NATIONS

UNIES

CERD

Convention internationale

sur l'élimination

de toutes les formes

de discrimination raciale

Distr.

GÉNÉRALE

CERD/C/SR.1559 *

26 mars 2003

Original: FRANÇAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE

Soixante‑deuxième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1559e SÉANCE

tenue au Palais des Nations, à Genève,le jeudi 6 mars 2003, à 10 heures

Président: M. DIACONU

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (suite)

Rapport initial et deuxième rapport périodique de l’Arabie saoudite (suite)

QUESTIONS D’ORGANISATION ET QUESTIONS DIVERSES (suite)

La séance est ouverte à 10 h 10.

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (point 5 de l’ordre du jour) (suite)

Rapport initial et deuxième rapport périodique de l’Arabie saoudite (CERD/C/370/Add.1) (suite)

1. Sur l’invitation du Président, la délégation saoudienne reprend place à la table du Comité.

2.M. SAUD‑AL‑KABEER (Arabie saoudite) dit qu’en tant que jeune État l’Arabie saoudite a dû en priorité répondre aux besoins de sa population en matière de santé, de logement et d’infrastructures. Néanmoins, en édifiant une nation moderne fondée sur les principes de la loi islamique, le Gouvernement saoudien a été amené à prendre en compte le problème de la discrimination raciale, condamnée par la charia.

3.Le représentant de l’Arabie saoudite fait observer que la plupart des informations contenues dans le rapport du Rapporteur spécial émanent d’organisations non gouvernementales, et plus particulièrement d’Amnesty International. Nonobstant le respect dû à ces organisations, il souligne qu’un très grand nombre de leurs allégations de violations des droits de l’homme se sont révélées infondées, et qu’après avoir étudié les réponses fournies par le Gouvernement saoudien le Groupe des communications de l’ONU a décidé de ne pas les examiner. La délégation saoudienne ne les prendra donc pas en considération dans le dialogue avec le Comité.

4.En réponse à la question qui a été posée à propos de l’accès des enfants non saoudiens à l’enseignement, M. Saud‑Al‑Kabeer indique que les communautés étrangères d’Arabie saoudite ont le droit de créer des écoles où sont enseignés les programmes scolaires en vigueur dans leur pays d’origine. Il existe actuellement 178 écoles étrangères regroupant plus de 100 000 élèves, qui dispensent les programmes d’enseignement de 20 pays différents. Il explique, par ailleurs, que le terme «résidents» employé au paragraphe 26 du rapport de l’État partie désigne les étrangers qui séjournent sur le territoire saoudien. Ceux-ci ont également accès à un enseignement gratuit à tous les niveaux et à des services tels que le transport scolaire et la gratuité des manuels. Il précise que 592 227 élèves non saoudiens sont scolarisés dans les établissements d’enseignement primaires et secondaires du pays.

5.Conformément aux préceptes islamiques, garçons et filles suivent un enseignement séparé, mais les programmes dispensés aux filles embrassent les mêmes disciplines que ceux offerts aux garçons. Il souligne qu’il y a en Arabie saoudite des femmes ingénieurs ou journalistes, comme l’atteste la présence au sein de la délégation de Mme Al-Urayyid, à la fois journaliste, écrivain et poète. Par ailleurs, la mixité hommes/femmes sur le lieu de travail est autorisée si la nature des tâches à accomplir le justifie, comme dans les hôpitaux, les médias ou les grandes entreprises.

6Les membres de l’appareil judiciaire et des forces de police sont sensibilisés aux droits de l’homme dans le cadre de leur formation théorique et pratique, qu’il s’agisse d’une formation initiale ou d’un perfectionnement. Des stages sont organisés par le Ministère de la défense et le Ministère de l’intérieur. Dans plusieurs universités, des sections spécialisées s’intéressent à la définition du crime de discrimination raciale, aux responsabilités en cas de discrimination raciale et aux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme.

7.Toute personne victime de discrimination raciale peut s’adresser aux autorités compétentes pour faire valoir ses droits. L’Arabie saoudite ayant ratifié la Convention, celle-ci fait partie de la législation nationale et peut donc être invoquée devant les tribunaux et d’autres instances judiciaires ou administratives. Par ailleurs, il n’y a pas d’incompatibilités entre les dispositions de la Convention et la charia islamique. Comme la loi islamique prône la tolérance, les étrangers bénéficient des mêmes garanties que les Saoudiens. Les non-musulmans ne sont pas tenus d’étudier l’islam dans leurs écoles et ont le droit de pratiquer leur religion dans des lieux appropriés.

8.En réponse à des questions plus spécifiques posées par les membres du Comité, M. Saud‑Al‑Kabeer dit que l’islam interdit le mariage entre une musulmane et un non-musulman, mais qu’un musulman peut épouser une non-musulmane. Par ailleurs, s’il est vrai que le témoignage de deux femmes est équivalent à celui d’un homme, il existe des cas où le témoignage d’une femme peut valoir celui de deux hommes. Sur le plan juridique, rien n’empêche les femmes de se déplacer librement sur le territoire ni ne les oblige à être accompagnées d’un membre de leur famille pour le faire. Pour ce qui est du code vestimentaire, le seul impératif est qu’elles soient vêtues décemment.

9.M. Saud‑Al‑Kabeer dit qu’en vertu de la charia huit catégories de personnes seulement peuvent prétendre bénéficier de la Zakât (aumône légale) et qu’il n’est donc pas possible de l’accorder à d’autres groupes.

10.Il n’existe en Arabie saoudite aucune discrimination en matière de naturalisation. Pour obtenir la nationalité, un étranger doit répondre à un certain nombre de critères, à savoir être adulte, sain d’esprit, avoir résidé de manière permanente sur le territoire au cours des cinq années précédentes, être de moralité irréprochable, prouver que son revenu provient de sources légales et renoncer à sa nationalité d’origine. Un homme n’obtient pas la nationalité en épousant une Saoudienne mais une femme l’acquiert par le mariage à condition qu’elle renonce à sa nationalité d’origine. En cas de divorce ou de décès de son mari, la femme peut recouvrer sa nationalité d’origine.

11.La loi saoudienne dispose que les avocats doivent avoir accès à toutes les pièces du dossier dont ils sont saisis de façon à pouvoir s’acquitter de leurs fonctions. Elle dispose en outre que, lorsque les besoins de l’enquête ou de la procédure judiciaire le justifient, un avocat non saoudien peut intervenir dans un procès et assister un confrère saoudien. Le Code de procédure pénale prévoit quant à lui que les étrangers faisant l’objet de poursuites ont droit à une assistance judiciaire, ce qui exclut qu’un étranger puisse être condamné à la peine capitale sans avoir bénéficié d’un tel service. De surcroît, la mission diplomatique du pays dont le suspect est ressortissant est immédiatement informée de la situation et peut prendre les dispositions nécessaires. Chacun a donc droit à un procès juste et équitable et les dispositions du Code de procédure pénale s’appliquent à tous, sans distinction de nationalité. Ainsi, les Saoudiens et les non‑Saoudiens sont traités sur un pied d’égalité et jouissent d’une protection identique.

12.M. Saud‑Al‑Kabeer informe les membres du Comité qu’un rapport du Haut‑Commissariat pour les réfugiés a conclu que le Royaume d’Arabie saoudite offre aux réfugiés des conditions de vie décentes et conformes aux normes internationales. Contrairement aux allégations sans fondement d’Amnesty International, les 5 000 réfugiés iraquiens en Arabie saoudite jouissent d’une protection répondant aux normes internationales. Le Royaume a d’ailleurs accepté d’accueillir 2 500 réfugiés iraquiens supplémentaires qui se verront octroyer un permis de résidence permanente et un emploi. M. Saud‑Al‑Kabeer rappelle aussi que, suite à la libération du Koweït en 1991, le Royaume a accueilli un grand nombre de soldats iraquiens, à qui il a accordé le même niveau de protection qu’aux autres réfugiés, assumant à lui seul la charge financière de la construction du camp où ils ont été placés ainsi que des soins de santé et d’éducation de leurs enfants.

13.Aucune discrimination de quelque nature que ce soit ne s’exerce dans le domaine de l’octroi du statut de demandeur d’asile. Un comité spécial a été créé récemment au sein du Ministère des affaires étrangères pour assurer le suivi des demandes d’asile et faciliter les formalités d’inscription des enfants des réfugiés dans les écoles publiques, selon des procédures qui, de nouveau, ont été jugées conformes aux normes internationales. Un Comité de haut niveau a été créé pour réfléchir à la question de l’adhésion de l’Arabie saoudite à la Convention relative au statut des réfugiés de 1951 et à son protocole de 1967.

14.M. Saud‑Al‑Kabeer dit que la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale a été intégrée dans l’ordre juridique interne et peut être invoquée devant les tribunaux.

15.Le Gouvernement saoudien est tout à fait conscient des effets néfastes possibles de l’Internet et a adopté des directives visant à prévenir la diffusion de tout message qui puisse constituer une incitation à la haine ou à la discrimination raciale et menacer la paix sociale. Il a en outre constitué un Comité gouvernemental chargé du suivi de ces directives.

16.Dans le domaine du droit du travail, le représentant de l’Arabie saoudite indique que la réglementation saoudienne régissant la sécurité sociale s’applique indifféremment aux Saoudiens et aux non-Saoudiens employés dans le pays. Il ajoute qu’il n’y a pas en Arabie saoudite de travailleurs migrants, l’emploi des étrangers étant régi par un contrat de travail de durée déterminée renouvelable aux termes d’un accord entre l’employeur et l’employé. En vertu d’une décision du Conseil des ministres en date du 10 octobre 2002 qui redéfinit les relations entre employeurs et salariés, l’employeur n’est plus habilité à garder en sa possession le passeport d’un employé étranger et des membres de sa famille, ce qui explique que le terme de «répondant» soit désormais remplacé par «employeur» dans les contrats de travail. Les salariés étrangers ont désormais le droit de se déplacer librement sur le territoire saoudien à condition d’être titulaires d’un permis de séjour valable et peuvent s’adresser à l’administration saoudienne pour tous types de démarches telles que l’obtention d’un permis de conduire, la location d’un appartement ou l’installation d’une ligne téléphonique, sans le consentement préalable de leur employeur. Un Comité spécial a été créé pour veiller à l’application de cette décision.

17.Le chapitre 11 du Code du travail traite de la question du règlement des différends entre employeurs et employés. En cas de litige, l’une des parties peut saisir l’un des 37 tribunaux du travail que compte le pays en vue d’un règlement à l’amiable. Si les parties ne parviennent pas à trouver un accord, l’affaire est déférée à un tribunal de première instance qui prononce un jugement sans aucune discrimination quant à la race, la couleur, l’origine ethnique. Ce jugement peut faire l’objet d’un appel auprès du Conseil suprême pour le règlement des différends, qui prononce une décision définitive dont l’application est immédiate.

18.Les étrangers n’ont certes pas le droit de participer aux négociations collectives, mais ils sont représentés par les Comités du travail, qui expriment le point de vue de tous les salariés, saoudiens et étrangers. Il est vrai que l’article 160 du Code du travail prévoit la ségrégation entre hommes et femmes sur le lieu de travail, conformément aux principes de la charia, mais la mise en œuvre de cet article tient compte des besoins propres à chaque entreprise et permet la mixité dans certains cas. Enfin, une commission spécialisée chargée d’étudier les conventions en vue de leur ratification éventuelle envisage actuellement la possibilité d’adhérer à la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leurs familles.

19.S’agissant de la «saoudisation» de la main‑d’œuvre évoquée par plusieurs membres du Comité, c’est-à-dire de tentatives de réduire le nombre de travailleurs étrangers dans le pays, M. Saoud-Al-Kabeer explique que des mesures ont été prises afin de garantir un emploi aux Saoudiens dans le secteur privé, mais qu’en aucun cas un employé saoudien ne peut se substituer à un autre employé recruté par contrat, que ce dernier soit saoudien ou étranger.

20.Pour ce qui est de l’allégation selon laquelle les employés étrangers ne porteraient pas plainte contre leur employeur de peur d’être expulsés ou de subir d’autres mesures de représailles, le représentant affirme que le Code du travail s’applique à tous les employeurs et à tous les employés, indépendamment de leur nationalité. Chaque employé ou employeur est parfaitement libre de porter plainte auprès de l’Office de l’emploi pour violation des lois en vigueur. M. Saoud-Al-Kabeer affirme en outre que l’Arabie saoudite n’a pas institué un système de «répondants» (sponsoring), terme qui n’est utilisé que dans le jargon du marché de l’emploi. Le Code du travail, qui réglemente les rapports employeurs/employés ne mentionne ni ce terme ni cette pratique. Par ailleurs, l’Arabie saoudite n’exerce aucune discrimination à l’égard des employés originaires d’Afrique et d’Asie.

21.La surveillance de la mise en œuvre du Code du travail incombe à l’Administration centrale du travail qui mène des inspections sur instruction du Ministère des affaires sociales. Celui-ci transmet tous les ans un rapport à l’Organisation internationale du travail (OIT) concernant l’état d’application de la Convention no 81 sur l’inspection du travail. Le représentant précise en outre que contrairement à ce qui est dit au paragraphe 28 du rapport périodique à l’examen, l’Arabie saoudite n’a pas ratifié la Convention no 101 mais la Convention no 111 de l’OIT, qui concerne la discrimination en matière d’emploi et de profession.

22.Pour ce qui est du projet de création de deux instances de protection des droits de l’homme, M. Saoud-Al-Kabeer indique que la décision finale tendant à créer une organisation non gouvernementale de défense des droits de l’homme a été retardée en raison de la situation internationale. Cette ONG ainsi que l’organisme gouvernemental de défense des droits de l’homme devraient toutefois pouvoir être créés dès que la situation sera revenue à la normale.

23.Mme AL-URAYYID (Arabie saoudite) affirme que l’élimination de la discrimination raciale est l’une des valeurs suprêmes de l’Islam et qu’il importe de tenir compte des différences sociales et culturelles entre les pays afin de comprendre que ce qui est acceptable pour certains peut s’avérer inacceptable pour d’autres.

24.La représentante regrette que les particularités culturelles de son pays soient mal connues du grand public occidental. Elle rappelle que l’Arabie saoudite est un État qui ne dispose d’un système politique juridiquement organisé que depuis à peine cent ans. Les projets et programmes de développement, tels que les programmes en matière d’éducation ou de santé publique, ne datent que de quelques décennies, ce dont il convient de tenir compte pour apprécier à sa juste valeur le niveau de développement atteint par le pays en si peu de temps.

25.Les femmes saoudiennes participent au développement du royaume. Elles ont désormais accès à l’enseignement primaire, secondaire et supérieur. L’Arabie saoudite est passée en quelques dizaines d’années de l’état de pays dans lequel les femmes étaient analphabètes à celui de pays qui peut s’enorgueillir de leur niveau élevé de formation et de spécialisation. Les autorités s’efforcent de modifier progressivement la conception générale du rôle des femmes afin d’éviter de provoquer des réactions extrêmes de rejet au sein de la société. Les femmes savent qu’un changement brutal et immédiat dans la conception de leur rôle ne pourrait que nuire à l’acceptation sociale de celui-ci.

26.Mme AL-IDRISI (Arabie saoudite) souhaite que le Comité apprécie le long chemin parcouru par les femmes saoudiennes vers leur émancipation. Elle regrette les stéréotypes souvent véhiculés par les médias occidentaux concernant la pseudo‑marginalisation des femmes dans la société saoudienne. Le fait que les Saoudiennes portent le voile ne signifie pas qu’elles ne jouent pas un rôle actif au sein de la société ou de la famille.

27.Contrairement à certaines idées reçues, les femmes saoudiennes ont parfaitement le droit de faire des études universitaires dans les domaines de la médecine, de la sociologie, ou de l’ingénierie, ce qui était impensable il y a vingt ans. Mme Al-Idrisi affirme qu’elle a fait des études supérieures alors que sa propre mère est pratiquement analphabète et que les femmes saoudiennes qui occupent un emploi ne sont plus aujourd’hui l’exception mais la règle.

28.M. de GOUTTES sait gré à la délégation saoudienne des nombreuses informations qu’elle a fournies au Comité mais regrette que celles-ci aient davantage porté sur les textes et règlements juridiques que sur leur application concrète. Il sait gré également aux deux représentantes de l’Arabie saoudite d’avoir su exprimer avec beaucoup de franchise et d’émotion les progrès réalisés par leur pays dans le domaine de la condition de la femme.

29.Plus généralement, M. de Gouttes relève que le chef de la délégation a affirmé qu’il n’existe pas d’incompatibilité entre les normes fondamentales des droits de l’homme et la charia, affirmation importante car la question de la compatibilité de la charia avec les normes fondamentales en matière de droits de l’homme a été évoquée à plusieurs reprises dans les instances internationales, dans des organes conventionnels de l’ONU et même dans un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme. M. de Gouttes rappelle qu’en 2001, dans ses observations finales concernant l’Arabie saoudite, le Comité des droits de l’enfant a reconnu les valeurs universelles d’égalité et de tolérance inhérentes à l’Islam, mais constaté que l’interprétation étroite que les autorités de l’État donnent des textes islamiques entrave l’exercice de nombreux droits fondamentaux protégés par la Convention sur les droits de l’enfant. Il apparaît donc que ce n’est pas la charia qui, en Arabie saoudite, pose problème mais plutôt son interprétation stricte et la manière dont elle est appliquée. M. de Gouttes souhaite que la délégation donne un point de vue plus complet sur cette question très importante.

30.M. ABOUL-NASR note que l’examen du rapport présenté par l’Arabie saoudite a donné lieu à un échange de vues où il a été beaucoup question des droits de la femme et des droits des non-ressortissants, qui ne sont pas de la compétence du Comité.

31.Il rappelle le rôle remarquable joué par M. Jamil Baroody, ambassadeur de l’Arabie saoudite, dans la rédaction de la Convention sur l’élimination de la discrimination raciale. Sachant que M. Jamil Baroody était libanais et chrétien, on imagine mal que l’Arabie saoudite se rende coupable de discrimination à l’égard des non-ressortissants ou des non-musulmans.

32.M. THIAM, remerciant la délégation saoudienne des explications données concernant le système de répondants, note que la relation contractuelle entre l’employeur et le travailleur telle qu’elle a été décrite s’apparente au contrat entre absents et concerne non seulement l’emploi, mais aussi l’octroi du visa. Il se demande si le contrat signé par l’employeur et le travailleur lie les autorités consulaires, si la législation saoudienne protège la partie lésée en cas de rupture du contrat résultant d’un refus de visa et ce qu’il advient du droit de séjour du travailleur étranger qui perd son emploi.

33.M. Thiam estime que la présence de femmes au sein de la délégation et leur participation aux débats témoigne des progrès immenses réalisés dans une société habituellement soupçonnée d’ostracisme et que la femme est aussi active dans les pays islamiques que dans d’autres pays. Il constate que le dialogue entre la délégation et le Comité a été marqué par la franchise quant aux changements survenus en Arabie saoudite, aussi bien dans le domaine de la condition de la femme et de la promotion des droits de l’homme que dans celui du développement social.

34.M. KJAERUM se réjouit qu’une solution ait été trouvée au problème des Iraquiens réfugiés en Arabie saoudite mais rappelle que la protection des droits fondamentaux des personnes, y compris les réfugiés et les migrants relève en premier lieu de la responsabilité des États qui reste entière, même si le Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés ou d’autres organismes internationaux apportent une assistance dans ce domaine. Il rappelle en outre que la lettre du Haut‑Commissariat pour les réfugiés, dont la délégation saoudienne a fait état, remonte à 1996 et n’invalide pas entièrement les allégations contre l’Arabie saoudite communiquées au Comité par Amnesty International et d’autres organisations non gouvernementales.

35.M. RESHETOV ne doute pas que les normes de l’islam et du droit international soient compatibles, sachant que les musulmans pratiquants, notamment dans sa région natale, ont contribué fortement à la cause des droits de l’homme. Il importe donc d’encourager le dialogue entre les civilisations et le rapprochement des principes de l’islam et de la charia et les principes internationalement reconnus en matière de droits de l’homme.

36.M. YUTZIS rappelle l’apport de la culture arabe et islamique à la culture occidentale et s’élève contre ceux qui voudraient imposer les valeurs de la culture occidentale à d’autres cultures car chacun peut, pour autant qu’il ne verse pas dans le fanatisme ou l’arbitraire, défendre les valeurs fondamentales propres à sa culture.

37.Par ailleurs, l’expert considère que les droits des non-ressortissants entrent bel et bien dans les compétences du Comité, ainsi qu’il ressort de la recommandation générale no XI du Comité, qui porte précisément sur cette question; il convient donc que les membres du Comité s’y intéressent à l’occasion de l’examen des rapports des États parties.

38.S’agissant de la condition féminine, il convient de trouver un équilibre qui permette d’aboutir à ce qui paraît de plus en plus irréalisable: une civilisation humaine unique respectueuse des différentes identités culturelles et des cadres dans lesquels ces cultures différentes fonctionnent.

39.M. BOSSUYT (Rapporteur pour l’Arabie saoudite) note que les codes de procédure civile et criminelle ainsi qu’un code de pratique destiné aux juristes sont en cours d’élaboration et garantiront une plus grande sécurité juridique en Arabie saoudite, et que la délégation saoudienne a confirmé que la Convention fait partie intégrante du droit interne saoudien.

40.M. Bossuyt prend note également de la volonté de dialogue, de transparence et de coopération manifestée par la délégation saoudienne, qui a su montrer que l’Arabie saoudite est un pays jeune par sa population et son histoire, facteurs que le Comité ne devrait pas oublier dans l’évaluation des progrès accomplis par l’État partie.

41.La délégation saoudienne a fait état d’informations fournies par le Gouvernement saoudien à la suite d’allégations émanant d’organisations non gouvernementales. M. Bossuyt fait observer à cet égard que le Comité n’a pas accès aux informations communiquées dans le cadre de la procédure établie par la résolution 1503 (XLVIII) du Conseil économique et social. Par ailleurs, il prend note des chiffres précis qui ont été fournis concernant la scolarisation des enfants étrangers, organisée de manière à respecter l’identité propre à ces enfants et à leur permettre de s’épanouir dans leur culture d’origine. La délégation saoudienne a affirmé que les minorités religieuses peuvent pratiquer leur culte en privé; cependant, il faut noter à cet égard qu’il n’existe pas d’autres lieux de culte que les mosquées en Arabie saoudite.

42.La délégation a fourni au Comité des renseignements sur la question de la naturalisation mais n’a pas indiqué si une procédure de déchéance de la nationalité était envisagée. Il retient des réponses de la délégation que les employeurs ne sont plus autorisés à garder le passeport des travailleurs qu’ils emploient et que le mot «répondant» a été remplacé dans les textes de loi par le mot «employeur». Il est disposé à considérer la «saoudisation», qui veut que la priorité soit donnée aux Saoudiens en matière d’emploi, comme un souci légitime du Gouvernement saoudien, mais appelle l’attention sur le problème de la situation précaire dans laquelle vivent les travailleurs étrangers, qui séjournent parfois depuis de longues années dans le pays sans avoir aucune garantie de conserver leur emploi et leur droit de séjour.

43.Enfin, le Rapporteur note avec satisfaction que deux instances chargées de protéger les droits de l’homme, dont une organisation non gouvernementale, seront bientôt créées et que, dans l’ensemble, la présentation du rapport initial et du deuxième rapport périodique de l’Arabie saoudite au Comité s’avère une réussite. En ratifiant la Convention, l’Arabie saoudite a manifesté une volonté réelle d’ouverture, confirmée par la qualité de son rapport et de la délégation qui a répondu aux questions du Comité.

44.M. SAUD-AL-KABEER (Arabie saoudite) indique que l’Arabie saoudite, résolue à poursuivre le travail entrepris, répondra par écrit aux questions et observations du Comité, et se félicite de ce que les deux femmes présentes dans la délégation aient pu témoigner de l’action accomplie par les femmes en Arabie saoudite malgré la taille réduite de la société saoudienne.

45.Le PRÉSIDENT se félicite de l’échange de vues constructif et approfondi qui s’est instauré entre le Comité et la délégation saoudienne. L’Arabie saoudite est apparue comme un pays en évolution, soucieux à la fois de préserver ses traditions et de se moderniser. Sur le plan législatif, le bilan est mitigé car, en dépit des progrès, des lacunes sont encore à combler. Il reste aussi à faire évoluer les mentalités parallèlement à la législation et aux institutions; le Gouvernement saoudien doit s’atteler à cette tâche.

La séance est suspendue à 12 h 45; elle est reprise à 12 h 55.

QUESTIONS D’ORGANISATION ET QUESTIONS DIVERSES (point 2 de l’ordre du jour) (suite)

46.Le PRÉSIDENT annonce que le débat général prévu au titre du point 3 de l’ordre du jour se tiendra à la 1560e séance du Comité.

47. La délégation saoudienne se retire.

La séance est levée à 13 heures.

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