Nations Unies

CERD/C/SR.1944

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

11 mai 2010

FrançaisOriginal: anglais

Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

Soixante-quinzième session

Compte rendu analytique de la 1944 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le lundi 10 août 2009, à 15 heures

Présidente: Mme Dah

Sommaire

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties en application de l’article 9 de la Convention (suite)

Seizième à dix-neuvième rapports périodiques de la Grèce

La séance est ouverte à 15 h 10.

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties en application de l’article 9 de la Convention (point 5 de l’ordre du jour) (suite)

Seizième à dix-neuvième rapports périodiques de la Grèce (CERD/C/GRC/16-19; CERD/C/GRC/Q/19; HRI/CORE/1/Add.121)

1. Sur l’invitation de la Présidente, la délégation grecque prend place à la table du Comité.

2. M. Verros (Grèce) dit que le Comité est un élément essentiel des efforts déployés par la communauté internationale pour éliminer la discrimination raciale. La Convention en vertu de laquelle cet organe a été créé est le principal instrument international de lutte contre la discrimination raciale et l’intolérance et un outil indispensable à la lutte contre les formes nouvelles et contemporaines de racisme. La délégation grecque se félicite de l’occasion qui lui est donnée de dialoguer avec le Comité et d’autres organes créés en vertu des traités et dit que les autorités nationales considèrent qu’il est important de mettre en œuvre les recommandations que le Comité formulera à l’issue de cet échange.

3. M me Telalian (Grèce), présentant les excuses de son pays pour le retard accumulé dans la présentation de ses rapports périodiques, précise que le rapport à l’examen (CERD/C/GRC/16-19) a été préparé par le Département juridique du Ministère des affaires étrangères en étroite collaboration avec plusieurs autres ministères et qu’il tient compte des observations et contributions de la Commission nationale des droits de l’homme.

4. Mme Telalian indique qu’en 2005, le Parlement grec a adopté la loi no 3304/2005 relative à l’application du principe d’égalité de traitement indépendamment de l’origine raciale ou ethnique, des convictions religieuses ou autres croyances, du handicap, de l’âge ou de l’orientation sexuelle, qui interdit la discrimination aussi bien directe qu’indirecte et le harcèlement. Le chapitre II de cette loi porte sur l’égalité de traitement indépendamment de l’origine raciale ou ethnique et contient, notamment, des dispositions applicables à l’emploi et à l’accès aux biens et services publics, y compris au logement. L’article 6 de cette loi prévoit que des mesures spéciales ou des mesures d’action positive peuvent être prises pour prévenir ou atténuer les inégalités rencontrées par certains groupes de personnes en raison de leur race ou de leur origine ethnique. Le chapitre III, qui porte sur l’égalité de traitement indépendamment des convictions religieuses ou d’autres croyances, du handicap, de l’âge ou de l’orientation sexuelle, a une portée plus limitée que le chapitre II puisqu’il ne s’applique qu’à l’emploi et à l’éducation. Le chapitre IV, relatif à la protection des victimes de discrimination, contient plusieurs dispositions sur la représentation des victimes présumées devant les tribunaux et le renversement de la charge de la preuve en matière civile et administrative et établit des mécanismes de protection des plaignants. En vertu de l’article 16-1 de cette même loi, toute discrimination en matière d’offre de biens ou de services publics constitue une infraction pénale.

5. La loi no 3304/2005 prévoit également la création ou la désignation d’organismes chargés de la mise en œuvre des dispositions relatives à l’égalité de traitement. Le Médiateur grec a pour mandat d’examiner les plaintes relatives aux actes de discrimination commis par les autorités publiques, l’Inspection du travail est compétente pour connaître des cas de discrimination en matière d’emploi et de travail et le Comité pour l’égalité de traitement examine les violations du principe de l’égalité de traitement commises par des personnes physiques.

6. La Grèce ne dispose pas d’organe central de lutte contre toutes les formes de discrimination car les institutions susmentionnées ayant élaboré des moyens d’action efficaces dans leurs domaines respectifs de compétence, il a été jugé inutile de créer une autorité indépendante chargée d’examiner les plaintes qui ne concernent pas les litiges entre particuliers et pouvoirs publics. À ce jour, peu de plaintes ont été soumises à l’Inspection du travail ou au Comité pour l’égalité de traitement. À l’inverse, le Médiateur grec a enquêté sur un nombre important d’affaires, dont la plupart des victimes sont des personnes d’origine rom, et a mis au point une initiative stratégique coordonnée pour les établissements roms. Il conviendra néanmoins de redoubler d’efforts pour mieux sensibiliser la population à la loi n° 3304/2005 et en renforcer l’application.

7. En ce qui concerne la minorité musulmane de Thrace, MmeTelalian explique que l’instauration d’un quota de 0,5 % d’admissions d’élèves musulmans dans les établissements d’enseignement supérieur et dans les instituts techniques a permis d’augmenter de façon significative le nombre d’étudiants musulmans dans l’enseignement supérieur. En 2008, une loi a été adoptée qui institue un quota de recrutement de 0,5 % de personnes issues de la minorité musulmane dans le secteur public, après admission au concours national. Des cours optionnels d’apprentissage du turc ont, en outre, été introduits dans les écoles publiques de Thrace et les parents des élèves musulmans ont désormais la possibilité de suivre des cours de langue et de civilisation grecques. Le Ministère de l’éducation et des affaires religieuses a recruté 240 enseignants musulmans depuis 2007.

8. En outre, pour accéder à une demande de longue date de la minorité musulmane, des dispositions ont été prises pour faciliter l’élection des membres des comités de gestion des organismes musulmans de bienfaisance (waqf) en Thrace par leurs pairs. La création de conseils locaux de la jeunesse a permis de faire davantage participer les jeunes musulmans aux affaires publiques et a eu un impact positif sur les relations entre les jeunes musulmans et les jeunes chrétiens. Des efforts sont également déployés pour faire davantage participer les musulmans, en particulier des femmes et des jeunes, aux programmes parrainés par l’Union européenne qui sont menés sur tout le territoire national en faveur des groupes vulnérables et qui privilégient l’égalité entre hommes et femmes, l’égalité des chances, la lutte contre le racisme et le dialogue interculturel.

9. Concernant les allégations selon lesquelles le Gouvernement grec ne reconnaît pas l’identité «turque» des musulmans de Thrace, Mme Telalian explique que la minorité musulmane de Thrace est composée de Turcs, de Pomaques et de Roms qui parlent leur propre langue et disposent de leurs propres culture et traditions. Bien que le groupe ethnique turc de Thrace s’efforce en permanence d’imposer ses spécificités culturelles et ses traditions aux deux autres composantes de la minorité, le Gouvernement considère que ces dernières ne doivent pas être assimilées au groupe ethnique turc.

10. Le fait que la protection de la minorité musulmane de Thrace ait été consacrée par le Traité bilatéral de Lausanne de 1923 est souvent perçu comme une tentative de l’État grec d’associer cette protection à des choix politiques et à des relations bilatérales. Ces allégations sont sans fondement. Dans certains domaines, le Traité de Lausanne garantit une protection encore plus grande que les instruments contemporains relatifs aux droits de l’homme et les lois adoptées et les pratiques suivies par plusieurs gouvernements grecs successifs à l’égard de la minorité musulmane de Thrace sont conformes aux normes contemporaines des droits de l’homme. En effet, comme tous les citoyens grecs, les musulmans de Thrace jouissent des droits consacrés par la Constitution et les instruments internationaux et régionaux relatifs aux droits de l’homme auxquels le pays est partie. Les politiques du Gouvernement visent à intégrer la minorité musulmane dans la société grecque tout en préservant son identité culturelle et religieuse. Le Gouvernement s’efforce également d’éviter que les questions relatives aux musulmans de Thrace soient exploitées par des milieux radicaux dont l’objectif est de maintenir cette minorité dans la marginalisation et l’introversion.

11. S’agissant des revendications d’autres minorités, Mme Telalian fait valoir que les revendications subjectives d’un nombre restreint de personnes appartenant à un groupe ethnique ou culturel distinct, à moins qu’elles ne reposent sur des critères objectifs pertinents, ne suffisent pas à imposer une obligation à l’État de reconnaître officiellement ce groupe en tant que minorité et de lui accorder la protection voulue. Les différences ethniques, culturelles, linguistiques ou religieuses d’un groupe ne suffisent pas à en faire une minorité nationale ou ethnique. Le fait de prétendre que le Gouvernement grec ne reconnaît pas les «Macédoniens» comme une minorité nationale ou linguistique est non seulement infondé mais risque, de plus, de peser sur les identités reconnues de la région. Ce débat entretient également la confusion au sujet de l’adjectif «macédonien», qui est utilisé par des centaines de milliers de Grecs vivant dans le nord du pays. Toute tentative visant à qualifier de «macédonien» un petit groupe de personnes vivant dans la région risquerait de modifier le patrimoine culturel de 2,5 millions de Grecs macédoniens. Il convient de noter à cet égard que la non-reconnaissance d’un tel groupe en tant que minorité nationale ne signifie pas qu’il soit traité de façon discriminatoire ou qu’il ne bénéficie pas de la même protection que les autres.

12. Parce que les Roms grecs sont un groupe vulnérable, des mesures spéciales et des plans d’action spécifiques ont été élaborés pour assurer leur développement. Le rapport périodique à l’examen et les réponses écrites de la Grèce contiennent des informations détaillées sur le Programme d’action intégrée pour l’intégration sociale des Roms de Grèce. Celui-ci prévoit l’octroi de 9 000 prêts immobiliers de 60 000 euros chacun à des Roms grecs vivant dans des logements ne répondant pas aux normes minimales d’habitation et, à ce jour, 7 772 familles roms en ont bénéficié. Depuis 2007, le nombre de bénéficiaires du programme de construction de logements et de maisons construites ou qui sont en cours de construction a augmenté de 22,4 % et 14,5 % respectivement. Ce programme est mis en œuvre en étroite coopération avec l’ensemble des parties prenantes selon une approche globale, participative et socialement sensible. La révision du cadre juridique, achevée en juin 2006, a tenu compte de la Recommandation générale 27 du Comité concernant la discrimination à l’égard des Roms. Les prêts immobiliers sont accordés sur la base de critères d’évaluation sociale qui prennent en considération les conditions et modes de vie propres aux Roms. L’évaluation des demandes de prêts a été décentralisée et des comités d’évaluation composés de Roms et de non-Roms ont été mis en place au niveau municipal. Les projets immobiliers réalisés par des organismes locaux et soutenus par les Roms eux-mêmes sont considérés comme prioritaires.

13. Le programme de prêts immobiliers a indirectement permis aux Roms d’obtenir des documents d’identité mais aussi d’améliorer l’interaction entre la communauté rom et les autorités publiques, l’autonomisation des femmes et l’assistance aux familles nombreuses.

14. Le programme pour l’éducation des élèves roms grecs vise à favoriser leur intégration dans le système éducatif, réduire les taux d’abandon scolaire et prévenir la ségrégation des élèves roms. Le programme soutient un réseau d’établissements scolaires qui offre tout un éventail de services aux élèves roms. Tous les établissements scolaires sont tenus d’accepter les inscriptions d’enfants roms et de coopérer avec les services de santé publique et les institutions locales de protection sociale.

15. La Commission nationale des droits de l’homme joue un rôle important en matière de promotion des droits des Roms. En janvier 2009, la Commission a publié un rapport détaillé contenant une série de recommandations pour améliorer la situation des Roms grecs. Le Gouvernement est pleinement conscient qu’il faut de toute urgence trouver une solution aux problèmes rencontrés par les membres de cette communauté.

16. Mme Telalian poursuit en indiquant que la loi no 927/1979 sanctionne les actes ou activités susceptibles d’engendrer la discrimination, la haine ou la violence contre des individus ou groupes d’individus au motif de leur origine raciale ou nationale ou de leur religion. La loi en question réprime également l’expression d’idées agressives envers un individu ou groupe d’individus motivée par l’origine raciale ou nationale ou la religion ainsi que la création d’organisations dont le but est de se livrer à une propagande ou à toute autre forme d’activité tendant à la discrimination raciale, ou la participation à de telles organisations. La représentante dit que l’application limitée de la législation dans le passé s’explique en partie par la réticence des tribunaux à restreindre la liberté d’expression mais aussi par l’inexistence de mouvements extrémistes organisés ou de tensions entre les différents groupes sociaux grecs. Depuis les années 90, la société grecque s’est beaucoup diversifiée et a pris de plus en plus conscience de l’importance de la législation contre le racisme pour la préservation de la paix sociale et la protection des groupes vulnérables. La loi no 2910/2001 permet, du reste, au parquet d’engager des poursuites d’office contre les auteurs d’actes racistes ou discriminatoires.

17.En 2007 et 2008, des poursuites pénales ont été exercées dans quatre affaires relatives à des infractions à la loi no 927/1979 qui ont abouti à une condamnation, un acquittement en première instance et deux acquittements en appel. Le Procureur général près la Cour suprême a récemment formé un recours dans l’intérêt de la loi au sujet d’une affaire très médiatisée qui s’est soldée par un acquittement en deuxième instance. Le réexamen de l’affaire permettra à la Cour suprême de formuler un avis sur l’application de la loi no 927/1979 et de formuler une jurisprudence cohérente.

18.Bien que la pénalisation de propos racistes soit un outil important permettant de lutter contre les tentatives de groupes marginaux d’exploiter à des fins racistes les préoccupations légitimes de larges segments de la population, la législation de lutte contre le racisme doit être invoquée avec prudence et discernement afin d’identifier et de sanctionner efficacement les propos véritablement racistes. Les dispositions pénales adoptées en novembre 2008 prévoient que la commission d’une infraction motivée par la haine ethnique, raciale ou religieuse constitue une circonstance aggravante. Outre la législation pénale, la condamnation de propos ou d’actes discriminatoires imputables à des personnalités publiques ou à des dirigeants politiques constitue également un moyen efficace de lutte contre l’intolérance.

19.Parallèlement aux dispositions législatives qui incriminent l’incitation à la haine, les médias électroniques sont également encouragés à se doter de mécanismes d’autorégulation par le biais, notamment, de l’adoption et de la mise en œuvre de codes de déontologie. Le Code d’éthique du Conseil national de l’audiovisuel interdit, par exemple, la diffusion de messages ou de propos dégradants, racistes, xénophobes ou sexistes qui pourraient conduire à une discrimination fondée notamment sur la race, la nationalité et la langue. Depuis 2002, le Conseil national de l’audiovisuel, qui est une autorité indépendante, a imposé des sanctions administratives à plusieurs télévisions publiques et privées et des stations de radio dont les programmes contenaient des messages offensants contre des groupes vulnérables. En Grèce, la presse écrite n’est pas contrôlée par l’État mais applique des codes de déontologie qui interdisent les distinctions fondées sur l’origine, le sexe, la race et d’autres caractéristiques personnelles.

20.Le Gouvernement grec reconnaît pleinement qu’il est primordial que les agents chargés de l’application de la loi soient tenus responsables de leurs actes, sans exception. Le Gouvernement a du reste affirmé et démontré à plusieurs reprises qu’il était déterminé à ne pas laisser la xénophobie ou la discrimination se développer au sein de la police en contrôlant étroitement et en réprimant effectivement tous les fonctionnaires de police impliqués dans des activités illégales, antisociales ou contraires à l’éthique. Les plaintes de mauvais traitements commis par des policiers sont enregistrées et font l’objet d’une enquête approfondie. Des enquêtes d’office ont été ouvertes sur les cas signalés d’utilisation d’armes à feu par des fonctionnaires de police et les mesures disciplinaires appropriées ont été prises à l’encontre des contrevenants lorsqu’une violation de la législation a été constatée, y compris des sanctions sévères telles que la révocation ou la suspension. De plus, les autorités de police ont l’obligation d’enquêter sur l’existence de motivations racistes dans les affaires pénales et administratives visant des ressortissants étrangers ou des personnes appartenant à des groupes vulnérables. Plusieurs circulaires sur la protection des droits de l’homme et la conduite requise des forces de l’ordre mettent notamment l’accent sur la nécessité de lutter contre la discrimination raciale. Les autorités veillent au respect des circulaires et prennent les mesures qui s’imposent le cas échéant. Le Code d’éthique des forces de police de 2004 énonce les règles à suivre en matière de respect des droits de l’homme et de protection des personnes et des groupes sociaux vulnérables. L’absence de préjugé fondé sur la couleur de la peau, le sexe, l’origine ethnique, l’idéologie et la religion, l’orientation sexuelle, l’âge, l’incapacité, la famille, le statut économique ou social, constitue l’un des paramètres fondamentaux du comportement des policiers.

21.Les arrêts rendus par la Cour européenne des droits de l’homme contre des policiers ayant enfreint les droits protégés en vertu de la Convention européenne des droits de l’homme ont été communiqués à tous les services de police pour examen et mise en œuvre. Les droits de l’homme, l’élimination de la discrimination raciale, du racisme et de la xénophobie et les relations avec les personnes appartenant à des groupes sociaux vulnérables font partie des cours dispensés à l’Académie de police. En outre, afin de sensibiliser les agents de police à la nécessité de protéger les droits de l’homme des groupes sociaux vulnérables, une formation continue est dispensée à titre prioritaire. Une circulaire de 2008 du Procureur général près la Cour suprême a informé les procureurs que tous les actes de mauvais traitements infligés à des citoyens grecs et étrangers par des agents de l’État devaient être immédiatement poursuivis et, si nécessaire, des examens médico-légaux entrepris.

22.Les autorités chargées des questions d’éducation reconnaissent qu’il convient d’aider les personnes de cultures différentes à préserver et mettre en valeur toutes les composantes de leur identité et d’encourager leur intégration harmonieuse dans la société d’accueil. L’éducation aux droits de l’homme occupe une place prépondérante dans le système éducatif grec et plusieurs modules d’éducation interculturelle ont été introduits dans les établissements scolaires. De nouveaux manuels ont été élaborés qui encouragent les aspects multilingues et multiculturels de l’apprentissage continu, favorisant ainsi l’acceptation de la religion et de la culture de l’autre. Plus de 40 établissements scolaires participent au projet du Conseil de l’Europe sur l’éducation à la citoyenneté démocratique et ont d’ores et déjà élaboré des matériels didactiques concernant les droits de l’homme, l’intégration sociale et la compréhension interculturelle. Tous les enfants vivant en Grèce jouissent du droit à l’éducation, quel que soit le statut légal de leurs parents ou tuteurs légaux; les enfants de ressortissants étrangers vivant en Grèce sont tenus de suivre la scolarité minimale obligatoire dans les mêmes conditions que les ressortissants grecs.

23.La formation des fonctionnaires aux droits de l’homme est primordiale pour prévenir la discrimination raciale. Divers programmes de formation des maîtres à une approche multiculturelle de l’enseignement ont été réalisés. Des cours sur les droits de l’homme ont été incorporés aux programmes d’étude des magistrats et plusieurs séminaires de formation ont été organisés à l’intention des magistrats en exercice. L’éducation aux droits de l’homme axée sur l’élimination de toutes les formes de discrimination a donc été intégrée à la formation de tous les représentants de l’État.

24.En 2005, le cadre juridique réglementant l’immigration a été modifié afin de remédier aux problèmes administratifs et aux lacunes constatés dans l’application de la législation antérieure. La priorité a été donnée à la gestion efficace et non bureaucratique des flux migratoires et à la promotion et à la protection des droits des migrants en Grèce. Les procédures de regroupement familial et de protection des mineurs et d’autres groupes vulnérables, y compris des victimes de la traite des êtres humains, ont été simplifiées. Toutes les personnes résidant légalement en Grèce jouissent des mêmes droits que les ressortissants grecs en matière de sécurité sociale, de protection sociale, d’égalité d’accès aux services, et d’admission dans les hôpitaux et cliniques publics. En outre, la loi adoptée en 2005 énonce les conditions d’obtention du statut de résident de longue durée et élargit le principe d’égalité de traitement dont jouissent les ressortissants grecs. Les enfants de ressortissants de pays tiers nés en Grèce peuvent demander le statut de résident de longue durée à des conditions préférentielles.

25.Un plan d’action pour l’intégration des ressortissants de pays tiers résidant légalement sur le territoire grec a été élaboré pour la période 2007-2013 afin, notamment, de fournir une aide aux ressortissants étrangers en matière d’information et d’accès aux services disponibles en matière d’emploi, d’éducation, de logement, de santé et de culture. Cofinancée par le Fonds européen d’intégration des ressortissants de pays tiers, la dotation totale allouée à ce programme pour la période considérée dépassera les 26 millions d’euros. Le plan d’action met l’accent sur l’approche interculturelle, la promotion de la tolérance et l’élimination des préjugés et des stéréotypes à l’égard des étrangers.

26. Mme Telalian explique que l’immigration clandestine pose un certain nombre de défis importants à la Grèce, étant donné qu’environ 150 000 étrangers sont entrés illégalement dans le pays en 2008. Ces personnes, qui fuient généralement la pauvreté dans leur pays d’origine, transitent par la Grèce avant de se rendre dans d’autres pays européens. La Grèce fait donc face à une pression migratoire accrue et disproportionnée du fait de sa situation à l’extrémité des frontières de l’Union européenne (UE), de sa superficie étendue, de son accès à la mer et de sa proximité avec les pays d’origine de l’immigration clandestine. La situation est particulièrement problématique dans les îles de l’Est de la mer Égée où les centres de rétention n’ont pas la capacité d’accueillir le grand nombre de migrants en situation irrégulière. La seule solution à ce problème est que les États membres de l’UE prennent des mesures effectives de solidarité, partagent équitablement le fardeau que représente l’immigration clandestine et concluent des accords de réadmission car la plupart des problèmes actuels résultent de la non-application des accords bilatéraux de réadmission signés avec des pays tiers. Les préoccupations de la Grèce à cet égard ont été reprises dans les conclusions de la présidence du Conseil européen de Bruxelles de juin 2009. De nouveaux centres d’accueil destinés aux migrants en situation irrégulière seront créés et administrés conformément aux normes modernes des droits de l’homme et les autorités compétentes continueront de protéger les droits des demandeurs d’asile et de respecter le principe de non-refoulement. L’objectif de la nouvelle procédure d’asile, établie en vertu d’une loi adoptée en 2009, est de décentraliser le système afin qu’il soit plus efficace et équitable et offre une protection juridictionnelle complète aux demandeurs. Les demandes d’asile en instance seront examinées et la procédure d’examen sera accélérée.

27. Enfin, Mme Telalian indique que les observations finales que le Comité adoptera concernant les seizième à dix-neuvième rapports périodiques de la Grèce seront traduites en grec et adressées en priorité à toutes les autorités compétentes. Elles seront également publiées, en grec, sur les sites Internet du Gouvernement et largement diffusées dans le pays.

28.M. Lindgren Alves (Rapporteur pour la Grèce), tout en se félicitant des nombreuses informations fournies par la délégation grecque dans sa déclaration liminaire, regrette que celle-ci ne compte aucun membre de la Commission nationale des droits de l’homme. Il indique qu’au regard de la difficulté qu’éprouvent les membres du Comité pour analyser et assimiler toutes les informations qui leur sont soumises en raison du peu de temps dont ils disposent pour examiner les rapports périodiques des États parties et des pressions liées à la charge de travail, les réponses de la Grèce à la liste des points à traiter (document sans cote distribué en séance, en anglais seulement) sont de précieux éléments d’information. Il attire l’attention de la délégation grecque sur le fait que les membres du Comité n’ont pas toujours le même avis à propos des problèmes rencontrés par les États parties ou des observations finales adoptées par le Comité à l’issue de l’examen des rapports périodiques.

29. Cela étant dit, M. Lindgren Alves comprend qu’en vertu du Traité de Lausanne de 1923, la Grèce reconnaît l’existence de minorités religieuses, en l’occurrence la minorité musulmane de Thrace occidentale. Il explique que dans la liste des points à traiter qu’il a adressée à l’État partie, il a utilisé l’expression «minorités ethniques» afin d’obtenir des informations sur les groupes vulnérables car, selon lui, la portée de cette expression est suffisamment vaste pour inclure les minorités religieuses, les Roms grecs, les Roms originaires d’autres parties des Balkans et les étrangers résidant actuellement dans l’État partie.

30.M. Lindgren Alves note et appuie totalement la position de la Grèce quant à la nécessité de suivre une approche individuelle plutôt que globale au sujet des questions relatives à la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales du Conseil de l’Europe et estime que cela est encore plus pertinent pour le reste du monde.

31.Le rapporteur prend acte des avancées législatives enregistrées par la Grèce au cours de la période considérée, comme cela est indiqué au paragraphe 5 du rapport à l’examen et comme l’a expliqué la délégation dans sa déclaration liminaire. Il relève que les paragraphes 6 à 11 dudit rapport fournissent des informations sur la structure démographique de la population grecque, y compris sur la minorité musulmane de Thrace, qui compte environ 100 000 personnes et est composée de trois groupes distincts, dont les membres sont d’origine turque, pomaque et rom et que le nombre de personnes d’origine rom, qui ne sont pas considérées comme une «minorité», mais comme un groupe social vulnérable, est d’environ 250 000 à 300 000. Outre les informations sur ces groupes minoritaires, le rapport ne contient des données statistiques ventilées que sur les étrangers, les Albanais étant le groupe de migrants le plus représenté dans le pays. Toutefois, étant donné que la plupart des initiatives, des programmes et des mesures spéciales adoptés pour améliorer la situation des groupes spécifiques visent les Roms, les musulmans et les étrangers en général, les statistiques fournies sont satisfaisantes. Le rapporteur se félicite que le Programme d’action intégrée pour l’intégration sociale des Roms grecs et le plan d’action intégrée pour l’intégration des étrangers en situation régulière sur le territoire grec aient pour objet d’intégrer ces groupes à la société grecque et non de les assimiler, ce qu’il considère comme un objectif légitime, même si le Comité ou le Conseil de l’Europe ne sont pas de cet avis.

32.M. Lindgren Alves se félicite également que les musulmans de Thrace puissent choisir librement d’appliquer la charia dans la mesure où ses préceptes ne sont pas incompatibles avec les valeurs fondamentales de la société grecque et l’ordre juridique et constitutionnel grec mais indique que plusieurs observateurs grecs et étrangers dénoncent la participation des muftis à la vie politique et l’interdiction faite aux associations d’utiliser le mot «turc» dans leur dénomination. Il demande à la délégation grecque d’indiquer si les enfants des immigrants musulmans étrangers sont considérés comme des citoyens grecs ou des ressortissants étrangers et comment un enfant né en Grèce de parents étrangers peut obtenir la nationalité grecque. S’ils sont considérés comme Grecs, les enfants de parents musulmans font-ils également partie de la minorité musulmane? Le rapporteur souhaiterait également recevoir des informations actualisées sur le projet de construction d’une mosquée à Athènes et savoir si les musulmans qui ne vivent pas en Thrace seront encore obligés à l’avenir d’enterrer leurs morts à l’étranger.

33.Tout en comprenant la position de l’État partie à l’égard de ceux qui insistent pour la reconnaissance d’une minorité slave macédonienne, le rapporteur estime que la question fondamentale, au-delà de leur reconnaissance ou non, est de veiller à ce que les droits des personnes qui revendiquent leur appartenance à une minorité soient protégés, y compris leur droit d’utiliser leur dialecte ou langue maternelle. À cet égard, il est surpris d’apprendre que les membres du groupe de citoyens grecs slavisés en Macédoine ont participé librement aux élections parlementaires grecques avec leur propre parti politique.

34. M. Lindgren Alves note que le rapport périodique de la Grèce donne des informations détaillées sur la législation relative à l’égalité de traitement et qu’il traite de manière approfondie de la question de la discrimination, y compris de l’interdiction de la discrimination directe et indirecte, dans les secteurs public et privé; il y a également lieu de se féliciter des explications du sens donné par les autorités aux «mesures spéciales» et des informations sur les organes chargés de leur mise en œuvre. Le rapport contient également des renseignements détaillés sur le Programme d’action intégrée pour l’intégration sociale des Roms grecs, les lois et règlements relatifs aux droits des migrants et les mesures prises pour encourager l’intégration sociale de ces derniers.

35.Notant que l’État partie est devenu un pays de destination des victimes de la traite des êtres humains, M. Lindgren Alves souhaite savoir s’il est aussi un pays de destination de migrants en situation irrégulière à la recherche d’un emploi et de personnes destinées à alimenter le tourisme sexuel; dans l’affirmative, il se demande si cette situation n’est pas indirectement mais logiquement due au récent développement de la Grèce. Il accueille favorablement la législation et les mesures adoptées par l’État partie pour remédier à ce problème et en particulier celles qui ont permis une meilleure prise en charge des victimes.

36. Compte tenu de la réponse fournie par l’État partie à la question 4 de la liste des points à traiter, M. Lindgren Alves s’interroge sur le point de savoir si toutes les organisations ou groupes qui encouragent la discrimination raciale, y compris les groupes néonazis, qui sont à l’évidence de plus en plus actifs en Europe, sont effectivement interdits par la législation grecque. Citant certaines informations qui affirment que les publications non officielles et les déclarations de personnalités publiques feraient fréquemment allusion à l’antisémitisme et au régime nazi, M. Lindgren Alves demande instamment à l’État partie de continuer à réagir fermement aux manifestations qui encouragent la haine raciale, telles que celles indiquées au paragraphe 134 du rapport à l’examen, afin de lutter contre ces tendances. Il rappelle également que, même si les juges sont souvent réticents à édicter des règles limitant la liberté d’expression, il incombe à l’État partie de former tous les membres du pouvoir judiciaire aux dispositions de la Convention et, en particulier, à celles de l’article 4.

37. La Présidente regrette, à l’instar de M. Lindgren Alves, qu’aucun membre de la Commission nationale des droits de l’homme ne fasse partie de la délégation grecque.

38. M. Kemal souhaite savoir si l’État partie dispose d’informations sur l’état d’application de la loi no 3304/2005, d’adoption récente, et si elle est considérée comme un mécanisme efficace de lutte contre le racisme; dans la négative, il demande à la délégation d’indiquer quelles mesures pourraient être prises pour qu’elle le soit.

39. M. Kemal se félicite des mesures spéciales adoptées en faveur des groupes minoritaires, notamment des quotas institués pour le recrutement de personnes issues de la minorité musulmane dans l’enseignement supérieur et le secteur public. En ce qui concerne les prêts immobiliers accordés aux familles roms, il émet des doutes quant au montant alloué à chacun de ces prêts, soit 60 000 euros selon la délégation, et souhaite savoir si d’autres groupes minoritaires ont bénéficié de ce type de mesures.

40. S’agissant de l’important retard accumulé en matière de traitement des demandes d’asile et de l’inadéquation des structures d’accueil des immigrants en situation irrégulière, M. Kemal estime que le Gouvernement grec devrait s’efforcer d’accélérer le processus d’examen des demandes en instance afin de réduire la souffrance des demandeurs d’asile. Étant donné que l’UE est partie prenante au problème, il souhaite savoir ce que la Grèce compte faire pour que l’UE prenne une part plus active à sa résolution. Prenant note de la montée de l’extrémisme en Grèce, comme dans d’autres pays européens, M. Kemal souhaite connaître les mesures que le Gouvernement envisage de prendre pour améliorer sa législation sur l’incitation aux actes de discrimination raciale, de haine et de violence et garantir l’application effective de la loi no 927/1979.

41. M. Huang Yong’an, se félicitant des mesures positives prises par l’État partie pour protéger les droits de ses ressortissants, y compris ceux de la minorité musulmane de Thrace, des membres de la communauté rom et des ressortissants de pays tiers vivant sur son territoire, rappelle cependant que la Grèce n’a pas donné effet à la demande que lui avait adressée le Comité dans ses précédentes observations finales au sujet de sa Recommandation générale 8 concernant le droit de chaque personne à l’auto-identification. Même si la population grecque est globalement homogène en termes d’origine, de religion, de langue et de culture, il se demande comment réagiraient les autorités si les membres d’un groupe ethnique, culturel ou linguistique demandaient à être officiellement reconnus comme tels. Si la politique du Gouvernement grec est de ne pas reconnaître d’autres groupes minoritaires, la question est de savoir comment ceux qui revendiquent leur appartenance à un groupe peuvent bénéficier des mesures spéciales accordées aux autres. À cet égard, il demande à la délégation d’indiquer si une telle revendication serait effectivement sans effet.

42. S’agissant des mesures spéciales adoptées en faveur des étudiants appartenant à la minorité musulmane de Thrace, l’expert aimerait recevoir de plus amples informations sur les avantages concrets que ces mesures leur accordent.

43. M. Aboul ‑Nasr fait valoir que le rapport périodique de la Grèce semble confondre les groupes religieux et les groupes raciaux puisque les termes «turc» et «musulman» sont utilisés de façon interchangeable alors qu’ils ne sont pas synonymes. Or, il est impossible d’affirmer que tous les musulmans parlent la même langue ou que tous les Roms sont adeptes d’une même religion. Le meilleur moyen pour le Gouvernement de savoir qui sont les Roms serait peut-être de les consulter directement.

44. M. Avtonomov souhaite obtenir des précisions au sujet de l’approche suivie par l’État partie en matière d’ethnicité et des critères constitutifs des groupes ethniques. Il estime que, même s’ils ne constituent pas des minorités, les groupes ethniques doivent être reconnus comme tels pour garantir le respect de leurs droits et les protéger d’éventuelles discriminations. À l’instar de M. Aboul-Nasr, il fait valoir que les groupes religieux ne sont pas nécessairement des groupes ethniques et cite l’exemple particulier de la minorité désignée comme «musulmane» par la Grèce mais qui rassemble en réalité des personnes d’origines ethniques diverses. Contrairement à ce que le rapport à l’examen suggère, il n’est pas surprenant que les Roms grecs se considèrent comme des citoyens grecs ceux-ci ayant souvent tendance à s’identifier à différents groupes. À cet égard, M. Avtonomov souhaite savoir sur la base de quels critères l’État s’est fondé pour reconnaître aux Roms le statut de groupe social vulnérable, quelles conséquences cette décision a eues sur leurs droits et si ce statut est lié à l’origine ethnique des intéressés ou uniquement à des indicateurs économiques.

45. S’agissant de la non-reconnaissance d’une minorité de Macédoine de langue slave, M. Avtonomov reconnaît la complexité de la situation mais souligne qu’il n’en demeure pas moins que la langue slave est parlée dans certaines parties du territoire grec. Il s’interroge sur le point de savoir si le slave serait officiellement reconnu par la Grèce si la minorité de langue slave décidait de se doter d’un alphabet écrit. Par ailleurs, même s’il y a lieu de se féliciter que les membres du groupe de citoyens grecs slavisés en Macédoine disposent de leur propre parti politique, il est probablement plus important pour eux d’être en mesure de faire respecter leurs droits linguistiques et culturels.

46. M. Thornberry , se référant au paragraphe 25 du rapport périodique à l’examen, prend note du fait que l’État partie veut éviter que toutes les identités représentées au sein de la minorité musulmane de Thrace soient rassemblées sous la dénomination «turque» mais se demande si la liberté des membres de cette minorité de déclarer leur origine, de pratiquer leur religion et d’observer leurs coutumes et traditions s’applique réellement à tous, y compris à ceux qui se considèrent comme Turcs. Il observe que l’État partie semble suivre une approche prudente pour ce qui est d’autoriser les associations à utiliser le mot «turc» dans leur dénomination. Évoquant l’argument avancé dans le paragraphe 26 du rapport au sujet des critères subjectifs et objectifs de définition de l’appartenance à un groupe ethnique, il s’interroge sur le point de savoir lequel, en définitive, devrait être considéré comme le plus important, le choix subjectif de la personne ou le critère objectif relatif à l’identité de cette personne? Rappelant que le Comité a indiqué dans sa Recommandation générale 8 que l’identification doit être fondée sur la manière dont les individus concernés se définissent eux-mêmes, M. Thornberry souhaite savoir si les autorités pourraient envisager d’interroger les personnes qui revendiquent une identité que l’État grec ne reconnaît pas, même si le fait de compter un nombre très important de personnes s’identifiant à un groupe particulier peut sembler préférable. M. Thornberry rappelle à cet égard qu’en règle générale, le Comité se préoccupe moins de l’appellation des groupes de population que de l’assurance que le droit national et le droit international respectent les droits des personnes et des groupes de personnes. Quoi qu’il en soit, il est globalement préférable de tenir compte des souhaits des groupes concernés sur la manière dont ils veulent être identifiés plutôt que de leur imposer une dénomination qu’ils ne souhaitent pas. À cet égard, la langue grecque semble confondre les termes «turc» et «musulman».

47. M. Thornberry attire en outre l’attention de la délégation grecque sur les recommandations formulées en décembre 2008 par le Forum des Nations Unies sur les questions relatives aux minorités (A/HRC/10/11/Add.1). Selon certaines informations, l’éducation préscolaire serait obligatoire en Grèce depuis 2007 pour les enfants âgés de 4 à 5 ans mais l’enseignement ne serait dispensé qu’en grec. Or, d’un point de vue pédagogique, il est avéré que l’enseignement dispensé dans la langue maternelle ou la langue d’origine de très jeunes enfants favorise leur premier apprentissage scolaire. Relevant que la délégation a évoqué dans sa déclaration liminaire le programme pour l’éducation des élèves roms grecs qui vise à encourager leur intégration dans le système éducatif et à réduire les taux d’abandon scolaire, l’expert souhaiterait obtenir des renseignements complémentaires sur le programme du réseau d’intervention et de suivi des écoles. Rappelant que le Forum sur les questions relatives aux minorités s’est notamment penché sur la manière dont les groupes minoritaires sont décrits dans les programmes scolaires, il s’interroge sur le sentiment des élèves et des familles roms à l’égard du processus éducatif grec et sur la manière dont le personnel enseignant et les autres élèves perçoivent les enfants roms. Il souhaiterait également obtenir des informations plus détaillées sur le concept d’éducation interculturelle.

48. Notant que la Grèce continue d’avoir une conception tranchée, voire quasi monolithique, de l’identité grecque et chrétienne, M. Thornberry se demande quel peut être l’effet d’un tel sentiment sur les groupes de population qui se considèrent grecs mais non chrétiens.

49. En ce qui concerne les mesures spéciales adoptées en faveur des minorités, M. Thornberry indique que le Comité élabore actuellement un projet de recommandation générale sur ce sujet et précise qu’il est d’ores et déjà convenu que les États parties doivent respecter la distinction entre les mesures spéciales, circonscrites dans le temps et dans leur portée, et les droits permanents conférés par la Convention.

50. M. Peter, évoquant les mesures prises par la Grèce en faveur de la minorité musulmane, relève que le Ministère de l’éducation et des affaires religieuses prévoit le recrutement et la rémunération d’aumôniers (imams) en Thrace mais souhaiterait savoir en vertu de quel droit l’État nomme des chefs spirituels musulmans ou muftis qui devraient être élus par les membres de la communauté musulmane. Il considère que cette pratique pourrait être contraire à plusieurs traités auxquels la Grèce est partie, tels que le Traité d’Istanbul, le Traité d’Athènes, le Traité de Sèvres et le Traité de Lausanne, et constituer également une contravention au principe de laïcité de l’État en vertu duquel ce dernier n’a pas à s’immiscer dans les affaires religieuses. Or, malgré un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme, qui a considéré en 1997 dans l’affaire Serif c. Grèce que cette pratique était contraire à l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme, des communautés qui avaient élu leurs propres muftis ont été poursuivies en Grèce pour avoir usurpé les fonctions de ministre d’une autorité religieuse.

51. Évoquant la question des enfants migrants non accompagnés, dont le nombre était estimé à quelque 3 000 en 2008, M. Peter cite les propos de deux enfants afghans au sujet de leurs conditions de rétention en centres d’accueil: ainsi, un garçon de 16 ans qui avait été détenu par la police au port de Patras affirme avoir été frappé à plusieurs reprises et jeté dans la mer et une fillette de 12 ans, incarcérée dans les locaux de la police pendant onze jours à Évros, indique que sa cellule était infestée d’insectes, dépourvue de lit et seulement équipée d’une couverture souillée.

52. M. Prosper relève que l’État partie a indiqué, en réponse à la question 4 de la liste des points à traiter, qu’il n’existe «aucun mouvement organisé néonazi» en Grèce. Or, attendu que plusieurs informations émanant d’organes de droits de l’homme indiquent que des extrémistes aux vues xénophobes et violemment opposés aux migrants, aux juifs et aux autres minorités séviraient dans le pays, il souhaite savoir s’il existe en Grèce des mouvements néonazis non organisés, si l’ampleur du problème a été mesurée et si des tendances perceptibles en ce sens ont été signalées.

53. S’agissant de la loi no 927/1979, M. Prosper comprend la réticence des tribunaux à restreindre la liberté d’expression mais estime qu’il faut aussi s’interroger sur le point de savoir si, lorsque la liberté d’expression est invoquée pour justifier des discours dangereux d’incitation à la haine, l’intervention des pouvoirs publics n’est pas justifiée. Relevant que l’État partie ne dispose d’aucune disposition légale pour faire face à de telles situations, il souhaite savoir s’il envisage de légiférer en ce sens.

54. M. Diaconu invite la délégation grecque à indiquer si la Grèce a l’intention de ratifier le Protocole no 12 à la Convention européenne des droits de l’homme relatif à l’interdiction générale de la discrimination. Notant que l’article 3 de la loi no 3304/2005 définit comme étant de la «discrimination directe» le fait qu’une personne soit traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable, il rappelle que la Convention interdit également de traiter une personne de manière plus favorable qu’une autre. Il cite également le paragraphe 16 du rapport à l’examen qui indique que «les dispositions du chapitre II de la loi précitée s’appliquent à toutes les personnes, tant pour le secteur public que pour le secteur privé, en ce qui concerne» et croit comprendre, compte tenu des informations communiquées oralement par la délégation, que le mot «notamment» devrait être inséré après les termes «en ce qui concerne», sans quoi les domaines énumérés dans la suite du paragraphe en question seraient trop restrictifs. Il remarque en outre que le paragraphe 17 indique que lesdites dispositions ne s’appliquent ni aux ressortissants de pays tiers ni aux personnes apatrides alors que le paragraphe 89 précise que «les droits civils, culturels, économiques et sociaux sont garantis aussi bien aux nationaux qu’aux étrangers» et souhaiterait recevoir des éclaircissements au sujet de cette contradiction.

55. M. Diaconu remarque en outre que selon le paragraphe 24, la minorité musulmane de Thrace se compose de trois groupes distincts, dont les membres sont d’origine turque, pomaque ou rom, alors que cette minorité est désignée uniquement comme «musulmane» par le Traité de Lausanne de 1923. Notant que la délégation a fait valoir que les membres turcs de cette minorité ne devaient pas être autorisés à imposer leur langue aux Roms, il souhaite savoir s’il existe des Grecs d’origine albanaise dans le nord-ouest du pays. Il admet que la question des minorités soit une question sensible dans certaines régions mais souligne que tous les pays au nord de la Grèce ont reconnu un grand nombre de minorités et que la Grèce devrait faire abstraction de la situation créée par le Traité de Lausanne et aller de l’avant.

56. M. Diaconu se félicite, en revanche, que l’article 26 de la loi no 3304/2005 rende caduque toute disposition réglementaire ou législative et annule toute disposition d’un contrat individuel ou collectif, de conditions générales de transaction, de règlements internes d’une entreprise, de statuts d’une organisation à but lucratif ou non, d’organisations professionnelles indépendantes, de syndicats et d’associations d’employeurs qui serait incompatible avec le principe d’égalité de traitement.

57. M. Diaconu est également impressionné par le programme de logement mis en œuvre en faveur de la minorité rom et la reconnaissance d’un parti politique créé par des Roms grecs mais rappelle néanmoins que la Cour européenne des droits de l’homme a rendu plusieurs arrêts condamnant la manière dont les membres de cette minorité sont traités en Grèce, et en particulier par les forces de police.

58. M. Diaconu évoque par ailleurs l’affaire Sidiropoulos et autres c. Grèce dans laquelle la Cour européenne des droits de l’homme a jugé que le refus par un tribunal grec d’enregistrer une association appelée «Maison de la civilisation macédonienne» était contraire aux dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme et souhaite savoir pour quelle raison, si le Comité des ministres du Conseil de l’Europe, qui est chargé du suivi de l’exécution des arrêts de la Cour par les États, a constaté que la Grèce avait appliqué l’arrêt susmentionné, l’affaire est aujourd’hui en instance devant les juridictions nationales (ibid., par. 230).

59. M. Diaconu attire l’attention de la délégation sur la nécessité de veiller à ce que les groupes minoritaires aient la possibilité d’étudier dans leur langue maternelle dans le pays dont ils sont ressortissants.

60. Il y a lieu de se féliciter que les organisations ou associations ayant pour vocation de veiller au respect du principe de l’égalité de traitement en général puissent représenter les parties lésées devant les juridictions ou autorités administratives compétentes et que, lorsque des personnes qui se considèrent lésées établissent devant un tribunal ou une autorité administrative compétente des faits conduisant à une présomption de discrimination directe ou indirecte, il incombe au défendeur de prouver, ou à l’autorité administrative d’établir, qu’il n’y a pas eu d’atteinte au principe de l’égalité de traitement.

61. Notant, enfin, que le Ministère de l’éducation et des affaires religieuses a établi une circulaire précisant que les élèves non grecs inscrits depuis au moins deux ans dans les établissements publics pouvaient porter le drapeau lors des défilés des écoles s’ils avaient eu les meilleures notes de leur classe, M. Diaconu souhaite savoir si d’autres élèves non grecs sont autorisés à en faire de même et, dans la négative, pour quelles raisons.

62. M. de Gouttes dit que le rapport de la Grèce est remarquablement franc, en particulier en ce qui concerne certaines recommandations et décisions de la Commission nationale des droits de l’homme et de la Cour européenne des droits de l’homme qui sont plutôt critiques à l’égard de la Grèce.

63. Se référant à la loi no 927/1979 relative à la répression d’actes ou d’activités visant à la discrimination raciale et à la loi no 3004/2005 qui établit des mécanismes de protection et de recours efficaces, il souhaite savoir pourquoi cette dernière n’a pas encore été pleinement exploitée et pour quels motifs aussi peu d’actions ont été engagées devant les tribunaux compétents sur son fondement. À cet égard, il attire l’attention de la délégation grecque sur la Recommandation générale 31 du Comité sur la prévention de la discrimination raciale dans l’administration et le fonctionnement du système de justice pénale.

64. M. de Gouttes estime que bien que de nombreux policiers grecs aient été condamnés au plan disciplinaire, voire pénal, pour mauvais traitements, les juridictions grecques sont visiblement plus enclines à abandonner les poursuites et à acquitter les prévenus qu’à les condamner.

65. M. de Gouttes rappelle que le Comité européen pour la prévention de la torture, la Commission nationale grecque des droits de l’homme et la Cour européenne des droits de l’homme (Kaja c. Grèce, 2006) ont jugé préoccupantes les conditions de détention des étrangers en attente d’expulsion et demande à la délégation de présenter ses vues sur cette question.

66. M. de Gouttes relève, en outre, que le rapport à l’examen précise que le recours à la charia en droit de la famille et des successions chez les membres de la minorité musulmane de Thrace a suscité quelques inquiétudes ces dernières années et que la charia est appliquée dans la mesure où ses préceptes ne sont pas incompatibles avec les valeurs fondamentales de la société grecque et l’ordre juridique et constitutionnel grec, et souhaiterait savoir dans quels cas les préceptes de la charia ont été considérés incompatibles avec les valeurs fondamentales de la société grecque et l’ordre juridique et constitutionnel du pays.

67. Des informations supplémentaires sur la «carte d’élève itinérant», qui facilite la scolarisation des enfants roms dans les écoles du district où s’installent leurs parents au cours de leurs déplacements, seraient également les bienvenues.

68. Il serait également utile de disposer d’informations plus précises sur le rôle spécifique de la Commission nationale des droits de l’homme en matière de lutte contre la discrimination raciale.

69. M. Cali Tzay souhaite savoir si le Programme d’action intégrée pour l’intégration sociale des Roms grecs comprend un programme spécial d’éducation et d’enseignement dans la langue rom puisque le programme d’éducation évoqué par la délégation dans sa déclaration liminaire ne s’adresse qu’aux enfants. Citant le paragraphe 52 du rapport à l’examen, il ne comprend pas vraiment en quoi la culture d’une minorité ou d’un groupe vulnérable constitue un problème du point de vue de son intégration sociale et estime que c’est plutôt la manière dont ces groupes sont perçus par la société et l’État qui est problématique.

70. Relevant que, selon la délégation, l’État partie compte environ 100 000 Arabes et quelque 150 000 Roms, M. Cali Tzay souhaite savoir si la Grèce définit les minorités ou les groupes vulnérables en fonction du nombre de personnes qui les composent.

La séance est levée à 18 heures 5.