Nations Unies

CERD/C/SR.2099

Convention internationale sur l’ élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr.générale

6 décembre 2012

Français

Original: anglais

Comité pour l’ élimination de la discrimination raciale

Soixante-d ix-neuvième session

Compte rendu analytique d e la première partie (publique)*de la 2 099 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le lundi 15 août 2011, à 10 heures

Président:M. Kemal

Sommaire

Réunion informelle avec des représentants d’organisations non gouvernementales

Renseignements concernant les quatrième et cinquième rapports périodiques de la Géorgie

Renseignements concernant les dix-neuvième à vingt et unième rapports périodiques de l’Ukraine

La séance est ouverte à 10 h 15.

Réunion informelle avec des représentants d’organisations non gouvernementales

Renseignements concernant les quatrième et cinquième rapports périodiques de la Géorgie (CERD/C/GEO/4-5)

1.M. Devdariani (Agence pour le développement civil) dit que l’organisation qu’il représente est l’une des principales ONG de défense des droits des personnes défavorisées en Géorgie. Créée en 2002 dans la région de Kvemo Kartli, son action s’étend sur l’ensemble de la Géorgie orientale. Son travail est focalisé sur l’intégration dans la communauté des personnes déplacées, des minorités ethniques et des autres groupes marginalisés. Elle promeut également les activités d’autosuffisance en encourageant la tolérance et l’intégration, la mobilisation communautaire, le développement économique et le renforcement des capacités, et elle soutient les populations locales par des actions de sensibilisation en faveur de la participation citoyenne, la création de réseaux entre les organisations de la société civile, la formation du secteur public et le développement des médias indépendants.

2.En 2011, cette organisation a créé des groupes régionaux de travail sur l’intégration civile et des réseaux pluriethniques visant à instaurer un climat de confiance, réunissant des représentants d’organisations locales de la société civile, des personnalités et des représentants des collectivités locales. Ces entités ont également supervisé la mise en œuvre du Concept national et du plan d’action pour la tolérance et l’intégration civile (2009‑2014).

3.Le rapport présenté au Comité par l’organisation est basé sur une enquête réalisée dans le cadre du Réseau pluriethnique visant à instaurer un climat de confiance soutenu par le Programme des Nations Unies pour le développement. Il contient des renseignements essentiels sur les régions de Kvemo kartli et Samtskhe Javakheti, où les minorités ethniques sont fortement représentées.

4.M. Devdariani se félicite des modifications récemment apportées au Code civil géorgien concernant le statut des organisations religieuses, qui peuvent désormais être enregistrée en tant que personnes morales de droit privé à but non lucratif ou en tant qu’organisme de droit public.

5.À propos de l’enseignement de la langue officielle, le géorgien, et de l’accès à l’éducation, il considère que l’État a mis en œuvre plusieurs réformes importantes, parmi lesquelles la création de «Maisons des langues» dans les régions habitées par les minorités nationales, l’introduction d’un enseignement bilingue dans les établissements scolaires publics, la traduction de manuels scolaires dans les langues des minorités, la modification de la législation sur l’enseignement pour introduire des quotas minimums réservés aux membres des minorités nationales dans les universités et l’introduction de tests d’aptitude dans les langues minoritaires pour encourager l’inscription des membres des minorités nationales dans les établissements d’enseignement supérieur.

6.Des enquêtes réalisées par l’organisation représentée par M. Devdariani ont montré dernièrement que la proportion d’étudiants membres des minorités nationales parlant le géorgien était d’environ 10 % supérieure à celle enregistrée en 2009. Cependant, 80 % des personnes interrogées ont estimé que des cours de langues seraient encore nécessaires, en particulier en milieu rural. La quantité de Maisons des langues devrait clairement augmenter et celles existantes devraient offrir des services plus diversifiés. Une enquête récente a révélé que 27,3 % des personnes interrogées, et notamment les représentants des minorités nationales, n’avaient pas entendu parler des modifications apportées à la législation sur l’enseignement. Si 48,3 % des non-Géorgiens interrogés avaient estimé que ces modifications étaient utiles, seulement 30 % des Géorgiens partageaient leur avis. Aussi, il conviendrait de conduire une campagne de sensibilisation plus active pour mettre en lumière l’importance de ces modifications.

7.Le manque de maîtrise du géorgien entrave sérieusement l’intégration des minorités nationales. L’obstacle linguistique nuit à la participation à la vie sociale et politique, à l’accès à l’emploi, aux chances d’être élu ou nommé à un poste dans la fonction publique, mais aussi d’accéder à l’information concernant la situation du pays.

8.Près des deux tiers de la population non géorgienne de Samtskhe Javakheti reçoivent leurs informations en russe et en arménien. Plus d’un quart de la population non géorgienne de Kvemo Kartli est informé en russe, et plus de la moitié, en azerbaïdjanais. Bien que le service audiovisuel public ait conclu des accords contractuels avec des chaînes de télévision régionales et qu’il ait élaboré plusieurs émissions en arménien, azerbaïdjanais, ossète et abkhaze à l’intention des minorités nationales, des problèmes techniques empêchent le service d’émettre dans l’ensemble de la Géorgie, les journaux télévisés en langues minoritaires ne sont pas diffusés aux heures de grande audience et les chaînes de télévision régionales ne sont pas populaires parce que leur qualité est médiocre. Ces lacunes nuisent au processus d’intégration des minorités nationales.

9.Deux projets infrastructurels majeurs ont récemment été mis en œuvre. Le «projet de soutien aux villages» et le «projet de développement des municipalités» sont focalisés sur la réhabilitation des routes, l’amélioration de l'approvisionnement en eau potable et du système d’irrigation, et sur la rénovation des centres culturels, des salles de musique et des bibliothèques. Cependant, les minorités nationales continuent de considérer leurs besoins d’infrastructures comme pressants. Selon les résultats d’une enquête conduite par l’organisation représentée par M. Devdariani, l’approvisionnement en eau potable était problématique pour 30,7 % des personnes interrogées à Kvemo Kartli et l’approvisionnement en gaz naturel posait problème pour 34,8 % des sondés.

10.Pas moins de 70 % des personnes sondées dans les deux régions concernées par l’enquête ont estimé que l’accès à l’emploi constituait le problème le plus sérieux. Les autres domaines de préoccupation étaient l’accès aux soins de santé et à l’éducation.

11.Le Gouvernement devrait amplifier ses efforts en vue de répondre aux besoins des minorités nationales. Il est essentiel de disposer d’infrastructures solides pour assurer leur intégration, mais aussi pour améliorer la situation économique dans les régions où les minorités nationales sont fortement représentées.

12.Cependant, M. Devdariani souligne l’attitude positive des minorités nationales à l’égard de la Géorgie. Selon les résultats de l’enquête réalisée par l’organisation qu’il représente, 75 % des membres des minorités nationales sondés ont désigné la Géorgie comme étant leur patrie et environ 90 % ont indiqué que leurs projets d’avenir étaient liés à la Géorgie.

13.M. Dzhussoev (Association internationale des organisations ossètes «Renaissance») dit que dans son rapport périodique au Comité, la Géorgie se présente comme un pays diversifié sur le plan ethnique, culturel, linguistique et religieux. La Constitution garantit les droits des personnes appartenant à des minorités nationales et interdit la discrimination, y compris la discrimination fondée sur l’appartenance ethnique ou religieuse. Cependant, après la «révolution des roses», la pleine intégration de toutes les minorités ethniques en Géorgie reste une entreprise difficile pour le gouvernement actuel.

14.Dans son projet de résolution sur l’application par la Géorgie de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, le Conseil des ministres du Conseil de l’Europe a noté que le principal problème auquel les pouvoirs publics étaient confrontés consiste à garantir les droits linguistiques des minorités nationales. Les autorités géorgiennes tentent de dispenser l’éducation en géorgien aux minorités nationales, mais leurs efforts sont clairement en-deçà des besoins existants.

15.M. Dzhussoev dit que la participation des minorités nationales à la vie culturelle, sociale, économique et sociopolitique est limitée et que les répercussions de l’aggravation des tensions interconfessionnelles sur la situation sont préoccupantes.

16.Des informations font état d’actes de torture, de traitements inhumains, de détention arbitraire et d’usage excessif de la force imputés aux forces de l’ordre et notamment dirigés contre les minorités nationales.

17.Lors de son entrée au Conseil de l’Europe en 1999, la Géorgie s’est engagée à adopter une loi sur le rapatriement des Turcs meskhètes dans un délai de deux ans. Aux termes de cette loi, ces personnes devaient pouvoir accéder à la citoyenneté géorgienne et des mesures devaient être prises pour permettre leur retour dans les dix années suivantes (c’est-à-dire avant la fin 2011). Le 1er janvier 2008, une loi sur le rapatriement des personnes déportées de force de la République socialiste soviétique de Géorgie par l’ex-URSS au cours des années 1940 du XXe siècle est entrée en vigueur. Elle s’applique aux personnes déportées de Géorgie en vertu d’une résolution adoptée le 31 juillet 1944 par le Comité d’État à la défense de l’Union soviétique, ainsi qu’à leurs descendants directs qui sont en mesure de produire des preuves documentaires de leur déportation. Pour que les conjoints et enfants mineurs des intéressés puissent se prévaloir de ces dispositions, ces derniers doivent en faire la demande en leur nom. La loi ne mentionne pas l’appartenance ethnique des personnes susceptibles d’être rapatriées. Elle est de caractère déclaratoire à bien des égards et n’offre ni incitations ni garanties réelles. Les pouvoirs publics ne s’engagent pas à fournir un logement, un emploi ou une assistance matérielle aux personnes rapatriées, et le processus du retour est compliqué par des restrictions et des conditions bureaucratiques. Les délais stricts initialement impartis (les demandes devaient être soumises avant le 31 décembre 2008) ont été prolongés par trois fois sous la pression d’organisations internationales et d’ONG meskhètes. Le dernier délai a été fixé au 1er mai 2010. Les demandeurs ont aussi eu du mal à fournir à leur ambassade de Géorgie des documents certifiés par un notaire libellés en géorgien ou en anglais et à réussir un test portant sur la langue, l’histoire et la constitution géorgiennes. De surcroît, les demandeurs étaient tenus de renoncer à la citoyenneté dont ils étaient déjà titulaires, sans aucune garantie d’obtenir la citoyenneté géorgienne, accordée à titre individuel sur décret présidentiel.

18.En juillet 2010, le président de l’ONG meskhète Vatan, Süleyman Barabakadze, venu en Géorgie pour traiter des questions liées au rapatriement, a été arrêté et emprisonné sous prétexte d’une affaire de fraude, inventée de toutes pièces. Son fils et la direction de l’ONG Vatan ont adressé des appels au Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme et au Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, mais en vain. En janvier 2011, Süleyman Barbakadze a été condamné à 11 ans de prison et une lourde amende.

19.Forte d’environ 300 000 membres, la minorité nationale azerbaïdjanaise est la plus nombreuse de Géorgie. Elle fait l’objet d’une discrimination délibérée de la part des autorités géorgiennes. Le nombre d’établissements secondaires azerbaïdjanais a été systématiquement réduit dans la région de Kvemo Kartli, et les employeurs accordent la priorité aux Géorgiens de souche. Des incidents qui se sont produits en décembre 2004 et mars 2006 ont également donné lieu à des tensions interethniques.

20.La direction géorgienne continue de reporter toute décision visant à régler le problème du financement des régions azerbaïdjanaises, ce qui a des conséquences extrêmement négatives pour leur développement économique et social. La quasi-totalité des terres arables de Kvemo Kartli ont été attribuées à des fermiers géorgiens et seulement une petite portion, à des résidents azerbaïdjanais.

21.La loi sur le patrimoine culturel, qui soumet les habitants du quartier historique de Tbilissi à un impôt supplémentaire, porte atteinte aux droits des Azerbaïdjanais de souche, qui sont nombreux à y vivre et qui, pour la plupart, appartiennent aux couches sociales défavorisées. Des représentants de la communauté azerbaïdjanaise affirment que ces pressions économiques ont pour but de faire partir les Azerbaïdjanais de la capitale.

22.Une mesure anti-azerbaïdjanaise récente ayant suscité une vive réaction est la publication d’une carte sur un site Internet officiel sur laquelle les villages azerbaïdjanais ont reçu des noms géorgiens. Les villages concernés, 5 à Marneuli et 12 à Tsalka, sont tous situés dans la région de Kvemo Kartli (Borchali en azerbaïdjanais). Depuis les années 1990, quelque 38 localités ont été renommées. De tels actes heurtent la sensibilité nationale de la population locale, sapent l’autorité de la direction géorgienne et encouragent la réinstallation en Azerbaïdjan.

23.Selon les données officielles, la communauté arménienne de Géorgie compte 246 000 habitants. Cependant, l’émigration vers la Fédération de Russie, la Grèce et d’autres pays européens est importante, ce qui s’explique surtout par les difficultés socioéconomiques et le chômage que connaît la Géorgie. La plupart des membres de l’intelligentsia et des forces vives de la communauté ont fui le pays dans les années 1990.

24.Un système éducatif bilingue a été introduit sur décision du Gouvernement géorgien. Les élèves arméniens reçoivent l’enseignement de toutes les matières scolaires dans leur langue maternelle, mais uniquement en cycle primaire. Les matières étudiées au cours des cycles suivants, comme la chimie, la physique et les mathématiques, sont enseignées en Géorgien. L’histoire de l’Arménie est enseignée en arménien.

25.Dans la région à population arménienne de Samtskhe Dzhavakheti (Dzhavakh en arménien), la situation socioéconomique est désastreuse. Environ 40 % de la population est forcée d’émigrer vers la Fédération de Russie en hiver pour gagner sa vie. Des Géorgiens sont nommés à la plupart des postes dans les organes de l’administration locale.

26.En janvier 2009, le directeur du Centre de jeunes d’Akhaltsikhe, Grigor Minazyan, et le président de la Fondation «Aznavour pour l’Arménie», Sargis Akopdzhanyan ont été arrêtés par les autorités géorgiennes et accusés d’activités séparatistes et d’espionnage. Ces actes ont été unanimement condamnés par les organisations publiques arméniennes, tant en Géorgie qu’en Arménie (y compris au niveau parlementaire). En juin 2009, des gardes frontière géorgiens ont empêché Shirak Torosyan, un membre de l’Assemblée nationale arménienne également Président de l’union des expatriés de Dzhavakh, d’entrer en Géorgie.

27.Comme la Géorgie ne dispose d’aucune loi sur les religions, l’Église apostolique d’Arménie n’a pas de statut officiel. Comme la propriété des églises arméniennes de Surb Gevorg (Norashen) et Echmiadzin à Tbilissi ne repose sur aucun acte écrit, elles sont revendiquées par l’Église orthodoxe de Géorgie.

28.Entre 1990 et 1992, plus de 100 000 Ossètes ont fui des opérations de nettoyage ethnique en Géorgie. Neuf villages de la gorge de Gidzhareti, ainsi que Sakavre, Pitsesi et d’autres villages des districts de Gori et Kareli sont désormais entièrement dépeuplés.

29.Selon le dernier recensement démographique réalisé par l’Union soviétique en 1989, quelque 126 000 Ossètes vivaient alors en République socialiste soviétique de Géorgie, sans compter les habitants de la Région autonome d’Ossétie du Sud. Selon le recensement démographique conduit en Géorgie en 2002, le pays ne comptait que 36 000 habitants ossètes. La plupart des autres ont cherché refuge en Fédération de Russie et certains sont des réfugiés en République d’Ossétie du Sud. L’immense majorité est encore déplacée.

30.Des dizaines de milliers de descendants de réfugiés ossètes d’Ossétie du Sud ayant survécu au massacre commis par les troupes de la République démocratique de Géorgie en 1920 vivent en République d’Ossétie du Nord-Alanie, dans la Fédération de Russie. Leurs biens ne leur ont pas été restitués, ils n’ont pas été dédommagés de leurs pertes et les préjudices subis n’ont pas été évalués. La loi sur la réhabilitation et la restitution de propriétés des victimes du conflit armé dans l’ancien district autonome d’Ossétie du Sud sur le territoire de la Géorgie, abondamment décriée aussi bien par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés que par la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), est restée lettre morte. Aucun Ossète n’a pu obtenir gain de cause dans une action en restitution engagée devant les tribunaux géorgiens.

31.En 2011, la délégation géorgienne à la soixante-cinquième session de l’Assemblée générale a présenté pour la quatrième fois un projet de résolution intitulé «Statut des personnes déplacées en Abkhazie (Géorgie) et dans la Région de Tskhinvali, en Ossétie du Sud (Géorgie)». Ce document concerne les Géorgiens de souche déplacés lorsque l’armée géorgienne a attaqué l’Ossétie du Sud. M. Dzhussoev demande comment plus de cinquante délégations auraient pu voter en faveur d’un projet de résolution injuste privant les Ossètes de droits qui sont proclamés en faveur des Géorgiens. Une résolution affirmant les droits de la Géorgie sur les territoires d’autres États ne servirait qu’à exacerber les tensions existantes. Comme la Géorgie a refusé catégoriquement de signer des accords de paix avec l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie, de sorte que persiste la menace d’une nouvelle attaque géorgienne, évoquer le retour des réfugiés ayant fui la guerre ressemble à une tentative de manipulation de pauvres gens devenus otages d’intérêts politiques.

32.La population ossète de Géorgie, qui a considérablement diminué du fait des expulsions massives de 1991 à 1992, continue de subir une discrimination. La plupart des établissements scolaires ossètes ont été fermés. Les habitants du village de Bolkvi, dans le district de Lagodekhi sont ossètes; ils avaient autrefois accès à un établissement scolaire russe, dans lequel l’ossète était également enseigné. Les élèves pouvaient poursuivre leurs études dans l’établissement d’enseignement secondaire du village d’Areshperan, où l’éducation était également dispensée en russe. L’établissement scolaire d’Areshperan a été rénové, converti en établissement géorgien et il a rouvert en 2011, lors d’une cérémonie d’inauguration tenue en présence du Président Saakachvili. L’école de Bolkvi a été fermée sous prétexte qu’une rénovation des locaux s’imposait. Sept des treize enseignants de cet établissement ont été recrutés par l’établissement scolaire d’Areshperan, mais leur salaire a été réduit de plus de moitié. Les travaux à l’école de Bolkvi n’ont jamais commencé. Les enfants ayant reçu l’instruction en russe et qui ne parlaient pas géorgien ont été tenus de poursuivre leur scolarité en géorgien. La situation sociale et humanitaire difficile est aggravée par le fait qu’à Bolkvi, il n’y a plus de crèche, de centre médical ou de terrain de sport en fonctionnement depuis plusieurs années. Les nombreux appels lancés par la population locale aux institutions publiques et les efforts du député Guram Kakalachvili, sont demeurés vains.

33.En 2007, à la demande du président de l’Union du peuple ossète en Géorgie, Merab Gazzachvili, le Ministère de l’éducation de la République d’Ossétie du Sud a fourni des manuels scolaires en ossète destinés aux enfants ossètes vivant en Géorgie. Cette initiative était coordonnée par le Ministère de l’éducation géorgien et les directeurs d’établissements scolaires géorgiens, mais dans la ville de Gory, le Ministère de l’intérieur géorgien a confisqué les manuels. L’Ossétie du Sud a attiré l’attention des autorités géorgiennes et de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) sur ces faits avec insistance, mais toutes les instances officielles sont demeurées sourdes à ces appels.

34.En 2005, le Parlement géorgien a ratifié la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, en émettant plusieurs réserves. En particulier, il a souligné qu’il était impossible de garantir la pleine application de la Convention-cadre tant que l’intégrité territoriale de la Géorgie ne serait pas rétablie. Tout en prenant note du fait que l’État est tenu de fournir aux minorités nationales les moyens d’apprendre la langue officielle, le Parlement n’a pas reconnu que l’État s’était engagé à soutenir et promouvoir les langues des minorités nationales. De plus, le Parlement continue de retarder la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires.

35.M. Avtonomov demande si les noms géorgiens donnés aux villages azerbaïdjanais correspondent à une modification de leur nom officiel ou si seule leur désignation sur la carte a changé.

36.Il demande des renseignements sur le statut officiel des établissements scolaires azerbaïdjanais.

37.M. Sanakoev (Association internationale des organisations ossètes «Renaissance») dit que la population locale continue d’employer les noms azerbaïdjanais d’origine de ces villages. La politique officielle consiste à adopter progressivement les noms géorgiens. Il importe de s’assurer que tout changement de toponyme s’effectue avec l’accord des populations locales.

38.Les programmes scolaires destinés à l’éducation des minorités ne sont pas aussi dynamiques que ce qui est prétendu. Aucune information spécifique sur le nombre d’établissements scolaires et sur l’emploi de l’azerbaïdjanais n’est disponible.

39.M. Devdariani (Agence pour le développement civil) dit que la Géorgie compte plus de 2 000 établissements scolaires, dont 350 non géorgiens. Parmi ceux-ci se trouvent 89 établissements azerbaïdjanais, 9 russes et 133 établissements mixtes, dans lesquels l’enseignement est bilingue.

40.Le Ministère de l’éducation et des sciences poursuit ses réformes. L’une des mesures concerne la distribution de livres d’histoire et de géographie géorgiennes, rédigés en géorgien et dans des langues des minorités comme le russe, l’arménien et l’azerbaïdjanais.

41.La Géorgie dispose d’une école qui offre des cours annuels de géorgien aux membres des minorités nationales employés par l’État. Entre 2006 et 2009, quelque 100 élèves azerbaïdjanais et 100 élèves arméniens y ont reçu une formation.

42.Récemment, la Géorgie a fermé un certain nombre d’établissements scolaires de tous types dans le cadre d’un programme d’optimisation du système scolaire. Cependant, le Ministère de l’éducation appuie un programme de protection des langues minoritaires faisant intervenir le financement d’établissements ossètes.

43.Le principal problème affectant tous les établissements scolaires de Géorgie est le manque d’enseignants qualifiés. Il est aussi extrêmement difficile de faire traduire les manuels scolaires.

44.La question des villages azerbaïdjanais ayant reçu des noms géorgiens a été soulevée dans le rapport présenté au Comité par le Groupe de surveillance des droits des minorités nationales, rapport qui contient une liste d’environ 40 villages concernés. M. Devdariani dit qu’il ne sait pas si les habitants ont convenu de ces modifications.

45.M. Sanakoev (Association internationale des organisations ossètes «Renaissance») dit que les problèmes linguistiques examinés existent depuis longtemps. Si l’introduction des réformes continue de traîner en longueur pendant des décennies, le nombre de locuteurs des langues minoritaires va diminuer, parce qu’ils vont continuer d’émigrer, précisément en raison du manque d’opportunité d’étudier dans leur propre langue.

46.M. Diaconu (Rapporteur pour la Géorgie) fait observer que la réunion n’est pas le lieu approprié pour engager un dialogue entre ONG. Les organisations non gouvernementales sont là pour faire rapport au Comité et répondre aux questions.

47.Le géorgien est la langue officielle de l’État. Beaucoup reste à faire en matière d’enseignement du géorgien, mais il ne fait pas de doute que les minorités doivent l’apprendre, en tant que deuxième langue, pour pouvoir exercer leurs droits politiques et accéder à l’enseignement supérieur.

48.Le fait que des villages azerbaïdjanais aient reçu des noms géorgiens sur un site Internet officiel pourrait être peu significatif; ce qui compte, c’est la situation sur le terrain. Le Rapporteur souhaiterait savoir à quelle communauté appartient la majorité des habitants des villages concernés et si la possibilité de placer des panneaux de signalisation bilingues a été examinée.

49.Le Rapporteur accueillerait avec intérêt toute information sur le nombre d’Ossètes se trouvant actuellement sur le territoire sous contrôle de l’État géorgien et sur leur situation.

50.M me Crickley se dit préoccupée par la possibilité que les situations décrites puissent dissimuler des éléments de discrimination raciale. Elle demande si les ONG présentes pourraient fournir des informations sur la discrimination dont sont victimes les Roms; cette question a été soulevée dans les observations finales relatives au précédent rapport périodique de la Géorgie (CERD/C/GEO/CO/3).

51.Mme Crickley demande un complément d’information sur la discrimination raciale dont sont victimes les femmes issues des minorités.

52.M. de Gouttes demande des précisions sur les informations contenues dans un rapport publié en 2010 par la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance, qui font état d’une augmentation inquiétante des actes de discrimination et de racisme en Géorgie depuis le conflit armé de 2008, et notamment des propos et stéréotypes xénophobes dirigés contre les groupes minoritaires par les politiciens et les médias.

53.M. Sanakoev (Association internationale des organisations ossètes «Renaissance») dit qu’en Géorgie, on dénombre actuellement environ 33 000 Ossètes. Cependant, leur exode se poursuit, et même s’il n’est pas aussi important qu’en 2008, il concerne de nombreux jeunes ossètes qui ne veulent pas servir dans les rangs d’une armée susceptible d’attaquer de nouveau la République d’Ossétie du Sud.

54.Toutes les informations disponibles sont contenues dans le rapport alternatif, qui ne couvre que la période antérieure à 2008, vu les difficultés actuellement rencontrées pour contacter les organisations à l’intérieur de la Géorgie.

55.M. Devdariani (Agence pour le développement civil) reconnaît que par le passé, il y a eu des difficultés avec les manuels scolaires en langues des minorités, mais il note que le Ministère de l’éducation a adopté une nouvelle stratégie en matière d’éducation linguistique dans les établissements scolaires destinés aux minorités nationales, qui passe notamment par la distribution de nouveaux manuels scolaires conformes aux normes nationales et internationales.

56.Les panneaux de signalisation sont actuellement en géorgien et en anglais, mais pas en langues des minorités.

57.On dénombre environ 1 000 Roms en Géorgie. Beaucoup ne sont pas enregistrés et ne possèdent pas de documents d’identité, et bien que des organisations internationales œuvrent à l’amélioration de leur intégration sociale et économique, ces efforts seront inefficaces tant que la question de l’enregistrement de l’état civil ne sera pas réglée.

58.La propagande xénophobe existe en Géorgie mais elle n’est pas répandue. Des politiciens et d’autres personnalités ont fait des observations de nature xénophobe, mais ils ont été sévèrement réprimandés par le Bureau du médiateur. La loi géorgienne contient des dispositions concrètes permettant de réprimer les actes de xénophobie.

Renseignements concernant les dix-neuvième à vingt et unième rapports périodiques de l’Ukraine (CERD/C/UKR/19-21)

59.M. Shirane (Mouvement international contre toutes les formes de discrimination et de racisme) dit que les représentants de la Fondation pour la recherche et le soutien aux peuples autochtones de Crimée ne peuvent assister à la séance et qu’il fera une déclaration en leur nom.

60.M. Shirane dit que les Tatars de Crimée sont un peuple autochtone de Crimée. Leur territoire a été annexé à l’Empire russe en 1783 et ils ont été déportés vers d’autres régions. Ils ont subi une nouvelle vague de déportation en 1944. En 1954, alors que les Tatars de Crimée étaient encore en exil, le territoire de la Crimée à été rattaché à la République socialiste soviétique d’Ukraine. Aujourd’hui, l’Ukraine continue d’utiliser ces terres et leurs ressources naturelles, et elle n’a pris aucune mesure pour rétablir le peuple tatar de Crimée dans ses droits.

61.Au cours des déportations de 1944, les Tatars de Crimée ont perdu leurs biens, leur bétail et leurs terres agricoles, d’une valeur supérieure à 6 milliards de dollars des États-Unis, transférés en totalité à l’Ukraine.

62.Les Tatars de retour se sont vu refuser la possibilité de demander la restitution de leurs terres, devenues la propriété privée de personnes appartenant à d’autres nationalités. En moyenne, les parcelles de terre en la possession des Tatars de Crimée en milieu rural ont une superficie d’environ 1,47 hectare par personne, contre 2,35 hectares par personne parmi les membres des autres groupes. En 2000, le Conseil de l’Europe a adopté la recommandation no 1455 concernant le rapatriement et l’intégration des Tatars de Crimée, mais ce document a été pratiquement ignoré.

63.M. Shirane dit que les tribunaux ukrainiens refusent d’examiner les demandes de restitution de terres soumises par les Tatars de Crimée, au motif qu’il n’existe pas de loi spéciale concernant la restitution des biens des personnes anciennement déportées. Le Bureau du médiateur partage le point de vue des tribunaux. Pourtant, aucune loi spéciale n’est en fait nécessaire, parce que le Code civil actuel, tout comme l’ancien Code civil, en vigueur entre 1963 et 2003, contient une disposition générale relative à la restitution des biens fonciers. Une telle inégalité devant la loi affecte non seulement les Tatars de Crimée mais également d’autres peuples autochtones de Crimée.

64.Les Tatars de Crimée ont également été exclus du processus de privatisation des biens étatiques parce qu’avant 1999, ils ne pouvaient pas obtenir la citoyenneté ukrainienne. Contrairement à ce que prétend le Gouvernement, aucun Tatar de Crimée anciennement déporté n’a obtenu la restitution de ses biens, ni une quelconque indemnité.

65.Soixante pour cent des tatars de Crimée sont au chômage ou n’ont aucune source de revenus permanents. De surcroît, bien qu’ils représentent environ 14 % de la population totale, parmi les employés de l’État, seuls 2 à 7 % sont des Tatars de Crimée. La persistance de cet état de fait 20 ans après que l’Ukraine ait obtenu son indépendance ne peut être considérée autrement que comme le résultat d’une discrimination raciale délibérée.

66.Les autorités ukrainiennes prétendent fallacieusement qu’elles s’efforcent de créer des établissements scolaires dans lesquels les élèves reçoivent l’éducation en Tatar de Crimée. En fait, les très rares établissements de ce type existant n’ont ouvert qu’à l’issue de pressions persistantes exercées par les parents et les enseignants tatars de Crimée. La plupart des établissements scolaires de Crimée ne sont autorisés à enseigner le tatar de Crimée que deux heures par semaine au mieux, et sur 60 000 élèves tatars de Crimée, plus de 20 000 n’ont aucune possibilité d’étudier leur langue maternelle à l’école.

67.Depuis le début de l’implication russe en Crimée, une campagne systématique est menée en vue de faire disparaître le patrimoine culturel des Tatars de Crimée, notamment en rasant des cimetières et des mosquées, et par l’expropriation de vestiges archéologiques ayant une valeur spirituelle et culturelle. Plus de 95 % des villes et localités de Crimée avaient autrefois un nom tatar et ont aujourd’hui un nom russe que l’Ukraine entend bien conserver. De plus, l’Ukraine refuse d’adopter les lois qui permettraient de reconnaître que les Tatars de Crimée sont l’un des peuples autochtones de Crimée.

68.Les publications et les médias ukrainiens continuent de présenter les Tatars de Crimée, ainsi que les autres peuples turcs et les Musulmans en général, sous un jour extrêmement négatif. Des actes de vandalisme à motivation raciste visant les cimetières, les mosquées et les monuments des Tatars de Crimée, ainsi que des agressions dirigées contre des femmes musulmanes se sont produits ces dernières années.

69.M. Shirane dit que par ses actes, l’Ukraine viole les articles 2, 3, 4, 5 et 6 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

70.En dépit des nombreuses difficultés auxquels ils sont confrontés, les Tatars de Crimée continuent de travailler avec la communauté internationale au règlement de leurs problèmes. Une pétition contenant des informations exactes sur leur situation, signée par plus de 4 000 Tatars de Crimée, a été présentée au Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme. De plus, une copie de cette pétition a été soumise au Comité.

71.M. Thornberry (Rapporteur pour l’Ukraine) dit qu’il aurait souhaité interroger diverses ONG ukrainiennes, notamment sur la situation des Tatars de Crimée. Il espère que les ONG d’Ukraine pourront dialoguer avec le Comité ultérieurement, avant la fin de la semaine en cours. Dans le cas contraire, le Comité devra se contenter d’interroger le Gouvernement ukrainien sur les sujets qui le préoccupent.

72.Les articles 11 et 92 de la Constitution ukrainienne font référence au développement de l’identité ethnique, culturelle, linguistique et religieuse de tous les peuples autochtones et de toutes les minorités nationales d’Ukraine. Le Comité a l’intention de demander à l’État partie quelles mesures il prend pour mettre pleinement en œuvre sa Constitution. Les questions seront focalisées sur l’élaboration de lois traitant, entre autres, de la discrimination raciale, l’incitation à la haine, du profilage racial et de la xénophobie. De plus, bon nombre de ces thèmes concernent la situation des Tatars de Crimée, et les réponses aux recommandations précédentes du Comité contenues dans le rapport de l’État partie sont également pertinentes à cet égard.

73.Bien que l’Ukraine ne dispose pas d’une loi spéciale traitant de la restitution des biens, l’État partie soutient qu’une telle loi n’est pas nécessaire, parce que les dispositions du Code civil traitant de la restitution des biens peuvent aussi s’appliquer aux Tatars de Crimée. Malheureusement, il semblerait que le Code civil se soit révélé inopérant pour régler les litiges relatifs à la restitution des terres. Le Rapporteur demande l’avis de M. Shirane sur ce point.

74.Le Rapporteur fait observer que la déclaration qui vient d’être faite contient des affirmations extrêmement tranchées. Néanmoins, dans son rapport, le Comité devrait s’en tenir strictement aux termes de la Convention.

75.M. Shirane (Mouvement international contre toutes les formes de discrimination et de racisme) dit qu’il ne lui appartient pas de répondre aux questions du Comité, mais qu’il en fera part aux représentants de la Fondation pour la recherche et le soutien aux peuples autochtones de Crimée afin qu’ils y répondent.

76.M. Avtonomov demande si les ONG géorgiennes et ukrainiennes allaient présenter une synthèse au Comité.

77.M me Habtom (Secrétaire du Comité) fait savoir que les ONG géorgiennes s’apprêtaient à présenter une synthèse au Comité le lendemain. Par contre, aucune ONG ukrainienne n’en ferait de même à Genève.

78.Le Président attire l’attention des participants sur les films documentaires télévisés de grande qualité qui ont été réalisés sur le thème de la déportation des Tatars de Crimée.

79.M. Avtonomov souligne le fait que dans les années 1940 et 1950, de nombreux autres peuples, notamment arménien, grec et bulgare, ont été déportés illégalement, sous la contrainte, de Crimée. Pour traiter exhaustivement la question de la restitution, il convient d’étudier l’ensemble de ces déportations. De plus, les Turcs meskhètes ont été déportés de Géorgie et très peu, à ce jour, ont pu y retourner.

80.M. Kut, appuyant les propos de M. Avtonomov, demande au Rapporteur pour le pays de s’assurer que le Comité s’attachera à traiter l’ensemble des problèmes liés à la situation des Tatars de Crimée.

81.M. Thornberry assure que le Comité abordera cette question, parmi d’autres, dans son dialogue avec l’État partie.

La partie publique de la séance est levée à 11 h 45.