NATIONS UNIES

CERD

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr.GÉNÉRALE

CERD/C/SR.191718 janvier 2010

Original: FRANÇAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE

Soixante-quatorzième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1917e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le mercredi 25 février 2009, à 10 heures

Président: Mme DAH

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (suite)

Onzième et douzième rapports périodiques du Suriname (suite)

Bilan de l’application de la Convention dans les États Parties dont les rapports sont très en retard: Gambie

La séance est ouverte à 10 h 15.

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (point 5 de l’ordre du jour) (suite)

Onzième et douzième rapports périodiques du Suriname (CERD/C/SUR/12; HRI/CORE/1/Add.39/Rev.1; liste des points à traiter et réponses écrites, documents sans cote distribués en séance, en anglais seulement) (suite)

1. Sur l’invitation de la Présidente, la délégation surinama ise reprend place à la table du  Comité.

2.Mme WATERVAL (Suriname) dit que, si le rapport n’a pas été élaboré conformément aux Directives pour l’établissement du document se rapportant spécifiquement à la Convention (CERD/C/2007/1), c’est que le Gouvernement surinamais avait cru comprendre, d’après la lettre que le Comité lui avait adressée en 2006 pour lui rappeler qu’il devait présenter le rapport périodique du Suriname avant avril 2007, que le Comité attendait essentiellement des renseignements sur la suite donnée à ses observations finales concernant le rapport initial, des réponses aux questions jointes à sa lettre et des renseignements sur la situation des minorités autochtones et des Marrons . La délégation dit que, dorénavant, le Gouvernement surinamais établira ses rapports périodiques en se fondant sur les Directives révisées.

3.Depuis la présentation du rapport initial, peu de progrès ont été accomplis en vue de la ratification de la Convention (n° 169) de l’Organisation internationale du Travail concernant les peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants, car plusieurs questions complexes doivent encore être réglées par les divers ministères compétents pour que le Suriname puisse ratifier cet instrument.

4.Le projet de loi sur l’exploitation minière n’a pas encore été adopté. Comme ce texte date de 2004, des travaux ont été engagés afin de l’adapter à la situation actuelle. Lorsque le Président de la République ou le Ministre des ressources naturelles est saisi d’une demande de licence d’exploitation des ressources minières, le chef de district de la zone concernée doit être préalablement consulté, Il donne son avis après avoir lui-même consulté les populations intéressées, qui se prononcent lors de l’assemblée traditionnelle du village, le «krutu». La délégation indique à ce propos que la demande d’exploitation déposée par Chong Heng Tai, une multinationale chinoise qui comptait construire une usine de production d’huile de palme à Patamakka, a été rejetée car la population locale s’est opposée à ce projet.

5.L’Institut pour le développement et l’environnement du Suriname (NIMOS) est un organisme indépendant chargé de sélectionner les projets d’exploitation aurifère en vue de réaliser des études d’impact sur l’environnement et de présenter ses conclusions sur les résultats de ces études au Ministère du travail, du développement technologique et de l’environnement. Cet organisme sera l’autorité compétente en matière de protection de l’environnement lorsque le projet de loi‑cadre sur l’environnement aura été approuvé. Sur la base de ces études d’impact, le NIMOS conseille l’autorité habilitée à délivrer des autorisations d’exploitation et lui donne son avis sur les répercussions écologiques et sociales éventuelles de ces projets. Le NIMOS a établi des lignes directrices pour la réalisation d’études d’impact sur l’environnement dans des domaines tels que l’extraction minière, l’exploitation des forêts et la production d’énergie. Tous les projets d’extraction aurifère doivent faire l’objet d’une étude d’impact et ces activités sont soumises à des contrôles réguliers.

6.Le Suriname a l’intention de mettre en place un système qui permette de garantir les droits fonciers collectifs des autochtones et des Marrons, à l’instar d’autres pays de la région. Cette tâche est toutefois ardue étant donné que ces deux communautés vivent souvent dans les mêmes zones et que les terres sur lesquelles elles prétendent avoir des droits sont très étendues en raison de leur mode de vie nomade. L’État a commencé à s’atteler à la tâche mais il faudra probablement attendre plusieurs années avant que les droits fonciers collectifs des autochtones et des Marrons soient reconnus dans une loi. En juillet 2008, la commission présidentielle chargée des droits fonciers a présenté son rapport final, lequel est actuellement examiné par le Président de la République et le Conseil des ministres. Le Gouvernement surinamais entend adopter un plan ambitieux concernant l’utilisation des terres aux plans régional et local, en particulier les zones forestières, selon lequel une partie de ces zones sera réservée à des activités extractives de faible ampleur, une autre à l’exploitation forestière et une autre encore à l’agriculture. Le Gouvernement surinamais a décidé d’élaborer un plan d’action stratégique en faveur de l’exploitation durable des forêts, qui remplacera l’actuelle politique nationale en matière d’exploitation forestière. Un projet de loi portant création d’un organisme chargé de la protection des forêts et de la nature doit être soumis prochainement au Parlement.

7.Dans son discours inaugural prononcé le 1er octobre 2008, le Président de la République a indiqué que les politiques qui allaient être lancées dans l’année mettraient l’accent sur la question des droits fonciers autochtones et que les renseignements nécessaires à l’exécution du projet de développement durable des régions de l’intérieur du pays, seraient collectés en vue de l’élaboration d’un projet de loi sur les coutumes et méthodes traditionnelles de démarcation des territoires dans lesquels vivent les minorités autochtones et les Marrons.

8.En ce qui concerne la suite donnée à l’arrêt de la Cour interaméricaine des droits de l’homme dans l’affaire Moiwana, qui concerne le massacre d’une quarantaine d’habitants du village marron de Moiwana appartenant à la communauté n’djuka, commis en 1986 par les forces armées surinamaises et la destruction des maisons de ce village, Mme Waterval indique que le Gouvernement surinamais a presque achevé l’application de la décision de la Cour interaméricaine des droits de l’homme. Des réunions ont été organisées à l’intention des survivants pour les tenir informés de l’état d’avancement de l’application de l’arrêt. En outre, le 15 juillet 2006, le Président de la République a présenté des excuses publiques aux Marrons en général et à la communauté n’djuka en particulier, et, en janvier 2008, il a inauguré un monument à la mémoire des victimes. En mars 2008, les organes judiciaires et la police ont mené à terme leur enquête et déterminé l’endroit où se trouvaient les dépouilles des victimes. Un appel à témoins a été lancé afin de recueillir des éléments nouveaux pour l’enquête, mais cette initiative n’a suscité aucune réaction. Par ailleurs, le Gouvernement a alloué des ressources à une fondation en vue de la reconstruction du village de Moiwana. Grâce à cette aide, trois maisons ont déjà pu être construites. Tous les proches des disparus, soit 130 personnes, ont été indemnisés. La commission nationale chargée d’appliquer l’arrêt de la Cour poursuivra ses travaux et, chaque année, elle lui présentera un rapport.

9.À la suite de l’arrêt rendu par la Cour interaméricaine des droits de l’homme dans l’affaire Saramaka v s. Suriname,la communauté saramaka a tenu une réunion en mai 2008, à laquelle le Ministre du développement régional et le Ministre de l’aménagement du territoire, de la gestion des terres et des ressources forestières ont participé, afin d’examiner la teneur de cette décision. En outre, le Ministre du développement régional et des organisations de défense des droits des Marrons ont participé à une table ronde organisée aux Pays-Bas afin de débattre des moyens de donner suite à cet arrêt. Le Conseil des ministres a approuvé un budget destiné à financer la mise en œuvre de cette décision et, en décembre 2008, une commission chargée de coordonner les activités entreprises à cette fin a été créée. Cette commission, qui s’est réunie pour la première fois en février 2009, s’acquittera de son mandat en collaboration avec des organisations représentant la minorité saramaka. Actuellement, la Cour interaméricaine des droits de l’homme est saisie d’une requête présentée par les minorités kalina et lokono qui, comme les Saramaka, invoquent une violation de leurs droits fonciers collectifs.

10.Pour ce qui est de la perception du mot «Marron» par les personnes désignées par ce terme, Mme Waterval indique que les avis sont parfois très partagés même parmi les principaux intéressés: certains souhaitent être appelés «Marrons», tandis que d’autres tiennent à être qualifiés de «Bush Negroes» (Noirs des forêts), comme c’était l’usage dans le passé. Le mot «Créole» s’applique aux Noirs vivant dans les zones urbaines et il arrive que certaines personnes se disent créoles pour se distinguer des «Bush Negroes». On entend par «métis» (mixed people) les personnes issues du mélange de deux races, voire davantage. Mais, étant donné que la quasi‑totalité de la population surinamaise est métissée, l’utilisation des termes susmentionnés varie en fonction des circonstances et de la subjectivité des intéressés. Enfin, le terme «Kaukasisch» utilisé dans la version anglaise du rapport désigne les Blancs.

11.Mme WATERVAL (Suriname) explique que les données figurant en annexe du rapport périodique de son pays sur la composition de certaines entreprises visent simplement à montrer que chacune d’elles emploie des Marrons.

12.Mme VINKWOLK (Suriname) indique que la Cour constitutionnelle n’a pas encore été créée mais qu’un projet de loi tendant à l’établir est actuellement examiné par le Parlement. Le Gouvernement s’efforce d’accélérer le processus.

13.Mme Vinkwolk explique par ailleurs que le système judiciaire du Suriname assure à ses citoyens des recours légaux adéquats contre toutes les atteintes présumées aux droits sur les terres. L’article 1386 du Code civil dispose que tout citoyen peut s’adresser à une juridiction indépendante en cas d’atteinte présumée à ses droits de propriété commise par un individu ou par l’État. La représentante précise qu’en raison de la pénurie de magistrats, le Gouvernement a commencé, en 2004, à offrir des cours de formation aux métiers de juge et d’avocat. Le Ministère de la justice et de la police a certifié en 2009 sept nouveaux magistrats qui viennent de terminer leur formation. Des cours de formation à la fonction de procureur permettront aux intéressés d’être diplômés en 2012.

14.M. Mac DONALD (Suriname) indique que la mise en œuvre du Programme de lutte contre le paludisme a permis de réduire le nombre de cas dans le pays et d’atteindre un taux de mortalité paludique nul pour les années 2007, 2008 et 2009, conformément à l’Objectif n° 6 du Millénaire pour le développement. Grâce à l’aide du Fonds mondial de lutte contre le paludisme, il s’efforce de diminuer encore les taux d’infection paludéenne des populations migrantes de l’intérieur du pays.

15.La mortalité due au VIH/sida continue de diminuer, si bien que cette maladie n’est plus la principale cause de décès des personnes âgées de 24 à 49 ans, même si elle reste exceptionnellement élevée au Suriname comme dans la plupart des pays des Caraïbes. Des mesures ont été prises pour assurer une meilleure diffusion du Programme de prévention du VIH/sida, notamment auprès des femmes enceintes, grâce au Programme de prévention de la transmission mère-enfant. Des programmes intensifs de prévention privilégient la gratuité des tests de dépistage ainsi que la promotion de l’usage des préservatifs et l’amélioration de leur disponibilité, non seulement dans les zones urbaines mais aussi dans celles de l’intérieur, en particulier les zones minières.

16.S’agissant de la situation sanitaire à l’intérieur du pays, M. Mac Donald indique que le Gouvernement compte commencer, en 2009, les travaux de reconstruction de l’hôpital régional d’Albina, dans le district de Marowijne et la construction d’un nouvel hôpital à Atjoni, dans le district de Sipaliwini. Des cliniques régionales seront par ailleurs remises en état ou agrandies dans la zone de la forêt tropicale afin d’accroître l’accès des communautés autochtones de l’intérieur aux soins médicaux.

17.S’agissant de la situation en matière d’éducation à l’intérieur du pays, M. Mac Donald indique que le Gouvernement surinamais a décidé de remettre en état la majorité des installations scolaires et de construire au moins 80 nouvelles salles de classe. Deux nouveaux bâtiments contenant des logements étudiants seront également inaugurés en 2009, l’un sur l’île de Stoelmans et l’autre à Atjoni. Le Gouvernement met également l’accent sur la formation des élèves des niveaux secondaire et tertiaire et un programme spécial de formation des enseignants marrons et autochtones a été récemment mis en œuvre afin de subvenir aux besoins éducatifs des populations de l’intérieur du pays.

18.M. Mac Donald indique que le Suriname compte de nombreux descendants de Marrons et d’autochtones au sein de l’administration, dont, notamment, trois ministres, des secrétaires permanents et des secrétaires permanents adjoints, un ambassadeur, un consul général, et plusieurs diplomates de haut rang. Un grand nombre de parlementaires et de membres du Conseil d’État font également partie de ces deux communautés.

19.Répondant à la question de M. Avtonomov sur les différents types de mariage célébrés au Suriname, M. Mac Donald explique que chacun peut se marier, religieusement ou non. À l’intérieur du pays, la situation est plus compliquée car le mariage doit être célébré par un responsable officiel désigné, qui est souvent un membre du village concerné, puis enregistré par le Bureau des affaires civiles ou le commissaire de région. Le Ministre de la justice a, en outre, relevé de deux ans l’âge nubile des garçons et des filles.

20.M. LINDGREN ALVES estime que la situation du Suriname montre à quel point il est difficile de contraindre un pays, a fortiori très différent des pays européens et de ses voisins sud‑américains, à s’adapter étroitement aux normes internationales relatives aux droits de l’homme. Il reconnaît qu’il est très compliqué pour l’État partie de définir les droits fonciers des Marrons et des autochtones parce qu’ils vivent sur le même territoire mais revendiquent chacun leur droit à la terre. M. Lindgren Alves se demande à cet égard s’il était réellement opportun de saisir la Cour interaméricaine des droits de l’homme pour trancher les différends fonciers.

21.M. Lindgren Alves se félicite que la délégation surinamaise ait évoqué des populations «mélangées» ou métissées et rappelle à cet égard qu’il avait personnellement insisté pour que les recensements nationaux permettent aux personnes interrogées de se définir comme étant de race mixte et donc comme Métis.

22.M. LAHIRI rappelle que des liens affectifs très forts unissent le Surimane à l’Inde, d’où de nombreuses personnes ont été emmenées de force ou dans des conditions très difficiles pour travailler. Elles ont ensuite prospéré librement au Suriname. Il se félicite que les partis politiques du Suriname, presque tous fondés sur des critères ethniques, soient parvenus à éviter les conflits ethniques courants ailleurs et dans des pays voisins ayant une composition sociale comparable.

23.M. Lahiri se dit très impressionné par la détermination évidente du Gouvernement surinamais à examiner et résoudre tous les problèmes relatifs aux droits fonciers. Il estime que même si le Suriname nie l’existence d’une discrimination de jure, il doit assurer l’égalité de tous ses citoyens de facto.

24.M. CALI TZAY rappelle que la question de l’auto-identification procède du processus discriminatoire exercé à l’encontre de tous les groupes ethniques du Suriname au fil des ans et juge intéressant de connaître le rôle que joue l’État dans la reconnaissance de la valeur des cultures qui composent la société surinamaise. Il juge risquée l’affirmation selon laquelle toutes les personnes vivant sur le territoire de l’État partie sont des Surinamais car cela tend à dissimuler la véritable identité ethnique de la majorité de la population du pays.

25.M. Cali Tzay demande à la délégation surinamaise d’indiquer si le Suriname a voté en faveur de l’adoption de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, le 13 septembre 2007.

26.M. EWOMSAN souhaite connaître l’état des relations entre les populations autochtones et les Marrons, notamment sur la question des droits fonciers.

27.M. MURILLO MARTINEZ (Rapporteur pour le Suriname) souhaite savoir quel sera le niveau de financement du Comité national chargé de coordonner l’application du jugement rendu, le 28 novembre 2007, par la Cour interaméricaine des droits de l’homme dans le cadre de l’affaire Peuple Saamaka c. Suriname. Il souhaite également connaître le montant de l’indemnisation financière accordée aux 130 victimes reconnues comme telles par la Cour interaméricaine des droits de l’homme dans son jugement concernant l’affaire Village Moiwana  vs. Suriname, du 15 juin 2005.

28.M. Mac DONALD (Suriname) indique que le Suriname a voté en faveur de l’adoption de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Il précise que les Marrons n’ont jamais été réduits en esclavage et qu’ils ont toujours vécu dans les forêts.

29.MmeWATERVAL (Suriname) dit que les villages marrons se trouvent sur des terres appartenant aux peuples autochtones et que les Marrons entretiennent des liens étroits et harmonieux avec les peuples autochtones. Le Gouvernement surinamais s’efforce d’appliquer les jugements rendus par la Cour européenne des droits de l’homme, notamment en ce qui concerne l’indemnisation des habitants du village de Moiwana et du peuple autochtone saramaka.

30.MmeVINKWOLK (Suriname) dit qu’à la suite de l’arrêt de la Cour interaméricaine des droits de l’homme, le Gouvernement a mis de côté des fonds d’un montant équivalant à 310 000 dollars des États‑Unis pour mettre en place la fondation pour le développement du village de Moiwana.

31.M. MURILLO MARTINEZ (Rapporteur pour le Suriname) se félicite du dialogue franc et constructif qui s’est instauré entre le Comité et la délégation surinamaise. Parmi les points positifs, il se félicite de la révision de la loi de 1973 sur le mariage, de la meilleure prise en compte par les autorités surinamaises des revendications et demandes émanant des peuples autochtones et des Marrons, ainsi que de la volonté affichée par les pouvoirs publics d’appliquer les jugements rendus par la Cour interaméricaine des droits de l’homme. Parmi les sujets de préoccupation, il constate que l’accès des peuples autochtones et des Marrons aux ressources naturelles semble toujours poser d’importants problèmes et que la majorité des organisations qui gèrent les ressources naturelles sont uniquement dirigées par des représentants de l’État, sans aucune consultation des peuples autochtones et marron.

32.Le Rapporteur se dit également préoccupé par l’absence de garanties dans les tribunaux de justice, ce qui conduit les peuples autochtones et marron à recourir à des instances internationales telles que la Cour interaméricaine des droits de l’homme pour faire valoir leurs droits. À l’évidence, l’absence de concertation et de dialogue entre les peuples autochtones, les Marrons et les pouvoirs publics empêche de régler les problèmes fonciers. Le Rapporteur recommande donc au Suriname de créer des espaces de coordination et de prendre en compte les recommandations formulées par les organes conventionnels en ce qui concerne la défense et la promotion des peuples autochtones. Il suggère également à l’État partie de fournir dans son prochain rapport périodique des informations sur la mise en place de la Cour constitutionnelle, sur l’adoption du projet de loi sur l’exploitation minière et sur les progrès concrets réalisés dans la mise en œuvre de l’Accord de paix de 1992.

33.La PRÉSIDENTE note que depuis 2004, date du début de son mandat au sein du Comité, elle a déjà eu le plaisir d’examiner deux rapports périodiques du Suriname. Si cet État partie ne s’est pas conformé aux directives du Comité en matière de présentation de rapports, il a tenu, par respect pour le Comité, à s’acquitter scrupuleusement de ses obligations conventionnelles en envoyant à Genève une délégation pour alimenter le dialogue avec le Comité. La Présidente apprécie grandement l’intérêt de l’État partie pour les travaux du Comité. Elle souligne enfin que le Suriname donne un parfait exemple de coopération avec les organes conventionnels aux petits pays qui invoquent le manque de ressources financières et autres pour justifier la présentation tardive de leurs rapports périodiques.

34.M. Mac DONALD (Suriname) assure les membres du Comité que son pays continuera de soumettre le plus régulièrement possible des rapports sur l’application de la Convention à l’échelon national et qu’il transmettra aux autorités compétentes toutes les observations positives et négatives formulées par les membres du Comité.

35. La délégation surinamais e se retire.

La séance est suspendue à 11 h 55; elle reprise à 12 h 20.

Bilan de l’application de la Convention dans les États Parties dont les rapports sont très en retard: Gambie

36.M. AMIR (Rapporteur pour la Gambie) dit que la Gambie a ratifié la Convention en 1978 et présenté un rapport initial en 1980. Depuis lors, la situation en Gambie a été examinée trois fois au titre de la procédure de bilan, sans compter la réunion en cours. L’État partie, qui devait soumettre son deuxième rapport périodique en 1982, n’a transmis aucun rapport ni fourni aucune explication au Comité. La question est maintenant de savoir ce que le Comité compte faire pour que la Gambie réagisse.

37.M. Amir propose que le Comité élabore des observations finales sur la base des renseignements mis à sa disposition par d’autres sources, et adresse au Gouvernement gambien une lettre lui rappelant ses obligations en vertu de la Convention.

38.M. PROSPER dit que le manque de moyens pourrait éventuellement justifier que la Gambie présente un rapport de qualité médiocre, pas qu’elle se soustraie à ses obligations en rompant tout lien avec le Comité pendant près de trente ans. Aussi suggère‑t-il que le Comité mette en garde l’État partie en lui adressant un courrier stipulant que si elle ne soumet pas un rapport avant une certaine date fixée par le Comité, ce dernier conclura, à sa prochaine session, que la Gambie ne s’acquitte pas de ses obligations en vertu de la Convention.

39.M. EWOMSAN dit que la Gambie ne pourrait pas invoquer un manque de ressources de façon crédible car elle dispose de suffisamment de moyens pour accueillir certaines sessions de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, qui a son siège sur son territoire. Il préconise que le Comité s’adresse au Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) pour avoir une meilleure idée de la situation dans laquelle se trouve la Gambie que l’on touchée par le tourisme sexuel et le sida.

40.M. ABOUL‑NASR se demande si le Comité est habilité à émettre un jugement à l’endroit d’un État partie qui ne s’acquitte pas de ses obligations. Il ne souhaiterait pas qu’en adoptant une telle démarche, le Comité s’expose à des critiques, et notamment, pour avoir outrepassé ses prérogatives.

41.M. de GOUTTES évoque le principe de Pacta sunt servanda, à savoir que tout traité en vigueur lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne foi, ce qui n’autorise effectivement pas le Comité à condamner la Gambie. Aussi est‑il favorable à ce que le Comité élabore des observations finales sur la situation en Gambie et à ce qu’il adresse à l’État partie une lettre lui rappelant ses obligations.

42.M. KEMAL adhère à la proposition d’associer le PNUD à la démarche du Comité tendant à inciter la Gambie à s’acquitter de ses obligations, et propose de soumettre le problème aux États parties à la Convention lors de leur réunion annuelle, en janvier.

43.M. LINDGREN ALVES propose en outre de communiquer aux États parties, à l’occasion de cette réunion, la liste de tous les États parties dont les rapports sont très en retard. Le Comité pourrait même demander au Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies de transmettre ladite liste à tous les présidents des réunions des États parties afin qu’ils en donnent lecture systématiquement au début de chaque session.

44.La PRÉSIDENTE pense que la Gambie a signé la Convention car il était «politiquement correct» de le faire à ce moment là, et que le Comité est fondé à exiger davantage d’engagement de cet État, qui est de surcroît le pays hôte de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples. Elle suggère que le Comité adopte, à une séance ultérieure, des observations finales sur la mise en œuvre de la Convention en Gambie sur la base des renseignements dont elle dispose.

45.Enfin, le Comité pourrait inviter l’État partie à s’acquitter de ses obligations en lui adressant une lettre allant dans ce sens par l’intermédiaire de son ministère des affaires étrangères, de l’Ambassade de la Gambie à Paris (qui couvre la Suisse), de la Mission permanente de la Gambie auprès de l’Organisation des Nations Unies à New York ainsi qu’au PNUD. Le Comité pourrait en outre adresser une copie de ce courrier au Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, auquel les États parties, en vertu de l’article 9 de la Convention, sont tenus de présenter, pour examen par le Comité, un rapport sur les mesures d’ordre législatif, judiciaire, administratif ou autre qu’ils ont arrêtées et qui donnent effet aux dispositions de la Convention.

46. Il en est ainsi décidé.

La séance est levée à 13 heures.

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