Nations Unies

CERD/C/SR.2143

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

1er mars 2012

Original: français

Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

Quatre-vingtième session

Compte rendu analytique de la 2143 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le jeudi 23 février 2012, à 15 heures

Président: M. Avtonomov

Sommaire

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention (suite)

Sixième et septième rapports périodiques du Turkménistan

La séance est ouverte à 15 heures.

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention

Sixième et septième rapports périodiques du Turkménistan (CERD/C/TKM/6-7; CERD/C/ TKM/Q/6-7)

1. Sur l’invitation du Président, la délégation turkmène prend place à la table du Comité.

2.M. Erniyazov (Turkménistan) dit que son pays condamne la discrimination raciale et mène une politique visant à promouvoir la compréhension mutuelle entre les peuples et à interdire toute exclusion ou différence de traitement fondée sur la race et l’appartenance ou l’origine nationale ou ethnique. Depuis 1991, le Turkménistan a entrepris d’édifier un État de droit démocratique et réalise, sous la direction de son président, M. Gourbangouly Berdymoukhamedov, d’importantes réformes dans tous les domaines économiques et sociaux. La politique intérieure turkmène est fondée sur les principes de la démocratie, de la primauté du droit, de l’humanisme et de l’équité. Dans cet esprit, le Gouvernement s’est engagé avec succès dans une réforme de son système judiciaire. Afin d’asseoir les fondements de l’état de droit, le Président turkmène a créé la Commission d’État chargée d’améliorer la législation nationale et mis en place la Commission constitutionnelle chargée d’élaborer des propositions pour améliorer la Constitution turkmène. À l’issue des travaux de la Commission constitutionnelle, le pays a adopté en septembre 2008 une nouvelle Constitution turkmène conforme aux principes internationaux universellement reconnus dans le domaine des droits de l’homme, et l’éventail des droits et libertés des citoyens turkmènes a été élargi. Conformément aux recommandations du Comité, l’article 19 de la Constitution, qui a trait à l’égalité des citoyens, a été complété pour y affirmer l’égalité entre les races et les sexes. La Constitution garantit l’égalité des droits et libertés de l’homme et du citoyen ainsi que leur égalité devant la loi sans distinction fondée sur la nationalité ethnique, la race, le sexe, l’origine, la situation de fortune et la fonction, le lieu de résidence, la langue, la religion, les opinions politiques, et l’appartenance ou non à un parti. Le Turkménistan honore scrupuleusement ses obligations au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme qu’il a ratifiés, et poursuit à cette fin la réforme de son système national de défense des droits de l’homme. Il n’existe donc aucune discrimination à l’égard des minorités ethniques au Turkménistan.

3.En 2011 et au début de 2012, le Gouvernement a adopté d’importants textes de loi, tels que le Code de la famille, le Code pénitentiaire, la loi relative au statut des étrangers et la loi sur les partis politiques. Le droit au mariage est garanti par le Code de la famille sans aucune distinction fondée sur la nationalité ethnique, la race ou la religion, et l’homme et la femme jouissent de l’égalité de droits dans le mariage. Le Turkménistan reconnaît uniquement les mariages enregistrés par les administrations de l’État mais pas les mariages religieux. Tous les enfants vivant sur le territoire jouissent de droits égaux sans aucune distinction fondée sur la nationalité ethnique, la race, le lieu de résidence, la langue ou la religion. Les étrangers et les apatrides jouissent des mêmes droits et libertés et sont soumis aux mêmes obligations que les citoyens turkmènes, conformément à la législation nationale et aux instruments internationaux auxquels le Turkménistan est partie. Le nouveau Code pénal n’autorise à l’égard des personnes condamnées aucune discrimination fondée sur la race, la langue, la religion ou la conviction politique. Les étrangers condamnés ont le droit de consulter les services consulaires de leur pays ou, en l’absence de ceux-ci, de bénéficier de la protection diplomatique de l’État chargé de défendre leurs intérêts. Le Code pénal garantit la liberté de religion et de confession des condamnés, qui peuvent pratiquer ou non toute religion. Les détenus ont le droit de se rendre dans un établissement de culte proche de leur lieu de détention.

4.Les droits, libertés et devoirs reconnus aux citoyens turkmènes par la Constitution s’appliquent de façon identique aux étrangers et aux apatrides se trouvant sur le territoire, à l’exception des droits spéciaux conférés par la citoyenneté turkmène. La loi de 2011 relative au statut des étrangers prévoit l’égalité des étrangers devant la loi, indépendamment de leur origine, de leur situation patrimoniale et de leurs fonctions, de leur race, de leur appartenance nationale, de leur lieu de résidence, de leur langue et de leur religion. La loi sur les migrations établit les modalités applicables aux citoyens, aux étrangers et aux apatrides en ce qui concerne l’entrée sur le territoire et la sortie du territoire. En vertu de l’article 4 de cette loi, sont interdites toute discrimination et toute atteinte aux droits et libertés de la personne pour des motifs liés à l’origine, au sexe, à la race, à la nationalité ethnique, à la langue, à la religion, aux opinions politiques et aux convictions religieuses, ou pour d’autres motifs. Le Gouvernement turkmène a levé les restrictions qui s’appliquaient à la liberté de mouvement sur le territoire du Turkménistan pour tous les citoyens. En 2007, le Président turkmène a supprimé l’obligation d’obtenir une autorisation de voyage pour les citoyens turkmènes, y compris dans les zones frontalières.

5.Conformément à la loi sur la liberté de confession et les organisations religieuses, la liberté de religion est garantie aux citoyens. Toute restriction directe ou indirecte des droits des citoyens ou, a contrario, l’attribution de privilèges fondés sur leurs convictions religieuses ou athées, ainsi que l’incitation à l’hostilité ou à la haine pour les mêmes motifs, sont passibles de sanctions conformément à la loi. L’enregistrement des organisations religieuses est effectué par le Ministère de la justice. Actuellement, 128 organisations sont enregistrées, parmi lesquelles 104 organisations musulmanes, 13 organisations orthodoxes et 11 organisations d’autres confessions. Le Conseil des affaires religieuses, qui relève du Président du Turkménistan, est un organe consultatif d’experts qui informe les organisations religieuses enregistrées ou non enregistrées, les croyants et les représentants des organes de l’État en ce qui concerne les questions d’organisation et d’ordre juridique, social et économique. L’État a adhéré à la Convention relative au statut des apatrides en 2011. La même année, le Président a signé des décrets de naturalisation octroyant la citoyenneté turkmène à 3 290 personnes. Un centre d’information sur les droits de l’homme a été créé en mai 2011 à Achgabat dans le cadre d’un projet conjoint du Gouvernement turkmène, de l’Union européenne, du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et du Haut-Commissariat aux droits de l’homme visant à renforcer les capacités de promotion et de protection des droits de l’homme du Turkménistan. Durant la période considérée, le Turkménistan a adhéré à la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO. La loi sur l’éducation garantit aux citoyens turkmènes la possibilité de recevoir une éducation sans distinction fondée sur le sexe, la race, la nationalité ethnique, la langue, l’origine, le lieu de résidence, la religion, les convictions, la situation sociale, la situation de fortune et la fonction. Les langues turkmène, russe et anglaise sont enseignées dans les établissements préscolaires et scolaires.

6.M. Erniyazov dit que des manuels électroniques en plusieurs langues (turkmène, russe et anglais) seront bientôt mis à la disposition des élèves et que plusieurs écoles privées et publiques, dont une à Achgabat, proposent un enseignement des langues étrangères à l’aide de supports informatiques. Dans le cadre du plan national de développement socioéconomique 2011-2030, le pays met en œuvre un vaste plan de développement des infrastructures et des services (construction de routes, d’écoles, de jardins d’enfants, de centres culturels, etc.). En 2011, pas moins de 380 projets de ce type ont été menés à bien et près de 75 % des ressources budgétaires de l’État seront affectées aux dépenses sociales en 2012. L’État se dote d’infrastructures et d’équipements modernes dans tous les domaines, qu’il s’agisse du transport, de la santé, de l’éducation ou des télécommunications. Suite à la modification du Code de protection sociale, le montant des allocations familiales et des indemnités accordées aux personnes handicapées a été augmenté. Le Turkménistan, dont le système de santé est reconnu pour son efficacité, collabore activement avec les organisations internationales, dont l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP), dans le domaine de la santé, notamment en matière de santé materno-infantile et génésique.

7.L’État participe à de nombreux échanges culturels avec des pays alentours, notamment la Bulgarie et la Fédération de Russie, et promeut son rayonnement culturel, scientifique et littéraire. Conformément à l’article 5 de la loi sur la culture, l’État garantit à chacun le droit de participer à des activités culturelles, sans distinction fondée sur la nationalité ethnique, la race, le sexe, l’origine, le patrimoine, le lieu de résidence, la langue, la religion, les opinions politiques et l’appartenance ou non à un parti. Le Turkménistan est ouvert aux autres cultures: il reconnaît les fêtes de tous les groupes ethniques et organise des manifestations annuelles propices aux échanges culturels et à l’enrichissement mutuel entre les cultures, avec la participation active des médias. Il compte en outre plusieurs chaînes de télévision et de radio en langue étrangère. Il existe de nombreuses publications bilingues en russe et turkmène, ainsi qu’une offre culturelle et télévisuelle diversifiée en russe. Plusieurs revues et journaux sont également publiés en anglais et en turkmène. Le texte de la Convention, traduit en turkmène et en russe, a été largement diffusé. À ce jour, l’Institut national turkmène pour la démocratie et les droits de l’homme a publié 19 recueils d’instruments juridiques nationaux et internationaux, en coopération avec des institutions spécialisées des Nations Unies. Divers programmes de formation des membres de l’appareil judiciaire au droit international sont organisés afin de renforcer les capacités de promotion et de protection des droits de l’homme du Turkménistan. On travaille en outre à la mise en place d’un centre de formation des juristes, à la création d’un groupe d’experts et à l’élaboration d’un manuel et d’un glossaire sur le droit international, le but étant de créer des conditions favorables à la jouissance des droits sociaux et culturels par tous les Turkmènes, y compris les minorités ethniques, et d’éliminer toute forme de discrimination raciale et d’intolérance.

8.M. Diaconu (Rapporteur pour le Turkménistan) voudrait des données précises sur la répartition des minorités dans le pays. Rappelant que le Comité avait, dans ses dernières observations finales (CERD/C/TKM/CO/5), demandé à l’État partie d’éviter toute sorte d’assimilation forcée des membres de la minorité baloutche, il voudrait des informations sur cette population et aimerait savoir s’ils sont reconnus comme une minorité et s’il existe un mécanisme leur permettant d’être consultés sur les sujets qui les concernent. Il se félicite que les instruments internationaux auxquels le Turkménistan est partie priment le droit interne et que la Constitution consacre l’égalité de tous les citoyens. Notant avec satisfaction que les étrangers ont le droit d’utiliser leur langue maternelle et que la discrimination est interdite, il regrette toutefois que la législation turkmène ne comporte pas de définition de la discrimination conforme à la Convention et engage l’État partie à combler cette lacune en élaborant une définition qui soit applicable à tous les domaines, notamment à la vie sociale, l’emploi, la sécurité sociale, le droit pénal, l’éducation, la famille et le mariage.

9.M. Diaconu rappelle que le Comité avait fait part de sa préoccupation face aux cas de discours de haine visant les minorités nationale ou ethnique et demande des informations actualisées à ce sujet. Il note avec satisfaction que, conformément à l’article 4 b) de la Convention, la loi interdit les organisations et les associations qui encouragent le racisme, que la motivation raciale d’une infraction est une circonstance aggravante, et que le Code pénal interdit les violations des droits de l’homme motivées par la race ou la nationalité, mais croit comprendre que l’application de l’article 4 a) laisse à désirer. Il demande des informations sur les dispositions du Code pénal et du Code des infractions administratives pour évaluer leur conformité avec l’article 4 a). Rappelant que l’État partie a indiqué ne pas imposer le «critère de la troisième génération» aux membres des minorités en matière d’emploi dans la fonction publique, M. Diaconu demande à l’État partie s’il dispose de données statistiques sur la représentation des membres des minorités ethniques au Parlement, dans l’appareil judiciaire et dans l’administration en général.

10.Notant avec satisfaction que l’État partie a accordé la citoyenneté à 13 000 réfugiés et le statut de résident permanent à 3 000 autres, il invite la délégation à commenter les informations selon lesquelles les personnes ayant obtenu la nationalité russe et turkmène à l’époque où l’accord bilatéral conclu avec la Fédération de Russie sur la double nationalité (CERD/C/TKM/CO/5) était en vigueur seraient forcées de renoncer à la nationalité turkmène. Il demande quelles sont les conditions d’acquisition de la nationalité turkmène pour les apatrides et les ressortissants de pays tiers, quel traitement est réservé aux personnes d’origine turkmène en provenance d’autres pays de l’ex-Union soviétique qui souhaitent rentrer au pays et quelles sont les mesures prévues pour résoudre le problème de l’apatridie. Il regrette que le rapport ne comporte pas de données ventilées sur la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels par les groupes minoritaires et invite l’État partie à fournir des données statistiques relatives à l’égalité des chances et de traitement dans l’emploi, notamment pour les groupes minoritaires. Il demande comment le droit consacré par la Constitution de recevoir un enseignement dans sa langue maternelle est appliqué et combien d’écoles proposent un enseignement dans les langues des groupes minoritaires. Le Rapporteur invite en outre la délégation à en dire plus sur la situation des femmes et des filles des groupes minoritaires en matière d’emploi et d’éducation.

11.M. Diaconu aimerait avoir des informations sur la participation des groupes minoritaires aux activités culturelles, sur les efforts faits par l’État partie pour les aider à préserver leur identité culturelle et sur la publication de livres dans les langues minoritaires. Il aimerait des éclaircissements sur le paragraphe 214 du rapport, dans lequel il est indiqué que les plaintes de violation des droits de l’homme sont notamment examinées par le barreau et par un organe de presse: quel rôle jouent ces organes dans l’examen des plaintes? Peuvent-ils se substituer aux tribunaux? Le Rapporteur constate qu’aucune plainte pour violation des droits de l’homme n’a été déposée en cinq ans, ce qui laisse à penser que la population n’est pas informée de ses droits ou n’a pas confiance en la justice, et aimerait avoir l’avis de la délégation à ce sujet. Il demande comment l’État partie applique la Convention relative au statut des réfugiés, combien de réfugiés sont accueillis chaque année et quel traitement leur est réservé. Il engage l’État partie à créer une institution nationale des droits de l’homme conforme aux Principes de Paris, à associer davantage les ONG à la protection des droits de l’homme et à adhérer à la Convention sur la réduction des cas d’apatridie. Il l’engage aussi à faire la déclaration prévue à l’article 14 de la Convention afin de reconnaître la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications.

12.M. Saidou affirme que le Turkménistan doit créer une institution nationale des droits de l’homme conforme aux Principes de Paris, car l’Institut national pour la démocratie et les droits de l’homme existant est rattaché à la présidence de la République et son indépendance n’est pas garantie. Il demande si les droits sociaux dont bénéficient les Turkmènes s’étendent également aux minorités, ce qui ne serait pas le cas d’après un rapport de l’ONU de 2006. Il rappelle que la Constitution turkmène affirme que «l’homme est le bien suprême de la société et de l’État. Il a des droits naturels et inaliénables» et demande ce qui justifie les discriminations avérées dont sont victimes certaines minorités. Par ailleurs, plusieurs rapports mettent en évidence des atteintes à la liberté de la presse. Dans certains pays, on observe une dépénalisation des délits de presse, et les peines d’emprisonnement sont commuées en amende; existe-t-il une même tendance au Turkménistan?

13.M. Saidou aimerait savoir si des mesures législatives ont été adoptées dans l’État partie pour lutter contre la discrimination dans le sport. Il demande également si le Turkménistan envisage de ratifier la Convention no 111 de l’OIT concernant la discrimination (emploi et profession) et s’il prévoit de faire la déclaration prévue à l’article 14 de la Convention afin que le Comité puisse recevoir des communications individuelles. Enfin, s’agissant de l’indépendance de la justice, il ressort du rapport que le Ministre de la justice et le Président de la Cour suprême ne sont nommés et démis que par le Président de la République; M. Saidou demande s’il existe au Turkménistan un organe équivalent au Conseil supérieur de la magistrature, qui établit les conditions de nomination des hauts magistrats, afin que la justice soit véritablement indépendante.

14.M. de Gouttes note que le Turkménistan cite dans son rapport des articles du Code pénal et des dispositions législatives réprimant la discrimination raciale, mais qu’il est difficile de savoir si ces dispositions répondent aux exigences de l’article 4 de la Convention, car on ne dispose d’aucune information sur l’application pratique de ces textes. Le rapport fait état d’une procédure de plainte, mais aucune plainte n’a été enregistrée jusqu’à présent. Dans ce cas de figure, le Comité, comme il l’a énoncé dans sa Recommandation générale no 21 de 2005 sur la discrimination raciale dans l’administration et le fonctionnement du système de justice pénale, estime que l’absence de plaintes n’est pas nécessairement positif et peut être révélatrice d’un manque de confiance vis-à-vis des autorités de police ou de justice ou d’une sensibilisation insuffisante de ces autorités face aux victimes de racisme. À cet égard, M. de Gouttes invite la délégation à présenter dans son prochain rapport des éléments statistiques sur les poursuites en matière de discrimination raciale. Il souhaite que la délégation donne des informations sur le suivi des recommandations, issues de l’Examen périodique universel du Turkménistan, notamment en ce qui concerne les efforts déployés pour éliminer les discriminations contre les minorités, la création d’une institution nationale des droits de l’homme conforme aux Principes de Paris et le renforcement de l’indépendance du pouvoir judiciaire.

15.M. Murillo Martí nez déplore le manque de données ventilées sur les différents groupes ethniques vivant au Turkménistan. Les seules statistiques communiquées ont trait au pourcentage de représentants de groupes ethniques dans l’administration publique. Cependant, certaines ONG mettent l’accent sur le faible taux d’activité de cette population, phénomène qui pourrait être lié à l’obligation de recruter des personnes pouvant prouver leur origine turkmène sur trois générations. L’expert demande à la délégation si cette pratique est toujours en vigueur et, le cas échéant, de préciser de quelle manière elle s’exerce. Il voudrait savoir si les minorités sont représentées dans le sport de compétition et si cela leur permet d’avoir accès à l’enseignement supérieur, car, d’après des sources non gouvernementales, les jeunes doivent avoir l’appui de personnes haut placées pour accéder à l’enseignement supérieur. Il aimerait obtenir des précisions sur les personnes d’ascendance africaine et demande si les activités organisées par le Turkménistan à leur intention en 2011 peuvent s’inscrire dans le cadre de l’Année internationale des personnes d’ascendance africaine. Enfin, il voudrait savoir si la Recommandation générale no 34 du Comité sur la discrimination raciale à l’égard des personnes d’ascendance africaine a été prise en compte et si le Turkménistan a des projets pour la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine.

16.M. Vá zquez est préoccupé par le fait que certaines dispositions législatives donnant effet aux obligations de l’article 4 de la Convention vont beaucoup plus loin que les prescriptions de cet article en citant par exemple l’humiliation de la dignité nationale, l’ostracisme ou le rabaissement des valeurs nationales. L’obligation d’interdire l’incitation à la haine raciale pourrait, dans l’acception que lui donne le Turkménistan, entrer en conflit avec la liberté d’expression. Par ailleurs, les textes législatifs prévus par le Turkménistan pour mettre en œuvre l’article 4 sont trop vagues et pourraient produire l’effet inverse, à savoir la persécution des minorités au lieu de leur protection. De la même façon, les restrictions temporaires au droit des citoyens de sortir du territoire, notamment s’ils disposent d’informations constituant un secret d’État ou si leur sortie du territoire porte atteinte à la sécurité nationale, ne sont pas suffisamment précises et peuvent donner lieu à des abus. Le Comité est aussi préoccupé par l’application concrète des droits consacrés par la Convention. À cet égard, il existe un écart considérable entre les informations fournies dans le rapport et celles reçues d’autres sources, d’après lesquelles notamment, malgré l’affirmation du Turkménistan sur la liberté de religion, seules quelques religions sont reconnues (islam sunnite, religion orthodoxe russe et catholicisme). Par ailleurs, la discrimination dans l’emploi serait répandue et des employés non turkmènes seraient fréquemment licenciés en raison de leur origine. La délégation est invitée à revenir sur ces points.

17.M. Thornberry déplore le manque d’informations sur l’article 3 de la Convention et rappelle que cet article ne concerne pas seulement l’apartheid mais la ségrégation, y compris la ségrégation résultant d’actes commis par des particuliers. Il aimerait des précisions sur les stratégies complémentaires au droit pénal prévues pour lutter contre les discours de haine à l’encontre de certains groupes. Il aimerait que la délégation commente les informations qui font état d’un contrôle très strict d’Internet au Turkménistan et précise qui est visé par ce contrôle, sous quelle forme il s’exerce et ce qui le justifie. Enfin, il demande à la délégation de prévoir la présence d’ONG lors de la prochaine présentation de rapports périodiques.

18.Le Président , en sa qualité d’expert, prend note du fait que la liberté de religion est un droit constitutionnel garanti aux citoyens, entendu au sens du droit de chacun de professer une religion ou de n’en professer aucune mais demande à la délégation d’indiquer si les autorités turkmènes enregistrent toutes les organisations religieuses, y compris l’Église arménienne apostolique, qui en font la demande. Il souhaiterait par ailleurs savoir si des Roms vivent au Turkménistan et, dans l’affirmative, recevoir des renseignements sur leur nombre et les zones où ils sont établis s’ils sont sédentarisés. Le Comité s’intéresse particulièrement à cette minorité qui fait, partout dans le monde, l’objet d’une discrimination généralisée et qu’il a adopté en 2000 la Recommandation générale no 27 concernant la discrimination à l’égard des Roms. Il invite par ailleurs la délégation à préciser le statut et le rôle de l’Institut national turkmène pour la démocratie et les droits de l’homme.

19.M. Erniyazov (Turkménistan) explique que le Ministère de la justice a établi un service qui est chargé de recevoir et d’examiner les plaintes des justiciables, et de répondre à leurs questions sur le droit ou l’interprétation des lois. Il s’agit simplement d’un centre d’accueil où des fonctionnaires du Ministère de la justice, des magistrats de la Cour suprême, des représentants de la Procurature générale et du barreau répondent, chacun selon sa compétence, aux questions des administrés. La loi de 2003 sur la liberté de confession et les organisations religieuses consacre la liberté de religion et de culte et un décret présidentiel fixe les modalités d’enregistrement des organisations et groupes religieux. Le Turkménistan compte 104 organisations musulmanes, dont 99 d’obédience sunnite et 5 chiites, mais aussi de nombreuses autres organisations religieuses, telles que l’Église adventiste du septième jour, l’Église néoapostolique du Turkménistan, l’organisation religieuse bahaïe du Turkménistan, l’Église chrétienne évangélique, l’Église baptiste évangélique et l’Église du plein Évangile. Toutes les organisations religieuses qui ont demandé leur enregistrement auprès du Ministère de la justice l’ont obtenu.

20.S’agissant du mode de nomination du Ministre de la justice et du Président de la Cour suprême, le représentant explique que le Président du Turkménistan soumet des candidatures au Parlement pour approbation. Le Turkménistan ne reconnaît pas la double nationalité. Les questions relatives à la citoyenneté turkmène sont régies par la loi du 30 septembre 1992 sur la citoyenneté turkmène, qui dispose ce qui suit: «Lorsqu’un citoyen turkmène est citoyen d’un autre État, cette autre citoyenneté ne lui est pas reconnue au Turkménistan.». Le droit de quitter le territoire national ne peut être refusé qu’aux personnes faisant l’objet d’une enquête ou d’une procédure pénale, celles qui ont été condamnées par une juridiction ou celles qui détiennent des secrets d’État ou des secrets défense. Une commission spéciale, créée par décret présidentiel, est chargée d’examiner les cas litigieux, à la demande des intéressés. Cette Commission est composée du Procureur général ou de ses substituts, d’un fonctionnaire des services d’immigration et d’un membre du Parlement qui examinent les appels formés par les citoyens visés par une mesure d’interdiction de sortie du territoire. Elle se réunit deux fois par semaine et décide si l’interdiction est fondée ou non.

21.M me Atajanova (Turkménistan) dit que l’Institut national turkmène pour la démocratie et les droits de l’homme propose des consultations juridiques gratuites aux citoyens, examine les plaintes dont il est saisi et les transmet aux organes compétents de l’État. L’Institut est également chargé de présenter des propositions visant à améliorer la loi, et fournit chaque fin d’année des informations aux ministères et départements compétents et aux responsables des régions sur les principales questions soulevées dans les requêtes qui lui sont adressées.

La séance est levée à 18 heures.