qui se sont produits dans le pays, M. Lepeha indique que le Ministère de l’intérieur a élaboré un plan de prévention des conflits interethniques qui met l’accent sur les sources des différends. En 2008, une étude a été réalisée sur l’analyse des processus criminogènes, qui a permis de prendre des mesures dans toutes les régions du pays, en particulier dans les zones où sont fortement concentrés les groupes ethniques et où des questions relatives au logement et à la terre suscitent des tensions, pour identifier les foyers potentiels de conflits interethniques et interconfessionnels.

41.M me Nurgazieva(Kazakhstan) répondant à la question de savoir pour quelle raison il n’existe pas de disposition pénale interdisant la diffusion d’idées fondées sur la supériorité raciale, indique que les associations dont les activités visent à susciter des inimitiés sociales, nationales, religieuses, de classe ou de clan sont interdites en application du paragraphe 3 de l’article 5 de la Constitution et que la loi relative aux associations interdit de créer des associations ayant de tels buts.

42.S’agissant des mesures opérationnelles qui ont été prises pour lutter contre les infractions à motivation raciale, Mme Nurgazieva indique que le Ministère de la culture et de l’information veille à ce que tous les médias respectent les lois en vigueur, par le biais d’un groupe spécial placé sous la tutelle du Ministre, qui veille vingt-quatre heures sur vingt-quatre à la légalité des commentaires et propos diffusés par voie de presse, de radio ou de télévision. Lorsqu’une infraction est découverte, les mesures prévues par la loi sont appliquées. Si des documents publiés dans les médias requièrent une vérification ou une évaluation approfondie par un expert, les organismes chargés de l’application de la loi en sont avisés sans délai de façon à pouvoir prendre les mesures appropriées. Seuls les tribunaux sont habilités à se prononcer sur une infraction à la loi relative aux médias (ibid, p. 29) qui dispose, notamment, que toute propagande faisant l’apologie de la cruauté et de la violence ainsi que de la supériorité sociale, raciale, ethnique, religieuse, de classe ou de clan et la promotion de ces idées sont des motifs de suspension de la diffusion. La déléguée ajoute que, selon une enquête menée fin 2009 à la demande du Ministère précité, 55,1 % des Kazakhs se sont dits satisfaits de l’évolution des relations interethniques au Kazakhstan.

43.S’agissant de la question des terres, Mme Nurgazieva rappelle que la notion de minorité n’existe pas au Kazakhstan, non plus que celle de droits fonciers des minorités. Elle souligne à cet égard que la terre, le sous-sol et toutes les autres ressources du territoire du Kazakhstan appartiennent de plein droit à l’État, conformément à l’article 6 de la Constitution.

44.M. Tastemir Abishev (Kazakhstan) répondant à Mme Crickley sur le point de savoir si le Kazakhstan envisage de se doter d’une loi unique en matière de lutte contre la discrimination raciale, explique que la Constitution interdit les distinctions fondées sur la race ou l’origine nationale ou ethnique et que d’autres normes internes répriment la discrimination fondée sur la race. Les autorités étudient actuellement la possibilité de codifier toutes ces dispositions dans un texte unique ou de créer une responsabilité pénale et administrative distincte applicable aux auteurs des infractions de cette nature.

45.M. Telebayev (Kazakhstan) est certain que son pays n’a pas l’intention d’adopter l’alphabet latin et que les commissions chargées de rebaptiser les villes tiennent compte de l’opinion des citoyens à cet égard. Il reconnaît que les noms russes de villes et villages ont été «kazakhisés» mais souligne que ces modifications restent compréhensibles pour tous, y compris les Russes.

46.M. Thornberry ne comprend toujours pas les explications fournies par la délégation kazakhe au sujet du terme «minorité nationale» et notamment les raisons pour lesquelles l’État partie juge cette expression péjorative. Il relève que le Kazakhstan n’est pas partie à la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, du Conseil de l’Europe,mais qu’il a appuyé l’adoption de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et ratifié le Pacte international relatif aux droits civils et politiques dont l’article 27 utilise l’expression «minorités ethniques, religieuses ou linguistiques». L’expert estime que les droits des minorités doivent être garantis, quelle que soit la terminologie utilisée, et recommande à l’État partie, pour éviter tout risque de confusion, d’employer celle du droit international.

47.M. Diaconu(Rapporteur pour le Kazakhstan)se félicite de la qualité du dialogue qui s’est engagé entre la délégation kazakhe et le Comité et des réponses très instructives apportées par les membres de la délégation. Le problème le plus important que doit résoudre le pays est de continuer à instaurer des relations de compréhension et de respect mutuels entre les différents groupes ethniques et la population majoritaire et d’éduquer cette dernière. La culture des droits de l’homme ou de la non-discrimination devrait être enseignée à tous les membres de la fonction publique kazakhe.

48.Le Rapporteur recommande à l’État partie de prêter davantage attention aux causes économiques et sociales des conflits interethniques et interconfessionnels. Il semble que le Gouvernement kazakhe ait commencé à analyser la situation dans cet esprit et devrait poursuivre dans cette voie.

49.Le Kazakhstan devrait en outre accorder une attention spéciale aux régions où vivent de nombreux groupes ethniques et veiller à ce que ceux-ci soient consultés sur tout projet ou décision les concernant directement afin qu’ils se considèrent comme des citoyens de plein droit.

50.M. Telebayev(Kazakhstan) dit que lesrecommandations que formulera le Comité concernant le rapport périodique de son pays seront analysées de manière approfondie par le Gouvernement et seront diffusées auprès de la population.

51.Le Président remercie la délégation kazakhe et dit que le Comité a achevé la première partie de l’examen des quatrième et cinquième rapports périodiques du Kazakhstan.

La séance est levée à 13 heures.