NATIONS

UNIES

CERD

Convention internationale

sur l’élimination

de toutes les formes

de discrimination raciale

Distr.GÉNÉRALE

CERD/C/SR.165619 janvier 2005

Original: FRANÇAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE

Soixante‑cinquième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1656e SÉANCE

tenue au Palais des Nations, à Genève,le mardi 10 août 2004, à 15 heures

Président: M. YUTZIS

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PERTINENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (suite)

Seizième à dix-huitième rapports périodiques de l’Argentine (CERD/C/476/Add.2)

La séance est ouverte à 15 heures.

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PERTINENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (point 4 de l’ordre du jour) (suite)

Seizième à dix-huitième rapports périodiques de l’Argentine (CERD/C/476/Add.2)

1.Sur l’invitation du Président, la délégation argentine prend place à la table du Comité.

2.M. CHIARADIA (Argentine) affirme la volonté de l’Argentine de respecter les engagements internationaux souscrits par elle dans le domaine des droits de l’homme. La défense des droits de l’homme et le renforcement du système international de protection des droits de l’homme occupent une place centrale dans le programme du Gouvernement argentin. De nombreuses mesures ont été prises récemment pour assurer le respect des droits de l’homme et le suivi de la Déclaration et du Programme d’action de Durban, malgré la grave crise économique et sociale qui frappe le pays depuis 2000. Il ajoute que l’Argentine est convaincue que le dialogue et la coopération sont essentiels pour progresser dans la lutte contre la discrimination.

3.M. OTEIZA (Argentine) indique que des mesures importantes ont été prises pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention, malgré la crise économique et sociale très profonde dans laquelle le pays est enlisé. Depuis 1983, année du retour à la démocratie, l’Argentine a beaucoup progressé en matière de respect des droits de l’homme, et plusieurs des conventions les plus importantes relatives aux droits de l’homme ont été prises en considération dans la réforme constitutionnelle de 1994 et ont reçu un rang constitutionnel.

4.La crise sans précédent qui frappe le pays s’est profondément aggravée à partir de fin 2001. Elle a eu des conséquences dramatiques sur d’importants secteurs de la population, en particulier les groupes les plus vulnérables. Un nombre inquiétant de personnes sont tombées dans la marginalisation et l’exclusion, voire la pauvreté extrême, ce qui a créé de nouvelles formes de discriminations massives auxquelles les autorités tentent de remédier.

5.La crise économique a été provoquée par une surévaluation du peso par rapport au dollar des États-Unis, qui a entraîné une chute des exportations en raison de la perte de compétitivité des entreprises. Le ralentissement dramatique des activités productrices qui s’en est suivi a rendu insoutenable la charge de la dette. En 2003, 57 % de la population urbaine argentine vivaient en dessous du seuil de pauvreté et 27,5 % dans l’extrême pauvreté, contre, respectivement, 41 % et 11% dans les années 90. L’aggravation de la crise sociale a poussé le Gouvernement à lancer en 2002 un important programme d’urgence alimentaire axé sur le financement de cantines communautaires et des cantines scolaires.

6.Dans le domaine de la santé, les autorités ont lancé le programme Remediar (par. 321), qui repose sur la distribution de médicaments de base gratuits et est le plus important du monde en matière de santé primaire.

7.Dans le domaine de l’éducation, 350 000 subventions ont été accordées aux familles à bas revenu pour aider les adolescents à poursuivre leurs études. Le Gouvernement a déployé de nombreux efforts pour compléter les programmes concernant l’éducation par des programmes qui associent l’assistance sociale à l’aide à l’emploi. Actuellement, la priorité est accordée à la création d’emplois par le biais d’un vaste programme de construction de logements qui vise trois objectifs: assurer une source de revenus aux chômeurs, contribuer à surmonter la crise du logement, et orienter les personnes qui recevaient auparavant une assistance de l’État vers des emplois réels.

8.Dans le domaine législatif, en août 2003 le Congrès a adopté une loi abrogeant les lois relatives à l’impunité des auteurs de crimes perpétrés durant la dictature militaire. Le gouvernement actuel est fermement décidé à mettre un terme à l’impunité pour les crimes contre l’humanité.

9.En juillet 2003 a été promulgué un décret présidentiel qui interdit à l’exécutif de s’arroger des pouvoirs dévolus au judiciaire, progrès normatif qui a eu des conséquences très positives sur la lutte contre la discrimination. De plus, la loi sur les migrations, qui datait de 1980 et violait différents droits fondamentaux, a été abrogée. Elle a été remplacée par une nouvelle loi, qui protège les droits de l’homme de tous les ressortissants étrangers et des travailleurs migrants et garantit les mêmes droits à tous. Cette loi est fortement inspirée de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, que les autorités argentines envisagent de ratifier. Cette loi est sans doute la plus avancée en Amérique latine et constitue un cadre de référence pour le Mercosur élargi, dans lequel l’Argentine et le Brésil constituent les deux plus importants pays d’accueil de migrants. Elle garantit le droit d’accès à la justice à tous les migrants en possession ou non de documents légaux et à tous les étrangers.

10.En coopération avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et le Programme des Nations Unies pour le développement, le Gouvernement argentin a élaboré un plan de travail en vue de l’adoption d’un plan national de lutte contre la discrimination qui devrait servir de projet pilote au niveau régional.

11.S’agissant des populations autochtones, le Congrès national a approuvé en juin 2002 une loi instituant une campagne de diffusion des droits des populations autochtones. Reconnaissant la dette historique très importante du pays envers ces populations, les autorités ont décidé de recueillir toutes les informations nécessaires à l’élaboration de politiques effectives de défense des droits autochtones. Il reste encore beaucoup à faire, mais des progrès importants ont d’ores et déjà été effectués dans la compilation des données pertinentes.

12.M. THORNBERRY (Rapporteur pour l’Argentine) se félicite de la présentation du rapport, mais note cependant que ce dernier n’a pas été élaboré conformément aux principes directeurs concernant la forme et la teneur des rapports présentés par les États parties (CERD/C/70/Rev.5). Dans la première partie (p. 8), qui contient les estimations provisoires établies à la suite du recensement de 2001 et une mise à jour du document de base (HRI/CORE/1/Add.74), aucun renseignement n’est fourni sur la composition ethnique de la population. Aussi souhaiterait-il que la délégation argentine fournisse au Comité des statistiques désagrégées et cite le nom des différentes communautés autochtones. Constatant que d’après certaines organisations non gouvernementales la population autochtone compterait 900 000 personnes, mais selon d’autres 2 millions, il demande à la délégation de commenter ces différences et de donner également des chiffres récents concernant le nombre de réfugiés et de requérants d’asile. De plus, comme les Afro-Argentins ne sont pas mentionnés dans le rapport, il souhaiterait savoir combien de personnes appartenant à cette minorité ont été recensées en Argentine.

13.Par ailleurs, M. Thornberry se félicite de ce que les traités internationaux aient valeur de loi constitutionnelle (par. 34), mais constate qu’ils ne l’emportent pas sur les articles de la Constitution en cas d’incompatibilité. À ce propos, il souhaiterait savoir si la disposition constitutionnelle tendant à encourager l’immigration européenne (par. 123) est toujours en vigueur, et pourquoi elle n’a pas été abrogée lors de la réforme de 1994. Il prie en outre la délégation de donner des exemples supplémentaires de décisions de la Cour suprême, afin de compléter celles qui sont citées au paragraphe 37 du rapport. Enfin, l’Argentine étant un État fédéral, M. Thornberry voudrait savoir si les normes relatives aux droits de l’homme sont appliquées uniformément sur l’ensemble de son territoire.

14.En ce qui concerne l’application de l’article 2 de la Convention, le rapporteur accueille avec satisfaction les renseignements détaillés concernant l’Institut national contre la discrimination, la xénophobie et le racisme (INADI) (par. 42), notamment le fait que ce dernier est devenu autonome (par. 89) et qu’il collabore activement avec des organisations non gouvernementales. Notant toutefois avec préoccupation que l’INADI a subi d’importantes restrictions budgétaires (par. 74), M. Thornberry demande si ces coupes menacent la capacité de cet organe de mener à bien ses travaux. Il souhaiterait en outre un complément d’information sur l’analyse des plaintes déposées pendant la période 2000-2001 (par. 96). Il voudrait également connaître le montant des ressources allouées au Plan national de lutte contre la discrimination (chap. XI) à l’échelle nationale et provinciale et savoir s’il est en cours d’exécution.

15.Concernant l’article 3 de la Convention, M. Thornberry souligne que cette disposition ne doit pas être comprise comme portant uniquement sur l’apartheid. En effet, dans sa recommandation générale XIX, le Comité a expliqué qu’une situation de ségrégation partielle pouvait survenir sans que les autorités en aient pris l’initiative et être le résultat non intentionnel d’actions de personnes privées, qui influent notamment sur la répartition des habitants par quartiers (HRI/GEN/1/Rev.7).

16.S’agissant de l’application de l’article 4 de la Convention, M. Thornberry accueille avec satisfaction le complément d’information fourni sur la loi de 1988 réprimant les activités illicites et délictueuses en rapport avec la discrimination (par. 127 et 128). Il note par ailleurs que les sentiments et actes antisémites sont prépondérants, et rappelle que, lors de l’examen du rapport précédent, le Comité a regretté dans ses observations finales (CERD/C/304/Add.112) la lenteur des poursuites engagées à la suite des attaques antisémites de 1992 et 1994. Il souhaiterait savoir s’il faut comprendre, d’après les renseignements fournis aux paragraphes 132 à 135 du rapport, que ces procédures sont encore en cours, auquel cas le Comité aurait d’autant plus de raisons de critiquer les lenteurs de la justice.

17.Dans le chapitre consacré à l’application de l’article 5 de la Convention, les informations relatives aux droits des femmes sont hors sujet, car le Comité ne s’intéresse aux droits des femmes qu’en rapport avec la question de la double discrimination. Quoi qu’il en soit, M. Thornberry souhaiterait savoir si des mesures d’action positive comparables à celles prévues pour les femmes sont prises afin d’aider d’autres groupes sous-représentés de la population.

18.En ce qui concerne la visite du Rapporteur spécial sur l’intolérance religieuse mandaté par la Commission des droits de l’homme, il prie la délégation argentine de donner de plus amples renseignements sur les dispositions du droit interne réprimant l’incitation à la haine raciale ou religieuse diffusée dans les médias, en particulier sur Internet.

19.Pour ce qui est des droits économiques, sociaux et culturels, la plupart des informations fournies dans le rapport ne concernent pas spécifiquement la Convention, hormis celles qui ont trait à l’enseignement bilingue. À ce propos, le rapporteur prie la délégation argentine d’expliquer le sens de l’expression «enseignement interculturel» (par. 376) et d’indiquer s’il existe des écoles spéciales proposant un programme adapté aux besoins des autochtones et, le cas échéant, si les intéressés sont consultés lors de l’élaboration des programmes scolaires. De même, il voudrait savoir si les populations autochtones ont été consultées lors de la «reformulation de la conception que se font de l’autochtone la société et le système éducatif», dont il est question au paragraphe 383 du rapport, et si les programmes scolaires prévoient un enseignement portant sur les peuples autochtones et sur la tolérance entre les différents groupes de la population. Il souhaite également obtenir des informations complémentaires sur la question de la participation aux activités culturelles (par. 419 à 421).

20.S’agissant de l’application de l’article 6 de la Convention, le rapporteur aimerait savoir s’il existe des cours de formation des juges aux normes relatives aux droits de l’homme et si des affaires concernant plus spécifiquement la Convention que celles citées au paragraphe 429 du rapport ont été examinées. De plus amples informations seraient bienvenues sur les 48 plaintes liées à des questions de race, de nationalité ou de religion (par. 103), enregistrées par l’INADI en 2002.

21.Concernant l’article 7 de la Convention, le rapporteur dit qu’il serait utile de connaître la portée du projet de formation des formateurs décrit dans le rapport (par. 435 et 436) et l’état d’avancement de la mise en œuvre de la loi de 2002 instaurant une campagne de diffusion des droits de populations autochtones (par. 442).

22.Se penchant plus particulièrement sur la situation des peuples autochtones, M. Thornberry souhaiterait savoir si le recensement de 2001 comprenait une question destinée à ce groupe de population et, le cas échéant, comment elle était formulée et si les intéressés avaient été consultés au préalable. Pour ce qui est des droits fonciers des autochtones, il voudrait savoir quelles dispositions sont prévues dans la législation en la matière, en particulier si les autochtones peuvent demander de se voir restituer des terres ancestrales et s’ils sont consultés lorsque l’exploitation des ressources naturelles situées sur les terres où ils vivent affecte leurs conditions de vie, comme dans l’affaire citée au paragraphe 155.

23.S’agissant de la Convention no 169 de l’Organisation internationale du Travail concernant les peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants, M. Thornberry demande si une loi portant application de cet instrument a été ou doit être élaborée. Dans le domaine des droits économiques, sociaux et culturels, il note qu’un projet de loi portant élaboration d’un programme relatif à la mise en place d’infrastructures de base destinées aux communautés autochtones a été présenté au Sénat. Ces communautés ont-elles été consultées à ce sujet? Quant à la notion d’autochtone, sachant que les peuples autochtones ne peuvent apparemment pas faire valoir leurs droits devant un tribunal à moins d’avoir obtenu la personnalité juridique, il souhaiterait en connaître les modalités d’octroi.

24.Enfin, relevant que le Rapporteur spécial sur l’intolérance religieuse a affirmé dans son rapport (E/CN.4/2002/73/Add.1, par. 150) que le processus de restitution de la terre était une condition sine qua non pour l’accès aux sites sacrés et aux sépultures, et donc pour la pratique religieuse ou spirituelle légitime des peuples autochtones, et qu’il a recommandé que l’avant‑projet de loi sur la liberté de religion prenne en compte cette préoccupation, M. Thornberry souhaiterait que la délégation argentine informe le Comité des suites données à cette recommandation.

25.En ce qui concerne les réfugiés, bien que l’Argentine soit partie à la Convention relative au statut des réfugiés, elle n’a apparemment pas adopté de loi spécifique à ce sujet. Le rapporteur souhaiterait donc savoir comment le statut de réfugié est déterminé et si les mécanismes décrits aux paragraphes 191 à 195 du rapport tiennent lieu de législation en la matière. Si tel n’est pas le cas, un projet de loi est-il en cours d’élaboration ou d’examen?

26.Le rapporteur note que des informations communiquées par des organisations non gouvernementales font état notamment de campagnes xénophobes ciblant les migrants et de l’absence de programmes d’intégration des réfugiés. En outre, comme l’a souligné le Rapporteur spécial sur la violence à l’égard des femmes dans son rapport (E/CN.4/2003/75/Add.1), les femmes migrantes sans papiers seraient souvent exploitées par les réseaux de prostitution et leur statut les empêcherait d’avoir accès à la justice. Toutefois, M. Thornberry croit comprendre que ces problèmes sont traités dans la nouvelle loi sur l’immigration de 2003, notamment dans les dispositions réprimant la traite des personnes.

27.M. LINDGREN ALVES note avec satisfaction que l’un des membres de la délégation argentine est le Président de l’INADI, et se félicite de la qualité du rapport, nonobstant sa longueur excessive. Il juge nécessaire que la délégation étoffe oralement l’explication contenue dans le rapport concernant l’impossibilité d’abroger la disposition constitutionnelle de 1853 tendant à encourager l’immigration européenne (par. 123).

28.M. VALENCIA RODRIGUEZ dit que, du fait du caractère multiethnique de sa population, l’Argentine a l’obligation de veiller au respect de l’identité de chacun et du droit, pour les membres des minorités ethniques, de bénéficier d’un enseignement bilingue et multiculturel. Il note à cet égard que la Convention a rang constitutionnel et est supérieure aux autres lois nationales. Elle peut donc être invoquée directement devant les tribunaux. En outre, la discrimination raciale est sanctionnée par les dispositions de la Constitution et d’autres dispositions législatives, mais des préjugés et pratiques condamnables subsistent (par. 125, 296 et 319 du rapport).

29.Divers organismes, décrits au chapitre IV du rapport à l’examen, sont chargés de faire appliquer les normes en vigueur et les instruments internationaux relatifs à la protection des droits de l’homme, tels que l’Institut national contre la discrimination, la xénophobie et le racisme (INADI), le Secrétariat aux droits de l’homme du Ministère de la justice, de la sécurité et des droits de l’homme, la Direction des droits de l’homme du Ministère des relations extérieures, du commerce international et du culte, ainsi que le Procureur pénitentiaire et les commissions parlementaires. Les activités de l’INADI décrites aux paragraphes 96 et suivants du rapport considéré comprennent notamment des cours de formation antidiscrimination destinés aux membres des forces armées, de la police et autres fonctionnaires chargés de l’application des lois. Le rapporteur souhaiterait savoir quels en ont été les résultats concrets. Il dit que l’INADI, qui n’est pas composé de représentants des groupes autochtones, reçoit et centralise les plaintes ayant trait à des comportements discriminatoires, et joue ainsi un rôle de médiateur qui permet à l’Argentine de s’acquitter de l’obligation découlant de l’article 6 de la Convention, en attendant que l’État partie fasse prochainement, comme il l’a annoncé au paragraphe 95, la déclaration prévue à l’article 14 de la Convention.

30.Le programme de lutte contre la discrimination à l’égard des migrants, des réfugiés et des populations autochtones est une activité importante. M. Valencia Rodriguez préconise que sa mise en œuvre tienne compte des prescriptions de la Convention, et aimerait savoir quels en ont été les résultats. En outre, les activités de ces divers organismes ou programmes devraient être coordonnées comme il se doit pour éviter les doubles emplois et utiliser de manière appropriée les ressources humaines et financières nécessaires à leur fonctionnement.

31.S’agissant de l’application de l’article 5 de la Convention, force est de reconnaître que l’Argentine a de tous temps attiré des immigrants de toutes origines. À ce sujet, il conviendrait d’incorporer à l’article 25 de la Constitution l’interprétation qu’a donnée la Cour suprême dudit article, de manière à prévenir toute équivoque quant à l’attitude de l’Argentine à l’égard de l’immigration.

32.S’agissant des informations fournies aux paragraphes 147 et suivants, M. Valencia Rodriguez recommande que l’État partie fasse de nouveaux efforts pour recenser correctement la population autochtone. Il souhaite que le Comité reçoive des données, fussent‑elles préliminaires, concernant les projets de développement des communautés autochtones. Il se félicite par ailleurs de la ratification, par l’État partie, de la Convention no 169 de l’OIT concernant les peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants.

33.M. Valencia Rodriguez dit qu’il est essentiel de lutter contre l’exploitation des migrants par des passeurs ou «coyoteros», et à ce sujet il se félicite des accords passés par l’Argentine avec ses voisins en vue de réguler les flux migratoires entre États, dans le respect des droits fondamentaux des migrants, qu’ils soient en situation régulière ou irrégulière. Pour cela, il conviendra de prendre des mesures pour éviter les excès dans l’application des lois mentionnés au paragraphe 177 du rapport.

34.M. Valencia Rodriguez constate que le rapport ne contient pas d’informations sur l’accès des membres des communautés autochtones aux fonctions publiques (Congrès, corps exécutif ou judiciaire, forces armées, police), et souhaiterait obtenir des renseignements à ce sujet.

35.M. KJAERUM se félicite de la mise en place du Plan national de lutte contre la discrimination et se demande quel rôle jouent les collectivités locales et régionales dans sa mise en œuvre. Il salue l’entrée en vigueur, en janvier 2004, d’une nouvelle loi sur l’immigration, élaborée dans le respect des normes internationales relatives aux droits de l’homme, et voudrait savoir si elle a permis d’accélérer les procédures dans ce domaine.

36.Notant avec préoccupation que les chiffres du recensement réalisé par le bureau régional du Haut‑Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés sur la population réfugiée contredisent les chiffres officiels et que, sur les 360 réfugiés ayant fait une demande d’asile en 2002, 77 ont librement renoncé à leur demande tandis que 174 ont cessé de faire proroger leurs documents provisoires, M. Kjaerum se demande si la lenteur de la procédure d’octroi de l’asile − dont la durée moyenne est de six ans − ne décourage pas les demandeurs d’asile. Il aimerait donc savoir si l’Argentine envisage d’adopter prochainement une législation qui rende effective la Convention relative au statut des réfugiés.

37.À propos d’un feuilleton télévisé jugé discriminatoire à l’égard des Roms, M. Kjaerum relève que l’INADI, saisi de l’affaire par des membres de cette communauté, a mis 10 mois à examiner cette plainte, ce qui atteste de l’insuffisance des ressources et des pouvoirs de ce mécanisme, que le Comité a déjà jugée préoccupante à l’occasion de l’examen du rapport précédent de l’Argentine.

38.M. Kjaerum se félicite ensuite de ce qu’un accord ait été conclu entre les autorités militaires du pays et la ligue de lutte contre la diffamation en vue d’inscrire dans les programmes d’enseignement des écoles militaires une formation aux droits de l’homme, et voudrait savoir quelles mesures concrètes l’État partie a prises pour lutter contre les préjugés antisémites et raciaux au sein de la police et de l’armée.

39.Déplorant le peu d’informations concernant les femmes appartenant aux minorités ethniques, M. Kjaerum appelle l’attention de la délégation sur la recommandation générale XXV du Comité (2000) sur la dimension sexiste de la discrimination raciale, dans laquelle le Comité insiste sur le fait que les femmes issues de ces minorités, qui sont particulièrement vulnérables et souvent victimes d’exploitation à des fins commerciales ou sexuelles, souffrent la plupart du temps de plusieurs formes de discrimination.

40.M. PILLAI rend hommage au pouvoir judiciaire de l’État partie pour avoir pris les décisions exposées aux paragraphes 85 et 429 du rapport à l’examen dans des affaires de discrimination, en particulier à la détermination des juges face aux menaces rapportées par Amnesty International.

41.M. Pillai regrette que l’État partie n’ait pas pris de mesures visant à améliorer le sort des populations autochtones − qui sont particulièrement touchées par le chômage et la pauvreté et dont les besoins fondamentaux ne sont satisfaits que dans une faible mesure − comme l’y avait invité le Comité dans ses conclusions, à l’issue de l’examen du rapport précédent, et que le rapport à l’examen soit muet à ce sujet.

42.M. Pillai note en outre que le Secrétariat aux droits de l’homme du Ministère de la justice, de la sécurité et des droits de l’homme et l’Institut national contre la discrimination, la xénophobie et le racisme (INADI) ont la même mission de recevoir et centraliser les plaintes faisant état de comportements discriminatoires, xénophobes ou racistes, ou de violations des droits de l’homme. Il demande un complément d’information sur la façon dont leurs travaux sont coordonnés au niveau national et dont l’INADI encourage les victimes de discrimination à porter plainte. Notant avec satisfaction que l’INADI met en place des cours de formation antidiscriminatoire et de renforcement institutionnel destinés aux dirigeants d’ONG, aux étudiants et aux membres des professions libérales, M. Pillai souhaite savoir comment les intéressés accueillent ce programme de formation.

43.Se référant au paragraphe 147 du rapport, M. Pillai aimerait connaître les «diverses raisons» qui ont empêché de recenser correctement la population autochtone, et déplore que 10 ans après l’adoption de la nouvelle Constitution, qui reconnaît la personnalité juridique et les droits des peuples autochtones, peu ait été fait en vue de délimiter les terres des autochtones et de leur octroyer des droits de propriété foncière. Pire encore, dans le cadre des grands travaux d’aménagement du territoire, ils seraient encore parfois expulsés de leurs terres pour appropriation prétendument illégale. À cet égard, M. Pillai aimerait savoir quelle suite l’État partie entend donner aux recommandations formulées par le Rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme sur l’intolérance religieuse concernant la restitution de terres aux populations autochtones pour leur redonner accès à leurs lieux sacrés.

44.Enfin, M. Pillai souhaiterait recevoir de la délégation argentine un complément d’information au sujet des brutalités policières commises sous divers prétextes, pour des motifs liés à la race, à la couleur ou l’origine ethnique des victimes, que le Comité a déjà jugées préoccupantes à l’occasion de l’examen du rapport précédent de l’Argentine.

45.M. SICILIANOS se félicite de l’adoption d’un certain nombre de mesures prises pour éliminer les séquelles de la dictature en Argentine, et de l’engagement de l’État partie en faveur des droits de l’homme, qui s’exprime notamment dans les dispositions faisant de la motivation raciste ou xénophobe une circonstance aggravante. Il voudrait connaître les grandes lignes de la nouvelle loi sur l’immigration entrée en vigueur en janvier 2004, eu égard notamment aux droits des sans-papiers. Il estime souhaitable que l’État partie ratifie la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et se réfère à la recommandation générale XI du Comité sur les non-ressortissants (1993). Il estime que l’accord de libre circulation des personnes conclu entre les États membres du Mercosur, qui devrait susciter une attitude plus souple des services de l’immigration à l’égard des ressortissants des pays limitrophes, n’est pas contraire à l’article premier, paragraphe 2, de la Convention. Enfin, il comprend bien les facteurs exposés aux paragraphes 150 à 157 du rapport, qui rendent difficile l’adoption d’une politique en faveur des populations autochtones au niveau national, mais il rappelle que l’Argentine est partie à la Convention no 169 de l’OIT concernant les peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants, et qu’à ce titre elle est tenue de mener des actions en leur faveur.

46.M. BOYD est préoccupé par l’absence d’informations sur l’article 5 b) de la Convention concernant le droit à la sûreté de la personne, et regrette que l’Argentine n’ait fourni aucun renseignement sur les allégations de brutalités policières qui seraient commises pour des motifs liés à la race, la couleur ou l’origine ethnique. Il aimerait donc savoir quelle est l’ampleur du problème, quelles mesures sont prises pour y remédier, et combien d’enquêtes ont été ouvertes. Il note que le rapport présente en détail la législation antidiscrimination mais ne traite pas des cas de discrimination à l’égard des peuples autochtones, des Argentins d’origine africaine et des immigrants. L’expert souhaite que l’État partie rende mieux compte de la situation quelque peu floue de ces groupes, et précise l’ampleur du phénomène de discrimination dont ils sont victimes.

47.M. AVTONOMOV dit que la situation des femmes sur le plan politique s’est sensiblement améliorée en Argentine grâce à l’adoption de la loi sur les «quotas féminins». Notant au paragraphe 52 du rapport que la République argentine a créé un poste de procureur des droits de l’homme à Buenos Aires, il demande si des postes de ce type ont été créés dans d’autres villes. Il souhaite par ailleurs obtenir des précisions sur le paragraphe 151 du rapport, car il semblerait que le Gouvernement fédéral ait des difficultés à faire appliquer ses politiques et plans d’action à l’échelon local. M. Avtonomov déplore l’absence de statistiques sur les peuples autochtones et fait observer que, dans la mesure où ces peuples ne représentent que 1 % de la population totale, il ne devrait pas être difficile d’en faire un décompte. Il demande dans quelle mesure les autochtones bénéficient des mêmes droits politiques que le reste de la population étant donné qu’ils vivent dans des zones reculées. En outre, il souhaite savoir combien d’enfants autochtones abandonnent l’école, et à quel niveau, et salue la franchise avec laquelle l’Argentine reconnaît les difficultés d’alphabétisation des peuples autochtones. À cet égard, il demande des informations sur l’application de la politique en faveur d’un apprentissage bilingue à l’école.

48.M. CALI TZAY se félicite que l’Argentine ait ratifié la Convention no 169 de l’OIT concernant les peuples indigènes et tribaux, mais souhaiterait que l’État partie fournisse davantage d’informations sur ces peuples. Il rend compte d’informations fournies par des ONG, selon lesquelles les enseignants auxiliaires bilingues d’origine autochtone seraient victimes de discrimination et se verraient confier des travaux de nettoyage dans les écoles plutôt que des charges d’enseignement. Il demande à la délégation de confirmer ces informations et de fournir des précisions sur les actes de violence dont sont victimes les peuples autochtones.

49.M. AMIR s’étonne de ce que seulement 13,7 % des élèves accèdent aux études universitaires et que 6,3 % mènent à terme leurs études supérieures (par. 9 du rapport), étant donné que l’État partie affirme donner aux élèves tous les moyens matériels dont ils ont besoin pour poursuivre leur scolarité. Il note avec grand intérêt l’existence d’institutions comme le Procureur pénitentiaire et l’Ombudsman, et salue la franchise avec laquelle l’Argentine reconnaît dans son rapport que l’histoire a été particulièrement cruelle pour les peuples autochtones.

50.M. TANG souligne la richesse du rapport à l’examen mais regrette l’absence de statistiques sur la composition de la population ethnique. Il note avec satisfaction que la Constitution de 1994 reconnaît expressément la personnalité juridique des communautés autochtones ainsi que la possession et la propriété collectives des terres traditionnellement occupées par lesdites communautés (par. 80 du rapport), mais demande des précisions sur l’application concrète de ces dispositions constitutionnelles. Il note (par. 152) que le Gouvernement central semble avoir des difficultés à mettre en œuvre ses politiques à l’échelon local, et souhaite entendre le point de vue de la délégation sur les problèmes qui pourraient exister entre les autorités fédérales et les collectivités locales.

51.M. de GOUTTES salue la franchise avec laquelle l’Argentine a reconnu que la crise socioéconomique a gravement touché les groupes les plus vulnérables de sa population, en particulier les peuples autochtones. Il a également pris note avec beaucoup d’intérêt des explications fournies par le Directeur de l’INADI. S’agissant de l’article 4 de la Convention, il relève que les exemples de plaintes et de jurisprudence donnés dans le rapport ne concernent pas directement la discrimination raciale. Il s’étonne de ce que l’INADI n’ait pas reçu davantage de plaintes et souhaite recevoir des informations plus ciblées sur les actes de discrimination raciale. Concernant la question des attentats commis contre l’ambassade d’Israël et le Centre communautaire juif AMIA en 1999, il voudrait savoir pourquoi l’enquête a été confiée à la Cour suprême de justice de la nation. Pour ce qui est de l’article 5 de la Convention, il fait observer que la privation de terres peut entraver l’exercice de la liberté de religion par les peuples autochtones dans la mesure où ils n’ont pas accès à leurs lieux de culte et à leurs sépultures. Par ailleurs, il demande quelles mesures sont prises pour lutter contre la diffusion d’informations incitant à la haine raciale dans les médias et sur Internet. Il demande également un complément d’information sur la sensibilisation de la police aux questions intéressant les groupes ethniques, ainsi que sur la mise en œuvre de la campagne de diffusion des droits des populations autochtones (par. 442 du rapport). Enfin, il exhorte l’Argentine à faire la déclaration prévue à l’article 14 de la Convention et à accepter la révision de l’article 8 de la Convention décidée par les États parties.

52.Mme DAH invite l’Argentine à mettre à jour le document de base qu’elle a adressé au Comité en tenant compte des résultats du recensement de 2001 et de l’évolution de la situation socioéconomique dans le pays. Elle note avec satisfaction que le taux de scolarisation des filles est en augmentation dans les zones urbaines, mais s’étonne de ce que les femmes ne représentaient que 27 % de la population active en 2001 et en demande les raisons. Elle souhaite connaître la superficie des terres qu’occupent traditionnellement les peuples autochtones par rapport à la superficie du territoire national et demande si ces peuples vivent dans des zones bien circonscrites. Elle relève, au paragraphe 163 du rapport, qu’un projet de développement a été mis en œuvre en faveur des communautés autochtones, et demande ce que représente la somme mentionnée par rapport au budget national et quels sont précisément les bénéficiaires de ce projet. Enfin, elle souhaite savoir si les accords de coopération avec le Pérou et la Bolivie sont toujours en vigueur, depuis l’expulsion de citoyens originaires de ces pays, en 1999.

53.Mme JANUARY‑BARDILL dit que l’arsenal législatif et l’appareil institutionnel de l’Argentine montrent la réelle volonté politique de l’État partie de lutter contre la discrimination raciale. Elle regrette toutefois l’insuffisance des informations fournies au sujet des groupes les plus vulnérables, dont les peuples autochtones, qui ont été particulièrement touchés par la crise socioéconomique, et engage l’Argentine à remédier à cette lacune. Elle note avec satisfaction les initiatives de formation et les activités de développement menées par l’INADI. S’agissant plus particulièrement de la formation des fonctionnaires locaux, elle aimerait savoir si l’État partie a procédé à une évaluation de ces activités et, dans l’affirmative, quels en sont les résultats. Il serait particulièrement utile de connaître l’avis des fonctionnaires sur l’utilité de ces activités.

La séance est levée à 18 h 5.

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