Nations Unies

CERD/C/SR.1973

Convention internationale sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

17 septembre 2010

Français

Original: anglais

Comité pour l ’ élimination de la discrimination raciale

Soixante- seizième session

Compte rendu analytique de la 1973 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le lundi 15 février 2010, à 15 heures

Président: M. Kemal

Sommaire

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention

Rapport initial et deuxième à sixième rapports périodiques de Monaco

La séance est ouverte à 15 h 10.

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention (point 6 de l ’ ordre du jour)

Rapport initial et deuxième à sixième rapports périodiques de Monaco (CERD/C/MCO/6; CERD/C/MCO/Q/6 et Add.1; HRI/CORE/1/Add.118)

1.Sur l ’ invitation du Président, les membres de la délégation monégasque prennent place à la table du Comité.

2.M. Fillon (Monaco) indique que son pays a soumis en un seul document son rapport initial et ses deuxième à sixième rapports périodiques sur l’application de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale quelques années après avoir adhéré à cet instrument, soit en 1995, en raison de difficultés d’ordre logistique liées au fait que les autorités compétentes avaient à rédiger plusieurs rapports analogues en même temps. Le retard avec lequel le rapport périodique a été soumis ne doit pas être compris comme le reflet d’un manque de volonté des pouvoirs publics ou comme un signe que la situation à Monaco est contraire aux normes internationales. La présentation récente d’un additif au rapport montre d’ailleurs bien que les autorités monégasques ont souhaité donner des éclaircissements au Comité sur la situation prévalant dans le pays.

3.Bien que la population monégasque soit hétérogène et multiraciale, seules deux plaintes pour antisémitisme ont été recensées en 2004 et aucune procédure portant sur des actes de racisme n’a été intentée entre 2005 et 2009. L’absence de phénomènes racistes ou de tensions interraciales peut être mise sur le compte de l’exiguïté du territoire monégasque qui, en contraignant les communautés à coexister dans une grande proximité, neutralise l’émergence de tendances racistes. En outre, le Gouvernement monégasque met en œuvre des politiques adéquates de prévention. Des activités de sensibilisation aux droits de l’homme sont menées et une formation dans ce domaine est dispensée aux juges, aux membres des forces de l’ordre et aux élèves des établissements d’enseignement secondaire.

4.Les critères dont dépend l’octroi de certains droits et avantages sont la nationalité et la résidence et non l’appartenance à un groupe ethnique donné. Depuis l’adhésion de Monaco à la Convention, les autorités monégasques se sont attachées à réviser et à compléter la législation interne afin d’y incorporer les dispositions de la Convention et d’éliminer la discrimination raciale. La loi no 1355 de 2008 sur les associations et fédérations d’associations a été modifiée afin de prévenir et de réprimer le racisme. La loi no 1334 de 2007 sur l’éducation a été modifiée afin de garantir qu’aucun enfant ne puisse rester en marge du système éducatif. Cette loi dispose que l’enseignement recouvre l’éducation morale et civique ainsi que l’éducation à la santé, le but étant d’empêcher que des idées racistes naissent dans l’esprit des jeunes. La loi no 1299 de 2005 sur la liberté d’expression publique réprime l’incitation à la haine ou à la violence contre une personne ou un groupe de personnes pour des raisons liées à l’origine ou l’appartenance ou la non-appartenance à un groupe ethnique, une nation, une race ou une religion donnée. La loi no 1353 de 2008 interdit l’utilisation de données personnelles, dont celles concernant l’appartenance à un groupe ethnique ou racial, exception faite de cas très rares où des considérations liées à la sécurité publique le justifient. Enfin, Monaco a adhéré à la Convention européenne d’extradition de 1957, dont les dispositions prévoient qu’un État peut refuser d’extrader une personne s’il a des raisons sérieuses de croire que la demande d’extradition a été présentée aux fins de poursuivre ou de punir un individu pour des considérations de race, de religion, de nationalité ou d’opinions politiques. Une disposition identique figurait déjà dans la législation interne avant que Monaco ne ratifie la Convention européenne d’extradition.

5.Présentant les réponses du Gouvernement monégasque à la liste des points à traiter (CERD/C/MCO/Q/6/Add.1), M. Fillon indique à propos de la première question que, conformément aux dispositions de la Constitution, le seul critère sur la base duquel les nationaux et les résidents bénéficient d’un traitement distinct en matière d’accès à l’emploi, à l’enseignement gratuit et à une aide en cas de maladie ou de chômage est la nationalité. Le domicile est considéré comme un critère supplémentaire dans certaines lois, dont la loi no 629 de 1957 tendant à réglementer les conditions d’embauchage et de licenciement. En ce qui concerne l’éducation, M. Fillon souligne que les ressortissants monégasques jouissent du droit constitutionnel de bénéficier d’un enseignement gratuit aux niveaux primaire et secondaire et que la loi no 1334 de 2007 dispose que les enfants étrangers résidant légalement à Monaco jouissent également de ce droit. La Principauté veille de longue date à ce que la législation interne soit respectée, l’objectif étant de protéger et de promouvoir la liberté, la sécurité et la dignité de la personne. La priorité accordée aux ressortissants monégasques ne constitue nullement une forme de discrimination raciale.

6.La nécessité d’établir un système de collecte de données sur les infractions racistes ne se fait pas sentir étant donné le nombre très restreint d’incidents motivés par le racisme ou la discrimination raciale qui se produisent dans la Principauté (question 2). La mise en place d’un nouveau système de ce type ne conférerait pas une valeur ajoutée au système existant de collecte et d’analyse des données sur les plaintes. L’absence de tensions interraciales dans le pays justifie ce choix.

7.Il est prévu que la nouvelle loi sur le statut des fonctionnaires contienne des garanties visant à interdire diverses formes de discrimination, dont la discrimination fondée sur l’apparence physique et l’appartenance ethnique. Ces dispositions contribueront à renforcer les politiques menées par les autorités monégasques afin de proscrire toutes les formes de discrimination (question 3).

8.La cellule des droits de l’homme mise en place au sein du Département des relations extérieures est chargée d’organiser des activités de formation et de sensibilisation aux droits de l’homme à l’intention de divers groupes professionnels, dont les magistrats et les praticiens du droit (question 4). En outre, dans le cadre de ses activités de sensibilisation à la mise en œuvre de la Convention européenne des droits de l’homme, la cellule a dispensé une formation sur la sécurité publique concentrée en particulier sur les activités de la police. De plus, elle mène des campagnes d’information dans les écoles secondaires sur la discrimination raciale et religieuse et les obligations découlant des instruments internationaux auxquels Monaco est partie. Elle a adressé une invitation permanente aux Rapporteurs spéciaux de l’Organisation des Nations Unies afin que ceux-ci effectuent une visite à Monaco. Elle coordonne les consultations sur les projets de lois relatifs aux droits fondamentaux, en particulier ceux visant à protéger les individus contre le racisme et la discrimination raciale. En outre, elle assure un suivi de la pratique des organes judiciaires et administratifs en les analysant sous l’angle des droits de l’homme.

9.Monaco n’envisage pas de mettre sur pied une institution nationale indépendante chargée des droits de l’homme (question 5). Les tâches dont s’acquitte généralement ce type d’institution sont réparties entre plusieurs organes. La cellule des droits de l’homme remplit diverses fonctions dans le cadre de son mandat, qui consiste dans la promotion des droits de l’homme. Le médiateur est chargé d’examiner tous les recours gracieux quels qu’en soient l’objet et le fondement. Des voies de recours juridictionnelles sont ouvertes à toutes les personnes physiques ou morales domiciliées sur le territoire monégasque indépendamment de leur nationalité et de leurs moyens financiers en cas de violation d’une ou plusieurs dispositions de la Convention telles qu’incorporées dans le droit interne.

10.Tous les magistrats et juges travaillant à Monaco sont formés à l’École nationale de la magistrature, à savoir l’école française de formation des magistrats (question 6). Le programme d’enseignement de la formation initiale porte notamment sur les droits de l’homme et la discrimination. Des stages sur la Convention européenne des droits de l’homme ou sur la déontologie et la responsabilité du magistrat sont organisés et des conférences consacrées à ces questions se tiennent périodiquement à Monaco afin de sensibiliser les acteurs du monde judiciaire. Monaco suit de près la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et fait régulièrement distribuer les principaux arrêts de cette juridiction à tous les magistrats, en y joignant des analyses et des commentaires.

11.La question de l’incorporation dans le Code pénal d’une définition de la discrimination raciale et de l’ajout d’une infraction et de circonstances aggravantes correspondantes est à l’étude (question 7).

12.La version finale du projet de loi no 818 concernant les délits relatifs aux systèmes d’information figure sur la liste des projets que le Conseil national doit examiner en priorité (question 8).

13.L’article 60-12 du Code de procédure pénale prévoit qu’un interprète doit être présent dès le début de la garde à vue lorsqu’une personne ne comprend et ne parle pas le français (question 9). L’article 139 du Code de procédure pénale dispose que, si le juge d’instruction ne comprend pas la langue parlée par un témoin, un interprète juré est chargé de traduire les dépositions du témoin et ses réponses aux questions du juge d’instruction. Le procès-verbal de déposition est ensuite signé par l’interprète. Lorsque la personne dont les propos doivent être traduits est l’inculpé, l’interprète signe le procès-verbal de déposition ainsi que le procès-verbal d’inculpation.

14.Si, lors des débats, l’accusé et les témoins ne parlent pas la même langue, le Président nomme un interprète juré afin que toutes les parties puissent mutuellement se comprendre. Le tribunal statue sur toute demande en récusation de l’interprète présentée par le procureur, l’accusé ou la partie civile. L’article 329 du Code de procédure pénale dispose que ni les juges composant le tribunal criminel, ni le greffier, ni les parties ne peuvent servir d’interprète. Exceptionnellement, un témoin peut faire office d’interprète, avec le consentement des parties. Les frais occasionnés par la mise en œuvre de ces dispositions sont pris en charge par la Direction des services judiciaires.

15.Actuellement, les autorités monégasques n’envisagent pas de réviser les articles 54 et 79 de la Constitution (question 10). Le délai de cinq ans que doivent respecter les personnes devenues monégasques par naturalisation avant de pouvoir se présenter aux élections au Conseil national ou au Conseil communal répond au souci d’assurer que l’intéressé soit suffisamment familiarisé avec le fonctionnement de la Principauté et son système politique. En effet, ce délai est considéré comme le gage de son investissement durable dans la vie politique du pays et vise à éviter que les Monégasques, qui sont minoritaires du point de vue démographique, ne soient progressivement évincés de la vie politique nationale.

16.Les informations demandées aux candidats à la naturalisation portent sur leur état civil, leur nationalité, leur casier judiciaire, leur situation au regard de leurs obligations militaires et leur lieu de résidence (question 11). Aucun renseignement n’est demandé sur leur religion ou leur origine raciale. Les critères pris en considération par le Prince de Monaco avant de rendre une décision en matière de naturalisation sont les suivants: les antécédents judiciaires du candidat ainsi que tout élément pertinent permettant de se faire une idée de sa moralité; la durée de la résidence du candidat à Monaco (dix ans au minimum à compter du moment où il a atteint l’âge de 18 ans); la vie commune effective avec un conjoint monégasque (dont la durée est de dix ans au minimum); et l’existence de liens familiaux anciens (un siècle ou trois générations) avec des Monégasques, par la branche maternelle et/ou paternelle et, s’il n’y a pas de continuité, l’existence d’ascendants, de descendants voire de collatéraux monégasques.

17.Les décisions de refoulement et d’expulsion prises par le Ministre d’État peuvent faire l’objet d’un recours devant le Tribunal suprême, qui s’est prononcé une fois en matière d’expulsion et 16 fois en matière de refoulement depuis 2002 (question 12). Aucun recours citant la discrimination raciale comme motif de l’expulsion ou du refoulement n’a été formé à ce jour. Dans les décisions qu’il a rendues dans ce domaine, le Tribunal suprême s’est fondé notamment sur l’article 13 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, aux termes duquel l’étranger doit avoir la possibilité de faire valoir les raisons qui militent contre son expulsion. Conformément à la loi no 1312 du 29 juin 2006, les autorités ont l’obligation de motiver leur décision. En ce qui concerne la procédure d’asile, la reconnaissance par les autorités monégasques du statut de réfugié est subordonnée à l’obtention préalable de ce statut auprès de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides et, en cas de rejet de la demande, un recours peut être formé devant les juridictions françaises compétentes.

18.Dans le domaine de l’emploi, les seules distinctions admises sont celles reposant sur la nationalité ou le lieu de résidence (question 13). Aucune distinction, exclusion, restriction ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la religion, l’opinion politique ou l’origine sociale n’est autorisée. Eu égard à l’importance de la population étrangère travaillant à Monaco, les règles instaurant un ordre de priorité dans le cadre de l’embauche n’ont pas d’effets négatifs sur l’accès des étrangers à l’emploi. Conformément à la loi no 629 du 17 juillet 1957, le critère de répartition des salariés est le lieu de résidence et non des considérations liées à la race.

19.Un projet de loi relatif au contrat de travail est en cours d’examen par le Conseil national. Ce texte a pour objectif de renforcer les garanties juridiques régissant les relations contractuelles de travail et de réglementer aussi bien le contrat à durée indéterminée que le contrat à durée déterminée.

20.L’Inspection du travail n’a reçu aucune plainte pour discrimination raciale depuis plusieurs années (question 14).

21.À Monaco, la part de la population représentée par les nationaux est nettement inférieure à celle constituée par les résidents (question 15). En outre, il n’existe aucune minorité distincte du point de vue ethnique ou géographique au sein de la communauté monégasque. En conséquence, la question de la représentation des minorités au sein du Gouvernement ne se pose pas. Sur les 3 959 personnes employées dans le secteur public, seuls 30,06 % sont des nationaux.

22.Il existe deux catégories d’allocations de logement: les aides au logement destinées aux nationaux et l’allocation différentielle de loyer en faveur des résidents étrangers vivant dans un logement construit avant le 31 août 1947 et relevant des dispositions de la loi no 1235 du 8 décembre 2000 (question 16).

23.Les étrangers peuvent bénéficier de soins médicaux gratuits s’ils résident dans le pays depuis plus de cinq ans. Les personnes de 65 ans qui résident dans le pays depuis plus de cinq ans ont droit à une allocation mensuelle de retraite, si elles entrent dans la catégorie des faibles revenus, ainsi qu’à l’aide allouée aux personnes âgées placées dans les maisons de retraite. Les étrangers souffrant d’un handicap qui vivent depuis plus de trois ans dans le pays peuvent toucher l’allocation de logement pertinente. Les autorités monégasques n’envisagent pas d’assouplir les conditions relatives à la durée de la résidence en réduisant celle-ci. Elles accordent toutefois fréquemment des dérogations aux personnes en difficulté. En outre, la plupart des aides sociales ne sont pas assorties de conditions liées à la durée de la résidence dans le pays.

24.Le Conseiller du Ministre d’État chargé des recours et de la médiation, qui a été nommé en application de l’ordonnance souveraine no 158 du 22 août 2005, s’acquitte des tâches incombant habituellement au médiateur (question 17). Compte tenu de la quasi-inexistence de tensions sociales et d’infractions motivées par le racisme, le médiateur mène peu d’activités dans le domaine de la lutte contre la discrimination raciale.

25.Répondant à la question 18 concernant l’intention du Gouvernement de diffuser les rapports périodiques de Monaco sur son site Web, M. Fillon dit que la concrétisation de ce projet a été entravée par des difficultés d’ordre humain et technique mais qu’il verra certainement le jour dans un futur proche. Lorsqu’un organe conventionnel examine un rapport soumis par Monaco, un communiqué de presse est publié et toutes les informations pertinentes peuvent être consultées sur le site Web du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme.

26.La plupart des journaux et magazines vendus à Monaco sont publiés à l’étranger (question 19). Les autorités monégasques n’envisagent donc pas d’introduire un code de déontologie à l’intention des journalistes locaux ou de créer un organe de surveillance chargé de traiter les plaintes contre les médias. Il n’en reste pas moins que toute personne physique s’estimant directement et personnellement visée par des propos racistes dans une publication étrangère vendue à Monaco peut se prévaloir des dispositions du Code de procédure pénale pour demander que la publication en question soit condamnée. En outre, l’article 16 de la loi no 1299 du 15 juillet 2005 prévoit que l’incitation à la haine ou à la violence contre des personnes ou groupes de personnes en raison de leur origine, de leur appartenance ou de leur non-appartenance à un groupe ethnique, à une nation ou à une race donnée est passible d’une peine privative de liberté ou d’une amende.

27.M. Amir (Rapporteur pour Monaco) note que la surface du territoire monégasque fait un peu moins de 2 km2, dont quelque 0,4 km2 gagnés sur la mer au cours des dernières décennies, ce qui signifie que l’espace est une denrée rare dans l’État partie. Le catholicisme romain est certes la religion d’État, mais la liberté de culte est garantie par l’article 23 de la Constitution. D’après les résultats du recensement de 2007, la population monégasque représentait 35 000 personnes et croissait rapidement. Actuellement, 126 nationalités y sont représentées.

28.Le Rapporteur note avec satisfaction que les femmes devenues monégasques par naturalisation peuvent transmettre leur nationalité à leurs enfants. Il prie toutefois la délégation de confirmer que ces femmes ne peuvent plus perdre leur nationalité en cas de divorce.

29.Relevant à la lecture de l’alinéa b du paragraphe 17 du rapport périodique que l’islam n’est pas reconnu officiellement en tant que religion dans la Principauté, M. Amir voudrait savoir s’il existe des lieux de culte permettant aux nombreux résidents musulmans vivant dans l’État partie de pratiquer leur religion.

30.Se référant au paragraphe 56 du rapport périodique, le Rapporteur demande si le fait que tous les membres de l’appareil judiciaire suivent une formation avant l’emploi et en cours d’emploi à l’École nationale de la magistrature est pleinement compatible avec les dispositions de l’article 2 de la Convention.

31.M. Amir voudrait en outre savoir si l’État partie envisage de lever sa réserve à l’alinéa a du paragraphe 1 de l’article 2 de la Convention, aux termes de laquelle Monaco «se réserve le droit d’appliquer ses dispositions légales relatives à l’admission des étrangères et des étrangers sur le marché du travail de la Principauté».

32.Concernant la question de l’expulsion et du refoulement des étrangers, il souhaiterait savoir si le terme «bannissement» est encore utilisé dans la législation monégasque. Si tel est le cas, la délégation monégasque voudra bien préciser quelles en sont les implications judiciaires.

33.Se référant à l’article 3 de la Convention, M. Amir relève à la lecture du rapport périodique que la ségrégation raciale n’existe pas dans la Principauté. Pourtant, des formes de ségrégation raciale liées à des pratiques discriminatoires existent pratiquement partout dans le monde. M. Amir se demande donc si l’État partie est véritablement épargné par ce phénomène.

34.Le Rapporteur prend note des nombreux articles de la loi du 15 juillet 2005 sur la liberté d’expression publique, notamment les dispositions sur les peines encourues en cas d’actes de violence à caractère raciste ou xénophobe, cités au paragraphe 74 du rapport périodique. Il relève toutefois que la discrimination raciale à proprement parler y est définie comme une violation de l’article 4 de la Convention. Il voudrait donc savoir si la discrimination raciale est érigée en infraction pénale dans le droit interne. D’après la délégation monégasque, l’incorporation dans le nouveau Code pénal d’une définition de la discrimination raciale, assortie d’une incrimination des actes relevant de la discrimination raciale et des circonstances aggravantes correspondantes, serait à l’étude. De plus amples précisions seraient nécessaires sur les arguments militant en faveur ou en défaveur de l’incorporation d’une telle définition.

35.Constatant que les libertés et droits constitutionnels cités au paragraphe 80 du rapport périodique ne font pas mention des facteurs à l’origine de la discrimination raciale visés à l’article 5 de la Convention, M. Amir voudrait savoir si le droit international prime le droit interne dans l’État partie.

36.La délégation monégasque voudra peut-être fournir de plus amples informations sur les activités de la cellule des droits de l’homme évoquées au paragraphe 90 du rapport périodique, en particulier ses observations soumises le 7 janvier 2008 concernant la requête contre Monaco actuellement examinée par la Cour européenne des droits de l’homme. Il serait intéressant de savoir si l’État partie envisage de remplacer cette cellule par un organe indépendant habilité à mener des enquêtes sur les actes de nature raciste et doté de compétences administratives et judiciaires, conformément aux dispositions de la Convention.

37.M. Amir demande si l’État partie envisage de ratifier le Protocole no 12 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, s’il a modifié sa législation interne compte tenu des dispositions de cet instrument et s’il entend ratifier la Charte sociale européenne (révisée).

38.Des informations complémentaires seraient bienvenues sur les activités de sensibilisation menées par la cellule des droits de l’homme, en particulier celles tendant à diffuser des informations sur l’examen en cours du rapport périodique de Monaco.

39.Enfin, M. Amir dit que le Code pénal devrait être modifié de façon à ce qu’une définition de toutes les notions utilisées dans la Convention y figure, le but étant que toutes les personnes chargées de l’application de la législation comprennent ces termes de la même manière.

40.M. Avtonomov prie la délégation monégasque d’expliquer pourquoi le nombre de ressortissants français vivant dans l’État partie est en baisse constante, comme indiqué au paragraphe 5 c) du rapport périodique.

41.L’expert souhaiterait en outre savoir si des mesures ont été prises pour promouvoir et préserver la langue monégasque et, en particulier, s’il existe des cours de langues pour adultes et des dictionnaires bilingues.

42.Notant la forte proportion d’étrangers au sein de la population active, M. Avtonomov prie la délégation monégasque d’indiquer si l’État partie a ratifié la Convention no 111 de l’Organisation internationale du Travail (OIT) concernant la discrimination (emploi et profession) et d’expliquer comment les dispositions de cet instrument pourraient être appliquées à Monaco.

43.M. Murillo Martínez voudrait savoir si l’absence de tensions interraciales et interethniques entre les représentants des 126 nationalités qui constituent la population de l’État partie peut être attribuée à la facilité d’accès aux biens et services.

44.M. de Gouttes demande si les dispositions de la Constitution ou d’autres textes du droit interne empêchent l’État partie d’établir des statistiques ventilées par origine raciale ou ethnique et si des méthodes comparatives pourraient être utilisées pour quantifier la discrimination raciale en matière d’accès à l’emploi, au logement, à l’éducation et à la fonction publique. L’État partie a-t-il utilisé la méthode du «testing» pour déterminer l’incidence de la discrimination raciale, notamment en menant des études comparatives sur la façon dont les candidatures à un emploi sont traitées ou en recourant au curriculum vitae anonyme?

45.De plus amples précisions seraient utiles sur les modifications que l’État partie a prévu d’apporter au nouveau Code pénal. En particulier, il serait intéressant de savoir si toutes les infractions pourront être accompagnées de circonstances aggravantes et quelle définition de la discrimination raciale sera utilisée.

46.Rappelant la teneur de la Recommandation générale no 31 du Comité sur la discrimination raciale dans l’administration et le fonctionnement du système de justice pénale, M. de Gouttes souligne que la rareté des plaintes, des poursuites et des jugements concernant les actes de discrimination raciale ne doit pas être regardée comme nécessairement positive. Elle peut aussi révéler, soit une information insuffisante des victimes sur leurs droits, soit la peur d’une réprobation sociale ou de représailles, soit la crainte du coût et la complexité des procédures, soit un manque de confiance à l’égard des autorités de police et de justice, soit une insuffisante attention ou sensibilisation de ces autorités à l’égard des infractions de racisme.

47.Tout en prenant acte avec satisfaction du dialogue interreligieux engagé entre des représentants de l’Église catholique et des représentants des religions juive et musulmane, M. de Gouttes souhaiterait des renseignements sur les difficultés ou incidents éventuels survenus dans l’État partie en raison de tensions interreligieuses.

48.Enfin, il demande si des mesures ont été prises pour suivre les travaux de la cellule des droits de l’homme et des libertés fondamentales créée au sein du Département des relations extérieures.

49.M. Prosper estime comme M. de Gouttes que des statistiques plus complètes seraient bienvenues. Notant qu’un grand nombre de nationalités sont représentées dans la population monégasque, il voudrait savoir pourquoi celle-ci est aussi peu diversifiée du point de vue racial. Il suggère que, dans son rapport périodique suivant, l’État partie fournisse des informations sur la composition socioéconomique de la population afin que le Comité puisse se faire une idée de la situation des divers groupes ethniques et nationaux vivant à Monaco. Il demande en outre pourquoi les Philippins sont aussi nombreux à Monaco. S’agissant de la question de la naturalisation, il voudrait savoir si une personne d’ascendance purement africaine née à Monaco pourrait obtenir la nationalité monégasque ou si cette personne n’aurait pas d’autre possibilité que de se marier avec un ou une Monégasque pour obtenir la naturalisation.

50.M. Thornberry note que, d’après la réserve qu’il a formulée à l’article 2 de la Convention, l’État partie se réserve le droit d’appliquer ses dispositions légales relatives à l’admission des étrangers sur le marché du travail. L’expert souhaiterait savoir quelle est la teneur de ces dispositions, eu égard aux droits de l’homme.

51.La délégation monégasque est invitée à indiquer sur quels motifs repose la réserve à l’article 4 de la Convention, aux termes de laquelle Monaco «interprète la référence, qui y est faite aux principes de la Déclaration universelle des droits de l’homme, ainsi qu’aux droits énoncés dans l’article 5 de la même Convention, comme déliant les États parties de l’obligation d’édicter des dispositions répressives qui ne soient pas compatibles avec les libertés d’opinion et d’expression, de réunion et d’association pacifiques qui sont garanties par ces textes». Il serait intéressant de connaître la portée de cette réserve, étant donné en particulier que la législation interne interdit l’incitation à la haine raciale et que l’État partie a annoncé son intention d’incorporer une définition de la discrimination raciale dans la législation pénale et d’ériger la motivation raciste d’une infraction en circonstance aggravante. M. Thornberry se demande si les réserves de l’État partie à la Convention sont nécessaires et si leur maintien se justifie.

52.La délégation monégasque voudra bien indiquer pourquoi l’État partie a formulé des réserves à plusieurs dispositions d’autres instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et quelle est l’attitude de Monaco vis-à-vis de l’ensemble des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme. Il serait intéressant de savoir si l’État partie envisage de signer la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires.

53.M. Lahiri note avec préoccupation que le système juridique et administratif de l’État partie semble être dépourvu de dispositions sur la discrimination raciale. Il relève en particulier l’absence de définition de la discrimination raciale et de dispositions érigeant en circonstance aggravante la motivation raciste d’une infraction. Des statistiques plus détaillées sur les affaires de discrimination raciale seraient bienvenues.

54.M. Diaconu, se référant aux observations finales du Comité des droits de l’homme concernant le deuxième rapport périodique de Monaco (CCPR/C/MCO/CO/2), note avec préoccupation que, dans l’État partie, les personnes morales peuvent être créées par simple déclaration et que le pouvoir de déterminer la nature éventuellement sectaire de la personne morale en cours de constitution revient à l’administration. La délégation monégasque voudra bien préciser quelles sont les conditions régissant la création des personnes morales et ce que l’État partie entend par «objet de caractère sectaire». M. Diaconu voudrait savoir quelles mesures sont prises pour éviter que des personnes morales ne puissent être créées dans le but de diffuser des idées racistes. Il se demande si les enfants des travailleurs frontaliers jouissent des mêmes droits que les enfants monégasques pour ce qui est de l’accès à l’enseignement public.

55.M. Fillon (Monaco) dit que, malgré la taille restreinte de son territoire, Monaco a une structure de pouvoir complète et équilibrée, régie par les dispositions de la Constitution et de la législation interne. La structure constitutionnelle est adaptée aux besoins spécifiques de l’État et permet d’assurer le respect de l’état de droit. Concernant la question de la nationalité, il indique qu’une femme ayant acquis la nationalité monégasque par mariage ne la perd pas en cas de divorce.

La séance est levée à 17 h 25.