NATIONS

UNIES

CERD

Convention internationale

sur l'élimination

de toutes les formes

de discrimination raciale

Distr.

GÉNÉRALE

CERD/C/SR.1567

19 mars 2003

Original: FRANÇAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE

Soixante‑deuxième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1567e SÉANCE

tenue au Palais des Nations, à Genève,le mercredi 12 mars 2003, à 10 heures

Président: M. DIACONU (Président)

puis: M. YUTZIS (Vice‑Président)

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (suite)

Quinzième rapport périodique des Fidji (suite)

QUESTIONS D’ORGANISATION ET QUESTIONS DIVERSES (suite)

Réforme du système des organes conventionnels de l’Organisation des Nations Unies

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (point 5 de l’ordre du jour) (suite)

Quinzième rapport périodique des Fidji (CERD/C/429/Add.1; rapport complémentaire 2003 distribué en séance, en anglais seulement; HRI/CORE/1/Add.122) (suite)

1. Sur l’invitation du Président, la délégation fidjienne reprend place à la table du Comité.

2.M. SHAHI remercie la délégation fidjienne d’avoir présenté au Comité le quinzième rapport périodique des Fidji, à la fois riche et complet, ainsi qu’un rapport complémentaire qui contient d’intéressantes précisions sur la représentation des diverses communautés dans les différentes catégories professionnelles.

3.M. Shahi est véritablement impressionné par l’emploi que font les autorités fidjiennes de la discrimination positive pour permettre aux Fidjiens autochtones de rattraper le niveau de développement des Indo‑Fidjiens et des autres communautés. Il cite à ce propos une déclaration du Ministre des affaires étrangères indiquant que, dans une société multiraciale, multiethnique et multireligieuse telle que celle des Fidji, il importe de respecter les besoins et valeurs des différentes communautés.

4.Il relève au paragraphe 9 du rapport complémentaire que le Gouvernement s’attache à réduire les inégalités économiques entre les communautés au travers de programmes de justice sociale. Au paragraphe 39 du même rapport, il est précisé que les autorités ont pris des mesures en vue d’assurer l’intégration des Fidjiens autochtones dans le secteur de l’entreprise et du commerce, et que l’un des objectifs premiers du Gouvernement fidjien est de pratiquer une discrimination positive au profit non seulement des Fidjiens autochtones, mais aussi des Rotumans et d’autres communautés défavorisées. Ainsi, la loi de 2001 sur la justice sociale prévoit‑elle 29 programmes de discrimination positive, dont 10 s’adressent exclusivement aux Rotumans et deux à d’autres communautés. Il convient de mentionner aussi le plan 2001‑2020, instrument très complet destiné à accroître la participation des Fidjiens autochtones et des Rotumans à tous les aspects du développement économique et social tout en préservant leurs traditions de même que leurs droits, notamment ceux concernant les terres et la pêche.

5.Il espère toutefois que la discrimination positive susmentionnée ne s’exercera pas au détriment des autres composantes de la société. Si le plan prévoit de parvenir pour 2020 à une parité approximative entre les Fidjiens autochtones d’une part et les Indo‑Fidjiens et les autres communautés de l’autre, il importe toutefois de veiller à ce que le programme de discrimination positive soit mené dans le respect des dispositions du paragraphe 4 de l’article premier et de l’article 4 de la Convention, de la recommandation générale concernant les droits des populations autochtones et des autres instruments pertinents.

6.M. Shahi regrette l’absence d’un rapprochement entre les vues du Comité et celles de la délégation fidjienne concernant l’article 4 de la Convention, qui ne semble pas pleinement appliqué dans le cadre de la législation fidjienne. La délégation fidjienne, comme quelques autres délégations l’ont déjà fait, soutient en effet qu’il faut prendre également en considération l’article 5 de la Convention qui énumère divers droits civils, dont le droit à la liberté d’expression et de réunion. La Convention, telle qu’elle est formulée, peut donner l’impression que le droit à la liberté d’expression prime la nécessité d’interdire les organisations incitant à la discrimination raciale et la diffusion de théories fondées sur la supériorité raciale, mais il ressort d’autres instruments, et en particulier du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qu’il est parfaitement légitime d’imposer des limites à la liberté d’expression pour éviter toute incitation à la haine raciale. M. Shahi exprime l’espoir que la délégation fidjienne réfléchira à cet aspect du problème.

7.M. ABOUL‑NASR déplore d’avoir reçu les volumineux documents complémentaires présentés par les Fidji trop tardivement pour pouvoir les lire intégralement. Il s’interroge sur les raisons de ce retard, d’autant plus regrettable que d’importants efforts et moyens financiers ont été consacrés à l’élaboration de ces rapports. Selon lui, le Comité devrait par ailleurs faire montre d’une grande prudence dans les critiques qu’il formule à l’égard des États parties au sujet de la façon dont ils respectent les droits de l’homme car ces critiques risquent d’avoir pour ces derniers des conséquences extrêmement graves, pouvant aller jusqu’à l’agression militaire, comme le montre la situation internationale actuelle.

8.M. Aboul‑Nasr souhaiterait avoir quelques précisions à propos des questions foncières. Comment les Blancs ont‑ils pris possession des terres à leur arrivée aux Fidji? Les ont‑ils achetées à un prix correct, avec le consentement des anciens propriétaires, ou s’en sont‑ils tout simplement emparés? Lorsqu’un gouvernement annonce qu’il est temps que les autochtones retrouvent leurs terres, les ONG et l’opinion publique occidentale s’en émeuvent et arguent que les droits des propriétaires des terres sont bafoués, mais avant de juger, il importe de connaître la vérité historique ainsi que la situation actuelle. M. Aboul‑Nasr voudrait donc savoir quelle part des meilleures terres appartient aujourd’hui respectivement aux Blancs et aux Indo‑Fidjiens. Correspond‑elle aux pourcentages respectifs de la population que ces groupes représentent? Il ne s’agit certes pas de porter atteinte aux droits humains des Blancs, des Indo‑Fidjiens et d’autres minorités, mais il convient de tenir compte aussi des intérêts des autochtones et de s’enquérir de ce qui s’est réellement passé car, si l’on n’y prend garde, des accusations de violations des droits de l’homme portées contre un petit pays qui ne fait que défendre les droits de sa population autochtone pourraient entraîner des actes d’agression et des sanctions économiques.

9.M. MATAITOGA (Fidji) explique que la question de la propriété foncière et de l’utilisation des terres dans un contexte multiethnique est un sujet délicat et générateur de tensions, et il en appelle à ce propos au jugement du Comité.

10.Tout au long de l’histoire des Fidji, le problème de la terre a revêtu une importance fondamentale et cela reste vrai aujourd’hui. Les Fidji ont acquis le statut de colonie en 1874 et, à partir de là, de nombreuses terres ont été aliénées dans des circonstances pour le moins douteuses et peut‑être même illégales, et même les arrangements commerciaux contractuels qui ont pu être conclus sont sujets à caution. Les premiers Indiens arrivés aux Fidji à la fin du XIXe siècle y venaient essentiellement pour travailler dans les plantations de canne à sucre. Devenus d’excellents agriculteurs, ils ont incontestablement contribué au développement du pays, qui leur en est très reconnaissant, mais les données ont aujourd’hui changé. À l’heure actuelle, les autochtones possèdent environ 87 % des terres, que la Constitution interdit de vendre, mais une proportion importante d’entre elles sont louées indifféremment à des autochtones fidjiens ou à des membres d’autres communautés, dont une majorité d’Indo‑Fidjiens, de telle sorte que, en définitive, plus de la moitié des terres cultivables sont en réalité utilisées par des non‑autochtones. L’une des difficultés est que le principal produit d’exportation est la canne à sucre et que les accords commerciaux multilatéraux imposent d’en limiter la culture afin de maintenir les prix. Dans ces conditions, des agriculteurs autochtones ou non autochtones ont dû quitter leurs terres et ont vu leur niveau de vie baisser. Le problème qui se pose aujourd’hui aux non‑autochtones (principalement des Indo‑Fidjiens) louant des terres dont le bail arrive à expiration est celui de savoir si leur contrat sera prolongé et, dans l’affirmative, à quel prix. Les autochtones sont de plus en plus nombreux à vouloir cultiver leurs terres et le Gouvernement se doit d’en tenir compte, mais il s’attache à trouver des solutions équitables, sans perdre de vue la dimension humaine du problème, et il applique à cet égard une politique dénuée de connotations racistes.

11.M. Mataitoga indique, pour situer le problème de la prolongation des baux, que sur le total des recettes tirées en 2000 de la canne à sucre, 70 % sont allés aux planteurs, pour la plupart indo‑fidjiens, et les 30 % restants aux usines, ce qui signifie que les propriétaires n’en ont pas eu leur part. Le Gouvernement souhaite certes que les baux puissent être prolongés et il étudie la question en dehors de toute considération ethnique ou raciale, mais il entend en même temps corriger ces inégalités dans la répartition des recettes.

12.En ce qui concerne l’emploi dans la fonction publique, M. Mataitoga précise que les possibilités d’emploi sont fondées sur le mérite, parce que la Constitution l’exige, que des contrôles sont opérés pour vérifier que le principe de l’égalité des chances est bien respecté et que 63 % des fonctionnaires sont des Fidjiens autochtones, à tous les niveaux de la hiérarchie.

13.M. Mataitoga dit que la politique de discrimination positive mise en œuvre par la République des Fidji vise avant tout les personnes défavorisées du point de vue économique, et plus particulièrement celles qui appartiennent à des communautés rurales. En vertu de l’article 44 (Justice sociale et mesures palliatives) de la Constitution de 1997, le Parlement doit en effet prévoir des programmes spéciaux d’assistance en vue de réduire les différences économiques entre les communautés. La loi relative à la justice sociale promulguée en décembre 2001 impose au Gouvernement de dresser la liste des programmes qu’il entend mettre en œuvre en faveur des groupes défavorisés, le type d’assistance prévu ainsi que les indicateurs de performance qui seront utilisés. M. Mataitoga estime qu’il est exagéré d’accuser cette politique d’avoir créé des inégalités entre les groupes ethniques et réduit certain d’entre eux à la pauvreté car elle aide tour à tour les différentes communautés qui en ont besoin. Seule la communauté banabane est quelque peu privilégiée par rapport aux autres minorités car c’est le Premier Ministre lui‑même qui s’en occupe. À ceux qui prétendent que cette politique a entraîné la hausse du taux d’immigration, M. Mataitoga répond que ce phénomène touche toutes les communautés, y compris la communauté fidjienne. C’est simplement le phénomène bien connu de la fuite des cerveaux qui pousse les cadres supérieurs à accepter un emploi plus rémunérateur à l’étranger. Il ajoute que le Gouvernement ne s’opposera pas au retour de ces personnes, d’autant moins qu’elles auront les moyens d’investir, ce qui bénéficiera à la République des Fidji.

14.M. Mataitoga fait une distinction entre la loi relative à la justice sociale, qui vise à mettre en place des actions et programmes financés sur le budget de l’État en faveur de groupes cibles choisis en fonction de critères précis, et le plan sur 20 ans adopté par le Gouvernement, qui constitue le cadre conceptuel de la lutte contre les inégalités. Dans le cadre de ce plan, deux mécanismes institutionnels − un groupe spécial, au sein du Cabinet du Premier Ministre, et le Comité consultatif spécial où sont représentées les principales communautés de Fidji − ont été créés et chargés de suivre l’avancement des travaux et de proposer des solutions pour améliorer la situation. Le Gouvernement entend ainsi susciter au sein des communautés le sentiment − justifié − qu’elles sont des parties prenantes au projet et peuvent agir sur le cours des choses.

15.M. Mataitoga assure les membres du Comité que dans la définition du délit de sédition figurant dans le Code pénal, l’expression «toute personne» (tentant de fomenter des sentiments d’hostilité entre différentes classes ou races de la communauté) vise toute personne physique ou morale. En conséquence, les entreprises, associations, organisations et groupes de personnes sont visés par cet article au même titre que les personnes physiques. La même interprétation est applicable à la loi relative à l’ordre public.

16.M. Mataitoga dit ensuite que le financement de la Commission des droits de l’homme ne relève pas de la compétence du Gouvernement fidjien mais de celle des donateurs internationaux. Or, l’aide internationale dont bénéficie la République des Fidji est régie par des accords bilatéraux conclus avec certains gouvernements et organisations humanitaires, qui ont toute latitude pour distribuer les fonds qu’ils débloquent. Ils accordent généralement environ 50 % de ces fonds à des organismes publics et l’autre moitié à des ONG et autres institutions connues pour leur bonne gestion et leurs activités dans le domaine des droits de l’homme.

17.Enfin, M. Mataitoga estime que les lois actuellement en vigueur dans la République des Fidji sont suffisamment efficaces pour lutter contre la discrimination raciale commise par des personnes physiques ou morales et qu’il n’est donc pas nécessaire d’adopter une législation spécifique en la matière comme le prescrit l’article 4. En effet, les idées racistes ou extrémistes tombent sous le coup de la loi relative à l’ordre public et de certaines dispositions du Code pénal et ne nécessitent pas de faire l’objet d’une loi particulière. Il insiste sur le fait que la propagande et les organisations racistes ne sont absolument pas tolérées à Fidji.

18.M. de GOUTTES dit que les informations complémentaires fournies par la délégation, sur le fait notamment que les dispositions de la loi relative à l’ordre public s’appliquent également aux personnes morales, sont de nature à atténuer les observations faites par les membres du Comité sur la réserve de l’État partie concernant l’article 4. Il invite la délégation à communiquer au Comité les textes de la loi relative à l’ordre public et autres textes pertinents. Il souhaite ensuite savoir pourquoi le taux de suicides est plus élevé chez les Indo‑Fidjiens que dans le reste de la population.

19.M. SICILIANOS, au sujet des réserves des Fidji à l’article 5, ne comprend pas en quoi la loi relative aux élections à Fidji ne répondait pas aux obligations prévues à l’article 5 c)de la Convention et en quoi le système scolaire de Fidji ne satisfait pas aux dispositions des articles 2, 3 ou 5 e) v)de la Convention. Au regard de l’article 3, il se demande si dans les faits, le système scolaire ne favoriserait pas la ségrégation.

20.Le PRÉSIDENT, s’exprimant en tant que membre du Comité, rappelle que l’article 4 de la Convention exige que les États parties déclarent certains actes punissables par la loi et interdisent les organisations qui incitent à la discrimination raciale en adoptant des dispositions précises. Il ajoute que les personnes morales sont visées au même titre que les personnes physiques par les dispositions de la loi relative à l’ordre public qui touchent le délit de sédition et les actes de discrimination raciale et de propagande raciste, mais qu’elles ne peuvent pas pour autant être condamnées à des peines de prison. Il faut donc prévoir dans d’autres instruments des sanctions spécifiques, telles que la dissolution des organisations de ce type dotées de la personnalité morale. Il ajoute que les droits énoncés à l’article 5 de la Convention, tel que le droit à la liberté d’opinion et d’expression, ne sont pas définis comme étant des droits absolus dans d’autres instruments internationaux tels que la Charte des Nations Unies et le Pacte relatif aux droits civils et politiques et sont même soumis à des restrictions dans certains cas.

21.M. HERNDL déplore la profonde divergence de vue entre le Comité et le Gouvernement fidjien au sujet de l’interdiction des organisations extrémistes en raison de leurs opinions politiques. Il lit en effet au paragraphe 89 du rapport que le Gouvernement fidjien est arrivé à la conclusion que l’interdiction de ces groupes n’apparaîtrait pas comme étant conforme au principe de liberté d’expression et irait à l’encontre du but et de l’objet de la Convention, approche qui va à l’encontre de l’article 4 de la Convention qui demande précisément aux États parties d’interdire ces groupes. Il souhaite en outre savoir si les articles de la loi relative à l’ordre public concernant le délit de sédition ont déjà été appliqués par les tribunaux et si de tels actes ont déjà été condamnés dans l’État partie et, le cas échéant, quelles ont été les peines infligées. Enfin, il estime souhaitable que les statuts de la Commission fidjienne des droits de l’homme soient révisés, qui permettent à cette dernière de ne pas enquêter sur une affaires donnée si elle n’en a pas les moyens financiers ou si elle a d’autres affaires plus importantes à traiter.

22.M. YUTZIS remercie Mme January‑Bardill pour l’excellent travail qu’elle a accompli en tant que rapporteuse pour les Fidji. Il fait sienne la remarque du Président concernant l’article 5 de la Convention, notamment le fait que les droits qui y sont énoncés n’ont pas un caractère absolu. Il invite à cet égard la délégation à se reporter à la recommandation générale no XX concernant l’article 5 de la Convention adoptée dans laquelle le Comité a indiqué que «l’article 5 de la Convention, s’il demande la garantie que les droits de l’homme s’exercent à l’abri de toute discrimination raciale, ne créé pas en soi de droits civils, politiques, économiques, sociaux ou culturels, mais suppose l’existence et la reconnaissance de ces droits».

23.M. MATAITOGA (Fidji) dit que 95 % des écoles sont dirigées par des organisations religieuses ou financées par des communautés ethniques. Il n’existe que cinq écoles publiques, qui sont fréquentées en grande majorité par des Fidjiens autochtones, mais rien n’empêche les non‑Fidjiens d’envoyer leurs enfants dans ces écoles, pas plus qu’il n’est interdit à un enfant d’une communauté de fréquenter l’école d’une autre communauté, quelle que soit sa religion ou son origine ethnique. Il n’y a aucune ségrégation dans ce domaine.

24.M. Mataitoga affirme que le Gouvernement a de très nombreuses raisons de maintenir jusqu’à nouvel ordre le système électoral tel qu’il est, sachant que l’objectif premier est de déterminer le cadre politique le mieux adapté au contexte fidjien pour permettre à toutes les communautés ethniques et religieuses de coexister pacifiquement. Il appelle l’attention des membres du Comité sur le rapport très fourni portant sur la question du système électoral des Fidji qui leur a été distribué, dans lequel sont exposées les raisons pour lesquelles le Gouvernement fidjien a formulé une réserve concernant l’article 5 c)de la Convention.

25.M. Mataitoga ne pense pas que le taux de suicides plus élevé observé au sein de la communauté indo‑fidjienne puisse avoir un quelconque lien avec l’origine ethnique des personnes concernées. Il ajoute que parmi les principales causes de suicide figurent les problèmes familiaux, les problèmes scolaires des adolescents ainsi que la pauvreté.

26.Enfin, M. Mataitoga dit qu’une mission a eu lieu en 2001 à Fidji dans le cadre de l’application de la Convention no 169 de l’OIT concernant les peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants et que le Gouvernement espère qu’une suite positive y sera donnée prochainement.

27.M. SICILIANOS dit qu’étant donné qu’il n’y a apparemment aucune ségrégation dans l’éducation, la République des Fidji pourrait envisager de retirer sa réserve concernant l’article 3 de la Convention.

28.M. YUTZIS a pris bonne note que les autorités fidjiennes considèrent la pauvreté comme la cause principale des suicides aux Fidji et suggère aux autorités de mener une étude approfondie sur les liens qui existent entre la pauvreté et l’appartenance ethnique.

29.Mme JANUARY-BARDILL (Rapporteuse pour les Fidji) se félicite des éclaircissements apportés par la délégation fidjienne, qui permettent aux membres du Comité de se faire une idée plus précise de la situation dans le pays. Elle est consciente que les Fidji sont un petit territoire insulaire confronté aux mêmes difficultés économiques que les pays en développement. Pour éliminer la pauvreté et assurer le développement économique et social de tous les habitants, le Gouvernement devra adopter des mesures peut-être difficiles et envisager de supprimer certaines pratiques qui s’apparentent à des privilèges, notamment en veillant à ce que les terres soient réparties proportionnellement et ne soient plus réservées aux membres de telle ou telle ethnie. Elle rappelle à cet effet que l’article premier de la Convention habilite les États parties à prendre des mesures dites «d’action positive» pour lutter contre la discrimination et que rien n’empêche donc, en principe, les autorités d’œuvrer en ce sens.

30.Mme January-Bardill se félicite de l’adoption du plan en septembre 2002 qui vise à lutter sur 20 ans, de façon intégrée, systématique et ciblée, contre la situation socioéconomique des Fidjiens et des Rotumans mais souhaite que celui-ci ait également pour objectif d’assurer le respect et la promotion des principes de non discrimination et d’unité nationale.

31.Mme January-Bardill estime que pour parvenir à une institutionnalisation du pouvoir entre toutes les ethnies, les Fidji devront également permettre aux Fidjiens non autochtones de participer aux processus décisionnels, et repenser leur économie politique et leur culture de manière que la lutte contre la pauvreté profite à tous les habitants. Elle souhaite en outre que les Fidji envisagent de se doter d’une législation antidiscrimination spécifique, conformément à la Convention. Mme January-Bardill craint que la poursuite de la politisation de l’ethnicité aux Fidji ne renforce la tendance à l’hégémonie ethnique, ce qui pourrait compromettre, à long terme, les perspectives de développement économique et social durable.

32.M. MATAITOGA (Fidji) se félicite du dialogue fructueux instauré avec le Comité et assure que toutes les observations formulées par les membres de ce dernier seront dûment examinées et prises en considération par les autorités de son pays afin de préserver et d’enrichir le caractère multiculturel et multiethnique de la société fidjienne.

33. La délégation fidjienne se retire.

La séance est suspendue à 11 h 50; elle est reprise à 12 h 5.

QUESTIONS D’ORGANISATION ET QUESTIONS DIVERSES (point 2 de l’ordre du jour) (suite)

Réforme du système des organes conventionnels de l’Organisation des Nations Unies (E/CN.4/2003/126, document distribué en séance, en anglais seulement; A/57/387)

34.Mme IZE-CHARRIN (Haut-Commissariat aux droits de l’homme) considère que le terme «réforme» est trop fort et que celui de «débat» serait préférable car plus informel. Elle rappelle que, dans son rapport (A/57/387), le Secrétaire général a fait des propositions tendant à rationaliser les travaux des organes conventionnels de l’ONU, mais qu’il a également estimé qu’il revenait en premier lieu à ces organes de décider ce qui, de leur point de vue, est souhaitable pour améliorer leur influence au niveau national ainsi que leur fonctionnement.

35.Mme Ize-Charrin indique que la Commission des droits de l’homme sera saisie du document du Haut‑Commissariat concernant le fonctionnement efficace des mécanismes des droits de l’homme (E/CN.4/2003/126) et que le Haut‑Commissaire remettra au Secrétaire général, en septembre 2003, ses propres propositions en la matière.

36.Elle rappelle que le Haut‑Commissaire aux droits de l’homme a demandé à tous les présidents des organes conventionnels de présenter leurs vues sur la manière d’améliorer le fonctionnement de ces organes, qui seront réunies dans un document afin de faciliter les discussions. Elle annonce qu’une réunion de réflexion devrait être organisée en mai 2003, à laquelle seront invités des représentants des six organes conventionnels de l’ONU, des États parties aux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, des représentants d’ONG et d’institutions nationales, ainsi que le Président de l’Union interparlementaire.

37.Répondant aux préoccupations soulevées par certains membres du Comité lors d’une précédente réunion, Mme Ize-Charrin assure qu’aucune mesure ne sera prise pour rationaliser les travaux des organes conventionnels sans l’approbation de ceux-ci. Tous les organes conventionnels, le Comité en particulier, doivent donc considérer ce débat comme une occasion historique d’examiner de manière approfondie ce qui pourrait et devrait être amélioré.

38.Mme Ize-Charrin explique en outre qu’une section a été créée en juin 2002 au sein du Haut‑Commissariat afin d’assurer le suivi des recommandations des organes conventionnels de l’ONU. Cette section a proposé de réunir dans un même document toutes les recommandations portant sur un État partie donné et d’y inclure un chapitre identifiant les principaux sujets de préoccupation. Elle rappelle qu’une table ronde a été organisée en Équateur, qui a réuni des représentants d’États parties et d’ONG, des membres du Comité des droits de l’homme, et des représentants d’institutions nationales et d’institutions spécialisées, afin d’examiner comment les États parties peuvent mettre en œuvre les recommandations formulées par le Comité des droits de l’homme. Un rapport a été adopté à l’unanimité à l’issue de cette réunion et le Gouvernement équatorien a décidé de créer un organe interministériel chargé d’assurer le suivi de toutes les observations et recommandations formulées par les organes conventionnels. Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale souhaitera peut-être, comme d’autres organes conventionnels, organiser une table ronde afin d’examiner les moyens de mettre en œuvre ses conclusions. Le Haut-Commissariat est tout à fait disposé à examiner avec lui cette possibilité.

39.Mme Ize-Charrin rappelle en outre que quatre des cinq organes conventionnels reçoivent des «analyses de pays» ou «profils de pays», préparés par le secrétariat, portant sur chaque État partie dont le rapport va être examiné. Les analyses contiennent en général des renseignements de base concernant la ratification par le pays des instruments relatifs aux droits de l’homme et les réserves éventuellement émises et, outre des informations soumises spécifiquement au Comité, des observations sur des points particuliers ou sur certaines dispositions. Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale pourrait peut-être réexaminer sa décision de ne pas recevoir ce type d’analyses et envisager d’adopter lui aussi la pratique consistant à transmettre par écrit et à l’avance à chaque État partie concerné, une liste de questions que les membres du Comité poseront au cours de l’examen de son rapport périodique.

40.M. de GOUTTES explique que le Comité souhaite assurer la bonne application de la Convention et simplifier les obligations en matière d’établissement de rapports, préserver la spécificité des différents instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et des organes conventionnels et empêcher tout affaiblissement de la Convention face à une conjoncture internationale marquée par les menaces de recours à la force au Moyen-Orient et propice à un regain de la discrimination raciale et ethnique.

41.Dans ce contexte, il importe en premier lieu de s’enquérir auprès des États parties des difficultés auxquelles ils se heurtent dans l’établissement des rapports exigés par les traités relatifs aux droits de l’homme et sur leur sentiment concernant le projet d’instituer un rapport global destiné à l’ensemble des organes conventionnels. S’il s’avérait que certains États parties manquent à leurs obligations faute des capacités nécessaires pour établir les rapports demandés, le Haut-Commissariat devrait songer à l’assistance technique à leur fournir. Il devrait de plus procéder à une étude comparée des principes directeurs définis par les différents organes conventionnels concernant la forme et la teneur des rapports périodiques, étudier les modifications éventuelles à apporter aux traités si le projet de rapport unique était retenu, analyser les difficultés que la présentation d’un tel rapport poserait aux États parties, examiner le mécanisme qui permettrait de soumettre ledit rapport à tous les organes conventionnels et réfléchir à la proposition de M. Diaconu et M. Sicilianos concernant le principe d’un document de base plus étoffé qu’actuellement, régulièrement mis à jour et assorti d’annexes qui seraient produites en temps utile pour être soumises aux organes conventionnels.

42.M. SICILIANOS se félicite de la suggestion du Haut-Commissariat visant à organiser un atelier consacré au suivi des conclusions et recommandations du Comité et aimerait en savoir plus sur les résultats obtenus par les organes conventionnels qui ont désigné un rapporteur pour le suivi de leurs recommandations. Il juge louable mais irréaliste le projet du Haut-Commissariat de rédiger des analyses de pays à l’intention du Comité et suggère de retenir plutôt la formule des profils de pays, étant entendu que les ressources allouées au Haut-Commissariat devraient être augmentées en conséquence.

43.Les organes conventionnels devraient coordonner davantage leurs activités et harmoniser leurs méthodes de travail, comme le Secrétaire général l’a recommandé dans son rapport sur les mesures à prendre pour renforcer l’ONU (A/57/387). À cet égard, le Haut-Commissariat devrait entreprendre sans tarder d’étudier la question et formuler des propositions.

44.M. AMIR suggère que les rapporteurs pour les pays se rendent sur place pour compléter les informations reçues de l’État partie concerné, des associations non gouvernementales et du Haut‑Commissariat par des observations personnelles. Par ailleurs, des ateliers organisés sur le terrain pendant l’intersession pourraient être mis à profit pour établir des relations de travail avec les autres organes conventionnels et parvenir à une plus grande compréhension mutuelle entre les États parties et le Comité.

45.M. ABOUL-NASR dit qu’en l’absence d’un diagnostic sur les problèmes à résoudre, une discussion sur d’éventuelles réformes des procédures spéciales relatives aux droits de l’homme n’a pas de sens. Le Comité a raison de se plaindre notamment de la publication tardive des comptes rendus analytiques de séance et du déplacement de ses sessions de New York à Genève; par contre, il ne sait pas ce que le Haut‑Commissariat et les États parties reprochent au système actuel.

46.Au demeurant, le but recherché par ceux qui prônent un rapport unique destiné à tous les organes conventionnels serait tout aussi bien réalisé grâce à un document de base régulièrement mis à jour et assorti de rapports périodiques qui ne dépasseraient pas cinq ou six pages.

47. M. Yutzis prend la présidence.

48.M. KJAERUM se félicite de ce que le Haut-Commissariat cherche à garantir une meilleure application de la Convention au niveau national et ne fonde pas ses propositions sur des impératifs administratifs. Il note à cet égard l’intérêt de la nouvelle section du suivi des recommandations des organes conventionnels et des ateliers de suivi suggérés par le Haut‑Commissariat. Ce suivi peut aussi sortir renforcé d’une collaboration plus officielle avec les interlocuteurs nationaux des organes conventionnels.

49.M. Kjaerum se félicite de l’appui promis par le Haut-Commissariat en rapport avec les profils de pays. S’agissant des pays qui manquent à leur obligation de présenter des rapports périodiques, il importe, pour pouvoir décider de mesures, de comprendre si ce manquement est dû à l’insuffisance de leurs moyens ou à de la mauvaise volonté.

50.L’expert note que la suggestion du Haut-Commissariat de convoquer des groupes de travail de présession n’a pas suscité beaucoup d’enthousiasme au sein du Comité; par contre, la formule des équipes spéciales chargées des rapports périodiques expérimentée par d’autres organes conventionnels est peut‑être une possibilité envisageable. Il suggère d’utiliser l’informatique pour faciliter le travail de rédaction pendant les séances du Comité.

51.M. THIAM aimerait savoir pourquoi certains États parties ne présentent pas les rapports attendus d’eux. Dans le cas de son pays, il sait d’expérience que le Comité était perçu comme un tribunal prêt à attenter à la souveraineté de l’État partie. Par ailleurs, les États parties peuvent éprouver des difficultés d’ordre technique.

52.M. TANG estime que les difficultés techniques que les petits pays éprouvent dans l’établissement de leurs rapports périodiques ne seraient pas réglées par le rapport unique envisagé. Par contre, les séminaires nationaux qui ont été suggérés permettraient sans doute de renforcer le dialogue avec les États parties.

53.M. HERNDL souligne que Mme Ize-Charrin a informé le Comité des intentions du Haut‑Commissariat concernant une éventuelle réforme des procédures spéciales relatives aux droits de l’homme. La tâche du Comité est maintenant de donner son avis sur le rapport unique envisagé et de réfléchir aux moyens de coordonner les activités des organes conventionnels et de simplifier les procédures d’examen des rapports, toutes choses qui sont encore loin d’une «réforme» des instruments et organes relatifs aux droits de l’homme. De plus, pour les matières intéressant le Comité, la lecture du rapport du Secrétaire général ne porte pas à croire que de grands changements s’annoncent.

54.Mme IZE-CHARRIN (Haut-Commissariat aux droits de l’homme) invite le Comité à accorder toute l’attention voulue à la proposition de M. Diaconu et M. Sicilianos, qui vise à remplacer le système actuel de rapports périodiques par un document de base assorti d’annexes. Concernant l’appui que le Haut-Commissariat apporte aux organes conventionnels, elle confirme que ses services peuvent fournir des profils de pays et précise que le Haut-Commissariat a déjà entrepris d’étudier les moyens d’harmoniser les principes directeurs régissant la présentation des rapports. Quant aux missions que les rapporteurs pourraient effectuer dans les pays dont ils s’occupent, cette possibilité n’est pas à exclure.

55.Au sujet des motifs expliquant la volonté de changement manifestée par le Secrétaire général, Mme Ize‑Charrin dit qu’il serait effectivement utile d’entendre les éventuels griefs des États parties à l’égard du système en place, sachant que le Haut-Commissariat est soucieux de servir au mieux les organes conventionnels. Elle est convaincue que si certains pays ne présentent pas les rapports attendus d’eux, ce n’est pas faute de vouloir le faire. Les raisons sont plutôt à chercher dans la difficulté de collecter les données nécessaires, dans la méconnaissance du type d’informations à recueillir ou dans le manque de ressources humaines. Le Haut-Commissariat a d’ailleurs produit une liste des pays ayant demandé une assistance technique. Enfin, Mme Ize‑Charrin indique que d’autres organes conventionnels ont de plus en plus souvent recours aux réunions de présession, avec des résultats encourageants.

56.Le PRÉSIDENT se félicite de cette réunion de travail du Comité et du Haut-Commissariat et remercie ce dernier de l’appui logistique et financier qu’il fournit au Comité.

La séance est levée à 13 h 10.

-----