Nations Unies

CERD/C/SR.1978

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

3 mars 2010

Original: français

Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

Soixante- seiz ième session

Compte rendu analytique de la 1978 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le jeudi 18 février 2010, à 10 heures

Président: M. Kemal

Sommaire

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention (suite)

Dix-neuvième et v ingtième rapport s périodique s de l’Argentine (suite)

La séance est ouverte à 10 h 15.

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention (point 6 de l’ordre du jour) (suite)

Dix-neuvième et v ingtième rapport s périodique s de l’Argentine (suite) (CERD/C/ARG/19-20; HRI/CORE/1/Add.74; CERD/C/ARG/Q/19-20; CERD/C/ARG/Q/19-20 /Add.1)

1.Sur l’invitation du Président, la délégation argentine reprend place à la table du Comité.

2.M. Peter demande si tous les citoyens argentins ont accès à la justice dans des conditions d’égalité, et ce, indépendamment de leur milieu social et de la zone rurale ou urbaine où ils résident. Se référant aux paragraphes 59 à 68 du rapport à l’examen (CERD/C/ARG/19-20) relatifs à la permanence juridique gratuite mise en place par l’Institut national de lutte contre la discrimination, la xénophobie et le racisme (INADI), il apprécierait de connaître le nombre d’avis juridiques demandés à cet organisme depuis août 2007, et d’obtenir des statistiques ventilées par région, afin d’évaluer l’implantation de ce service au niveau national. Il aimerait aussi savoir si certaines des plaintes proviennent de membres de communautés défavorisées, y compris d’autochtones, et quels sont les critères à remplir pour pouvoir bénéficier de l’aide juridique gratuite. En outre, il demande si l’État partie dispose de suffisamment de juristes qualifiés pour couvrir l’ensemble du territoire et répondre aux besoins d’une population de plus de 40 millions d’habitants. Des auxiliaires juridiques sont-ils parfois mis à contribution dans les zones rurales? En outre, la permanence juridique accessible par téléphone est-elle adaptée pour les paysans qui n’ont pas nécessairement accès à une ligne téléphonique, et ceux qui en sont dépourvus peuvent-ils bénéficier de ce type d’aide par d’autres moyens?

3.Notant le grand nombre d’institutions que le Gouvernement central a mises en place pour garantir la protection des droits fondamentaux sur l’ensemble du territoire, comme l’Institut national de lutte contre la discrimination, la xénophobie et le racisme (INADI), l’Institut national des affaires autochtones (INAI), le Conseil national de la femme, la Commission nationale consultative pour l’intégration des personnes handicapées (CONADIS) ou encore le Secrétariat aux droits de l’homme du Ministère de la justice, de la sécurité et des droits de l’homme (rapport, par. 15 et suiv.), M. Peter aimerait savoir si les activités de ces différents organismes sont coordonnées au niveau central afin d’éviter tout chevauchement et, dans l’affirmative, si les autorités provinciales accueillent favorablement leur présence au niveau local ou estiment qu’elle leur est imposée par le Gouvernement. Enfin, ces organismes ont-ils un statut constitutionnel ou leur pérennité est-elle menacée en cas de changement de majorité politique?

4.M. Thornberry se félicite que le rapport à l’examen offre de nombreux exemples de jurisprudence relatifs notamment aux droits individuels et collectifs.

5.Soulignant que l’Argentine est souvent perçue dans le monde comme un pays d’immigration européenne très faiblement peuplé d’autochtones, il demande si cette description correspond à la perception que le pays a de lui-même.

6.M. Thornberry voudrait savoir quelle suite a été donnée par l’INADI à la plainte que lui a adressée un groupe de Roms − qui sont nombreux en Argentine − au sujet du feuilleton télévisé «Soy Gitano» jugé discriminatoire à l’égard de leur communauté, sachant que cet organisme avait mis dix mois à examiner ladite plainte en 2005.

7.M. Thornberry estime que pour réellement favoriser le dialogue interculturel et promouvoir le respect mutuel, il serait souhaitable que les membres du groupe dominant aient la possibilité d’apprendre la langue des groupes minoritaires au même titre que les élèves autochtones ou issus de groupes minoritaires apprennent l’espagnol. C’est selon lui le moyen de jeter les fondements d’une éducation interculturelle et bilingue.

8.Se félicitant que l’État partie ait fait la déclaration prévue à l’article 14 de la Convention, M. Thornberry voudrait savoir si la société civile a connaissance de l’existence de la procédure de communications individuelles qui y est prévue à son intention.

9.M. Thornberry demande à la délégation argentine d’indiquer quels ont été les effets de la ratification de la Convention no 169 de l’Organisation internationale du Travail (OIT) relative aux peuples indigènes et tribaux dans l’État partie, et quelle est sa position sur la question du droit à l’autodétermination. Il lui demande également de dire aux membres du Comité si des sanctions sont prévues en cas d’atteinte à la propriété foncière des autochtones ou de spoliation foncière des autochtones (illegal trespass or usurpation of indig lands).

10.M. Morgado (Argentine) dit que bien que tous les membres de la délégation argentine soient des hommes, les femmes sont très largement représentées dans la vie politique de son pays, comme en témoigne le fait que Mme Cristina Fernández de Kirchner en est actuellement la Présidente.

11.M. Morgado explique que ce qui importe le plus au Gouvernement argentin, c’est de combattre, aux plans national et international, toutes les formes de discrimination sans exception, dont le racisme et la discrimination raciale. Pour cela, le Gouvernement s’efforce de mettre en œuvre des mesures et d’élaborer des politiques globales et inclusives sans pour autant nier les spécificités de chaque groupe de population.

12.M. Fernández (Argentine) dit que l’Argentine a connu une crise profonde en raison de l’effondrement du système néolibéral en 2001, à la suite duquel elle s’est trouvée dans l’incapacité de rembourser sa dette extérieure et a atteint un niveau de chômage sans précédent. Le Gouvernement argentin a alors opté pour un nouveau modèle économique fondé sur le rétablissement de sa capacité de production et l’exploitation souveraine de ses ressources qui a porté ses fruits: entre 2003 et 2008, la croissance a atteint 8 %, le taux de pauvreté a baissé de 53 % à 20 %, celui du chômage de 20 % à 9 % environ, tandis que le salaire minimum a augmenté de 300 à 1 500 pesos. Les pensions de retraite sont désormais indexées sur le coût de la vie et les familles peuvent prétendre à des allocations familiales de l’ordre de 180 pesos par mois et par enfant. Le Gouvernement argentin a la volonté d’instaurer une société unie, métissée, sans distinction de race ou de couleur.

13.Le principal problème auquel est confronté le pays est la question de la restitution des terres aux peuples autochtones. L’INAI est l’organisme chargé de cette question, notamment de faire un recensement cadastral des terres concernées et de créer des projets de développement économique en faveur des peuples autochtones, de valoriser le patrimoine historique et culturel de ces peuples originaires et de garantir leur inscription au Registre national des communautés autochtones (RENACI). En application de l’article 75 de la Constitution argentine, l’Institut national des affaires autochtones (INAI) coordonne tous les mécanismes disponibles pour donner effet à l’impératif constitutionnel de «reconnaître la possession et la propriété collective des terres traditionnellement occupées par les autochtones». Ce nouveau droit établi par la Constitution reconnaît la personnalité juridique des communautés autochtones, ce qui leur permet de régler leurs affaires sans avoir à recourir à un intermédiaire. En outre, l’inscription sur le RENACI est un acte qui ne nécessite pas que la communauté autochtone qui entreprend les démarches présente des preuves à l’appui de sa déclaration. Il lui suffit de présenter une demande signée, dans laquelle les familles qui la composent déclarent appartenir à une ethnie ou à un peuple donné, être originaires de telle terre ancestrale et précisent leur lieu de résidence et leur type de représentation (chef, conseil d’anciens ou autre). Un membre de l’INAI se rend ensuite sur place pour faire son propre constat et procède à l’enregistrement. Le pays compte plus de 1 000 communautés autochtones.

14.L’histoire des autochtones a été tragique en Argentine, marquée notamment par la négation de leur identité culturelle au XIXe siècle. Une ère nouvelle s’ouvre désormais en Amérique latine, où, pour reprendre les mots de la Présidente Kirchner, «les dirigeants commencent à ressembler à leur peuple». Dans le passé, il y a eu de nombreux déplacements de populations, au cours desquels les membres de communautés autochtones persécutés, comme les Mapuche, ont dû fuir les zones rurales pour se réfugier dans les grandes villes, ce qui explique leur forte représentation numérique dans les conurbations, qui drainent 90 % de la population totale. Les politiques de la ville doivent donc tenir compte de tous ces aspects.

15.Un recensement national de la population, des ménages et du logement a été effectué en 2001 par l’Institut national de la statistique et du recensement (INDEC) mais, à cette époque, aucune question n’avait été posée sur l’appartenance ethnique, raison pour laquelle ses résultats, qui ont été publiés en 2004 seulement, ne donnent pas une idée exacte de la situation démographique réelle en Argentine. Toutefois, un nouveau recensement de la population est prévu pour octobre 2010 et le formulaire comporte une question invitant les personnes interrogées à indiquer si elles se considèrent comme appartenant à une minorité ethnique − autochtone ou autre − ou comme afrodescendantes. L’Institut national de lutte contre la discrimination, la xénophobie et le racisme (INADI) a pris des mesures pour que le Conseil de la participation autochtone et des tuteurs interculturels apportent leur contribution au recensement d’octobre 2010 en allant à la rencontre des minorités autochtones qui vivent dans des zones reculées du pays pour les aider à remplir les formulaires, le but étant le recensement complet de toute la population vivant sur le territoire national.

16.Concernant les droits fonciers autochtones, M. Morgado souligne que, grâce aux efforts déployés dans le pays afin de promouvoir la reconnaissance de ces droits, 4 millions d’hectares du territoire national appartiennent désormais à des minorités autochtones. En particulier, dans la province de Jujuy, les minorités autochtones locales ont obtenu des droits de propriété collective sur une grande partie des terres. Ce processus de reconnaissance des droits fonciers autochtones découle de l’adoption de la loi no 26160 relative aux communautés autochtones en application de laquelle une équipe composée de spécialistes et de représentants de l’administration locale et du Conseil de la participation autochtone recense et délimite les terres ancestrales autochtones en consultation et en collaboration avec les communautés concernées. Les plans et cartes géographiques établis dans ce contexte sont esquissés, complétés et corrigés en fonction des indications fournies par les communautés autochtones concernées jusqu’à ce que celles-ci donnent leur approbation, à la suite de quoi ces documents ainsi que toutes les informations pertinentes sont transmises à l’INADI. Enfin, la loi no26160 prévoit que le dossier cadastral ainsi établi est accompagné d’un rapport historique et anthropologique ainsi que d’un rapport sur la situation économique et sociale de toutes les minorités autochtones vivant sur les terres en question.

17.Dans le cadre de son programme de renforcement communautaire, l’INADI offre une assistance aux minorités autochtones en matière de régularisation de titres de propriété collective et de revendication de droits fonciers. Plus de 80 communautés autochtones bénéficient de ce programme et 1 000 communautés sont inscrites au Registre national des communautés autochtones, formalité obligatoire pour obtenir des droits de propriété collective. Les autochtones non inscrits au Registre ont uniquement accès à la propriété individuelle. Il ne s’agit nullement d’un moyen par lequel l’État exerce un contrôle sur ces communautés mais plutôt d’une formalité tendant à faciliter leur accès à des droits fonciers spécifiques. En outre, l’INADI offre aux communautés autochtones une assistance juridique spécialisée en mettant à leur disposition des juristes compétents en droit autochtone, notamment lorsqu’elles sont menacées d’expulsion. Il est en effet particulièrement difficile à ces communautés de démontrer l’existence de droits de propriété fonciers lorsqu’elles ont subi des déplacements forcés et ne vivent plus sur leurs terres ancestrales depuis plusieurs générations. L’orateur précise que les peuples déplacés contre leur gré n’ont pas droit à une indemnisation financière; en revanche, les propriétaires de biens fonciers situés sur des terres autochtones ont droit à des réparations financières, en cas de restitution aux communautés concernées en application d’une décision de justice.

18.La loi no 26160, dont les dispositions prévoient notamment un moratoire sur les expulsions de communautés autochtones, est en vigueur depuis 2006 mais, faute de ressources, elle n’a été effectivement appliquée qu’à partir de 2008. Elle protège 35 000 familles autochtones mais n’est appliquée que dans les deux tiers du pays, six provinces ne l’ayant pas approuvée, ce qui explique en partie pourquoi plusieurs expulsions de communautés autochtones se sont néanmoins produites.

19.S’agissant du meurtre, en octobre 2009, du chef d’une minorité autochtone de la province de Tucumán qui s’opposait à l’expulsion de sa communauté, M. Morgado précise que les trois personnes auxquelles ce meurtre a été imputé n’étaient pas membres de la police locale et qu’elles ont été arrêtées immédiatement après les faits. À la suite de cet incident, la Cour suprême de la province de Tucumán a organisé des séminaires de formation consacrés au droit autochtone à l’intention des juges de paix des petites localités rurales, qui n’ont souvent aucune connaissance du droit autochtone et se fondent uniquement sur le Code civil lorsqu’ils sont saisis d’un litige foncier lié à des terres autochtones.

20.L’INADI a mis sur pied une direction du développement des communautés autochtones, qui collabore étroitement avec le Ministère du développement social et ses bureaux régionaux, lesquels sont présents dans toutes les provinces. Conjointement avec le Conseil de la participation autochtone, cet organe s’emploie à améliorer la situation socioéconomique des communautés autochtones. Le programme intitulé «Plan AHÍ», en cours d’application, destiné à la population des localités des zones reculées de moins de 30 000 habitants, soit 500 localités, vise à répondre aux besoins d’infrastructures et de prestations sociales de la population locale majoritairement autochtone. Enfin, 7 millions de pesos de subventions ont été alloués dans ces régions afin de soutenir l’artisanat des communautés autochtones et de favoriser sa commercialisation.

21.Rappelant la définition de l’éducation interculturelle bilingue énoncée dans le rapport (CERD/C/ARG/19-20, par. 222), M. Morgado indique que la Direction du développement des communautés autochtones a adopté des mesures visant à concrétiser le droit des autochtones à l’éducation interculturelle bilingue, notamment en accordant des bourses d’études aux élèves et en apportant un soutien aux tuteurs interculturels, qui sont actuellement au nombre de 323. La préservation des langues autochtones et la promotion de l’enseignement bilingue en sont seulement à leurs débuts en Argentine, mais il est encourageant de noter que, dans la province de Corrientes, la Constitution a été révisée afin que le guarani soit considéré comme la deuxième langue de la province et que, dans la province de Chaco, trois langues autochtones ont été reconnues. Afin de prévenir l’abandon scolaire chez les élèves autochtones du niveau secondaire, le Ministère de l’éducation a octroyé près de 10 000 bourses pendant la période 2008‑2009, et a prévu d’en distribuer 15 000 en 2010. En outre, 2 000 jeunes en rupture de scolarité bénéficient d’un programme d’alphabétisation.

22.Comme il est indiqué dans le rapport (par. 133 à 139), les mécanismes permettant aux autochtones de participer à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques publiques qui les concernent sont le Conseil de la participation autochtone, qui compte actuellement 82 représentants de minorités autochtones, et le Conseil de coordination, organe mixte composé de représentants des divers ministères, des organes de l’administration provinciale et des minorités autochtones. À la fin de février 2010, les membres du Conseil de la participation autochtones doivent se réunir dans la province de Córdoba afin de débattre de la question de l’inscription des minorités autochtones au Registre national des communautés autochtones (RENACI) et de la nécessité d’obtenir la reconnaissance des organisations qui représentent des communautés autochtones présentes dans plus d’une province.

23.En ce qui concerne les violences commises dans la province de Neuquén contre des membres de la minorité mapuche, M. Morgado dit que l’INADI s’efforce de trouver des moyens pacifiques de régler ce grave problème et s’emploie à défendre le droit des Mapuche d’être reconnus en tant que communauté préexistante au sens de l’article premier de la loi no 26160, et à faire avancer les travaux de recensement des terres ancestrales des communautés autochtones dans la province de Neuquén, malgré les réticences de certains éléments du Gouvernement.

24.Les pouvoirs publics argentins sont parfaitement conscients de la situation dramatique de certaines minorités autochtones de la province du Chaco, qui ont été privées de leurs moyens de subsistance à l’époque de la dictature en raison des activités de déforestation intensive qui y ont été menées, en particulier dans la région de l’Impenetrable. Le Gouvernement actuel a adopté diverses mesures afin de distribuer de la nourriture à ces minorités et a mis sur pied trois centres de santé et construit un hôpital dans cette région afin qu’elles aient accès à des soins médicaux.

25.Quoique la Convention no 169 de l’OIT ne soit pas encore pleinement appliquée, c’est bien dans l’intention de la respecter que les autorités l’ont ratifiée. Elle a inspiré le processus de relevé territorial et est l’un des outils de référence du Gouvernement, au même titre que la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Contrairement à la Constitution antérieure, qui prévoyait que les Indiens devaient être convertis au catholicisme, la Constitution de 1994 n’établit pas de distinction entre les citoyens. Le pays a mûri et reconnaît même désormais que les 30 peuples autochtones présents sur le sol argentin existaient avant la création de l’Argentine.

26.Le nombre de boursiers autochtones est de 15 000 dans l’enseignement secondaire et de 222 dans l’enseignement supérieur. Le réseau des Instituts provinciaux des affaires autochtones doit encore être étendu: six provinces n’en sont pas encore dotées. En effet, les décisions sont généralement prises par l’État central et ne sont appliquées par toutes les provinces qu’après un certain temps. Il en va de même de l’inscription des communautés autochtones au Registre national des communautés autochtones: l’Institut national des affaires autochtones (INAI) passe des accords avec les différentes provinces dans le but de s’assurer leur adhésion et leur concours tout en veillant à la cohérence des registres. En dernier recours l’INAI peut, conformément à la loi, procéder au relevé territorial sans la participation de toute province récalcitrante, ce qui ne s’est produit que dans un seul cas à ce jour, l’objectif restant la recherche du consensus.

27.M. Mouratian (Argentine) fait observer que malgré la crise internationale qui a marqué l’année 2008, l’Argentine n’est pas entrée en récession et a augmenté ses dépenses sociales, y compris le budget de l’INADI, qui pour l’année a été porté de 2 à 3 millions de dollars.

28.Dans l’affaire Julio Héctor Sim ó n, la Cour suprême de justice a conclu à l’inconstitutionnalité de la loi sur le point final et de la loi sur le devoir d’obéissance, ce qui a permis la réouverture de plus de 1 000 procès et de procéder à plusieurs centaines d’incarcérations.

29.Concernant l’affaire du centre de détention clandestin de l’Escuela Superior de Mécanica de la Armada (ESMA) et des meurtres de religieuses françaises à l’église de la Santa Cruz, M. Mouratian dit que les procès engagés se poursuivent contre 12 accusés, dont Alfredo Ignacio Astiz, et que de nouveaux jugements seront rendus en juin 2010.

30.L’État argentin est très actif contre l’antisémitisme, aussi bien à l’échelon national que sur la scène internationale. De fait, c’est à la suite d’un attentat contre l’ambassade d’Israël que l’INADI a vu le jour. Le Directeur de cette institution de droit public a la particularité de compter trois représentants de la société civile, dont l’un représente la communauté juive. L’Argentine s’est illustrée par sa décision d’expulser l’évêque Williamson pour ses prises de position négationnistes; elle est le seul pays d’Amérique latine qui soit membre du Groupe d’action international pour la mémoire de la Shoah et a créé, en 1997, une commission chargée de faire la lumière sur les activités nazies en Argentine. Cette commission, qui relève du Ministère des affaires étrangères et travaille en étroite coopération avec d’autres ministères et avec des universitaires, a été prorogée tous les ans jusqu’en 2005, date à laquelle elle a publié un rapport, qui est librement consultable sur le site du Ministère des affaires étrangères. Par ailleurs, les défenseurs du peuple, nationaux et provinciaux, ont conclu avec l’INADI des accords en vertu desquels ils peuvent lui transmettre toute plainte qui leur est adressée.

31.M. Morgado (Argentine) tient à la disposition du Comité un exemplaire de chacun des accords conclus entre les défenseurs du peuple et l’INADI. Il précise que le poste de médiateur national est vacant depuis environ un an et que l’INADI est indépendant du pouvoir exécutif, ses membres étant nommés par le Parlement. À l’heure actuelle, après avoir reçu des plaintes pour discrimination, l’INADI ne peut remplir qu’un rôle de médiateur entre les parties ou d’amicus curiae devant les tribunaux. Un projet de loi devrait cependant prochainement élargir ses compétences et lui permettre de prendre des décisions contraignantes.

32.M. Rapisardi (Argentine) précise que le projet de loi évoqué par M. Morgado a été élaboré par l’INADI et vise aussi à prévoir de nouveaux délits de discrimination, notamment en raison du sexe, ainsi qu’à inverser la charge de la preuve, de sorte qu’une personne qui se dit victime de discrimination n’aura plus à étayer ses dires: ce sera à la partie accusée de prouver son innocence.

33.M. Morgado (Argentine) propose de communiquer au Comité une étude détaillée sur les appels reçus depuis 2008 par la permanence téléphonique, qui comprend des statistiques ventilées sur les appelants et le type de violations dont ils se plaignent.

34.Il ajoute qu’en vertu de la nouvelle loi sur l’audiovisuel, un tiers des fréquences radio seront réservées aux associations et organisations privées, dont beaucoup comptent des membres des communautés autochtones, ce qui donnera à ces dernières l’occasion de s’exprimer gratuitement dans les langues autochtones sur les ondes. Avec cette initiative l’Argentine fait figure de pionnière sur le continent.

35.L’attachement de l’Argentine au pluriculturalisme transparaît aussi dans son projet de loi sur la reconnaissance officielle de la langue des signes, à côté de l’espagnol, langue officielle de facto. Pour préserver la vitalité des autres langues parlées, une étape importante sera de leur accorder un statut légal, ce qui aura des conséquences concrètes. Ainsi, si le guarani devient une langue officielle à l’échelle nationale, toute personne parlant cette langue aura le droit de demander à bénéficier des services d’un interprète dans ses démarches administratives, par exemple. L’étape suivante sera d’enseigner ces langues dans les écoles et d’y donner ainsi accès à tous.

36.M. Rapisardi (Argentine) donne lecture des noms des 21 organisations de la société civile ayant participé à l’élaboration du rapport soumis au Comité.

37.Ayant pris part en 2009 à une réunion régionale tenue à Brasilia qui a débouché sur un programme de travail régional en faveur des communautés d’ascendance africaine, l’Argentine a repris à son compte la proposition de déclarer 2011 Année internationale des personnes d’ascendance africaine et entend s’inspirer de l’expérience brésilienne pour quantifier ces populations et les inégalités dont elles sont victimes. Le questionnaire du recensement qui sera effectué en 2010 comportera une question sur l’éventuelle ascendance africaine des membres des ménages. Le choix de l’expression «ascendance africaine» plutôt que du terme «noir» et la stratégie de l’autoreconnaissance s’expliquent par le fait que le métissage de la société argentine tend à rendre les origines invisibles ainsi que par le souci de prévenir le racisme endogène.

38.Les communautés d’ascendance africaine ont beaucoup gagné en visibilité ces dernières années, notamment avec les Journées «l’Argentine est aussi d’origine africaine». En mars 2010 seront présentés les nouveaux manuels scolaires utilisés dans l’enseignement primaire et secondaire revus avec l’appui de l’UNESCO, dans lesquels ont été intégrés des photos et des dessins donnés par des familles d’ascendance africaine, de même que des photos récentes de communautés autochtones, en remplacement d’anciens dessins.

39.M. Morgado (Argentine) annonce qu’un programme de télévision consacré au thème des droits de l’homme, et en particulier de la discrimination, sera diffusé à partir de novembre 2010 en Argentine. Ce programme d’une durée de vingt-quatre heures traitera de toutes les communautés et de tous les types de discrimination et permettra de faire mieux connaître les traités internationaux auxquels l’Argentine est partie.

40.M. Acevedo D í az (Argentine) indique que son pays n’envisage pas de réviser la loi sur les migrations, mais qu’un nouveau règlement d’application de cette loi est en cours d’élaboration. La Direction nationale des migrations a adopté une série de normes relatives à l’application de cette loi, qui ne constituent en aucun cas un obstacle administratif compliquant les formalités applicables aux migrants en Argentine.

41.Au sujet de la régularisation de la situation des enfants migrants n’ayant qu’un seul parent, dont il est plus difficile de déterminer l’origine, la Direction nationale des migrations en 2009 a décidé que, pour les familles monoparentales, seul sera pris en compte le lien existant entre l’enfant et le parent présent. Par ailleurs, lorsque tous les documents nécessaires pour régulariser la situation d’un mineur ne sont pas disponibles, les autorités sont toujours tenues, néanmoins, de protéger les droits de l’enfant, conformément aux dispositions des instruments internationaux dont l’Argentine est partie.

42.En ce qui concerne l’expulsion éventuelle de parents d’enfants migrants qui ne sont pas des ressortissants argentins, le règlement d’application tient compte des exigences du droit humanitaire et des impératifs de regroupement familial. La loi sur les migrations garantit d’ailleurs l’exercice du droit au regroupement familial. Si le parent n’est pas suffisamment informé des droits relatifs à l’intérêt supérieur de l’enfant ou au regroupement familial, un département de la Direction est chargé de le conseiller personnellement et de le renseigner sur ses droits. C’est à la Direction qu’il incombe de régulariser la situation de ces migrants. L’exécution d’une éventuelle mesure d’expulsion peut être suspendue. Un juge doit statuer rapidement sur la décision d’arrestation administrative et d’expulsion.

43.Les migrants et les membres de leur famille ne peuvent faire l’objet de mesures d’expulsion collective, les cas devant toujours être examinés individuellement. En outre, sont pris en compte, en cas d’expulsion, tous les droits acquis par le migrant en vertu du droit interne, y compris en matière de salaires et de prestations associées. La Direction des migrations a signé une convention de coopération avec le Défenseur national visant à établir des mécanismes de coopération en faveur des migrants qui n’ont pas les moyens d’effectuer les procédures nécessaires, notamment en leur fournissant une aide juridique gratuite.

44.Afin de remédier aux retards pris dans la régularisation des personnes résidant de longue date en Argentine, un programme de régularisation de la situation des migrants, intitulé «Patria Grande», a été lancé en 2005. Ce programme s’adresse plus particulièrement aux ressortissants du Mercosur et vise à faciliter la procédure administrative en vertu de laquelle ils accèdent au statut de résident. Il vise les ressortissants du Mercosur entrés sur le territoire argentin avant le 17 avril 2007, détenteurs d’un casier judiciaire vierge, et simplifie au maximum la documentation nécessaire à la procédure. Le programme prévoit un critère de nationalité comme condition d’accès à la régularisation et fait donc une discrimination positive en faveur des ressortissants du Mercosur, ce qui ne remet pas en cause le principe d’égalité de traitement car l’État peut, conformément à la Constitution, signer des accords bilatéraux permettant de faire face à des phénomènes spécifiques comme les migrations économiques en provenance de pays appartenant à la même région. L’objectif à terme du programme «Patria Grande», qui a déjà bénéficié à plus de 600 000 personnes, est la libre circulation des personnes dans la région du Mercosur.

45.Pour être régularisés, les migrants extérieurs au Mercosur doivent justifier de moyens d’existence licites et obtenir un certificat de leurs moyens de subsistance, lequel n’est toutefois pas obligatoire pour obtenir un permis de séjour temporaire de deux ans. En revanche, l’obtention d’un nouveau permis de séjour temporaire après deux ans nécessite un certificat des revenus. Il ne s’agit pas de dresser un obstacle administratif mais d’éviter le travail illégal et de protéger les droits sociaux des migrants.

46.La loi générale de reconnaissance et de protection des réfugiésadoptée en 2006 a marqué une amélioration dans la protection des réfugiés et cristallisé les bonnes pratiques dans ce domaine. La loi suppose un système de protection très complet, conforme aux instruments internationaux en vigueur. Le réfugié a dans tous les cas accès aux services publics, notamment de santé et d’éducation, et l’Argentine respecte l’obligation de non-refoulement et de non-renvoi dans un pays où la personne concernée risquerait d’être soumise à la torture ou la peine de mort, à des discriminations, des violences familiales ou à la traite. En matière de non-refoulement, la loi prévoit la responsabilité de tout fonctionnaire qui, ayant connaissance d’une situation, ne respecte pas le droit applicable en la matière.

47.Au sujet de la nouvelle procédure administrative relative aux réfugiés, M. Acevedo Díaz ne pense pas que la lenteur de la procédure en entrave la qualité. Aux termes de la loi, la Commission nationale pour les réfugiés (CONARE) doit garantir la fourniture d’une aide juridique gratuite, même pour les enfants, dans le respect de la Convention relative aux droits de l’enfant et de l’Observation générale no 6 sur le traitement des enfants non accompagnés, et tous les mineurs de moins de 18 ans bénéficient de l’aide d’un tuteur. La loi prévoit que les réfugiés ont droit aux services d’un interprète ou d’un traducteur qualifié, et le secrétariat du CONARE peut répondre dans la plupart des cas aux besoins de traduction. Les affaires en attente au secrétariat ont diminué et la durée nécessaire au traitement des demandes a été réduite sans perte de qualité, et tout en préservant l’analyse des affaires quant au fond. Un accord de coopération a été conclu avec le bureau régional du HCR pour améliorer les soins apportés aux demandeurs d’asile et renforcer la capacité de traitement des demandes d’asile en répondant aux besoins spécifiques de protection.

48.Au début des années 2000, le CONARE a accordé l’asile à des ressortissants du Sénégal car il a jugé qu’il existait des raisons de craindre pour leur sort en cas de retour dans leur pays d’origine. Les demandes présentées par des Sénégalais ont été prises en compte en fonction de circonstances objectives et ont ensuite progressivement été refusées. À partir de 2004, ces demandes ont été jugées sans fondement et sans rapport avec la Convention de 1951 sur les réfugiés. Mais ces affaires ont néanmoins été traitées dans le cadre des procédures ordinaires en évaluant chaque dossier séparément.

49.M. Acevedo Díaz précise que des mesures de coopération conclues avec les pays voisins permettent à la justice de lutter contre d’éventuels cas de traite d’êtres humains liés à ces mouvements migratoires. L’Argentine est partie à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et à ses Protocoles facultatifs. L’Argentine est donc au nombre des pays qui assurent les niveaux les plus élevés de protection aux demandeurs d’asile et aux réfugiés.

50.M. Mouratian (Argentine) indique que toutes les informations relatives aux activités de l’Observatoire de la discrimination à la radio et à la télévision sont publiées sur le site Internet de cet organisme. En outre, un rapport du Gouvernement publié récemment décrit les actions menées contre cette forme de discrimination et les résultats atteints entre 2005 et 2007, notamment dans le cadre du Plan national de lutte contre la discrimination.

51.M. Avton o mov souhaite que l’État partie fournisse dans son prochain rapport périodique des précisions concernant le rôle des juges de paix dans le traitement des affaires relatives aux terres des autochtones. Constatant que les juges de paix ont tout pouvoir dans le traitement de ce type d’affaires, il souhaite savoir s’il existe des recours contre les décisions rendues par ces juges.

52.Relevant que la langue guarani a été reconnue comme langue officielle dans une province de l’État partie, M. Avtonomov demande si c’est aussi le cas dans d’autres provinces, comme l’ont laissé entendre des observations de la délégation selon lesquelles toute personne parlant le guarani est en droit de demander les services d’un interprète dans certaines provinces. Il estime, à cet égard, qu’il y a une différence entre la faculté d’exiger les services d’un interprète et la possibilité de reconnaître une langue comme officielle.

53.M. Avtonomov aimerait savoir si l’Argentine envisage de ratifier l’amendement apporté à l’article 8 de la Convention.

54.M. Cali Tzay, relevant que les peuples autochtones n’ont pas été indemnisés pour la perte des terres dont ils ont été spoliés par des entreprises privées ou des propriétaires fonciers, demande quelles mesures ont été prises pour enquêter sur ce type d’affaires et sanctionner les responsables qui, malgré le moratoire en vigueur, ont poursuivi leurs expulsions violentes.

55.Au sujet de l’éducation interculturelle bilingue, M. Cali Tzay demande combien d’Argentins non autochtones suivent un enseignement pluriculturel bilingue. Par ailleurs, il souhaite savoir quelles mesures l’État entend prendre pour faire appliquer les normes du droit interne dans les provinces et le rendre compatible avec ses obligations au titre des instruments internationaux.

56.M. de Gouttes (Rapporteur pour l’Argentine) accueille avec satisfaction l’acceptation par l’Argentine de la procédure de communication individuelle prévue par l’article 14 de la Convention et la mise en place dans l’État partie d’un ensemble d’institutions, d’organismes et de programmes visant à lutter contre la discrimination.

57.M. de Gouttes estime que le prochain rapport périodique de l’Argentine devrait se concentrer davantage sur les discriminations raciales et ethniques visées par la Convention sans s’étendre aux autres types de discrimination, et que l’État partie devrait s’efforcer d’associer davantage les ONG à l’élaboration de ses rapports. Il souhaiterait en outre que le prochain rapport présente les résultats complets du recensement de la population qui sera effectué en 2010, en faisant apparaître si possible le nombre exact d’autochtones, de personnes afrodescendantes et de personnes appartenant à la communauté rom.

58.Passant aux recommandations de fond, M. de Gouttes estime que l’État fédéral argentin devrait obtenir des provinces qu’elles appliquent les instruments internationaux et qu’elles mettent en œuvre des dispositifs de protection des droits de l’homme répondant aux exigences des normes internationales, en particulier des normes concernant la garantie des droits des autochtones. Il cite notamment le droit d’accès à la justice, la protection sociale et alimentaire, la consultation et la participation aux prises de décisions, ainsi que la suspension des expulsions et des expropriations irrégulières des terres autochtones, qui persistent en dépit de la loi d’urgence qui a été prolongée.

59.Il juge également utile d’avoir des informations plus complètes sur les plaintes, les poursuites et les condamnations prononcées pour des actes de discrimination raciale, en particulier sur les poursuites engagées à la suite des violences et des expulsions illégales forcées dont ont été victimes des communautés autochtones dans certaines provinces. Il souhaite également obtenir de plus amples renseignements concernant le suivi de la mise en œuvre de la loi sur les migrations ainsi que sur les programmes de régularisation des migrants dans le respect du droit international. Il demande des précisions sur l’application de la loi de 2006 concernant les réfugiés et les demandeurs d’asile, et sur le bilan de la Commission nationale pour les réfugiés, en particulier pour ce qui concerne la protection des droits des réfugiés en cas de reconduite à la frontière ou de refoulement. Enfin, il souhaite obtenir des informations sur l’application de l’article 7 de la Convention, en particulier dans le domaine de l’éducation interculturelle bilingue, et en ce qui concerne la prévention de tous les messages à caractère raciste dans les médias ou les discours politiques.

La séance est levée à 13 heures.