Nations Unies

CERD/C/SR.1987

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

14 octobre 2010

Français

Original: anglais

Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

Soixante-seizième session

Compte rendu analytique de la 1987 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mercredi 24 février 2010, à 15 heures

Président: M. Kemal

Sommaire

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention (suite)

Troisième à sixième rapports périodiques du Japon

La séance est ouverte à 15 h 5.

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention (suite)

Troisième à sixième rapports périodiques du Japon (CERD/C/JPN/3-6; CERD /C/ JPN /Q/3-6/ Add .1/ Rev .1; HRI / CORE /1/ Add .111)

1. Sur l’invitation du Président, la délégation japonaise prend place à la table du Comité.

2.M. Ueda (Japon), introduisant les troisième à sixième rapports périodiques du Japon présentés en un document unique (CERD/C/JPN/3-6), dit que, conformément au nouveau principe de «fraternité» adopté par son gouvernement pour tout ce qui a trait aux questions d’ordre national et diplomatique, ce dernier s’emploie activement à mettre en place des politiques globales pour promouvoir le respect des droits de l’homme du peuple aïnou (CERD/C/JPN/3-6, par. 79). Le Gouvernement a reconnu aux Aïnous le statut de peuple autochtone et créé le Groupe consultatif de personnalités éminentes sur les politiques relatives au peuple aïnou (ibid., par. 12), qui comprend un représentant de cette communauté. En 2009, le Groupe a élaboré un rapport qui recommande que des mesures politiques soient prises pour promouvoir l’éducation et la sensibilisation de la population à l’histoire et la culture aïnoues, construire des parcs en tant qu’espaces symboliques de l’harmonie interethnique et promouvoir la culture et la langue aïnoues. Les auteurs du rapport conseillent au Gouvernement de réaliser des études sur les conditions de vie des Aïnous et de prendre des mesures pour que celles-ci soient améliorées sur tout le territoire japonais. Pour donner effet aux recommandations contenues dans ce rapport, le Gouvernement japonais a créé en août 2009 le Département de la politique globale en faveur des Aïnous et inauguré la Réunion pour la promotion de la politique aïnoue, dont la première session s’est tenue en janvier 2010.

3.En décembre 2000, le Gouvernement japonais a promulgué la loi sur la promotion des droits de l’homme et de l’éducation dans ce domaine (CERD/C/JPN/3-6, par. 79) qui a conduit à l’adoption, en mars 2002, du plan de base visant à promouvoir l’éducation dans le domaine des droits de l’homme et le respect de ces droits (ibid., par. 78). Conformément à ce plan, les instances en charge des droits de l’homme placées sous l’autorité du Ministère de la justice ont réalisé diverses activités pour sensibiliser la population aux droits de l’homme, éliminer les préjugés et la discrimination contre les étrangers et promouvoir la tolérance et le respect des cultures, religions, modes de vie et coutumes.

4.Ces instances ont également dispensé des conseils en matière de respect des droits de l’homme, diligenté des enquêtes sur les violations des droits de l’homme et ordonné des sanctions appropriées le cas échéant. En avril 2004, le Gouvernement japonais a profondément révisé la réglementation applicable aux affaires relatives aux violations des droits de l’homme afin de veiller à ce que chaque cas fasse l’objet d’une enquête rapide, souple et adaptée et que des mesures de réparation (ibid., par. 34) soient accordées aux victimes.

5.Le Japon examine actuellement la possibilité d’instaurer une institution nationale de défense des droits de l’homme. Le projet de loi relatif à la protection des droits de la personne (ibid., par. 34), qui prévoyait la création d’une commission des droits de l’homme, n’a pas été adopté en raison de la dissolution de la Chambre des représentants en octobre 2003. Le Gouvernement japonais examine un nouveau projet de loi portant création d’un système de réparation en matière de droits de l’homme (ibid., par. 34).

6.Le Gouvernement japonais a lancé un programme pilote de réinstallation des réfugiés du Myanmar (CERD/C/JPN/CO/3-6, par. 3) qui vivent pour l’heure dans le camp de Mae La, en Thaïlande. Au titre de ce programme, quelque 90 réfugiés seront accueillis par le Japon sur une période de trois ans. Une aide substantielle leur sera fournie en termes de réinstallation, qui comprendra notamment des cours d’apprentissage du japonais, une formation à l’emploi et à l’embauche et des conseils en vue de leur intégration au sein de la société japonaise.

7.M. Thornberry (Rapporteur pour le Japon) relève que le Japon n’a pas encore fait la déclaration facultative prévue à l’article 14 de la Convention et qu’il n’a pas non plus ratifié les amendements à l’article 8 de cet instrument. Il s’interroge sur le point de savoir si le Gouvernement envisage d’agir en ce sens et de ratifier d’autres instruments pertinents au regard de la Convention, telles que la Convention (no 111) de l’Organisation internationale du Travail (OIT) concernant la discrimination (emploi et profession) (site OIT), la Convention (no 169) de l’OIT relative aux peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants (site OIT), la Convention de l’UNESCO concernant la discrimination dans le domaine de l’éducation (1960), et la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (1948). Le rapporteur salue le rôle déterminant joué par l’État partie au sein de la Société des Nations afin que le Pacte de la Société des Nations contienne une disposition garantissant l’égalité des nations et des races.

8.Bien que le rapport périodique à l’examen contienne des statistiques ventilées par nationalité sur les étrangers vivant au Japon, il ne fournit pas de données ventilées par appartenance ethnique sur la population japonaise. Il est donc difficile d’apprécier précisément la situation. Le rapporteur suggère plusieurs manières de recueillir ces informations sans porter atteinte à la vie privée des citoyens japonais.

9.M. Thornberry note que, bien que l’article 14 de la Constitution japonaise interdise la discrimination raciale, les cinq motifs de discrimination prohibés par la Convention ne sont pas pleinement couverts. Une législation complète en matière de lutte contre la discrimination est donc nécessaire, comme prescrit aux articles 2, 4 et 6 de la Convention. Le rapporteur se demande si la Convention est systématiquement appliquée au Japon lorsque des personnes, des groupes de personnes ou des organisations ont un comportement discriminatoire. L’on ne sait pas si la législation japonaise interdit expressément la discrimination indirecte. L’adoption d’un projet de loi semblable à celui sur la protection des droits de la personne qui n’a pas pu être adopté en 2002 serait souhaitable.

10.S’agissant des informations fournies par la délégation japonaise en réponse à la question 4 de la liste des points à traiter (CERD/C/JPN/Q/6), M. Thornberry dit que la discrimination fondée sur l’«ascendance» a un sens spécifique qui diffère des autres motifs prohibés par la Convention. Évoquant les débats reproduits dans le Recueil des travaux préparatoires de la Convention (HRI/GEN/1/Rev.8/Add.1, observation no 8, par. 20) concernant l’acception du terme «ascendance» par opposition à celle de l’expression «origine nationale», le rapporteur dit qu’il a été maintes fois question des systèmes fondés sur la caste et l’ascendance. Quoi qu’il en soit, ces travaux préparatoires sont un complément d’information sur la Convention et ce sont les dispositions de celle-ci ainsi que la manière dont elles sont mises en œuvre qui devraient, pour l’essentiel, fournir une orientation quant à leur interprétation.

11.M. Thornberry note que les mesures spéciales adoptées en faveur du peuple buraku ont cessé d’être appliquées en 2002 et espère que le Gouvernement va continuer de venir véritablement en aide à ce peuple. Les Burakumin (CERD/C/JPN/CO/3-6, par. 8) semblent toujours confrontés à des difficultés, notamment dans le domaine du mariage, des «listes buraku» continueraient d’être établies et des propos désobligeants à leur égard seraient véhiculés par les médias. Le rapporteur se demande si un département ministériel ou un ministère s’occupe des questions relatives aux Burakumin et si des mesures générales, à défaut de mesures spéciales, ont été prises pour sauvegarder leurs droits.

12.La réserve émise par le Japon au sujet des alinéas a et b de l’article 4 de la Convention est potentiellement vaste dans sa portée puisqu’elle porte sur des droits garantis mais aussi sur des droits qui ne sont pas garantis par la Constitution japonaise et qu’elle est, en fin de compte, étroitement liée aux dispositions de la Constitution japonaise. Cette situation amène à s’interroger sur le point de savoir si l’amendement de la Constitution aurait une incidence sur les obligations internationales qui incombent au Japon en tant qu’État partie à la Convention. C’est une question importante, attendu qu’il serait préférable que l’inverse soit vrai, à savoir qu’il vaudrait mieux que la législation nationale soit mise en conformité avec le droit international. Le Comité recommande souvent aux États parties de réexaminer les réserves qu’ils ont formulées lors de leur adhésion à la Convention en vue de les retirer ou d’en réduire la portée.

13.Le Japon semble avoir une approche relativement tolérante face aux déclarations inspirées par la haine et la plupart des actions en justice intentées pour ce motif portent sur la diffamation de particuliers. Le rapporteur invite le Gouvernement japonais à envisager de renforcer le régime de poursuites actuellement applicable à la diffamation de particuliers, afin de donner pleinement effet à l’article 4 a) de la Convention. Le Comité a toujours considéré l’article 4 comme particulièrement important, en particulier parce qu’il encourage les États à élaborer des programmes éducatifs et à adopter des dispositions légales pour lutter contre la discrimination raciale. Le rapporteur souligne qu’en vertu du droit international, la liberté d’expression n’est pas sans limites.

14.M. Thornberry se félicite que le Japon ait reconnu au peuple aïnou le statut de peuple autochtone, qu’il ait créé un groupe consultatif de personnalités éminentes chargé des politiques en faveur des Aïnous (ibid., par. 13) et ait souscrit à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Le vaste programme législatif que le Gouvernement envisage de mettre en œuvre en faveur des Aïnous, sur la base des normes actuelles relatives aux droits autochtones, devra porter sur des questions telles que l’identité, la culture, la langue, les droits fonciers et les sites sacrés de ce peuple. Le rapporteur aimerait recevoir davantage d’informations sur les autres mesures que le Gouvernement envisage de prendre de concert avec les représentants des Aïnous en vue de l’élaboration d’un tel programme.

15.M. Thornberry prend note de la réticence de l’État partie à reconnaître aux habitants d’Okinawa le statut de peuple autochtone. Il convient de souligner, toutefois, que ces derniers ont une langue, une culture et une histoire qui leur sont propres et qu’ils ont joué un rôle politique très important au Japon avant 1879. Bien que la langue parlée par les Okinawais (CERD/C/JPN/CO/3-6, par. 21) ait été reconnue par l’UNESCO comme distincte du japonais, elle n’est pas enseignée dans les établissements scolaires publics de l’État partie. Une telle situation aurait certainement poussé de nombreux pays à considérer les habitants d’Okinawa comme constituant une minorité ethnique ou un peuple autochtone. Il serait intéressant de recevoir des informations supplémentaires sur la visite effectuée à Okinawa par le rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée.

16.S’agissant des étrangers vivant au Japon, M. Thornberry souhaite savoir en quoi consiste exactement le statut de «résident permanent spécial» (ibid., par. 16). Les résidents permanents spéciaux d’origine coréenne ou chinoise et les ressortissants japonais semblent être traités de manière sensiblement différente. Le rapporteur demande si un ensemble distinct de règles s’applique aux résidents d’origine coréenne ou chinoise qui diffère de celles applicables non seulement aux Japonais mais aussi aux autres ressortissants étrangers.

17.Le Comité a adopté la recommandation générale no 30 concernant la discrimination contre les non-ressortissants. Globalement, le Comité ne considère pas qu’une quelconque distinction doive être établie entre les ressortissants et les non-ressortissants en matière d’exercice des droits de l’homme. La politique la plus appropriée à l’égard des non-ressortissants consiste toujours à garantir que le cadre établi en matière de droits de l’homme soit aussi large que possible. Bien qu’en matière de droits politiques, une distinction puisse être établie entre les citoyens et les ressortissants étrangers, de nombreux pays permettent aux non-ressortissants de participer aux scrutins locaux. Il serait utile de savoir si de tels droits ont été accordés aux résidents permanents spéciaux (ibid., par. 21) ou à d’autres non-ressortissants vivant au Japon.

18.Un certain nombre de résidents permanents spéciaux ont choisi de ne pas demander leur naturalisation. Ces personnes sont soumises à un programme d’assimilation de fait dans le système éducatif japonais, notamment, puisque le pays accorde visiblement peu de droits aux droits des minorités ethniques dans les domaines de la langue, de l’identité ou de la culture. Une approche plus ouverte de la question des minorités ethniques pourrait peut-être encourager ceux qui veulent conserver leur identité à opter pour la citoyenneté japonaise.

19.En matière d’éducation, il serait intéressant de savoir comment le programme scolaire de base tient compte des minorités − qu’il s’agisse de ressortissants ou de non-ressortissants − en termes d’histoire, de culture et de langue. Le rapporteur souhaite savoir si les cours d’histoire mettent l’accent d’une quelconque manière sur la contribution des différents groupes ethniques à la construction du Japon. L’État doit instaurer un équilibre délicat entre son devoir de donner aux écoliers les moyens de réussir au sein de la société japonaise et l’obligation d’accorder la reconnaissance voulue à l’histoire, la culture et la langue des minorités ethniques vivant sur son territoire. M. Thornberry demande à la délégation japonaise de commenter les obstacles signalés en termes de financement et de taxation par les écoles non accréditées au Japon, en particulier les établissements scolaires fréquentés par les élèves d’ascendance japonaise originaires du Brésil et du Pérou. Il est difficile pour le Comité d’examiner de nombreuses autres questions relatives aux minorités au Japon dans les domaines de l’identité, de la langue et de la participation à la vie nationale en l’absence de données y relatives.

20.M. Thornberry souhaite obtenir des informations sur la situation spécifique des migrantes dans le pays à la lumière des allégations faisant état de l’hostilité manifestée à leur égard et des difficultés qu’elles rencontrent en matière d’accès aux services publics. Il semble que peu de statistiques soient disponibles sur ces questions. L’attention du Comité a été attirée sur un amendement à la loi sur le contrôle de l’immigration (ibid., par. 28) en vertu duquel les femmes − y compris les victimes de violence domestique − sont tenues de rester avec leur conjoint pendant une période prédéterminée sous peine de perdre leur statut de résidente. Le Comité ne s’intéresse à la question de la discrimination fondée sur le sexe que lorsqu’il considère que celle-ci comporte une dimension ethnique.

21.Plusieurs problèmes semblent exister dans le domaine de la détermination du statut de réfugié, tels que les différences culturelles, le manque d’informations libellées dans des langues autres que le japonais sur les procédures à suivre en la matière et les difficultés d’accès aux services publics. Il y a donc lieu de se féliciter de la mise en place d’un nouveau système de détermination du statut de réfugié (ibid., par. 28).

22.M. Thornberry accueille avec satisfaction l’information selon laquelle le Gouvernement envisage de créer une institution nationale de défense des droits de l’homme, en particulier compte tenu du fait que l’éventail de problèmes que cette instance sera amenée à traiter comprendra sur les sujets qu’il vient précisément d’évoquer. Il exprime l’espoir que cette institution permettra au Japon d’élargir la portée des efforts qu’il déploie pour protéger les droits des groupes concernés. Des informations sur toutes les mesures prises afin de donner effet à la Déclaration et au Programme d’action de Durban seraient bienvenues.

23.S’agissant des relations sociales en général, plusieurs éléments donnent à penser que l’interaction sociale entre les Japonais et les étrangers est difficile tant du point de vue de l’appartenance ethnique que de la citoyenneté. Plusieurs sources font ainsi état de violations du droit d’accès aux lieux destinés à l’usage du public (Convention, art. 5 f)), principe expressément mentionné à l’article 5 f) de la Convention. Selon l’expérience acquise par de nombreux pays, ce type d’attitude peut être contrecarré par la promulgation d’une loi prohibant spécifiquement certains motifs de refus d’accès aux lieux publics et prévoyant des sanctions à l’encontre des contrevenants ainsi que l’indemnisation des victimes.

24.Même si l’approche suivie par l’État partie à l’égard des déclarations inspirées par la haine respecte le droit à la liberté d’expression, elle n’en constitue pas moins un manquement à ses obligations. Le rapporteur suggère que l’État partie parachève ses obligations en matière de droits de l’homme en reconnaissant la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications émanant de personnes, comme le prévoit l’article 14 de la Convention (Convention, art. 14).

25.Le Japon est l’une des premières puissances économiques mondiales et un précurseur dans le domaine culturel dont les réalisations suscitent une grande admiration. Il importe que ce prestige soit en adéquation avec les progrès en matière de droits de l’homme, lesquels requièrent un engagement plus soutenu de la part du Gouvernement japonais.

26.M. Amir dit que le Japon est à la pointe des progrès techniques, scientifiques et de la recherche. Le pays a également un certain nombre de réalisations à son actif sur le plan humain. La nationalisation des terres rurales en vue de leur cession aux paysans pauvres dont la subsistance en dépend en est un exemple.

27.Comme l’indiquent le rapport périodique à l’examen et les rapports alternatifs des organisations non gouvernementales (ONG), le Japon connaît un certain nombre de problèmes dus à la discrimination à l’égard des groupes minoritaires autochtones et des étrangers. M. Amir souhaiterait obtenir des informations supplémentaires sur le contenu des programmes scolaires japonais de base. Il souhaite savoir s’ils reflètent l’histoire des relations du Japon avec les minorités autochtones et les pays voisins. Les excuses présentées par l’Australie et la Nouvelle-Zélande aux populations autochtones pour les erreurs du passé sont à cet égard exemplaires.

28.L’unité sociale et économique fondée sur l’égalité des droits pour tous donnera au Japon les moyens nécessaires de se moderniser davantage. Cette unité lui permettra de réaliser le même type d’avancées que celles effectuées dans les domaines scientifique et technologique. La recherche en sciences humaines et sociales permettra, quant à elle, d’éliminer progressivement la discrimination de sorte que le Japon pourra devenir un modèle aux niveaux multiculturel, économique et humanitaire.

29.M. Avtonomov accueille avec satisfaction les informations figurant dans le rapport périodique à l’examen concernant les décisions rendues par les tribunaux dans des affaires de discrimination raciale. Ces informations détaillées sont particulièrement utiles au Comité. L’expert salue les nombreuses nouvelles initiatives prises par le Gouvernement japonais pour lutter contre la discrimination raciale, dont le nouveau système de détermination du statut de réfugié. Ces initiatives font partie de la nouvelle approche suivie par le Japon eu égard à la situation internationale d’aujourd’hui.

30.Le projet de loi dont est actuellement saisi le Parlement qui vise à assurer une éducation aux enfants, indépendamment de leur origine ethnique, est une initiative louable. Certains ministres auraient cependant proposé d’exclure certains Coréens du champ d’application du texte en raison de l’état des relations diplomatiques entre le Japon et la République populaire démocratique de Corée. M. Avtonomov demande à la délégation japonaise de donner l’assurance qu’aucun amendement aussi discriminatoire ne sera retenu. Il se dit également préoccupé par le fait que certains Coréens qui résident au Japon ne puissent acquérir la nationalité japonaise et souhaite connaître les dispositions législatives spécifiques applicables en l’espèce.

31.Bien que de nombreux ressortissants chinois vivent au Japon, ils ne sont nulle part mentionnés dans le rapport à l’examen. Le Japon dispose-t-il d’une politique portant spécifiquement sur les ressortissants chinois?

32.M. Avtonomov souhaite savoir si les autorités japonaises envisagent de reconnaître les habitants d’Okinawa comme un groupe ethnique doté d’une identité linguistique et culturelle distincte du reste de la population.

33.M. Avtonomov prend note de la position de l’État partie concernant les Burakumin mais souligne que l’article premier de la Convention interdit notamment la discrimination fondéesurl’ascendanceetquelesBurakuminsedéfinissentenfonctiondeleurappartenance à une famille bien précise et pas uniquement de leur origine sociale. Il souhaite savoir si le Japon envisage d’abroger le système d’enregistrement des familles de cette communauté qui expose ses membres à la discrimination lorsque les informations qui y figurent sont portées à la connaissance de tiers. Les mesures spéciales d’action positive adoptées en leur faveur et qui ont été appliquées pendant trente-trois ans ont-elles atteint leurs objectifs?

34.M. Murillo  Martínez se félicite de la nouvelle conception qu’a l’actuel Gouvernement japonais de la voie que la société japonaise doit suivre. Il serait intéressant deconnaîtrel’impactpotentieldecettenouvelle approche sur le racisme et la discrimination raciale − termes que l’État partie semble réticent à utiliser − et sur la vie quotidienne des étrangers, notamment des membres de la communauté coréenne vivant au Japon. Il serait également utile d’en savoir plus sur la nouvelle politique japonaise en matière d’éducation dont l’objectif est d’intégrer les enfants de tous les groupes ethniques dans le système éducatif.

35.M. Murillo Martínez demande à la délégation japonaise d’indiquer s’il existe un mécanisme de surveillance des actes de racisme et de xénophobie, y compris sur l’Internet, et si des statistiques sont recueillies au sujet des victimes de tels actes.

36.Quelles mesures ont été prises pour veiller à ce que la future institution nationale de défense des droits de l’homme que les autorités envisagent de mettre en place soit établie conformément aux Principes de Paris?

37.M. Cali Tzay souhaite savoir combien de membres compte le Groupe consultatif de personnalités éminentes chargé des politiques en faveur des Aïnous. Si l’on en croit la délégation, le Gouvernement japonais a l’intention de susciter l’émergence d’un climat permettant au peuple aïnou d’être fier de son identité et de sauvegarder sa culture. Cela semble sous-entendre que les Aïnous ne sont pas actuellement fiers de leur identité.

38.Plusieurs ONG ont indiqué au Comité qu’une personnalité de haut rang a tenu des propos racistes concernant les immigrés et encouragé les stéréotypes discriminatoires contre certains d’entre eux. Quelles mesures l’État partie a-t-il prises en vertu des articles 2 1) a) et 4 de la Convention pour réprimer ce type de comportement?

39.À l’instar de M. Avtonomov, M. Cali Tzay condamne le fait que des ministres veuillent exclure les enfants coréens du champ d’application du projet de loi sur l’éducation actuellement soumis au Parlement japonais.

40.M. Cali Tzay demande également instamment à l’État partie d’accorder aux habitants d’Okinawa, qui ont subi des persécutions dans le passé en raison de leur histoire, de leur culture et de leur langue distinctes, le statut de peuple autochtone.

41.M me Dah relève, à la relecture du rapport initial et du deuxième rapport périodique du Japon (CERD/C.350/Add.2), que la situation concernant de nombreux aspects techniques demeure inchangée. L’un des éléments qui s’oppose à des changements rapides est lié au refus de l’État partie de retirer les réserves qu’il a formulées au sujet des dispositions normatives de la Convention. Elle espère sincèrement qu’elles seront retirées dans un avenir proche.

42.Les Aïnous ont été reconnus en tant que peuple autochtone et le Gouvernement japonais prend des mesures pour améliorer encore leur situation. Mme Dah estime cependant, à l’instar du rapporteur pour le pays, qu’une action plus vigoureuse est nécessaire pour assurer le respect de toutes les obligations contractées par le Japon en vertu d’instruments internationaux tels que la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et la Convention no 169 de l’OIT. Bien que les administrations locales jouissent, semble-t-il, d’une autonomie considérable, les autorités centrales sont tenues de fixer des orientations bien ciblées compte tenu de l’importance du sujet.

43.Il est essentiel de mettre fin à la stigmatisation du peuple buraku. Le Gouvernement japonais doit être prêt à consacrer du temps et de l’énergie à la réalisation des campagnes de sensibilisation requises.

44.L’État partie devrait également s’assurer que les immigrants qui ont choisi de rester dans le pays sont intégrés à la société et peuvent préserver leur identité. En particulier, ils ne devraient pas être tenus de changer de nom de famille.

45.Notant avec préoccupation que le Japon n’a pas encore ratifié l’amendement à l’article 8 de la Convention, Mme Dah se demande si l’État partie a des objections de principe à l’amendement de cet article.

46.M. de Gouttes se félicite vivement de la reconnaissance du peuple aïnou en tant que peuple autochtone. La question du statut des autres minorités a néanmoins été soulevée en 2008 par le Groupe de travail sur l’Examen périodique universel du Conseil des droits de l’homme (A/HRC/WG.6/2/JPN/2). En outre, le Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et d’intolérance qui y est associée a mis l’accent, dans son rapport de mission suite à sa visite dans le pays en 2005 (E/CN.4/2006/16/Add.2), sur la situation des Aïnous, des Burakumin et des habitants d’Okinawa ainsi que sur la situation des descendants de personnes originaires d’anciennes colonies japonaises, en particulier des Coréens et des Chinois et des migrants originaires d’autres pays asiatiques et du reste du monde (E/CN.4/2006/16/Add.2, p. 2). Le Comité souhaiterait savoir quelles mesures ont été prises pour protéger la langue et la culture de ces communautés et dispenser un enseignement approprié aux enfants qui en sont originaires.

47.Le résumé effectué par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme des communications de parties prenantes au Groupe de travail sur l’Examen périodiqueuniversel(A/HRC/WG.6/2/JPN/3)asoulignéquelesmembresdelacommunauté burakumin, qui sont décrits comme les descendants de communautés de parias de la période féodale dont les professions étaient considérées comme en relation avec la mort ou marquées par l’impureté rituelle, doivent être protégés. Même si les Burakumin ont été juridiquement affranchis avec l’abolition du système féodal de caste en 1871, un long passé de tabous et de mythes a fait qu’ils continuent d’être marginalisés (A/HRC/WG.6/2/JPN/3, par. 27). L’article premier de la Convention prohibe la discrimination fondée sur l’ascendance, et la recommandation générale no 29 du Comité traite de cette question. Quelle définition du peuple buraku le Gouvernement entend-il adopter et comment envisage-t-il de mettre fin à la discrimination dont ses membres sont victimes? La même question se pose à propos des Okinawais (ibid., par. 3).

48.Peu de progrès ont été accomplis depuis 2001 pour mettre en œuvre les dispositions de l’article 4 de la Convention qui exige des États parties qu’ils déclarent punissables par la loi les actes de racisme (Convention, art. 4). Le Japon n’a promulgué aucune nouvelle loi dans ce domaine alors que la Convention n’est pas directement applicable en droit interne en vertu du système dualiste en vigueur au Japon. L’État partie n’a pas retiré la réserve qu’il a formulée au sujet des alinéas a et b de l’article 4. Il invoque, à cet effet, le principe de la liberté d’expression alors que le Comité a clairement indiqué dans ses observations finales précédentes concernant le Japon et dans sa recommandation générale no 15 que les prescriptions de l’article 4 sont impératives (HRI/GEN/1/Rev.8, recommandation 15, par. 2) et que l’interdiction de la diffusion de toute idée fondée sur la supériorité ou la haine raciale est compatible avec le droit à la liberté d’expression (ibid., par. 4).

49.M. de Gouttes dit que les paragraphes 66 et 68 du rapport périodique à l’examen donnent des informations sur les décisions prononcées dans des cas de procès portant sur la discrimination raciale et que le paragraphe 71 évoque des plaintes qui ont fait l’objet d’une enquête par l’organe de protection des droits de l’homme du Ministère de la justice (CERD/C/JPN/3-6, par. 71). Or, la plupart des jugements et décisions rendus dans ce cadre ont rejeté les plaintes initiales, ce qui montre que les forces de l’ordre et les magistrats doivent être davantage conscients du racisme et de la discrimination raciale.

50.Selon les informations communiquées par plusieurs ONG, la Cour suprême a refusé d’autoriser des experts, dans le règlement de différends familiaux et autres à intervenir en tant que médiateurs au nom de ressortissants étrangers. M. de Gouttes souhaite savoir sur quel argument la Cour s’est fondée pour parvenir à cette décision.

51.M. Huang Yong’an dit que bien que le Japon soit un pays industrialisé et une grande puissance économique, ses habitants ont conservé leur mode de vie. Les principaux groupes minoritaires sont les immigrés, en particulier les personnes originaires de pays asiatiques voisins, et il ne fait aucun doute que la société japonaise a des préjugés raciaux, par exemple à l’égard des personnes originaires des anciennes colonies du pays. Pour des raisons historiques, les Coréens et les personnes originaires de Taiwan et d’autres pays asiatiques se sont installés au Japon au cours de la première moitié du XXe siècle. Bien que la plupart d’entre eux soient devenus citoyens japonais, ils sont nombreux à avoir du mal à s’intégrer dans la société japonaise. On observe une tendance, essentiellement chez les Japonais d’un certain âge, à mépriser ces personnes. Bien qu’elles aient apporté une contribution précieuse à l’industrialisation du pays et aient droit aux mêmes droits que les autres ressortissants japonais, elles sont victimes de discrimination dans l’emploi, l’éducation et la vie sociale. Citant l’article 4 de la Convention, l’expert demande instamment à l’État partie d’adopter une loi globale en vue d’éliminer la discrimination dont elles font l’objet aux plans administratif et juridique. Bien que le Japon ait émis des réserves aux alinéas a et b de l’article 4 de la Convention, il est à supposer que le pays souscrit aux principes fondamentaux qui y sont énoncés.

52.Le Comité a reçu des informations alléguant que des politiciens et des fonctionnaires japonais ont tenu des propos incitant à la discrimination. Les partisans des politiques d’extrême droite ont stigmatisé les immigrés en les désignant comme «une bande de voleurs ou des fauteurs de troubles». M. Huang Yong’an suggère que le Gouvernement japonais organise un séminaire sur les droits de l’homme à l’intention de ces politiciens et des agents de la fonction publique et prenne des mesures pour éradiquer les attitudes coloniales profondément ancrées dans la mentalité de ces personnes.

53.M. Huang Yong’an félicite par ailleurs chaleureusement le Gouvernement japonais des efforts qu’il déploie en matière de promotion des droits de l’homme, en particulier les nouvelles mesures prises pour éliminer la discrimination raciale évoquées par la délégation japonaise.

54.M. Diaconu dit que bien que les Aïnous soient reconnus en tant que communauté autochtone, certaines informations font valoir qu’ils ne seraient pas autorisés à pêcher dans les eaux intérieures du pays, que cela n’était pas le cas jusqu’à présent et que d’autres personnes y seraient autorisées. Il aimerait recevoir des explications de la part de la délégation sur ce point. Attendu qu’il semble que le peuple ryukyu d’Okinawa parle un dialecte ou une langue distincts, l’expert ne comprend pas pourquoi ce peuple n’est pas considéré comme autochtone.

55.Bien que le Comité ait noté que les problèmes rencontrés par le peuple buraku ne sont pas liés à la race, M. Diaconu juge la position de l’État partie intenable en l’espèce puisqu’il n’a pas émis de réserve à l’article premier de la Convention qui fait clairement référence à l’ascendance. Il souhaite obtenir des précisions sur le point de savoir si le système d’enregistrement des Burakumin a toujours cours, rappelant que des systèmes de cet ordre ont été utilisés par le passé pour justifier que certaines personnes n’aient pas l’accès à l’emploi ou aux lieux publics. Il souhaite savoir pourquoi les mesures adoptées en vue d’améliorer la situation des Buraku n’ont pas été mises en œuvre depuis 2002. Il serait intéressant de connaître la position de l’État partie au sujet de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et de savoir s’il a l’intention de ratifier la Convention no 169 de l’OIT.

56.M. Diaconu demande si le Gouvernement japonais envisage de permettre aux résidents coréens qui ont été déchus de la nationalité japonaise aux termes du Traité de paix de San Francisco de 1952 de la réacquérir, d’autant que beaucoup d’entre eux se sont établis au Japon dès la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il serait intéressant de savoir si des résidents coréens ont demandé la nationalité japonaise. Il souhaite savoir si les élèves diplômés par des établissements d’enseignement nord-coréens ou sud-coréens autres que de l’école coréenne de Tokyo (CERD/C/JPN/3-6, par. 25) sont habilités à entrer à l’université. L’État partie devrait veiller à ce que des mesures efficaces d’éducation et de sensibilisation soient prises pour éviter que le harcèlement et les abus subis par les étudiants coréens après qu’il a été signalé que la Corée du Nord avait lancé des missiles en 2006 ne se reproduisent. M. Diaconu s’interroge sur le point de savoir pourquoi les écoles nord-coréennes qui dispensent un enseignement dans l’État partie ne peuvent pas bénéficier des avantages fiscaux spéciaux accordés aux autres établissements scolaires, notamment aux écoles internationales.

57.Il serait utile de savoir pourquoi l’État partie n’accueille que les réfugiés en provenance du Cambodge, du Laos, du Myanmar et du Viet Nam, en particulier compte tenu du fait qu’il a ratifié la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés.

58.Soulignant que la réserve émise par l’État partie au sujet des alinéas a et b de l’article 4 de la Convention indique que le Japon s’acquitte des obligations découlant desdits alinéas dans la mesure où elles sont compatibles avec les droits garantis par la Constitution japonaise (CERD/C/350/Add.2, par. 72), M. Diaconu s’interroge sur le point de savoir dans quelle mesure l’article en question est effectivement mis en œuvre. Les rapports périodiques de l’État partie montrent que tous les éléments figurant à l’article 4 de la Convention ont été transposés en droit interne, à l’exception de la motivation raciale. Il souhaite savoir si le Gouvernement japonais a l’intention d’exclure la motivation raciale de son système de justice pénale. Si tel est le cas, cette position serait difficilement compréhensible, en particulier au vu des jugements rendus dans le cadre des affaires citées au paragraphe 66 du rapport à l’examen.

59.M. Diaconu souhaite savoir s’il existe des écoles chinoises dans l’État partie et dans l’affirmative si une différence existe entre les établissements taiwanais et les établissements de Chine continentale. Il serait intéressant de disposer de davantage d’informations sur leur statut.

60.M. Peter dit que compte tenu du fait que l’État partie est souvent cité comme exemple de bonne pratique, il est décevant de constater qu’il n’a pas instauré d’institution nationale de défense des droits de l’homme. Compte tenu des changements fondamentaux qui semblent être effectués lors de chaque changement de gouvernement, il souhaite savoir si le Gouvernement en place a fixé une date butoir en vue de la création d’une telle instance.

61.Il serait intéressant de savoir si la raison pour laquelle l’État partie a signé et ratifié si peu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme est qu’il souhaite décourager toute interaction avec la communauté internationale. Cela semblerait incongru au regard de l’approche enthousiaste manifesté par l’État partie dans le domaine du commerce international.

62.Compte tenu du fait que les instruments juridiques internationaux sont automatiquement transposés en droit interne une fois ratifiés par l’État partie, M. Peter souhaite savoir pourquoi les justiciables ne peuvent pas en invoquer les dispositions devant les tribunaux du pays.

63.M. Peter souhaite savoir si l’État partie a l’intention de faire la déclaration prévue à l’article 14 de la Convention aux fins de reconnaître la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications émanant de personnes ou de groupes de personnes relevant de sa juridiction (art. 4.1).

64.M. Ewomsan, tout en admirant l’aptitude de l’État partie à conjuguer développement économique et fort sentiment d’appartenance à la culture et à la tradition japonaises, est néanmoins surpris par les conséquences de la stratification sociale sur les Burakumin. Il souhaite connaître quelles mesures l’État partie envisage de prendre pour améliorer la situation de cette communauté et éliminer la discrimination dont ses membres sont victimes.

65.M. Lindgren Alves souhaite recevoir des informations supplémentaires sur le peuple buraku, et en particulier savoir pourquoi il continue d’être victime de certaines formes de discrimination raciale.

66.M me Shino (Japon) dit que son Gouvernement a demandé que la question de la déclaration prévue à l’article 14 de la Convention fasse l’objet d’un examen prioritaire. Une étude est actuellement menée sur le sujet.

La séance est levée à 18 heures.