NATIONS UNIES

CERD

Convention internationale sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr.GÉNÉRALE

CERD/C/SR.19451er septembre 2009

Original: FRANÇAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE

Soixante-quinzième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1945e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le mardi 11 août 2009, à 10 heures

Présidente: Mme DAH

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (suite)

Seizième à dix-neuvième rapports périodiques de la Grèce (suite)

La séance est ouverte à 10 h 10.

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (point 5 de l’ordre du jour) (suite)

Seizième à dix-neuvième rapports périodiques de la Grèce (suite): CERD/C/GRC/16-19; HRI/CORE/1/Add.121; liste des points à traiter (document distribué en séance, en anglais uniquement).

1. Sur l ’ invitation de la Présidente, la délégation grecque reprend place à la table du Comité.

2.MmeTELALIAN (Grèce) indique que la loi relative à la pénalisation des actes ou activités constituant une discrimination raciale (CERD/C/GRC/16‑19, par. 130) de 1979 n’a été appliquée par les tribunaux grecs que de manière très limitée en raison de la réticence de ces derniers à restreindre la liberté d’expression. Il est difficile de comprendre comment l’opinion publique et les magistrats abordent cette question si l’on ne connaît pas les événements politiques qui se sont produit en Grèce de 1967 à 1974. Cette époque, qui était caractérisée par la censure, l’interdiction des livres et des médias, l’abolition de la liberté d’opinion et d’expression, a profondément marqué la population et les institutions grecques. C’est notamment l’une des raisons pour lesquelles la Grèce est aujourd’hui très sensible à la liberté des médias et à la liberté d’expression. Une autre raison qui explique pourquoi les juges hésitent à restreindre la liberté d’expression est que l’idéologie raciste n’a jamais réellement trouvé prise dans la société grecque. En effet, jusque dans les années 90, la Grèce était une société homogène qui comptait peu d’étrangers. Ceux-ci ont commencé à affluer dans le pays à la fin de la guerre froide et la Grèce s’est attachée à créer toutes les structures nécessaires à leur accueil et intégration.

3.Mme Telalian affirme que les événements qui se sont produits récemment entre des étrangers et des policiers grecs ne sont pas la manifestation d’une idéologie raciste mais des incidents isolés. La Grèce, qui ne sous-estime pas le danger que représentent de tels incidents, se prépare, du reste, à adopter une nouvelle loi contre le racisme et les discours incitant à la haine raciale et xénophobe. En outre, la Cour suprême grecque devrait prochainement se prononcer sur cette question fondamentale, jurisprudence qui guidera toutes les juridictions inférieures. Le fait qu’un procureur puisse revenir sur une décision de justice dans l’intérêt de la loi constitue, en outre, un outil primordial dans la lutte contre la discrimination sous toutes ses formes.

4.Évoquant la question de l’antisémitisme, Mme Telalian estime que nul ne peut affirmer que l’opinion publique grecque ait adopté des positions antisémites. Au contraire, des mesures ont récemment été prises pour sensibiliser la population à ce problème. Depuis janvier 2006, par exemple, tous les établissements scolaires des niveaux primaire et secondaire dispensent un enseignement sur l’holocauste. Cette question est prise très au sérieux par le Gouvernement grec.

5.M. PAPAGEORGIOU (Grèce) indique que la loi no 3304/2005 relative à l’«application du principe de l’égalité de traitement indépendamment de l’origine raciale ou ethnique, des convictions religieuses ou autres croyances, du handicap, de l’âge ou de l’orientation sexuelle» (ibid., par. 13) incorpore deux directives de l’Union européenne qui traitent de ce thème. Cette loi vise à instaurer un cadre réglementaire général à l’appui de la lutte contre la discrimination dans plusieurs domaines et à désigner ou instituer des organes pour protéger, promouvoir et superviser le respect du principe de non-discrimination. La loi no 3304 interdit aussi bien la discrimination directe que la discrimination indirecte et assimile à de la discrimination le harcèlement ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité d’une personne et de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant. Toute instruction tendant à appliquer à une personne un traitement discriminatoire pour les motifs précités est aussi assimilée à de la discrimination. L’article 6 de cette loi précise que l’adoption ou le maintien de mesures spéciales destinées à atténuer les inégalités que connaissent certains groupes spécifiques de population ne constitue pas une discrimination mais s’inscrit dans le cadre de l’action positive de l’État à leur égard.

6.Répondant à M. Kemal qui souhaitait connaître les effets concrets de la promulgation de la loi no 3304, M. Papageorgiou explique qu’elle a permis de créer plusieurs organes chargés de promouvoir l’égalité de traitement, notamment le bureau du Médiateur (ibid., par. 252), le Comité pour l’égalité de traitement (ibid., par. 253) et l’Inspection du travail (ibid., par. 254). Ainsi, le bureau du Médiateur (ibid., par. 253) examine les plaintes pour violation présumée du principe de l’égalité de traitement par les services du secteur public, des administrations locales et régionales et des autres organismes publics, des sociétés d’économie mixte, des entreprises publiques, des collectivités locales et des entreprises dont la gestion est directement ou indirectement contrôlée par l’État. Le bureau du Médiateur peut également enquêter sur les plaintes relatives au statut des fonctionnaires, lorsqu’elles se rapportent à des cas de traitement discriminatoire. En outre, il est habilité à effectuer des enquêtes et à établir des rapports sur la mise en œuvre et la promotion du principe de l’égalité de traitement. Le rapport d’activités du bureau du Médiateur indique qu’il a enquêté en 2007 sur 80 affaires: 41 plaintes concernaient la discrimination raciale, 32 la discrimination dans le domaine du logement, quatre la discrimination dans le domaine de l’éducation et trois la discrimination sur le lieu de travail. Trente de ces plaintes étaient en instance de jugement au moment de la rédaction du rapport périodique à l’examen, et cinq avaient été rejetées comme insuffisamment fondées.

7.En 2008, le Département de l’égalité des chances de la Direction de la protection sociale a reçu six plaintes, dont trois lui avaient été transmises par la Commission européenne, tandis que les trois autres concernaient la discrimination dans l’emploi fondée sur l’âge, le handicap, l’origine ethnique, la religion et l’orientation sexuelle.

8.M. Papageorgiou explique que le Comité pour l’égalité de traitement (ibid., par. 253), qui est placé sous l’autorité du Ministère de la justice, examine les violations du principe de l’égalité de traitement commises par des personnes physiques ou morales, qui ne relèvent ni de la compétence du bureau du Médiateur ni de celle de l’Inspection du travail. Ce comité a mis en place une ligne téléphonique spéciale qu’ont utilisée une quinzaine de personnes en 2008 et 2009 pour s’informer de ses compétences et de ses pouvoirs.

9.M. Papageorgiou dit en conclusion que la loi no 3304/2005 demeure sans doute trop peu connue du grand public et que le Gouvernement grec déploiera des efforts supplémentaires pour mieux en expliquer les dispositions. La Grèce est consciente de l’importance du défi à relever pour sensibiliser les victimes réelles ou potentielles aux moyens d’action accrus offerts par le nouveau dispositif législatif de lutte contre la discrimination.

10.MmeTELALIAN (Grèce) rappelle que la minorité musulmane de Thrace est la seule qui soit officiellement reconnue comme telle en Grèce. Elle compte environ 100 000 personnes qui se répartissent en trois groupes distincts, les Turcs, les Pomaques et les Roms (ibid., par. 24). Ces trois groupes sont libres de déclarer leur origine, de parler leur langue, d’exercer leur religion et d’observer leurs propres coutumes et traditions.

11.Mme Telalian dit qu’il n’est pas question de regrouper en une seule identité ethnique l’ensemble de la minorité musulmane de Thrace car cela reviendrait à attribuer une identité turque aux Pomaques et aux Roms, alors que ces derniers parlent leur propre langue et disposent d’une culture propre. Les Pomaques ont par le passé fait l’objet d’intimidations afin qu’ils abandonnent leur langue et s’identifient comme étant d’origine turque, mais le Gouvernement s’efforce de protéger l’identité et la spécificité de cette composante du groupe minoritaire.

12.S’agissant de la question de l’auto-identification, Mme Telalian réitère que la Grèce respecte pleinement le droit de chacun à l’auto-identification. La Convention-cadre du Conseil de l’Europe pour la protection des minorités nationales énonce clairement qu’une personne ne peut choisir arbitrairement d’appartenir à une minorité nationale et que son choix subjectif est indissociable du critère objectif relatif à son identité. La Grèce reconnaît parfaitement ces critères objectifs dans le cas de la communauté musulmane mais estime que rien ne l’oblige à la reconnaître dans son ensemble comme étant turque car il n’est pas acceptable que la composante majoritaire du groupe minoritaire puisse imposer sa propre identification à l’ensemble des autres composantes de ce groupe. La Grèce estime qu’en ce qui concerne le droit international, lesrevendications et perceptions subjectives d’un nombre restreint de personnes, qui ne sont pas fondées sur des faits et critères objectifs, n’entraînent pas l’obligation pour l’État de reconnaître spécifiquement à un groupe le statut de minorité et de garantir à ses membres des droits spécifiques, en plus de ceux que leur confèrent les instruments relatifs aux droits de l’homme.

13.Mme Telalian appuie le point de vue de M. Thornberry selon lequel la désignation d’une minorité ne devrait pas être dictée ou imposée par une puissance ou un acteur étrangers. Elle explique que ce n’est pas le Gouvernement grec qui essaie d’imposer une identité à la minorité musulmane mais que c’est cette minorité elle-même, ou tout du moins son élément majoritaire, qui essaie d’en imposer une aux autres. Depuis les années 90, la Grèce s’efforce de ne pas traiter les minorités comme un objet des relations entre États: étant convaincue que la stabilité de la région dépend du bien-être des minorités, elle s’efforce de faire en sorte que les questions qui les concernent ne puissent pas être exploitées par des puissances étrangères à des fins politiques.

14.Mme Telalian reconnaît que la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la Grèce à trois reprises pour avoir interdit ou dissout trois associations différentes. Cela dit, ce chiffre est à rapporter aux centaines d’autres associations actives en Thrace. L’exécution de ces trois arrêts, auxquels la Grèce est tenue de se conformer, pose problème dans la mesure où il n’existe pas de disposition législative nationale permettant la réouverture des procès devant les juridictions internes. Le Gouvernement étudie toutefois les moyens de s’acquitter de cette obligation; il a prévu d’annoncer la procédure qu’il aura mise sur pied avant la fin de l’année.

15.Les muftis sont des chefs spirituels et religieux exerçant aussi des fonctions de nature judiciaire, en matière de mariage, de divorce, de garde d’enfants et de succession. Depuis l’adoption d’une loi spéciale en 1991, ils sont nommés par le Gouvernement parmi les dignitaires de la communauté musulmane. Cette nomination fait l’objet d’une procédure transparente, sous le contrôle de la communauté musulmane, et ne saurait donc être qualifiée d’arbitraire. En revanche, certains membres de la minorité musulmane ont enfreint la loi en désignant leur propre mufti alors qu’une autre personne avait été légalement nommée. La Cour européenne a estimé à deux reprises qu’il y avait eu violation de l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme (liberté de religion) dans des affaires de ce type. Toutefois, les arrêts rendus ne concernaient pas la légalité de la nomination du mufti mais les poursuites engagées contre celui‑ci pour avoir publié et signé des messages à l’intention des musulmans de la région alors que les autorités grecques avaient nommé un autre mufti.

16.M. KASTANAS (Grèce), répondant à une question de M. de Gouttes et M. Lindgren Alves, explique que les musulmans de Thrace sont libres de choisir entre le mufti, qui applique la charia, et les juridictions de droit civil dans les affaires qui concernent la famille et la succession. Cependant, la charia n’est appliquée que dans la mesure où ses règles sont compatibles avec les valeurs fondamentales de la société grecque et avec l’ordre juridique interne ainsi qu’avec les obligations internationales de la Grèce relatives aux droits de l’homme, en particulier celles qui touchent l’égalité des sexes. Les dérogations au Code civil ne peuvent donc être que mineures. En tout état de cause, la polygamie et le mariage par procuration sont interdits. La loi de 1991 dispose que les tribunaux n’appliquent pas les décisions des muftis qui sont contraires à la Constitution. En 2008, le tribunal de première instance de Rhodope, en Thrace, a réaffirmé que l’application de la charia dans les affaires de succession devait respecter le principe de l’égalité des sexes consacré par la Constitution grecque et les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme auxquels la Grèce est partie.

17.Mme TELALIAN (Grèce), répondant à une question sur la durée de la scolarité obligatoire, indique que celle‑ci est passée récemment de neuf à dix années et commence donc dès l’âge de 5 ans, ce qui correspond à la dernière année des classes maternelles. Elle précise qu’aucun manuel n’est utilisé en maternelle et que la question du matériel pédagogique utilisé pour les enfants appartenant aux minorités ne se pose donc pas à ce niveau. Reconnaissant toutefois que les enseignants musulmans sont très peu nombreux en maternelle, elle souligne que le Gouvernement s’efforce actuellement de corriger cette situation, en particulier dans les zones où la minorité musulmane est nombreuse.

18.Revenant sur la question de la minorité dite «macédonienne», qui semble susciter beaucoup d’interrogations, Mme Telalian explique que ce n’est pas le groupe lui‑même qui n’est pas reconnu mais l’emploi de l’adjectif «macédonienne», qui ne correspond à aucun critère objectif d’auto-identification. Cet adjectif est aussi utilisé par des milliers de Grecs qui vivent en Macédoine-orientale-et-Thrace et son emploi pour désigner une autre appartenance est donc source de confusion. Une telle désignation est d’autant plus difficile à comprendre qu’elle revendique une identité qui n’a pas d’existence historique et qu’elle ne correspond à aucun critère ethnique, national ou linguistique. Ceci dit, la minorité en question, si elle n’est pas reconnue officiellement sous ce nom, jouit de nombreux privilèges: elle a son propre parti politique et elle est libre de parler sa langue. En outre, ses membres sont libres de déclarer qu’ils appartiennent à un groupe donné sans avoir pour autant à craindre de conséquences négatives.

19.En ce qui concerne la Maison de la culture macédonienne, centre culturel dont l’enregistrement avait été refusé par les autorités, Mme Telalian indique qu’une nouvelle tentative étant demeurée vaine, un recours a été engagé devant la Cour suprême, laquelle n’a pas encore statué. La seule précision que la délégation soit donc en mesure d’apporter sur cette affaire est que le refus initial d’enregistrer cette association était motivé par l’emploi de l’adjectif «macédonienne» et la confusion qu’il entraîne.

20.Mme CHOURDAKI (Grèce), répondant à une question de M. Lindgren Alves, dit qu’en matière de scolarité, les enfants d’immigrés musulmans sont traités comme s’ils étaient étrangers afin de pouvoir bénéficier du programme d’enseignement interculturel s’ils le souhaitent. Ce type d’enseignement, mis en place depuis plus de dix ans, vise à atteindre les objectifs fixés par le Conseil de l’Europe et l’UNESCO dans le cadre de la stratégie «Apprendre à vivre ensemble». Il existe aujourd’hui en Grèce 25 écoles interculturelles (13 dans le primaire et 12 dans le secondaire).

21.Répondant à M. Huong au sujet du quota appliqué pour faciliter l’entrée des étudiants de la minorité musulmane à l’université ou dans les instituts de technologie, Mme Chourdaki dit que cette mesure a été couronnée de succès puisqu’en 2008, 71 % des élèves concernés ont été admis dans l’enseignement supérieur. Les élèves issus de la minorité musulmane qui choisissent malgré tout de passer les examens généraux bénéficient eux aussi de dispositions spéciales leur permettant d’entrer à l’université avec des notes inférieures à la moyenne normalement requise.

22.Plusieurs programmes sont mis en œuvre dans le but de faciliter l’intégration scolaire des enfants qui appartiennent à une minorité et d’améliorer les relations entre les communautés à l’école. Plus de 50 établissements participent au projet pour l’éducation à la citoyenneté démocratique, sous l’égide du Conseil de l’Europe, et plus de 120 font partie du réseau des écoles associées de l’UNESCO (ASPNet), qui a pour vocation de promouvoir la compréhension mutuelle et le règlement des différends à l’école. Un nouveau projet pour l’intégration des enfants roms doit en outre être lancé au mois de septembre, dans le cadre du système d’enseignement interculturel. Celui-ci mettra l’accent sur les normes internationales en vigueur et s’appuiera notamment sur l’intervention de médiateurs.

23.Le programme enseigné dans les classes d’intégration et de soutien est le programme national commun, auquel sont ajoutées plusieurs heures consacrées à améliorer les connaissances des élèves en difficulté, notamment la connaissance de la langue grecque. D’après les données disponibles au début 2009, le nombre d’abandons scolaires chez les enfants roms en 2008/2009 a été de 280 (sur 1 243 élèves) en classe maternelle et 1 647 (sur 11 128 élèves) au niveau primaire. Le Gouvernement grec, conscient que ces chiffres restent relativement élevés, s’emploie à essayer d’améliorer la situation.

24.Répondant à une question de M. Cali Tzay, Mme Chourdaki explique que la langue parlée par les Roms de Grèce n’est pas enseignée à l’école du fait des difficultés pratiques liées à sa spécificité. En effet, cette langue se distingue de celle parlée par les autres Roms d’Europe et il est très difficile de disposer du matériel pédagogique nécessaire. En revanche, des mesures ont été prises et d’autres sont prévues pour faciliter la scolarité des enfants roms. La plus novatrice d’entre elles consistera à désigner des médiateurs chargés d’accompagner les enfants à l’école et de leur servir d’interprète si besoin est. L’introduction de la carte d’élève itinérant, mentionnée par M. de Gouttes, a déjà fait la preuve de son utilité en facilitant le suivi de la scolarité des enfants roms dont les parents n’ont pas de domicile fixe.

25.MmeKYRIAKAKI (Grèce) indique que dans une déclaration faite le 28 avril 2001 lors de la troisième conférence de la Fédération panhéllenique des Associations de Roms grecs, lesdits Roms grecs ont eux-mêmes déclaré faire partie intégrante de l’hellénisme. Il n’est donc pas nécessaire de leur reconnaître le statut de minorité, d’autant plus qu’ils jouissent de tous les droits fondamentaux au même titre que les Grecs de souche.

26.En vertu de la loi sur les données à caractère personnel, il est interdit de recueillir certaines informations personnelles, comme les convictions religieuses, afin d’éviter toute discrimination et tout préjugé. C’est pourquoi la délégation n’est pas en mesure de préciser quelle est la religion des différents groupes de Roms du pays. La religion n’est d’ailleurs pas non plus mentionnée sur les cartes d’identité.

27.Dans le cadre du programme de prêts immobiliers en faveur des Roms grecs, 9 000 prêts de 60 000 euros chacun − dont le financement est garanti par le budget de l’État ‑ ont été octroyés à des familles de Roms grecs dans des conditions de remboursement favorables, les bénéficiaires étant subventionnés par l’État à hauteur de 80 % des intérêts et pouvant échelonner les paiements sur une période de vingt-deux ans. Le Gouvernement grec réfléchit au moyen d’introduire de nouvelles mesures positives pour le remboursement de ces prêts.

28.L’intégration des Roms dans la société est un problème très complexe et multidimensionnel, commun à tous les pays européens qui abritent une population rom. Ce problème a un aspect social non négligeable, dont les autorités tiennent compte lors de l’élaboration et de la mise en œuvre de politiques d’intégration sociale. Le Gouvernement grec n’entend aucunement négliger cette question, à laquelle il accorde toute l’attention qu’elle mérite.

29.M. KARAGEORGOS (Grèce) dit que l’article 81 de la loi no 3386/2005 prévoit la création de lieux de rétention pour les étrangers frappés d’expulsion. Au cours de leur rétention, qui ne peut excéder trois mois, ceux-ci ne font l’objet d’aucune discrimination et leurs droits fondamentaux sont respectés. La police grecque, qui est chargée d’administrer les lieux de rétention, coopère à cet effet avec les municipalités locales, les organisations non gouvernementales (ONG) et le Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR) pour en améliorer les conditions de vie. Cela dit, le manque de locaux de ce type est un réel problème, du fait de l’afflux massif et quotidien de clandestins originaires de pays tiers désireux de s’établir dans un pays de l’Union européenne. Pour faire face à ce problème pressant, le Gouvernement grec a mis en place dès mars 2004 de nouveaux centres pour immigrants en situation irrégulière répondant aux normes imposées par le HCR, notamment sur l’île de Samos (où le centre a une capacité d’accueil de 300 personnes), à Evros (dont les installations peuvent accueillir jusqu’à 500 personnes), pour un coût total de 1,5 million d’euros. D’autres centres encore devraient être créés dans les préfectures d’Attica, d’Achaia, de Kavala et du Dodécanèse, ainsi que sur l’île de Crête. Tous les frais découlant de la prise en charge des immigrants clandestins sont couverts par le Ministère de l’intérieur. Un centre de 54 places spécialement destiné à accueillir des mineurs a en outre été créé en avril 2008 dans la banlieue d’Athènes, à Amigdaleza. Il est doté d’une salle d’ordinateurs, d’un terrain de football et d’une bibliothèque, dispense des cours et offre des services de santé. Au cours des quatre dernières années écoulées, le Ministère de l’intérieur a débloqué plus de 10 millions d’euros en faveur des immigrants clandestins, dont trois millions pour les nourrir et les loger. En 2005, il avait déjà décidé d’investir 8 millions d’euros pour améliorer les conditions de vie dans les centres de rétention.

30.Dans le cadre de la coopération transfrontalière de prévention de l’immigration clandestine, le Ministère de l’intérieur/siège de la police grecque a en outre participé au financement des programmes de la Commission européenne INTERREG II et INTERREG III, à concurrence de 10 millions et de 31 millions d’euros respectivement. Ces fonds ont notamment permis l’achat de caméras infrarouge et d’hélicoptères mis à la disposition des personnels des services frontaliers.

31.En 2008, 146 000 immigrants étaient en situation irrégulière, parmi lesquels 11 600 mineurs et 1 423 femmes. Au premier semestre 2009, 50 000 clandestins ont déjà été interceptés. L’accueil des mineurs non accompagnés est régi par l’article 19 du décret présidentiel n° 220/2007 − qui a transposé dans l’ordre juridique interne grec la directive 2003/9/CE du Conseil de l’Union européenne du 27 janvier 2003 fixant les normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile. Le Procureur pour les mineurs, qui est informé de la présence sur le territoire de tout mineur non accompagné − demandeur d’asile ou non − veille à ce que chaque mineur non accompagné reçoive la protection adéquate et soit dûment représenté par un commissaire spécialisé. Dès lors que le mineur a présenté une demande d’asile, les autorités compétentes sont dans l’obligation de s’assurer qu’il est placé dans un centre adapté aux mineurs afin qu’il soit à l’abri de la traite et de l’exploitation, de veiller à ce que les membres d’une même famille soient logés dans les mêmes locaux et de retrouver, dans la mesure du possible, les membres de la famille dudit mineur. Les personnels travaillant dans ces centres sont tenus de ne pas divulguer les informations dont ils ont connaissance afin de garantir le respect de la vie privée du mineur ainsi que sa sécurité et celle de ses proches, dont certains résident encore dans son pays d’origine. L’examen des demandes d’asile se fait conformément aux règles internationales et aux lois grecques pertinentes.

32.Les mineurs placés en rétention sont séparés des adultes jusqu’à ce que la police parvienne à déterminer leur âge. Tout au long de la procédure d’examen de la demande d’asile, les mineurs jouissent d’un environnement qui leur est favorable, notamment de services de soins de santé et de services d’interprétation dans leur langue maternelle ou dans une langue qu’ils comprennent. Des directives ont en outre été élaborées à l’intention des services de police afin que ces derniers sachent comment aider les ONG chargées d’offrir aux mineurs une assistance juridique et sociopsychologique. La question sensible des mineurs non accompagnés n’est pas uniquement du ressort des services de police; c’est ce qui explique que diverses autres entités, telles que les autorités judiciaires, le Ministère de la santé et de la solidarité sociale, d’autres services du Ministère de l’intérieur, le Ministère de l’éducation ou encore le Ministère de la justice interviennent tous à un moment ou à un autre au cours de la procédure d’asile.

33.Toute violation des droits fondamentaux des immigrants par les membres des forces de l’ordre donne lieu à l’ouverture d’une enquête en vertu du Règlement disciplinaire des forces de police, intitulé «Code de discipline des forces de police». Il est vrai que les procédures tardent à aboutir, ce qui peut laisser penser que les supérieurs hiérarchiques des auteurs présumés des actes dénoncés cherchent à les «couvrir». Ce n’est pourtant pas le cas: l’apparente lenteur résulte seulement de la volonté de préserver également les droits de la défense en menant une enquête approfondie pour établir les faits. Une fois les faits avérés et les responsabilités établies, les agents qui s’en sont rendus coupables sont punis et se voient imposer une sanction disciplinaire. En aucun cas, le Ministère de l’intérieur ne tolère que les forces de l’ordre aient un comportement raciste ou xénophobe ou une attitude inappropriée envers un ou plusieurs groupes de citoyens, tels les Roms. Dans le cas des affaires portées devant la Cour européenne de justice, les policiers mis en cause ne s’étaient rendus coupables d’aucune discrimination au motif de la race: ils avaient agi comme on pouvait attendre qu’ils le fassent dans l’exercice de leurs fonctions, et l’origine ethnique ou l’appartenance à un groupe vulnérable des personnes concernées n’avait en rien influencé leur comportement.

34.M. KASTANAS (Grèce) dit que la Commission nationale des droits de l’homme a élaboré divers rapports, émis de nombreux avis et recommandations sur un certain nombre de questions intéressant le Comité, dont des rapports très complets sur la situation des Roms, la législation antidiscriminatoire et le cadre législatif de la protection des réfugiés et des demandeurs d’asile. Les commentaires qu’elle a faits sur les seizième à dix-neuvième rapports périodiques de la Grèce ont notamment permis aux autorités compétentes de réfléchir de manière autocritique aux mesures qu’elles ont adoptées dans divers domaines pour mettre en œuvre la Convention. La Commission nationale des droits de l’homme est en outre très active en matière d’éducation aux droits de l’homme et formule souvent des critiques constructives à l’intention des autorités compétentes qui ne manquent pas d’en ternir compte.

35.Mme TELALIAN (Grèce) dit que les Albanais qui résident sur le territoire national sont soit des résidents à part entière, soit des saisonniers au bénéfice d’un contrat de travail, et ne sont donc pas considérés comme des minorités mais comme des travailleurs migrants. Tous jouissent de leurs droits fondamentaux, comme les autres personnes résidant en Grèce. La question de l’octroi du statut de minorité à un groupe donné n’a aucun lien avec son importance numérique mais dépend de critères bien précis, parmi lesquels la volonté exprimée par les membres de ce groupe d’être reconnus en tant que telle. Or les Albanais qui résident en Grèce font partie intégrante du tissu social grec depuis de nombreuses années et n’ont jamais formulé le souhait d’obtenir ce statut.

36.Compte tenu qu’en Grèce, c’est le jus sanguinis et non le jus soli qui s’applique, les enfants d’étrangers nés en Grèce n’obtiennent pas la nationalité grecque à la naissance et doivent entamer une procédure de naturalisation s’ils souhaitent devenir grecs. En revanche, ceux qui sont nés en Grèce et dont les parents résident régulièrement sur le territoire jusqu’à leur 18 ans bénéficient d’un permis de résidence de longue durée et jouissent d’un statut à part qui présente de nombreux avantages.

37.Pour répondre aux besoins religieux des musulmans résidant dans l’Attique, la loi no 3512/2006 a prévu la construction d’une mosquée, «la Mosquée d’Athènes», qui sera financée sur des fonds publics. Pour des raisons à la fois techniques et financières, le projet a pris du retard mais devrait reprendre prochainement. De la même manière, la construction d’un cimetière musulman est à l’étude, notamment depuis que l’Église orthodoxe grecque a fait don à cette fin d’un terrain situé non loin d’Athènes. Là encore, ce sont des difficultés techniques qui empêchent le lancement des travaux.

38.M. LINDGREN ALVES a toujours pensé que les Macédoniens étaient des slaves et se reconnaissaient comme tels. Il se demande si dans l’affaire Sidiropoulos and Others c. Grèce portée devant la Cour européenne des droits de l’homme, le choix d’un autre nom pour le centre culturel, par exemple «Maison de la culture macédonienne slave», aurait été mieux accepté.

39.Mme TELALIAN (Grèce) ne peut parler pour les Macédoniens d’origine slave en disant s’ils accepteront ou non l’idée d’une entité visant à promouvoir leur culture slave, dans la mesure où ils ne revendiquent pas leur origine slave. De fait, contrairement aux anciens dirigeants de l’ex‑République yougoslave de Macédoine qui reconnaissaient sans problème leur origine slave, un petit groupe de personnes vivant en Grèce rejettent l’expression «Macédoniens slaves» et ne font qu’exacerber les tensions entre elles et les 2,5 millions de Grecs qui se considèrent depuis de nombreux siècles comme des Macédoniens dans le contexte régional. Chacun sait que dans les Balkans, il n’existait pas de minorité macédonienne en tant que telle. Mme Telalian explique qu’il ne s’agit pas d’un problème de reconnaissance d’une minorité, mais simplement d’éviter de créer des tensions entre communautés, notamment dans la région des Balkans. Le Conseil de sécurité des Nations Unies a lui‑même demandé aux parties concernées de régler ce problème d’ordre essentiellement terminologique.

40.La PRÉSIDENTE invite les membres du Comité à poser d’autres questions de suivi mais fait observer que par manque de temps, la délégation grecque ne pourra y répondre à la séance en cours. Elle propose donc à la délégation de fournir les renseignements demandés ultérieurement par écrit ou de veiller à ce qu’ils figurent dans le prochain rapport périodique de la Grèce.

41.M. PROSPER, notant que la question des atteintes à la liberté d’expression et de l’incitation à la haine raciale relève essentiellement des tribunaux, demande si le Gouvernement grec a déjà eu l’occasion de faire connaître sa position sur la loi relative à la liberté d’expression. Dans l’affirmative, il souhaite connaître cette position.

42.M. de GOUTTES se félicite de la législation nationale antidiscriminatoire de 1975 et de 2005, mais note avec préoccupation qu’elle a une application très limitée. Il s’étonne que les autorités grecques expliquent cette situation par le fait que les tribunaux sont réticents à porter atteinte à la liberté d’expression, sachant que de nombreux actes de discrimination raciale et de racisme n’ont aucun rapport avec la liberté d’expression. À son avis, le nombre de plaintes et de poursuites judiciaires relatives à la discrimination raciale a des causes beaucoup plus profondes. Il souhaite que le Gouvernement grec veille à garantir l’effectivité des poursuites judiciaires pour les affaires de discrimination raciale, notamment en facilitant le dépôt des plaintes. D’une manière générale, il souhaite que l’État partie revienne sur le problème de l’effectivité de l’application de la législation nationale antidiscriminatoire dans son prochain rapport périodique.

43.M. DIACONU voudrait obtenir des éclaircissements sur les possibilités offertes aux membres des communautés ethniques d’étudier dans leur langue maternelle ou d’apprendre cette langue. Il note par exemple que dans la région de la Thrace, les Grecs d’origine turque et pomaque exercent le droit d’étudier dans leur langue maternelle alors que dans d’autres régions, d’autres communautés, notamment les Roms et les personnes de souche albanaise, ne le peuvent pas.

44.M. EWOMSAN fait simplement observer que l’idée de citoyen du monde chère à la philosophie grecque devrait inciter la Grèce à redoubler d’efforts pour lutter contre la discrimination raciale et le racisme.

45.M. PETER souhaite que l’État partie revienne dans son prochain rapport périodique sur deux points: la nomination des muftis par l’État, qui pose le problème du rôle de l’État dans la religion, et la formation fournie aux fonctionnaires de police pour les aider notamment à s’occuper des mineurs migrants non accompagnés.

46.M. LAHIRI note qu’en dépit de la bonne volonté manifeste de l’État partie d’améliorer la situation des Roms, ces derniers se heurtent encore à des problèmes importants en ce qui concerne l’accès au logement et à l’éducation. Il demande à l’État partie de fournir dans son prochain rapport périodique des données permettant d’évaluer l’efficacité des mesures prises en faveur des Roms. Il souhaite aussi que la Grèce fournisse d’autres renseignements sur la situation des migrants en situation irrégulière, en particulier sur les conditions de vie dans les centres de rétention.

47.M. THORNBERRY dit que l’argument de l’absence de langue écrite ne peut être invoqué pour justifier le fait qu’une minorité ethnique ne peut recevoir un enseignement dans sa langue maternelle. Quelle que soit la langue, il existe toujours des écrits qui peuvent donner lieu à l’élaboration de manuels et d’ouvrages permettant d’enseigner une langue et, ainsi, de garantir sa survie. Par ailleurs, M. Thornberry souhaite que l’État partie revienne dans son prochain rapport périodique sur le problème du coût de l’éducation pour la communauté rom.

48.M. LINDGREN ALVES (Rapporteur pour la Grèce) remercie la délégation grecque d’avoir répondu en détail et avec beaucoup de franchise aux questions posées par les membres du Comité. Il se félicite des mesures d’ordre économique et social prises par l’État partie pour améliorer la situation des communautés ethniques, en particulier celle des Roms et des musulmans, et pour faire reculer le racisme et la discrimination raciale. À son avis, beaucoup reste à faire dans le domaine de la culture. Le problème vient sans doute de la notion même de «minorité ethnique» qui revêt une grande importance dans le contexte européen et qui astreint les États à de nombreuses obligations. Il évoque la situation aux États‑Unis et au Brésil où l’expression «minorité ethnique» n’est quasiment jamais utilisée pour faire référence à des communautés minoritaires. À son avis, il n’existe plus de race pure et le futur de la planète réside dans le métissage dans tous les pays.

49.M. VERROS (Grèce) regrette que sa délégation n’ait pu répondre aux dernières questions des membres du Comité mais se félicite du dialogue franc et constructif qui s’est instauré et se poursuivra entre la Grèce et le Comité. La délégation grecque attend avec beaucoup d’intérêt de prendre connaissance des observations finales du Comité.

50.La PRÉSIDENTE se joint à M. Lindgren Alves pour remercier la délégation et se félicite du dialogue de haute tenue et pleinement satisfaisant auquel a donné lieu l’examen des seizième à dix‑neuvième rapports périodiques de la Grèce.

La séance est levée à 13 heures.

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