Nations Unies

CERD/C/SR.2027

Convention internationale sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

19 août 2010

Original: français

Comité pour l ’ élimination de la discrimination raciale

Soixante- dix-sept ième session

Compte rendu analytique de la 2027 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le jeudi 12 août 2010, à 10 heures

Président: M. Kemal

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention (suite)

Dix-septième à dix-neuvième rapports périodiques de la France (suite)

La séance est ouverte à 10 h 5.

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention (point 4 de l ’ ordre du jour) (suite)

Dix-septième à dix-neuvième rapports périodiques de la France (CERD/C/FRA/17-19; CERD/C/FRA/Q/17-19) (suite)

1.Sur l ’ invitation du Président, la délégation française reprend place à la table du Comité.

2.M. Leyenberger (Commission nationale consultative des droits de l’homme) dit que la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) est l’une des plus anciennes institutions françaises de promotion et de protection des droits de l’homme puisqu’elle a été créée en 1947 à l’initiative de René Cassin. Établie conformément aux Principes de Paris, elle a pour mission, en vertu de la loi no 90-165 du 13 juillet 1990, de présenter chaque année au Premier Ministre un rapport sur la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie en France, mission réaffirmée par la loi no 2007-292 du 5 mars 2007.

3.Le représentant indique que la CNCDH, qui a été associée à l’élaboration du rapport à l’examen, est invitée, en amont, à porter un regard critique et à formuler des observations sur le projet de rapport avant qu’il ne soit adressé au Comité, et qu’il peut rendre publics ses commentaires sous forme d’avis. La CNCDH assure le suivi des observations finales et recommandations générales du Comité. En 2009, pour la première fois, la Commission a publié un ouvrage qui donne une vue d’ensemble systématique des observations et recommandations faites à la France par les instances des Nations Unies et par les organisations régionales, comme le Conseil de l’Europe, qui lui adressent des recommandations analogues.

4.Pour ce qui est de l’application de la Convention par la France, M. Leyenberger relève qu’un grand nombre de questions posées à la séance antérieure par les membres du Comité rejoignent les observations et recommandations des membres de la CNCDH. Cette dernière a remis au Premier Ministre, le 21 mars 2010, un rapport essentiel à cet égard sur la question de la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie. Véritable baromètre de ces phénomènes dans l’opinion publique, ce rapport contient plusieurs recommandations adressées au Gouvernement français, notamment celle visant à l’établissement d’un plan national d’action contre le racisme, conformément au Programme d’action issu de la Conférence mondiale contre le racisme tenue à Durban. L’information communiquée la veille par la délégation française, selon laquelle un tel mécanisme devrait voir prochainement le jour, est rassurante. Dans son rapport, la CNCDH a également recommandé que le Comité interministériel de lutte contre le racisme devienne l’outil de coordination de toutes les actions gouvernementales de lutte contre le racisme. Malheureusement, cette instance ne se réunit que de façon épisodique et n’est pas l’outil de pilotage qu’il devrait être.

5.Les manifestations de racisme sur Internet sont une préoccupation constante de la Commission car Internet est devenu, en France comme ailleurs, le moyen le plus accessible pour véhiculer des idées racistes et xénophobes, perpétuer des stéréotypes et entretenir des sentiments d’hostilité à l’égard notamment des juifs, des musulmans, des étrangers ou des immigrés. La mise en place, en janvier 2009, par le Ministère de l’intérieur, de la plate-forme de signalement PHAROS a marqué une avancée réelle en matière d’identification et de condamnation du phénomène raciste sur Internet. Toutefois, face à la teneur et à la multiplication des faits constatés et au risque envisagé, une action spécifique et concertée dans ce domaine devrait être une priorité politique du Gouvernement français. La CNCDH réitère sa recommandation constante de créer un observatoire public du racisme, de l’antisémitisme et de la xénophobie sur Internet.

6.La France a connu dernièrement un débat sur le port du voile intégral qui a généré une certaine polémique. Le Conseil d’État a exprimé sa réticence à l’égard d’une interdiction générale et inconditionnée du port du voile intégral, à l’instar de la CNCDH qui avait considéré qu’une interdiction générale serait peu opportune, compte tenu du caractère marginal du phénomène, difficile à mettre en œuvre, et rappelé l’existence de textes réglementant la sécurité publique dans certains lieux et la nécessité de soutenir les femmes victimes de violence et de renforcer l’éducation et la formation, notamment en matière de droits de l’homme. Un projet de loi interdisant la dissimulation du visage dans les espaces publics a été adopté et une résolution solennelle a été adoptée par tous les groupes parlementaires de l’Assemblée nationale pour rappeler des valeurs fondamentales comme la liberté, la laïcité, la dignité et l’égalité entre les hommes et les femmes. La Commission s’est également prononcée au sujet du récent projet de loi sur l’immigration, l’intégration et la nationalité dans un avis en date du 5 juillet 2010.

7.M. Leyenberger exprime l’inquiétude de la Commission face aux déclarations officielles de caractère discriminatoire contre les Roms et les gens du voyage. Il rappelle que la CNCDH a publié en 2008 une étude de fond sur la question, qui contient un ensemble de propositions évitant toute stigmatisation et tout amalgame, ainsi qu’un récent communiqué.

8.Les récentes propositions gouvernementales concernant l’élargissement des cas dans lesquels une personne pourrait être déchue de la nationalité française et la suppression de l’automaticité de l’acquisition de la nationalité française à la majorité par les mineurs nés en France qui ont été condamnés, sont contraires au principe d’égalité et renforceraient la stigmatisation des Français d’origine étrangère. La Commission ne cesse de mettre en garde contre les discriminations individuelles ou collectives et récuse toute logique communautariste. Elle considère que la plus haute vigilance doit être observée quand l’égalité de tous les citoyens, quelle que soit leur origine, est en cause.

9.La Commission salue le rôle joué par la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE) depuis sa création et espère que son action pourra continuer de se développer sur le terrain de l’effectivité des droits. Cette instance a permis une meilleure prise en compte de la diversité de la société française par les responsables politiques, les médias et les grandes entreprises.

10.M me Dubrocard (France), répondant à la question concernant la compatibilité du principe d’indivisibilité de la nation avec la prise en compte des particularismes et des diversités qui la caractérisent, rappelle que le principe d’égalité de tous les citoyens devant la loi fonde la politique de la France en matière de lutte contre la discrimination et la discrimination raciale en particulier. La France est et demeure attachée à la conception d’un peuple composé de tous ses citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Ce principe n’implique pas de négation des différences culturelles, religieuses ou linguistiques entre ces derniers.

11.Le Pacte républicain français n’est pas synonyme d’immobilisme. La Constitution de 1958 a été maintes fois révisée et la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, qui est certainement l’une des plus importantes, a prévu de nouveaux dispositifs qui ont vocation à renforcer le rôle du Parlement, à rénover le mode d’exercice du pouvoir exécutif et à garantir des droits nouveaux aux citoyens par le biais de la création d’un mécanisme de contrôle de la constitutionnalité des lois à l’initiative du citoyen et de la création du poste de Défenseur des droits.

12.Mme Dubrocard insiste sur le caractère révolutionnaire du nouveau mécanisme de contrôle de constitutionnalité. Depuis le 1er mars 2010, tout justiciable peut obtenir l’abrogation d’une loi incompatible avec des droits et libertés protégés par la Constitution. C’est ainsi que le Conseil constitutionnel a décidé, le 28 mai 2010, que les pensions versées aux anciens combattants devraient être les mêmes pour tous, indépendamment de leur nationalité.

13.Mme Dubrocard dit que la France est un État de droit où les droits fondamentaux ont été renforcés, notamment grâce à la dernière révision constitutionnelle. Une jurisprudence abondante et protectrice a été élaborée sur le respect des droits et libertés et le principe d’égalité, qui encadre strictement l’action des pouvoirs publics dans ce domaine.

14.S’agissant du point de savoir si les déclarations politiques concernant la déchéance de la nationalité susceptible d’être prononcée contre toute personne d’origine étrangère qui aurait porté atteinte à un dépositaire de l’autorité publique sont constitutionnelles, Mme Dubrocard dit qu’aucun texte de loi n’a été élaboré en la matière mais qu’il sera, le cas échéant, soumis au Parlement pour examen et qu’il pourra faire l’objet d’un contrôle de constitutionnalité, comme toutes les autres lois du pays.

15.La création du poste de Défenseur des droits répond exactement à la préoccupation exprimée par le Comité dans ses observations finales concernant le précédent rapport périodique de la France, à l’égard de la superposition des dispositifs mis en place pour l’intégration et la lutte contre les discriminations et du risque de dilution qu’ils peuvent avoir sur les efforts de la France en matière de lutte contre la discrimination raciale et la xénophobie (CERD/C/FRA/CO/16, par. 11). Cette instance vise à donner davantage de cohérence au système français de protection des droits et libertés du citoyen en se substituant à tout un ensemble d’instances indépendantes chargées d’assurer cette protection. Toute personne qui s’estime lésée par le fonctionnement d’une administration ou d’un service public pourra adresser une réclamation au Défenseur des droits. Ce dernier pourra s’intéresser aux agissements des personnes privées relatives à la protection de l’enfance ainsi qu’à toutes les discriminations directes ou indirectes prohibées par la loi ou par un instrument international dûment signé et ratifié par la France. Le Défenseur des droits sera doté de pouvoirs étendus en matière d’investigation, il pourra agir ex- officio, et être entendu par toute juridiction. Si ses recommandations restaient sans effet, il pourra émettre des injonctions et le non-respect de ses pouvoirs d’investigation donnera lieu à des sanctions. Il rendra compte de ses activités au Président de la République et au Parlement. Pour l’heure, il est envisagé que ses attributions recouvrent celles du Médiateur de la République, du Défenseur des enfants, de la Commission nationale de déontologie de la sécurité et celles de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE). La représentante précise qu’il ne s’agit encore que d’un projet de loi qui doit être discuté par l’Assemblée nationale. La création de cette instance aurait pour vocation de donner une ampleur inédite au système français de protection des droits et libertés.

16.S’agissant de la revalorisation des pensions des anciens combattants, la déléguée rappelle que le Président Sarkozy a déclaré le 13 juillet 2010: «il est des dettes qui ne s’éteignent jamais», et ainsi annoncé que les pensions des anciens combattants africains seraient bientôt alignées sur celles versées aux anciens combattants français. À partir du 1er janvier 2011, la France disposera d’un régime de pensions entièrement conforme à sa Constitution. Cette nouvelle législation devrait profiter à 30 000 personnes.

17.S’agissant de l’évaluation de la composition ethnique de la population, Mme Dubrocard rappelle que l’article premier de la Constitution française dispose que la République «assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion» (ibid., par. 14). Dans sa traduction concrète, la conception française postule donc que l’affirmation de l’identité est le résultat d’un choix personnel, non de critères applicables définissant a prioritel ou tel groupe et dont découlerait un régime juridique distinct. Une telle approche protège tout à la fois le droit de chaque individu de se reconnaître une tradition culturelle, historique, religieuse ou philosophique, et celui de la refuser. La France a toujours souligné ce point dans les instances internationales, en signalant les effets pervers que pourrait receler une conception trop rigide de la protection des minorités, notamment toute tentative de définir des critères généraux d’appartenance à des minorités, voire de faire de véritables recensements des personnes appartenant à ces minorités. Cette conception, loin cependant d’être figée, s’appuie sur une réflexion nationale permanente, dont le dernier temps fort fut le dépôt, le 17 décembre 2008, des conclusions d’un comité de réflexion sur le Préambule de la Constitution, le «Comité Veil», qui a notamment estimé que le cadre constitutionnel actuel ne pouvait pas être regardé comme constituant un obstacle à la mise en œuvre de mesures ambitieuses d’action positive susceptibles de bénéficier, notamment, aux populations d’origine étrangère qui souffrent d’un déficit d’intégration dans la société française.

18.Mme Dubrocard rappelle également que le Conseil constitutionnel a pour sa part estimé, dans sa décision no 2007-557 du 15 novembre 2007, que si les données objectives sur lesquelles peuvent porter les études sur la mesure de la diversité des origines des personnes, de la discrimination et de l’intégration ne sauraient reposer sur l’origine ethnique ou la race, elles peuvent en revanche se fonder, par exemple, sur le nom, l’origine géographique ou la nationalité antérieure à la nationalité française et que ces caractéristiques permettent de disposer d’une connaissance précise de la population et de ses besoins. La prise en compte de ces critères, en plus du ressenti d’appartenance, pourrait donc donner des résultats assez comparables au référentiel ethnique ou racial. La France ne juge donc pas nécessaire de se doter d’une nouvelle loi pour mesurer l’ampleur et les mécanismes de la discrimination raciale dans le pays.

19.M me Smirou (France) dit qu’en dépit de l’action volontariste menée par le Gouvernement français pour lutter contre la violence raciste et antisémite, en procédant notamment à un recensement transparent et exhaustif des actes commis afin de mieux évaluer le phénomène, les actes racistes et antisémites restent à un niveau trop élevé dans le pays. Au début de 2010, l’État a donc chargé un préfet, Michel Morin, de coordonner l’action des administrations compétentes en la matière et de faire des propositions pour améliorer la connaissance statistique des actes antisémites et racistes. Ses propositions devraient être connues d’ici à quelques mois.

20.Le Ministère de l’intérieur a noué un partenariat avec les instances de représentation des communautés juive et musulmane, en particulier le Service de protection de la communauté juive (SPCJ) et le Conseil français du culte musulman (CFCM). En juin 2010, il a signé avec cette dernière organisation une convention-cadre pour assurer un meilleur suivi statistique des actes hostiles aux musulmans de France. La police et la gendarmerie tiennent un état mensuel des actes racistes et antisémites qui sont regroupés au niveau national par le Ministère de l’intérieur et recoupés avec les informations émanant des organisations juives et musulmanes. Entre le 1er janvier et le 31 mai 2010, le Ministère a recensé 380 faits racistes et xénophobes ainsi que 222 faits xénophobes, soit une baisse de 22 % des actes racistes et de 61% des actes xénophobes par rapport à la même période en 2009. Le nombre de condamnations prononcées pour actes de racisme est en constante augmentation, mais cette tendance est moins liée à une hausse des actes racistes qu’à une meilleure appréhension du phénomène et à un accroissement sensible du nombre de plaintes déposées. Le niveau moyen des peines d’emprisonnement fermes qui sont prononcées traduit la sévérité des juridictions face à de tels faits.

21.Comme le chef de la délégation l’a expliqué la veille, la France opère effectivement une distinction entre les gens du voyage et les Roms, les premiers étant en quasi-totalité des citoyens français (300 000 à 400 000 personnes). Le terme «gens du voyage» est un terme administratif qui permet d’éviter de distinguer des citoyens français en fonction de leur origine et de bien décrire le mode de vie itinérant. Les Roms sont le plus souvent des sédentaires originaires de pays d’Europe centrale et orientale, principalement de Bulgarie et de Roumanie.

22.Mme Smirou indique que la question du droit de vote et des titres de circulation des gens du voyage a fait l’objet, à l’automne 2009, d’un rapport spécial de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE), qui a demandé la suppression de l’obligation faite aux gens du voyage de faire viser tous les trois mois un titre par la police ou la gendarmerie. Cette obligation prévue par la loi du 3 janvier 1969 se justifie par le fait que ces personnes n’ont pas d’attache permanente ni de domicile fixe, et constitue une contrepartie de la très grande liberté de circulation dont bénéficient les gens du voyage. Le Gouvernement français a annoncé que les titres de circulation seraient maintenus, mais que les conditions dans lesquelles ils sont visés seront réexaminées en collaboration avec la Commission nationale consultative des gens du voyage, instituée en juin 2010. Certains gens du voyage estiment que les carnets de circulation sont un symbole de leur identité. La HALDE a aussi recommandé de réviser la loi de 1969 pour garantir un accès non discriminatoire des gens du voyage au droit de vote. Les gens du voyage ont le droit de voter et bénéficient pour ce faire de deux régimes d’inscription sur les listes électorales. L’un leur laisse le choix de la commune dans laquelle ils souhaitent être inscrits, pour autant qu’ils y résident depuis trois années, l’autre permet aux personnes sans domicile stable de s’inscrire dans la commune où se situe la structure ou le centre d’accueil agréé dans lequel elles sont inscrites depuis au moins six mois. Une réflexion sur l’harmonisation des dispositions relatives au vote sera menée dans les prochains mois en coopération avec la Commission nationale consultative des gens du voyage.

23.M me Dime Labille (France) dit que la question de la scolarisation des gens du voyage et des Roms pose effectivement des difficultés, même s’il existe tout un arsenal législatif destiné à réglementer l’accès à l’école et si les autorités françaises ont mis en place des moyens importants pour s’assurer que tous les enfants aillent à l’école, qui est obligatoire et gratuite en France jusqu’à 16 ans. Le territoire compte pas moins de 42 antennes scolaires mobiles, même si l’établissement de passerelles vers un cursus scolaire normal reste l’objectif à atteindre. Des enseignants sont formés pour aider les enfants et les familles de la communauté des gens du voyage. Des cours sont dispensés aux enfants étrangers à l’école afin qu’ils puissent acquérir les rudiments de la langue française. Les associations représentatives des gens du voyage sont associées à toutes les actions mises en place par les autorités françaises.

24.M me Roussel (France) dit que la loi du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage a défini des obligations claires de l’État et des collectivités locales en ce qui concerne la création d’aires d’accueil pour les gens du voyage, et a permis de mieux recenser les besoins de ces derniers en la matière et de localiser les aires à construire. À ce jour, les deux tiers des besoins recensés ont été financés par l’État français et la moitié des aires prévues ont été mises en service. En dix ans, la France a consacré pas moins de 300 millions d’euros à la création d’aires et plus de 20 millions d’euros par an à leur gestion. Beaucoup reste à faire pour mobiliser les collectivités territoriales qui n’ont pas encore répondu aux obligations définies dans la loi. On constate des différences importantes entre les départements pour ce qui est de l’accueil et de l’habitat des gens du voyage, ainsi que du montant des droits d’usage que les gens du voyage doivent acquitter pour stationner sur les aires. L’examen de ces questions fait l’objet d’un partenariat étroit entre l’État français et la Commission nationale consultative des gens du voyage, qui dispose de représentants dans tous les départements. La tendance à la semi-sédentarisation ou à la sédentarisation des gens du voyage est liée à l’évolution de l’âge des familles itinérantes et à la forte demande de scolarisation et de soins de santé.

25.M me Doublet (France) dit que les Roms originaires de Roumanie et de Bulgarie, pays membres de l’Union européenne depuis le 1er janvier 2007, bénéficient effectivement de la liberté de circulation et de séjour sur l’ensemble du territoire de l’Union. Cependant, le traité d’adhésion de ces deux pays permet une période transitoire de sept ans (qui prendra fin en 2013) durant laquelle les États membres peuvent maintenir une restriction à l’emploi des ressortissants de ces deux pays. La France, comme neuf autres pays de l’Union, applique cette restriction. En outre, conformément au droit européen, tout État membre peut mettre fin au droit de séjour d’un ressortissant communautaire s’il est sans emploi ou sans ressources et s’il représente une charge déraisonnable pour le système d’assurance sociale. Tous les renvois de Roumains ou de Bulgares qui sont opérés par la France se font dans le cadre de retours volontaires et relèvent toujours de procédures individualisées. Des aides peuvent être apportées à la réinsertion dans le pays d’origine. En 2009, plus de 7 000 Roumains ont bénéficié de cette aide humanitaire au retour volontaire.

26.M. Bride (France) dit que le projet de loi relatif à la départementalisation de Mayotte sera examiné par le Sénat, en première lecture, le 18 octobre 2010, et sera vraisemblablement adopté avant la fin de l’année. Ainsi, le département de Mayotte, exerçant à la fois les compétences d’un département et d’une région, devrait être créé en mars 2011. Le processus de restitution des terres aux tribus canaques de Nouvelle-Calédonie, prévu par les Accords de Nouméa de 1998 et réalisé par l’Agence de développement rural et d’aménagement foncier (ADRAF), est effectivement long et difficile. La difficulté vient du fait qu’il faut cadastrer l’ensemble des terres de Nouvelle-Calédonie et démontrer ensuite qu’il y a eu effectivement spoliation des terres appartenant aux tribus canaques.

27.La France ne reconnaît pas la notion de «peuple autochtone». La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 dispose en son article 6 que la loi doit être la même pour tous et qu’il ne saurait y avoir entre les citoyens d’autres distinctions que celles de leurs vertus et de leurs talents. L’article premier de la Constitution française de 1958 précise que la France assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. C’est ainsi le principe d’indivisibilité de la République qui est affirmé au plus haut niveau de l’ordonnancement juridique français. La France ne reconnaît donc qu’une seule nationalité française et proclame le français «langue de la République», ce qui ne l’empêche en rien de reconnaître une citoyenneté calédonienne et d’inscrire depuis trois ans dans le marbre de la Constitution que les langues régionales font partie du patrimoine de la France.

28.L’impossibilité juridique de reconnaissance de la notion de «peuple autochtone» ne signifie en rien uniformité et négation des diversités. La Constitution française distingue les départements et régions d’Outre-mer des collectivités d’Outre-mer comme Mayotte et la Polynésie française, dont les statuts variés tiennent compte de leurs intérêts propres au sein de la République, et leur accorde une autonomie plus ou moins étendue. Les collectivités d’Outre-mer peuvent élaborer des normes, y compris légales, qui auront vocation à s’appliquer sur leur territoire. Ainsi, la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie sont exclusivement compétentes en matière de santé.

29.La France ne reconnaît pas la notion de «minorité ethnique, religieuse ou linguistique», mais elle reconnaît en revanche les populations d’Outre-mer, qu’elle ne prive pas de leur droit à une vie culturelle propre ni de celui de pratiquer leur propre religion ou d’utiliser leur propre langue. La France ne nie donc en aucun cas les diversités et respecte les particularismes locaux. M. Bride en veut pour preuve la coexistence, à Wallis-et-Futuna et en Nouvelle-Calédonie ainsi qu’à Mayotte, de deux statuts, l’un régi par le Code civil, l’autre par le droit local ou coutumier ou encore la reconnaissance, par l’État français, des chefs coutumiers en Guyane.

30.M. Bride convient que pour ce qui est de la jouissance du droit à la santé de tous les citoyens dans des conditions d’égalité, les difficultés sont nombreuses dans l’Outre-mer. Il explique que les infrastructures sanitaires s’y détériorent plus rapidement qu’en métropole en raison des conditions climatiques, que le territoire de la Polynésie française est aussi vaste que l’Europe − ce qui engendre des coûts supplémentaires pour l’acheminement des malades, entre autres − et que la maternité de Mayotte est la maternité française qui pratique le plus d’accouchements, en ce qu’elle draine de nombreuses patientes étrangères, venues des Comores notamment.

31.M. Bride rappelle en outre qu’en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, la santé relève de la compétence des gouvernements locaux, ce qui n’est pas sans poser de problèmes sur le plan de l’harmonisation des différentes politiques de santé.

32.Suite aux incidents graves qui ont ébranlé certains départements d’Outre-mer en 2009, le Gouvernement français a donné le coup d’envoi, le 19 janvier 2009, aux «États généraux de l’Outre-mer» − vaste consultation à laquelle ont participé des milliers d’anonymes, d’élus locaux et de professionnels − et a convoqué un conseil interministériel de l’Outre-mer qui a adopté 137 mesures concrètes et variées inspirées de cette consultation. Parmi elles, on peut citer la nomination, dans chaque département d’Outre-mer et à Mayotte, d’un sous-préfet chargé de la cohésion sociale, l’engagement de réduire de moitié, au cours des dix prochaines années, l’écart statistique entre l’Outre-mer et la métropole en termes d’illettrisme, la volonté de mieux intégrer l’histoire et les cultures des départements et territoires d’Outre-mer dans les programmes scolaires ou encore la proclamation de l’année 2011 «Année des Outre-mers français».

33.Le Gouvernement français est fermement résolu à combattre le racisme lors des manifestations sportives, et notamment lors des matchs de football. Cette question suscite l’inquiétude du Ministère de l’intérieur, du Ministère de la justice et du Secrétariat d’État aux sports ainsi que de la Ligue de football professionnel et de la Fédération française de football. Les différents acteurs du monde du football se rencontrent d’ailleurs mensuellement pour débattre de cette question au sein de la Commission nationale mixte de sécurité et d’animation dans les stades (CNMSA).

34.M. Bride précise qu’outre les textes de loi qui répriment d’une manière générale les crimes et délits à caractère racial, le Code du sport érige en infraction dans son article L 332-7 l’introduction, le port ou l’exhibition de signes, insignes ou symboles rappelant une idéologie raciste ou xénophobe dans une enceinte sportive ou à l’occasion d’une manifestation sportive, et dans son article L 332-6 le fait d’inciter, par quelque moyen que ce soit, les spectateurs à la haine ou à la violence à l’égard de l’arbitre, d’un joueur ou de toute autre personne ou groupe de personnes dans une enceinte sportive ou à l’occasion d’une manifestation sportive. Ces infractions, qui comprennent l’incitation à la haine raciale, sont punies d’une peine d’emprisonnement, d’une amende et d’une interdiction de stade.

35.Le Ministère de la justice a créé à l’intention des magistrats, des policiers et des acteurs du monde du sport un guide méthodologique qui récapitule les infractions racistes pouvant être commises sur un terrain de sport. Des instructions en date du 27 octobre 2009 et du 9 août 2010 rappellent en outre aux procureurs l’obligation de lutter de manière efficace contre toutes les formes de racisme au cours des manifestations sportives. Enfin, M. Bride indique que la loi française prévoit la possibilité de dissoudre par décision administrative les associations de supporters violents, comme cela a été le cas récemment d’une association soutenant le club parisien du Paris Saint-Germain.

36.M.  Trapp (France) dit que le Gouvernement français estime que la question du port du voile intégral n’entre pas dans le champ de compétence du Comité, qui est censé traiter de la discrimination raciale, pas religieuse. Aborder cette question au sein du Comité reviendrait selon la France à faire un amalgame dangereux entre race et religion. Toutefois, les actes discriminatoires pouvant être motivés par différents facteurs concomitants, comme la race et la religion, la race et le sexe ou encore la race et le handicap, la délégation française consent à aborder ce sujet, après avoir exposé sa position de principe.

37.Le fait que la laïcité soit un principe fondamental de la République française ne dispense pas l’État français de protéger la liberté de conscience ni de lutter contre la discrimination fondée sur la religion ou la conviction. Dans l’éducation nationale, le port de certains symboles religieux n’est pas incompatible avec la laïcité; seuls sont proscrits les signes ostentatoires, le prosélytisme et les tenues empêchant de suivre les cours d’éducation physique et sportive ou les travaux pratiques.

38.M. Trapp dit qu’à la suite d’une vaste réflexion a été adoptée, le 15 mars 2004, la «loi encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics». Il rappelle que les lycées privés et les établissements d’enseignement supérieur ne sont pas visés par ce texte, et que les symboles discrets sont autorisés. Le texte ne cible en outre aucune confession en particulier et ne dresse pas de liste de signes religieux interdits. C’est aux chefs d’établissement qu’il incombe de décider au cas par cas si un comportement donné est contraire au principe de laïcité et, le cas échéant, d’engager le dialogue avec l’élève concerné et ses parents afin de leur faire comprendre que changer de comportement ne signifie pas renoncer à sa conviction. Faute de conciliation, le texte prévoit des sanctions individuelles pouvant aller jusqu’à l’exclusion prononcée à l’issue d’un conseil de discipline. Cette décision ultime est soumise au contrôle d’un juge administratif, qui doit s’assurer de sa conformité avec la loi. En pareil cas, les autorités académiques examinent avec l’élève les modalités selon lesquelles celui-ci peut poursuivre sa scolarité, que ce soit dans l’enseignement privé ou par l’intermédiaire du Centre national d’enseignement à distance (CNED), car l’élève exclu ne peut être privé de son droit à l’éducation.

39.Un an après l’entrée en vigueur de la loi, soit en juillet 2005, 90 % des 639 élèves qui s’étaient présentés avec un signe religieux ostensible à la rentrée 2004/05 avaient fait le choix de se conformer à la loi à l’issue d’un entretien avec le chef d’établissement. Au total, sur les 2 millions d’élèves scolarisés en France cette année scolaire-là, seuls 47 jeunes ont été exclus. À la rentrée 2008/09, aucun élève n’a fait l’objet d’une procédure disciplinaire. En outre, depuis l’entrée en vigueur de la loi, les 31 recours portés devant les tribunaux administratifs en vue de l’annulation d’une décision d’exclusion définitive ont été rejetés, et la Cour européenne des droits de l’homme a déclaré irrecevables plusieurs requêtes contre la France concernant l’exclusion d’élèves en application de cette loi.

40.La loi interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public a été adoptée par le Conseil des ministres le 19 mai 2010, puis par l’Assemblée nationale le 13 juillet 2010. Elle est l’aboutissement d’un long travail législatif et d’une mission d’information parlementaire composée de 32 députés, qui ont entendu des représentants d’associations de défense des droits de l’homme et du culte musulman en France, entre autres. Ces consultations ont révélé qu’un consensus se dégageait sur deux points: d’une part, le voile intégral n’est pas une obligation religieuse et correspond davantage à une pratique culturelle et, d’autre part, il est contraire aux valeurs de la République française. Aussi le Gouvernement français a-t-il élaboré ce projet de loi afin de défendre et de promouvoir la dignité de la femme − dont le voile empêche l’émancipation en la coupant de la société − et de garantir le maintien de l’ordre et de la sécurité publique, en veillant à ce que chacun au sein de la société agisse à visage découvert. Le projet de loi ne vise donc pas une pratique religieuse ni une communauté confessionnelle en particulier, et est conforme à cet égard aux obligations internationales de la France.

41.M me Dah se dit préoccupée par l’idée que l’institution du Défenseur des droits, qui est sur le point d’être créée, a vocation à couvrir l’intégralité des mandats du Défenseur des enfants, de la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS), de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations (HALDE) et du Médiateur de la République, ait en pratique moins d’attributions que ces quatre institutions prises séparément.

42.Mme Dah, ne comprenant pas pourquoi les gens du voyage − qui ne sont pas des criminels et sont pour la plupart français de longue date − sont contraints d’aller pointer au commissariat de police tous les trois mois pour recevoir un carnet de circulation mais ne sont pas tenus de détenir des papiers d’identité, se demande s’il ne serait pas plus logique de remplacer ledit carnet par une carte nationale d’identité qui est le document que les Français doivent le plus fréquemment produire dans la vie courante.

43.M. Pellet (France) fait observer que lors de l’examen des quinzième et seizième rapports périodiques de la France, le Comité avait exprimé sa préoccupation au sujet du risque de chevauchement des activités des différentes institutions chargées de la défense des droits de l’homme. C’est précisément pour en accroître la visibilité que le Gouvernement français est en train d’instituer un organisme unique chargé de coordonner l’action dans ce domaine. Il assure les membres du Comité que le travail de la HALDE est perçu comme très positif et que leurs préoccupations au sujet d’une éventuelle dilution des pouvoirs des différents organismes existants seront prises en considération.

44.M. Pellet indique que des questions relatives aux gens du voyage, notamment celles qui ont trait aux documents d’identité et de circulation, vont faire dans les prochains mois l’objet d’une réflexion menée dans le cadre de la Commission consultative des gens du voyage composée de 30 personnes, dont 10 représentants de l’État, 10 représentants des collectivités locales et 10 représentants des gens du voyage. Le Comité sera tenu informé du résultat de cette concertation.

45.M me de Broca  (France) dit que le Défenseur des droits a été institué en 2008 en vue de mieux renforcer les droits, et que la restructuration actuelle ne vise en aucun cas à affaiblir le système de protection existant.

46.M.  Avtonomov voudrait savoir si la réforme du Code de procédure pénale, qui prévoit la suppression du juge d’instruction, aura des conséquences particulières sur l’instruction des infractions liées à la Convention. Par ailleurs, il demande si les dispositions législatives concernant les gens du voyage s’appliquent également aux nombreuses personnes qui vivent sur des péniches.

47.M.  Grandsire (France) dit que la réforme du Code de procédure pénale est en cours d’examen et que des modalités permettant de remplacer le juge d’instruction tout en maintenant des garanties suffisantes d’indépendance dans le traitement des dossiers sont étudiées. Dans le système actuel, une toute petite minorité des dossiers sont instruits par le juge d’instruction, soit moins de 5 % des affaires. Si le nouveau dispositif devait être adopté, le parquet serait amené à gérer les enquêtes, et on envisage la création d’un juge de l’enquête et des libertés, garant du bon fonctionnement de la procédure pénale. Pour l’instant, il serait prématuré de donner des réponses plus précises sur ce projet.

48.M. Grandsire dit que le traitement des infractions liées à la Convention sera probablement modifié en partie, mais de la même façon que pour les autres procédures. Il n’y a donc pas de particularité procédurale à cet égard.

49.M. Amir rappelle que la déchéance de la nationalité relève de la section du Code civil consacrée au droit du sol, ou jus soli, et que cette mesure n’est prise que dans certains cas particuliers. Il demande si les articles relatifs au jus soli vont être amendés, et souligne que, le cas échéant, cela devra se faire conformément à la Constitution, puisque les dispositions relatives à la nationalité ont un caractère constitutionnel.

50.En ce qui concerne le retrait de la nationalité française aux ressortissants d’origine étrangère condamnés pour polygamie ou incitation à l’excision, ainsi qu’aux délinquants d’origine étrangère en cas d’atteinte à la vie d’un policier ou d’un gendarme, M. Amir estime que l’instauration d’une peine incompressible de trente ans de prison pour le fait de tuer un policier ou un gendarme est déjà une mesure très forte et il demande quelle sera la nationalité de ces délinquants lorsqu’ils sortiront de prison, en particulier, si ceux qui auront été déchus de leur nationalité seront renvoyés dans leur pays d’origine ou s’il faudra envisager la possibilité de leur octroyer le statut d’apatrides. Par ailleurs, il demande si les mesures de sécurité qui ont été prises seront vraiment dissuasives et de nature à neutraliser les actes de délinquance, et si l’État partie envisage également, dans un souci d’équilibre, de prendre des mesures de réinsertion socioéconomiques pour les délinquants.

51.M me Dubrocard (France) dit qu’elle n’est pas en mesure de répondre à la question relative à la déchéance de la nationalité parce que ce projet n’a pas encore vu le jour et qu’aucun texte n’en est disponible. Elle indique toutefois que l’article 25 du Code civil prévoit d’ores et déjà la possibilité de prononcer cette déchéance pour des faits de délinquance grave, à condition que cela n’ait pas pour effet de rendre le délinquant apatride. Le jus soli français n’est donc pas incompatible avec la déchéance de la nationalité. Au sujet des mesures de réinsertion, tout en estimant que cette question ne relève pas directement du débat relatif à la Convention, elle indique néanmoins que la nouvelle loi pénitentiaire multiplie les formes de sanction alternatives à l’incarcération et est davantage orientée vers la réinsertion des auteurs d’infraction.

52.M. Ewomsan demande à la délégation de fournir au Comité des renseignements sur la répartition des terres en Nouvelle-Calédonie car, selon des informations provenant d’organisations de la société civile, il semble qu’elle soit effectuée sur une base discriminatoire, dans des proportions de 7 hectares pour un Canaque contre 100 hectares pour un Européen.

53.M. Pellet dit que sa délégation n’est pas en mesure de répondre à la demande formulée par M. Ewomsan mais qu’elle la transmettra aux autorités françaises compétentes.

54.M. Diaconudit que cela ne porterait nullement atteinte à l’unité de l’État français d’accorder plus de place aux minorités dans la société française et que ce serait de nature à accroître l’égalité entre tous les citoyens. En ce qui concerne les Roms, il estime que les faire retourner en Roumanie ne résout pas la question, car il y a environ 2 millions de Roms en Roumanie, qui viendront prendre leur place. Il faut donc trouver une solution à l’échelle européenne pour l’ensemble de cette population.

55.M. Alves Lindgren constate que les résultats de l’application de la loi sur les symboles religieux semblent satisfaisants et selon ce qu’indique à ce sujet le rapport de M. Régis Debré.

56.M. Saidou demande si la délégation française dispose de statistiques concernant les condamnations ou les sanctions pénales imposées à des agents chargés de l’application des lois, notamment à des policiers, pour des actes discriminatoires.

57.M me Smirou (France) répond à l’intention de M. Saidou que le Ministère de l’intérieur ne dispose pas de données concernant les condamnations prononcées pour ce motif, mais qu’il a en revanche des données sur les sanctions disciplinaires administratives prononcées à l’égard de policiers. Étant donné qu’il s’agit de sanctions portant sur l’ensemble des manquements à la déontologie commis par des policiers, les actes concernés ne se limitent pas aux violences, éventuellement discriminatoires. En 2008, 3 423 sanctions disciplinaires ont été prononcées contre des policiers, dont 163 pour des violences (14 ont conduit à la révocation ou à une mesure assimilée des agents concernés, et 4 à une mise à la retraite d’office).

58.M.  Grandsire(France) indique que le Ministère de la justice n’a pas les moyens, à partir de ses bases de données, de fournir les données demandées par le Comité. Il peut toutefois préciser que 678 condamnations portant sur des faits comprenant une infraction à connotation raciste ont été prononcées en 2008, mais que cela concerne l’ensemble de la population et pas seulement les policiers.

59.M.  Pellet (France) dit que le dernier numéro de la revue trimestrielle de la gendarmerie nationale intitulé «Liberté, Égalité, Diversité», dont il transmet un exemplaire au Président, contient des articles consacrés à la discrimination et à la HALDE, ce qui témoigne des efforts réalisés pour sensibiliser les forces de l’ordre aux questions liées à la discrimination.

60.M.  Thornberry aimerait savoir quelle est la responsabilité de l’État français dans la fourniture des services d’éducation et d’autres services de base nécessaires aux Roms qui résident sur son territoire. Par ailleurs, il demande à la délégation de fournir des précisions concernant la position de la France sur la notion de «peuple autochtone», qu’elle réfute alors qu’elle a voté en faveur de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

61.M me Dubrocard (France) dit que les Roms roumains ou bulgares sont pris en charge par les institutions françaises en tant qu’étrangers arrivant en France. Le rapport périodique de la France présente le dispositif et les mesures prises pour prendre en charge de façon spécifique les primo-arrivants, notamment les mesures spécifiques en termes de scolarisation et d’apprentissage de la langue française destinées aux enfants étrangers.

62.M me  Dime Labille (France) attire l’attention sur les «villages d’insertion des Roms», initiative mise en œuvre en France à titre expérimental, qui pourrait servir d’exemple au niveau européen et être étendue en France car le concept intéresse un certain nombre de départements.

63.M. Pellet (France) précise que la France a conscience que sa position sur la notion de «peuple autochtone» est minoritaire au sein des Nations Unies et a choisi de ne pas s’opposer au consensus très largement partagé lors de l’adoption de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Cela étant, la France s’efforce d’expliquer les autres mesures qu’elle a mises en place pour promouvoir les droits des populations autochtones. Elle est donc attachée à sa position tout en acceptant l’idée d’évoluer sur ce point.

64.M. Cali Tzay rappelle que la France s’était engagée à prendre des sanctions envers Ricardo Cavallo, en rapport avec des violations des droits de l’homme commises en Argentine. Jugeant paradoxal que l’on puisse envisager de retirer la nationalité à des Français d’origine étrangère alors qu’il n’a pas été possible de sanctionner Ricardo Cavallo de manière adéquate, il demande des renseignements sur l’évolution de cette affaire.

65.M. Prosper (Rapporteur pour la France) se félicite des nombreux éléments positifs qui ont été évoqués durant le dialogue avec la France mais rappelle que le rôle du Comité est aussi de faire des observations critiques dans un esprit constructif. Il constate que des débats d’ordre technique ont porté sur les divers instruments mis en œuvre en France pour lutter contre la discrimination, mais il juge qu’il serait utile à l’avenir de mener un débat sur la nature même des problèmes de discrimination et d’entrer dans le détail de ces problèmes, en précisant quels sont les groupes qui en sont victimes. À cet égard, il souligne que la France devrait sans doute revoir son point de vue sur les statistiques, dont l’objet n’est pas d’alourdir la perception que l’on a des discriminations mais d’en comprendre la nature et la portée afin de pouvoir y répondre de manière appropriée. Il engage donc l’État partie à fournir au Comité davantage de données ventilées et à déterminer quels sont les groupes qui sont les plus victimes de discriminations et pour quelles raisons.

66.M. Prosper se félicite du projet de plan national de lutte contre le racisme qui a été annoncé et attend avec intérêt de plus amples informations à ce sujet. Ce plan constituera probablement un défi que le Gouvernement devra relever s’il veut apporter des solutions aux difficultés liées à l’harmonisation des approches et des processus administratifs, et dégager un consensus au sein de la société française sur la nature exacte des problèmes. Ce plan devrait également aborder des questions telles que les moyens de modifier les comportements des auteurs de discrimination, les problèmes et l’intégration des immigrés et des primo-arrivants, la question des Roms et des gens du voyage, et être assez large pour couvrir également les questions afférentes aux DOM-TOM.

67.M. Pellet déclare en conclusion que la France a conscience des difficultés qui ont été évoquées, qu’elle est ouverte à la réflexion sur les moyens de résoudre ces problèmes, et qu’elle reste attachée à l’idée de récuser toute logique communautaire. Les observations du Comité seront très utiles dans le cadre de l’élaboration du plan national de lutte contre le racisme pour déterminer les éléments et les moyens de progrès et d’évolutions, car il existe en France une véritable volonté politique de progresser sur la voie de la lutte contre la discrimination.

La séance est levée à 13 h 5.