Nations Unies

CERD/C/SR.2106

Convention internationale surl’élimination de toutes les formesde discrimination raciale

Distr. générale

24 août 2011

Original: français

Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

Soixante-dix-neuvième session

Compte rendu analytique de la 2106e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le jeudi 18 août 2011, à 15 heures

Président: M. Kemal

Sommaire

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention(suite)

Huitième et neuvième rapports périodiques de la République tchèque

La séance est ouverte à 15 h 5.

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention (suite)

(CERD/C/CZE/8‑9; CERD/C/CZE/Q/8‑9; HRI/CORE/CZE/2010)

Sur l’invitation du Président, la délégation tchèque prend place à la table du Comité.

2.MmeBaršová (République tchèque) dit que son pays s’est doté de stratégies spécifiques de lutte contre la discrimination envers trois principaux groupes: les Roms; les minorités nationales traditionnelles telles que les Polonais et les Allemands; et les immigrés, principalement ukrainiens, vietnamiens et russes. Au cours de la période examinée, le Gouvernement a créé l’Agence pour l’inclusion sociale des communautés roms, a adopté une loi sur l’égalité de traitement et la protection contre la discrimination et un nouveau Code pénal. Dans le même temps, les services de police et les autorités judiciaires ont continué à lutter contre les groupes extrémistes incitant à l’intolérance raciale. Le Bureau du Médiateur a commencé à mener des activités concrètes de lutte contre la discrimination et élaboré notamment de nouvelles normes en matière de protection contre la discrimination. En 2011, le Gouvernement a adopté une stratégie d’intégration des migrants, et créé un réseau de centres régionaux pour l’intégration des étrangers.

3.Lors des élections législatives de 2010, les partis d’extrême droite n’ont obtenu aucune voix et ont donc été marginalisés. La Cour administrative suprême a rendu un arrêt ordonnant la dissolution du parti des travailleurs, qui prônait l’intolérance raciale et la restriction des libertés individuelles. Le Gouvernement continue à appuyer les activités des organes consultatifs (Conseil gouvernemental des droits de l’homme, Conseil gouvernemental pour les affaires de la communauté rom et Comités pour les minorités nationales) qui œuvrent dans les domaines de la prévention de la discrimination et de l’intégration sociale. La loi antidiscriminatoire de 2009 étend les compétences du Médiateur, qui peut désormais connaître des plaintes émanant de particuliers et apporter aux victimes de discrimination une assistance, notamment pour intenter une action judiciaire. Cette loi instaure le partage de la charge de la preuve: il incombe à la victime de présenter les faits et au défendeur de prouver que ses actes n’étaient pas motivés par des critères raciaux ou ethniques. Le Médiateur formule des recommandations et des avis juridiques qui ne sont pas contraignants mais constituent des normes de référence. En 2010, il a été saisi de 38 plaintes pour discrimination raciale, et a émis des recommandations relatives à l’accès aux logements municipaux, notamment des Roms, et à l’égalité de traitement des étrangers.

4.Le Conseil gouvernemental pour les affaires de la communauté rom coordonne la politique de l’État en matière d’intégration des Roms et a créé à cette fin un réseau de coordonnateurs dans 14 régions. La République tchèque a également contribué à l’élaboration des politiques d’intégration des Roms au niveau européen, notamment dans le cadre de la Décennie pour l’inclusion des Roms (2005-2015). Durant la présidence tchèque du Conseil de l’Union européenne, en 2009, le Conseil a adopté les 10 Principes de base communs pour l’inclusion des Roms. En 2011, la République tchèque a assuré la présidence de la Décennie pour l’inclusion des Roms (2005-2015) et a mis l’accent sur l’éducation inclusive, les droits de l’enfant et le rôle des femmes roms dans l’intégration. Au niveau national, des mesures ont été prises pour améliorer le niveau d’instruction des enfants roms et faciliter leur accès aux écoles ordinaires. En 2010, le Ministère de l’éducation a adopté un plan d’action national pour l’éducation inclusive. Depuis le début de 2011, une nouvelle réglementation interdit de faire suivre aux enfants socialement défavorisés les programmes scolaires destinés aux élèves présentant un handicap mental. Le Gouvernement a aussi pris des mesures pour promouvoir l’emploi des Roms dans le cadre du Concept pour l’intégration des Roms et du plan d’action relatif à la Décennie pour l’inclusion des Roms. Les femmes roms représentent pas moins de 50 % des participants aux programmes de recherche d’un emploi. La promotion de l’égalité des chances pour les femmes roms est également une priorité car elles jouent un rôle important dans l’intégration réussie des familles. L’État procède à la rénovation ou la construction de logements réservés aux groupes sociaux défavorisés ainsi qu’à la restauration des monuments et lieux de culte roms ou de commémoration des victimes roms de l’Holocauste. La Campagne contre le racisme et le festival de musique rom Khamoro contribuent par ailleurs à améliorer la compréhension entre la minorité rom et le reste de la population. Depuis 2009, le concours «Esprit tsigane», qui récompense une initiative ayant contribué au développement de la culture et de l’identité roms, est un élément important de la Campagne contre le racisme.

5.Lors du recensement de 2011, le Gouvernement a accordé une grande importance à la collecte de données sur les groupes ethniques et au respect du principe de l’auto-identification des personnes interrogées. Des informations sur le recensement ont été fournies aux Roms afin d’apaiser leurs éventuelles craintes concernant l’utilisation des données relatives à l’appartenance et aux caractéristiques ethniques. Le formulaire de recensement était disponible dans les langues parlées par les minorités nationales. Les premiers résultats seront publiés fin 2011.

6.En 2009, le Gouvernement a adopté une stratégie pour sensibiliser la population à la question de l’extrémisme, lutter contre la propagande sur Internet et éduquer les enfants et les jeunes à la tolérance et au respect de l’autre. La stratégie de prévention de la criminalité 2008-2011 et la stratégie d’amélioration des relations entre la police et les minorités pour la période 2008-2012 visent principalement à éliminer les crimes à caractère raciste, à prévenir le racisme et la xénophobie, à promouvoir une coexistence pacifique avec les minorités ethniques et à combattre les préjugés négatifs envers les minorités. En 2010, le nombre d’infractions à caractère raciste a légèrement diminué et celui des infractions à caractère antisémite sensiblement baissé. Également en 2010, l’intensification de la lutte contre les mouvements néonazis a permis de mettre un frein aux activités des groupuscules d’extrême droite.

7.Mme Baršová dit que les immigrés originaires d’États non membres de l’Union européenne représentent 2,8 % de la population, les principaux groupes étant les Ukrainiens (132 000 personnes), les Vietnamiens (61 000 personnes) et les Russes (30 000 personnes). Entre 2006 et 2008, 40 000 personnes ont immigré chaque année dans le pays, flux ralenti par la crise économique de fin 2008. En 2009 et 2010, d’importantes ressources financières ont été allouées à l’intégration des migrants et 10 centres d’appui à l’intégration ont été mis en place pour diffuser des informations, dispenser des conseils et organiser des cours de langues aux immigrés. Quatre autres devraient ouvrir leurs portes afin que chaque région dispose d’une telle structure. Le nombre de mesures prises en faveur de l’intégration des étrangers explique la quasi-inexistence de conflits entre les communautés immigrées et le reste de la population. Enfin, le Ministère de l’intérieur travaille à l’élaboration d’un projet de loi qui prévoit de reconnaître la binationalité.

8.Mme Crickley (Rapporteuse pour la République tchèque) dit que le climat de dialogue et de tolérance qui existe dans l’État partie à l’égard des minorités ne saurait cependant faire oublier l’immunité quasi totale dont bénéficient depuis longtemps les auteurs de discriminations à l’égard des Roms. Elle voudrait obtenir des informations sur les points suivants: les programmes de rapatriement volontaire des étrangers, la détention de demandeurs d’asile, les mesures prises pour encourager les médias à lutter contre la discrimination raciale et les sanctions auxquelles s’exposent les organes d’information qui tolèrent implicitement l’incitation à la haine.

9.Citant les chiffres avancés par des organisations non gouvernementales (ONG) selon lesquels les foyers pour enfants de moins de 3 ans comptent un tiers d’enfants roms alors que les Roms de cette classe d’âge ne représentent que 3 % de la population, la Rapporteuse en déduit que la politique tchèque en matière de placement tient plus de l’assimilation que de l’intégration, et demande des informations sur les mesures prises par les autorités pour sensibiliser le personnel travaillant dans ces structures aux droits des Roms. La Rapporteuse salue l’adoption de la loi antidiscrimination mais note que cette loi n’offre pas aux victimes de moyens supplémentaires de protection. Cela est d’autant plus préoccupant que les compétences du Médiateur en matière de protection contre la discrimination sont plutôt restreintes. De plus, compte tenu du fait que les voies de recours diffèrent selon les types de discriminations subies, le système judiciaire est considéré par les victimes comme trop lent, trop lourd et inefficace. La délégation tchèque est invitée à indiquer dans quelle mesure le cadre juridique en vigueur donne pleinement effet aux dispositions de la Convention et permet aux victimes de discrimination de faire valoir leurs droits.

10.Mme Crickley voudrait en savoir plus sur la stratégie du Gouvernement tchèque pour faire face aux mouvements et partis politiques extrémistes et sur les mesures prises pour dispenser une formation aux forces de l’ordre sur les questions relatives aux minorités. La Rapporteuse souhaite savoir quelles mesures l’État partie a prises pour donner effet à l’arrêt rendu en 2007 par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire D.H. et autres c. République tchèque qui a conclu à l’existence d’une ségrégation scolaire dans le pays. Elle rappelle à cet égard que dans ses observations finales précédentes, le Comité avait demandé à l’État partie de garantir que les enfants roms ne soient pas privés de leur droit à une vie familiale et à l’éducation (CERD/C/CZE/CO/7, par. 17). À la lumière de l’arrêt précité, des observations finales du Comité et de la Recommandation générale no 27 du Comité concernant la discrimination à l’égard des Roms, la délégation est invitée à indiquer quelles mesures concrètes ont été prises par l’État partie pour lutter contre la ségrégation dont sont victimes les enfants roms et garantir leur droit à l’éducation et pour veiller à ce que la communauté rom soit associée à l’élaboration des programmes éducatifs. Des précisions sur la stratégie et les plans d’action adoptés en matière de logement et d’emploi et sur le statut de l’Agence pour l’inclusion sociale des communautés roms seraient également bienvenues.

11.Mme Crickley prend note des regrets exprimés en 2009 au sujet de la stérilisation forcée des femmes roms par les autorités nationales mais considère que le délai de prescription de trois ans empêche des victimes d’obtenir réparation. La délégation est invitée à fournir des renseignements actualisés sur cette pratique et indiquer les mesures prises pour sensibiliser les patientes et les médecins.

12.M. Amir dit que les nombreuses lois adoptées par la République tchèque montrent la volonté politique de l’État de lutter contre la discrimination. Les initiatives prises par la République tchèque comme l’organisation, en 2009, d’une conférence sur les biens des victimes de l’Holocauste et la création, en janvier 2010, de l’Institut européen de l’héritage de la Shoah, devraient inspirer les autres pays européens. L’expert juge remarquable que l’État partie ait entrepris de sensibiliser l’opinion publique à la situation des Roms et ait fait de l’amélioration de leurs conditions de vie un élément essentiel de son action politique.

13.M. Avtonomov demande quelle est la date de dissolution du parti des travailleurs et quelle est la suite donnée par l’État partie à l’arrêt no 57325/00 de la Cour européenne des droits de l’homme, dans lequel la Cour a estimé que le placement des enfants roms dans des «écoles spéciales» pour enfants handicapés mentaux était discriminatoire.

14.M.Kut, renvoyant aux tableaux figurant au paragraphe 11 du document de base de l’État partie (HRI/CORE/CZE/2010), demande comment la nationalité de 172 827 personnes et la langue maternelle de 76 868 autres peuvent rester «inconnues»: s’agit-il d’un refus des personnes concernées de révéler leur nationalité ou leur langue maternelle? Il voudrait des informations plus précises sur les points suivants: les mesures concrètes qui ont été prises en 2010 par les forces de sécurité et les organes judiciaires pour combattre les groupes d’extrême droite; le nombre de poursuites, de condamnations et de sanctions relatives à ces groupes; l’évolution de la situation après 2009; et les résultats de la stratégie contre l’extrémisme. M. Kut souhaite également savoir si le racisme ou la xénophobie sont présents dans les discours politiques et les médias et s’il existe des politiques pour combattre la diffusion de propos racistes.

15.M. de Gouttes souhaite obtenir davantage d’informations sur la stratégie visant à améliorer le comportement de la police à l’égard des membres des minorités; les mesures prises pour faire en sorte que les personnalités et les partis politiques rendent compte des propos qu’ils tiennent en public; et les conditions de détention des étrangers en situation irrégulière. Il voudrait savoir si la crise économique et financière a aggravé la xénophobie et la stigmatisation à l’égard des Roms et des immigrés et demande quelle est la cause du nombre croissant d’immigrés en provenance du Viet Nam. M. de Gouttes souhaite savoir ce que le projet de loi en cours d’élaboration prévoit au sujet de l’indemnisation financière des victimes de stérilisation forcée. Enfin, la délégation est priée de présenter les grandes orientations du projet de loi sur l’accès à la citoyenneté élaboré par le Ministère de l’intérieur.

16.M.Diaconu demande si l’expression «localités socialement exclues» employée au paragraphe 91 du rapport renvoie à des localités dont la population est exclue de la vie sociale. Relevant au paragraphe 82 du rapport que la stérilisation forcée n’était fondée sur aucun motif racial ou ethnique, il souhaite savoir si d’autres femmes que les roms ont été soumises à cette pratique. Il demande quelle est la langue utilisée dans les écoles fréquentées par des enfants roms et quel est le nombre de Roms inscrits dans les écoles secondaires, les écoles techniques et l’enseignement supérieur. Selon l’expert, la République tchèque devrait envisager d’adopter des mesures spéciales pour assurer l’intégration des Roms.

17.M. Diaconu demande si l’État partie a adopté une loi interdisant les organisations qui incitent à la discrimination raciale et s’il existe des dispositions législatives interdisant la diffusion d’idées fondées sur la haine raciale. Il souhaite avoir des informations sur la situation des minorités autres que les Roms. Enfin, relevant la distinction opérée dans le recensement de 2001 entre les Vietnamiens en tant que minorité nationale et les immigrés vietnamiens, il demande quelle est la différence entre les deux catégories, à partir de quel moment les personnes sont considérées comme appartenant à une minorité nationale, et quels sont les services fournis aux immigrés en matière de santé, d’éducation et de logement.

18.M. Lahiri demande des informations concrètes et à jour sur le nombre de Roms dans l’État partie et sur leur situation en matière d’accès au logement, à l’emploi, à l’éducation et à la santé. Il demande pourquoi les écoles spéciales pour enfants roms n’ont toujours pas été supprimées et fait observer que, selon le Centre européen pour les droits des Roms, les lois adoptées en 2011 pérennisent la ségrégation dont les enfants roms sont victimes.

19.M. Lindgren Alves, se référant au paragraphe 57 du rapport, souhaite savoir pourquoi un si grand nombre de Roms demandent l’asile au Canada. Il relève au paragraphe 29 du rapport que l’exclusion et la ségrégation des Roms se sont aggravées et demande pourquoi les mesures prises n’ont pas eu les effets escomptés. Il demande quel est le mode de désignation des représentants roms au Conseil gouvernemental pour les affaires de la communauté rom.

20.Le Président dit qu’en septembre 2011, l’Assemblée générale des Nations Unies commémorera le dixième anniversaire de l’adoption de la Déclaration et du Programme d’action de Durban et que, selon certaines sources d’information, l’État partie n’a pas l’intention de participer à cet événement. Il demande confirmation à la délégation.

21.M. Calí Tzay craint que l’intégration des Roms dans la culture nationale n’entraîne la perte de leur culture d’origine et demande le point de vue de la délégation sur cette question. Il souhaite savoir si des Roms ont déjà saisi la justice pour faire valoir leurs droits.

22.M. Thornberry demande quels sont les critères retenus pour envoyer les enfants roms dans des écoles spéciales et si le consentement des parents est obligatoire. Plus généralement, il demande comment le système scolaire s’adapte aux besoins particuliers des enfants roms. Enfin, il s’inquiète de la banalisation des idées racistes et de leur apparition dans les programmes des partis politiques traditionnels.

23.Mme Dah estime que la situation en République tchèque n’est qu’un exemple de l’inquiétante montée de l’extrémisme dans toute l’Europe. Les pays européens doivent prendre des mesures résolues pour assurer leur sécurité tout en évitant de reproduire un schéma qui a naguère abouti à une guerre mondiale. Les Roms, qui comptent parmi les principales victimes de cette résurgence du racisme, doivent être associés à la définition de toutes les politiques qui les concernent, faute de quoi les mesures prises en leur faveur risquent de rester infructueuses.

24.Le Président dit que le Comité poursuivra l’examen des huitième et neuvième rapports périodiques de la République tchèque à la séance suivante.

La séance est levée à 18heures.